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Gaston Bachelard (1950) La dialectique de la durée 70

au compte d'une construction. Notre connaissance usuelle des phéno-


mènes temporels est produite par une stroboscopie inconsciente et pa-
resseuse. La durée est l'aspect stroboscopique d'un changement géné-
ral ; c'est un départ entre des éléments fluents et des éléments stables.
Croire à la permanence des choses, c'est ouvrir les yeux toujours à la
même phase de leur rythme.
Ainsi une étude détaillée des relations causales nous apprend à pra-
tiquer des choix dans la succession des [65] phénomènes. Notre action
sur les caractères temporels d'un phénomène est beaucoup plus effica-
ce qu'il ne le semblerait à première vue. Si l'on sait associer les carac-
tères spatiaux et les caractères temporels d'un phénomène, on arrive,
par des intermédiaires matériels, à encadrer en quelque sorte les phé-
nomènes temporels. On emprisonne le rythme dans des caisses de ré-
sonance. Quand on voit un rythme se conserver dans une antenne de
T.S.F., on ne peut écarter de la pensée l'image d'une action réciproque
du géométrique et du temporel. On a alors intérêt à prendre les choses
comme de véritables productions des ondes stationnaires. Les pério-
des sont des fonctions spatio-temporelles. Elles sont la face temporel-
le des choses matérielles. En vibrant, une chose révèle à la fois une
structure temporelle et une structure matérielle.
Si l'on ajoute maintenant que les périodes sont aussitôt traduites
dans le langage des fréquences, que les fréquences apparaissent relati-
ves les unes aux autres, on voit l'absolu et la continuité du temps se
décolorer, sinon s'effacer. En tout cas, la continuité d'un temps absolu
qui servirait de base à la distinction des périodes n'est plus cette
continuité immédiate que livrerait une observation grossière. La cau-
salité étudiée à partir des fréquences joue bien au-dessus de la conti-
nuité supposée à la base de la durée d'une période. En particulier,
l'étude de cette causalité par les périodes et les fréquences pourrait se
borner, croyons-nous, à une statistique des événements périodiques.
C'est bien gratuitement qu'on suppose la régularité de la vibration iso-
lée alors qu'on utilise en fait que la fréquence des vibrations groupées.
Il faut d'ailleurs remarquer que la plupart des phénomènes expliqués
par la fréquence sont expliqués par des fréquences assez nombreuses.
Les lentes périodes astronomiques n'interviennent pas comme motif
d'explication. Considérée dans son mouvement sur son orbite, la terre
ne « vibre » pas. Elle chemine. Le temps de l'astronomie n'est donc
pas encore « structuré ». Si l'on considère [66] la monotonie de la ré-

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