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COLLOQUE INTERNATIONAL

LE GRAS 25 ANS APRÈS :


LES PATIENTS A L’ÉRPEUVE DES SOINS
Oran, les 27 - 28 - 29 octobre 2016

Pratiques de soins des bénévoles de la


santé et du handicap
par

Houari BENKADA
Doctorant en sociologie de la santé
Unité de Recherche en Sciences Sociales et Santé - GRAS
Université d’Oran 2 – Mohamed Ben Ahmed
Contenu de la présentation

Objectif
Problématique
Méthode et contexte
Logiques d’engagement des bénévoles
Pratique sanitaires des bénévoles
Conclusion
Objectif
Mettre au jour le travail de soins déployé au
quotidien par les bénévoles auprès des
personnes malades et des personnes en
situation de handicap.
L’intérêt est porter sur les bénévoles en tant
qu’acteur s’inscrivant dans une logique sociale
de prise en charge, d’accompagnement et de
soutien moral et matériel de personnes en
situation de grande vulnérabilité.
Problématique

Quand la famille est à bout de bras


L’accompagnement des personnes malades ou en situation
de handicap, est habituellement assuré par un membre de
leurs familles en sa qualité de « garde malade » ou d’aidant
naturel. Ce travail sanitaire profane, s’avère n’être pas du
seul ressort de la famille.
D’autres acteurs s’en approprient dans le cas où les
ressources de celle-ci (financières, relationnels, affectives,
cognitives, etc.) ne peuvent plus faire face à la maladie ou à
l’handicap de la personne en charge.
G. Cresson affirme « qu’afin d’assurer le bien-
être, la sécurité et la santé de son enfant, il
faut que les parents entrent en relation avec
des institutions qui relèvent du domaine
externe à la famille » (Cresson, 2001), dont les
associations.
Un travail individuel à l’ombre de l’action collective

Ce travail individuel profane et invisible, est très peu


valorisé par les professionnels de la santé et par les
pouvoirs publics. C’est la contribution collective traduite
par les actions des associations qui, le plus souvent, est
apparente et valorisée.
La quantité, ou pas, du travail associatif prend le dessus
sur la qualité non quantifiée de la participation des
bénévoles. Elle est reléguée à l’arrière plan du travail
sanitaire.
Un travail intermédiaire :
Entre la sphère familiale et la sphère professionnelle,
l’intervention des bénévoles des associations est loin d’être
visible et reconnue. Ses derniers effectuent des tâches proches
de celles assurées par la famille d’une part, et celles prodiguées
par les professionnels de la santé d’autre part.

Travail Travail Travail


familial bénévole professionnel
Un travail difficile à quantifier :

Les études sur l’importance de la contribution des associations


pour les personnes malades ou en situation de handicap sont
quasi absentes en Algérie. Seuls existent, des chiffres fournis
par le ministère de l’intérieur algérien faisant état de

151 associations nationales sur 1269 *


644 locales sur 109 000
activant dans le domaine de la santé

1746 associations locales sur 109 000


Activant dans le domaine de l’handicap et l’inadaptation

* Chiffres du Ministère de l’intérieur 2016


Notre contribution :

A notre niveau, nous abordons la problématique de


l’apport des associations dans le champ de la santé, en
focalisant notre regard sur le travail accomplie par les
bénévoles au quotidien auprès des personnes malades
et des personnes en situation de handicap en
s’interessant à leurs logiques et leurs pratiques.
Méthode et contexte :

Les éléments de cette communication son un fragment


de notre thèse de doctorat en cours intitulée
« Parcours de bénévoles des associations de la santé et
du handicap »

Approche : qualitative avec une démarche à visée


compréhensive où l’accent est mis sur les acteurs

Méthode : observation participante à découvert avec


immersion totale dans la vie des acteurs.
Comment ?
En février 2015, une opportunité de terrain se
présente à nous en étant sollicité par un groupe de
personnes atteinte de scléroses en plaques et leurs
aidants, à leur tête l’épouse d’un jeune homme
handicapé par la maladie depuis quelques années,
ceci dans le cadre de la formation des aidants initiée
par l’association APROCCH Chouagrani.
L’intérêt scientifique de ce groupe consiste à
contenir les différentes catégories étudiées;
- personnes malades,
- personnes en situation de handicap,
- aidants naturels et auxiliaire de vie
- bénévoles.
Notre travail, bénévole, consiste à animer un groupe de
parole pour les malades et leur proches. Nous
engageant nos compétences professionnelles de
psychologue clinicien pour accomplir cette tâche.
Nous accompagnons ses personnes dans leurs
différentes activités :
- Écoute et soutien psychologique
- Rencontre d’échange et d’information
- Sortie de détente
-Visites à domicile
Cet engagement s’est soldé dernièrement par notre
implication directe dans l’association « Moi et Toi contre
la SEP » récemment créée, en étant membre de son
bureau fondateur.
Logiques d’engagement des bénévoles

Les associations regroupent des bénévoles de


divers horizons. Retraités, étudiants, chômeurs,
professionnels de la santé, malades, parents de
malades, femmes « inactives », etc.
Chacun avec sa propre logique d’engagement, et
sa propre motivation pour le travail bénévole
qui découlent vers l’aide des personnes en
situation de vulnérabilité.
L’engagement bénévole est motivé par des raisons
diverses, selon la trajectoire; personnelle, professionnelle,
familiale.

Quelques raisons de l’engagement :


- Sa propre maladie ou celle d’un proche
- conditions insatisfaisantes dans milieu professionnel
- se sentir utiles, et affirmer son identité et exister en tant
que personne.
- faire du bien autour de soi comme acte de piété et de
foi, et fait partie de la pratique religieuse.
L’extrait d’entretien qui suit nous permet
d’illustrer la catégorie d’engagement s’inscrivant
dans la trajectoire familiale en rapport avec la
maladie.

Ȃgée de 28 ans, célibataire et sans emploi,


Houria est membre d’une association d’aide aux
malades atteints de cancer depuis deux ans.

A propos des circonstances de son adhésion à


l’association elle raconte :
« Ma mère, avant de mourir, était hospitalisée ici à l’hôpital pour
un cancer. J’étais son garde malade pendant toute la durée de
son hospitalisation. C’est pendant cette période, que j’ai
découvert l’association des cancéreux que je sollicitais de temps
à autre, elle m’aidait pour les Scanners et les IRM.
J’ai fais des connaissances parmi les infirmières qui s’occupaient
de ma mère que Dieu ai son âme. L’hôpital est devenu pour moi
un endroit où je passais plus de temps qu’à la maison. Après la
mort de ma mère, j’ai senti un grand vide autour de moi (soupir
suivi d’un temps de silence), ne sachant pas où aller je venais
rendre visite aux malades qui étaient hospitalisées avec ma
mère.
Je voyais en elles son image, et comme le personnel me
connaissait personne ne me disait rien. De temps en temps je
passais à l’association pour aider les malades à se procurer des
médicaments ou pour faire des examens. Je le faisais Fi Sabil
Allah (pour la cause de Dieu). Un jour la responsable de
l’association m’a demandé d’adhérer avec eux, et c’est ce que j’ai
fais « Sadaka aala ma » (aumône au profit de ma mère)»

(Houria, 28 ans).
Houria prend à cœur se qu’elle fait avec les malades et
particulièrement les femmes.
Elle transfère sur les autres femmes l’image de sa propre mère dont
elle tente de surmonter la disparition, et dont elle n’a pas encore
fait son deuil.
Son travail bénévole est motivé par ce qu’elle à vécu comme
épreuve au côté de sa mère. Elle à le sentiment de n’avoir pas fait
assez pour elle.
Houria passe du statut de garde malade à celui de visiteuse en
terminant par celui de bénévole dans une association.

Un autre exemple de bénévolat motivé par des raisons


professionnelles est celui de Moussa, cadre de la santé à la
retraite, il dirige un projet associatif de formation et relate les
circonstances de son engagement :
« Mon projet associatif de formation des aidants à été motivé essentiellement
suite à une rencontre que j’ai faite avec une femme de 30 ans dont le père de 73
ans venait de mourir après 17 ans de maladie. Ce qui m’a marqué chez elle et m’a
interpelé, c’est que sa seule préoccupation, ce n’était pas de ne pas avoir profité de
sa jeunesse mais plutôt de savoir si ce qu’elle faisait pour son père elle le faisait
bien. Fort de mon statut de directeur d’établissement très proche des centres de
décision ministériels, je me suis dit qu’il y a peut être quelque chose à faire, et
j’avais proposé un projet sur les soins à domicile, former les infirmiers pour les
soins à domicile. Tout le monde était d’accord et content, c’est un très bon projet.
C’était vraiment un rêve pour moi qui a duré longtemps jusqu’au jour où un conflit
ouvert avec la tutelle m’a fait sauté de mon poste de directeur …. Un peu plus tard
j’ai appris qu’il y avait une association qui voulait former des auxiliaires de vie, et
là ça été pour moi la révélation, parce que c’est ce que je voulais faire. J’ai trouvé
beaucoup de réponse à mes interrogations et à ce que j’avais envie de faire… »
(Moussa, retraité de la santé).
A contre courant de la logique administrative,
Moussa puise sa motivation dans le rapport humain
qu’il retrouve plus dans le milieu associatif. Il ne peut
réaliser son « rêve » que lors de son inactivité
professionnelle au sens administratif du terme. Sa
retraite lui permet de s’engager d’avantage et de
s’inscrire dans un projet qu’il été impossible pour lui
d’inscrire dans sa carrière professionnelle. Plus libre
et plus autonome, il met à profit son temps, son
expérience et ses compétences pour les personnes
malades et en situation de handicap.
Ces deux exemples nous donnent un petit
aperçu sur les logiques d’action et les
motivations des bénévoles qui sont autant
diverses que leur diversité au sein des
associations.
Ainsi le bénévolat n’est pas le fait du hasard,
mais une construction sociale inscrite dans une
trajectoire bien particulière de l’histoire
personnelle, familiale ou même professionnelle
des personnes engagées.

On ne nait pas bénévole on le devient.


Pratiques sanitaires des bénévoles
Si l’activité des associations peut être quantifiée
par le nombre de ses actions à travers leurs bilans
(moral et financier), ou valorisée à travers les
réseaux sociaux et la presse locale et nationale.
Les tâches effectuées, au quotidien, par les
bénévoles sont reléguées à l’arrière plan, et ne
sont que très peut visibles.
Ce travail de soins profane effectués par les
bénévoles est peu valorisé, voir méconnu.
Leur intervention est fondue dans l’action
collective, et de ce fait elle prend une forme
globale ne laissant que peu de place à la
reconnaissance au travail individuel.
Les associations sont souvent jugées
(positivement ou négativement) à partir de ce
qu’elles effectuent en tant qu’organisation
collective, et le mérite ou le préjudice revient
toujours au groupe dans son entité.
Comprendre l’apport des bénévoles au profit
des personnes malades ou en situation de
handicap à une échelle individuelle et
microsociologique dans un contexte collectif,
nous permet de comprendre l’apport des
associations dans le système de soins tout
entier.
L’association APROCH Chougrani est un exemple de
cette contribution individuelle dans un cadre collectif.
Ses bénévoles, sont pour la plupart des jeunes et des
femmes, intervenant sur différents niveaux, et à chacun
son champs d’intervention :
-Une infirmière à la retraite encadre des enfants
autistes par des activités artistiques, elle se déplace
aussi chez les personnes âgées pour leur prodiguer des
soins à domicile (injection, soins anti-escarres, etc.)
- une femme dont l’enfant est atteint d’un handicap
psychique, accompagne des mères d’enfants handicapés
dans leur démarchent quotidiennes (administratives,
médicales, loisirs, etc.).
- une jeune étudiante dont la mère souffre de séquelles
d’un AVC, transpose les gestes de kinésithérapie qu’elle
applique à sa mère sur d’autre personnes dans le
même cas, pour ne citer que cette pratique. Elle
polyvalente.
- deux jeunes étudiants en fin de cursus de médecine
gèrent la pharmacie de l’association, orientes les
malades, prodiguent des soins de base pour certains
malades à domicile.
- Un groupe de jeune répond aux sollicitations des
personnes en situation de handicap pour d’éventuels
déplacement chez le médecin, à l’hôpital, et même
pour des sorties de détente même les week-ends.
D’autres bénévoles aux profils divers interviennent
quotidiennement chacun selon son savoir et son
savoir-faire. Ainsi, ce sont de véritables compétences
qui sont mis en œuvres par les bénévoles pour
accomplir des tâches apparentées à celles apportées
par les proches parents , mais aussi à celles des
professionnelles de la santé.
- mettre à la disposition d’un malade un médicament
dont il ne peut se procurer de par sa situation
économique et sociale précaire,

- porter à bras le corps une personne dans l’incapacité


de se déplacer,

- prendre rendez-vous pour un examen médical,

- faire sa toilette ou donner à manger à un malade


hospitalisé,
- organiser des activités récréatives pour les enfants
malades,

- rendre visite aux personnes malades ou en situation


de handicap chez elles, l’hôpital ou dans les
établissement spécialisées,

- donner son sang ou mobiliser ses relations pour le


faire,

- prodiguer des soins à domicile aux personnes


grabataires (kinésithérapie, injections, soins anti-
escarres), etc.
-
Les bénévoles produisent des soins par leurs pratiques socio-
sanitaires qui ont peine à être reconnu
Pour en mesurer leur non reconnaissance nos prendrons
comme seul exemple le système de recrutement par voie
administrative des demandeurs d’emploi. La fonction
publique, dans sa nomenclature de recrutement, ne donne
aucune considération pour l’expérience associative, seule
compte l’expérience professionnelle formelle ouvrant droit aux
cotisations à la sécurité sociale, ou à des formations
diplômantes. La réalité nous montre que, bien des personnes
sans « aucune expérience », leurs compétences dépassent
largement celles des personnes avec une « expérience
professionnelles » avérée. La compétence de droit l’emporte
sur la compétence de fait.
Dans ce contexte, Kaplan Daniels, ne propose pas
simplement d’analyser les carrières de bénévoles
comme des carrières professionnelles, mais de les
considère comme telles et s’intéresse aux raisons qui
font que la société ne reconnait pas ce travail
invisible comme du travail (M. Simonet, 2010, 27).
Ainsi, le travail des bénévoles auprès des personnes
malades et en situation de handicap devrait être
reconnu comme un véritable travail de soins et de
prendre soins (care).

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