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Contexte
Réalisation d’un diagnostic local de santé (DLS) partagé avec l’ensemble des acteurs et partenaires de la Ville
de Strasbourg sur le sous-quartier de la Cité de l’Ill en réponse à un appel d’offres de la Ville de Strasbourg
lancé en mars 2013.
Ce diagnostic a été financé par l’Acsé (Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances).
Il vise à préparer un projet territorial de santé intégrant la future Maison urbaine de santé (Maison de santé
pluridisciplinaire) dans le quartier.
Méthodologie
Un diagnostic quantitatif
Une analyse des données statistiques existantes a été réalisée sur :
la population (situations démographique, économique, sanitaire et sociale…),
le territoire (situation géographique),
les ressources disponibles dans le quartier et à proximité de celui-ci (démographie des professions de santé,
offre hospitalière, structures, associations, actions d’éducation pour la santé, dépistage…).
Un diagnostic qualitatif
Il a permis d’approcher plus finement la perception et les attentes des professionnels de santé et de la population
quant aux :
problèmes de santé rencontrés et jugés prioritaires,
les déterminants de la santé sur lesquels agir,
les publics concernés par les principaux problèmes de santé,
les attentes des professionnels et habitants du quartier vis-à-vis d’un projet de maison de santé.
Il a également permis de recueillir les premières pistes d’actions qui permettraient de répondre aux problèmes repérés.
Ce diagnostic qualitatif se base sur des temps d’entretiens, d’échanges et d’observations sur le quartier :
La difficulté à toucher les personnes isolées est une des limites de ce diagnostic
Éléments de contexte
Repères géographiques
La Cité de l’Ill est intégrée au quartier de la Robertsau et est composée de deux Iris1 : Schwilgué et Anguille. Elle
jouxte les quartiers du Marais à Schiltigheim et le Ried à Hœnheim. Elle est classée en zone urbaine sensible de
priorité 2 et est intégrée à la ZUS « Grand Ried » à cheval sur les quatre communes, Bischheim, Hœnheim,
Schiltigheim et Strasbourg et sur les quartiers du Marais à Schilitigheim et de la Grossmatt à Hœnheim. Cette ZUS
comptait un peu plus de 10 000 habitants en 2009 (Figure 1).
1
Les communes d'au moins 10 000 habitants et une forte proportion des communes de 5 000 à 10 000 habitants sont découpées par l’Insee en IRIS
(Ilots Regroupés pour l'Information Statistique). Ce découpage constitue une partition de leur territoire. La France compte environ 16 100 IRIS dont
650 dans les DOM. Il s’agit principalement d’Iris d’habitat dont la population se situe général entre 1 800 et 5 000 habitants. La ville de Strasbourg
compte quant à elle 116 Iris.
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Composition du quartier
En 2009, le quartier comptait 4 749 habitants.
C’est le 4ème plus petit quartier de Strasbourg (en nombre d’habitants) : 1,7 % de la population strasbourgeoise
et 20,4 % de la Robertsau, avec une population composée pour 20,5 % d’immigrés (10ème rang/222).
Ce sont 1 782 logements répartis dans 57 immeubles avec 83 % de logements sociaux (2ème quartier/22) et
94 % de locataires (3ème quartier/22). Il y a peu de commerces, ceux-ci sont principalement situés rue de l’Ill :
un tabac-presse, deux salons de coiffure, une pharmacie, une épicerie, et un snack.
Enfin, il existe des dessertes en transports en commun à proximité et dans le quartier même : le tram B (arrêt
pont Phario à Bischheim qui se situe à environ 600 mètres de la rue de la Doller), le bus 6 (passant par la place
de la République, les Halles et Souffelweyersheim), le 72a (jusqu’à la place de la République) et le 70 (passant
par le vieux Robertsau, Hautepierre jusqu’à Oberschaeffolsheim).
Éléments sociodémographiques
La Cité de l’Ill est un des quartiers strasbourgeois présentant des indicateurs sociaux défavorables, mais ne se situe
jamais dans les extrêmes.
37%
25%
Prop de chômeur
ème 16%
6 / 22 quartiers
8%
24%
Prop d’allocataires dont le revenu est
14%
constitué à plus de 50 % de
prestations sociales 12%
ème
5%
9 / 22 quartiers
2
Le classement est fait sur 22 quartiers. Le découpage de la ville en 24 quartiers a été utilisé (cf. Rapport détaillée carte page 43), mais deux quartiers qui ne sont
pratiquement pas habités ont été exclus du classement (Zone d’activité du Port du Rhin et Zone d’activité de la plaine des bouchers).
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Concernant la situation économique et sociale de la population, ce quartier se situe :
Entre la 6ème et la 8ème place des quartiers ayant la plus forte proportion de bénéficiaires de prestations
sociales
à la 6ème place des quartiers où le revenu par unité de consommation est le plus faible (Cité de l’Ill : 11 075 €
vs. 23 495 € pour Strasbourg.
Enfin, on constate également une mobilité résidentielle faible puisque 76 % d’habitants âgés de 5 ans et plus résident,
en 2007, dans le même logement qu’en 2002. Il y a peu de nouveaux arrivants et la population diminue :
6,8 % de nouveaux arrivants entre 2002 et 2007 (vs. 19,3 % à la Robertsau et 22,3 % à Strasbourg),
diminution de 5,4 % de la population entre 1999 et 2007 (vs. +1,5 % à la Robertsau et +3,1 % à Strasbourg).
population vieillissante 2
conditions sociales et
2
familiales difficiles, précarité
social et physique
envrionnement
Le quartier dispose d’un cabinet constitué de trois médecins généralistes et de deux infirmières, de deux autres
cabinets constitués chacun d’un médecin généraliste, et d’une pharmacie.
L’offre de soins sur le quartier est inférieure à la moyenne communale (la densité lissée d’omnipraticiens sur un rayon
de 1 000 mètres est de 52 médecins pour 100 000 habitants vs 96 pour 100 000 pour l’ensemble de la ville). L’accès
aux soins est jugé problématique par les professionnels rencontrés (5 entretiens). C’est plus précisément le manque
On pourra cependant noter que l’on trouve ces professionnels dans un rayon de deux kilomètres en partant du centre
du quartier.
L’accès aux droits et à l’information a également été cité de manière problématique dans 5 entretiens, notamment
pour la question des droits en matière de couverture sociale, souvent entravée du fait de démarches administratives
complexes. Ce problème se rencontre surtout chez les personnes âgées ou les personnes issues de l’immigration chez
lesquelles la barrière de la langue vient accentuer le problème.
Les soins à domicile, en demande croissante notamment pour les personnes âgées, ne semblent plus suffisants. Il
existe dans le quartier une Maison des aînés mais son rôle relève de l’information, du conseil et de la coordination.
L’accessibilité des logements est rendue difficile par l’absence d’ascenseurs, en particulier pour les personnes âgées en
perte de mobilité, les personnes handicapées et les familles avec des enfants en bas âge nécessitant des poussettes.
L’environnement extérieur est agréable, mais pas toujours suffisamment sécurisé ; en effet les aires de jeux ne sont
pas clôturées et les habitants se plaignent de la vitesse de circulation excessive de la part de certains automobilistes
ou deux-roues.
L’offre d’activités sportives, culturelles et de loisirs est importante, mais peut-être pas équivalente pour toutes les
catégories de population (manque d’activités pour les femmes et les plus jeunes) et pas suffisamment connue ou
accessible.
Les difficultés d’insertion socio-professionnelles et les longues périodes d’inactivité entraînent un sentiment de
dévalorisation et portent atteinte à l’estime de soi. Il a, enfin, été souligné que la pénibilité au travail impacte
fortement l’état de santé de certains travailleurs, principalement les ouvriers effectuant des gestes répétitifs et des
ports de charges lourdes.
L’environnement social
Les acteurs rencontrés parlent d’une « mentalité village » qui peut être vécue comme un atout du quartier lorsqu’elle
permet l’entraide entre les habitants, mais aussi comme un problème lorsqu’elle entraîne la stigmatisation de
certaines catégories d’habitants.
Le diagnostic a permis de montrer que les habitants de ce quartier seraient plus tolérants envers les personnes
présentant un handicap ou des troubles psychiatriques.
60,5% 60,5%
51,7% 49,80%
23%
14,5%
9,4%
5%
De même, un sentiment d’insécurité a été exprimé par une large part de la population et des professionnels
rencontrés. Ce sentiment engendre des problèmes de stress, de sommeil et de souffrance psychique. En outre, ont été
évoqués d’une manière globale des problèmes de voisinage, des nuisances sonores et des agressions verbales.
Deux professionnels ont abordé la faible participation des habitants aux dépistages organisés des cancers. Les données
statistiques disponibles mettent en évidence la situation contrastée du quartier de la Cité de l’Ill quant à la
participation des habitants aux campagnes de dépistage des cancers. En effet, les taux de dépistage du cancer du sein
et du col de l’utérus à la Cité de l’Ill sont proches de ceux de Strasbourg (respectivement 51 % vs 54 % et 57 % vs 60 %),
les taux pour le cancer colorectal sont par contre plus faibles avec 31 % contre 39 % à Strasbourg3.
3
Source : Etude « Inégalités de participation aux campagnes de dépistage des cancers dans les quartiers des villes de Strasbourg et de Mulhouse » ORS Alsace, Sanofi,
décembre 2013. Cf. figure 9, p.36 du rapport détaillé.
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Approche par problèmes de santé
L’analyse des entretiens par problèmes de santé et par public permet de mettre en évidence des besoins plus
spécifiques aux différentes tranches d’âge.
Figure 5 : problèmes de santé évoqués lors des entretiens qualitatifs et nombres d’occurrences
santé bucco-dentaire 5
santé périnatale 2
stress, anxiété pouvant être à l'origine de troubles du
1
sommeil chez habitants
diabète chez adultes et personnes âgées 1
Effectifs de
Année Classes Effectif total bilans effectués Obésité 1 et 2 Obésité 1 Obésité2
GS Schwilgué 214 213 9,4% 6,1% 3,3%
CE2 Schwilgué 173 167 19,2% 9,6% 9,6%
2008-2011
GS Strasbourg 2 844 2 783 7,4% 4,6% 2,8%
CE2 Strasbourg 2 736 2 214 12,9% 9,0% 3,9%
Les personnes rencontrées ont également parlé, mais de façon moins fréquente, de phénomènes d’agitation chez les
enfants.
La santé bucco-dentaire
Véritable marqueur des inégalités sociales de santé, le suivi et les soins dentaires sont aussi problématiques sur le
quartier même si la ville intervient auprès des enfants du groupe scolaire Schwilgué afin d’assurer les dépistages et
certaines prises en charge bucco dentaires.
Souffrance psychique
La souffrance psychique est prépondérante dans le quartier (12 entretiens) recouvrant aussi bien des problématiques de
dépression, mal-être, liés à des sentiments de dévalorisation que des situations psychiatriques avérées. Toutefois, le
déni de certains habitants et l’image péjorative de la psychiatrie freinent le recours à une offre psychiatrique bien
établie dans le quartier.
Les addictions
La consommation à risque de substances psychoactives, tabac, alcool, autres drogues, mais aussi médicaments
psychotropes a été évoquée dans 5 entretiens.
4
Bien que les données de l’année scolaire 2011-2012 soient déjà disponibles au moment de la rédaction de ce document, les valeurs présentées ici concernent
les années scolaires 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011 et ce, pour deux raisons :
la petite taille du quartier nous oblige à cumuler trois années scolaires d’observation pour disposer de résultats statistiquement fiables,
à la rentrée scolaire 2011, la Ville de Strasbourg a adopté, conformément aux recommandations nationales, la norme internationale IOTF
(International Obesity Task Force) pour la mesure de la corpulence (mesure du surpoids et de l’obésité). Il en résulte que les résultats de l’année
scolaire 2011-2012 ne peuvent être comparés à ceux des années précédentes où des courbes de référence françaises étaient utilisées.
Une réponse possible à certains problèmes de santé pour un grand nombre de personnes
rencontrées
En termes organisationnels :
en favorisant davantage le travail pluridisciplinaire et la prise en charge globale des patients (présence de
professionnels médicaux, sociaux, écrivain public et d’autres institutions comme l’Assurance Maladie,),
en offrant la possibilité d’un partage du plateau technique avec la Clinique Sainte Anne, au centre du quartier
(avantage organisationnel),
en ayant la volonté de toucher l’ensemble des habitants et surtout les plus éloignés du système de soins.
• La MUS, pourrait aussi devenir un lieu ressource pour l’ensemble des professionnels du quartier, mais à la
condition de travailler de concert avec les offres déjà existantes, en respectant les missions de chacun et en
s’inscrivant en complémentarité de l’existant dont notamment l’atelier territorial de partenaires (ATP) qui ne
fonctionne que depuis quelques mois sur le quartier et le centre médico-social (CMS). Il nous semblerait judicieux
que l’ATP santé soit conforté dans son rôle de lieu ressource et de partage d’informations. Il pourrait également
être un lieu de réflexion sur les moyens d’améliorer la diffusion de l’information aux habitants et la prise en
compte de la demande des habitants dans les actions santé. Dans cette optique l’ATP santé pourrait renforcer la
participation des habitants du quartier autour de la réflexion et de l’élaboration des actions qui leurs sont
destinées. Il pourrait ainsi être envisagé de réfléchir à des actions qui porteraient sur les objectifs suivants :
o désenclaver le quartier et permettre une meilleure mobilité des habitants à l’intérieur du quartier et à
l’extérieur (travail sur les freins psychologiques à sortir du quartier, développement de nouveaux
dispositifs autour de la mobilité…),
o faire évoluer les représentations réciproques de professionnels et des habitants sur les questions de
santé,
o renforcer le lien social dans le quartier par davantage d’engagement communautaire.
Mais cet engagement des habitants au côté des professionnels dans la promotion de la santé du quartier nécessite
une étape préalable ; le développement d’activités visant à valoriser les compétences des habitants, à renforcer leur
estime d’eux-mêmes, notamment lorsqu’elles vivent des situations sociales et économiques difficiles.
L’ATP santé et le projet de MUS constituent très certainement une bonne opportunité à la mise en œuvre de ces
actions de promotion de la santé dans le quartier. La participation des habitants dans une approche communautaire
des questions de santé pourrait devenir un objet de travail commun entre ces deux lieux de ressources pour
expérimenter la juste articulation entre l’existant et les nouvelles perspectives.
Remerciements
Nous tenons à remercier l’ensemble des professionnels et des habitants qui nous ont donné leur point de vue sur le
quartier de la Cité de l’Ill et les services de la Ville de Strasbourg.