En pratique
> le taux de l’impôt sur les sociétés est Bas (Google BV), à partir de l’Ir-
de 12,5 % en Irlande et de 33,33 %
en France ;
> aux Pays-Bas, les redevances de la
propriété intellectuelle ne sont pas
taxées ;
> aux Bermudes, il n’y a pas d’impo-
sition sur les sociétés.
Afin de faire remonter le maxi-
mum de revenu à la société mère
américaine (Google Inc.) en minimi-
sant l’impôt, le groupe s’est organisé
de la manière suivante.
Création des filiales suivantes :
> Google Ireland Holdings. Société
de droit irlandais, dont le centre de
management effectif a été tout à fait
légalement délocalisé aux Bermudes.
Google Inc. et Google Holdings ont
signé un accord de codéveloppement
permettant de localiser chez cette
dernière une part importante des bre-
vets et des marques développés par le
groupe Google ;
> Google Ireland Ltd. Société d’exploi-
tation de droit irlandais. Cette société
gère depuis l’Irlande l’ensemble des
activités du groupe en Europe, au
Moyen-Orient et en Afrique. Elle fac-
ture le prix de ses services (publicité,
brevets, marques) aux autres filiales
mondiales du groupe ;
> Google Netherlands Holdings BV
(Google BV). Société off-shore, qui
ne possède aucun personnel. Google
Holdings concède le droit d’utilisation
des brevets et des marques à Google
Ltd, via la société interposée Google
BV. Des redevances sont versées et/
ou encaissées à chaque niveau d’in-
terposition.
Organisation des flux financiers :
> Google Ireland Ltd reçoit 88 % des
12,5 milliards de dollars de chiffre
d’affaires réalisés par le groupe hors
> économie & management
des États-Unis ;
> Google Ltd reverse sous forme de
redevances (royalties), via Google BV,
l’essentiel de ses revenus à Google
Holdings. Son résultat imposable à
12,5 % en Irlande est réduit d’autant ;
> le transit des redevances de la
propriété intellectuelle vers les Pays-
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tante du point de vue de la straté-
lande (Google Ltd), n’est pas imposé, gie fiscale pour 75 % des entreprises
conformément au droit fiscal irlan- interrogées (encadré 3).
dais. De même que, conformément au
droit fiscal hollandais, le reversement Le cas des entreprises
des 99,8 % des sommes encaissées par numériques
Google BV à Google aux Bermudes
n’est pas taxé. Les géants du numérique, les
fameux GAFA (Google, Apple, Face-
Les prix de transfert book et Amazon)8, pratiquent l’éva-
pratiqués par les entreprises sion fiscale internationale de manière
liées très intensive, ce qui leur permet d’af-
ficher les taux d’imposition les plus
La manipulation des prix de trans- faibles parmi l’ensemble des entre-
fert constitue un instrument privilé- prises multinationales américaines
gié par les groupes internationaux (tableau 2). La raison nous est donnée
(encadré 2) qui pratiquent l’optimisa- par le journal Les Échos, dans son édi-
tion fiscale agressive (aggressive tax tion du 22 février 2015 : « Du fait du
planning). Comme le disent Abouth caractère immatériel d’une large part
et Chastel (2013) : « La majoration ou de leurs activités et de la difficulté
la minoration des prix de vente ou qu’ont les services fiscaux à définir
d’achat des marchandises, l’instau- le territoire concerné par les opéra-
ration d’un circuit artificiel de factu- tions de production, ils parviennent
ration de marchandises, ou encore le à exploiter ces failles de façon plus
versement de redevances excessives, importante que les industries “clas-
constituent autant de moyens pour siques”, en particulier sur les opéra-
les entreprises de transférer du béné- tions réalisées hors des États-Unis. »
fice là où il sera le plus favorablement Les GAFA peuvent avoir une acti-
taxé. » Un sondage, réalisé sur un vité économique importante dans
échantillon de 500 multinationales un pays sans y avoir d’implantation
dans 25 pays par le cabinet de conseil matérielle parce qu’ils y traitent leurs
Ernst and Young en 2010 et cité par
Chavagneux et Palan (2012), montre
8 > Auxquels, on peut également ajouter des
que la question des prix de transfert challengers : Netflix, Airbnb, Tesla et Uber
est considérée comme la plus impor- (les « NATU »).
Encadré 2. Les prix de transfert
Les échanges intragroupe représentent plus de la moitié du commerce
international des biens et services. Selon la définition de l’OCDE, les prix
de transfert sont « les prix auxquels une entreprise transfère des biens
corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises
associées ». Ils représentent donc le prix de facturation des biens ou des
services (partage de certains frais communs entre plusieurs entreprises
du groupe, mise à disposition de personnes ou de biens, redevances de
concession de brevets ou de marques, relations financières…) entre les
filiales de différentes nationalités d’un même groupe. La mise en place
d’un système de prix de transfert fait partie de la gestion normale d’une
entreprise multinationale. C’est sa manipulation pour transférer des béné-
fices dans des paradis fiscaux qui constitue une pratique condamnable.
L’OCDE considère que les prix de transfert sont normaux, et donc non
manipulés, lorsqu’ils sont des prix de pleine concurrence, c’est-à-dire des
prix qui auraient été pratiqués par des entreprises indépendantes, dans
des conditions comparables (prix de marché).
Source : auteur.