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L'empreinte

de Krishnamurti
Les mystères de la transmission
Couverture et mise en page : Yannick Baca
© Copyright Arkanorum 2013
Editions Charles Antoni / L'Originel
25 rue Saulnier - 75009 Paris
Tél. & Fax. : +33 (0)1 42 46 75 78
http://www.loriginel.com
editions@loriginel.com
Tous droits de reproduction réservés pour tous pays
Dépôt légal : 2éme trimestre 2013
ISBN : 979-10-91413-46-6
Henry Damay

L'empreinte
de Krishnamurti
Les mystères de la transmission

Collection Non-Dualité
Sommaire
Avant-propos
1 - Krishnamurti et la voie directe, les mots peuvent-ils déchirer le voile ?
2 - L'hypnose collective, y a-t-il quelqu'un dans la personne ?
3 - Enseignements spiritualistes et vie réelle, La Grande fracture
4 - Monde objectif et identité fictive ; s'installer dans la conscience ne
demande pas d'effort, nous y sommes déjà... !
5 - La compréhension interceptée, piège millénaire imparable
6 - La sensation d'existence, une illustre inconnue ?
7 - Le non savoir, ultime recours vers le grand mystère
8 - Peut-on faire progresser un égo qui n'existe pas ?
9 - Les arcanes secrètes de la pensée
10 - L'unicité de toutes choses, concept ou réalité ?
11 - Krishnamurti et ses auditeurs, une seule énergie qui joue tous les rôles à
la fois...
12 - L'Être humain, machine à turpitudes, vu par Krishnamurti
13 - Qui suis-je vraiment ? L'inconcevable réalité... ! Le commencement de la
fin... !
14 - Qui peut se « Libérer du connu » si celui qui veut se libérer n'a pas
d'existence propre... ?
15 - Condamnation à vivre égal manque à être ; insatisfaction endémique
masquée par de belles histoires !
16 - Connaître Dieu, c'est ne plus vouloir le connaître
17 - La dynamique du vide, prochaine étape de l'espèce. Le grand coup de
balai...
18 - Le mot n'est pas la chose, disait Krishnamurti. Mais où donc se cache la
chose... ?
19 - Absolu intemporel et conscience manifestée. Un jeu de l'unicité avec
elle-même ?
20 - Le déguisement du créateur en créatures, grande farce cosmique...
21 - Les paradoxes de l'intelligence, aphorismes et phrases clefs, à ne pas
prendre au sérieux...
22 - Divine amoralité... Chaque société dispose d'un arsenal préfabriqué de
moralités, LA VIE N'EN A AUCUNE ? Personne n'y peut rien, le non savoir
est la seule réponse. Il faut faire avec, seul subsiste CE QUI EST... !
Avant-propos
Le présent ouvrage n'a pas pour but une quelconque remise en question
de l'enseignement de Krishnamurti, mais tente de jeter un regard sur les
répercussions, dans le temps et l'espace, qui ont pu se produire chez un
fervent admirateur inconditionnel, en son temps, de cette nouvelle et
puissante forme de pensée, émanant du personnage.

Il s'agit donc du cheminement d'un disciple de ce maître, bien que ce


dernier réfutât ce terme, qui a fait l'objet de ce livre, dont les modalités
d'exploration pourront surprendre.

Il n'a aucune prétention d'enseigner quoi que ce soit, mais simplement de


décrire ce qui s'est passé à partir de l'écoute subjuguée d'un auditeur,
interpellé par ses conférences, sous la grande tente de Saanen, ainsi que par la
lecture de ses livres.

L'auteur ne revendique nullement de détenir une quelconque vérité dans


un domaine où la subjectivité et les contradictions foisonnent, d'autant que
toutes ces supposées vérités ne sont faites que de concepts qui, en général, ne
font qu'enrichir une mémoire déjà bien chargée de connaissances.

« Le mot n'est pas la chose », disait Krishnamurti, et la grande leçon qui


apparaît dans une telle exploration réside dans le fait que cela pointe vers ce
qui est, au-delà des mots et des paroles, plongeant directement dans le néant
du non-savoir.

La grande facétie cosmique place les humains dans le statut paradoxal


où il y a épuisement à comprendre ce qui ne peut jamais l'être, aboutissement
très peu satisfaisant car cela annule chercheur et cherché.

C'est un saut dans l'inconnu où l'on arrive chez soi, avec la reconnaissance
que nous y avons toujours été...
1 - Krishnamurti et la voie
directe, les mots peuvent-ils
déchirer le voile ?
Si Krishnamurti a été une étape marquante dans l'univers de
l'exploration de l'humain, d'autres enseignements non-dualistes braquent la
projection sur le fait que la personnalité autonome, disposant d'un libre
arbitre présumé, n'est qu'une croyance illusoire, qu'il est très possible de
vérifier directement et sans intermédiaire.

Très souvent, ce point essentiel est noyé dans le magma des


interprétations de la pensée, et le siècle actuel génère des interrogations qui
n'effleuraient pas les esprits des précédents habitants de la planète Terre.

En étendant l'observation à ce qui s'est passé dans le monde, d'après ce


que nous pouvons en constater, le mammifère humain a toujours manifesté
une forme d'intuition où il sentait que quelque chose devait exister, comme
une puissance supérieure qui dirigeait et soutenait ce gigantesque
déploiement cosmique.

Les noms donnés à cette intuition varient en fonction des pays et des
races ; des groupes d'humains, subjugués par des précurseurs qui mettaient en
forme cette intuition, ont créé des organisations appelées religions.

D'autres, en nombre plus réduit, ont suivi des enseignants éclairés à


divers niveaux pour entreprendre une recherche plus spécifique.

Force nous est de constater que ces entreprises n'ont changé en rien l'état
précaire et malheureux de la majorité des habitants de la Terre.

Qu'en est-il en réalité de cet élan vers l'inconnu, le sacré, le mysticisme,


les croyances, si ce n'est pour remplir un vide abyssal et exorciser nos peurs
les plus profondes avec le léger inconvénient de voir se traduire ces
idéologies en divergences irréconciliables et tueries sans fin, qui perdurent
jusqu'au troisième millénaire.

Le concept de « Dieu » a ainsi pris forme avec les multiples


interprétations qui lui ont été attribuées, selon les pays et les races, avec le
point commun de l'impérieuse nécessité, pour vivre dans l'épanouissement et
la vérité, de suivre des enseignements, des pratiques, et toute une gamme de
comportements dans un jeu magnifique où l'on s'intitule chercheur spirituel.

Cela peut se poursuivre la vie entière, et pour ceux qui n'abandonnent


pas en cours de route, la tendance majeure qui permet à la pseudo
personnalité de rester aux commandes sans grande difficulté, du fait que
l'avènement de l'éveil signifie la fin de son règne.

Si la voie dualiste propose un but à atteindre, la voie directe est jalonnée


de prises de conscience qui permettent de détecter que les films qui défilent
dans la pensée ne sont pas autre chose que les conditionnements et les
formatages enregistrés à notre insu depuis la plus tendre enfance.

Ce recul nous amène à nous poser la question : ces programmes sont-ils


réellement nous-même du fait qu'ils sont vus comme des réactions
automatiques qui se projettent vers l'extérieur en toute inconscience ?

Si nous ne les saisissons pas, nous constatons que les pensées viennent
d'une vacuité pour y retourner comme elles sont venues ; c'est ce genre de
constat qui commence à nous rendre dubitatif sur le fait qu'il se pourrait que
notre identification à la pensée ne soit qu'une croyance qui ne correspond pas
à une réalité, jusqu'alors totalement occultée.

Ce genre de découverte, si elle bouleverse notre vision de nous-même,


est en réalité une avancée considérable car elle pose les jalons vers la
connaissance de notre nature véritable par expérimentation et non par des
lectures ou discours faits par d'autres, inclus ceux de Krishnamurti.
C'est là où la notion de voie directe intervient, car il ne s'agit plus d'aller
à la pêche aux savoirs mais d'intimement conscientiser que nous sommes
espace et temps, que ce qui s'élance à partir des sensations, émotions,
pensées, jaillit de cette vacuité silencieuse et paisible.
Ainsi s'infiltre dans le corps-esprit une forme de maturité qui remet à sa
juste place toutes les croyances, idéologies, opinions qui ne peuvent plus être
prises au sérieux après de telles découvertes ; nous commençons à nous
éveiller du rêve.

Quand le bruit mental permanent est vu pour ce qu'il est, un simple


déploiement d'énergie auquel nous nous sommes identifiés, la bonne farce
mise en place par le grand architecte est déjouée ; cela peut nous amener à
une joie où nous commençons à comprendre ce que le terme libération veut
dire.

Le fait de commencer à prendre conscience que nous ne sommes pas


propriétaire de nos pensées mais qu'il s'agit du jeu d'une totalité
impersonnelle qui anime les moindres détails des milliards de formes qui
s'incarnent dans l'univers d'instant en instant.

Quand il est vu que ce surgissement de pensées apparaît et disparaît,


ceux qui ont pu être suffisamment attentifs ont pu réaliser qu'il y avait
souvent un silence entre deux pensées.

Lorsque cette vacuité silencieuse s'élargit, « le vide que nous sommes


apparaît dans le néant absolu de notre nature intemporelle ».
Cette audacieuse affirmation se révèle porteuse d'une simplicité peu
admissible par le mental. La vie est tout ce qui est et ce qui peut être, elle
joue simplement le rôle d'un individu qui se croit autonome et indépendant.

En fait, la source de vie habite le corps à sa conception et le quittera à la


mort.

« Cette force de vie n'est pas autre chose que notre véritable nature ».

Découverte étonnante, nous sommes force de vie mais aussi une


manifestation de cette force de vie dans le temps et l'espace.

Quelques phrases-clefs définissent très bien ce mystère :


La forme est vide, le vide est forme
La conscience manifestée est la même que la conscience non manifestée

Le physicien peut dire :

De l'énergie indifférenciée émane l'atome et ses composants, base de


tout ce qui existe.
En somme, l'énergie qui anime le vivant est la vie à l'état pur ; elle
manifeste l'univers ainsi que ce grain de poussière qui s'intitule être humain et
s'oublie dans sa manifestation.
Quand elle se retire d'un corps, celui-ci redevient poussière ; ce qui, en
final, n'a pas grande importance, cette manifestation particulière n'a aucune
existence propre ; la supercherie de la vie favorise la croyance d'être une
entité autonome, disposant d'un libre arbitre et séparée de la totalité, ce qui
dramatise le problème d'une pseudo personnalité, grugée par son apparence et
ses ressentis.

Une fois déjoué le grand malentendu de se croire séparé, l'identification


à une identité fictive cesse, seul subsiste le grand vide ; il est vu alors que
nous sommes un flot d'énergie qui se produit dans rien.

A la fin du corps, nous retrouvons l'unité d'avant la naissance, la pseudo


identité ayant fusionné avec son origine, il n'y a plus personne pour mourir.

Si le rien que nous sommes n'est pas reconnu nous partons avec la
croyance qu'il y a quelqu'un qui meurt.

D'une façon comme d'une autre, la manière dont nous allons quitter le
Monde n'est pas de notre fait et ne représente pas un but à atteindre, surtout
lorsque la présomption d'être quelqu'un qui possède la vie est tombée.

La compréhension est tout, quoi qu'il se passe, c'est l'affaire d'une


conscience qui s'est fractionnée en deux ; la seule alternative, pour l'humain,
réside dans l'intégration de cette compréhension, là où explose tous les
concepts dans le grand silence de l'unité retrouvée.
Du fait que nos décisions apparentes font partie d'une programmation
qui nous échappe, pour la bonne raison que le parcours de chacun est déjà
joué dans le grand ordinateur central, alors que nous croyons dur comme fer
que nous avons choix et libre arbitre.

Cela peut être très frustrant, mais le contraire peut se produire ; les
choses sont ce qu'elles sont et il ne peut en être autrement ; tout se passe dans
le silence qui connaît tout ce qui arrive dans le théâtre des apparences.

Quels sont les signaux qui peuvent nous faire réaliser que nous sommes
prisonniers d'un déterminisme aussi radical ?

Certaines modalités de nos existences courantes pourront peut-être nous


aider à décrypter le mystère.

Tout au long de ce parcours de vie, il nous est possible de constater que


nous fréquentons trois états bien définis : l'état de veille, l'état de rêve et le
sommeil profond.

Successivement, ces trois états apparaissent et disparaissent mais la


conscience impersonnelle sous-tend ces états dont elle est le substrat
permanent.

Qui suis-je alors ? Ces trois états permanents qui se succèdent tout au
long de la vie, ou l'énergie impersonnelle d'où surgissent ces trois états ?

L'aperçu le plus significatif qu'il nous est possible de vivre réside dans le
sommeil profond ; cette phase est comme une plongée dans sa propre
Source ; la pseudo personnalité disparaît. Nous la retrouvons à chaque réveil,
en quelque sorte, on pourrait dire : le Monde existe parce qu'il y a quelqu'un
pour le voir.

Lorsque l'état de veille est recouvré, l'individu reprend ses films et


scénarios à l'endroit où ils en étaient. C'est comme l'histoire d'une vie où
l'humain devient l'intermittent du grand spectacle de l'univers en mouvement
pour quelques fractions de secondes par rapport à l'éternité.

Les découvertes qui peuvent nous apporter une vision objective des trois
états, c'est que le déroulement dans le temps et l'espace obéit à une loi subtile,
très révolutionnaire pour le mental contemporain.

La source de vie et ses innombrables manifestations, inclus l'humain,


sont unifiées dans l'énergie intemporelle qui anime, d'instant en instant, toutes
les situations que vivent les habitants de la planète, humains, animaux,
monde végétal et minéral.

Cela mérite un approfondissement réaliste.


2 - L'hypnose collective, y a-t-il
quelqu'un dans la personne ?
En poursuivant l'exploration sur la base de ces données, comment
pouvons-nous réaliser qu'il n'y a personne aux commandes du pseudo ego,
que la vie est produite en nous par un gigantesque ordinateur cosmique dont
le programme est au-delà de cette infime partie du grand tout localisé dans un
cerveau humain réduit au rôle de transistor ?
Y a-t-il quelqu'un dans la personne, ou la personne est-elle quelqu'un,
pourrait-on se demander ?

Un humain est appelé une « personne » et cela n'est pas anodin car si
l'on regarde en soi-même notre manière de fonctionner risque de nous
procurer quelques surprises.

Comment pouvons réaliser que ce moi, si prolixe en pensées et paroles,


est sans existence en tant qu'entité autonome ? Cela serait une découverte aux
implications incalculables. Ne s'agit-il pas d'une forme d'auto-hypnose
collective ?

Le mystère de ce pseudo moi ne peut être percé qu'en observant son


fonctionnement à partir d'une zone de soi-même où tous commentaires sont
absents.

Nous sommes bien placés pour cela, aux premières loges de l'étonnant
spectacle de ce va-et-vient de pensées ininterrompues qui imprègnent notre
quotidien, à notre insu et en toute inconscience.

Ce regard pourrait se définir comme un nouvel intérêt vis-à-vis de notre


monde intérieur avec différence essentielle que cela se déroule dans une
étrange vacuité silencieuse, qui ne prend plus à son compte ce qui se passe
dans la pensée.
Cette nouvelle perception de soi-même n'a plus rien à voir avec celle qui
nous est familière, le florilège de jugements, qualifications qui constituent le
bruit mental habituel n'étant plus reconnu comme soi-même mais comme un
mécanisme quasi-automatique qui apparaît, disparaît dans le vide que nous
sommes.

Cela procure un relâchement des tensions ; ce qui se passe dans ce


corps-esprit, lorsque les commentaires sont absents, permet de faire le constat
étonnant que la pensée s'élance du vide et retourne au vide, si elle n'est pas
saisie..

C'est dans ce vaste espace indéfinissable que peut être intuitivement


perçu que toute cette production psychologique continuelle n'est qu'un
ramassis de programmes et conditionnements collectés sans que nous en
soyons conscients et qui répètent sans relâche les mêmes scénarios sous
diverses formes.

Un ordinateur peut-il exister par lui-même ou dépend-il de celui qui l'a


programmé ?

Étrange similitude pour l'humain qui s'agite en se prenant pour quelqu'un


alors qu'il n'est qu'un programme prédéterminé faisant partie d'une totalité de
nature impersonnelle qui agite des milliards de robots.

Que devient alors le libre arbitre présumé et cette impression que nous
dirigeons bel et bien notre existence en faisant des choix à tout instant ?

Et si ces notions auxquelles nous attachons tant de prix étaient


gouvernées par quelque chose sur lequel nous n'avons aucun choix.

Ces choix que nous prétendons détenir, sont-ils vraiment nos choix ou
ne font-ils que survenir ?

Une brève synthèse analysant comment l'humain est constitué pourra


répondre à cette question.

A l'origine, nous héritons des gènes des parents avec le plus d'un A.D.N.
Dont nous dépendons naturellement, fondation déjà inscrite de la maison Moi
je... Il y a ensuite une programmation familiale qui va régir tout un
conditionnement inconscient. La nation, l'éducation, la religion vont être
également enregistrées, créant les innombrables tendances qui forment le
pseudo ego.
Cela va se traduire par une entité qui répond aux provocations de la vie
avec les programmes absorbés de longue date, en croyant choisir alors que ce
sont des automatismes inconscients qui mènent la danse.

A quoi peut servir la compréhension que nous ne sommes qu'une


marionnette tirée par des fils invisibles si ce n'est à une prise de conscience
révolutionnaire, d'une impuissance très libératrice.

Rien de ce qui arrive n'a de réelle importance. Nous déposons sur le


porte-bagages le lourd fardeau que nous portons sur le dos.

Si le « grand architecte » nous a incarné dans un corps qui croyait être


aux commandes et qu'il s'avère qu'il n'en est rien, cela peut faire surgir en soi
une sérénité et une tranquillité qui ne doivent leur existence à rien d'autre que
cette stupéfiante prise de conscience : accepter ce qui est devient une
nouvelle façon de vivre.
Rien ne nous empêche de continuer à vivre comme nous en avons
l'habitude, à faire tous les choix qui nous paraissent correspondre à nos
besoins et envies, mais, à l'intérieur de nous-même, nous percevons chaque
jour davantage que « cela se fait » en nous. L'illusion d'un choix quelconque
se démasque petit à petit.

Un changement de notre climat intérieur en découle ; nous vivons ce que


nous avons envie de vivre en toute liberté, non pas que cela nous
déresponsabilise ; les conséquences de nos actions ne nous appartiennent pas
plus qu'auparavant mais l'identification a un nom et une forme ; elle s'affaiblit
de plus en plus en tant qu'agissant individuel séparé.

Ces données subtiles sont d'abord à comprendre intellectuellement et


c'est l'expérience personnelle qui déjouera petit à petit le maléfice originel de
croire que nous sommes le maître de notre destin, base essentielle de tous les
conflits, intérieurs et extérieurs.
Une fois cette compréhension intégrée, le regard témoin apparaît, son
existence est reconnue du fait qu'il est impersonnel, c'est-à-dire dénué de
jugement : qualifications, ce qui ne veut pas dire que l'aspect fonctionnel et
pragmatique du mental n'est pas utilisé pour la gestion de la vie courante.
En termes plus simples, nous ne sommes qu'un rôle insignifiant dans le
grand spectacle du monde ; cela ressemble à la conscience que nous avons
lorsque nous rêvons, ce qui est perçu à ces moments semble bien réel, mais
au réveil l'individu constate : mais ce n'était qu'un rêve.

De la même manière, celui qui sort de l'état de veille, en se résorbant


dans sa source, c'est-à-dire en réalisant sa vraie nature, fera ce constat.

Ce n'était donc qu'un rôle dans le film de la vie.... et j'ai fait semblant d'y
croire !

C'est alors qu'apparaît l'humour, quelquefois féroce, de l'amour sans


objet d'où émane la multitude des formes animées et inanimées qui s'auto-
projettent d'une si étrange façon.
Tant que nous sommes identifiés au mental, nous vivons dans un cube
de glace, mais le fait d'aller au bout de la pensée est équivalent à plonger ce
bloc de glace dans de l'eau à température normale.

Un jour, la glace se retrouvera eau tout naturellement ; une fois


redevenue eau, la glace ne se pose plus aucune question.

Lorsque nous arrivons au point où les questions s'amenuisent, de façon


aussi naturelle que la glace fond dans l'eau, sans effort particulier, être, tout
simplement, ne nécessite rien de spécial ; il n'y a plus que ce qui est.
A quoi cela sert-il de débusquer les aspects non reconnus du grand
mystère d'être dans un corps ?

Le regard sur notre condition humaine va s'en trouver fortement remis


en question, les croyances préfabriquées par d'autres, auxquelles nous avons
adhéré tombent en désuétude ; les opinions se volatilisent en devenant de plus
en plus souvent le témoin non impliqué de toutes les péripéties de notre vie
courante et en revisitant tout ce qui s'est passé dans notre façon de vivre, de
l'enfance à ce jour ; cette exploration fait surgir un détachement très agréable
à fréquenter, la vision de notre emprisonnement nous en libère.

Nous commençons à entrevoir que notre divine impuissance à orienter


notre existence est porteuse d'une tranquillité étonnante ; nous sentons que
l'agissant individuel a rendu les armes, laissant la vie être à travers ce corps
mental que nous habitons provisoirement. Rien n'a besoin de changer de nos
modalités concernant les actes nécessaires pour tenir notre place dans le
contexte où nous nous trouvons.
L'acceptation totale que tout ne fait que survenir permet au petit singe
agité qui habite notre cerveau de perdre sa prédominance ; n'étant plus saisi,
il ne reste que le mental pragmatique dont la spontanéité est le moyen
d'expression naturel qui court-circuite la pensée abstraite.

Le sens de la séparation s'efface avec son cortège de peurs, angoisses,


vulnérabilité, attractions, répulsions, jugements, qualifications, ainsi que cette
sensation tenace qu'il nous manque toujours quelque chose.

S'il est vu que le moi se crée et se recrée à tout événement, c'est que le
sens du vide a été intégré, le regard porté sur la vie devient non mental avec
la vision que dans ce nouveau contexte les réponses aux provocations
viennent tout naturellement sans qu'il y ait personne pour s'en emparer.

Néanmoins, petit à petit, une compréhension nouvelle commence à


s'infiltrer, assez révolutionnaire du fait qu'il était perçu que l'acharnement à
chercher pouvait être l'obstacle majeur qui confisque l'accès à la réalité.

Sous-jacent à ce nouvel éclairage, le stratège spirituel va s'empresser de


se lancer sur cette nouvelle piste, assurance garantie de sa survie.

Mais cette vision ébranle subtilement les certitudes acquises, dans les
zones de compréhension où la pensée n'a plus court, avec l'impression qu'il se
pourrait que toutes les idées reçues sur la spiritualité relèvent plus du
domaine de l'illusion, une forme de mensonge.

Paradoxalement, le fait de faire le constat de ne plus avoir l'obligation de


croire à tous ces concepts procure une sensation de liberté, d'aisance et de
soulagement.

Il apparaît alors, d'abord très faiblement, que la perception pure ne peut


être décrite ni comprise par la pensée abstraite, cela ne se laisse pas penser,
les cogitations avides de l'esprit ne font que voiler la source intemporelle qui
habite chacun.
Cela peut aboutir à la stupéfiante découverte qu'il ne peut y avoir de
recherche puisque nous sommes déjà ce que nous cherchons.
Le mental ne peut exister sans la conscience mais la conscience existe
sans le mental.

Pendant l'état de veille, nous avons la sensation d'exister ; celle-ci


disparaît dans le sommeil profond pour réapparaître au réveil. Dans
l'intervalle nous existons quand même sous forme de pure conscience sans
qualification dans un corps endormi.

En retrouvant l'individualité, au réveil, cela permet de réaliser que les


trois états, veille, rêves et sommeil profond se déroulent avec comme base
sous-jacente une énergie de vie qui ne peut jamais être décrite, reconnue
comme un néant absolu.

Nous sommes des intermittents du grand spectacle du monde, nous


apparaissons et disparaissons chaque jour et chaque nuit comme le corps est
apparu à la naissance pour disparaître à la mort.

Quels que soient les états ou mon état qui traversent tous les êtres
sensibles, la conscience est toujours présente dans la vie comme dans la
mort ; en fait, elle joue avec elle-même faisant l'expérience de sa
manifestation à travers des milliards d'êtres sensibles. Mais le mental ne
pourra jamais comprendre ce qu'est la conscience car il ne peut
l'expérimenter ; ce n'est que lorsqu'il s'absente que la conscience est. Mais il
n'y a plus personne pour le constater, bien que les pensées puissent continuer
à se produire dans le silence.
Pour les esprits dits rationnels, toutes ces considérations peuvent être
ramenées à n'être que des élucubrations sans aucune réalité car elles ne
peuvent être soumises aux critères expérimentaux d'une démarche
scientifique traditionnelle.
3 - Enseignements spiritualistes
et vie réelle, La Grande fracture
A ce stade d'écriture de ce petit ouvrage, où nous sommes partis de
l'enseignement de Krishnamurti en élargissant le champ d'exploration à
d'autres enseignements d'avant et après Krishnamurti, la réflexion se précise
et se poursuit en tant que témoignage de quelqu'un ayant consacré 10 années
de sa vie à s'investir dans cet enseignement.

Quel rôle peuvent jouer de tels enseignements dans l'évolution de


l'humain ? Question ayant toutes chances de rester sans réponse !

En toute honnêteté, en tant qu'adepte convaincu, je dois reconnaître


qu'aucune avancée significative ne m'était advenue, mis à part que tout le
savoir Krishnamurtien avait enrichi une mémoire qui avait maintenant
réponse à tout, avec prise de conscience, le temps aidant, que ce savoir
accumulé devenait une entrave majeure pour respirer un peu d'oxygène et
cela mit fin à cet engouement qui avait été mobilisateur si longtemps.

Après quelques autres dizaines d'années de poursuite de cette recherche,


aussi bien dans des centres professant de nombreuses autres formes de
spiritualité, avec un passage non négligeable dans des thérapies d'avant-
garde, le tout accompagné d'expériences de conscience modifiée
impressionnantes, le compte n'y était pas et l'insatisfaction était
prédominante.

Certes, les découvertes faites sur les mystères du psychisme humain


étaient surprenantes et inattendues et cela remettait en cause la manière de
fonctionner de ce mammifère à deux pattes sur de nombreux points,
bouleversant les données courantes.

Le constat était flagrant, la pensée fonctionnait comme elle l'avait


toujours fait, l'émotion vivait ses flamboiements périodiques habituels et les
sensations agréables n'avaient qu'un seul objectif, récidiver encore et encore.
Par contre, les sensations désagréables étaient toujours bien présentes.

Tout ce long périple n'aurait donc servi à rien d'autre que de rajouter du
savoir à du savoir, aucun mystère transcendantal n'avait été dévoilé, quelque
chose d'essentiel n'avait pas été perçu, mais quoi ?

La seule piste qui subsistait, après tant d'années d'exploration, résidait


dans le fait qu'à certains moments au cours de séances de zen ou de
méditation

Le sens du moi disparaissait dans un espace silencieux qui s'élargissait à


l'infini.

Cela s'effaçait aussi vite qu'avait été son apparition ; le système cognitif,
un instant silencieux, reprenait vite sa sarabande, avec comme objectif
d'analyser le phénomène et concocter la stratégie pour retrouver cet état,
voire le rendre permanent.

L'aspect non négligeable de ces expériences résidait dans l'idée que la


pensée surgissait de cet espace silencieux et paraissait y retourner si elle
n'était pas saisie.

L'insatiable questionnement du « moi je » paraissait ainsi de moins en


moins capable de résoudre le mystère.
4 - Monde objectif et identité
fictive ; s'installer dans la
conscience ne demande pas
d'effort, nous y sommes déjà... !
En ce qui concerne l'auteur de cet ouvrage, l'abandon d'un savoir stocké
dans la mémoire et d'une personnalité s'avouant fictive, n'a pas été évidente,
d'autant que le chercheur spirituel commençait à trouver son compte en ayant
l'impression d'être un personnage hors normes par rapport à la grande masse
de l'humanité en vrac, syndrome caractéristique du mental abstrait en
effervescence.

Après des dizaines d'années à jouer ce rôle avec le sentiment de pouvoir


bénéficier, en final, au bout du parcours, d'un état de bonheur hors
contingences et de plénitude permanente.

Pendant ces périodes, il n'est pas facile de réaliser qu'il ne s'agit que de
projections mentales mises en place et fortifiées par de nombreuses
expériences de conscience modifiée ainsi que par les visites, lectures, etc...,
collectées dans le marché de la spiritualité d'une riche moisson de concepts.

La voie non-dualiste, qui préconise l'abandon de toutes voies, n'est pas


très gratifiante pour l'individu illusoire qui ne trouve plus rien pour se
substanter et sent que sa survie est gravement menacée.

Tous ces laborieux formatages, qui se sont constitués depuis la naissance


savent déployer des trésors d'ingéniosité pour se maintenir en l'état, la
recherche spirituelle faisant partie de ses moyens de défense privilégiés pour
conserver le statut quo.

Il est nécessaire de percevoir que nous ne pouvons rien élaborer contre


cette structure super puissante, il va falloir faire avec, comme au judo utiliser
sa propre force pour l'envoyer au tapis.
En reconnaissant notre impuissance à la transformer ou la changer, cela
peut nous amener au non-faire, notre vie quotidienne va osciller entre deux
pôles, l'identification au manifesté va être entrecoupée de flashs où une
vacuité apparaît à nouveau, un espace entre deux pensées.
L'implication ou la non-implication aux pensées sont des phénomènes
naturels et même nécessaires ; le vide que nous sommes est comme une
présence permanente discrète qui attend que l'organisme qu'il habite soit en
état de le recevoir de plus en plus naturellement.

Il peut être expérimenté que le vide, au niveau ultime, soit ressenti


comme une sensation d'amour absolu et sans objet, mais cela est rare, le moi
fictif ressent le vide comme un abîme assez inquiétant et va s'activer à le
remplir par les objets.

Lorsque les œillères tombent, l'implication sera vue comme quelque


chose qui se produit en soi, cette vision émanant d'une zone neutre non
impliquée par l'implication, du fait qu'il n'y a personne pour la saisir.
Si toutes ces données subtiles suscitent une forme d'incompréhension,
inutile de chercher plus loin, la non-compréhension laisse la pensée muette,
les concepts explicatifs ont rempli leurs rôles, enlevant au passage tout désir
de comprendre, il n'y a plus de chercheur et nulle part où aller.

La plus haute utilité du mental réside dans son extinction, lorsqu'il n'est
plus là l'intellect joue ses films et jette l'éponge, s'abandonnant au non-savoir.

Cela signe la fin du chercheur qui réalise que le grand ordinateur


cosmique a réussi le tour de force de laisser croire aux milliards d'objets qu'il
manifeste de se ressentir autonome et indépendant.

Cela donne une totale impression de liberté dans le relatif, pour un


humain identifié, la seule différence est qu'il n'y a plus personne pour s'y
impliquer - si cela est vu.
Il ne reste plus qu'à s'abandonner au non-faire, laissant se dérouler le
film de la vie, percevant que « celui qui voit » est au-delà de toutes
expériences.

C'est de cette zone de paix et silence, qui habite le corps mental en


permanence, que le miracle peut se produire, permettant la vision instantanée
que nous ne sommes pas cette apparence, mais la totalité en expression sous
une forme humaine.

Si la recherche spirituelle s'avère utile et nécessaire à un certain stade,


l'avancée majeure est d'en arriver au constat que l'idée d'être un individu
séparé n'était qu'une croyance et que la progression vers l'éveil est impossible
du fait que cela ne pourra se produire que si celui qui veut progresser,
disparaît dans le rien qui est tout.

L'identification à notre forme et notre nom, en tant qu'agissant séparé,


commence à être remise en question, la compréhension intellectuelle tend à
se transformer en une acceptation totale involontaire de ne pas être un
individu distinct mais la vie-même qui joue à être un individu.

Concept ou vision, cette reconnaissance va au-delà des savoirs acquis


pour se transformer en une évidence où la raison raisonnante n'a plus accès,
l'état naturel retrouvé, la vie spontanée commence à apparaître.

Quand cette plongée dans le non-savoir se produit, le système cognitif


auquel nous étions identifié et que nous prenions pour nous-même, perd sa
place prépondérante mais, chose curieuse, nous sommes témoin de ses
commentaires dans une distanciation où cela traverse l'esprit comme un
voleur dans une maison vide.

Notre vie quotidienne va osciller entre ces deux pôles, l'implication avec
le manifesté va être entrecoupée de flashs où une vacuité apparaît de
nouveau.

Ces va-et-vient ne se produisent pas chez quelqu'un mais c'est la


conscience qui joue avec elle-même, la pseudo personnalité prenant à son
compte ces apparences et lorsque cette compréhension commence à poindre,
l'espèce humaine, à ce stade, est un peu comme le dindon de la farce.
Pour être réaliste, c'est un peu comme si un locataire se prenait pour le
propriétaire, ce qui n'est pas une situation sans conséquence.

Le maléfice est déjoué lorsqu'il est vu qu'il n'y a rien d'autre à faire qu'à
laisser se dérouler ce qui se passe dans cette apparence que nous croyons être
nous-même, abandonnant toute lutte, et il ne reste que ce qui est.
5 - La compréhension
interceptée, piège millénaire
imparable
L'enseignement de Krishnamurti est en quelque sorte une gageure, il
parlait à partir de sa propre profondeur et était reçu dans la plupart des cas,
par des systèmes cognitifs de nature intellectuelle qui classaient sans tarder
aux archives cette manne céleste.

L'auteur est bien placé pour dire que ce genre de message va au-delà des
mots et de la pensée. Celui qui ne voit pas ne verra toujours pas le plan sous-
jacent de l'enseignement étant intercepté par la mémoire et le savoir.

Mais celui qui voit comprendra sans qu'il y ait besoin de chercher à
comprendre, ce qui n'a pas été le cas, à l'époque, de l'auteur de ces lignes.

C'est comme une mystérieuse alchimie secrète qui peut faire exploser les
contractures ou bien contribuer à fabriquer d'innombrables faux-semblants et
fictions sécurisantes.

Étonnant paradoxe, nous cherchons à être, alors qu'il est impossible de


ne pas être.
Sur quoi repose une telle affirmation si ce n'est sur une évidence
tellement simple qu'elle passe inaperçue, la sensation d'existence.
De la naissance à la mort, cette sensation est présente, « elle se vit
d'instant en instant ».
Dans les premiers temps de l'enfance, elle reste presque pure, l'enfant
parle de lui à la troisième personne. Puis, avec le temps, elle se perd en
absorbant les programmes conditionnés émanant de son environnement
familial, racial, etc etc...
Une fois cette ingestion réglementaire réalisée, il y a identification
automatique à tout ce qui a été enregistré, ainsi commence l'existence du moi
je... fictif.
Cette structure privilégie alors passé et futur en se créant un monde
intérieur où les opinions, les idéologies, les attractions, répulsions
s'accumulent comme dans une bulle de plus en plus étanche et difficilement
révisable, ou même impossible à changer ou mettre en doute.

L'être humain ainsi constitué a généralement totalement perdu de vue la


sensation d'existence. Il ne réalise pas que tout ce qui se passe, de la
naissance à la mort, se produit dans l'instantanéité du moment présent.

Nous évoquons le passé. Dans le moment présent, nous parlons du futur.


Dans le moment présent, toutes les actions de la vie quotidienne sont vécues
dans le moment présent.
Il n'y a pas d'échappatoire, quoi que nous fassions, quoi que nous
vivions, cela se passe dans le moment présent. Moment présent et sensation
d'existence.
6 - La sensation d'existence, une
illustre inconnue ?
Lorsque l'identification à notre apparence et à notre nom, en tant
qu'agissant séparé, commence à être remise en question, la compréhension
intellectuelle tend à se transformer en une acceptation totale, non volontaire
de ne pas être un individu autonome mais la totalité en mouvement.

Lorsque les voies et les méthodes sont abandonnées il ne reste que la


non-voie, très peu gratifiante pour la personnalité fictive, celle-ci ne trouve
plus rien pour se substanter et sent que sa survie est gravement menacée.
Une telle structure auto-construite, qui s'est constituée à grand peine
depuis la nuit des temps, sait déployer des trésors d'ingéniosité pour se
maintenir en l'état, la recherche spirituelle faisant partie de ses moyens pour
garder un pouvoir qui n'est qu'un amalgame d'habitudes.
Il est donc très nécessaire de percevoir que nous ne pouvons rien
élaborer contre ce formatage super puissant ; une autre approche est
nécessaire.

Paradoxalement, cette impuissance va nous conduire au non faire,


déboulonnant l'illusion d'un moi, maître de son destin, alors les formatages
fragmentés se fondent dans l'unicité absolue que nous sommes.

Ne sont qu'une seule et même chose.

Chaque personne, à un moment de sa vie, souvent dans des situations


intenses, connaît quelques secondes de tranquillité absolue dans une étrange
vacuité silencieuse.

Sans le savoir, ces instants magiques ne sont pas autre chose que soi-
même qui retrouve la sensation d'existence pure dans le moment présent.
Qui conscientise cet état pour affirmer ce stupéfiant constat : Je suis la
vie même, et cela est vecu comme un néant.
Toutes recherches de vérité prennent alors un autre sens, pourquoi
chercher ce que nous sommes déjà ?

La forme est non-forme et la non-forme est forme.

Paradoxalement, cela n'exclut aucune recherche, enseignements,


thérapies, ascèses ; si cela se fait c'est que cela doit se faire, si tel est le destin
de l'individu.

Quand il est vu que la vie joue avec elle-même, l'humain conditionné


abandonne toutes attentes évolutives, il ne se sent plus concerné.
Revenir à la sensation d'existence pure est la plus grande avancée qu'un
humain puisse vivre. Le secret se découvre et il n'y a plus personne pour le
commenter.
7 - Le non savoir, ultime recours
vers le grand mystère
Derrière les vociférations du trio infernal : pensées, émotions, sensations
qui régissent la vie des humains, dans d'immuables scénarios où les
turpitudes personnelles et planétaires se déroulent sans arrêt ni répit, se cache
un grand mystère.

C'est comme un secret très ordinaire, mais tellement simple qu'il n'est
généralement jamais percé à jour.

La réponse, au niveau conceptuel, est très déroutante. Celui qui se


connaît soi-même dans son aspect créateur et créature n'est autre que la
conscience.
Celui qui se connaît sait qu'il est l'être dans sa totalité sans qu'il y ait à
devenir quelque chose.
Nul besoin d'extinction d'un présumé ego, il en résulte clairement que
tout ce qui se passe dans l'être n'est pas autre chose que la conscience en
manifestation.

Il peut alors être réalisé que je suis le créateur et la créature


simultanément.

La signification de ces propos a toutes chances d'être incomprise, les


mots seront toujours faux et la connaissance ou la non-connaissance sont des
concepts qui font partie du néant dans lequel les choses arrivent.

Si le mental jette l'éponge, il ne reste que le non-savoir. Tout mais pas


ça, s'insurgera la pensée abstraite.
8 - Peut-on faire progresser un
égo qui n'existe pas ?
L'hypothèse qu'un être humain puisse vivre dans le non-savoir
représente une énigme totale.
N'y aurait-il rien d'autre à faire qu'à voir se dérouler ce qui se produit
dans le corps mental que nous appelons, nous-même, toutes luttes
abandonnées, seulement attentif à ce qui est.
Il s'agit de redécouvrir la nature de la vie pour elle-même, ce qui se
traduit par le constat qu'il n'existe pas d'individu particulier et qu'une
éventuelle progression ne nous concerne en rien puisque nous sommes déjà la
totalité en expression sous une forme humaine.

Il est impossible de ne pas être. Cela nous le voyons ou ne le voyons pas.


Nous n'y pouvons rien.

L'identification à notre nom et à notre apparence tombe subtilement sans


qu'il soit besoin de se l'expliquer. Mystérieux processus s'il en est.
L'agissant séparé remis en question, d'abord intellectuellement, un
mouvement intérieur non accessible par la pensée, se transmute
insensiblement en une intuition subtile non volontaire de ne pas être un
individu séparé des autres, mais la totalité en mouvement.
Ce concept finit par s'enraciner si profondément qu'il mute de lui-même
en une intégration naturelle, l'égo fictif s'affaiblissant de plus en plus pour
laisser la place à une tranquillité impersonnelle qui gère la vie courante avec
une spontanéité venue de nulle part, toujours pragmatique et fonctionnelle.

Une telle cécité psychique qui perdure depuis la nuit des temps,
provoque un questionnement dont la réponse pourrait peut-être permettre,
avec la pensée relative, de clarifier certaines projections mentales insolites.
L'homo sapiens sapiens, en tant que mammifère doué de la capacité de
penser, est-il vraiment l'échelon ultime du développement des espèces ?

Ne serait-il pas comme ses prédécesseurs qui ont jalonné le passé, qu'un
être inachevé, en transition vers un nouveau statut et connaissant les phases
d'une gestation laborieuse ?

Ce changement de fréquence vibratoire, qui commence à apparaître sur


la Terre, ne recèle-t-il pas le signal d'une nouvelle espèce, en germe, qui
pourrait alors s'intituler être humain à part entière.
Cette hypothèse est loin d'être irréaliste ; comment la nature universelle,
après tant de millions d'années d'un incroyable et fantastique déploiement,
pourrait-elle avoir trouvé son accomplissement avec une espèce rudimentaire
et totalement enfermée dans une bulle mentale où la vie est souvent
semblable à un mauvais rêve ?

Ceci est une question sans réponse mais peut-être que la solution de
l'énigme repose au fond de soi-même ?

La vie est-elle absurde ou merveilleuse ? Chacun répondra avec ses


ressentis, mais si ces derniers sont vus, une classification, quelle qu'elle soit,
devient sans importance.

Lorsque le processus du retour à soi-même s'est déclenché chez un


individu, il se pourrait que la vie y réponde, mais souvent d'une étonnante et
bien étrange façon.
9 - Les arcanes secrètes de la
pensée
Lorsque la conscience retrouve son unité par sa désimplication à la
caricature de ses scénarios conditionnés, le vide devient prédominant, les
pensées ne sont plus gênantes, elles ne font que remplir leurs fonctions et
n'ont plus aucune importance.

Il reste la pensée pragmatique et fonctionnelle qui gère la vie d'instant en


instant, ce pourquoi elle a été créée.

Quant à la pensée abstraite ratiocinante, qui veut transformer le monde


et les autres selon ses propres critères conditionnés, elle n'est plus prise au
sérieux du tout, et ses délires démagogiques sont vus pour ce qu'ils sont, des
secrétions contenant les sept péchés capitaux d'un monde en folie.

N'étant plus saisies, elles deviennent les fantômes sans consistance


qu'elles sont en réalité et cela nous amène à une autre question.

Dans ce changement de fréquence, accessible à chacun, la vie joue son


jeu en laissant croire aux objets qu'elle manifeste, qu'ils sont livrés à eux-
même dans une illusion d'autonomie ayant comme support un aveuglement
sans limite.
10 - L'unicité de toutes choses,
concept ou réalité ?
Dans ses entretiens, Krishnamurti détaillait avec une redoutable lucidité
les innombrables turpitudes « d'esprits émoussés et stupides, avec comme
champ de bataille, de la naissance à la mort, d'êtres victimes de tourments,
désespoirs, culpabilités, peurs, brutalité, etc... générant une souffrance
constante jamais résolue. »

L'observation menant au silence intérieur étant le remède incontournable


préconisé.

L'auteur de ce livre a longtemps adhéré à cette vision mais la dialectique


était tellement percutante qu'elle a fini par former un océan de concepts ayant
provoqué une irrémédiable noyade.

Dans certains textes, il est préconisé de tuer le maître symboliquement,


c'est ce qui est arrivé et ce n'est qu'après le rejet du message krishnamurtien
que quelque chose d'autre a pu survenir.

Un léger déplacement de la conscience peut advenir par une simple


phrase reçue à l'improviste.

Ce que je suis est le néant dans lequel les choses arrivent, tout simplement,
toute signification mentale devient caduque.

Cette vision synthétise et résume où se trouve l'enjeu, ni dans la forme ni


dans le vide, mais dans l'unité retrouvée où vont exploser les deux concepts.
Les pires péripéties qui se déroulent dans le monde et en soi-même font
partie du malentendu millénaire où la conscience laisse croire à une dualité
qui n'existe plus lorsque la grande supercherie d'ignorer notre double origine
est déjouée.
Krishnamurti analyse le jeu du relatif d'une façon magistrale sans
évincer les aspects les plus mortifères où apparaît la profonde débilité
récidivante des comportements humains, mais il n'est jamais signalé que
l'orateur est la vie-même qui s'exprime et que les auditeurs sont la vie-même
qui écoute.
Entre les auditeurs et l'orateur il n'y a aucune différence.
Pour l'auditeur, il peut être très limitant de vouloir appliquer les
indications énoncées, cela peut devenir une entrave du fait que le désir de
devenir l'observateur est pris en charge par une pensée qui préserve ainsi une
survie apparemment autonome.

Dans ces cas, le renoncement à l'intellect est la voie royale, nul besoin
de l'observer, il suffit de ne pas le saisir.

Il continue à jouer son rôle, mais cela n'est plus notre affaire.
Tout ce qui agite les personnalités fictives pour se libérer du connu
représente une décantation nécessaire, sinon indispensable, cela peut être
aussi vu comme le néant qui joue lui-même à travers les humains.

Cela ne va nulle part, début et fin englués dans l'instant.

C'est ce qui est.


11 - Krishnamurti et ses
auditeurs, une seule énergie qui
joue tous les rôles à la fois...
Dans les textes qui précèdent, deux formes de définitions peuvent être
remarquées.

Une dialectique émanant de la réflexion et du raisonnement, dans le


relatif, avec des flashs d'un autre mode d'expression déployant des concepts
pointant en direct vers l'intemporel, silence et non-savoir.

Investiguer les sujets dont il est question dans ces pages s'avèrent
presque être une exploration impossible, les mots n'étant que limités pour
définir ce qui est-au delà de toutes limites.

C'est un peu décrire la vie en connaissant qu'il n'y a personne qui la vie
et que, entre celui qui écrit et celui qui lit, il n'y a aucune séparation.

Cela peut faire réaliser que le créateur et la créature sont


indissolublement liés et qu'il n'y a aucune raison de ne pas s'en amuser, cela
ne mange pas de pain comme aurait dit ma grand-mère.

A partir de ce constat, ce qui va suivre n'aura rien d'universitaire mais


représente une expression qui est ce qu'elle est, avec le seul privilège d'être
sans auto-censure et de ne pas se prendre au sérieux, en appréciant l'humour,
souvent féroce, qui se manifeste dans le grand théâtre terrestre.

Cette forme d'humour, qui jalonne le parcours humain s'exerce sans


complexe à travers d'innombrables péripéties grâce au système dualiste
auquel l'espèce est soumise depuis la nuit des temps, jusqu'au moment où la
grande blague cosmique se démasque sans prévenir.

Cela se traduit par la vision impersonnelle des innombrables tendances


et croyances qui s'enregistrent comme une programmation informatique dans
la personnalité fictive pour former un moi je ancré dans le temps.
Le fonctionnement d'une telle structure se déploie à partir de cet
amalgame de programmes en bouteille enregistrés dans la mémoire avec,
cerise sur le gâteau, la certitude inébranlable de disposer de choix et libre
arbitre.

Les options contradictoires se succèdent sans fin, nous pouvons


facilement haïr ce que nous avons adoré, les désirs fourmillent sans jamais
être rassasiés, les peurs font partie de notre vie, peur de l'avenir, de la mort,
de la vieillesse, de l'accident, etc... nous nous sentons vulnérable, séparé,
anxieux, facilement excité ou déprimé, en manque de communication ; quand
cela se produit nous aspirons à la solitude.

Après avoir été passionnée par d'innombrables activités passagères, il


peut arriver un moment où la futilité de tout ce déploiement d'énergie et
stimulations en tous genres commence à nous lasser.

L'aspect souvent absurde et récurrent de nos comportements


psychologiques finit par être reconnu comme une forme d'esclavage, arrive
alors le moment où la crise existentielle du mi-temps de la vie surgisse par
surprise.

Le film de notre vie passée nous apparaît alors comme une histoire où
les évènements se sont produits sans que nous n'ayons jamais décidé quoi que
ce soit, comme si tout était déjà joué.

Cela peut être le temps d'une remise en question.


12 - L'Être humain, machine à
turpitudes, vu par Krishnamurti
La conscience une manifeste des milliards de corps mentaux qui se
présentent sous les formes d'individualités, apparemment autonomes, ayant
pour mode d'emploi la recherche du plaisir et l'évitement de la souffrance.

C'est le moteur basique qui agite les humains dans le grand théâtre de la
vie, avec comme inconvénient majeur que le simple fait d'exister les place en
situation d'entrer automatiquement en conflit avec ses semblables.

Krishnamurti a décrit d'une façon géniale les turpitudes du mammifère


humain qui cultive ses divisions à l'aide d'opinions, d'idéologies
contradictoires, de conceptions fragmentées qui font de la planète un lieu où
les factions discordantes en arrivent à s'entretuer pour des idées.

Beau, laid, positif, négatif, bien, mal, heureux, malheureux, sujet, objet,
attraction, répulsion, plaisant, déplaisant, moi et l'autre, etc, etc... représentent
les facteurs qui donnent l'impression d'un agir personnel où chacun détient la
vérité.

Lorsqu'est adopté et confondu avec soi-même la croyance d'être séparé,


ce qui est le cas de la majorité, un pseudo centre se construit et ne peut agir
qu'en fonction de conditionnement qu'il prend pour lui-même.

Une fois encastré dans le psychisme, la gamme des scénarios dualistes,


le primate humanoïde va répéter encore et encore les mêmes caractéristiques
et comportements, aussi bien les assassinats collectifs que les actions
compassionnelles.

Par contre, la dualité peut devenir la voie royale qui est tant cherchée à
l'extérieur.

Quels que soient les phénomènes qui se produisent en soi, négatifs ou


positifs, lorsqu'ils sont vus sans commentaires, nous restons au milieu des
extrêmes et nous n'adhérons plus à aucun, fulgurant aperçu d'une liberté
inconcevable.

Mais alors, pourrait-on dire, si les conditionnements ne sont plus utilisés


pour répondre aux provocations de la vie, comment vais-je pouvoir les
gérer ?

Laisser la vie être sera la réponse, une action se fera ou ne se fera pas,
mais cela jaillira d'une tranquillité impersonnelle en phase avec la situation ;
il n'y a donc rien à gérer ni personne pour le faire.

Un nouveau fonctionnement se met en place, la pensée abstraite, grande


productrice d'analyses erronées des situations, s'affaiblit de plus en plus,
laissant la place à des actions pragmatiques et fonctionnelles.

Il ne faudrait pas croire qu'un être ayant reconnu l'état naturel soit
épargné par la survenue de ses programmes dualistes ingérés depuis
l'enfance ; ceux-ci surgissent sans demander la permission, très incrustés dans
le psychisme.

La seule différence est que l'être lucide en est le témoin non-impliqué


alors que l'individu encore identifié croit être ce qu'il vit et ressent, piège
maléfique qui condamne l'espèce à reproduire sans fin les mêmes turpitudes,
aussi inappropriées, désuètes et décalées soient-elles.
13 - Qui suis-je vraiment ?
L'inconcevable réalité... ! Le
commencement de la fin... !
Puisque les motivations qui font bouger les hommes sont dues à
l'identification au personnage, la seule alternative offerte à ceux qui aspirent à
ne plus être l'esclave de ce système est de percevoir le robot auquel nous
sommes identifié par erreur.

Le robot va peut-être vouloir se « libérer du connu », ne doutant pas qu'il


s'engage sur le chemin de sa disparition.

La vision de l'unité apparaît lorsque le pseudo personnage est reconnu


comme l'émanation du vide.

Pour certains, c'est un grand rire de soulagement, pour d'autres cela peut
être mal vécu, la peur jouant son rôle habituel.

Paradoxalement, c'est en laissant le robot vivre sa vie comme il en a


l'habitude, avec la seule différence qu'il n'y a plus personne aux commandes,
que s'installe un confort intérieur où ce qui arrive au robot est vu comme
venant du vide pour y retourner.

Ne rien croire, ne rien attendre, ne rien vouloir, simplement regarder qui


est concerné chaque fois qu'une pensée, un désir, un sentiment se manifeste.

C'est intégrer le relatif à la globalité.

Cela est vécu dans la conscience que nous sommes.

Autre paradoxe, c'est que le robot ne peut rien comprendre. Il n'est


qu'un instrument limité de la conscience.
Il ne subsiste qu'un regard neutre sans commentaires.

A cette phase, nous sommes arrivé à la maison.

Celui qui constate et perçoit silencieusement le robot en action ne peut pas


être ce qu'il constate.

Un robot ne peut pas voir qu'il est un robot.

C'est dans le silence que cela peut être intégré.

Ce qui lance un humain dans une recherche du sens de la vie paraît être,
en premier examen, un acte de la volonté, mais là encore l'exploration
approfondie réduit à zéro cette thèse ; cela est déjà en germe à la naissance et
ne fait qu'apparaître au moment où cela doit se produire.

C'est une affaire privée entre un humain et sa source.

Mais ce n'est qu'un mystère de plus du fait que l'humain et sa source ne


font qu'un.

Avant que cette vision ne s'actualise, la recherche et l'introspection ont


leurs rôles à jouer jusqu'au moment où l'acquisition du savoir est vue comme
un ajournement qui entrave la plongée dans le non-savoir.

La question : Qui suis-je ? commence alors à se poser avec force.

Ne serais-je pas en apparence un personnage séparé ainsi que celui qui


connaît le personnage ?

En arriver à cette vision est un peu le commencement de la fin, le


pseudo personnage a été vu pour ce qu'il est : une fiction déterminée animée
par une énergie globale impersonnelle.

Il est vu alors qu'il s'est engagé dans une démarche sans issue, le mental
questionneur ne pouvant devenir l'énergie qui l'anime déjà, et ne peut que se
fondre en elle.
Le « Qui suis-je » devient alors une base pour vivre un état différent,
quelques secondes pour commencer, cette non-réponse prenant de plus en
plus de force, quand la multitude des options émanant de la mémoire sont
vues comme factices et irréelles.
Suis-je ce mental intermittent et périssable ?

Suis-je ces sentiments passagers et contradictoires ?

Suis-je ces sensations fugaces et répétitives à l'infini ?

Suis-je ce corps d'une durée de vie limitée ?

Tout cela est le spectacle qui se déroule dans le vide que je suis.

Quand ces interrogations sont arrivées à leur terme par la prise de


conscience que tous ces questionnements proviennent d'une individualité
auto-construite, ayant pris une forme déterminée, le qui suis-je ne peut
aboutir qu'au silence.
Il peut être réalisé alors que ce personnage qui a cru exister d'une façon
autonome n'est simplement qu'une des multiples formes qu'emprunte la vie
pour se manifester.

Néanmoins, l'illusion d'être une personne est inévitable, puisqu'elle


existe ; c'est un élément qui a sa raison d'être jusqu'au moment où nous
prenons pleinement conscience que nous ne sommes pas un être particulier,
mais l'existence toute entière.
C'est à ce niveau où la compréhension mentale n'a plus cours, en
regardant le monde en mouvement, c'est nous-même que nous voyons.
Dans ces zones d'exploration, le concept a pointé sur ce que personne ne
pourra jamais acquérir car il est déjà ce qu'il cherche.

S'il y a résonance, il y a résonance.

S'il n'y a pas résonance, il n'y a pas résonance.

Dans un cas comme dans l'autre, cela n'a aucune importance, ce ne sont
que des histoires qui amènent, si cela doit se produire, la fin du film
individuel, ce qui peut permettre radicalement de ne plus se faire aucun souci
quant aux péripéties des scénarios passés et futurs, lorsqu'il est vu que tout se
joue dans la sensation d'existence de l'instant présent.

L'auteur se trouve désimpliqué du fait qu'il sait qu'il ne joue qu'un rôle
dans le film de la vie.

Si, dans ce film, figure un programme de chercheur de vérité, cela ne


présente aucun problème, cette option existera le temps qui lui est imparti, à
l'égal de toutes les autres formations mentales collectées depuis l'enfance.

Dès l'instant où cela est vu sans commentaires la seule alternative est de


laisser la vie suivre son cours, acteur et spectateur unifiés dans rien.
Tous les programmes qui agitent la personnalité factice ne s'éteignent
pas d'un seul coup, ils poursuivent leurs répétitivités mécanistes tant qu'ils
conservent suffisamment d'énergie pour le faire, mais le fait qu'il n'y a plus
personne pour se les attribuer les englobe de plus en plus dans la perception
unique.

Que ces récurrences automatiques se poursuivent, s'affaiblissent ou


s'arrêtent n'a aucune importance par rapport à l'éternité, ce n'est plus notre
affaire.
14 - Qui peut se « Libérer du
connu » si celui qui veut se
libérer n'a pas d'existence
propre... ?
Lorsque survient le détachement, vis-à-vis de ce qui se passe dans le
psychisme, cela est porteur d'une grande tranquillité, d'une paix sereine qui
s'infuse dans la vie quotidienne, ce qui n'empêche pas les perturbations de
continuer à être ressenties à la surface.

Pendant cette phase, il y a de nombreux allers et retours entre les deux


ressentis. Le petit Moi, multipliant les tentatives pour reprendre le pouvoir, et
l'état impersonnel qui pointe.

C'est un processus presque obligatoire et même nécessaire, le corps


mental d'un humain ayant besoin d'une certaine accoutumance pour vivre le
nouvel état qui s'amorce.

Paradoxe ; la non-implication au Petit Moi se produit par la vision de


l'implication.

Point n'est besoin de vouloir être non-impliqué, si l'observation passive


de l'implication se fait, sans personne qui refuse d'être impliqué, cette
acceptation revient à accueillir le Petit Moi tel qu'il est, incluses ses défenses.

Plus le Moi Je est combattu plus cela lui donne de force ; nous
pratiquons une forme de judo avec les caractéristiques qui le constituent,
utilisant leurs énergies comme outil de décantation, cela n'empêche pas de les
aimer telles qu'elles sont... en tant que partenaires privilégiées dans le jeu du
grand théâtre planétaire - où rien n'est séparé du rien.
Une fois ces instants reconnus, l'existence habituelle devient très
intéressante, les évènements, qu'ils soient insignifiants ou percutants, font
lever en nous les réflexes conditionnés habituels, nous nous sommes mis au
balcon et pouvons assister au magnifique spectacle des aspects les plus
cachés de notre programmation.

Les évènements, négatifs ou positifs, lorsque le regard témoin est


présent, sont perçus sans aucun commentaire, le mental pragmatique
devenant de plus en plus le maître des lieux lorsque la partie du mental
névrosé ratiocinant s'efface provisoirement ou disparaît totalement, n'étant
plus pris au sérieux.
En somme, entre une personne identifiée à ses pensées et la personne
non-identifiée, il n'y a qu'une seule différence « c'est d'être identifié ou non-
identifié ».

Dans le premier cas, nous prenons tout à notre compte, dans le deuxième
il y a joie d'une écoute sans but.

Dans cette simplicité de l'état naturel, nous sommes loin des définitions
où la libération, l'éveil sont souvent décrits en des termes relevant d'un état
extraordinaire, alors qu'en réalité il n'est personne pour recevoir
l'illumination. « Quand l'unité se vit en soi-même, ce n'est rien de spécial ».

Si l'on regarde les milliers de chercheurs qui s'agitent en tous sens pour
acquérir ce dont parle Krishnamurti, ainsi que d'innombrables autres
enseignants, à toutes les époques, dans toutes les parties de la planète, cela
amène à se demander quelles peuvent être les motivations d'une telle
démarche.

Il pourrait y avoir deux réponses basiques :

Celle émanant de la personnalité factice.

Celle qui n'entre dans aucune catégorie ni logique.

Au niveau de l'individu traditionnel, doué d'une certaine capacité


d'analyse de réflexion et d'envie d'explorer cette question, ce qui peut le
pousser dans une recherche spirituelle a toutes chances d'être une profonde
insatisfaction.

Sans l'avoir demandé, un être humain se retrouve un jour dans un corps,


en grandissant il accumule quelques plaisirs et beaucoup de déconvenues.

Il se retrouve piégé dans ce corps et si une grande majorité s'en


accommode sans trop de problèmes, une petite minorité n'apprécie que
moyennement, et même pas du tout, ce qu'ils font dans un monde dont ils
perçoivent l'absurdité dans laquelle leur existence coutumière leur apparaît
dénuée d'intérêt, remplie d'incertitudes, de peurs et de problèmes.

Beaucoup de souffrances, entre deux plaisirs, ont rendu leurs regards,


vis-à-vis d'eux-même et du monde, plutôt dubitatifs, sceptiques, voire
cyniques.

Être condamné à vivre équivaut à être condamné à mort, à répéter sans


fin des comportements crapoteux, opinions débiles et idéologies figées dans
des certitudes absurdes peuvent susciter des réflexions qui conduisent à des
remises en question draconiennes.

Une autre façon d'exister doit se cacher derrière cette mascarade où


prévaut l'avidité , la recherche du pouvoir, de l'argent, à l'égal d'une maladie
collective où, sinistre vision pour les plus lucides, ils perçoivent en eux-
même que les anomalies de comportements des autres sont le reflet de leurs
propres turpitudes intérieures.

Face à ces constats, les plus déterminés se disent qu'il doit exister une
autre façon de vivre, ils se tournent alors vers l'alternative ultime,
entreprendre une recherche du sens de la vie.

Cela peut se traduire par adopter et créditer une religion, une secte, de
faire des retraites de trois ans, de courir le monde à la recherche d'éveillés
qualifiés qui pourraient être une aide pour atteindre cet objectif.

Pour résumer, si l'homme recherche le divin, c'est qu'il n'est pas très
content de ce qu'il est, il y a certainement mieux que de subir une existence
dont l'intérêt devient de moins en moins évident lorsque s'épuise le cortège
des illusions salvatrices.

Il se peut aussi que beaucoup se sentent mal dans leur peau, dépressifs,
anxieux, suicidaires, les drogues, l'alcool, le sexe sont des recours pour ne
plus ressentir ce mal-être ; pour d'autres, l'appel à une puissance supérieure
est le remède qu'ils choisissent.

Toutes ces alternatives sont des tentatives pour échapper à ce que nous
vivons, c'est-à-dire, à des états souvent malheureux, inconfortables et
insatisfaisants.

Cet espoir peut nous habiter de nombreuses années, voire toute une vie,
mais là aussi l'espoir commence à s'éroder, rien ne change fondamentalement,
l'accumulation de connaissances dans le domaine des concepts spiritualistes
s'est considérablement élargie et enrichie ; mais cela n'est pas suffisant car la
récompense de tant d'années d'effort, de démarches, de séminaires, d'ascèses
plus ou moins sévères amène au constat suivant :

« Je ne suis toujours pas libéré ».

La grande majorité des personnes très déterminées à accéder à la


libération, l'éveil, l'état naturel, l'union au Divin, etc... doivent passer par ces
phases et peut-être est-ce nécessaire pour construire une personnalité capable
de reconnaître son incompétence absolue à percer le mystère en réalisant que
« La vérité ultime ne se laisse pas penser », il n'y a rien à libérer : la vie est
tout ce qui est, tel que c'est.
Nous avions mis en route un processus où il nous semblait avoir à
accomplir la lourde tache qui nous mènerait au but recherché mais il se
trouve qu'il n'y a absolument rien à atteindre, sauf de perdre la croyance qu'il
y a quelque chose à acquérir.

Aucune somme d'efforts ne pourra faire que l'unicité apparaisse, c'est


une plongée dans l'auto-perception, déjà inhérenté mais non reconnue qui
sera la surprenante découverte où cela nous mène ; c'est qu'il n'y a rien d'autre
que ce qui est.
Cette prise de conscience inattendue risque de ne pas être acceptable
pour beaucoup, elle est trop simple.

Cette sortie de toutes nos misères et cet espoir de vivre autrement, une
fois l'éveil atteint, ne serait qu'une projection fascinante d'un modèle qui
n'existe que dans un monde imaginatif.

Pourtant, il n'est pas possible de nier que quelques humains, intitulés


enseignants, maîtres, gourous tiennent un langage et une façon de vivre très
différentes des normes courantes et pouvant apporter énormément de
clarification à ceux qui les fréquentent.

Parmi ces enseignants, certains ont effectivement passé le cap de


l'identification au corps mental.

Ils savent que tout individu est la conscience universelle qui s'est
identifiée à un organisme corporel individuel.

L'individu croit que c'est l'acquisition de connaissances qui va dissiper


l'ignorance, alors que l'enseignant sait que l'ignorance découle du fait de s'être
identifié au corps mental sans avoir encore démasqué le sortilège.

Mais le point le plus marquant est que le disciple se trouve en face d'une
vacuité impersonnelle, ce qui le renvoie soudainement et abruptement dans
une zone de lui-même qu'il n'avait jamais ni situé ni fréquenté.

Pour celui ou celle à qui cela arrive, cette vision suffit quelquefois à
permettre la prise de conscience capitale que son propre espace intérieur est
identique à l'espace qui sous-tend l'Univers.
15 - Condamnation à vivre égal
manque à être ; insatisfaction
endémique masquée par de
belles histoires !
Il est vrai que celui ou celle qui perçoit ne serait-ce que quelques
secondes, la réalité de sa nature originelle découvre qu'il n'est pas une
individualité déterminée mais l'une des multiples formes qu'emprunte la vie
pour se manifester, tout reste identique, exactement comme avant cette
expérience, mais il n'y a plus personne pour le commenter.

Lorsqu'il y a concrétisation de la totale absence d'un « moi je », cela


apporte des changements assez déroutants.
C'est un peu comme si nous avions perdu la pseudo autonomie des actes
qui jalonnent notre quotidien ; de plus en plus il y a constat que cela se fait
en nous.
Un subtil ancrage s'est produit, prenant de plus en plus de force, avec
l'étonnant constat que la volonté n'a rien à voir avec ce phénomène.

Les questionnements antérieurs tendent à se dissoudre dans le mystère


d'un non-savoir où il n'y a plus rien à chercher, nulle part où aller, le but qui
avait motivé la recherche, se sentir mieux, être autre chose que ce que nous
sommes, s'amenuisent insensiblement. Les caractéristiques de la personnalité
antérieure continuent à se présenter dans ses états coutumiers, aussi bien
heureux que malheureux, mais la réalité illusoire du passé a été démasquée,
ainsi que l'inexistence du futur.

Celui qui voulait connaître Dieu tend à se manifester de moins en moins,


l'effondrement du chercheur individuel permet d'entrevoir le secret ouvert de
la non-séparation.
Entre une personne s'identifiant à ses pensées et une autre qui a situé le
témoin silencieux en elle-même, il n'y pas de différence dans le
fonctionnement des émotions et des pensées sauf que le premier espère qu'un
effort soutenu constant sera récompensé en final, alors que le second n'espère
plus rien.

Le même potentiel de souffrances est présent dans les deux cas mais la
gestion sera différente s'il y a identification ou non à ce qui advient.

De nombreux éveillés sont morts d'un cancer, d'autres ont hérité d'un
corps où l'A.D.N. et le plan génétique avaient déjà, dans leurs programmes
originels, toute une gamme de déficiences physiologiques mais aussi
psychologiques, auxquels ils ont dû faire face.

Ressentir la maladie sans la connotation psychologique est comme


apprendre à apprivoiser la douleur, cela se fait dans une écoute attentive où
l'approfondissement de la perception sensorielle est un pôle direct vers le
silence.

La douleur existe toujours, mais la totale ouverture à la sensorialité, sans


conceptualiser, sans juger, sans accepter ni refuser, amène à une paix
profonde où s'exprime librement le déséquilibre.

Dans cette tranquillité, le choix d'une thérapeutique adéquate pourra


apparaître plus facilement que dans une agitation apeurée.

Tout cela amène à un constat.

Tout ce qui se passe en soi ou dans le monde est inévitable, il ne peut en


être autrement, en tout état de cause, ce qui nous arrive dans la vie tend à
nous éclairer sur le fait qu'une pensée discriminatrice ne peut pas exister hors
du champ de l'unité.

Nous ne sommes que limites, corporellement, émotionnellement,


intellectuellement, nous ne pouvons fonctionner que sur les bases qui se sont
constituées depuis notre enfance. Tout ce qui apparaît est appelé à disparaître.

La grande découverte à faire est de s'apercevoir que les limites ne sont


pas limitatives si elles sont observées sans commentaires.
En cessant de nous référer à nos opinions, nous laissons les autres libres
d'exprimer les leurs, mais cela ne nous offusque plus pour la bonne raison
que nous n'y tenons plus, elles nous apparaissent comme désuètes, sans grand
intérêt et nous nous sentons de plus en plus libres vis-à-vis de ce ramassis de
graines picorées à droite, à gauche, qui nous remplissent le jabot.

Notre appréciation des évènements dépend de notre ressenti actuel ;


quand nous nous trouvons dans une phase euphorique, notre regard et nos
actions tendent vers l'ouverture, la compréhension, voire la générosité.

Dans le cas contraire, sous l'emprise de la déprime, de frustrations, de


colères non extériorisées, d'un chagrin amoureux ainsi que des séquelles
traumatisantes de souffrances infantiles non digérées, nos attitudes envers les
autres en ressentent les conséquences en négatif.

Toute une gamme de comportements peuvent en découler, allant de la


misanthropie jusqu'aux bourreaux des camps de la mort, en passant par les
petits tyrans domestiques et les abus de pouvoir dans certains contextes
professionnels psychopathiques.

Si nous laissons la vie être, dans la non-appropriation, notre rôle dans le


film nous frappe en plein cœur, que nous soyons bourreaux ou victimes, la
tranquillité s'infuse insensiblement, ce qui nous habite à cet instant est au-
delà de toutes expressions.
Pendant cette phase, il y a prise de conscience de tout l'imaginaire qui a
fabriqué un bourreau ou une victime, et cela s'effondre dans un instant de
lucidité.

Dans une telle écoute, ce que nous vivons n'est qu'un incident où nous
sommes libre de toute attente, le psychisme va peu à peu quitter son
dynamisme, permettant le constat que l'origine des souffrances réside dans
l'imaginaire et l'illusoire, ce qui nous fait réaliser l'aspect dérisoire de nos
engagements.

Le bourreau ou la victime, une fois délivré du besoin de se sentir


« quelque chose », devient capable d'une action non-impliquée, sans
intention, mais adéquate cosmiquement.

Cette écoute sans appropriation est la seule solution qui peut amener à
voir apparaître un type d'humain d'une espèce différente, l'homo sapiens
sapiens n'étant à ce jour qu'un embryon d'homme inachevé, dont le potentiel
est encore en jachère, pour la majorité.

Pendant ce court passage dans un corps humain nous nous situons dans
une dynamique quasi universelle qui pourrait se définir par le terme avoir.
Cela est tout à fait naturel ; à l'égal de tous les êtres sensibles vivant sur
la planète, l'homme est une créature de besoins qui ne peut se développer
sans recevoir ce qui est indispensable à sa survie ; sans ces conditions, la
névrose et les pathologies diverses ont beau jeu de mener la danse de la
marionnette, nul ne peut y échapper.

Dans la grande distribution des rôles, certains humains, quelque soit la


contrée du monde où ils se trouvent, sont plus ou moins favorisés ; sur cette
question, la plus grande détresse côtoie les conditions les plus favorables. Les
théories pour expliquer cet état de choses sont innombrables, mais en fait
personne n'en sait rien.

Sur les sept milliards d'êtres humains, la majorité ne bénéficie pas des
conditions matérielles élémentaires pour satisfaire ses besoins légitimes,
matériel et psychologique.

Dans les pays plus favorisés matériellement, si les besoins vitaux


essentiels sont à peu près satisfaits, ceux qui se rapportent à l'équilibre
psychosomatique laisse plutôt à désirer, un regard sur l'état du monde est
édifiant pour ceux qui savent regarder.

Par rapport aux autres espèces, l'animal humain développe la curieuse


anomalie de n'être jamais satisfait, même si tous ses besoins sont
abondamment pourvus.

Dans ces cas, le besoin d'avoir devient une forme de maladie qui tenaille
sans répit les couches socio-culturelles à niveau de vie élevé, qui, d'un état de
manque chronique, sombrent dans une avidité sans limite.
Ce besoin inextinguible d'avoir toujours plus repose sur une base qui ne
pourra jamais être satisfaite ni comblée : le manque à être.
A toutes les périodes de l'existence humaine, la recherche du bonheur se
fixe sur les objets, depuis l'ours en peluche, en passant par la Bugatti rouge
grand luxe ou le partenaire idéalisé, l'humain ne cesse jamais d'aspirer à
combler son vide intérieur par une multitude d'aspirations qui, la plupart du
temps, s'avèrent ensuite lassantes, décevantes ou embarrassantes, à moins que
cela ne devienne une addiction compulsive.

Cela n'a rien d'étonnant, cette insatisfaction qui finit toujours par nous
rattraper, aux diverses étapes de nos vies, vient d'une incomplétude viscérale
d'un être de transition qui ne sait pas comment poursuivre le voyage,
autrement qu'en reproduisant le passé en futur, encore et encore.
De toute évidence, le spécimen humain actuel n'est pas la version
définitive de milliards d'années d'une évolution qui explose dans le monde
sous forme d'un Krishnamurti et bien d'autres précurseurs, connus ou
inconnus.

Ceux qui ont la curiosité de se rendre dans un musée où se trouve


alignée une dizaine de crânes des précurseurs de l'homo sapiens sapiens
peuvent constater, au fur et à mesure de l'évolution, des modifications
caractéristiques advenues au cours des millénaires, le cerveau prenant de plus
en plus de volume.

Dans la phase actuelle, il pourrait se faire que l'animal humain dispose


en lui-même du potentiel d'une nouvelle espèce.

Peut-on agir pour activer l'apparition en soi de cette nouvelle espèce ou


est-ce la nature universelle qui va poursuivre en sourdine le mystérieux
processus qui fera d'un animal humain un être humain relié à sa source ? Cela
relève d'une intuition qui n'a de valeur que pour celui ou celle qui la ressent.

La clef de l'énigme peut-elle être résolue par un instrument aussi limité


qu'un cerveau humain ?

Quoi qu'exprime le mental n'étant finalement que conceptuel, une


réponse à cette question cruciale n'aurait aucun sens, laissant chacun sur sa
faim.

Que pouvons-nous faire d'autre que le constat de notre impuissance ?

Se mettre en recherche du sens ou du non-sens ? Cette question a été


évoquée dans le message de Krishnamurti, ainsi que dans les pages
précédentes où quelques pistes d'exploration ont été abordées.

« Que pouvons-nous faire ? » devient une question inappropriée, nous


passons alors à une autre modalité de questionnement.

Que se passe-t-il dans l'illusoire réalité ?

Si quelqu'un trouve qu'une recherche est indispensable, cela est légitime,


l'unité entreprend de se rechercher elle-même à travers un corps mental.

Les efforts les plus persévérants, les ascèses les plus rigoureuses peuvent
se poursuivre des années, voire toute une vie, et c'est très bien ainsi, puisque
c'est ce qui est. Rien n'est à ajouter ou à retrancher.
Mais le gigantesque paradoxe réside dans le fait qu'un ego a entrepris
cette démarche sans se douter le moins du monde qu'il s'est engagé dans le
processus de sa propre dissolution, sans s'en rendre compte.
Lorsque arrive le découragement total et que le chercheur perd sa
pugnacité, il réalise qu'il n'y a rien à comprendre, et qu'il est ce qu'il cherche,
tel qu'il est.
Si cela se produit, c'est que cela doit se produire. Si cela ne se produit
pas, c'est très bien aussi.

Dans les deux cas, cela a lieu dans l'espace impersonnel de la


conscience.

Pour un athée bon teint, qui pense que tout ce qui est dit et prôné
concernant l'existence d'une puissance divine ne sont que des élucubrations
d'esprits faibles cherchant à se rassurer, a aussi sa légitimité, qui est très
respectable, comme toutes autres croyances ; la vie jaillissante se retrouve
dans la multitude des caractéristiques divergentes.
Dans un cas de ce genre, c'est la conscience qui dit qu'elle n'existe pas, à
travers un corps mental... L'humour de la vie est sans limite.

L'aspect caricatural et humoristique de ce genre de considérations invite


à un approfondissement où l'oxygène se raréfie et qui représente, par sa
simplicité, la base essentielle où l'inexistence du moi fictif peut être vu en
toute simplicité.
Quel est ce moi qui surgit à un moment donné dans cet immense
manifestation cosmique ?

Avant la conception de cette entité, il n'y avait que conscience non


consciente d'elle-même, un pur néant.

Puis vint la conception et la naissance, l'impersonnel s'est personnalisé,


la dynamique du monde manifesté entre en action dans un corps mental.

La conscience non consciente d'elle-même s'est identifié à une forme


humaine « dans laquelle elle s'oublie ».
Le même processus se retrouve chaque jour de la vie. Dans le sommeil
profond, il n'y a aucune conscience de soi, mais celle-ci revient chaque matin.

On pourrait dire : le monde existe tant qu'il y a quelqu'un pour le voir.

Avant la naissance, rien n'existait, après la naissance, le monde


manifesté est perçu et il y a sensation d'existence.

Le fluide énergétique qui anime le corps mental sous-tend l'Univers


entier, dans cette forme particulière qu'est un être humain, elle revêt trois
modalités essentielles : un mental, des émotions et des sensations.

C'est comme un déguisement que revêt l'énergie manifestée, la


conscience est présente aussi longtemps que le corps est là, lorsque
l'existence s'achève, la conscience n'existe plus pour un corps mental
particulier, à l'égal du sommeil profond où il n'y a plus personne pour voir le
monde.

Lorsque la dictature mentale se trouve abolie et que la croyance d'être le


corps est remise en question, la manifestation perd ses artifices illusoires, le
comportement change, nous savons que nos façons de vivre ne sont pas les
nôtres mais seulement un aspect de la totalité en mouvement.

Notre nature non duelle se manifestant comme témoin, la conscience


non consciente d'elle-même et la conscience consciente d'elle-même
fusionnent dans l'unité de notre nature originelle.
16 - Connaître Dieu, c'est ne
plus vouloir le connaître
L'idée commune que l'être réalisé est devenu parfait et ne peut que vivre
dans un état irréprochable, avec des critères de comportement d'une moralité
sans concession perd toutes significations lorsqu'il est vu qu'il n'y a personne
pour faire un choix, dans la perfection comme dans l'imperfection ; cela se
produit.
La dure réalité nous fait voir que les mensonges, l'injustice, la cruauté et
toutes les misères qui sévissent dans le monde sont l'UN en manifestation à
travers des milliards de formes se croyant autonomes.

Réaliser que l'énergie qui anime le Cosmos n'a aucun sens moral, aucun
principe sur le bien et le mal ne peut être admissible que si les péripéties du
monde apparaissent comme une énergie en mouvement dont les modalités de
fonctionnement sont hors d'atteinte du mental et de son rêve de perfection.

Nous sommes ici dans les zones où les explications n'ont plus cours et
ne mènent nulle part, sans vision globale, seule cette vision peut permettre
que s'infuse dans le corps et le psychisme le ressenti d'une sérénité qui pointe
vers une sensation d'amour sans objet.

Cet état est la réponse ultime à toutes les questions ; au moment où le


bruit mental cède la place au silence, le vide est reconnu, tous les concepts du
temps d'espace, du bien et du mal deviennent inconsistants pour cette plongée
dans le non-savoir.

Il n'y a plus que ce qui est.

Sur le plan pratique de la vie quotidienne, quand ce grain de sel que


nous sommes découvre qu'il est la totalité de l'Univers, même le témoin
silencieux s'efface ; il n'y a plus que ce qui est - dans l'unité retrouvée.
Avant cette phase, l'individu en recherche peut connaître une grande
déprime.

Étant parti sur une base d'investigation présumant que, une fois le but
atteint, tous malaises existentiels étaient censés disparaître, remplacés par un
état inexistant de joie, sérénité, amour, une dure réalité se fait jour, la dualité
est toujours en activité pour renouveler ses scénarios coutumiers.

Le bien, le mal, le beau, le laid, la souffrance, le plaisir et tous les


opposés interdépendants jalonnent toujours nos rêves dans une dualité
apparente aussi collante de la glu.

Fort heureusement, l'asservissement ne persiste que lors des périodes


d'identification au présumé ego en voie de disparition, implication et non-
implication sont reconnues comme faisant partie du jeu de la vie.
L'implication est nécessaire lorsqu'elle se produit pour être perçue dans
le champ de l'espace-temps jusqu'au moment où son affaiblissement est
suffisant pour qu'il n'en soit plus tenu compte.

Les implications du vieil homme peuvent encore se présenter, mais il n'y


a personne pour se les approprier.

C'est à ce stade que cette approche peut commencer à produire ses


effets, tous les repères s'effritant les uns après les autres.

Dans toutes les idéologies, en particulier l'idéologie religieuse, l'accent


est mis sur la nécessité de faire partager leurs croyances aux pauvres
malheureux qui vivent dans l'ignorance des dieux présumés ou d'un divin
unique.

Dans l'approche où il est simplement question de recouvrer l'état


naturel, il est totalement exclu de faire partager quoi que ce soit à qui que ce
soit.
Quand est vue la nature de toutes les expériences spirituelles et qu'il y a
eu plongée dans le marché des enseignements mis en exergue par les
prêcheurs de tout acabit, aussi bien matérialistes que spiritualistes, il n'y a
plus ni envie ni désir d'intervenir dans aucune vie humaine.
Tant que la parole, les concepts et les mots existent, leur utilité est une
évidence, les recherches spirituelles, les thérapies et tout ce qu'a inventé
l'esprit humain pour sortir de sa misère ont leur raison d'être, au moment où
cela se passe, il ne peut en être autrement.

Cela aide à se connaître psychologiquement, à affiner et cerner de plus


en plus les limites de ces investigations.

Ceux qui vivent l'état naturel ont généralement effectué d'innombrables


efforts pour acquérir cette libération supposée, prôné dans tous les milieux
concernés par cette quête universelle, les projections imaginatives en
représentant le moteur.

Si cela se produit, c'est un mouvement de la vie comme un autre qui est


totalement inévitable et imprévisible.

Si les êtres ayant reconnu la source déclarent que tous ces efforts,
souvent hors contingences, n'ont servi à rien d'autre qu'à meubler une
existence insatisfaisante ; quoi que le personnage ait pu faire, ou ne pas faire,
son destin ne lui appartient pas plus que celui d'une fourmi ou d'une araignée,
comme tout ce qui advient fait partie du jeu de la vie, les rencontres et les
évènements ne servant que de détonateur à des prises de conscience latentes.

C'est une très forte provocation qui est ainsi énoncée ; l'éveil n'a rien à
voir avec tous les efforts que l'individu a pu faire pour l'acquérir ;
paradoxalement, cette décantation a été nécessaire puisqu'elle a eu lieu.

La vie se révèle dans un flux constant de possibilités.

La voie royale se présente par l'oubli de ces merveilleuses projections


paradisiaques, lorsqu'est vu qu'il n'y a que des expériences psychologiques et
émotionnelles, aussi subtiles soient-elles, qui arrivent dans la personne
apparente et retombe dans l'un.
Parmi les périodes où l'exploration des caractéristiques de la pseudo
personnalité devient de plus en plus détachée, la vision des contradictions du
mental ratiocinant est une source d'étonnement et même d'amusement.
Que se passe-t-il devant le flot permanent de pensées qui se déroulent du
matin au soir dans l'esprit et du soir au matin dans l'état de rêve.

Un regard sur les assemblées politiques est très symbolique de ce qui se


passe en soi, la prise au sérieux du système de valeurs, subjectif, sans aucun
recul quant à leurs pertinences. Les innombrables tendances qui se sont
inscrites dans le psychisme deviennent des scénarios récurrents qui se
répètent à longueur d'existence sous diverses formes.

Celles-ci sont souvent contradictoires, la tendance la plus fortement


constituée s'affirme et prend le pouvoir momentanément, c'est comme un
parlement qui révèle les nombreuses contradictions qui nous habitent.

Cet apparent pouvoir est très relatif, lorsque les crises existentielles
arrivent, chaque scénario tendancieux se manifeste pour imposer sa
spécificité, réclamant le titre de, moi je...
C'est là que réside l'ambivalence du fait que lorsque nous croyons
choisir, le choix se fait en nous, avec comme priorité l'identification à la
tendance la plus prégnante.

Les tendances existent en chacun et existeront sans relâche, même pour


la personne désidentifiée, de l'ego, mais comme il n'y a personne pour les
saisir, elles s'affaiblissent jusqu'au moment où leurs intérêts s'estompent par
la vision de leurs médiocrités.

Quand vient le moment où l'on peut s'interroger sur l'utilité des


enseignements spirituels, ainsi que des lectures des sages et des gourous, leur
intérêt n'est ni inférieur ni supérieur, à tout ce qui se manifeste dans la
conscience.

Mais si un jour il est vu que la libération n'est pas à rechercher


puisqu'elle est tout ce qui est.
Ici et maintenant, voilé par un mental qui n'existe pas, le constat se fait
qu'il ne peut y avoir de recherche pour quelque chose que nous avons déjà ;
une sensation d'existence toujours présente, de la naissance à la mort. Pour
l'individu il n'y a rien d'autre, le reste n'est que concepts.
Dans le présent ouvrage, tout ce qui a pu être pointé propose divers
éclairages conceptuels qui ne font qu'évoquer ce potentiel qui existe en
chacun.

Mais il ne s'agit que de mots, plus ou moins signifiants sur la question


essentielle, que la libération n'est pas quelque chose à acquérir mais plutôt
une perte, celle du sens d'être un individu séparé.

L'alchimie de la vie jaillissante est un mystère, c'est comme le jeu de


lumière d'un film dont nous sommes l'acteur identifié, jusqu'au moment où
l'opérateur coupe la projection.

L'analogie la plus réaliste se rapproche de l'état de rêve, comme le rêve


de l'existence apparaît à la naissance pour disparaître à la mort, le rêve
nocturne se présente pour en arriver au constat de son inexistence illusoire le
lendemain au réveil.

L'être humain peut explorer le secret de la matière et il le fait avec une


rare inconscience, sans se rendre compte que tant qu'il y aura une entité
attachée aux objets des sens, ses inconséquences récurrentes mettront sa
survie de plus en plus en péril, tant qu'il reste enfermé dans la bulle
hermétique de ses idéologies ; croyances et opinions discordantes restent
dangereuses tant que leurs observations silencieuses ne se sont pas mises en
place.
17 - La dynamique du vide,
prochaine étape de l'espèce. Le
grand coup de balai...
A chaque époque de la longue histoire des hommes, une telle
exploration aurait conduit au bûcher ceux concernés par une investigation
ouverte, libres de préjugés, d'idées reçues ou imposées.

En avançant dans l'investigation, il est vrai que cela peut paraître une
pure abomination que l'être se manifeste en paraissant ne tenir aucun compte
des effroyables misères et tourments endurés par tous les êtres sensibles
depuis la nuit des temps.
La vérité, le mensonge, la famine, l'injustice, le courage, la lâcheté, la
responsabilité et l'irresponsabilité, les génocides et tueries de toute nature font
partie intégrale de l'unité en manifestation.
Le mental perfectionniste ne comprendra jamais le fonctionnement de
l'impersonnelle totalité s'il ne ressent pas la plénitude du néant où se déroule
sans retenue l'ignominie et le merveilleux. Le vent qui fait trembler les
feuillages, l'écureuil qui saute de branche en branche, le regard d'un enfant, le
coucher du soleil à l'horizon, l'amour d'une mère sont aussi la manifestation
de l'unité.

Lorsqu'il y a prise de conscience et que vient la vision qu'il n'y a que


l'amour inconditionnel se manifestant dans chaque chose qui existe, l'accueil
de ce qui se présente, d'instant en instant, devient une nouvelle façon d'exister
où explose le lourd fardeau du connu.
Dans ces instants, notre imaginaire sur ce que la vie devrait être perd son
sens du fait qu'il n'y a plus personne pour y penser, ce qui peut s'avérer
profondément déroutant et même incompréhensible, lorsque le chercheur, en
quête de perfection, refait surface.
Le processus de n'être rien et de voir resurgir le voile du mental, qui se
réimplique, est un événement naturel sur lequel nous n'avons aucun pouvoir,
sauf celui d'en faire le constat silencieux.

Cela se dissout avec la compréhension qu'il n'est pas possible de l'éviter,


c'est simplement VU sans commentaire.

Si, au contraire, nous décidons de ne plus être impliqué dans l'avenir, la


décision de ne plus l'accepter nous maintient dans les mécanismes
conflictuels, ceux-ci ne pouvant survivre que grâce aux stratégies qu'il
invente pour maintenir son pouvoir, jusqu'au moment où arrive le constat que
l'état silencieux et l'état identifié n'ont fondamentalement aucune importance.

Les deux états se produisent au sein du néant que je suis, sans signification
particulière.

Pour un individu dans un état d'esprit traditionnel et dont les


programmes conditionnés sont gravés d'une façon presque indélébiles, les
éclairages conceptuels qui sont exposés et qui abordent le thème de
l'inexistence de cette personnalité particulière que nous croyons être,
s'avèrent la plupart du temps totalement inacceptables.

Sur cette lancée, un questionnement très simple peut faire toucher du


doigt que ce que nous croyons être n'est pas ce que nous sommes.
Suis-je les opinions auxquelles je suis attaché ?

Suis-je les croyances que je me suis fabriquées ?

Suis-je les idéologies dont je suis l'obéissant serviteur ?

Suis-je les émotions qui envahissent mon psychisme ?

Suis-je les pulsions qui traversent le corps ?

Aborder ce qui va suivre demande une certaine distanciation et un


détachement déjà affirmé vis-à-vis de soi-même.
Lorsque nous manifestons des opinions, croyances, idéologies que nous
avons collectées depuis notre naissance, et que nous réalisons que tout ce
fatras vient des autres, cela nous incite à approfondir cette entité qui se prend
pour son nom.

En fait, notre personnalité s'est créée à partir d'amalgame de pièces


rapportées, de secondes mains qui, par un tour de passe-passe relevant de
l'hypnose est devenue ce moi je figé dans ses certitudes, ou incertitudes.
Parmi les croyances de toute nature qui sont passées à notre portée,
certaines se sont enregistrées positivement, d'autres négativement, obéissant à
la loi incontournable du système attraction-répulsion inhérent à tous les êtres
sensibles.

Dans nos vies familiales, si nos parents manifestaient l'opinion que nous
étions bon à rien, cela s'inscrivait en nous, à notre insu, avec comme résultat
d'innombrables complexes d'infériorité ou de supériorité, culpabilités,
influençant nos comportements, à l'égal d'une programmation informatique :
Sommes-nous ces films venus d'ailleurs ?
Si, par contre, le milieu familial voyait en nous un petit génie, cela allait
se répercuter dans la suite de notre parcours de vie, de différentes façons :
Sommes-nous ce film venu d'ailleurs ?
Ces brefs exemples peuvent nous permettre de constater, sur le plan
individuel aussi bien que collectif, qu'il ne s'agit que de processus
programmés à notre insu qui viennent des autres et finissent par constituer
un ensemble que nous prenons pour nous-même.
Si, par la vision sans implication, il est perçu que les opinions et
croyances que les autres nous ont transmises, volontairement ou
involontairement, ne nous appartiennent absolument pas,

Qui sommes-nous ?

Le constat est flagrant : rien du tout, paix et silence débarrassé du bruit


mental ; il n'y plus personne, qu'une sensation d'existence.
Mais il reste à décrypter émotions et sensations quand nous constatons
que nous sommes fréquemment emporté par ces puissants ressentis internes
qui nous font souvent perdre le contrôle ; il est difficile de ne pas être celui
qui les ressent, c'est-à-dire une personnalité particulière.

Ces ressentis internes se traduisent en pensées remettant en service les


histoires que nous nous racontons.

Les situations affectives ou cogitations intellectuelles sont


particulièrement porteuses de perturbations, d'autant qu'elles font remonter à
la surface d'anciennes souffrances toujours vivaces, qui stagnent dans le corps
et le psychisme.

Nous avons appris à les nommer : joie, tristesse, peurs, angoisses,


manques, satisfactions, insatisfactions, etc... Mais si ces ressentis n'étaient
pas nommés, que se passerait-il ?
Un simple constat

Un corps ressent des sensations.

Dans une écoute sans qualifications, que reste-t-il ?

Un vide absolu qui manifeste l'univers entier à travers une sensation


d'existence qui n'a pas besoin de nommer les affects.

C'est comme une présence silencieuse où l'espace-temps, les causes et


les effets apparaissent et disparaissent sans être saisis ni retenus.

Se révèle alors qu'être ne nécessite aucune illumination, aucun éveil,


aucune recherche ; que nous le voulions ou non, nous ne pouvons cesser un
seul instant d'être.
Vouloir se débarrasser des sens de l'individu est vu comme faisant partie
d'une démarche de l'individu pour se faire disparaître, comme le chien qui
court après sa queue.

Il en est de même pour les pensées, elles restent ce qu'elles sont mais si
leur contenu n'est pas regardé avec tant de sérieux, l'aspect ludique de tout ce
déploiement d'histoires, de jugement et qualifications apparaît comme un film
où se dévoile un personnage auquel il est de plus en plus difficile de prendre
au sérieux. La vie n'est sérieuse que pour qui la prend au sérieux.

En tant que condamné à mort avec sursis, l'être humain ne semble pas
beaucoup prendre ce facteur en compte, vu la manière incohérente avec
laquelle il gère son existence ; cela peut apparaître comme un jugement ou un
constat selon la nature du regard.

3000 guerres en 2000 ans est un bilan qui suscite quelques doutes quant
au potentiel de réflexion de ce curieux animal à deux pattes. Krishnamurti
signalait souvent ce phénomène significatif.

A l'égal des règnes dits inférieurs, qui ne se départissent jamais des


instincts de vie répétitifs, il semblerait que l'homme, malgré un cerveau
prolixe en pensées, ne peut pas pénétrer les mécanismes mentaux qui ont fait
de la planète un lieu où s'entre-tuent avec constance les membres d'une même
espèce.

Il ne paraît y avoir aucun remède qui pourrait faire que chaque habitant
de la planète puisse avoir une existence décente dans un partage équilibré des
ressources de la Terre.

Bien que doué d'une intelligence mécaniste super sophistiquée, qui lui a
permis d'aller sur la lune, à partir de sa grotte originelle, l'animal humain se
caractérise par des comportements qui, de génération en génération, se
traduisent par des déchaînements de haine récurrents émanant de programmes
fixés une fois pour toutes.

Les turpitudes récidivantes des hommes peuplant la planète, si elles se


basent sur d'innombrables conditionnements divergents, et notions
contradictoires qui se sont constitués au fil du temps, obéissent à une loi
ignorée par les intéressés eux-mêmes.

Personne ne peut agir autrement tant qu'il y a stagnation dans la bulle


hermétique d'un corps mental dont l'histoire personnelle est toujours
prépondérante.

L'intelligence de la vie ne peut apparaître qu'avec la spontanéité qui


surgit lorsque le pseudo individu cesse de croire qu'il est aux commandes.

S'il se trouve que parmi les milliards de personnes peuplant la Terre, le


non-état est advenu à un certain nombre, cela reste un épiphénomène, et nul
ne peut prévoir si cet éclatement de la bulle égotique va prendre ou non une
ampleur significative à l'échelon mondial.

Cela fait partie d'une hypothèse mais l'ouverture à l'unité n'est pas dans
le futur ; le fait de se surprendre à jouer avec des concepts sur le passé ou le
futur est le signe que toute transformation n'ait plus à attendre ailleurs que
l'évidence de cet instant présent que nous habitons, en toute inconscience, de
la naissance à la mort.

Lorsque ces moments d'écoute sont conscientisés la vie se révèle, la


vibration originelle devient sensible, les paroles s'avèrent alors profondément
créatrices et s'inscrivent en profondeur dans l'environnement.

L'écoute authentique n'a pas de centre ni de périphérie, il n'y a


qu'ouverture, sans jugement ni qualification lorsque l'harmonie ou la
disharmonie se présente ; elles sont reçues comme le chant d'un oiseau ou le
murmure du ruisseau.

Accepter ce qui se passe en soi, c'est aimer ce qui est, même si cela ne
nous plaît pas, c'est de nous-même qu'il s'agit.
Vient un moment où l'acceptation est dépassée ; l'accueil prend la relève,
nous nous rendons compte qu'il est inutile de vouloir changer l'histoire, ni
l'empêcher, la prétention de diriger notre vie s'efface dans l'évidence de
l'instant.

Qu'est donc cet instant que nous vivons, de la naissance à la mort ?

Habituellement, nous ne le reconnaissons pas du fait que la pensée


l'occupe en permanence en le remplissant de passé et de futur, mais en
simplifiant les choses à l'extrême, que serions-nous sans cette sensation
d'exister qui ne peut se vivre que dans le présent ?
Le sommeil profond en est une indication majeure.
La sensation d'exister nous est advenue à la naissance, c'est-à-dire que la
réalité des autres et du Cosmos n'est présente que si il y a un spectateur.
Avant la naissance, il n'y avait personne de conscient et le monde
n'existait pas.

Pour être très près de soi-même, chaque individu peut dire sans risquer
de se tromper :

Le monde existe parce que je suis là pour le voir.

Pendant cet intervalle, entre la naissance et la mort, l'énergie primordiale


se manifeste dans des milliards de formes, ces dernières ignorant totalement
l'énergie qui les sous-tend.

L'humain se retrouve alors dans un corps mental, sans aucune idée de


son origine essentielle.

A partir de ce malentendu originel surgit l'hypnose divine que le monde


est vrai, solide et que tous les objets manifestés, ainsi que les êtres sensibles,
sont mus par des sentiments personnels et individuels.

Personne ne peut échapper à ce piège millénaire, cela reste une bonne


blague cosmique jusqu'au moment où certains s'éveillent de ce mauvais rêve.

A cette phase, il est possible de toucher du doigt que les concepts


développés pour évoquer cette étonnante vision sont bien faibles, mais
pointer le doigt vers le non-savoir intemporel.

L'absence de compréhension intellectuelle n'est pas un obstacle, au


contraire, cela aboutit à une paix et un silence d'où s'élance tout le monde
manifesté, inclus les pensées.
18 - Le mot n'est pas la chose,
disait Krishnamurti. Mais où
donc se cache la chose... ?
Depuis que la pensée abstraite existe, des milliers de livres parlent de
l'éveil, la libération, le retour à la source, etc..., inclus le présent texte que le
lecteur tient en main ; cela amène à actualiser cette phrase marquante de
l'enseignement de Krishnamurti : « Le mot n'est pas la chose désignée ».
Même cette définition est encore dans le règne de la conceptualisation ;
il semblerait qu'après les innombrables exposés sur le sujet l'individu n'a pas
le choix de s'éveiller du fait de sa volonté ; s'éveiller ou rester identifié ne
dépend de lui en aucune façon, du fait qu'il n'a pas d'existence propre.
La compréhension suivante est qu'il n'y a personne qui puisse
s'éveiller ; si cela arrive le chercheur n'est plus là pour le commenter.
Le bruit mental poursuit sa production habituelle, mais cela se passe
dans la paix et le silence à l'intérieur de la conscience. Cela est vu sans
personne pour le voir.
Alors, s'éveiller serait comme gagner le gros lot à la loterie puisque la
volonté n'est pas habilité à cette tâche.

La réponse est rassurante.

Il n'a personne à éveiller car il ne peut y avoir de recherche pour ce qui est
déjà présent.

Nous rejoignons ici les multiples éclairages non dualistes où l'accent est
mis sur ce corps mental tel qu'il est, avec ses défauts et ses qualités, est le
divin qui fait l'expérience de la manifestation.
C'est pour cela que rechercher la libération peut devenir une entrave du
fait que chercheur et cherché reste fragmentés en deux alors qu'il n'est qu'un
sans second.

La seule alternative offerte à chaque individu est de voir ce qui voile


l'état d'être, cela étant abondamment décrit dans tous les enseignements non
dualistes qui soulignent que l'intemporel ne se laisse pas penser.
Pour un chercheur spiritualiste, qui commence à réaliser que
l'illumination recherchée est au-delà de tous efforts, ceux-ci faisant partie du
royaume de la durée et des fabrications du mental, cela peut se traduire par
une frustration souvent traumatisante.

L'effondrement de tous repères, l'impression d'avoir consacré tant


d'années d'efforts, pour rien, est un passage souvent très difficile à vivre.

Il se pourrait que cette énorme désillusion soit porteuse d'une autre façon
d'aborder le problème différemment. Tous les objectifs concernant l'attente
d'un but n'ayant plus de raison d'être, cela laisse la place à une tranquillité
inattendue.

Les savoirs acquis ne prédominent plus, une étonnante impression de


sérénité s'infiltre insensiblement, effaçant subtilement les traces d'un passé
riche en besoin d'acquérir un état où toutes les attentes se trouveraient
comblées.

Lorsque le temps, les objectifs, les buts à atteindre n'encombrent plus le


psychisme, la fascination pour l'extraordinaire, le spectaculaire, nous
commençons à nous autoriser à reconnaître l'étonnante simplicité de
l'ordinaire où il semble que la vie est à elle-même son propre but, sans aucune
autre raison d'être.

Cela pose l'interrogation la plus essentielle qui soit.

Cette explosion cosmique universelle surgit de rien et retourne au rien ;


pendant des milliards d'années la source non consciente d'elle-même se
déploie d'instant en instant dans des milliards de structures, animées ou
inanimées, le vide et la forme étant le reflet de la conscience en
manifestation.
Dernier maillon de cette immense création, l'espèce humaine englobée
dans une totalité en mouvement avec comme particularité que chaque
individu s'est forgé la croyance d'avoir un libre arbitre et pouvoir choisir sa
destinée.

Chez un humain, tant que cette notion est vivace, toute évolution reste
généralement ignorée, car, bien que faisant partie de cette immensité, il n'est
pas réalisé qu'il ne peut exister de personnage séparé et indépendant.

L'invitation secrète à réintégrer l'unité est présente en chacun mais la


concrétisation d'un phénomène aussi peu courant découle d'une alchimie qui
plonge ses racines, soit dans un riche compost, ou une terre aride, dont
personne n'est responsable.

Le reconnaître est humilité authentique.

Si nous avons perçu que nous sommes ce que nous cherchons, pourquoi
ne paraît-il pas possible de vivre, situé en permanence dans cet état de
conscience.

Là réside la subtile plaisanterie cosmique pour qui apprécie un humour


hors contingence.

Que nous le voulions ou non, nous sommes toujours dans l'état recherché,
l'abandon de toutes recherches étant le critère pour le vivre.

Tout ce qui existe appartient au fonctionnement de la totalité, du vide


émanent les innombrables formes.

La vision, les pensées, émotions et sensations ne sont aliénantes que si


nous nous les approprions comme étant nous-même.

La bonne nouvelle est que cet esclavage n'est pas obligatoire ; pour cela,
une petite formalité est nécessaire, elle consiste à mourir avant la mort.

Pour qui a peur de mourir, c'est une excellente perspective que de lâcher
prise à toute identification à cette personnalité fictive et provisoire.
Si cela se produit, le corps peut tomber mais il n'y a personne pour
mourir, ce qui est éternel en soi retrouve la non-existence d'avant la
conception du corps.

L'état originel est non-savoir.

La connaissance de la sensation d'existence n'est advenue que lorsque


l'énergie de vie s'est solidifiée dans un corps mental.

Dans les premiers âges de la vie, cette sensation d'existence est


innocente, sans qualification, puis, avec le temps, elle s'est remplie de tout un
contexte lié à l'environnement, il a même fallu qu'on nous dise quel était
notre nom.

C'est ainsi qu'il devient possible de comprendre le statut privilégié de


l'animal humain.

L'énergie primordiale s'est solidifiée dans la totalité de l'univers manifesté,


ce qui fait que chaque corps est tout ce qui est.

Les deux dimensions se révèlent comme ne faisant qu'une, il n'y a plus


aucune expérience à vivre, le fardeau d'être une personne disparaît, laissant la
place à un soulagement où plus rien n'a d'importance.

Certains peuvent dire, à juste titre, que si ce monde foisonnant d'êtres


humains prêts à se détruire pour des idées depuis la nuit des temps, cela ne
paraît pas être une réussite vu l'état malheureux dans lequel se trouvent des
milliards de personnes.

A quoi joue le créateur pour laisser les créatures qu'il manifeste dans
d'aussi innombrables misères, plus proches de l'enfer que du paradis ?

Cela fait partie de la gamme des questions insolites, devant lesquelles la


compréhension humaine n'a pas accès, vu les limites de l'intellect.

Tant que quelqu'un a en vue d'obtenir des réponses et se sent concerné


par cette recherche de compréhension, c'est que le pas décisif reste à franchir.
Lorsque le processus de désidentification n'est pas arrivé à son terme
mais que le projet de vouloir acquérir quelque chose, un but, un résultat n'est
plus présent, que reste-t-il comme alternative ?

S'abandonner au mystère.

Dans un relâchement total, où le désir de réponses s'est envolé, la


compréhension pénétrante survient d'elle-même sans avoir été sollicitée.

L'évidence de l'unité se reconnaît alors comme fréquence vibratoire infinie


dans un corps humain perçu comme relié au tout.

Cela signe la fin de la recherche, par l'extinction du chercheur, vers


l'étonnante simplicité d'une vie au présent.
19 - Absolu intemporel et
conscience manifestée. Un jeu
de l'unicité avec elle-même ?
La vie n'est pas avare de paradoxes ; quels sont les éléments qui peuvent
nous faire percevoir que le personnage que nous croyons être n'est qu'un
déguisement de la Source intemporelle sous une forme particulière ?

Même si nous parvenons à comprendre intellectuellement qu'il se


pourrait bien que cela soit vrai et que cette stupéfiante affirmation pourrait
être porteuse d'un nouveau regard sur soi-même, en sommes-nous plus
avancé ?

Ce soi-même est un espace ouvert dans lequel la vie se déroule sans qu'il
n'y ait personne pour saisir ce qui s'y passe, ou y a-t-il quelqu'un qui prend en
charge, à son propre compte, le florilège des évènements qui se présentent à
tous moments de l'existence ?
S'il n'y a rien à obtenir, rien à chercher, à quoi bon continuer à en parler
et à écrire des recettes pour parvenir à ce que nous sommes déjà ?
Pourtant, dans le jeu que la vie joue avec elle-même, les adeptes d'une
recherche spirituelle sont-ils à disqualifier comme vestiges de comportements
dépassés ne pouvant mener à autre chose qu'à frustration et désespoir ?

Puisque la vie fait surgir, dans ce présent incontournable qui est sa trame
non reconnue, que des milliers d'êtres humains se mettent en quête d'autre
chose, appelé libération, c'est qu'ils ressentent en eux-mêmes un manque et
une incomplétude qu'ils leur faut combler à tout prix.

Dans un tel cas de figure, s'agit-il d'un individu qui veut retrouver sa
source, ou est-ce la source qui veut retrouver son unité dans l'individu ?
Néanmoins, le fait est, cette investigation intérieure mobilise des milliers
de personnes.
Parmi ceux qui sont en mesure de donner des pistes d'exploration, le
message de Krishnamurti a été en son temps, un puissant catalyseur d'intérêts.

Au fur et à mesure du déroulement du temps chronologique, commence


à apparaître, comme s'il s'agissait d'une suite, dont la logique s'adapte aux
nouvelles générations, de multiples enseignements d'éveil ayant pour credo
que ceux qui les diffusent remettent en cause la notion même de l'éveil,
considéré comme un concept.

Le point commun est que les tenants de ces enseignements affirment que
la libération se trouve déjà présente en chacun, ce qui peut offrir une
alternative précieuse pour les chercheurs encore focalisés par la croyance
qu'il y a quelque chose à acquérir.

Il n'est pas facile de se débarrasser de l'idée qu'il y a quelque chose à


acquérir, la recherche de l'avoir commençant dès la sortie du ventre maternel.
Tout au long de la vie, de l'enfant à l'adulte, la pensée courante a pour
critère que la réussite ne peut se faire que par des efforts soutenus et
prolongés afin d'obtenir une existence riche et réussie, avec un maximum de
gadgets pour la meubler.

Une scolarité sans faille et studieuse, l'accès à la réussite sociale, le


pouvoir, et bien d'autres buts représentent le credo qui est le moteur de nos
comportements.

Ainsi s'est gravé dans le psychisme qu'il n'est pas possible d'obtenir quoi
que ce soit sans déployer volonté et énergie pour atteindre n'importe quel
objectif.

Le même phénomène est à l'œuvre pour la recherche spirituelle, c'est


comme un réflexe qui fait partie d'automatismes non décelés dans le cadre
habituel de la recherche d'avoir.
Cela met en route une dynamique qui peut devenir une entrave à être.
En fait, c'est un peu comme si la recherche s'avérait être une nécessité
incontournable jusqu'au moment où elle cesse du fait de la dissolution du
chercheur.

Si ce non-évènement est reconnu, est-ce dû à la recherche ou cela se


produit-il parce que cela devait se produire ?

Dans le vaste monde, d'innombrables humains ont retrouvé l'état


naturel sans aucune recherche.
Toutefois, si la multitude des approches, les thérapies, les ascèses en
tous genres sont générées par une structure focalisée par cette recherche de
l'éveil, la vision que rien n'a de sens peut faire exploser toutes ces pensées
dans l'instant magique où l'esprit fini par dire : « Je ne sais pas ».
Dans cet état, la dualité s'efface, la vacuité silencieuse est la réponse
totale.

Le chercheur veut sortir de sa prison alors qu'il n'a jamais été


emprisonné, la vie a un humour très spécial.

Le film que chacun est amené à jouer sur la planète Terre n'est qu'un
scénario dont l'action se déroule et fait partie d'une totalité impersonnelle
dans laquelle nos comportements ne peuvent être autrement que ce qu'ils sont
tant que l'auteur de l'action n'a pas déjoué le sortilège de l'identification au
rôle.

Le point où l'oxygène se raréfie, c'est que la vie est une unité


fonctionnelle dans ses milliards de manifestations ; pour l'humain, il y a
séparation tant que la croyance d'être une personne séparée est présente.

Lorsque cette croyance se dissout, non par un vouloir mais par une prise
de conscience spontanée, il ne reste que l'expérience d'être, rien de spécial
affirme le zen.
A cet instant, les phrases et les concepts pour décrire ce qui se passe
nous font défaut, mais cela suffit, quelques fois, pour que la simplicité et
l'évidence du « rien » amènent une sérénité et apaisement où les explications
n'ont plus court, le mot n'est pas la chose, disait Krishnamurti.
Si l'enseignement de Krishnamurti a marqué beaucoup d'esprits, au
vingtième siècle finissant, il serait intéressant de faire le point et d'explorer
cette vague étonnante d'enseignements non dualistes qui fleurit, toutes ces
dernières années, en provenance, principalement, de Grande-Bretagne.

Les personnes parlant ou écrivant sur ce qui leur est advenu sont issus de
divers milieux et ont comme point commun une phrase qui peut bien résumer
le sens de leurs expériences.

Tout ce que vous lisez et tout ce que vous écoutez ici n'est pas la vérité.

Dans ces ouvrages ou enseignements, aucune méthode n'est exposée,


aucune réalisation de soi n'est proposée, les paradoxes et les contradictions
foisonnent ;aucune aide n'est à attendre de ces exposés, on repart les mains
vides, l'accumulation de savoir n'est plus d'actualité.

Plus énigmatique, dans ces textes ou réunions personne n'enseigne à


personne.

Il n'y a rien à acquérir mais tout est à perdre. Rien n'a besoin d'être
accepté ou rejeté, ce qui est maintenant est la totalité en expression.

Pour un observateur attentif de ce qui se passe dans le monde, il paraît


évident que les messages émanant de personnes qui ont pu réintégrer l'état
naturel que l'on peut appeler éveil, libération, etc, enlèvent drastiquement
tous points d'appuis aux chercheurs.

Mais ce qui représente l'ouverture la plus étonnante c'est qu'aucun


chercheur n'est invité à changer, ou à ne plus chercher, tout ce qui se passe,
dans chaque existence, est totalement à sa place.

Il n'y a rien à changer, tout est à sa place dans l'unité de l'être, s'il y a
changement, c'est que cela doit se faire. Il semblerait qu'une forme
d'évolution des messages de cette nouvelle vague de personnages vivant le
non-conformisme absolu, à l'égal de ce qu'est la vie dans ses innombrables
manifestations, soit en train de se produire.
Le seul précédent était marqué par des enseignements où la plupart
préconisait des disciplines, ascèses et pratiques, en vue d'atteindre un but qui
s'intitulait : Éveil, libération, retour à la source, etc, etc...

L'enseignement de Krishnamurti paraissait aller dans ce sens, bien que


des aspects non dualistes soient inclus ou sous-jacents à ses propos.

Néanmoins, les textes étaient tellement fournis et denses que cette


invitation à être s'est trouvée noyée dans des flots de concepts et de mots où
cet aspect du message disparaissait, pour les auditeurs, le vouloir faire pour
arriver au but renforçant pour la plupart, le sens de la séparation.

Les quelques humains qui ont retrouvé la mémoire de ce qu'ils sont en


parlent d'une façon très simple, pour la plupart, et mettent l'accent sur les
points suivants :

« Ce qui suscite la prise de conscience pourrait se définir comme un


toucher de l'être.
Quand cet état advient, souvent à l'improviste, il n'exige aucun effort, ne
requiert aucun préalable, l'image de soi se trouve abolie dans une neutralité
où il est découvert que nous sommes la source de toute chose.

Le plus troublant et étonnant est que chacun a vécu cet instant magique
où le sens de la séparation disparaît mais, dans la plupart des cas, « Le secret
ouvert n'est ni accueilli ni reconnu ».
Un coucher de soleil, le bruissement du vent dans les arbres, le regard
d'un bébé, une situation heureuse ou catastrophique, l'union extatique avec
une énergie complémentaire nous plongent quelquefois dans cet espace hors
temps, qui est notre nature fondamentale.

C'est ce que chacun recherche sans le savoir.

Regardez les visages de ceux qui se lancent dans des situations de


dépassement d'eux-même, ils sont comme comme transfigurés par une
impressionnante expression d'impersonnalité.

Si, à ces moments, une pensée survenait, la puissance de l'action en


serait affectée et l'échec prévisible ; c'est d'ailleurs ce qui se passe si
l'interférence mentale survient.

Les danseuses, les patineurs et tous les sportifs de haut niveau vivent le
non-mental un instant. Dans tous les domaines des activités humaines, ces
instants de silence entre deux pensées se présentent à chacun et c'est de là que
jaillit la créativité, celle qui a pu faire que, de sa grotte originelle, l'humain a
pu s'aventurer sur la lune.

Le mental ne recèle pas la créativité de la vie, celle-ci vient d'ailleurs, la


pensée, dans son rôle naturel, n'est là que pour mettre en forme cette manne
céleste qui n'a rien à voir avec idéologies et conceptions.
20 - Le déguisement du créateur
en créatures, grande farce
cosmique...
C'est à ce point qu'il serait intéressant de définir les deux aspects de la
pensée.
Il y a la pensée mécaniste, ratiocinante, névrotique, celle qui ne subsiste
que pour devenir une fabrique à idéologies, opinions, jugements,
qualifications, productrice d'analyses erronées, de projections mentales
pathologiques, qui a conduit le monde dans l'état où il se trouve, cela
s'accentuant au fur et à mesure de la sophistication du mental.

Cette partie, souvent influencée par un centre émotionnel pestiféré, est


capable des plus grandes atrocités sans aucun état d'âme ; un regard sur
l'histoire, ancienne et actuelle, fera notre éducation sur le sujet, au cas où cela
nous aurait échappé.

Cette forme de pensée est étroitement reliée au temps, au passé et au


futur, elle parle d'ordre mais génère le désordre, va entrer en guerre pour
éviter la guerre, dissèque chaque aspect de l'existence, propose la paix et
l'amour universel, même s'il faut pour cela utiliser la force, ou torturer autrui
pour la bonne cause.

L'autre aspect du mental n'existe que dans l'instant présent, il est


pragmatique et fonctionnel, il peut faire appel au passé et au futur, mais
strictement sur le plan pratique. L'exemple d'une fusée pour aller sur la lune
peut permettre de comprendre les innombrables modifications nécessaires,
pour la rendre de plus en plus performante, avec comme moteur la créativité
pure.

Dans les actions du mental pragmatique, les conséquences qui


pourraient découler des tâches réalisées concernent strictement ce qui est fait
dans le présent.

Prévoir de prendre l'autobus, ce qui va être mangé à midi, ainsi que


toutes les tâches multiples et professionnelles sont l'affaire du mental
pragmatique pour l'éveillé, seule cette partie subsiste, la force de la vie a pris
la relève, il y a vision globale et action locale.

Ce bref aperçu peut situer le prochain plan qui attend l'espèce humaine, si elle
ne s'est pas détruite entre temps :

Un être humain étroitement limité dans sa bulle mentale en un être


humain relié à sa source.
Comment un tel processus a-t-il pu voir le jour ?

Une part importante de réponses sont inaccessibles du fait que


l'instrument mental est inapproprié pour un tel travail.

Néanmoins, cet instrument peut aller assez loin dans l'investigation, la


compréhension totale ne pouvant survenir que par l'extinction de celui qui
veut comprendre.

Si la conscience est tout ce qui est, cela implique que l'humain pourrait
s'abandonner au mystère puisqu'il est une partie incluse dans la totalité, le
divin se révèle à la vue par toutes les choses du monde.

A ce stade de l'exploration, il n'est pas possible de dire que la conscience


consciente d'elle-même est la même que la conscience non consciente d'elle-
même.

Que nous avons longtemps cru qu'il y a une personne à libérer, alors
qu'en fait il n'y a personne que l'être qui s'est scindé en deux, le vide est
forme, la forme est vide.
Il découle de ceci : quoi qui apparaisse présentement, c'est la réalité, si le
moi est clairement vu comme une histoire, peu importe s'il y a absorption
dans l'histoire.
Rien de tout cela n'a d'importance, il s'agit d'une expression de l'être,
seule subsiste la tranquillité. Bien entendu, tout ce qui est est exprimé ci-
dessus, ne sont que des concepts et un concept n'est pas la vérité, il pointe
seulement le doigt vers la lune.
A partir des concepts krishnamurtiens, l'exploration à évoluer vers des
poteaux indicateurs de plus en plus évanescents, privilégiant une non-dualité
conceptuelle certes, mais pointant en direct, là où la verbalisation explose
dans un silence qui est l'ultime réponse à tous questionnements.

Une question se pose alors, si une partie de notre mental s'est mis à son
compte et en profite pour créer le conflit et la discorde, est-il possible de s'en
débarrasser ?

Par cette interrogation, c'est le mental qui parle de se débarrasser de lui-


même et il serait tout disposé à collaborer à cette noble tâche car pour lui,
c'est la survie assurée.

Mais y a-t-l besoin de se débarrasser de quoi que ce soit puisque tout


existe dans l'unité de la conscience.

En d'autres termes, mental pragmatique et mental névrosé abstrait sont


une émanation de l'unité, en fait il n'y a personne d'autre qu'unité en
manifestation.
La simplicité est remplie de contradictions apparentes. Le petit homme
sentencieux qui fascinait les foules, dans cette grande tente au cœur des
montagnes suisses, et les milliers d'auditeurs attentifs et passionnés qui
l'écoutaient ne réalisaient pas que personne ne parlait et personne n'écoutait,
il ne s'agissait que d'une anecdote se déroulant dans la grande pièce de
théâtre mise en scène par un maître d'oeuvre qui ne se laisse pas penser.
En fait, l'unité joue le rôle de l'enseignant et de l'enseigné, ce qui fait
qu'il n'y a personne a illuminer, chaque corps mental étant déjà totalité.
C'est une sorte de facétie cosmique, qui ne manque pas de sel pour les
amateurs qui ne se refusent pas de goûter à l'humour sans limite de l'amour
sans limite.
Le divin s'amuse de sa création, la vie n'est finalement pas très sérieuse,
sauf pour celui qui la prend au sérieux.
21 - Les paradoxes de
l'intelligence, aphorismes et
phrases clefs, à ne pas prendre
au sérieux...
Dans cette exploration de ce qui est, la plus grosse difficulté, pour
l'esprit rationnel de la personnalité irréelle, c'est de ne pas pouvoir suivre un
cheminement balisé, éprouvé et expérimenté par d'autres, d'avoir un gourou
obligeant et attentif qui guide ses pas en toute sécurité vers un objectif, même
si celui-ci s'avère ne pas exister autre part que dans le mental encombré de
croyances.
Tout cela est très décevant, contradictoire, peu porteur de gratifiant ; de
plus, une affirmation, de quelque ordre qu'elle soit, peut être mise en face de
l'affirmation contraire, avec le constat qu'elles sont aussi vraies l'une que
l'autre... ou aussi fausses, vues de l'intellect.

Dans les textes qui vont suivre, intitulés :

« Les paradoxes de l'intelligence : aphorismes et phrases clefs »,


compréhension habituelle et flashs pointant vers l'intemporel, sont
étroitement mélangées, offrent des supports de réflexions et
d'approfondissement pouvant court-circuiter les modèles de pensées
traditionnels, conformistes et rigides.

Ils revendiquent le privilège de ne pas être sérieux du tout, mais ceux


qui sont sensibles à l'humour qui se cache derrière les confuses activités
humaines pourront y trouver leur compte et s'en amuser.

Cela pourrait aussi s'intituler : « Des réactions conditionnées mécanistes à la


liberté absolue du non-savoir ».

La forme la plus haute de l'intelligence est de prendre conscience de son


inintelligence.

Dans les sociétés dites civilisées, l'intelligence se mesure au Q.I., à


l'intellectualisation et à la réussite, bien que ces formes d'intelligence aient
produit les modes de vie confus que nous connaissons, violents et sans
amour.

Cette intelligence n'en est pas une car elle est coupée de sa source,
même si elle est vaste en savoir, s'est dévoyée et est limité dans les méandres
de l'ignorance, de la contradiction et du conflit.

Seule la conscience profonde fonctionnelle peut pénétrer l'intelligence


de surface et contrôler ses délires par une vision sans commentaires.

Le contraire de la sagesse est d'être identifié à ses propres systèmes de


valeurs.

Si nous examinons d'où viennent nos systèmes de valeur, nous


constatons que nous les avons collectés dans l'entrepôt de la mémoire
collective ; rares sont ceux qui ont conçu leur propre système ; dans un cas
comme dans l'autre, c'est par leur extinction que peut naître l'action sans
système, l'humain fonctionnel remplaçant le petit moi répétitif.

La plus grande aliénation, c'est de ne pas reconnaître son être essentiel.

Cela rejoint le précédent aphorisme, non seulement l'individu ne peut


recevoir les messages de son intuition mais il peut utiliser son intelligence
superficielle pour concocter les plus grands désastres humanitaires ; sa
conscience enténébrée n'étant pas reliée à son potentiel de silence, il peut
faire n'importe quoi sans état d'âme. Un regard sur l'histoire des hommes est
édifiant.

L'homme ignore l'appareil sensoriel avec lequel il contrôle sa vie, il ne


voit que ce qu'il veut ou croit voir.
Avec le handicap majeur que constitue la carence généralisée de ne pas
explorer, comment fonctionne notre psychisme, nous ne pouvons jamais
savoir si nous sommes justes, cosmiquement, ou actionnés par l'identification
à nos scénarios particuliers.

A défaut de percevoir le monde tel qu'il est, nous projetons notre vision
à partir de l'image que nous avons de lui, peu souvent en phase avec le réel, le
mental habillant émotions et sensations selon sa construction caractérielle,
alors que celles-ci sont neutres à l'origine.

L'attention pure est un microscope.

Peut-être nous faut-il le microscope d'une attention sans commentaires


pour percevoir le mystère que cachent nos sensations, émotions et pensées.
De surprenantes découvertes nous y attendent.

Lorsque la maturité psychologique est absente, le désir devient notre


seul maître.
En faisant ce genre de découvertes, nous risquons de nous apercevoir
que certaines zones de notre structure caractérielle n'ont pas quitté l'enfance,
seule la nature des désirs a changé ; le seul ennui est que ce maître est d'une
exigence insatiable, agitant souvent la marionnette au-delà des possibilités ;
le dieu désir n'en a que faire s'il devient nocif, son seul but est de maintenir
son emprise et récidiver ses scénarios habituels.

La souffrance des désirs non comblés se transforme en résidus


subconscients dynamiques.

Cette phrase est en contradiction avec la précédente. Faut-il réaliser tous


ses désirs pour ne pas avoir de résidus pathogènes ou les réfréner pour ne pas
en être l'esclave ?

Il s'agit là de deux réactions typiques de la dualité. Plongeons-nous à


fond dans n'importe quel désir ou les enfermons-nous à double tour dans un
rejet compulsif ?
Dans un cas comme dans l'autre, l'insatisfaction nous guette, il nous faut
donc faire la différence entre besoins naturels et désirs névrotiques
insatiables.

Les besoins naturels sont à respecter et à satisfaire aussi totalement que


possible, le critère principal étant de les vivre avec une conscience très
présente de façon à ce que cet état de vigilance intense permette un
accomplissement parfaitement assouvissant.

Dans cette perspective, les besoins naturels peuvent suivre leurs courbes
de vie, naissance, accomplissement et déclins acceptés.

Ce n'est malheureusement pas le cas le plus courant ; si beaucoup


d'humains sont si mal dans leur peau c'est qu'il ne leur a pas été possible de
vivre leurs besoins naturels légitimes, et cela depuis l'enfance. Les besoins
sensoriels et affectifs non comblés se transforment en résidus subconscients
dynamiques, cela pouvant aboutir à des désirs n'ayant plus prise avec le réel,
et qui ont comme point commun de ne jamais être assouvis.

Le plus grand service que nous puissions nous rendre serait


d'entreprendre la réunification et l'harmonie de ces parties de nous-même ;
percevoir la nature vide de l'émotion que fait lever le désir correspond à
accepter ce qui est, la suite ou la non-suite qui s'exprime à partir de cette
vision est que cela se produit mais il n'y a personne pour se l'approprier.

La perte de l'unité suscite la tension primordiale, l'insatisfaction et le


manque chronique.

Dans les individus comme dans les sociétés règne une tension nerveuse
endémique astreignant chacun à trouver la prothèse qui va lui laisser un peu
de répit ; peu de personnes ont envie de remonter à la cause première,
préférant utiliser les innombrables substituts que les sociétés produisent en
abondance, aussi bien chimiques que psychologiques, pour tenter de
contrebalancer cette angoisse existentielle dont peu se trouvent indemnes.

Une telle insatisfaction profonde s'explique par le désir forcené de


subsister en tant qu'individu qui s'efforce par tous les moyens d'éviter
l'invitation à être émanant de la conscience silencieuse qui l'habite.
L'humain qui ne reconnaît pas ce qu'il est dans sa globalité est comme
coupé de sa source, cherchant à l'extérieur ce qui se trouve à l'intérieur ; être
heureux et épanoui devient très aléatoire car les joies fugaces que nous
apportent les objets sont impermanents et éphémères. Seule la conscience qui
n'est plus tributaire du temps peut vivre dans l'innocence de l'oubli de soi.

L'inconscient n'a d'existence que par les énergies négatives refoulées


depuis l'enfance.

Parmi les découvertes que nous faisons dans une investigation


intérieure, nous allons comprendre l'importance du stockage dans le
congélateur des refoulements émotionnels de l'enfance, ceux-ci gardant, à
notre insu, suffisamment de puissance pour influer sur nos comportements
actuels.

Pourquoi tant de violence dans le monde et autour de nous ? Cela ne


vient pas de rien, mais de la constitution, depuis la naissance et même avant,
dans le ventre maternel d'un corps de souffrance qui, n'étant pas reconnu du
fait de la curieuse faculté des humains d'occulter ses souffrances, sous peine
d'en crever et de réussir le tour de force d'oublier, même les plus énormes des
traumatismes.

Cela n'est pas innocent car si les souffrances sont occultées, l'individu
les ayant subies, pour y faire face, est devenu rigide, cuirassé, son seul
exutoire étant de faire subir aux autres, sans aucune pitié ni compassion, les
effets de cette bombe à retardement qui s'est constituée en lui.

L'examen de l'enfance des plus grands criminels, des dictateurs


paranoïaques, d'un Hitler, d'un Staline, ainsi que de la multitude de petits
tyrans domestiques ou professionnels, ainsi que les bourreaux en tous genres
serait édifiant pour comprendre l'état du monde humain depuis la nuit des
temps.

Un massacre collectif est sournoisement à l'œuvre et se poursuit de


génération en génération et ce sont les enfants qui en font les frais.
Même à un niveau plus anodin, cet état de choses rend confuses les
situations que nous vivons car nous y réagissons avec nos anciens
contentieux, n'étant jamais en phase avec la réalité du présent.

De là, viennent des malentendus et conflits disproportionnés par rapport


à la provocation reçue ; nettoyer le cloaque de ses souffrances stagnantes non
reconnues ne peut se faire qu'en réalisant que la vie n'est pas une chose
sérieuse, sauf pour qui la prend au sérieux ; certaines thérapies émotionnelles
peuvent nous y aider.

Ce magnifique spectacle qui se déroule dans nos esprits, avec ces scènes
où le bonheur côtoie le malheur, est à contempler, du vide que nous sommes.

Ce qui observe n'est plus concerné

Réalisant qu'il n'est pas ce qu'il voit

Les analyses mécanistes et la compréhension fragmentées sont les


symptômes de l'efficacité des scénarios conditionnés, nous coupant de la
source.

Si nous faisons une thérapie analytique ou cogitons intellectuellement


pour nous débarrasser de nos blocages, nous fonctionnons dans le même
registre que ce que nous cherchons à évacuer ; en fait, la seule utilité de
s'investir jusqu'aux confins du mental est de pouvoir prendre conscience de
ses étroites limites, ce qui peut amener à son dépassement par extinction et
vision non commentée de son éternel mouvement.

Devenir le témoin de nos résistances subtiles signale la naissance de la


non-absorption de l'individu à son histoire.

Rester fixés dans ses réactions d'enfance, sans le savoir, est l'écueil majeur
des individus et des sociétés.

La plupart d'entre nous ne réalisons pas, que le « non-digéré » qui nous a


été infligé, depuis le début de notre existence, puisse avoir une influence dans
les situations actuelles de la vie courante.
Les signes que nous sommes pris dans ce piège se révèlent par les
réactions exagérées que nous procurent les situations provocatrices, par
rapport à leur importance réelle.

La situation présente réveille une souffrance passée et c'est ce quantum


d'énergie qui va répondre ; en quelque sorte, nous réglons nos comptes passés
dans le présent. De ce fait, notre attitude n'a aucune chance d'être adéquate.

Nos systèmes de défense habituels préfèrent souvent occulter l'existence


d'un tel processus et sans une approche nous permettant de voir en nous-
même, d'une façon panoramique, le jeu de nos répressions internes, nous
jouons faux dans l'orchestre de la vie en tant que prisonnier du passé.

L'impasse totale mène à la décontraction totale.

Dans certaines circonstances, nous ne contrôlons plus rien et devenons


impuissants devant le maelström d'évènements qui nous dépassent et des
réactions émotionnelles qu'ils suscitent.

L'impasse est totale, nous ne savons plus que faire.

La seule chose qui nous reste est d'aller sans crainte au fond de ce
ressenti traumatisant.

Confronté à la sensation brute d'un plexus bloqué par la souffrance, nous


l'acceptons sans restrictions et en devenons un spectateur à l'écoute.

Dans ce lâcher-prise, le mal-être semble se localiser puis, petit à petit,


s'étend dans tout le corps pour ensuite se répandre dans l'espace hors du
corps.

Nous devenons comme un voyageur qui s'obstine à porter ses bagages


alors qu'il peut les déposer dans le filet pour s'en soulager.

Étrangement, un calme nous envahit, nous nous sentons comme délivré,


nous ne voulons plus rien et vivons un détachement qui nous place dans une
impression de vastitude.
Dans cet état, les problèmes existentiels reprennent leurs justes
proportions, les réactions s'effacent pour laisser place à ce qui n'entre plus
dans le domaine du mental.
La vision de « Ce qui est »
Cela se produit dans un présent silencieux.

Seule la conscience est éducable chez l'homme.

Il y a trois modalités de préhension du monde dans l'homme :

celle où la conscience est endormie ; elle est remplacée par la mémoire,


grand réceptacle d'opinions, d'idéologies fabriquées par d'autres, avec comme
base le passé et le futur.

Celle où la conscience est intermittente ; l'être oscille constamment entre


les incitations venant de l'extérieur et le souffle subtil d'une intuition
naissante, souvent localisée.

Celle où la conscience est éveillée ; l'individu devient alors apte à se


remettre en question ; les mécanismes habituels continuent de fonctionner
comme à l'accoutumée, mais l'identification à leurs contenus ne se produit
plus.

La marginalité le guette et il est souvent la bête noire des systèmes de


valeurs bien pensants car sa vision est devenue pragmatique et fonctionnelle
dans un monde mécanisé et adepte des radotages abstraits.

Ce qui aggrave son cas ; c'est qu'il n'a plus besoin qu'on lui dise quoi
penser, n'étant plus preneur des projections mentales humaines où foisonnent
opinions et idéologies innombrables contribuant à créer la haine entre les
humains.

Pour ce dernier, une consciente vivante est devenue le guide et


l'inspiratrice de tous les instants de sa vie, le mental ayant retrouvé sa juste
place d'exécutant et non plus d'ordonnateur des hautes et basses œuvres.
Nous refusons ou acceptons les autres selon qu'ils sont conformes ou non à
nos programmes mentaux partiaux, limités et conditionnés.

Ce que nous pensons de nos contemporains a pour bases essentielles,


jugements, qualifications, le ressenti qu'ils nous prouvent, négatif ou positif,
étant rarement remis en cause et décidant de nos attitudes à leur égard.
Cela se traduit par des analyses fausses et actions inadéquates.

Sans épurer notre perception, la pensée discursive projette l'image


qu'elle a d'autrui mais ne peut le voir tel qu'il est, l'interprétation remplaçant
le constat.

Ne pas apprendre en écoutant, c'est n'être qu'un consommateur d'idées.

Apprendre consiste-t-il seulement à enrichir notre mémoire d'un savoir


dispensé à grande échelle et souvent uniforme ?

Mais une autre façon d'écouter se fait lorsque le mental commence à se


pacifier ; il est perçu alors ce qui est dit en même temps que ses propres
interférences automatiques, au-delà de l'écoute superficielle, derrière les
mots ; il y a un être, écoutez-le avec votre corps et votre tête, vous connaîtrez
ainsi une autre forme de communication très surprenante.

Le juge de paix habituel, plein de particularités inconscientes, est


remplacé par une symbiose venue du silence, libre de toutes évaluations,
spéculations, raisonnements.

Acquérir la liberté du non-choix à l'intérieur de l'acte.

Toutes nos réactions habituelles se réfèrent à des choix où la


personnalité pense détenir le pouvoir de diriger sa vie.

Il se pourrait qu'il ne s'agisse que d'une apparence et que nous soyons


agis en fonction de scénarios, programmes, conditionnements qui, depuis
l'enfance, ont constitué cette structure caractérielle qui nous habite.

Nous croyons agir mais nous sommes agis. C'est lorsque la détente de
nos crispations profondes se produit que nous commençons à percevoir ce
phénomène.

Mais que nous croyions agir ou que nous percevions que nous sommes
agis n'a finalement aucune importance car celui qui a ses croyances est l'unité
qui joue à être deux.

La clarté, c'est faire aussi simple que possible.

Le mental humain non éclairé est compliqué, subtil, pervers, capable de


justifier n'importe quelles aberration ou ignominies, la politique en donne un
petit échantillonnage.

Voir « ce qui est », le dire simplement et clairement est le privilège de la


sagesse.
Voir « ce qui est » et l'interpréter est le privilège de l'ignorance.

Le retour à la source est folie totale qui plonge dans l'insondable amour.

Un être qui s'est éveillé et qui vit des instants de présence à l'amour sans
objet est un peu comme un fou pour ceux qui résident dans leur mental, ses
actions sont hors normes par rapport aux moralités qui diffèrent selon les
pays et les races ; mais elles peuvent aussi être tout à fait dans les normes.

L'amour sans objet a sa propre loi et bien des adeptes des moralités
traditionnelles ont réservé des sorts ignominieux à ceux qui le manifestent,
chacun à leurs façons.

Crucifixions, bûchers, voire asiles psychiatriques ont souvent été le lot


de ceux trop en avance dans l'évolution ; lorsqu'ils apparaissent sur la Terre,
c'est un peu comme un coup de pied dans une fourmilière, les puissantes
forces de tous les conservatismes se déchaînent pour garder leurs pouvoirs.

Cela se passe aussi dans l'humain qui commence à se désidentifier de ses


pensées, le credo des vieux scénarios récurrents étant « se maintenir ». Ne
pas vivre selon cette norme est impensable, dans tous les sens du terme.
L'ennui, c'est que le lieu de ces énergies réfractaires à toute transformation
n'est pas ailleurs qu'en soi-même.

L'ego est le grand prêtre de l'ignorance, il survit en laissant croire qu'il


existe.

Durant la petite enfance, le jeune humain parle de lui à la troisième


personne, puis arrive un moment où il peut dire moi je, c'est le début de la
personnalité égotique. Avant cette étape, qui était-il ? Une sensation
d'existence pure douée d'un psychisme pulsionnel destiné à absorber comme
une éponge les caractéristiques de son environnement.
Cet agglomérat de tendances, appelé l'ego, croit dur comme fer qu'il
existe bel et bien en tant qu'entité séparée de ce qu'il voit, poursuivant ainsi sa
carrière dans l'ignorance de ce qu'il est.
Le moi est un chaînon incorporel entre le corps et la pure conscience, il
n'a pas de réalité ; si on le cherche on s'aperçoit qu'il n'existe pas.
Le précédent aphorisme définit la formation du petit moi ; en fait, entre
naissance et mort est présent un état de conscience où nous avons
l'impression que nous existons d'une façon autonome sans jamais remettre en
question cette notion.

En réalité, il ne s'agit que d'un assemblage provisoire qui est une


fonction de la pure conscience, celle-ci s'étant comme oubliée dans un corps
mental avec un sens de l'humour inégalable ; la conscience joue ainsi des
milliards de rôles, en étant le compositeur et l'acteur, tout en laissant croire
aux aspects manifestés qu'ils sont totalement indépendants et autonomes.

Pour l'humain, cela est encore plus marqué du fait d'un mental qui vit
dans la certitude d'être un individu séparé du reste du monde et doué d'un
système cognitif auquel il est identifié.

Ce qui est ne pouvant se connaître que lorsque le mental se fond dans sa


source, ce qui permet de réaliser que l'on peut très bien s'en passer.

Alors seul subsiste l'aspect pragmatique et fonctionnel de la pensée, ce


qui génère une grande détente dans le psychisme.
Ce que nous sommes ne se laisse pas penser.

Si nous pensons être l'éternité, cela devient un concept, si nous nous


regardons penser, nous sommes dans l'antichambre du mystère, si la pensée
s'arrête, nous ne sommes plus rien et reposons dans la grande paix naturelle
de notre origine transcendantale ; mais, étonnant paradoxe, ces divers aspects
font partie de la conscience globale.

D'où vient la pensée, où demeure-t-elle, où va-t-elle ?

Celui qui pénètre cette interrogation a trouvé le remède unique pour


guérir toutes les maladies de l'âme. Quelqu'un qui porte en lui cette question
des semaines, des mois, des années, va trouver d'innombrables réponses,
toutes aussi insatisfaisantes les unes que les autres.

Mais un moment peut arriver où, prêt à abandonner, il s'aperçoit soudain


que le plus simple serait peut-être de regarder directement sa propre pensée
sans aucun commentaire.

De surprenantes découvertes l'y attendent, mais cela ne peut se faire


qu'entre soi et soi ; la réponse est dans la question.

La matière contient l'espace, l'espace contient la matière ; vide et forme


sont une seule et même chose.

Toutes les formes manifestées dans le cosmos sont animées par une non-
substance douée d'une intelligence qui a permis aux espèces de s'auto-créer
selon les nécessités inhérentes à leurs stades évolutifs dans les arcanes d'une
fonctionnalité universelle.

Les vibrations denses du mental humain qui croit encore être séparé, ne
lui permet pas de se fondre dans la source d'où il émane, s'impliquer dans les
élucubrations de la pensée abstraite est l'entrave.

La saisie, c'est fuir dans l'imaginaire, s'absentant de soi-même, obéissant


serviteur d'une pensée incontrôlée.
Que veut dire « saisie » dans ce contexte ?
Lorsqu'une pensée s'élève dans l'esprit, nous lui donnons
automatiquement une suite discursive, ainsi, les pensées se trouvent collées
les unes aux autres, à l'égal du ruban que forment les chenilles
processionnaires.

Cela représente notre façon habituelle de fonctionner mais l'humain a le


potentiel de les laisser se résorber en elles-mêmes sans leur donner de suite ;
nous ne les saisissons plus.

Lorsque le commentaire s'absente, dans l'intervalle entre deux pensées,


silence et pensées cohabitent mais il n'y a personne à qui cela arrive, car le
moi s'est provisoirement résorbé.

Les hommes qui dorment vivent dans un monde différent ; ceux qui
s'éveillent dans le même monde.

Dans cet aphorisme, dormir est l'état courant où chacun vaque à ses
occupations dans sa bulle hermétique ; il n'y a pas de liaison entre les
individus autre que la verbalisation et l'union physique, éléments
impermanents et illusoires par excellence.

Par contre, ceux dont la bulle s'est dissoute sont unifiés dans la même
énergie ; de ce fait, une vaste tranquillité les habite, querelles et conflits sont
remplacés par une compréhension interactive multidimensionnelle où les
divergences qui habitent chacun suscitent le rire à la place des pleurs.

L'oubli de l'essentiel est la grande lacune de toutes éducations.

La plupart des modèles éducatifs, parentaux, sociaux prônent la réussite


matérielle, la compétition afin de pouvoir accéder à tous les gadgets en
vigueur, critères du bonheur pour le plus grand nombre.

Dans ce contexte, la recherche du sens de la vie fait l'objet d'une forme


d'occultation généralisée au profit des paradis artificiels, appartenant au
royaume de l'illusion et de l'impermanence, avec comme point commun une
inextinguible insatisfaction.

Être en accord avec la source de soi-même, c'est aller dans le sens du


non-sens, là où la vie jaillissante s'exprime dans la spontanéité du non-savoir.

L'aboutissement d'une éducation intelligente réside dans la prise de


conscience de ses limites et de ses dangers en l'absence d'une vision
impersonnelle.

Le parti pris signe l'arrêt de l'intelligence.

Dans un univers sans limites, lorsque l'esprit se fige et devient partisan


d'une croyance ou idéologie, il lui est impossible d'être créatif, il s'est
retranché en lui-même dans une cuirasse rigide et imperméable, avec comme
critère de vie une idée à faire valoir dont il est devenu le prisonnier et dont il
se croit le fier possesseur.

Une intelligence qui se confine dans un « isme » quelconque s'enferme


elle-même dans une prison sans barreaux.

Ressentir l'agresseur comme partenaire du jeu cosmique.

Cela demande une compréhension un peu hors normes. Dans le monde


où nous vivons, les agressions en tous genres ne manquent pas.

Si nous sommes engagés dans un travail d'auto-perception, nous allons


apprendre en direct où nous en sommes par la façon dont nous allons
négocier la réponse, l'agresseur pouvant alors devenir un genre
d'enseignement, et la vie une grande école.

La majorité des humains se sont blindés pour pouvoir survivre aux


agressions émanant des milieux professionnels, familiaux, ainsi que des
innombrables situations où il a fallu faire face aux violences psychologiques
ou physiques provenant de l'extérieur apparent.

Quand cela arrive, nous nous trouvons confrontés à notre propre


violence, la réponse agressive ou la fuite étant les processus habituels de nos
tendances conditionnées.

Si nous avons appris à ne pas saisir ce qui s'élève et qu'il est perçu en
soi-même le spectacle interactif de nos sensations, émotions, pensées en
pleine phase réactionnelle, l'identification à ces phénomènes se produit de
moins en moins et ce qui surnage est une non-implication dans une liberté
sans mesure, face à la situation.

Dans cette vacuité, les réactions coutumières perdent leurs force, étant
vu pour ce qu'elles sont, des mécanismes automatiques qui partent au quart de
tour, en toute conscience.

Le choix des semences est une affaire de tous les instants ; celui qui
sème des orties piquantes ne récoltera jamais de tendres salades.

Nous sommes aussi très généreux pour semer nos graines chez autrui,
nos enfants, nos compagnons, partenaires, et tous ceux qui croisent notre
chemin en sont les bénéficiaires.

Nos actions, nos paroles, nos comportements sont autant de graines que
nous déposons en eux.

Tout bon jardinier se doit d'être attentif à la qualité de ses semences,


jusqu'au moment, si cela doit arriver, où le semeur prend conscience qu'il
était en train de rêver.

Le mental peut-il découvrir l'unicité ?

Parmi les milliers de personnes en recherche de l'unicité, la plupart


utilisent leurs systèmes cognitifs pour mettre en route le processus censé les
conduire au but.

Il ne peut en être autrement et l'on peut voir fleurir ainsi d'innombrables


enseignements qui ont pour but d'aider les infortunés chercheurs à réaliser
cette noble tâche.

De par le monde existe un florilège d'approches qui proposent l'éveil, la


libération, sous réserve de suivre un cursus bien défini, souvent sévère et
difficile.

Beaucoup sont prêts à tout pour atteindre une réalisation aussi


extraordinaire et prometteuse d'une autre façon de vivre. Cela suppose qu'il y
a le projet d'une personne qui pense faire ce qu'il faut pour parvenir à cet
objectif, jusqu'au moment où il est découvert que la pensée n'est pas l'outil
approprié.

Privé de ce support habituel, que va-t-il se passer pour faire face à la


situation ?

Peut-être laisserons-nous se déployer les réactions habituelles ; mais si


cela ne se produit pas, une action peut surgir du grand mystère de l'acte
spontané, mais personne ne sait ce que cela sera car il n'y a personne qui agit,
un acte se produit, venant de nulle part.

Dans un cas comme dans dans l'autre, un grand détachement est présent,
une nouvelle façon d'aborder les provocations se met lentement en place au
fur et à mesure de la reconnaissance du vide.

Une façon de vivre différente commence à apparaître et les péripéties


stressantes qui nous posaient problème deviennent très intéressantes à vivre
transformant toutes provocations en opportunités de voir la grande farce dans
laquelle l'espèce humaine barbote.

L'identification à l'histoire du personnage se trouve ainsi déjouée,


suscitant chez certains un grand rire libérateur et chez d'autres un désespoir et
une panique de ne plus compter sur la rassurante parodie des scénarios
programmés, sécurisants que nous avons pris pour nous-même.

Quels genres de graines semons-nous ?

Ce que nous vivons est le résultat des graines qui se sont implantées
dans le riche compost de notre inconscient, à chaque moment de la vie, de
nouvelles moissons se préparent.

Nous ensemençons des graines de haine, violence, colère ou bien de


compassion, ouverture, amour.
Cette farce qui nous tient en vie est l'unité d'où surgit celui qui recherche
l'unité, sans pensée ; où est le chercheur ?

Étonnant paradoxe, le corps mental est habité par l'énergie de vie,


comment pourrait-il trouver ce qu'il est déjà.

Mais cela ne peut être réalisé que par la résorption définitive de l'histoire
personnelle ; l'état naturel retrouvé, on s'aperçoit qu'il n'y a pas besoin de
changer pour être ce que nous sommes.

Rien de spécial, nous dit le zen.


Lorsque la sensation apparaît sans être saisie, il est senti qu'elle fait
partie de la totalité.

La sensation est un grand moteur qui déclenche la machinerie : émotions


et pensées.

La plupart du temps, nous ne sommes pas conscient des implications


qu'elle met en route, pour la bonne raison que nous croyons être ces
sensations.

Mais lorsque commence à apparaître qu'il se pourrait que les sensations


se produisent en nous quasi automatiquement et que notre attitude
coutumière est de s'identifier à elles en les prenant à notre compte, cela
change complètement la donne.
Les sensations, agréables ou désagréables, sont alors ressenties comme
énergie en mouvement, ce qui nous libère de leurs emprises et nous permet
de les voir telles qu'elles sont, un flot naturel conçu pour nous rendre libre de
leurs implications coutumières.
22 - Divine amoralité... Chaque
société dispose d'un arsenal
préfabriqué de moralités, LA VIE
N'EN A AUCUNE ? Personne n'y
peut rien, le non savoir est la
seule réponse. Il faut faire avec,
seul subsiste CE QUI EST... !
Lorsqu'un humain se trouve incarné dans un corps et commence à
prendre conscience qu'il n'a donné aucune autorisation pour y être, il est en
droit de se poser quelques questions, en prenant conscience de l'immense
détresse récurrente, non seulement des être humains, mais également de tous
les êtres sensibles, sur le pourquoi d'un tel phénomène, d'autant que lui-même
n'est pas épargné par des turpitudes en tous genres.

Hélas, aucune réponse ne peut lui être apportée car une fois qu'il a fait le
tour de toutes les hypothèses inventées par l'esprit humain sur le sujet, il ne
s'en trouve pas plus avancé.

Il lui faut donc faire face à l'idée qu'un Dieu créateur sans pitié mène la
danse, ou qu'un Big-Bang venu de nulle part a généré une folle énergie qui
manifeste d'instant en instant cet étonnant déploiement cosmique,
merveilleux pour certains, absurde pour d'autres.

Pris en étau dans ce chaos sans foi ni loi que nous appelons l'existence,
entre les horreurs sans nom et d'étranges moments de plénitude, l'humain
oscille sans cesse, parcourant le chemin non balisé où souffrances et plaisirs
cohabitent sans trêve ni repos.

Devenu sans l'avoir demandé ni voulu, participant impliqué de tous les


phénomènes, il est partie prenante d'un implacable processus où le gratifiant
et le répulsif se produisent en lui sans arrêt d'une façon très inégale, l'enfer
côtoyant les joies et plaisirs fugaces.

A certains moments de sa vie, où les situations mortifères deviennent


intolérables, une question légitime se pose pour l'être humain en détresse.

Comment un Dieu d'amour peut-il autoriser autant de tragédies


existentielles extrêmes et rester impassible devant le déploiement de tant de
cruautés, d'ignominies en tous genres d'une espèce qui se spécialise d'une
façon très sophistiquée dans les modalités de sa propre auto-destruction ?

C'est une question universelle que chacun peut se poser à un moment de


sa vie.

Dieu est-il sans moralité ? peuvent dire certains esprits en révolte ; le


quantum de souffrances des êtres sensibles sur la Terre est immense.

C'est à ce stade où, si l'exploration ne s'approfondit pas, nous restons


tributaires des multiples réponses de la pensée conditionnée par ses critères
sur le bien et le mal, de moralité ou immoralité et qui ne réalise jamais qu'elle
est inadaptée pour résoudre de tels problèmes.

Dans l'océan de la vie, le mental n'est qu'une petite vague qui se croit
autonome alors qu'elle est aussi l'océan.

Si le questionneur n'est plus, la vacuité apparaît à l'égal de la vague qui


se fond dans l'unité de la mer.

Dans cette vision, toutes les problématiques humaines, du monde relatif,


ne peuvent rester que sans réponse, suscitant un lâcher-prise total avec la
seule alternative de s'abandonner au mystère.
Dans cet abandon, questions et réponses humaines se dissolvent dans
l'espace silencieux de l'origine de la vie.
Il peut être vu alors que cet espace silencieux est nous-même ; nous
le recherchions à l'extérieur alors que nous ne l'avions jamais quitté.

La grande farce cosmique se trouve ainsi déjouée, la conscience se


réunifie à travers un humain. Mais alors il n'y a personne pour en faire le
constat.

Seul subsiste ce qui est.

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