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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART (ÉD. MARTIN, BR.

III)
Author(s): Léopold SUDRE
Source: Romania, Vol. 17, No. 65 (1888), pp. 1-21
Published by: Librairie Droz
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/45042127
Accessed: 22-10-2020 18:17 UTC

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART

(ÉD. MARTIN, BR. III.)

Renart, en quête ďune proie, se couche le long d'une haie


pour attendre aventure. Il aperçoit de loin une voiture chargée
de poissons. Avant qu'elle arrive, il s'étend au milieu de la
route et fait le mort. Les marchands se laissent prendre à cette
ruse et le jettent sur la charrette, comptant tirer de l'argent de
la vente de sa peau. Ressuscité aussitôt, Renart ouvre un panier
et dévore plus de trente harengs; il en ouvre un second plein
d'anguilles qu'il enroule autour de son cou, et avec ce collier il
saute doucement à terre. - Poursuivi mais en vain par les
charretiers, il arrive sain et sauf à son « chastel » , où il s'occupe
avec sa famille de préparer le mets tout à fait inattendu. - Les
anguilles étaient en train de rôtir, quand Ysengrin, qui errait
depuis le matin sans rien trouver à mettre sous sa dent, se pré-
sente à la porte de Renart. Alléché par l'odeur de la cuisine, il
se décide, après bien des hésitations, à appeler son compère.
Celui-ci refuse de lui ouvrir, alléguant qu'il faut être moine ou
ermite si l'on veut être admis à pareil repas, et, afin d'exciter
l'appétit d'Ysengrin, il lui jette trois tronçons d'anguille.
Ysengrin n'y peut plus tenir; il accepte de se faire rere et
tondre. Renart lui pratique une large couronne avec de l'eau
bouillante qui fait hurler de douleur le pauvre patient ; puis, il
lui apprend que, d'après les règles du saint ordre, il lui convient
d'être en épreuve pendant toute cette première nuit, et il le mène
tout près de là à un vivier. - On était en hiver, et l'eau du
vivier était gelée. Les paysans y avaient creusé un trou pour
faire boire leur bétail et avaient laissé un seau près de cette
ouverture. Renart fait accroire à Ysengrin que c'est avec cet
engin que les moines prennent les poissons, et Ysengrin le prie
de lui attacher ce seau à la queue pour le plonger dans l'eau.
L'eau gèle pendant la nuit, et bientôt la queue est prisonnière;
malgré ses efforts, il ne peut la tirer, mais il est persuadé que
Romania. XVII. I

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2 L. SUDRË

c est la grande quan


l'impossibilité de
gneur du voisinage,
son du cor, Renart
Ysengrin qui se dé
son épée, il veut fr
et va couper la que
laissant en gage aux
Tels sont, dans le
Roman de Renart
branches distinct
raisons que nous é
branche, qui est la
Comme cela arrive
de ces trois contes
variantes ou rappe
Ainsi, dans la bran
Renart qui tient u
le hareng et lui co
comme il l'a fait, s
jeté sur la voiture
mais les charretier
sans avoir rien pri
tion du récit de l
1061-2. 3 :
Et si refu par moi traïz
Devant la charete au [s] plaïz

appliquent à Ysengrin l'aventure qui, d'après ce qui précède,


devait être mise au nombre de celles de Primaut, d'autant plus
que par les vers 1055-6,
Gel fis pecher en la gelee
Tant qu'il out la queue engelee,

est rappelé un trait qui, partout ailleurs dans le Roman, est


attribué uniquement à Ysengrin. Nous retrouvons la même

I. Méon. 740-1264. Martin, I, p. 131 sq.


2. Martin, II, p. 124.
3. Id., I, p. 30.

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART J
confusion dans la branche VI, v. 745 sq. 1 : Ysengrin raconte
que Renart, en lui donnant un morceau d'anguille, l'a engagé à
contrefaire le mort et à se laisser jeter sur la charrette des
marchands de poissons, et, - détail à noter, car il a son impor-
tance, - l'épisode des charretiers est rappelé après celui de
l'ordination du loup ; quant à l'allusion à la pêche , elle figure
plus haut au vers' 667 2, comme si cet épisode n'avait aucun
rapport avec les précédents. Dans la branche IX, v. 517 ss. 3,
l'ordre des allusions est de même interverti : après la pêche
vient le vol dans la charrette, puis la tonsure. Enfin la branche
VIII, v. 135-424, mentionne un seul denos trois épisodes ,
celui de la pêche ; mais c'est une mention qui est très précieuse
pour nous, vu l'ancienneté de cette branche relativement aux
autres de la collection et la variante qu'elle nous présente. Ce
n'est plus en effet Constant des Granches, ce n'est plus un
« vavassor » avec ses veneurs, ses limiers et ses cors qui attaque
Ysengrin, mais un simple vilain avec sa massue. Ce dénoue-
ment si naïf, si peu surchargé de détails, porte la marque d'une
origine plus ancienne; cette dernière version se rapproche cer-
tainement plus de la tradition primitive du Roman de Renart
que celle de la branche IH, ou se sont introduits des éléments
de chevalerie destinés à enrichir le récit et à produire plus
d'effet.
Aucun de ces trois épisodes, ni celui du vol des poissons, ni
celui de la pêche, ni naturellement celui du loup moine, n'a
son correspondant direct soit dans les recueils des fables clas-
siques d'Esope et de Phèdre, soit dans le recueil des contes
orientaux de Pierre Alphonse, soit enfin dans le Physiologus , qui,
suivant la théorie aujourd'hui reçue, ont servi à constituer le
fonds primitif du Roman de Renart .
Pourtant le motif qui représente Renart faisant le mort pour
être jeté dans la voiture des charretiers peut sembler, au premier
abord, dérivé d'une tradition fort répandue au Moyen Age par
les Bestiaires et empruntée par eux au Physiologus . Nous
lisons en effet dans ce dernier : « 'Eàv ouv rcsivasY)

i. Id., I, p. 217 sq.


2. Ibid., p. 215.
5. I, P. 293.
4. I, p. 269.

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4 L. SUDRE

ßaXXsi aÚTYjv èv tw i:e$(


7cvoàç , xal çuaa èautyjv ir
eïva'. TSÔVYjxutav, xal xaTas
outwç auTa àpwáÇei, xal
passage ? Doit-on adme
emprunté directement
populaires à cette époqu
fait le mort dans le Phys
oiseaux. L'emprunt est
roman où Renart essa
le coq, soit la mésang
où il veut tromper de
blable, l'objet en est tout
tue la trame même de
divergence dont on est
poser encore que l'auteu
motif fondamental des
velle aventure de son h
sa confirmation dans le
Renart, soit un autre an
mis. C'est grâce à cette
mort dans sa bataille av
dans sa lutte avec Cha
stratagème est employé
ter un serment (br. V
l'âne espagnol, pour a
L'attribution si fréquen
Renart aurait donc été c
du Physiologus qui, un
dernier au goupil, aura
d'autres personnages de
roman de Renart était
attribution du stratagè

I . Spicilegium Soiesinense , II
2. Martin, I, p. 234,
3. m., II, p. 234.
4. I, p. 188 et 190.
5. Ibid., p. 324 sq.

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART 5
blerait un procédé tout naturel. Mais il ne faut pas, on le sait,
accorder une trop large part à l'invention dans l'œuvre de nos
« trouveurs ». Là même où ils paraissent le plus faire preuve d'ori-
ginalité, ils suivent la plupart du temps une tradition. Et c'est
le cas ici. Dans le Pantcbatantra1, dans YHitopadésa 2, non seu-
lement le chacal, mais les daims, les serpents, les poissons eux-
mêmes simulent la mort pour échapper à un danger et tromper
leurs ennemis, stratagème qui, comme le fait remarquer après
Benfey3 M. Kolmatchevsky, dans son intéressant mémoire sur
l'épopée animale chez les Slaves et en Occident 4, a été d'abord
présenté comme un moyen employé par certains animaux pour
sauver leur vie et , comme tel , répond à un fait réel , à une
observation exacte de la nature. Avec les transformations du
conte d'animaux et sous l'influence de plus en plus prépondé-
rante du chacal ou du renard pris pour type de ruse et de malice,
il est devenu un moyen de duperie, et par suite c'est ainsi qu'il
apparaît dans la fable d'Élien où la panthère fait la morte pour
prendre un singe 5, dans celle de Waldis où le chat agit de
même bien qu'il ne coure aucun danger6, dans un conte bre-
ton où le merle, pour allécher le renard, conseille au chien de
faire le mort 7. Ainsi c'est de la tradition orale que dérive direc-
tement cet emploi, si fréquent dans le roman de Renart, de ce
motif d'un animal faisant le mort, et, loin d'avoir été transporté
du goupil à d'autres animaux, c'est au contraire des autres
animaux qu'il a été transféré presque exclusivement à Renart.
Voilà déjà une raison assez péremptoire pour révoquer en doute
une influence quelconque des Bestiaires sur le récit qui nous
occupe. Il en est encore une autre plus décisive. La version du
roman de Renart d'après laquelle Renart vole des poissons aux
charretiers est la seule version littéraire que nous possédions de
ce conte; nous n'en trouvons trace ni dans l 'Ysengrimus, ni dans

i. Pantchatantra de Benfey, II, 137, 139 sq.; 242, 246-49, 333, 339.
2. Hitopadesa de Lancereau, p. 32, 142, 175.
3. Pantchatantra , I, p. 333.
4. Jivotny èpos na ņtpdie i ou Slavian. Kazan, 1882, p. 65.
5. De natura animalium, V. c. 54.
6. Aesopus von Burkhard Waldis, éd. Kurz, 1. III, f. 57.
7. Sébillot, Contes pop. de la Haute Bret., p. 333.

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6 L. SUDRE

les nombreux recueils de


dans celui d'Odo de Che
de contes populaires qui
dans ses Contes lorrains
ce récit. M. Kolmatchevsk
pas la plupart des varia
ni par le nombre ni par
évidemment avec des n
leur locale différente,
de la IIIe branche. Sau
deux variantes russes 3
faire le mort et une va
homme, une sorte de p
le renard - le lièvre dans
pour être jeté dans une
des poissons. Et ce n'est
exercée par la version l
chose est admissible po
Wolf und die ņvei Bauern
le premier le loup à l'im
à l'imitation du chaca
coups de bâton ; ces deu
de départ le récit dont
veut suivre l'exemple d
populaires, bien que le
grande simplicité, l'em
sobriété. Qu'il nous suf
pour montrer le nature
son étroite parenté ave
qui vivait avec sa femm
femme, cuis des pâtés,

i. Contes pop. lorrainsy II, p


2. Loc. cit.y p. 68 sq.
3. Afanassief, Cka%kiy I, p. 3
4. Veckenstedt, Wendische Sa
5. Aymonier, Textes khmer s
6. Zur deutschen Thier sagey
7. Bleck. Reinecke Fuchs in

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART J
poisson, et en ramène à la maison toute une charretée. Voilà
donc qu'il revient, quand il voit une renarde étendue sur le chemin
toute recoquillée sur elle-même. Le vieux descend de sa charrette,
s'approche de la renarde, et elle ne bouge pas, elle gît comme
morte. « Voilà un beau cadeau pour la femme ! » dit le vieux ;
il prit la renarde, la jeta sur sa charrette et poursuivit sa route.
La renarde saisit le bon moment et se mit à jeter tout doucette-
ment hors de la charrette poisson après poisson. Ayant jeté tous
les poissons, elle détala. « Hé ! la vieille, dit le vieux, viens voir
le beau collet que je t'ai apporté pour ta pelisse. - Où est-il ? - Là
dans la charrette , et le poisson , et le collet ! » La femme s'en
alla à la charrette : ni collet, ni poisson; elle se mit à gronder :
« Vieux barbon ! vieux ceci, vieux cela i Et encore tu t'avises de
me tromper! » Alors le vieux comprit que la renarde n'était
pas morte : il s'affligea, mais c'était trop tard r. »
L'auteur de la IIIe branche a donc incontestablement puisé
les éléments de son récit à la source populaire, et on ne peut y
trouver rien, pour le fonds du moins, dont il soit redevable
aux Bestiaires. Pour ce qui concerne la forme, l'affirmation
doit être moins absolue. Des bestiaires français en prose et en
vers étaient alors dans toutes les mains, et il n'est pas impossible
qu'un poète ayant à décrire Renart faisant le mort ait eu d'in-
volontaires réminiscences dues à la lecture de ces ouvrages
presque classiques. Le fait est même indubitable pour une des
variantes de la branche XIV, que Méon avait insérée dans son
texte2 et que M. Martin a rejetée dans son troisième volume.
Vardille dont il est fait mention correspond bien, comme le fait
remarquer M. Kolmatchevsky, à la ruge tere de Philippe de
Thaon :

Grant praie volt conquerré : Si a son balevre retret,


Met sai en ruge tere, Les eulz clot et la langue tret ;
Tut s' i enpuldr[er]at, En l'ardille s'est tooilliez
Cume mort se girat ; Tant que il estoit toz soilliez :
La gist gule baee A merveille ressemble mort.
Sa langue hors getee... Martin, IIIe vol., p. 530.
Ph. de Thaon, éd. Wright, p. 105.

i. Afanassief, I, p. 1.
2. Méon, v. 3951.

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8 L. SUDRE

Toutefois pour les autr


et en particulier pour c
trop de fond sur cette
naturel, cette feinte de
dans les contes d'anim
d'expressions consacrée
transmît de bouche en
YHitopadésa , le corbeau
respiration, raidis tes
conte du même ouvrage
est représenté « les pat
à découvert2. » Ne peu
d'exagération, que les
goupil dans l'attitude d
description de YHitopad
Si l'épisode du vol des
populaire, il en est de
pas cette fois que la v
littéraire que nous poss
fables d'Odo, le Romu
mais dans ces recueils c
fruit d'une tradition ora
seulement. Dans le Rein
comme dans le Renart
qui, en glissant sur
s'apelle « Birtin » et no
dans la branche III. Dan
de Reinardus de ne pas m
nourriture permise p
queue dans l'eau qui g
village voisin, vole un
l'aperçoit, et tous, curé
Il leur échappe en fuya
dernier est roué de cou

i. Hitopadésa, trad. Lancere


2. Ibid., p. 142.
3. V. 727-822.
4. Ysengrimus, éd. Voigt, 1. I, v. 529 sq.

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART 9

le tuer de sa hache manque son coup et lui tranche la queue.


Dans Odo1, il n'est pas question non plus d'un seau attaché à
la queue du loup; celui-ci la plonge simplement dans l'eau
( caudam in aquam posuit et diu tenuit donec esset congelata); le
renard non plus ne va pas chercher les gens qui doivent venir
déranger le malheureux pêcheur ( detentas est ibi usque mane et
venerunt homines et lupum fere usque ad mortem fustigaverunť).
Dans le Romulus de Munich2, le renard jette des pierres dans le
panier qu'il a attaché à la queue du loup, et, quand ce dernier ne
peut plus remuer, il court au village et appelle les paysans pour
le tuer.
L'idée de cette pêche à la queue semble à M. Martin * être
dérivée d'une fable de Phèdre d'après laquelle, dit-il, « l'ours
plonge quelquefois sa queue dans la rivière et la retire chargée
d'écrevisses qui s y suspendent. » Mais ce n'est point sa queue
qu'il plonge, ce sont ses jambes : voici d'ailleurs le texte de
cette fable :

Si quando in silvis urso desunt copiae


Scopulosum ad littus currit et prendens petram
Pilosa crura sensim demittit vado,
Quorum inter villos haeserunt cancri simul ;
In terram abripiens excutit praedam maris
Escaque fruitur passim collecta vafer4.

Je croirais plutôt, avec M. Kolmatchevsky s, que c'est un récit


d'Élien qu'il faut donner comme point de départ de cette tradi-
tion. Chez lui, en effet6, les écrevisses sont remplacées par des
poissons qui s'entortillent dans les poils touffus de la queue du
renard, et ce détail se rapproche beaucoup plus de la scène de
notre épisode. Dans Phèdre, le récit n'a pas, à proprement
parler, le caractère d'une fable; le poète latin n'a fait que tirer
une application morale d'un fait d'observation de la nature,

i. Hervieux, Les Fabulistes latins , II, p. 656.


2. Ibid p. 733.
3. Observations sur le Roman de Renar t, p. 36.
4. Hervieux, II, p. 70.
5. Loc . cit. y p. 87.
6. De nat. animaliumy 1. VI, c. xxiv.

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10 L. SUDRE

douteux peut-être,
d'après les témoignag
dans l'Amérique du
ses pattes et des cr
s'empare aussi des
traire, cette donnée
le domaine de la fa
s'est pas arrêtée là
devenu complexe; i
l'introduction d'un
soit le loup, destin
que le renard a pr
figure comme pêc
exemple, où il est
d'autres renards im
qu'il a pris des pois
11 y a eu évidemm
presque toutes les
héros. De plus, le n
renard plonge sa
s'opère la pêche da
et dans un grand n
et c'est cette tradi
suite, l'on peut dir
plus ancienne que
procédé de pêche ay
de comique, le pêch
à sa queue soit un s
soit une cruche com
dans un conte italien

i. Researches into the Ea


2. Strackerjan. Abergl
II, p. 94.
3. Mém. de VAc. de Saint-Pétersbourg , t. V, 1865, p. 104.
4. Afanassief, I, p. 15.
5. Ibid., p. 2.
6. Pitré, Fiabe , IV, p. 186 sq.

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART II

polonaise1, allemande2, lorraine 3, forézienne4 et br


C'est à cette série que se rattachent les versions du R
du Romulus de Munich. Et encore faut-il établir une d
entre elles; car il n'est nullement question dans le Re
pierres dont le seau serait rempli : il y a dans ce dern
l'indication d'un degré de plus dans l'altération du mot
mental, altération que dénotent, du reste, beaucoup de
populaires de cette dernière série : l'hiver, l'eau gelée,
blait devoir être le fond du tableau, n'y figurent plus
même en vient à prendre un certain caractère de réalit
dans ce conte de l'Ardèche6 : « Le loup et le rena
pêcher des truites. Le renard attache à la queue du
panier destiné à recevoir le produit de la pêche, puis
en besogne; chaque fois qu'il plonge, il prend une tru
croque immédiatement et, en guise de poisson, il va
dans le panier une grosse pierre. Finalement il s'enfu
moquant du loup. Celui-ci furieux s'élance à sa poursu
toute la peau de sa queue reste attachée au panier c
pierres. »
Si nous reprenons maintenant la fable de Phèdre, où l'ours
plonge ses pattes dans l'eau, nous voyons qu'elle n'a point une
conclusion analogue à celle qu'ont toutes les variantes littéraires
et la plupart des variantes populaires, c'est-à-dire la perte pour
le pêcheur du membre qui lui sert d'engin. Et, en effet, telle a
dû être dans sa simplicité native la donnée ancienne du conte
directement en rapport avec la tradition venue de l'Orient.
Comment ce motif de la perte de la queue est-il venu se joindre
au motif de la pêche? Un narrateur a-t-il imaginé ce dernier
pour donner à l'aventure une fin comique et mieux faire ressortir
le ridicule et la sottise de l'animal péchant soit, à l'origine, de
sa propre initiative, soit, plus tard, sur le conseil d'un autre
qui veut le duper? Cela serait possible si le pêcheur était partout

i. Gliński, Bajar^ polski, III, p. 167 sq.


2. Germania , XXIV, p. 413.
3. Contes pop . lorrains, II, p. 157.
4. Jahrb. f. rom. u . engl. Lit., IX, p. 400.
5. Sébillot, Contes pop. de la Haute Bretagne , p. 326.
6. Rolland, Faune pop. de la France, I, p. 1 50.

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12 L. SUDRE

le loup, type consac


comme l'a ingénieuse
de notre conte nou
termine, que l'expli
voulant échapper au
dit le texte, « that's
though the fox has
de cette variante les
gienne 4, d'où elle dé
que cette conclusion
celles-ci, le pêcheur m
parlent nullement d
la réflexion du con
dernier a maladroite
attribué au loup un c
part, la présence con
dans les versions du
du conte, puisque, m
sud6, la pêche se fait
clusion inattendue d
rattacher ce motif d
par lesquels l'imagina
quoi certains anima
loppé que les autres.
qu'elle a faites à cett
seulement pour mé
Dieu avait oublié de

I. Campbell, Popular Tale


2. Germania { 1870), p.
3. Reinhart Fuchs , CCL
4. Asbjœrnsen u. Moe, N
p. 118.
5. Un conte allemand (Koehler dans Orient u. Occident , II, p. 302)
applique cette aventure sur la glace au lièvre, sans, doute pour expliquer pour-
quoi il a une courte queue.
6. En particulier Teza, Reinardo e Lesengrino , p. 72. Quand l'eau n'est pas
gelée, on peut conclure que. le conte a été altéré.
7. Kind. u. Hausmaerchen , n° 148.

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART I3
bler cette lacune, les créa avec de longues queues; mais, dans
les pâturages, elles ne faisaient que s'enibarrasser aux épines des
buissons et elles importunaient sans cesse le diable pour les
dégager : celui-ci fatigué leur coupa à toutes la queue. C'est à ce
groupe de contes qu'il faut rattacher notre épisode de la pêche
du loup. Au désir de se rendre compte de l'inégale distribution
de queues faite par la Providence a servi entre autres la légende
de l'animal qui prend des poissons dans l'eau. Tel a été l'objet
primitif du conte; mais peu à peu le motif qui était au premier
plan s'est effacé pour passer au second et même disparaître; il
n'a subsisté, par hasard, que dans une variante, exemple curieux
mais non unique de la survivance du motif original dans un
seul représentant de tout un ensemble de contes.
Les deux épisodes de la pêche et du vol des poissons dans la
charrette nous montrent donc que les auteurs du cycle animal,
clercs ou trouveurs, ne se sont pas contentés de puiser aux
sources classiques ou orientales, mais ont mis aussi à contribu-
tion les traditions populaires pour en tirer quelque trait nouveau
et original relatif aux aventures de Renart et d'Ysengrin. La
présence de l'un de ces deux récits dans 1' Ysengrimus est même
un fait à remarquer dans la littérature du Moyen Age; car il
nous montre qu'alors que les clercs s'inspiraient ordinairement
d'œuvres latines antérieures et n'étaient nourris que des souvenirs
de l'antiquité soit païenne, soit chrétienne, quelques-uns firent
exception cependant pour les fables d'animaux en ne dédaignant
pas de tirer du trésor des contes populaires de nouveaux récits
qui servirent à renouveler, à vivifier le vieux fonds grec et
oriental transmis par Phèdre et par Pierre Alphonse. Dans le
Roman de Renart , ces deux épisodes font partie de la collection
des premières branches et même, parmi elles, ils peuvent être
regardés comme fort anciens et par leur composition et aussi
l'allusion qui est faite à la pêche dans la branche VIII. Cette
influence de la tradition orale sur la formation du cycle animal
français remonte donc assez haut. D'ailleurs ce ne sont pas là
les seuls témoignages de cette influence dans notre épopée de
Renart, et j'ai entrepris d'étudier son rôle si ancien et si consi-
dérable en dégageant dans le poème français l'élément populaire
des autres éléments auxquels il est venu s'adjoindre. J. Grimm
avait déjà entrevu l'importance de cette étude, quand, dans son
Reinhart Fuchs> il rapprochait les traditions esthoniennes de

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Í4 L. SUDRE
récits français ou latins corres
n'a cessé d'appeler l'attention s
Renart avec la littérature popu
le reconnaître, dit-il dans la
appelle encore bien des recher
dont l'origine elle-même est lo
certain nombre de contes ď an
retrouvent dans la littératur
diverses, et qui sont sans dou
la tradition orale plutôt que p
appris à connaître les apologu
leurs accumulé dans ces dern
qu'a prise le Folk-Lore, tou
rendent les comparaisons plus
le livre de M. Kolmatchevsk
seconder dans ma tâche.
Entre ces deux contes popu
branche celui du loup moine
ment ecclésiastique ou plut
premier en date dans la form
plus important, puisque c'es
cycle, celui autour duquel son
tous les autres éléments.
C'est le loup, on le sait, et
personnage principal dans la p
Le rôle prépondérant qu'il jou
de satire animale au xe siècle, les
postérieurs, Sacerdos et Lupus
Nivardus, Y Ysengrimus, sont
xne siècle, il est comme le prot
allégorique des animaux. Or, s
Luparius , soit dans Y Ysengrim
comme moine. Dans YEcbas
troupeau rencontre le loup, ce
pleines d'onction :

I. Voir encore Revue critique , juille


2. Ecbasis captivi, p. p. Voigt 187$.

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SUR UNE BRANCHE DÜ ROMAN ÖE RENAR!4 î$
Hujus in occursum forstrarius elicit ymnum
Moris ut est monachis, longo de calle reversis ,
« Sit sal vus, Christe, servus qui mittitur ad me.

Tu recreare venis tenuatum corpus ab escis. »


97 sq.

Plus loin encore :

« Septimus octavo propior jam preterit annus,


Ex quo cum pomis, cum piscibus urbe petitis,
Mensas ornavi, convivas ipse refeci ;
Sic vixi monachus, claustraba jura secutus. »
182 sq.

Dans le Luparius r, le loup pris par un berger s'engage à lui


rendre au quadruple tout ce qu'il lui a pris s'il le laisse partir
et s'il veut bien accepter pour otage un jeune loup. Une fois
délivré le loup rencontre un moine qui, sur la promesse d'une
brebis, consent à lui faire la tonsure et à lui donner l'habit de
son ordre. Quand il revient auprès du berger, il répugne à ce
dernier de tuer un personnage aussi saint; il le laisse en liberté
avec son compagnon. Le faux moine ne peut résister longtemps
au désir de dévorer un agneau, et, comme le berger en le voyant
lui rappelle que la règle interdit l'usage de la chair :
Inde lupus : « Non est simplex, ait, ordo bonorum,
Et modo sum monachus, canonicus modo sum. »
(V. 106 sq.)

Dans V Ysengrimus y quand le renard reproche au loup de ne


lui avoir rien laissé du jambon qu'il l'avait aidé à prendre, le
loup lui propose de porter l'affaire devant un synode, et il fait
ainsi parler le défenseur qui prouverait son innocence :
« Ysengrimus adest objecti criminis insons,
Hoc rerum series indubitata dočet.
Venerat hoc anno claustralis seria vitae
Reinardo laicos inter habente suam,
Frater et in claustro, quoadusque abbate voracem
Formidante guiam jussus abiret, erat. »
I, 423 sq.

i. Reinhart Fuchs , p. 416 sq.

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1 6 L. SUDRE

Puis, au moment où ils von


« Tarda magis cupidos quam p
Nonne fui monachus? scisqu
Monach us oblatum cum videri
Irruit ut pluvio fulgetra mot
I, 633 sq.

Plus loin, quand les gens qui poursuivent Reinardus aper-


çoivent le loup prisonnier dans la glace :
« Qpo, domine abba, paras nostros traducere pisces?
Q110 capti tibi sunt, hoc quoque vende loco !
Huccine piscator, dubium est, an veneris abbas. »
967.

Dans le Ve livre, nous retrouvons le loup moine, mais dans


des conditions différentes et qui semblent établir une contradic-
tion avec les passages précédents. Dans ces derniers, le loup
fait son entrée sur la scène comme moine, ou du moins il se
donne comme tel. Du reste, le renard le croit si bien que,
lorsqu'il l'abandonne sur la glace, il lui crie :
« Hue transmissus adest populo comitante sacerdos
Cum crucibus librum relliquiasque ferens,
Et tibi neglectam pensât renovare coronam
Discessusque tui vult abolere nefas. »
I, 855 sq.

Dans le Ve livre, au contraire, le loup ne se présente pas


comme moine, mais demande à le devenir, alléché par les
gâteaux que lui a donnés son oncle, et c'est ce dernier qui lui
fait la tonsure avant de l'emmener au couvent1.
Mais bien que cette donnée ne concorde guère avec la donnée
première, qu'elle n'ait trait qu'à une plaisanterie que Reinardus
veut faire à son ennemi, Wackernagel2 a bien raison de dire
que ce passage, aussi bien que les autres, a pour source l'idée
mère du cycle des animaux, l'idée du loup moine. En effet le
nombre considérable de fables classiques où le loup joue le rôle
d'un personnage non seulement stupide, mais encore bas et

i. L. V, v. 345 et sq.
2. Kleinere Schriften , II, p. 270.

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART I7

dissimulé, d'autre part certaines allégories bibliques où il est


dépeint comme un faux docteur ( Attendite a falsis prophetis qui
veniunt ad vos in vestimentis ovium , intrinsecus autem sunt lupi
rapaces . Math. VII, 15. Ego scio quoniam intrabunt post discessio-
nem meam lupi rapaees in vos, non pacentes gregi . Act. Apost .,
XX, 29) suggérèrent à des clercs la pensée de faire du loup le
symbole de l'hypocrisie religieuse dans une comédie dont il
serait le centre et dont les éléments seraient fournis par Ésope
et par Phèdre. C'est sous le masque d'un faux docteur qu'il nous
apparaît dans YEcbasis ; de même aussi dans une fable latine de
la même époque où il veut se faire passer pour un religieux
parce qu'il a mangé des poissons :
Reddidit elatum congesta parabilis esca
In tantum ut monachum sese jactaret habendum 1 ;

dans un proverbe de Théodoric, abbé de Saint-Tron (vers


1120) : Cerne lupum monachum , à propos de la simonie de
l'Eglise de Rome2. Cette allégorie se retrouve encore vivante,
bien plus tard, dans ces vers de Neckám :
Nil tonsura juvat , juvat aut vilissima vestis
Si lupus es, quamvis esse videris ovis K

Dans l' Ysengrimus, c'est déjà dans un but différent que le


loup a les allures et les paroles d'un moine. L'auteur a sans
doute en vue une satire religieuse; mais cette satire religieuse a
un objet plus particulier, la lutte chaude alors entre l'ordre des
cisterciens et celui des bénédictins : l'idée primitive est dénatu-
rée. Son altération est même complète dans le Ve livre, où le
loup n'est pas moine, mais le devient, grâce à un tour que lui
joue Reinardus. Avec le Roman de Renart , la satire élargit son
ancien cadre, elle s'attaque à toutes les classes de la société, et
le loup n'y a plus la première place. Aussi, comme dans le
Ve livre de Y Ysengrimus , et avec plus de raison encore, son
caractère religieux n'y est plus qu'un détail accessoire, un élé-

I. Zeitschrift für deutsches Alter thum, XXIII, p. 311.


2. Catalogus testium veritatis de Math. Flacius Illyricus, p. 244.
3 . De vita monachorum dans Opera S. Anselmi, éd. Gerberon, p. 195 . Sur toute
cette question, voir d'ailleurs les pages si lumineuses de l'introduction de
M. Voigt, Ysengrimus , XCI sq.
Romania. XVII. 2

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1 8 L. SUDRE

ment de plaisanterie. Quand R


avant de le mener à la pêche,
il l'enivre et l'excite à chanter
une tradition, mais il en méc
ancienne, et elle ne lui sert
comique à la situation, et à fai
son héros préféré.
Il me reste à examiner un der
dance de ces jtťois épisodes
fait trois branches distinctes
seule : « Les branches II, III,
tique des manuscrits du R . de
qu'on peut les considérer com
doute un des plus anciens de t
rapporte à aucune autre branc
même sujet dans ses Observati
parties du récit, qui cependan
l'autre que la division en plusie
dans les manuscrits, est néces
forme un tout bien achevé. »
à d'autres événements du rom
des manuscrits semblent deux
union de ces aventures. .
Pourtant , M. Kolmatchevs
l'attention sur le lien quelqu
tache le deuxième au troisièm
devant le manoir de Renart
repas. Renart lui dit que lui a
s'il consent à devenir moine.
la tonsure. Renart le mène à u
ciat. Puis, tout à coup, sans au
temps, le poète nous dit que le

l. Martin, br. XIV, v. 360 sq., 2e


2. P. 23. C'était déjà l'opinion de G
Les Romans du Renard analysés , p. 125
Renart , p. 400.
3. P. 3$.
4. Loc. cit., pģ 90 sqi

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART I9
était gelé. Or il n'avait pas annoncé plus haut que c'était là que
les moines prenaient leurs poissons. La soudure entre les deux
épisodes est donc imparfaite; dans 1 e Reinhart, au contraire,
elle est toute naturelle : « Les anguilles que tu as là, dit Ysen-
grin, une fois qu'il a reçu la tonsure, devraient nous être com-
munes. - Rien ne te sera refusé. Mais il n'y a plus de poisson
ici. Si tu veux aller à notre vivier, tu y trouveras des poissons
en telle quantité que personne ne peut les compter. Les frères
les y ont mis. - Allons-y, dit Ysengrin. » La mention dans le
texte français d'un noviciat, laquelle n'introduit que du vague,
semble être une addition postérieure à la rédaction primitive ,
bien qu'elle se rencontre dans tous les manuscrits. Du reste, la
maladresse de cette transition, si l'on se rappelle le peu de
concordance entre elles des allusions des autres branches, ne
s'expliquerait-elle pas naturellement par l'incertitude de la tradi-
tion primitive et par l'existence à l'origine de chaque conte à
l'état isolé? Quant à la simplicité du récit du Glichezare, il
serait facile d'en donner la raison, si l'on adoptait la théorie de
M. Martin, qui, dans ses Observations1, se range définitivement
contre J. Grimm, Fauriel, Wàckernageí et Jonckbloet, suivant
lesquels le Reinhart aurait eu pour source un original français
perdu. Selon M. Martin, le Glichezare n'a fait que raccourcir,
abréger les branches que nous possédons : « Il n'est pas permis,
dit-il, de prétendre que les détails qui ne se trouvent pas dans
son poème aient été ajoutés plus tard. » Dans le cas qui nous
occupe, le poète allemand n'aurait fait que rendre simple ce qui
était obscur chez le poète français ; cette nécessité du noviciat qui
embrouillait la suite des idées, il l'aurait supprimée, donnant
ainsi plus de naturel et une allure plus vive à l'ensemble du
récit.
Mais il est un point où cette théorie de M. Martin semble
être en défaut, c'est la présence dans la branche française du récit
du vol des poissons précédant immédiatement la rencontre de
Renart et d'Ysengrin et le « moniage » de ce dernier. Pourquoi
l'auteur du Reinhart aurait-il laissé ce récit de côté ? L'aven-
ture est piquante, originale; en outre elle éclaire fort bien l'épi-
sode de la pêche, en nous indiquant comment Renart se trouve

I. P. 106 sq.

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20 L. SUDRE

en possession des po
grin. Une telle lacun
ce conte dans l'orig
cet original était cer
branches que nous p
sodes (moniage, pêc
Birtin qui, dans le t
des Granches, et l'al
la branche VIII, qui
prouvent bien en fa
rente de celle que no
Maintenant est-ce
sommes redevables de l'idée de mettre ces deux contes en
dépendance ? Il est probable que non. Car il est rare de rencon-
trer l'épisode de la pêche à l'état isolé dans la littérature popu-
laire : il est toujours précédé de quelque autre aventure ayant
trait soit au renard seul, soit au renard et au loup. Or, chose
remarquable, c'est le conte des charretiers qui précède le conte
de la pêche dans un grand nombre de variantes. « L'épisode des
charretiers particulier à la variante (de Moutiers-sur-Saulx) , dit
M. Cosquin 3, se retrouve dans un conte allemand de la marche
de Brandebourg (Kuhn, Maerkische Sagen , p. 297). Dans ce
conte, le renard s'y prend absolument de la même manière que
dans notre variante pour voler un charretier qui conduit une
voiture chargée de barils de poissons salés. Le loup, ayant vu
ensuite le renard en train de manger ces poissons, lui demande
où il se les est procurés. Le renard lui dit qu'il les a péchés dans
tel étang. Suit l'histoire de la pêche. Quand la queue du loup
est bien gelée, le renard attire du côté de l'étang les gens du
village voisin, qui tombent sur le loup à coups de bâton et de
fourche. Le loup y perd sa queue. Mêmes aventures et même
enchaînement des deux épisodes dans un conte esthonien où
l'ours tient la place du loup (ič. Fuchs , p. cclxxxv), dans un
conte russe (Léger, n° 28), dans un conte wende de la Lusace,
un peu altéré (Haupt u. Schmaler, W endische Sagen , II, p. 166),
dans un conte français de la Bresse ( Contes des provinces de
France , n° 65), altéré aussi, et dans un conte du grand-duché

i. Contes pop. lorrains , II, p. 159.

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SUR UNE BRANCHE DU ROMAN DE RENART 21

d'Oldenbourg (Strackerjan , Aberglauben und Sag


Her^pgihum Oldenburg, II, p. 94), ou le renard jo
loup et est attrapé par le lièvre. Comparez encore u
mand assez altéré, Le lièvre el le renard (Bechstein, Ma
p. 120). » Ainsi, dans la littérature populaire, les d
en étaient venus à se lier et à former un seul tout. Dans le
Roman de Renarl , un seul figura d'abord, celui de la pêche,
emprunté sans doute par un conteur à celle des traditions
orales où il était raconté isolément; plus tard, il reçut pour début
l'histoire de la façon dont le loup était devenu moine; c'est dans
cet état que l'a connu et traduit le Glichezare. Plus tard encore,
un remanieur ayant remarqué que le conte de la pêche avait
fréquemment pour préambule le conte des charretiers, transporta
dans le poème français le même enchaînement, tout en laissant
subsister entre les deux l'histoire du montage du loup, et enri-
chit ainsi le cycle d'une nouvelle aventure.
Léopold SUDRE.

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