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Échos d'Orient

Aprocrisiaires et aprocrisiariat. Notion de l'apocrisiariat ses variétés


à travers l'histoire
A. Emereau

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Emereau A. Aprocrisiaires et aprocrisiariat. Notion de l'apocrisiariat ses variétés à travers l'histoire. In: Échos d'Orient, tome
17, n°107, 1914. pp. 289-297;

doi : https://doi.org/10.3406/rebyz.1914.4148

https://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-9447_1914_num_17_107_4148

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APOCRISIAIRES ET APOCRISIARIAT

NOTION DE L APOCRISIARIAT
SES VARIÉTÉS A TRAVERS L'HISTOIRE

La question des apocrisiaires a été fort bien étudiée dans un article


du Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, dû à la plume du
regretté P. Jules Pargoire (i). L'auteur du présent travail, ayant à
reprendre le sujet en vue du Dictionnaire d'histoire et de géographie
ecclésiastique, s'est inspiré des recherches de son docte confrère, à
charge pour lui de revoir les références, de classer les résultats, et de
compléter au besoin les renseignements fournis, toutes choses
qu'aurait voulu faire en pareille occasion le P. Pargoire lui-même.

Notion de Tapocrisiariat.

Le mot apocrisiaire tire son étymologie du grec άποκρισιάριος, et, par


suite, α'άπόκρισις, réponse, et d'^oxpiveaQai, répondre. Quand deux
personnes fixées en des lieux différents échangent au sujet d'une
question à régler une série de réponses, elles ne sauraient trouver de moyen
de communication plus sûr que celui de messages confiés à des
intermédiaires agissant et parlant en leur nom. Ces intermédiaires sont
donc en vérité des chargés de réponses, des apocrisiaires; et si le terme
άπόκρισ-ις ou celui de responsum ont eux-mêmes le sens absolu, comme
on le verra dans la suite, d'affaire à traiter ou déjà traitée, les
apocrisiaires sont bien ce que nous appelons des chargés d'affaires. Avant
d'étudier les variétés de la fonction d'apocrisiaire, faisons auparavant
quelques remarques philologiques destinées à préciser la signification
des termes que nous emploierons.
a) Le grec άποκρισιάριος a donné par simple décalque le latin apocri-
siarius ou encore apocrisarius. Le latin dit aussi responsalis par la
conversion morphologique de responsum, au même titre que le grec dit
άποκρισί,άριος par άπόκρισις; on trouve encore chez les auteurs latins ou
romano-byzantins l'emploi de ad responsum. Que les ad responsum soient
bien des apocrisiaires, c'est ce dont fait foi la déclaration de Justinien

( ) J. Pargoire, article « Apocrisiaires » dans le Dictionnaire d'archéologie chrétienne


et de liturgie de Gabrol-Leclerq, t. I", col. 2537-2555.
ι

Echos d'Orient. — iy° année. — N° ioj. Juillet 1914·


29O ÉCHOS D ORIENT

dans la Novelle XXV, 1 : εχέτω γε [λήν καΐ ad responsum ήτοι άποκρισια-


ρίους προς τήν στρατιωτική ν ευκοσ|λίαν. D'ailleurs, les termes à'apocri-
siarii, responsales, pro responsis, ad responsum, άποκρισιάριοι, εις άπό-
κρισιν, etc., se rencontrent à chaque instant dans les historiens, suivant
une forme plus ou moins semblable, en sorte qu'il n'y a pas lieu
d'insister sur le bien-fondé d'une identification incontestable. Notons
toutefois ici quelques variétés d'expressions pour désigner la fonction
d'apocrisiaire. Chez les auteurs grecs, la locution populaire ποιεΐν
άπόκρισιν semble un résumé concret de toutes les autres formes. On
dit fréquemment : πληρείν αποκρίσεις, ou διακονειν αποκρίσεις, ou άπέ-
ρχεσθαι εις άπόκρισιν, etc., etc. (ι). Chez les auteurs latins, on dit de
même mittere pro responsis ou dirigere responsales, et même apocrisia-
rium pro responsis dirigere (2).
b) On ne pourrait dire qu'il ait existé en grec un abstrait α'άποκρι-
σιάριος pour désigner la charge d'apocrisiaire, ce que nous pourrions
appeler dès maintenant l'apocrisiariat. Le terme byzantin άποκρισιαρίκιον
n'a pas le même sens d'une manière exacte (3). Au contraire, l'abstrait
â'apocrisiarius en latin se rencontre fréquemment, le plus souvent sous
la forme apocrisiariatus (4), et parfois sous la forme boiteuse apocri-
sariatus (5).

Variétés de rapocrisiariat.

Le mot apocrisiaire, en vertu de son étymologie, a toujours eu


nécessairement le sens général d'ambassadeur, de délégué, de nonce, de
représentant, etc., et cela qu'il s'agît des ministres du pouvoir civil ou
de ceux du pouvoir ecclésiastique. On peut même dire qu'il a servi
à désigner à peu près tout homme d'affaires traitant au nom d'autrui.
Si l'on veut préciser ce sens général, il est nécessaire de s'occuper,
d'une part, des apocrisiaires civils, et de l'autre des apocrisiaires
ecclésiastiques. Nous mentionnerons les premiers seulement, pour être plus

(1) Cf. Moschus, Pratum spirituelle, io5, P. G., t. LXXXVII, col. 2964"; Mansi,
Conçu. , t. XII, col. 1042- ; t. VIII, col. 879"; Evagre, Hist, eccles., iv, 38, P. G.,
t. LXXXVI, col. 277611; Pseudo-Athanase, P. G., t. XXVIII, col. 5761; Zachari^e von
Lingenthal, Jus grœco-romanum , t. Ill, Novella XXV, 2, p. 46, etc.
(2) Cf. Saint Benoît, Regula, 5i, P. L., t. LXVI, col. 746"; Liber pontificalis, édition
L. Duchesne. Paris, 1886 et 1892, t. I, p. 343; Vita S. Gregorii I, 7, P. L., t. LXXV,
col. 44e.
(3) Cf. Du Cange, Glossarium ad scriptores mediœ et infimœ grœcitatis, édition
bénédictine, t. I, col. io5.
(4) Jean Diacre, Vita Gregorii Papœ I, 3i, P. L., t. LXXV, col. 75e.
(5) Vita S. Leonis Papes IX, 23, Ada Sanctorum, 2e édition, april., t. II, p. 66i5.
apocrisiair.es et apocrisiariat 291

complet et plus précis, notre intérêt se portant tout entier sur la


fonction d'apocrisiaire dans l'histoire de l'Eglise.

1° Les apocrîsiaires civils.

En suivant un ordre chronologique plus ou moins exact, on peut


distinguer :
a) Les messagers des chancelleries impériales et les vérédaires. — Ce sont
des apocrisiaires, ou du moins une première espèce d'apocrisiaires. On
trouve, en effet, dès la fin du ive siècle, dans les chancelleries impériales,
des employés de rang infime qui sont envoyés à l'intérieur des
frontières pour porter çà et là les réponses données par les administrations
de la capitale, ou, si ce ne sont pas toujours des réponses proprement
dites, les différentes décisions et les arrêtés, toutes choses qui
s'appellent alors des αποκρίσεις au sens large du mot. On lit dans le
Glossarium de Du Cange :
Responsa enim non modo Rescripta principum ad supplicantium
libellos, sed etiam quœvis décréta et mandata appellabant.
Un exemple pour justifier l'assertion :
Sic Justinianus Novell. 25 τα βασιλικά παραγγέλματα a decessoribus
suis αποκρίσεις dicta fuisse scribit (1).
Il est donc naturel d'appeler apocrisiaires les porteurs de ces
αποκρίσεις envoyées et répandues à travers tout l'empire : άγγελος, ο σημαίνων,
ό άποκρισιάριος η ό τας αγγελίας διαγγέλλων, disent les Glossce Basilicorum
citées par Du Cange (2). 11 est deux textes classiques qu'on peut
apporter pour prouver l'existence de ces messagers chargés de
commissions et de réponses: l'un de saint Isidore de Péluse, δια του
βασιλικού άποκρισιαρίου μαθέντες (3), l'autre de Georges d'Alexandrie, ταΰτα
άκούσασα ή βασίλισσα παρά των άποκρισιαρίων αύτης (4).
Nous avons parlé de vérédaires; ce sont aussi des apocrisiaires du
genre des envoyés impériaux. Les veredi sont, comme on le sait, les
chevaux qui servent aux courses des services publics; les hommes
préposés à ces services s'acquittent de leur fonction en conduisant ces
veredi, d'où l'origine de ce nom de vérédaires, qui désigne des courriers

(1) Du Cange, Glossarium mediœ et infimes latinitatis, édition bénédictine, t. I,


col. 555.
(2) Ibid., col. 554.
(3) S. Isidore de Péluse, Epist. IV, 144, P. G., t. LXXVIII, col. i225\
(4) Georges d'Alexandrie, Vita Johannis Chrysostomi dans Henricus Savilius
S. Johannis Chrysostomi opera, t. VIII, p. 2o5, i3.
292 ECHOS DORIENT

publics, porteurs [de messages ou d'édits. Ce sont, au demeurant, les-


maîtres des postes [de l'époque. Papias définit le vérédaire : Veredarius
a vehendo dicilur, qui festinanter equitando currit, habetque pennas in
capite ut intelligatur festinatio itineris (1).
Mais, chose plus intéressante pour nous, vérédaire est synonyme
d'apocrisiaire. On s'en convainc, il est vrai, par l'attribution des mêmes
emplois; il y a pourtant tel texte de l'historien Procope qui le déclare
explicitement. Il s'agit des vérédaires de Gélimer, et Procope dit d'eux :
και τίνας των εις τας βασιλικας αποκρίσεις στελλορ,ενων, ους δε βερεδαρίους.
καλοΰσι (2). Suivant la juste remarque du P. Pargoire, cette phrase
a aussi « l'avantage de nous avertir que les empereurs byzantins
n'étaient pas les seuls à disposer d'apocrisiaires » (3).
Est-ce aux bons soins d'un de ses vérédaires que le pauvre roi des
Vandales que fut Gélimer confia le message fameux par lequel il
demandait à son vainqueur du pain, une éponge pour essuyer ses
larmes, et une lyre pour chanter ses malheurs?
b) L'apocrisiariat fonction militaire. — II faut encore mentionner sous
la rubrique des apocrisiaires civils un ordre de fonctionnaires militaires
qualifiés en maints documents du titre de ad responsum. La célèbre
Notifia dignitatum in partibus Orientis et Occidentis parle d'un pri-
micier Scrinii Auri ad responsum. Boecking, dans ses notes à cette
Notice, ne sait à quoi s'en tenir sur le rôle de ce primicier (4). Pour
Pancirolli, Yaurum ad responsum signifie l'argent que nécessitent les
courses des vérédaires à travers les provinces; mais il ne se refuse pas
à y voir peut-être l'argent donné pro annonis à des messagers publics
dont nous allons parler (5).
Une loi d'Anastase Ier (491-518) nous renseigne sur la procédure
établie pour les causes civiles et criminelles où se trouvait mêlé tout
militaire, antérieurement à cet empereur. Le magister prœsentalium
entretenait auprès du magister militum per Orientent un délégué, un-
ad responsum chargé de traiter les questions du contentieux. Anastase,

(1) Papias, cité par Du Cange, Glossarium latinitatis, édit. bénédict. t. VI,
col. 1489, où l'on trouve encore cette autre définition un peu plus explicite, empruntée
à un Glossarium manuscrit: Veredarii dicuntur a vehendo, qui festinanter in equis
currunt, non descendunt de equo antequam libérant responsa sua; habent in capite
pennas ut inde intelligatur festinatio itineris; datur semper iis equus paratus, nec
manducant nisi super equo antequam perfecerunt.
(2) Procope, De hello vandalico, I, 16. Cf. Théophane, Chronographia, a. 6026.
(3) Diet, d'archéol. chrét. et de liturgie, t. Ier, col. 253g.
(4) Boecking, Annotatio ad notitiam dignitatum in partibus Orientis. Bonn, i83o,f
p. 255.
(5) Pancirolli, Commentarium in notitiam utramque, 1, 80. Lyon, 1607, fol. 53.
APOCRISIAIRES ET APOCRISIARIAT 293

en effet, dans cette même loi intitulée : Magistro militum prœsentalium,


parle de Y ad responsum, quem de officio tuœ sublimitatis hue usque ad
prœdictam magisteriam per Orientem potestatem moris erat destinari (1).
Mais il n'en parle que pour modifier ce point de législation, peu
pratique probablement, et pour lui substituer des dispositions plus
heureuses. Au lieu de s'adresser au magister militum per Orientem, les
soldats se référeront aux ducs, c'est-à-dire aux officiers commandant
les troupes d'une province; à cet effet, deux apocrisiaires ou, pour
employer les termes juridiques, deux ad responsum, envoyés chacun
par leur magister militum prœsentalium respectif, s'en iront, de la part
de ce magister, à travers les provinces et se rendront auprès de chaque
duc pour connaître des différentes causes. Mais, on peut se le demander,
pourquoi ne pas nommer un délégué pour chaque duc? Ad singulos
duces, répond Anastase, ad responsum de apparitionibus vestris non per-
speximus oportere destinari, ne per multitudinem eorum qualibet macbi-
natione damna contra milites nostros augeri contingat (2).
Sans vouloir insister sur ces fonctionnaires que sont les ad responsum
militaires, il est utile cependant d'ajouter que leurs statuts changent
encore avec Justinien, et surtout avec Justinien. C'est que le grand
empereur unit dans une même main le pouvoir civil et le pouvoir
militaire, du moins pour plusieurs provinces de l'empire. Or, le magistrat
investi de ce double pouvoir a toujours des ad responsum, ce qui
augmente nécessairement le nombre de ces fonctionnaires, jusqu'ici assez
restreint. Les trois Novelles du 18 mai 535 et la Novelle du 18 juillet
de cette même année fournissent des exemples de cette union des
deux commandements. On lit dans la Novelle XXIV, 4, de Prœtore Pisi-
dice, que ce magistrat aura des ad responsum pour les soldats, εξει τε
επί τοις στρατιώταις καΐ ad responsum ; dans la Novelle XXV, 1, de
Prœtore Lycaoniœ : έγέτω γε μήν καΐ ad responsum ήτοι άποκρισιαρίους προς
την στρατιωτικήν εακοσ-μίαν (nous avons déjà cité ce texte pour montrer
qu'on peut appeler ces ad responsum des apocrisiaires au sens large);
dans la Novelle XXVI, 2, de Prœtore Tbraciœ : καΐ παρέσται μεν αύτφ
καΐ ad responsum δια τας έκεΐσε δυνάμεις; dans la Novelle XXVIII, } :
έγέτω και ad responsum.
c) Les apocrisiaires ambassadeurs. — On pourrait dire que ce sens
d'ambassadeur est le plus classique dans les différentes catégories de
l'apocrisiariat civil. Disons dès maintenant aprocrisiaire ou responsal,

(1) Cod. Justiniani, xn, 35, De re militari 18.


(2) Cod. Justitiani, Ibid.
294 ÉCHOS D ORIENT

car ce n'est là qu'une différence de langage. Suivant que l'écrivain


est grec ou soumis à l'influence byzantine, ou suivant qu'il est
latin, il écrira άποκρισιάριος ou responsalis, comme nous allons le
constater.
Le P. Pargoire cite de nombreux exemples de ce genre d'apocri-
siaires. Il écrit (i) : « Le terme est employé pour les Slaves qui, lit-on
quelque part, τω των Άβάρων χαγάνω δι' άποκρισιαρίων έστειλαν υπό-
σχεσιν (2). Il est employé pour les Bulgares de 772 chez Théophane :
ελθόντες προς αυτόν οι αποκρισιάριοι του κυροΰ βουλγαρίας (3), et chez
Georges Harnartole : αποστέλλει τους άποκρισιαρίους τους δια είρήνην
παραγενο γένους επί βουλγαρίαν(4)· Π est employé pour l'empereur byzantin
Manuel Comnène qui, voulant négocier avec le pape Alexandre III,
misit Beneventum de majoribus imperil sut apocrisiarium (5). Il est
employé pour le roi de Hongrie Coloman, dont les deux envoyés,
appelés à figurer comme témoins dans un acte romano-byzantin de
septembre 1108, signent sous la rubrique : οι εκ Δακών ηκοντες άποκρι-
σιάριοι παρά τοΰ Κράλι. Il est employé pour le chef normand Richard le
Sénéchal, dont les représentants, témoins du même acte, se déclarent
o'i άποκρισιάριοι 'Ρισκαρδου Σινισκάρδου (6). Il est employé pour le roi de
France Louis VII, dont Manuel Comnène déclare avoir reçu une lettre
ρ,ετα των φρονιμωτάτων άποκρισιαρίων (7).
Il est aussi question d'apocrisiaires ambassadeurs dans de multiples
textes des Historiens des Croisades (8). Comme nous l'avons dit, il est
indifférent d'employer le terme d'apocrisiaire ou le terme de responsal.
C'est pourquoi on trouve également des responsales ambassadeurs :
interpellavere pro vobis responsales et mei et vestri, honor ati viri ac
prudentes (9), ou encore : Responsalis quidem Prœpositi et omnium obsessorum
erat Castellanus Haket, qui solus pro omnibus loquebatur (10). Sur l'emploi
à' apocrisiarius chez les auteurs latins pour exprimer ce même sens, on
trouve également plusieurs exemples. Il suffit de citer celui que donnent
les Actes de saint Athanase de Naples, par Jean de Naples: Dominus

(1) Diet, d'archéol. chrét. et de liturgie, t. I", col. 2554.


(2) Miracula S. Demetrii, 11, 169, Acta Sanctorum, oct. t. IV, p. 167*.
(3) Théophane, Chronographia, a. 6265.
(4) Georges Hamartole, Chronicon, iv, P. G., t. CX, col. 947".
(5) Liber pontificalis, éd. Duchesne, t. II, p. 419; cf. p. 420.
(6) Anne Comnène, Alexias, xm, P. G., t. CXXXI, col. 1025*.
(7) Recueil des Historiens des Croisades, Historiens grecs, t. II, p. 200.
(8) Cf. Historiens grecs, t. I", part. II, p. j5d, 159% i6id, i63d, 169e1 ; part. III, p. a5id,
part. IV, p. 456a; part. V, p. 6o5\
(9) Vita S. Ottonis Bamberg., 101, Acta Sanctorum, jul. t. I, p. 356e.
(10) Vita Caroli Boni, 64, Acta Sanctorum, mart. t. I, p. 192e.
APOCRISIAIRES ET APOCRISIARIAT

Athanasius episcopus suum apocrisiarium domino Lhodogvico imperatori


destinans (1).
2° Les Apoerisiaires ecclésiastiques.

d) Les apoerisiaires et les représentations pontificales. — C'est la


question des origines de la représentation pontificale que nous abordons en
traitant des apoerisiaires ecclésiastiques; c'est une page de l'histoire du
droit canonique que nous avons à écrire. Nonces, légats, vicaires
apostoliques, apoerisiaires, tels sont les différents représentants pontificaux
que nous rencontrons dans les corps diplomatiques en remontant le
cours des âges; tous sont des ambassadeurs du Pape, mais tous sont
plus que des ambassadeurs ordinaires. Expliquons-nous. Le Pontife
romain n'étant pas un simple souverain seulement à la façon des chefs
des nations, mais jouissant d'un pouvoir suprême sur tous les fidèles,
il s'ensuit que son représentant auprès d'une cour ou auprès de toute
puissance civile participe également de ce pouvoir suprême et universel :
de sorte qu'il ne se contente pas de gérer les affaires diplomatiques,
mais exerce réellement l'autorité apostolique qui lui est confiée sur tout
le territoire de sa représentation. C'est là l'enseignement de la fameuse
Réponse sur les Nonciatures de Pie VI, 55. D. N. PU "VI Responsio ad
metropolitanum Moguntinum super Nunciatur is (Rome, 1790), monument
le plus précieux de la doctrine de l'Église sur la représentation
pontificale. Retenons-en les mots suivants :
Jus esse Romano Pontifici habendi aliquos, in dissitis prœsertim locis,
qui Sut absentis personam reprœsentenl, qui jurisdiclionem suam atque
auctoritatem stabili delegatione collatam exerceant, qui denique Suas
vices obeant (2).
Ce droit est établi et prouvé par le fait de la primauté, par la
pratique constante de l'Eglise depuis les premiers siècles jusqu'à nos
jours, par l'autorité des lois ecclésiastiques et civiles, par la doctrine
commune des canonistes et des juristes. Le document, dans l'étude
des données de la tradition et des origines, signale à juste titre les
apoerisiaires; il les étudie d'après la Vêtus et nova disciplina de Thomas-
sin(3). Au chapitre vin, n. 37, en note, nous y lisons le texte d'Hincmar
de Reims, qui peut servir d'épigraphe à la présente dissertation :

(1) Acta S. Athanasii episcopi Neapol., p. 8, Acta Sanctorum, jul. t. IV, p. 76'. —
Voir aussi Historiens occidentaux des Croisades, t. Ier, p. 100 : Willermi Tyrensis
archiepisc. Histor. liber secund., cap. xix.
(2) SS. D. N. PU VI Responsio super Nunciaturis. Rome, 1790, cap. vin, sect. 2,
n. 24.
(3) Thomassin, Vêtus et nova disciplina, I, II, 107-in.
296 ÉCHOS D'ORIENT

Apocrisiarii minister ium ex eo tempore sumpsit exordium, quando


Constantinus Magnus sedem suam in civitate sua quœ antea Byzantium
vocabatur, œdificavit. Et sic responsales tam Romanœ Sedis quam et
aliarum prœcipuarum sedium in palatio pro ecclesiasticis negotiis excu-
babant. Aliquando per episcopos, aliquando vero per diaconos Aposto-
lica Sedes hoc officio fungebatur (1).
Il y eut de ces représentants pontificaux dans la ville de Constantin ;
il y en eut aussi en Occident, comme le fait entendre Hincmar lui-
même. De là deux parties dans l'étude des apocrisiaires ecclésiastiques :
une première partie est consacrée aux apocrisiaires d'Orient, une
seconde à ceux d'Occident. De part et d'autre, il faut ajouter les
apocrisiaires d'institution monastique, pour être complet et avoir une vue
d'ensemble plus comprehensive. Une remarque s'impose ici : les légats
romains envoyés à la cour byzantine ou ceux d'Occident étant de tous
les apocrisiaires les plus importants et les plus dignes, il est naturel de
s'attacher à eux plus spécialement et de chercher à mettre davantage
en lumière leur rôle dans l'histoire, sans toutefois négliger les autres
fonctionnaires ecclésiastiques qui ont dûment porté le même titre qu'eux.
b) apocrisiaires et vicaires apostoliques. — Plus haut, nous avons
réduit à quatre les étapes de la représentation pontificale à travers
l'histoire : l'apocrisiariat, le vicariat apostolique, la légation, la nonciature.
Cependant, les apocrisiaires sont-ils les premiers et les seuls
représentants des origines? 11 semble que non, car les apocrisiaires et les
vicaires apostoliques sont en vérité contemporains; s'ils sont appelés
différemment, ils sont cependant plus probablement égaux dans leurs
fonctions. Sur le Bosphore, les envoyés romains portent le nom que
nous savons; dans les provinces du patriarcat de Rome, en Italie, en
Sicile, dans l'Illyricum, en Espagne, en Allemagne, en France même,
ils s'appellent vicaires apostoliques. Les uns et les autres ne sont pas
seulement des légats extraordinaires; ce sont aussi des légats munis
d'une juridiction permanente, établis à poste fixe. Ce ne sont pas là de
simples conjectures. On peut constater, par exemple, qu'au temps de
saint Grégoire il existe des apocrisiaires envoyés par ce même Pape
à Constantinople, tandis que l'exercice de l'autorité apostolique est
confiée au sous-diacre Pierre pour la Sicile, au moins en vue de
l'administration du patrimoine de Saint-Pierre, et plus probablement aussi
en vue de la gestion de toutes les affaires ecclésiastiques de ce pays (2).

(1) Hincmar de Reims, De Ordine Palatii, 13-14. P. L., t. CXXV, col. 993d et 999*.
(2) 5. Gregorii Papes, Epist. I, 1, P. L., t. LXXVII, col. 442s.
APOCRISIAIRES ET APOCRISIARIAT 297

Ce Pierre, tout sous-diacre qu'il est, est réellement chargé de ce Vica-


riatus Siculus dont parle la Responsio super Nunciaturis, cap. vin, n. 86.
Plus tard, le même saint Grégoire établit l'évêque de Syracuse,
Maximien, vicaire du Saint-Siège pour toute la Sicile, super cunctas Siciliœ-
ecclesias te vice Sedis Apostolicce ministrare decernimus (1).
C'est à bon droit assurément qu'un canoniste, étudiant la question
de la représentation pontificale, distinguera les apocrisiaires des vicaires
apostoliques, en entendant par les premiers, avant tout, les
représentants constantinopolitains, et par les seconds les envoyés pontificaux
de la même époque dirigés vers d'autres pays pour administrer vice
Apostolicce Sedis, donc pour être en ces pays des vicaires apostoliques.
Ainsi fait Bouix (2); ainsi faisons-nous. Nous ne nous occuperons donc
que des apocrisiaires; à notre avis d'ailleurs, les données des canonîstes
à ce sujet sont assez brèves, très incomplètes même. Il est vrai que ces
données relèvent davantage de l'histoire du droit canonique.

(A suivre.) A. Emereau.

Constantinople.

(1) 5. Gregorii Papae, Epist. II, 7, col. 545».


(2) Bouix, Traclatus de Curia Romana, pars IV, sect. II, cap. ι.

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