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Le m a n a g e m e n t

p a r la
qualité totale
Claude Y. B e r n a r d est ingénieur ESME et CPA Paris.
Il a exercé plus de vingt-cinq ans dans l'industrie, à des
postes de d i r e c t i o n g é n é r a l e et de d i r e c t i o n
opérationnelle. Membre actif de l'EFQM, il a siégé au
Comité académique des universités dont le rôle est de
promouvoir l'enseignement du management par la
qualité totale dans les universités européennes. Il a
participé, en tant qu'assesseur officiel, à l'évaluation
du n i v e a u d ' e x c e l l e n c e d ' o r g a n i s m e s de classe
mondiale en TQM (Sollac, British Telecom) dans le
cadre du Prix européen de la qualité. Il intervient dans
les grandes entreprises (Groupes ELF, Bouygues)
depuis 1992 en tant que formateur et conseil en TQM.

Pour plus d'information composez :


http:/tqm. online.fr/
ou envoyez votre message à :
tqm@online.fr
Le m a n a g e m e n t
p a r la

qualité totale

L'excellence
en efficacité et
en efficience
opérationnelles
Claude Yves Bernard
Chez le même éditeur

Recueils de normes
Les projets de normes ISO 9000 - Version 2000, 2000.
Les normes clés du responsable de projet, 2000.
Gérer et assurer la qualité, 1996.

Ouvrages
L'Amélioration de la qualité dans les PME- PMI, CTI, 2000.
ISO 9000. Mode d'emploi pour les PME, Massot P., Lagarde D., Nasiadka-P.,
Bellaïche M., 1999.
Mettre en œuvre la qualité du management de projet, Destors, Le
Bissonnais, 1999.
Anticiper les normes ISO 9000 - Version 2000, Mathieu Stéphane, 2000.
Outils d'autodiagnostic. Normes ISO 9000 - Version 2000, Mathieu
Stéphane, Naciri Khalid, 2000

Produits d'abonnement
Evolution ISO 14000 : Management environnemental des produits et
Système de management et audit environnemental, 2000.
Management de la qualité, 2000.
Evolution ISO 9000. Le Guide. Classeur, 1999.

© AFNOR, 2000
ISBN 2-12-465042-4
Couverture : Michel Le Louarn, Studio Mag Net

Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit,
des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur, est illicite et
constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement
réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d'autre
part, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information
de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (Loi du 1er juillet 1992 - art. L 122-4 et L
122-5, et Code Pénal, art 425).

AFNOR - Tour Europe - 92049 Paris La Défense Cedex - Tél. : 0142 91 55 55


Préface

ST Microelectronics est engagée dans le TQM depuis une dizaine d'années,


et j'ai été à titre personnel participant ou initiateur de démarches TQM dans
des contextes culturels variés, mais la plupart du temps au sein
d'organisations très opérationnelles. La nécessité d'obtenir des résultats
concrets et la confrontation quotidienne aux problèmes de terrain m'ont
appris le pragmatisme et le sens pratique, loin des principes abstraits de
management. C'est dire le plaisir que j'ai éprouvé à la lecture de cet
excellent ouvrage, qui allie théorie et pratique, philosophie et méthodes.

Le Professeur C.Y. Bernard met le TQM en perspective et l'enracine dans


une démarche morale et philosophique. Il plante le décor et nous fournit le
référentiel, mais dépasse rapidement ce cadre général pour montrer
concrètement la façon dont le TQM se met en musique sur le terrain, dans
une organisation confrontée à un environnement extrêmement changeant et
aux multiples difficultés quotidiennes techniques et humaines. Cet équilibre
entre philosophie et méthodes, fort appréciable dans un ouvrage tel que
celui-ci, est un point fondamental pour l'application de la démarche TQM
dans une organisation. En effet, si l'on se focalise sur le « discours », le
TQM risque de se limiter à de belles phrases, voire à des incantations. A
l'inverse, une attention exclusivement portée sur les outils et les méthodes
risque de faire perdre de vue le fondement de la démarche et le TQM
devient alors une sorte de formalisme vide de sens.
Le Professeur C.Y. Bernard met également le doigt sur une caractéristique
de notre contexte économique : le monde évolue de plus en plus vite, les
technologies et les marchés se développent de manière fulgurante, Internet
apporte une facilité et une rapidité de communication encore inimaginables
il y a dix ans. C'est un monde où seuls ceux qui sauront réagir en temps réel
et s'adapter en permanence pourront survivre et progresser. Corollaire : il
est indispensable de donner aux individus et aux cellules élémentaires de
l'organisation le pouvoir (et la capacité !) d'agir et de prendre des
décisions. Le management doit s'impliquer, non plus seulement dans la
recherche de résultats immédiats, mais dans la mise en place d'un cadre et
d'une culture qui permettront de libérer la créativité et l'énergie des
individus. C'est un des choix fondamentaux du TQM : mettre l'accent sur
les processus d'aujourd'hui pour garantir les résultats de demain. Ce n'est
pas un hasard si les entreprises ayant adopté cette démarche sont mieux
cotées en bourse et obtiennent de meilleurs résultats. C'est simplement parce
que leur management a choisi de construire un développement durable à
long terme, d'ailleurs souvent associé à une conscience écologique très
développée.

Quel est l'enjeu du TQM aujourd'hui ? Depuis des siècles la notion de


travail bien fait existe, la motivation des personnes a fait l'objet d'études
innombrables, la nécessité de satisfaire les attentes du client n'est même
plus discutée. Et la notion de TQM elle-même est développée dans la
littérature depuis plus de vingt ans ! Paradoxalement, c'est pourtant
aujourd'hui que cette approche du management devient cruciale. Les
méthodes de travail traditionnelles sont remises en cause, l'organisation se
doit d'être transfonctionnelle, voire cellulaire, il faut réduire le nombre de
niveaux hiérarchiques, les réseaux et l'intranet se superposent aux
communications « top-down ». Dans ce contexte où l'on peut aisément
perdre ses repères, il est indispensable de fournir aux hommes et aux
femmes de l'entreprise un référentiel solide et rassurant. Le TQM remet en
perspective, de manière cohérente, les valeurs de l'entreprise, les pratiques
managériales, les stratégies et la vision. C'est une composante essentielle de
la culture d'entreprise. Une fois celle-ci clairement exprimée et diffusée, il
devient possible d'augmenter l'initiative, la capacité d'agir et l'autonomie
des individus. Le TQM développera votre organisation, son efficacité et son
efficience ; il développera aussi - et c'est loin d'être négligeable - les
qualités professionnelles et personnelles des hommes et des femmes de
l'entreprise.
Puisse chaque lecteur, ayant tourné la dernière page de ce remarquable
ouvrage, repartir la tête emplie de projets pour mettre en place dans son
organisation ce mariage d'une éthique et de méthodes que l'on nomme
TQM. C'est un moyen extraordinaire pour créer une dynamique d'entreprise
et atteindre l'excellence.

Georges Auguste,
vice president corporate, directeur du TQEM, ST Microelectronics
lauréat du Prix européen de la qualité (1997)
et du Malcolm Baldrige Award (1999)
Introduction
Le management
par la qualité totale

Définition du TQM

Le management par la qualité totale (TQM) est une forme de management


qui a été progressivement standardisée et adoptée, dès les années 70, par les
pays industrialisés tels que le Japon, les États-Unis et l'Europe, ainsi que par
certains pays du Sud-Est asiatique. En Europe, la promotion de ce modèle
de management est assurée par l'EFQM (Fondation européenne pour le
management par la qualité totale). Elle est assurée au Japon par la Juse
(Japanese Union of Scientifics & Engineers), une fondation rattachée à
l'agence japonaise de la science et de la technologie. Cette mission est
assurée aux Etats-Unis par le Nist (National Institute of Standards &
Technology), une administration américaine dépendant du Département du
C o m m e r c e , associée à l ' A S Q ( A m e r i c a n Society for Quality), une
association à but non lucratif. Ces institutions décernent un trophée, chaque
année, à une entreprise ayant démontré le plus haut niveau d'excellence
dans cette forme de management. Le management opérationnel ainsi que le
management stratégique sont deux disciplines tout aussi fondamentales. La
réussite à long terme de l'entreprise dépend de la cohérence et de la
pertinence avec laquelle sont conduites ces trois formes de management car
elles sont interdépendantes. Le management opérationnel est spécifique au
métier de l'entreprise. Il est différent selon que l'on est constructeur
d'automobiles ou éditeur. Le management stratégique se focalise sur
l'environnement concurrentiel dans lequel l'entreprise exerce son métier. Il
conduit à des choix stratégiques à chaque métier, à chaque secteur. Le TQM
ne se superpose pas à ces deux formes de management, il s'y intègre. Il
s'appuie sur l'organisation existante. En revanche, ces spécificités n'affectent
ni les principes, ni les méthodes du TQM qui sont les mêmes quelles que
soient les approches en matière de m a n a g e m e n t opérationnel et de
management stratégique. Avec le TQM, chacun dans l'entreprise, au niveau
de l'encadrement tout du moins, est censé porter une triple casquette. Il est à
la fois manager stratégique, manager opérationnel et manager par la qualité
totale.

Le TQM est dédié à la recherche de l'excellence dans le management de


l'efficacité et de l'efficience opérationnelles. Cette définition nous conduit à
préciser la signification de l'excellence, de l'efficacité et de l'efficience,
notions abordées en 1991 par James Harrington dans son livre : Business
Process Improvement :

• La recherche de l'excellence est synonyme de quête incessante de la


perfection. C'est une démarche sans fin qui tend à aller au-delà de la
conception traditionnelle de la démarche qualité. Un client fonde
essentiellement ses décisions d'achat sur la capacité de l'entreprise à lui
fournir des produits et des services du plus haut niveau d'excellence et
non sur sa capacité à respecter un système de standards. La recherche de
l'excellence se place dans une dynamique permanente de progrès.
S'assurer qu'une tâche est exécutée conformément à des standards de
performance est une condition nécessaire mais insuffisante. La recherche
de l'excellence conduit à évaluer et à améliorer constamment le résultat
attendu ainsi que l'approche pour y parvenir. Cette double nécessité nous
amène à définir l'efficacité et l'efficience opérationnelles.

• L'efficacité opérationnelle désigne la capacité d'une organisation, d'un


processus ou d'une entité opérationnelle à satisfaire, à chaque fois du
p r e m i e r coup, les e x i g e n c e s et les attentes des clients et, plus
généralement, des parties prenantes qu'elle a décidé de servir. La valeur
perçue et la qualité, selon la norme ISO 9000, sont deux synonymes de

1. H. James Harrington, Business Process Improvement, Mc Graw Hill, 1991.


l'efficacité. La notion de valeur perçue par le client a été abordée par
bien des auteurs et notamment par Bradley T. Gale en 1994, dans son
livre : Managing Customer Value. Les termes partie prenante et partie
intéressée, selon la norme ISO 9000, sont une généralisation de la notion
de client. Ils correspondent à une vision élargie de la mission de
l'entreprise qui consiste à fournir durablement, à chacune des parties
prenantes servies, la plus haute contribution en termes de valeur perçue.
Cette valeur prend des formes différentes selon que l'on est actionnaire,
client, salarié ou citoyen. L'efficacité opérationnelle est indépendante de
la pertinence ou de l'efficience des moyens mis en œuvre. Elle se mesure
sur des facteurs externes à l'entreprise.

• L'efficience opérationnelle désigne la capacité d'une organisation à


utiliser les ressources, les moyens et les approches les plus pertinentes et
optimales pour assurer ce résultat, à chaque fois du premier coup.
L'efficience opérationnelle est relative à la pertinence et à l'optimisation
des approches et des moyens mis en œuvre par l'organisation sur le plan de
la maîtrise des coûts, de la qualité, des temps de cycle et de l'adaptabilité,
en vue de garantir ce résultat de m a n i è r e pérenne. L ' e f f i c i e n c e
opérationnelle dépasse la notion de maîtrise des coûts. Elle donne
l'assurance que les moyens qui lui permettent d'être durablement efficace
aux yeux de ses parties prenantes sont totalement maîtrisés tant sur le plan
de leur pertinence que sur le plan de leur optimisation. L'efficience
opérationnelle se mesure sur des facteurs internes à l'entreprise.

Une entreprise très efficace, fournissant des produits dont la valeur perçue
est grande, peut être faiblement efficiente si ses taux de défauts internes, si
ses coûts d'obtention de la valeur perçue, si ses temps de cycle, si sa rigidité
sont très élevés. Ces déficiences pénalisent toutes les parties prenantes de
l'entreprise, à savoir :
- le client qui paie les produits au prix fort pour financer ces coûts inutiles,
- l'actionnaire pénalisé par la mauvaise rentabilité de l'entreprise,
- le salarié, qui voit son environnement de travail devenir plus contraignant,
- la société, globalement pénalisée par ces performances amoindries.

À l'inverse, une entreprise faiblement efficace peut être très efficiente. Dans
les années 80, bon nombre d'entreprises de haute technologie développaient

2. Bradley T. Gale, Managing Customer Value, The Free Press, 1994.


et c o m m e r c i a l i s a i e n t des produits techniquement très avancés sans se
soucier de ce q u ' e n p e n s a i e n t leurs clients. O n peut fabriquer avec u n e très
grande efficience des produits ou des services qui n'intéressent personne ou
dont la v a l e u r p e r ç u e p a r les clients est faible. L e s c o n s é q u e n c e s d ' u n e
faible efficacité s o n t les m ê m e s p o u r les parties p r e n a n t e s d e l ' e n t r e p r i s e .
Les services publics, en c u m u l a n t bien souvent ces d e u x types de déficience,
pénalisent doublement leur partie prenante majeure : les citoyens. Une
g r a n d e efficacité ne garantit pas u n e g r a n d e efficience et vice-versa. C e s
deux dimensions de la c r é a t i o n de valeur sont maîtrisées de manière

c o n j o i n t e et e x i g e n t u n d o u b l e s y s t è m e d e m e s u r e c o h é r e n t .

Outre sa mission traditionnelle relative à son métier, l'entreprise a donc une


seconde mission tout aussi essentielle qui consiste à rechercher l'excellence
e n m a t i è r e d ' e f f i c a c i t é et d ' e f f i c i e n c e o p é r a t i o n n e l l e s . S e l o n les critères d u
référentiel de l ' E F Q M , l'excellence du m a n a g e m e n t en termes d'efficacité
opérationnelle s'évalue du point de vue de quatre parties prenantes : les
clients, le p e r s o n n e l , la s o c i é t é , les a c t i o n n a i r e s . U n e m e s u r e d ' e f f i c a c i t é est
subjective. Elle correspond à un point de vue externe à l'organisation.
L ' e n t r e p r i s e est d ' a u t a n t p l u s e f f i c a c e q u e la p a r t i e p r e n a n t e s e r v i e est
s a t i s f a i t e d e la c o n t r i b u t i o n f o u r n i e . L ' e f f i c i e n c e est le c o r o l l a i r e d e

l'efficacité. Elle n ' a d ' e x i s t e n c e q u e par rapport à celle-ci. P o u r p o u v o i r être


e f f i c i e n t , il f a u t d ' a b o r d s a v o i r c o m m e n t ê t r e e f f i c a c e . E n T Q M , l ' e f f i c i e n c e
concerne l'optimisation des moyens, des approches managériales, des
processus, des capacités distinctives à maîtriser pour garantir cette efficacité
à long terme. S e l o n les critères du référentiel de l ' E F Q M , l'excellence du
m a n a g e m e n t e n t e r m e s d ' e f f i c i e n c e o p é r a t i o n n e l l e s ' é v a l u e s u r la b a s e de
c i n q c a p a c i t é s d i s t i n c t i v e s : le l e a d e r s h i p o u la c a p a c i t é d ' e n t r a î n e m e n t d e s
d i r i g e a n t s , le m a n a g e m e n t des ressources humaines, le m a n a g e m e n t d e la
stratégie et des politiques, le m a n a g e m e n t des partenariats ainsi que des
r e s s o u r c e s m a t é r i e l l e s et intellectuelles, le m a n a g e m e n t d e s p r o c e s s u s .

D a n s un environnement concurrentiel, l'efficacité d ' u n e entreprise, c o m m e


s o n e f f i c i e n c e , n ' a d e s e n s q u e si e l l e c o m p a r é e à c e l l e d e l a c o n c u r r e n c e .
L ' e n t r e p r i s e p a r t a g e a v e c ses c o n c u r r e n t s les m ê m e s clients. E u x seuls o n t la
c a p a c i t é d e d é t e r m i n e r la p l u s e f f i c a c e , à leurs y e u x . L e c o n c u r r e n t le p l u s
e f f i c a c e est p e r ç u p a r ses c l i e n t s c o m m e celui q u i l e u r f o u r n i t la p l u s h a u t e
v a l e u r a j o u t é e . L e c o n c u r r e n t le p l u s e f f i c i e n t est celui qui m a î t r i s e m i e u x
q u e s e s c o n c u r r e n t s les c a p a c i t é s d i s t i n c t i v e s lui p e r m e t t a n t d e g a r a n t i r cette
e f f i c a c i t é s u p é r i e u r e . U n e c a p a c i t é est dite d i s t i n c t i v e l o r s q u e la c o n t r i b u t i o n
q u ' e l l e p e r m e t d'offrir est p e r ç u e par la partie prenante servie :
- comme susceptible de satisfaire, de manière durable, ses attentes
m a j e u r e s , ses b e s o i n s les p l u s f o n d a m e n t a u x ,

- c o m m e s u s c e p t i b l e d e lui f o u r n i r u n e c o n t r i b u t i o n , u n e v a l e u r s u p é r i e u r e
à celle des autres concurrents.

En m a n a g e m e n t stratégique, une capacité distinctive d o n n e à l'entreprise qui


la p o s s è d e u n e m a î t r i s e d e s f a c t e u r s - c l é s d e s u c c è s , s p é c i f i q u e s à s o n s e c t e u r
d'activité, supérieure à celle de ses concurrents. C e s facteurs-clés de succès
sont les a t t e n t e s m a j e u r e s d e s clients.

Par principe, une capacité est distinctive lorsque les c o n c u r r e n t s ne la


p o s s è d e n t p a s o u q u e l ' e n t r e p r i s e est la s e u l e à s a v o i r e n tirer les m e i l l e u r s
résultats en termes d'efficacité relative. Une capacité distinctive a un
caractère d'exclusivité. On confond souvent position c o n c u r r e n t i e l l e et
avantage concurrentiel. La position concurrentielle de l'entreprise, telle
q u ' e l l e est p e r ç u e p a r le client, se m e s u r e p a r s o n e f f i c a c i t é relative. E l l e se
mesure par la v a l e u r relative de sa contribution, comparée à celle des
concurrents, aux yeux des parties prenantes servies. S o n efficience relative
se m e s u r e par les niveaux de performance relatifs de ses capacités
d i s t i n c t i v e s , c o m p a r a t i v e m e n t à c e l l e s d e s c o n c u r r e n t s ( F i g u r e 1).

Une position concurrentielle est un résultat ponctuel qui ne permet pas


d'affirmer qu'une organisation possède un avantage concurrentiel durable.
L e fait d e p o s s é d e r d e s c a p a c i t é s distinctives s u p é r i e u r e s p e r m e t d e g a r a n t i r
cette position à long terme. Acquérir un avantage concurrentiel consiste à
être d u r a b l e m e n t plus efficace et plus efficient q u e ses c o n c u r r e n t s a u x y e u x
des parties p r e n a n t e s q u e l ' o n a d é c i d é de servir.

L e lien e n t r e T Q M et m a n a g e m e n t s t r a t é g i q u e

Le management s t r a t é g i q u e se p r é o c c u p e d e la p é r e n n i t é de l ' e n t r e p r i s e .
P o u r c e f a i r e , il s ' o r g a n i s e pour acquérir toutes les f o r m e s de c a p a c i t é s
distinctives permettant à l'entreprise d'atteindre un avantage concurrentiel
e x c l u s i f et d u r a b l e s u r ses m a r c h é s . D ' u n p o i n t d e v u e s t r a t é g i q u e , la v a l e u r
d ' u n avantage concurrentiel dépend des capacités distinctives sur lesquelles
il s ' a p p u i e , d e la taille d u m a r c h é et d e la p r o f i t a b i l i t é d e l ' i n d u s t r i e d a n s
laquelle opère l'entreprise. U n e stratégie représente une forme d'équilibre
entre l ' e n s e m b l e des c a p a c i t é s distinctives d é v e l o p p é e s par l'entreprise et
l'ensemble des parties prenantes de son système é c o n o m i q u e avec lesquelles
La recherche de l'excellence en management par la qualité totale consiste à
faire que l'entreprise soit durablement plus efficace et plus efficiente que ses
concurrents, aux yeux de ses parties prenantes servies, afin d'acquérir un
avantage concurrentiel.

Figure 1

elle a choisi de mettre en place un système de relations à long terme. John


Kay, dans son livre : Foundation of corporate success. How business
strategies add v a l u e , considère qu'il existe quatre classes majeures de
capacités distinctives sur lesquelles les entreprises bâtissent généralement
leur avantage concurrentiel (Figure 2).

♦ Capital stratégique

Un avantage concurrentiel peut être bâti sur autre chose qu'une capacité
distinctive. Il peut résulter de décisions réglementaires ou législatives.

3. John Kay, Foundation of corporate success. How business strategies add value, Oxford University
Press, 1993.
Le management stratégique a pour mission de développer avec cohérence
l'ensemble des capacités distinctives de l'entreprise susceptibles de lui
procurer un avantage concurrentiel exclusif et durable. Le TQM se focalise
essentiellement sur l'excellence de l'efficacité et de l'efficience opérationnelles
de l'architecture de l'organisation.

Figure 2

France Telecom et Électricité de France ont longtemps bénéficié d ' u n


monopole d'État. Une situation de monopole peut provenir d'une barrière à
l'entrée trop élevée pour qu'un second concurrent puisse prendre le risque
d'investir sur le même marché. Ce ticket d'entrée est, par exemple, trop
élevé pour un éventuel concurrent direct d'Eurotunnel. Un brevet, une
licence d'exploitation exclusive, sont le moyen d'acquérir un monopole
provisoire pendant leur durée de validité. Xerox bénéficia longtemps d'une
exclusivité sur son marché grâce aux brevets sur la xérographie. L'évolution
de plus en plus rapide des environnements économiques tend à limiter dans
le temps la pérennité d'un capital stratégique. Un tel capital a cependant de
la valeur car il n'existe de meilleur avantage concurrentiel que celui qui
dérive d'une absence de concurrents.

♦ Innovation technologique

Beaucoup de grands groupes industriels doivent leur existence à des séries


d'innovations technologiques qui leur ont permis, dès leur création,
d'acquérir un avantage concurrentiel. Intel fut créée en 1968 pour exploiter
la technologie des circuits intégrés. Elle se spécialisa dans la fabrication de
mémoires DRAM à semi-conducteurs et réussit à s'imposer comme le
premier fabricant mondial de son domaine. Face à la puissante concurrence
japonaise qui s'installa progressivement à la fin des années 70 et au début
des années 80 sur son activité principale, Intel décida en 1986 d'abandonner
son premier cœur de métier pour l'orienter exclusivement sur celui des
microprocesseurs. Elle redevint le leader mondial de ce secteur dès 1992.
Intel présente encore aujourd'hui le taux de croissance le plus élevé de son
industrie comme le montrent les données de la figure 1.2 (page 33). Plus que
sa capacité à exploiter ses technologies ainsi que ses standards propres, la
véritable capacité distinctive d'Intel est d'avoir su s'imposer un rythme de
développement technologique, fondé sur la loi de Moore, son fondateur, qui
impose le doublement des performances des produits tous les 18 mois, à prix
de vente constant. Elle se contraint à superposer ses programmes de
développement et à travailler sur plusieurs générations de technologies à la
fois. Ce rythme de développement est alimenté par des investissements
permanents en recherche et développement représentant des montants
annuels de près de 10% de son chiffre d ' a f f a i r e s et de 50% de ses
investissements en production. Le cœur de l'innovation technologique
c o n c e r n e la c a p a c i t é de l ' e n t r e p r i s e à d é v e l o p p e r et à r e n o u v e l e r
c o n s t a m m e n t , et plus r a p i d e m e n t que ses concurrents, ses propres
technologies susceptibles d'apporter une valeur ajoutée supérieure à ses
clients.

♦ Architecture de l'organisation

Une entreprise industrielle, telle qu'Intel, ayant assuré son développement


initial par une première capacité distinctive fondée sur l'innovation
technologique, est rapidement confrontée à un certain nombre d'enjeux sur
le plan organisationnel. Ils concernent sa taille, sa nature, sa durabilité, son
exclusivité et, en final, le niveau de performance global de son efficacité et
de son efficience opérationnelles. La notion de taille est liée à l'extension de
l'organisation à l'ensemble des marchés mondiaux. Le groupe Renault
souffrait depuis de nombreuses années de l'étroitesse de son marché limité à
l'Europe. La prise de contrôle du groupe Nissan en 1999, le 3e constructeur
d'automobiles japonais, lui a offert l'opportunité d'étendre son organisation
aux marchés du Sud-Est asiatique et au marché américain grâce aux
implantations de Nissan. Sa capacité à commercialiser ses produits sur
l ' e n s e m b l e des marchés stratégiques m o n d i a u x s ' e s t r a d i c a l e m e n t
t r a n s f o r m é e . Le s e c o n d e n j e u c o n c e r n e la n a t u r e m ê m e de cette
architecture. Les technologies de l'information transforment la nature et les
performances des relations associant l'entreprise aux parties prenantes de
son système économique. L'Internet permet d'établir un nouveau système
de relations associant les clients finaux à l'ensemble des parties prenantes
d'une chaîne de création de valeur. Intel et Microsoft ont su créer une
nouvelle architecture organisationnelle de leur industrie en prenant le
leadership d'un réseau de multiples intervenants, fournisseurs, partenaires,
clients et concurrents, disposant de capacités distinctives complémentaires
et agissant de concert pour apporter une valeur ajoutée supérieure à leurs
clients finaux communs. Le troisième enjeu concerne la durabilité et
l'exclusivité de ces systèmes de relations. Les liens contractuels à long
terme, les partenariats stratégiques, les plans de carrière à long terme pour
les salariés contribuent à la durabilité et à l'exclusivité de cet avantage
concurrentiel. Le quatrième enjeu concerne le management de l'efficacité
et l'efficience opérationnelles de cette architecture. La contribution du
TQM se situe e s s e n t i e l l e m e n t à ce niveau. L ' i n d u s t r i e j a p o n a i s e a
indéniablement su acquérir des capacités distinctives supérieures en TQM
au cours des années soixante-dix et quatre-vingt et profiter de cet avantage
concurrentiel pour soutenir son exceptionnel développement. Tout comme
pour l'innovation technologique, la véritable capacité distinctive de
l'entreprise sur le plan de son architecture consiste à innover et à se
renouveler sans cesse pour accroître constamment son efficacité et son
efficience, plus rapidement que ses concurrents. Les technologies Internet
vont transformer de manière radicale et accélérer le développement de
cette forme de capacité distinctive.

♦ Réputation, image de m a r q u e

Réputation et notoriété expriment les dimensions qualitative et quantitative


d ' u n même concept. Une réputation est attachée à un nom. C ' e s t le
fondement de la marque. La réputation est le mécanisme commercial le plus
important dont dispose l'entreprise pour faire prendre conscience à ses
clients finaux de la valeur de ses produits. Les clients directs d'Intel sont les
fabricants de micro-ordinateurs (PC) du monde entier. Jusqu'en 1992,
l'entreprise n'avait éprouvé aucun besoin de mettre en place un système de
relations avec ses utilisateurs finaux. Pour lutter contre la montée de certains
de ses concurrents fournissant des microprocesseurs compatibles, Intel
décida de réaliser de grandes campagnes de communication mondiale pour
inciter les fabricants de PC équipés de ses puces à livrer leurs machines avec
le logo « Intel Inside ». La notoriété de la marque rivalisa avec celle de
Coca-Cola ou de Nike dès 1994. Elle permit aux utilisateurs finaux de
choisir leur PC en fonction de l'origine de la puce interne. La même année,
Intel mit sur le marché le nouveau microprocesseur Pentium dont les
premières séries furent affectées d'une imperfection bénigne causée par le
mode de calcul de l'arrondi dans l'instruction de division. Internet, la presse
et la télévision, contribuèrent à transformer cet inconvénient, anodin du
point de vue du constructeur, en une grave malfaçon du point de vue des
utilisateurs du monde entier. Pour sauvegarder sa réputation, l'entreprise
décida de leur fournir sur demande, gratuitement et sans frais, la version
corrigée de son microprocesseur. Elle changea rapidement ses programmes
de production, mit en place une cellule de crise et une organisation
logistique spécifique pour gérer les appels téléphoniques et échanger en
direct plusieurs centaines de milliers de puces considérées, à tort de son
point de vue, comme défectueuses. Cette opération lui coûta près de
1,5 milliard de francs. Ce fut le montant qu'elle accepta de payer pour
sauvegarder sa réputation auprès du grand public. Une réputation a de la
valeur lorsque les consommateurs finaux peuvent difficilement apprécier
directement et aisément la qualité ou la valeur réelle d'un produit. C'est la
réputation de la firme qui la garantit. Une grande réputation contribue à
faciliter les décisions d'achat, à fidéliser les clients déjà servis et à réduire
les coûts de recrutement des nouveaux.

Les meilleures entreprises mondiales se limitent rarement à une seule


capacité distinctive. Intel et Sony en maîtrisent trois : innovation technolo-
gique, architecture de l'organisation et réputation. Sony fonda sa réussite
sur l'innovation technologique. Elle renforça cette capacité par une
organisation mondiale hautement performante bénéficiant de l'avancée
japonaise en TQM et par une très grande réputation auprès des consommateurs
du monde entier.

Le Walkman de Sony a constitué en son temps une grande innovation auprès


du grand public, ce qui ne l'a pas empêché d'être imité par tous. L'avantage
concurrentiel procuré par l'architecture de son organisation et par sa
réputation lui a permis de rester le leader de ce segment de marché. Par
rapport à Sony, Intel bénéficie d'un capital stratégique supplémentaire
provenant de son quasi-monopole des technologies et standards régissant la
compatibilité des microprocesseurs avec la majorité des logiciels de son
industrie. Bien que la véritable contribution de Microsoft aux progrès
technologiques soit difficile à évaluer, son avantage concurrentiel provient
essentiellement de trois facteurs. Le premier concerne son organisation. Le
deuxième est lié au capital stratégique représenté par Windows. Ce système
d'exploitation pour micro-ordinateurs lui permet de s'approprier de manière
exclusive les standards permettant de rendre les logiciels d'application de
son industrie compatibles entre eux. La troisième concerne sa réputation,
mise à l'épreuve, il est vrai, par la campagne antitrust entamée par le
gouvernement américain pour lutter contre cette exclusivité désormais
considérée par le grand public comme abusive.

Lien entre TQM et management opérationnel


Le management opérationnel est intimement lié au métier de l'entreprise, à
l'exécution au quotidien de l'ensemble des opérations contribuant à créer de
la valeur ajoutée. Le management stratégique se place en amont de cette
discipline puisqu'il a pour mission de répondre aux questions fondamentales
concernant son développement à long terme.
- Quel métier doit-on privilégier ou abandonner pour assurer notre
développement à long terme ?
- Quels clients, quels marchés doit-on décider de servir en priorité ?
- Avec quelles parties prenantes de notre système économique doit-on
instaurer des relations à long terme ?
- Sur l'acquisition de quelles capacités distinctives doit-on concentrer nos
énergies en priorité ?

Quels que soient les choix stratégiques et la structure opérationnelle qu'elle


a décidé d'adopter pour exercer son métier, l'entreprise est systémati-
quement confrontée à la nécessité de maîtriser globalement l'efficacité et
l'efficience de ses opérations. Le management opérationnel et le manage-
ment par la qualité totale sont deux disciplines complémentaires, toutes deux
directement liées aux activités opérationnelles. Le management opérationnel
diffère selon que l'on est une banque, un fabricant de circuits intégrés ou
une chaîne de télévision. Dans ce contexte, indépendamment des modes de
création de valeur adoptés, le TQM se concentre systémati-quement sur le
développement de son efficacité et de son efficience opérationnelles.

Ces deux modèles distincts de management visent, tous deux, à accroître


les performances opérationnelles de l'entreprise. Ils atteignent leur plus
grande efficacité lorsqu'ils sont intégrés et pratiqués au quotidien dans
l'entreprise par tous ses collaborateurs, ses dirigeants, ses managers et
ses opérateurs (Figure 3).

Le management par la qualité totale (TQM) et le management opérationnel


traditionnel sont deux modèles de management appelés à s'intégrer dans un
modèle de compréhension élargi du management opérationnel.

Figure 3

Ce livre, en se focalisant exclusivement sur le management par la qualité


totale, p o u r r a i t a c c r é d i t e r l ' i d é e que le TQM est i n d é p e n d a n t du
management opérationnel, voire même qu'il serait destiné à le remettre en
cause. Son but, au contraire, en exposant les principes, les structures
organisationnelles et les systèmes de management sur lesquels il se fonde,
est de présenter l'approche globale dans laquelle ces deux visions du
management des activités opérationnelles peuvent s'intégrer concrètement
dans les faits. Avec le TQM, les collaborateurs de l'entreprise se donnent
une double mission. La première est celle qui leur est impartie dans le cadre
du management opérationnel traditionnel. La seconde consiste à améliorer
constamment l'efficacité et l'efficience de leurs opérations pour tendre vers
l'excellence. Le management stratégique, lui-même, n'est pas un modèle de
management isolé. Il ne peut être approprié de manière exclusive par un seul
niveau de management. Andy Grove, le président d'Intel, explique dans son
livre : Only the paranoïd survive, qu'avant la crise majeure des années 80,
qui le conduisit à réorienter le cœur du métier de l'entreprise vers la fabri-
cation de microprocesseurs, le système de planification stratégique de son
groupe était essentiellement fondé sur les plans stratégiques locaux proposés
par ses directeurs d'unités. Cela fonctionna de manière satisfaisante tant
qu'aucun concurrent ne remit en cause la position concurrentielle de son
groupe en tant que fabricant de circuits intégrés. Le mouvement stratégique
qu'il fut contraint de prendre lui permit de comprendre que cette démarche
devait être collective et partagée par la direction générale aussi bien que par
l'encadrement intermédiaire.

Les p r e m i e r s ont une plus g r a n d e c a p a c i t é à é v a l u e r le c o n t e x t e


concurrentiel de l'entreprise dans une perspective large alors que les
seconds ont des connaissances plus approfondies dans des domaines plus
spécialisés. Ces derniers ont également l'avantage d'être plus près de la
réalité des faits. Le système de déploiement des politiques, en tant que
système de planification, est considéré à juste titre comme l'épine dorsale du
TQM. Il a pour vocation d'impliquer, par une approche intégrée, une grande
partie des collaborateurs de l'entreprise dans les tâches et les processus de
planification alloués séparément à ces trois formes de management. Cette
intégration s'opère souvent après avoir acquis une bonne maîtrise du TQM.
Le TQM procède d ' u n e démarche unificatrice qui vise à impliquer
l ' e n s e m b l e des c o l l a b o r a t e u r s de l ' e n t r e p r i s e dans la r e c h e r c h e de
l'excellence en management.

L ' u t i l i t é d u T Q M p o u r les s e r v i c e s p u b l i c s

Les services publics sont aujourd'hui, en Europe, moins avancés que les
entreprises du secteur concurrentiel dans l'adoption du TQM. Seules
quelques organisations publiques européennes ont fait l'effort de soumettre
leur candidature au Prix européen de la qualité. Leur niveau d'excellence sur
le plan de l'efficacité et de l'efficience opérationnelles est encore très loin de
celui des entreprises considérées comme les plus avancées au monde en
TQM. Cependant, quelques réalisations exceptionnelles démontrent qu'un
service public peut également atteindre un tel niveau. Le management par la

4. Andrews S. Grove. Only the paranoid survive. Currency Doubleday. 1996.


q u a l i t é t o t a l e p e r m e t d ' i n s t a u r e r u n e v é r i t a b l e r é v o l u t i o n d a n s le m a n a g e -
m e n t d ' u n service public. Celui-ci, tout c o m m e une entreprise privée, a pour
mission d e c r é e r d e la v a l e u r p o u r ses usagers en v u e de les satisfaire
t o t a l e m e n t . L e s s e r v i c e s p u b l i c s o n t d e u x facilités. Ils n ' o n t ni c o n c u r r e n t s ni
actionnaires actifs. Si l ' o n se réfère a u x c o n c e p t s d u m a n a g e m e n t straté-
gique que l'on vient d'exposer, un service public bénéficie d'un capital
s t r a t é g i q u e d ' o r i g i n e r é g l e m e n t a i r e lui d o n n a n t le m o n o p o l e d e s o n activité.
D e p l u s , il e s t d é l i é d e t o u t e c o n t r a i n t e d e c r é a t i o n d e v a l e u r p o u r l ' a c t i o n -
naire. Ces facilités exceptionnelles ont l'inconvénient de contribuer à
instaurer un laisser-faire naturel débouchant sur de profondes carences en
management. L'absence de stimulations extérieures qui pourraient provenir
de la c o n c u r r e n c e , des a c t i o n n a i r e s o u d e s u s a g e r s d o n t le p o u v o i r de
n é g o c i a t i o n est t o t a l e m e n t inhibé p a r la situation de m o n o p o l e qui leur est
imposée, conduit naturellement ces organisations à s'installer durablement
dans une efficacité et u n e efficience o p é r a t i o n n e l l e s médiocres. L'État
f r a n ç a i s , e n p r i v i l é g i a n t le s e r v i c e p u b l i c s o u s sa f o r m e actuelle, p r i v i l é g i e
é g a l e m e n t ces f o r m e s de carences au sein de son organisation. C e n'est pas
u n h a s a r d si l a F r a n c e f a i t p a r t i e d e s p a y s les p l u s i m p o s é s a u m o n d e .

Elle s'oblige à financer une structure publique dotée d'une très faible
p r o d u c t i v i t é s u r le p l a n d e s services r e n d u s à la société. E n tolérant les
énormes gaspillages entraînés par ces carences, elle se c o n t r a i n t à d e s
p r é l è v e m e n t s fiscaux croissants pour maintenir ses équilibres budgétaires.
Cette appropriation excessive des richesses produites p a r les acteurs
é c o n o m i q u e s limite leurs propres capacités à créer de la valeur ajoutée. Tout
s e p a s s e c o m m e si l ' e n t r e p r i s e F r a n c e c r o u l a i t s o u s s e s c o û t s d e n o n - q u a l i t é
et les r é p e r c u t a i t d a n s le p r i x d e ses s e r v i c e s . L a c a u s e p r o f o n d e d u c h ô m a g e
e n F r a n c e se t r o u v e d a n s c e s c a r e n c e s , s o u r c e s d ' é n o r m e s g a s p i l l a g e s s u r le
plan collectif. Les services publics ont l'ultime obligation d e s e r v i r la
société en contribuant à créer un système économique dans lequel chaque
c i t o y e n t r o u v e les c o n d i t i o n s les p l u s f a v o r a b l e s à s o n d é v e l o p p e m e n t . C e t t e
mission demande autant d'intelligence, autant de capacités en matière de
m a n a g e m e n t q u e celles a c q u i s e s p a r les meilleures entreprises m o n d i a l e s .
C e n ' e s t p a s u n h a s a r d si l e s h o m m e s p o l i t i q u e s s ' i n q u i è t e n t d e la m o n t é e e n
puissance des décideurs économiques. L a puissance é c o n o m i q u e de grands
g r o u p e s privés m o n d i a u x rivalise a u j o u r d ' h u i avec celle de certains États.
Rien n'indique pour l'instant que cette montée en puissance puisse
s'interrompre. Les hommes p o l i t i q u e s o n t la r e s p o n s a b i l i t é d u d é v e l o p -
p e m e n t à l o n g t e r m e de leur p a y s et du b o n f o n c t i o n n e m e n t , sur le p l a n
opérationnel, des services publics. L'absence de concurrence apparente entre
n a t i o n s , d o n t ils o n t b é n é f i c i é j u s q u ' à p r é s e n t , r i s q u e d e n e p l u s ê t r e d u r a b l e .
L a F r a n c e s ' o u v r e à la c o m p é t i t i o n m o n d i a l e . L ' e n s e m b l e d e s c o l l a b o r a t e u r s
faisant partie des services publics, à tous les niveaux, ne pourront
d u r a b l e m e n t é v i t e r d e p r a t i q u e r e u x - m ê m e s , a v e c e x c e l l e n c e , les f o r m e s d e
management abordées dans ce livre. Les industries occidentales,
essentiellement américaines, ouvertes à la c o n c u r r e n c e m o n d i a l e , souffrirent

d r a m a t i q u e m e n t de ces c a r e n c e s au cours des d é c e n n i e s 7 0 et 80, face a u x


avancées de l'industrie japonaise. Il e s t i n t é r e s s a n t d e c o n s t a t e r q u e la
g r a n d e majorité des entreprises occidentales qui ont su a c q u é r i r u n très h a u t
n i v e a u d ' e x c e l l e n c e e n T Q M , l ' o n t fait s o u s la c o n t r a i n t e d e la c o n c u r r e n c e .
L e cas S T Microelectronics a b o r d é tout au long de ce livre e n est un bel
exemple. Dans le c o n t e x t e d e la c o n c u r r e n c e mondiale, cette forme de
management devient, aujourd'hui, une condition de survie. Les salariés
a y a n t la c h a n c e d e v i v r e d a n s d e s e n v i r o n n e m e n t s o ù l ' e x c e l l e n c e e n T Q M
est p r a t i q u é e a u q u o t i d i e n le c o n s i d è r e n t , a u j o u r d ' h u i , c o m m e u n a v a n t a g e
acquis. L a c o n c u r r e n c e est salutaire p o u r toutes les f o r m e s d ' o r g a n i s a t i o n s ,
qu'elles soient publiques ou privées, car elle offre aux parties prenantes un
c o n s i d é r a b l e a v a n t a g e : la liberté de choisir les organisations susceptibles de
l e u r o f f r i r la p l u s g r a n d e c o n t r i b u t i o n . L a c o n c u r r e n c e e s t le m e i l l e u r m o y e n
q u e l ' h o m m e ait d é c o u v e r t p o u r tirer le m e i l l e u r d e l u i - m ê m e .
Première partie

Les six principes fondamentaux


du TQM
La raison d'être des grands principes du TQM
Lorsque l'on interroge les dirigeants d'entreprise sur les organisations qu'ils
admirent le plus sur le plan du management, leurs réponses aboutissent
invariablement aux grands thèmes suivants :
- Elles disposent d'un puissant leadership, de dirigeants engagés. Elles
savent définir une direction de manière claire et sans équivoque.
- Ce sont des entreprises apprenantes. Elles innovent et s'améliorent sans
cesse.
- Elles mesurent et évaluent systématiquement leurs performances et
présentent d'excellents résultats.
- Elles ont des salariés hautement compétents, très impliqués et très motivés,
fiers de leur réussite et de leur appartenance à l'entreprise, sachant travailler
ensemble dans le même sens, à tous les niveaux.
- Elles ont des clients très satisfaits et loyaux ainsi que des parts de marché
supérieures et en constante croissance.
À l'occasion d'interviews des équipes dirigeantes de ST Microelectronics et de
Sollac, deux entreprises d'un très haut niveau d'excellence en TQM, pour
connaître leurs points de vue sur les principaux facteurs de réussite du TQM,
celles-ci proposèrent collectivement les mêmes démarches, à savoir :
- adopter une approche intégrée, cohérente et globale,
- obtenir l'engagement total des dirigeants,
- instaurer un processus continu d'améliorations et d'apprentissages,
- manager par les faits,
- impliquer tout le personnel,
- orienter l'entreprise vers ses clients.
Ces principes fondamentaux d'action se retrouvent implicitement dans les référentiels
des prix de la qualité japonais, américain et européen. Ils représentent un savoir
implicite réel en matière de management. Leur déploiement systématique dans les
pratiques managériales au quotidien est d'une importance capitale. Ils correspondent
en fait, en phase de démarrage, aux politiques majeures autour desquelles
s'articulent l'ensemble des politiques de mise en œuvre du TQM. Leur déploiement
effectif dans les opérations peut être évalué grâce à un référentiel spécifique,
construit à l'image du référentiel de l'EFQM. Dans les démarches les mieux
structurées, cette évaluation est effectuée lors de l'audit du président, dans le cadre
du système de déploiement de politiques.
1

Adopter une approche intégrée

1.1 P o u r q u o i les i n i t i a t i v e s p a r t i e l l e s sont-elles


p e u efficaces ?
Les entreprises sachant adopter de prime abord une approche intégrée en
TQM sont encore peu nombreuses. La plupart choisissent une approche
partielle afin de garder une meilleure maîtrise du projet et de limiter les
risques d'échec. Les points d'entrée les plus fréquents dans le TQM sont :

♦ Les outils de la qualité


L'adoption de certaines méthodologies et de certains systèmes du TQM se
justifie par la volonté d'améliorer la productivité ainsi que les produits et les
services de l'entreprise, indépendamment de toute autre vision plus globale
visant à transformer l'organisation.

♦ Le système d'auto-évaluation de l'EFQM ou


de l'ISO 9004 (2000)
Cette approche globale d'évaluation du niveau d'excellence d'une
organisation du point de vue du TQM a bénéficié d'un effort de promotion
constant au cours des années 90 de la part des associations professionnelles
nationales, telles que l'IQM et le MFQ en France, associées aux institutions
telles que l'EFQM en Europe, la Juse au Japon et le Nist aux USA. Ce
système d'auto-évaluation fait aujourd'hui l'objet de la norme ISO 9004
version 2000. Ce référentiel constitue la phase « Check » du processus de
progrès qu'il permet d'instaurer dans l'entreprise. Il est l'un des éléments
indispensables d'une démarche TQM intégrée. Employé seul, il aboutit
généralement à des améliorations continues de faible envergure.

♦ La certification ISO 9000


Grâce également aux efforts de promotion des associations de
normalisation, dont l'Afnor en France, cette approche, a été adoptée par bon
nombre d'entreprises. Les normes ISO 9000 visaient traditionnellement à
instaurer un système d'assurance de la qualité. Les normes ISO 9000
version 2000 ont l'avantage d'éliminer les blocages et les freins qui
s'opposaient à l'adoption du TQM par les entreprises déjà certifiées et
désireuses d'instaurer une nouvelle politique de progrès. Elles constituent
une véritable passerelle vers le TQM. La norme ISO 9001 version 2000
permet d'intégrer dans l'entreprise une démarche d'améliorations continues.
Cette norme fait l'objet d'une certification par tierce partie. La norme
ISO 9004 version 2000 recommande un système d'auto-évaluation du
niveau d'excellence de l'entreprise sur la base d'un référentiel cohérent par
rapport à celui de l'EFQM. Cette recommandation est à usage interne. Elle
ne fait pas l'objet d'une certification par tierce partie.

Toutes ces approches sont des éléments incontournables du TQM. Utilisées


isolément, elles engendrent toutes un processus d'améliorations continues.
Auto-évaluer le niveau d'excellence de l'entreprise sur la base du référentiel
de l'EFQM est une étape nécessaire mais insuffisante pour instaurer une
approche globale et intégrée de ce modèle de management. Par ailleurs, pour
que les initiatives d'améliorations continues puissent avoir un impact visible
sur les performances de l'entreprise, elles doivent s'aligner sur les politiques
majeures décidées au niveau le plus élevé et faire l'objet d'un déploiement
cohérent dans l'organisation. La mise en cohérence de l'ensemble des
initiatives d'améliorations continues, dans le cadre d'une démarche de
management transversal, est naturellement prise en charge par le système de
déploiement de politiques. La véritable vocation de ce système est
d'instaurer un flux permanent de transformations radicales dans l'entreprise,
tout en assurant la cohérence de l'ensemble des initiatives d'améliorations
continues.
Les causes le plus souvent citées pour expliquer les résistances ou les
difficultés de mise en œuvre du TQM sont multiples. La liste suivante est
non exhaustive.
- Considérer le TQM comme une approche purement technique consistant
à adopter une nouvelle méthode, un nouveau système de management
sans reconsidérer le modèle déjà en place.
- Déléguer le TQM à une fonction spécialisée dont la mission majeure ne
concerne pas directement cette approche (direction de la communication,
des ressources humaines, de la formation, certification ISO 9000, etc.).
- Confondre une approche partielle avec une approche intégrée.
- Négliger les obstacles culturels et la nécessité de transformer la culture
de l'entreprise.
- Refuser de changer les attitudes et les comportements, à commencer par
ceux des dirigeants eux-mêmes.
- Refuser de recourir à une structure de pilotage et à un système de
planification spécifiques devant impliquer l'ensemble de la structure
d'encadrement.
- Négliger de définir une politique globale de mise en œuvre intégrée du
TQM. Manquer de vision et de plan de développement à moyen et long
terme en matière de TQM.
- Manquer d'engagement, d'implication, de persévérance à long terme.
- Manquer de volonté pour dégager les moyens financiers et humains
nécessaires, moyens au demeurant limités.
- Prendre insuffisamment en compte l'ampleur des formations à mettre en
œuvre et vouloir déléguer celles-ci à des organismes spécialisés.
- Considérer l'ancien modèle de management comme immuable, car ayant
déjà fait ses preuves et considérer, a priori, le TQM comme un nouvel
avatar du management.
- Considérer le TQM comme un modèle de management censé rejeter et
remplacer le modèle déjà en place.
- Considérer le TQM comme une remise en cause personnelle de ses
propres capacités de dirigeant.
- Donner la priorité aux nécessités du management opérationnel à court
terme (priorité aux parts de marché, aux volumes de production face à
une politique d'amélioration à long terme des capacités distinctives).
- Négliger d'étudier un exemple d'intégration réussi de ce modèle de
management dans une des meilleures entreprises mondiales en TQM.

Chacune de ces causes suffit le plus souvent à faire échouer toute velléité de
mise en œuvre du TQM dans une approche intégrée. En les analysant de
manière globale, on constate en fait qu'elles sont les symptômes d'une cause
majeure plus profonde provenant d'une vision incomplète, d'une
compréhension limitée du TQM. Le changement de paradigme que représente
ce modèle de management est peut-être le plus grand obstacle à sa diffusion.
Au cours des années 80, de nombreuses entreprises américaines faillirent
disparaître face à la concurrence japonaise déjà très avancée en TQM. Intel fut
contraint d'abandonner le marché des mémoires DRAM à semi-conducteurs et
de s'orienter vers la technologie des microprocesseurs. Corning Glass perdit
définitivement le monopole de la production des tubes de télévision noir et
blanc face à son concurrent Asashi avec lequel elle commit l'erreur de signer
un contrat de transfert de technologies une décennie plus tôt. Xerox faillit
disparaître face à Canon, un nouvel entrant dans les photocopieurs. Motorola
essuya les mêmes échecs en téléphonie mobile. À cette époque, les nouvelles
capacités distinctives acquises par les entreprises japonaises étaient
difficilement perceptibles au travers de la grille imposée par le système de
pensée du management traditionnel. C'est en visitant les usines de Fuji Xerox
au Japon, une entreprise dont Xerox avait fait l'acquisition à une époque plus
faste, que ses dirigeants prirent graduellement conscience de l'avantage
concurrentiel procuré par le TQM dans une approche intégrée. Cette dimension
du TQM est difficilement perceptible de l'extérieur. C'est ce qui explique la
tardive prise de consciences des industries occidentales. Ce modèle de
management fut officiellement reconnu par les États-Unis en 1987 et par
l'Europe en 1991. Il fut progressivement adopté par les plus grandes
entreprises occidentales qui recouvrèrent ainsi, face à l'industrie japonaise, leur
compétitivité temporairement perdue.

Adopter le TQM revient à prendre conscience que l'entreprise a non plus


une seule mais deux missions essentielles demandant le même engagement
de la part de ses dirigeants.
- Atteindre les objectifs à court, moyen et long terme du management
opérationnel. Celui-ci a pour rôle traditionnel d'acheter, de développer,
de produire, de vendre et de distribuer des produits et des services en
obtenant les résultats financiers prévus. Bien que cette première mission
requière l'acquisition de capacités distinctives spécifiques au métier de
l'entreprise, elle est plutôt orientée vers l'obtention de résultats à court
terme.
- Améliorer sans cesse les capacités distinctives de l'entreprise en termes
d'efficacité et d'efficience opérationnelles en vue d'atteindre des standards
de performance des meilleures entreprises internationales. Cette deuxième
mission est du domaine des moyens, des capacités distinctives à acquérir
pour garantir les résultats à long terme du management opérationnel. Ces
deux systèmes de management ne sont pas rivaux mais complémentaires.
Ils définissent à eux deux un modèle de management intégré, certes plus
complexe, mais conduisant à des performances supérieures.

ST Microelectronics, le premier fabricant européen de circuits intégrés, lauréat


1997 du Prix européen de la qualité et lauréat 1999 du Malcolm Baldrige
Award, vécut également les mêmes difficultés que ses concurrents américains
au cours des années 80. Ce groupe naquit en 1987 de la fusion de SGS (Italie)
et de Thomson (France), deux fabricants européens de circuits intégrés. Leurs
situations financières étaient dramatiques. Pour survivre, ils décidèrent de
fusionner afin d'atteindre la taille critique de leur industrie. La nouvelle entité
prit le nom de SGS-Thomson, puis de ST Microelectronics. Cette opération
représentait une réponse classique en matière de management face à une telle
crise. Dans la phase qui suivit cette fusion, le président et son comité exécutif
concentrèrent l'essentiel de leurs énergies à développer les capacités
distinctives spécifiques à leur métier, ses technologies produits, de production
et de traitement de l'information ainsi que ses capacités financières et
commerciales. Ce n'est qu'en décembre 1991, cinq ans après la création du
groupe, que le président prit la décision de se lancer dans une approche
intégrée en TQM. Comme le montre la figure 1.1, de nombreuses initiatives
partielles furent mises en œuvre pendant ces cinq premières années, sans
engagement visible du président, sans politique cohérente à long terme, sans
structure de pilotage, sans système de planification permettant de
coordonner une approche intégrée en TQM.
Le président n'avait visiblement qu'une vision très limitée de ce modèle. Il
fallut un long travail de sensibilisation de la part de quelques collaborateurs
directs déjà très au fait du TQM, une forte pression de la part de ses
concurrents et de quelques-uns de ses plus gros clients ayant déjà adopté ce
Le lancement de l'approche intégrée en TQM fut décidée par ST Microelectronics en décembre
1991. La figure présente les étapes les plus marquantes de cette approche globale qui lui a
permis de devenir lauréate du Prix européen de la qualité en 1997, puis du Malcolm Baldrige
Award, le Prix américain de la qualité, en 1999, deux distinctions prestigieuses consacrant ses
capacités distinctives de classe mondiale en TQM. La transformation radicale que représente
une telle démarche a été réalisée en six ans seulement. (SGS Thomson Case Study, The
European Way to Excellence, Claude Y. Bernard, EFQM, 1996.)

F i g u r e 1.1
modèle de management et enfin une nouvelle crise financière dramatique,
pour que le président comprenne enfin, au bout de cinq ans, tout ce que ce
modèle de m a n a g e m e n t pouvait lui apporter en termes d'avantages
concurrentiels (Figure 1.2).

Taux de c r o i s s a n c e annuel moyen, période 1987-1996, marché d e s semi-conducteurs

En devenant le lauréat des prix européen et américain de la qualité,


ST Microelectronics a réalisé l'un de ses objectifs à long terme consistant à
devenir un concurrent de classe mondiale en TQM. Son chiffre d'affaires atteint
la 9e position mondiale en 1998 alors qu'elle se situait au 15e rang en 1987. Le
niveau exceptionnel de son taux de croissance moyen en chiffre d'affaires et
en parts de marché, sur la période qui suivit la fusion de 1987, démontre
qu'elle a acquis un réel avantage concurrentiel face à ses concurrents japonais
et américains. Les positions exceptionnelles des trois Coréens Samsung,
Hyundai et Goldstar dans les mémoires DRAM et de l'Américain Intel dans les
microprocesseurs, se sont fondées sur l'acquisition de positions dominantes
sur deux segments de marché où l'entreprise est absente. (ST Microelectronics
European Quality Award Application 1997.)

F i g u r e 1.2

Lorsqu'en décembre 1991, le comité exécutif décida de mettre en œuvre une


approche intégrée en TQM, il sut rapidement mettre en place les moyens
nécessaires pour engager l'entreprise dans une mutation culturelle majeure
et pour définir, déployer et faire comprendre à toute la structure d'enca-
drement et ensuite à l'ensemble du personnel, les principaux éléments du
TQM.

La généralisation du processus de formation en cascade, initiée par le


président lui-même, permit de déployer cette campagne de sensibilisation
dans l'ensemble du groupe. Dès l'origine, les programmes qui ponctuèrent
cette approche furent définis dans un plan de développement à moyen terme.
C'est sur la base de ce plan que le président et son comité exécutif
donnèrent leur accord pour lancer cette approche intégrée. Il n'existe a
priori aucun programme standardisé pour réussir une telle démarche.
L'essentiel est que les parties concernées se mettent d'accord sur un plan de
développement cohérent, compréhensible et partagé par tous.

1.2 Réussir une approche intégrée en T Q M

La démarche empruntée par ST Microelectronics sur la période 1987-1997


est pleine d'enseignements sur les facteurs qui peuvent conduire à l'échec
ou à la réussite du TQM. Elle peut être décomposée en deux phases : tout
d'abord la période d'incubation où elle accumula un certain nombre
d'initiatives partielles, puis l'approche intégrée qui lui permit de devenir
lauréate du Prix européen de la qualité.

1.2.1 La période d'incubation : 1987 - 1991

Durant la période antérieure à la fusion de 1987, la partie italienne du


groupe avait déjà expérimenté quelques initiatives partielles en TQM. Elle
disposait déjà d'un système d'assurance de la qualité en production
dénommé Sure et avait commencé à expérimenter le SPC (Statistical
Process Control) ainsi qu'une première enquête de perception clients en fin
1986. Lorsque la fusion fut décidée en juillet 1987, l'ancien président de la
partie italienne prit la présidence du nouveau groupe. Il était déjà convaincu
de l'importance de la qualité perçue par les clients. Le président et le
nouveau comité exécutif décidèrent que, pour survivre et se développer, le
groupe devrait devenir le leader de son industrie dans le domaine de la
qualité et du service. Pour faire aboutir cette politique, ils créèrent le poste
de vice-président, directeur de la qualité et du service, qu'ils confièrent à
leur directeur de la logistique et des systèmes d'information qui cumulait
ainsi une troisième responsabilité. Après sa nomination, celui-ci prit un
certain nombre d'initiatives :
- formalisation du système d'enquêtes de perception clients en 1987,
- création d'un comité de pilotage du SPC en 1987,
- adoption de la méthode des plans d'expériences en 1988,
- création d'un comité de pilotage des équipes Juran, ou « équipes
d'excellence » en 1988, dans le but de faire adopter les méthodes de
travail en équipe par l'encadrement,
- adoption de la méthode TOPS de Ford en 1988 destinée aux opérateurs
dans le cadre d'équipes de résolution de problèmes,
- adoption des premiers standards de performance en qualité, en produc-
tion et en service en 1988 et en 1989,
- adoption de la méthode AMDEC en 1989,
- adoption d'un plan de formation de l'encadrement à la qualité du service
en 1989,
- programme de certification des opérateurs en SPC en 1990.

Toutes ces initiatives constituèrent plutôt une succession de projets pilotes


adoptés par quelques enthousiastes. Leur impact fut très limité du fait du
manque d'engagement du comité exécutif, de l'absence d'une réelle
structure de support et d'un plan cohérent à moyen terme.
La grave crise financière de 1990/1991 concentra en fait toutes les
attentions. Sur intervention du Premier ministre français de l'époque, le
président obtint que deux entreprises publiques françaises, France Telecom
et CEA Industrie, puissent entrer dans le capital du groupe pour procéder à
sa recapitalisation. Les associés italiens firent des apports équivalents en
capital. Pendant cette période, le président délégua purement et simplement
les initiatives qualité au nouveau vice-président, directeur de la qualité et du
service. Ses initiatives permirent les premiers apprentissages sur la manière
d'aborder le TQM. Les enquêtes de perception clients transformèrent
durablement les esprits en faisant entrer le point de vue du client dans
l'entreprise. Depuis toujours, les ingénieurs concevaient et fabriquaient des
produits technologiquement très avancés sans jamais se préoccuper du point
de vue de leurs clients. Grâce à cette enquête, ils avaient un retour
d'information sur ce que leurs clients pensaient de leur travail. Encore une
fois, la voix du client ne fut que partiellement prise en compte. Ces enquêtes
s'avéraient utiles pour évaluer les niveaux de satisfaction, pour découvrir
certains faits et certaines faiblesses et mettre en lumière certains dysfonc-
tionnements. Cependant, rien n'était fait pour permettre à des équipes de
s'approprier un domaine à améliorer en vue d'en rechercher les causes
profondes et de mettre en œuvre la solution corrective et préventive
appropriée. Il apparut progressivement qu'il devenait impossible de changer
la perception des clients externes sans changer celle du personnel, sans
changer la culture de l'entreprise. La variété de toutes ces initiatives et leur
impact limité mirent en lumière la faible efficacité de l'approche adoptée. Il
devint évident qu'il fallait formaliser un modèle de management global où
chaque méthode, chaque système de management aurait sa place et qu'il
fallait le déployer dans toute l'entreprise. Il apparut également que de
nouvelles structures transversales seraient nécessaires pour coordonner
l'ensemble des politiques de progrès, ce qui nécessiterait de profonds
changements dans les attitudes et les comportements. En décembre 1990, le
comité exécutif soumit au vice-président, directeur de la qualité et du
service, un plan de développement du TQM à trois ans, pour la période
1991-1993, compatible avec la stratégie et les politiques à long terme de
l'entreprise. Ce plan suscita beaucoup d'intérêt, mais en dépit de sa valeur
réelle, il souleva également des doutes. La récession de 1990-1991 et les
mauvais résultats financiers qui s'ensuivirent contribuèrent à remettre ce
projet à plus tard. Malgré ce contretemps, le vice-président, directeur de la
qualité et du service ainsi que le vice-président de la production back end
réalisèrent en 1991 un voyage d'études auprès des entreprises les plus
avancées en TQM telles que Motorola, Xerox, IBM Rochester, et Ford aux
USA. Ils participèrent à un symposium de la Juse au Japon. Ce travail
d'investigation leur permit de rassembler les éléments d'un système de
déploiement des politiques qui allait devenir l'épine dorsale de la future
approche intégrée en TQM.
La production back end ou production aval, par opposition à la production
front end ou production amont, était chargée de l'assemblage, de
l'encapsulation et des tests finaux des composants électroniques livrés aux
clients. La production amont était chargée de la production des puces sur
tranches de silicium. Fort de ces connaissances nouvelles, le vice-président
de la production back end prit de lui-même l'initiative d'adopter ce système
de déploiement des politiques pour piloter la mise en œuvre d'une politique
intégrée en TQM dans ses sites de production de la région Asie/Pacifique
situés à Singapour et en Malaisie. Cette dernière initiative de la période
d'incubation l'éclaira sur la méthode à suivre pour coordonner la mise en
œuvre d'une approche intégrée en TQM.

1.2.2 L'approche intégrée : 1991 - 1997


Pendant cette période d'incubation, le président de ST Microelectronics
percevait le TQM comme un ensemble de méthodes susceptibles d'améliorer la
qualité de ses produits et de ses services et non comme un modèle de
management capable de transformer son organisation. Il consacra l'essentiel de
ses efforts sur les opérations classiques de restructuration et d'acquisition de
nouvelles capacités distinctives spécifiques au métier de l'entreprise. Ainsi, la
venue de France Telecom et de CEA Industrie dans son capital en 1992, grâce à
leurs gros potentiels de recherche, démultiplièrent les capacités de recherche et
de développement du groupe. La crise financière de 1990-1991 aboutit à une
nouvelle vague de licenciements et de fermetures d'usines. Cette crise, ajoutée à
la pression des principaux concurrents et de certains de ses très gros clients
ayant déjà adopté le TQM, ébranlèrent cette fois les convictions du président en
matière de management. Certains collaborateurs directs, dont les deux vice-
présidents déjà mentionnés, avaient alors effectué des recherches approfondies
sur le TQM. Ils s'efforçaient de le sensibiliser progressivement, ainsi que son
comité exécutif, aux concepts fondamentaux du TQM par des distributions
d'articles et d'ouvrages sélectionnés et par des présentations récurrentes en
comité. La lecture du livre de Masaaki Imai, Kaizen, dédié aux améliorations
continues, constitua le déclic qui acheva de convaincre le comité exécutif en
1991. Ce livre fut perçu comme offrant un cadre unificateur pour les
programmes déjà entamés ainsi qu'un modèle de management cohérent adapté à
la culture existante. Le président prit conscience que le temps était venu
d'adopter un meilleur modèle de management et que les difficultés de
l'entreprise ne provenaient pas uniquement de la crise du marché. Il devenait
urgent d'accroître la productivité du groupe en éliminant les gaspillages plutôt
que le personnel et en utilisant moins de personnes sur plus de tâches
essentielles. L'initiative prise, la même année, par les usines back end de
Singapour et de Malaisie, de mettre en œuvre leur propre approche intégrée en
TQM, emporta définitivement la décision.
Le président accrédita l'idée que son entreprise devait acquérir très
rapidement les capacités des meilleures entreprises internationales en TQM

1. Masaaki Imai, Kaisen, the key to japan's competitive success, Mc Graw Hill, 1986.
e t q u e c e m o d è l e d e m a n a g e m e n t d e v a i t t r è s v i t e s e d é p l o y e r d a n s t o u s les
sites, d a n s toutes les f o n c t i o n s , d a n s t o u s les objectifs d e l ' e n t r e p r i s e et à
tous les n i v e a u x . L e m o m e n t était v e n u de p a s s e r d ' u n g r a n d n o m b r e
d'initiatives en qualité, à u n e d é m a r c h e intégrée, unifiée par un m o d è l e de
m a n a g e m e n t g l o b a l et p a r u n e c u l t u r e p a r t a g é e . L ' e n g a g e m e n t total d u
p r é s i d e n t fut a c q u i s en j u i l l e t 1991. S o u s s o n i m p u l s i o n et g r â c e à s o n
incontestable autorité, la p r e m i è r e initiative du comité exécutif consista à
définir les n o u v e l l e s r e s p o n s a b i l i t é s en m a t i è r e de T Q M . L e poste de vice-
p r é s i d e n t , d i r e c t e u r du T Q M à t e m p s plein, fut créé en juillet 1991. Sa
r e s p o n s a b i l i t é f u t d o n n é e à l ' a n c i e n v i c e - p r é s i d e n t d e la q u a l i t é e t d u s e r v i c e
q u i a b a n d o n n a p a r a i l l e u r s l a l o g i s t i q u e e t l e s s y s t è m e s d ' i n f o r m a t i o n . Il
d e v e n a i t m e m b r e à p a r t e n t i è r e d u c o m i t é e x é c u t i f et se p l a ç a i t ainsi au
n i v e a u h i é r a r c h i q u e le p l u s é l e v é , a u m ê m e t i t r e q u e les a u t r e s v i c e -
présidents du groupe. Cette nomination montrait clairement l'importance
s t r a t é g i q u e a c c o r d é e au T Q M . L e c o n s e i l e x é c u t i f d e la q u a l i t é t o t a l e ,
c o m p o s é de 9 m e m b r e s , d o n t le p r é s i d e n t et 8 d e ses vice-présidents, fut
officiellement créé en o c t o b r e 1991. U n séminaire de sensibilisation au
T Q M , r é u n i s s a n t les p r i n c i p a u x d i r i g e a n t s du g r o u p e , fut o r g a n i s é en
n o v e m b r e 1 9 9 1 , a u c o u r s d u q u e l ils d é c i d è r e n t d ' a d o p t e r d é f i n i t i v e m e n t u n e
a p p r o c h e intégrée. U n n o u v e a u plan de d é v e l o p p e m e n t du T Q M à trois ans
fut p r o p o s é au conseil e x é c u t i f d e la qualité au c o u r s du m ê m e m o i s et fut
adopté en d é c e m b r e 1991. L e p r e m i e r signe visible de l ' e n g a g e m e n t du
n o u v e a u c o n s e i l e x é c u t i f de la qualité en f a v e u r d u T Q M survint en avril
1 9 9 2 a v e c l a c r é a t i o n d u g r o u p e d e d é v e l o p p e m e n t d u T Q M , p l a c é s o u s la
responsabilité du vice-président, directeur du T Q M , disposant d ' u n budget
et de r e s s o u r c e s h u m a i n e s et f i n a n c i è r e s adaptées. L ' e n c a d r e m e n t c o m p r i t
q u e les dirigeants d u g r o u p e p r e n a i e n t le T Q M très au sérieux. P e n d a n t ce
t e m p s , les sites de p r o d u c t i o n de la z o n e A s i e / P a c i f i q u e , c o m p r e n a n t 7 0 0 0
s a l a r i é s , a v a i e n t d é f i n i t i v e m e n t l a n c é l e u r p r o c e s s u s d e t r a n s f o r m a t i o n p a r le
T Q M . A f i n d e p r é s e r v e r la c o h é r e n c e d e l ' a p p r o c h e i n t é g r é e r é c e m m e n t
d é f i n i e p o u r l ' e n s e m b l e d e l ' o r g a n i s a t i o n , le g r o u p e de d é v e l o p p e m e n t
formalisa rapidement un calendrier c o m m u n d'implantation du T Q M pour
l'ensemble de l'organisation.

♦ Le processus de transformation culturelle

D è s 1992, les efforts du g r o u p e d e d é v e l o p p e m e n t du T Q M se f o c a l i s è r e n t


s u r le d é p l o i e m e n t d u n o u v e a u m o d è l e d e m a n a g e m e n t et d u s y s t è m e de
g o u v e r n a n c e d e l ' e n t r e p r i s e . P o u r c e f a i r e , il a d o p t a u n p r o c e s s u s g é n é r a l i s é
d e f o r m a t i o n e n c a s c a d e qui se d é r o u l a s u r q u a t r e ans c o m m e suit :
- janvier-juin 1992 : sensibilisation des 240 directeurs de sites et de
divisions du monde entier,
- septembre 1992-décembre 1993 : sensibilisation de l'ensemble de
l'encadrement intermédiaire,
- 1994-1995 : sensibilisation de tout le personnel non cadre.

♦ Le système de déploiement de politiques

Bien que déjà mis en œuvre dans les sites de la région Asie/Pacifique, le
système de déploiement des politiques de l'entreprise fut formalisé par le
groupe de développement du TQM qui y intégra le système de standards de
performances du groupe, ainsi qu'un calendrier détaillé à cinq ans des étapes
de mise en œuvre du TQM. Le rôle de ce système était d'assurer le
déploiement des méthodes et des systèmes de management du TQM ainsi
que les premières politiques d'amélioration spécifiques au TQM. Ce
système fut avalisé par le conseil exécutif de la qualité en juillet 1992. Une
version révisée de ce système fut formalisée en 1993 pour y intégrer le
management des politiques de transformation radicale. Une version
consolidée fut formalisée en 1994 pour y intégrer l'ensemble des politiques
de progrès de l'entreprise, y compris celles concernant le management
opérationnel. Cette troisième étape préfigurait l'intégration complète du
TQM et du management opérationnel dans un modèle de management
unifié.

♦ Les comités de pilotage du TQM

La structure de support chargée de promouvoir, de déployer et de


coordonner de manière transversale l'ensemble des politiques de mise en
œuvre du TQM est indissociable du système de déploiement des politiques.
Le comité de pilotage de rang le plus élevé, dénommé conseil exécutif de la
qualité, avait déjà été créé en octobre 1991. Par la suite, de 1991 à 1992,
23 comités de pilotage du TQM se créèrent sur initiative locale. Outre la
politique de mise en œuvre du TQM définie dans le plan à cinq ans, ils
adoptèrent quatre politiques d'améliorations majeures dans les domaines
suivants :

- réduction du temps de cycle de traitement des commandes,


- optimisation des capacités de production du groupe,
- amélioration du système de planification et d'ordonnancement,
- amélioration des rendements en production par le SPC.

Au niveau des sites, la création de chaque comité de pilotage local


impliquait la nomination d'un « champion du TQM ». Son rôle consistait,
tout en assurant ses responsabilités opérationnelles, à gérer le secrétariat de
son comité de pilotage, à assister et à planifier le processus de
développement local du TQM, à coordonner les opérations de revues des
politiques et des projets d'amélioration ainsi que les opérations d'auto-
évaluation, etc. Le « champion du TQM » faisait office de directeur du
développement local du TQM.
Bien que dépendant hiérarchiquement de son unité, il rapportait au groupe
de développement du TQM pour ce qui concerne les approches du TQM.
Cette structure de comités de pilotage acheva de se déployer en 1993. Elle
changea la culture managériale de l'entreprise façonnée par le modèle
taylorien de l'organisation du travail fondé sur des structures verticales
spécialisées et cloisonnées. Les comités de pilotage durent apprendre à gérer
des approches transversales, à fonctionner en équipes pluridisciplinaires, à
adopter des méthodes de travail participatives et à définir eux-mêmes, en
commun, la vision, la mission et les politiques de progrès de leur unité dont
le cadre dépassait largement les domaines de compétences de leurs
responsabilités opérationnelles.

♦ Le référentiel d'auto-évaluation de l'EFQM

ST Microelectronics décida d'adopter et de déployer le référentiel de


l'EFQM en juillet 1992 en vue de préparer sa candidature au Prix européen
de la qualité en 1993. Bien que cet objectif fût irréaliste, cette décision
marqua un profond engagement dans le processus de transformation par le
TQM. 27 équipes d'assesseurs internes furent formées à l'utilisation du
référentiel de l'EFQM. 24 d'entre elles se focalisèrent sur les activités
opérationnelles et 3 sur les fonctions de support du groupe telles que la
direction financière, la direction des ressources humaines, etc. Toutes les
entités du groupe furent auto-évaluées. Les équipes d'assesseurs internes
identifièrent leurs points forts et leurs domaines d'amélioration sur chacun
des neuf critères du référentiel. Ils soumirent leur premier rapport
d'évaluation au conseil exécutif de la qualité en 1992. Cette première
opération représenta une très bonne préparation pour la candidature au Prix
européen de la qualité en 1993 qui confirma l'excellent travail réalisé par les
vingt-sept équipes d'assesseurs internes. En dépit de cette très courte
expérience, les assesseurs officiels du Prix européen de la qualité
considérèrent l'entreprise comme éligible pour une visite sur sites. Incitées
par cette première reconnaissance, les unités de Singapour et de Malaisie
décidèrent également de soumettre leurs candidatures aux Prix de la qualité.
Les unités de Malaisie obtinrent le Prix de la qualité en 1994. Une seconde
candidature au Prix européen de la qualité en 1995 ne fournit pas le résultat
recherché. C'est Texas Instruments Europe, l'un de ses principaux
concurrents, qui emporta le trophée. ST Microelectronics l'obtint finalement
en 1997.

♦ Le système d'assurance de la qualité ISO 9000

Le processus de déploiement de ce système d'assurance de la qualité fut


entamé dès 1991 conformément au plan de développement du TQM initial.
L'ensemble des sites de production reçurent leur certification ISO 9002 en
décembre 1992.

Le processus de certification ISO 9001 des centres de conception de circuits


intégrés du monde entier, commencé en 1992, s'acheva en 1993.

♦ Le management des processus

Les premières initiatives de formation au management des processus


commencèrent dès 1992, sans résultats concrets. Face à cet échec,
ST Microelectronics adopta, en 1994, les méthodes formalisées par
Motorola aux États-Unis. Les résultats de cette seconde initiative furent
également décevants. Cependant, le déploiement rapide et total des systèmes
d'assurance de la qualité ISO 9000, des systèmes d'auto-évaluation de
l'EFQM ainsi que des contrats clients/fournisseurs internes en 1991 et 1992,
permirent une approche généralisée d'amélioration des processus, sans le
déploiement réel d'une méthode spécifique formalisée et standardisée.
Celle-ci fut déployée bien plus tard, en 1997 et en 1998.

♦ Les outils et méthodologies du TQM

La démarche TQM intégrée, adoptée par ST Microelectronics, bénéficia des


premiers investissements effectués dès 1987 dans la conception et la
standardisation des méthodes, des supports de formation et des manuels de
sensibilisation aux meilleures pratiques du TQM. Le premier manuel du

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