Vous êtes sur la page 1sur 3

Séance 4 : Métamorphose de héros romanesque

Objectifs : - Analyser un autre type d’héroïsme


- Découvrir une figure de anti-héros romanesque
- Aborder un extrait de roman caractéristique du courant de l’absurde
- Analyser un texte par des entrées grammaticales pour préparer la question de
grammaire du baccalauréat.
- Etudier l’extrait d’un roman contemporain
Problématique : Le héros est-il toujours héroïque par ses valeurs exceptionnelles de force,
de courage et de morale ?
Support : Albert Camus, L’Etranger, 1942 ; Marie Ndiaye, Mon cœur à l’étroit, 2007.
Texte 1 : Albert Camus, L’Etranger, 1942
Accusé d’un meurtre qu’il a commis sans réfléchir et sans vraiment savoir ce qui se
passait, Meursault assiste à son procès.

1 De temps en temps, j’avais envie d’interrompre tout le monde et de dire: «Mais tout
de même, qui est l’accusé? C’est important d’être l’accusé. Et j’ai quelque chose à dire.»
Mais réflexion faite, je n’avais rien à dire. D’ailleurs, je dois reconnaître que l’intérêt
qu’on trouve à occuper les gens ne dure pas longtemps. Par exemple, la plaidoirie du
5 procureur m’a très vite lassé. Ce sont seulement des fragments, des gestes ou des tirades
entières, mais détachées de l’ensemble, qui m’ont frappé ou ont éveillé mon intérêt.
Le fond de sa pensée, si j’ai bien compris, c’est que j’avais prémédité mon crime.
Du moins, il a essayé de le démontrer. Comme il le disait lui-même: «J’en ferai la preuve,
messieurs, et je la ferai doublement. Sous l’aveuglante clarté des faits d’abord et ensuite
10 dans l’éclairage sombre que me fournira la psychologie de cette âme criminelle.»
Il a résumé les faits à partir de la mort de maman. Il a rappelé mon insensibilité,
l’ignorance où j’étais de l’âge de maman, mon bain du lendemain, avec une femme, le
cinéma, Fernandel et enfin la rentrée avec Marie. J’ai mis du temps à le comprendre, à
ce moment, parce qu’il disait «sa maîtresse» et pour moi, elle était Marie. Ensuite, il en
15 est venu à l’histoire de Raymond. J’ai trouvé que sa façon de voir les événements ne
manquait pas de clarté. Ce qu’il disait était plausible. J’avais écrit la lettre d’accord avec
Raymond pour attirer sa maîtresse et la livrer aux mauvais traitements d’un homme «de
moralité douteuse». J’avais provoqué sur la plage les adversaires de Raymond. Celui-ci
avait été blessé. Je lui avais demandé son revolver. J’étais revenu seul pour m’en servir.
20 J’avais abattu l’Arabe comme je le projetais. J’avais attendu. Et «pour être sûr que la
besogne était bien faite», j’avais tiré encore quatre balles, posément, à coup sûr, d’une
façon réfléchie en quelque sorte.
« Et voilà, messieurs, a dit l’avocat général. J’ai retracé devant vous le fil
d’événements qui a conduit cet homme à tuer en pleine connaissance de cause. J’insiste
25 là-dessus, a-t-il dit. Car il ne s’agit pas d’un assassinat ordinaire, d’un acte irréfléchi que
vous pourriez estimer atténué par les circonstances. Cet homme, messieurs, cet homme
est intelligent. Vous l’avez entendu, n’est-ce pas ? Il sait répondre. Il connaît la valeur
des mots. Et l’on ne peut pas dire qu’il a agi sans se rendre compte de ce qu’il faisait. »
Moi j’écoutais et j’entendais qu’on me jugeait intelligent. Mais je ne comprenais pas
30 bien comment les qualités d’un homme ordinaire pouvaient devenir des charges
écrasantes contre un coupable.
Questions d’analyse :
1- Déterminez deux passages qui rapportent les propos de l’avocat au discours
narrativisé (les propos du locuteur sont résumé par le narrateur) et justifiez l’emploi des
temps verbaux dans ces extraits.
2- Retrouvez cinq phrase qui correspondent à un commentaire du narrateur sur les propos
de l’avocat. Justifiez l’usage des temps verbaux dans ces phrases.
3- Montrez comment l’usage des temps verbaux, soulignant l’alternance entre le discours de
l’avocat et le commentaire du narrateur, révèle que le personnage est un simple spectateur
de son propre procès, étranger à l’homme que l’on décrit.

Texte 2 : Marie Ndiaye, Mon cœur à l’étroit, 2007.


Khady, jeune Sénégalaise, est condamné par son veuvage au rejet et à la solitude.
Lorsqu’elle est obligée de travailler avec ses belles-sœurs à la préparation du repas, elle
doit trouver un moyen d’ignorer leurs sarcasmes. Ses deux belles-sœurs, comme toute
sa belle-famille, lui dénient toute valeur.

1 Sans cesser de travailler elle glissait dans une stupeur mentale qui l’empêchait de
comprendre ce qui se passait autour d’elle.
Elle se sentait alors presque bien.
Elle avait l’impression de dormir d’un sommeil blanc, léger, dépourvu de joie
5 comme d'angoisse.
Tôt chaque matin elle quittait la maison en compagnie de ses deux belles-sœurs,
toutes trois portant sur leur tête les bassines en plastique de tailles diverses qu’elles
vendraient au marché.
Elles retrouvaient là leur emplacement habituel.
Khady s’accroupissait un peu à l’écart des deux autres qui feignaient, elles, de ne
pas s’apercevoir de sa présence, et elle demeurait ainsi des heures durant, répondant par
10 trois ou quatre doigts levés quand on s’enquérait du prix des bassines, immobile dans la
bruyante animation du marché qui, en l’étourdissant vaguement, l’aidait à retrouver cette
sensation de torpeur parcourue de songeries laiteuses, inoffensives, plaisantes, pareilles
à de longs voiles agités par le vent sur lesquels apparaissaient de temps en temps le visage
flou de son mari qui lui souriait d’un éternel et charitable sourire ou, moins souvent, celui
15 de l’aïeule qui l’avait élevée et protégée et qui avait su reconnaître, bien qu’elle l’eût
traitée avec rudesse, qu’elle était une petite fille particulière nantie de ses propres
attributs et non une enfant parmi d’autres.
De telle sorte qu’elle avait toujours eu conscience d’être unique en tant que personne
et, d’une certaine façon indémontrable mais non contestable qu’on ne pouvait la
20 remplacer, elle Khady Demba, exactement, quand bien même ses parents n’avaient pas
voulu d’elle auprès d’eux et sa grand-mère ne l’avait recueillie que par obligation —
quand bien même nul être sur terre n’avait besoin ni envie qu’elle fût là.
Elle avait été satisfaite d’être Khady, il n’y avait eu nul interstice dubitatif entre elle
et l’implacable réalité du personnage de Khady Demba.
25 Il lui était même arrivé de se sentir fière d’être Khady car, avait-elle songé souvent
avec éblouissement, les enfants dont la vie semblait joyeuse, qui mangeaient chaque jour
leur bonne part de poulet ou de poisson et qui portaient à l’école des vêtements sans
taches ni déchirures, ces enfants-là n’étaient pas plus humains que Khady Demba qui
30 n’avait pourtant, elle, qu’une infime portion de bonne vie.
À présent encore c’était quelque chose dont elle ne doutait pas — qu’elle était
indivisible et précieuse, et qu’elle ne pouvait être qu’elle-même.
Questions d’analyse :
1- Quelles difficultés Khady a-t-elle dû affronter dans la vie ?
2- Où trouve-t-elle la force qui lui permet de résister à l’hostilité qui l’entoure ?
3- Quel est la nature et la fonction de « quand bien même » (l. 22 et l. 24) ? Trouver une autre
expression remplissant la même fonction dans le texte.
4- En quoi Khady est-elle une femme puissante ?
5- A la lecture de ces textes, est-il possible de dire que les auteurs mêlent expérience
personnelle et histoire collective ?

Vous aimerez peut-être aussi