Vous êtes sur la page 1sur 4

1

Formation continue L’O juin 2005-06-10

Revoir Biblio religion

Paradoxe :
Général
1/ Materialisme, consommation. Littérature : pas la présence de divin.
2/ Spiritualité quotidienne, mystère
- Zen (chan), Suzuki Daisetsu
- force spirituelle : arts martiaux, autres voies : ikebana, cérémonie du thé

Quand on questionne les japonais : pas clair -> bouddhistes


Quand on se promène : jinja

Statistiques
On dispose de relativement peu d’informations statistiques concernant les pratiques
religieuses des Japonais.
La première enquête concernant les pratiques religieuses daterait de 1968 (publication en
1970 dans Annales of the Institute of Statistical Mathematics, sup. 6).
Son instigateur, Nishihira Shigeki, directeur de très nombreux sondages, dont une enquête
gouvernementale réitérée tous les 5 ans depuis 1953 pour sonder justement « Le caractère
national des Japonais »
Préfère mettre en garde contre les résultats des sondages d’opinion au Japon : « dans le cas du
Japon, et plus qu’ailleurs semble-t-il, les données des sondages ne nous paraissent pas
toujours très convaincantes. Le système éducatif actuel japonais apprend à sélectionner la
réponse adéquate et non à disserter ou critiquer. (...) En fait, c’est presque devenu un réflexe
pour le sondé de choisir la réponse qu’il pense adéquate, conforme à l’attente de
l’enquêteur » ; Nisihira et Condominas (1991 : 11).
Le sondage avec question à choix multiples serait donc, dans le contexte culturel japonais, un
mode d’enquête plus adapté à une vérification de la norme qu’à une découverte d’opinions
individuelles contrastées.

Les grands médias, et en particulier les journaux (Mainichi shinbun, Asahi shinbun...)
proposent souvent des statistiques élaborées par leurs propres services mais dont il est difficile
de connaître le protocole.
Les enquêtes gouvernementales, dont certaines sont publiées dans la série des Livres
blancs (hakusho 白書), offrent des résultats contradictoires.

Comparant ses résultats avec ceux recueillis dans divers pays d’Europe, aux États-
Unis et en Corée, Nishihira pointe pour sa part le caractère a-religieux des Japonais. Ainsi,
avec une question concernant « ce qui est important dans la vie » et proposant dix réponses
possibles, la religion n’apparaît qu’en neuvième position au Japon. Diverses enquêtes ont
confirmé, avec des chiffres sensiblement différents, que seul un dixième des parents japonais
considérerait que la religion est importante (contre plus de 50% d’Américains, 20 à 30% de
Français ou de Britaniques ; p. 186 et 172).
53 % s’estiment d’ailleurs ne pas être religieux, ce qui est supérieur à ce qui a pu être noté en
Europe par exemple. Enfin, 81% des Japonais disent ne pas avoir confiance dans les
organisations religieuses (p. 172).
2

Voilà qui trace un portrait du Japon loin des images d’Épinal, des portiques vermillons et des
moines au crâne rasé en méditation (zen bien sûr) face à des jardins épurés.
Et pourtant. Questionnés sur leur participation à des « offices religieux », les Japonais
semblent plus assidus que les Français ou les Britanniques (p. 177).
Dans le même temps, les déclarations faites par chaque institution religieuse au Japon
permettent de dénombrer (chiffres de 1987) : 112 millions de « shintoistes », 93 millions de
bouddhistes, 1,5 million de chrétiens et 11,5 millions de personnes appartenant aux autres
religions, soit au total 218 millions de personnes, 1,8 fois la population japonaise !
Quelle est donc cette population qui est majoritairement sans religion mais doublement
affiliée à ses institutions religieuses ?

De toute évidence, ce sont les termes mêmes de religion et de religieux qui poussent à la
confusion1.
Nishihira avouait (1991 : 176) : « C’est à propos de la religion d’ailleurs que les résultats des
sondages au Japon deviennent surréalistes ! (...) Les données résultant d’enquêtes effectuées
auprès de Japonais dépendent beaucoup du contexte et de la manière dont est posée la
question ». La formulation de la question est certes d’une grande importance quelle que soit la
culture de l’interrogé. Elle biaise d’autant plus la réponse au Japon, et particulièrement quand
il s’agit du domaine religieux, que les termes des enquêteurs sont souvent traduits des langues
occidentales et ne correspondent pas à des catégories familières au sondé. Qu’on ne s’étonne
pas alors si, comme dans le cas des enquêtes menées par Nishihira (ibid. p. 173), plus de la
moitié des Japonais interrogés préfèrent ne pas répondre à la question.
Quand ils sentent le besoin d’une assurance statistique, les folkloristes japonais
préfèrent citer une autre source, le rapport d’enquête édité par la NHK (1995) suite à un
questionnaire passé en 1973, 1978, 1983 et 19882. Son chapitre IV s’intéresse à la « structure
de la conscience qu’ont les Japonais contemporains » du sexe, de la religion et du
nationalisme3. On y apprend, sans que cela ne soit attesté par les chiffres proposés d’ailleurs,
que le Japon est en train de connaître son troisième « boom religieux » depuis l’époque
moderne. Voilà qui fait beaucoup pour des non croyants ! Celui-ci se caractériserait par
l’établissement de groupes religieux d’un type nouveau (p. 87-88), ceux-là même peut-être
qui, reconnus sous le titre d’ « organisation religieuse », n’inspirent pas confiance à plus de
80% des Japonais. Si boom il y a4, les chiffres sont pourtant assez constants depuis 1973
(tableau ci-dessous). Divinités du shintô et bouddhas sont à peu près à égalité puisque,
respectivement, 36 et 45 % des personnes interrogées disent « croire » (shinjiru) en ces
entités5. Les incroyants complets arrivent en troisième position, mais sont en légère
régression : ils sont, en 1988, 26 % à s’avouer tels. La quatrième position est occupée par une
catégorie qui est directement liée à notre travail : 14 % des Japonais interrogés disent
« croire » à la force des charmes et des amulettes (14% croient également aux miracles, tandis
qu’à peine 12% sont convaincus de l’existence d’un autre monde). 13% affirmaient croire
aussi bien aux divinités et aux bouddhas qu’aux amulettes, à la divination et aux miracles
(ibid.  : p. 90-91). La tendance à l’amalgame se fait de plus en plus forte chez les jeunes
générations (de 5,5% chez les 20-30 ans en 1973, à 14% en 1988. Voir également note 80 ci-
dessous).
L’intérêt pour les bienfaits matériels obtenus en ce monde grâce à la force spirituelle
d’une divinité (genze riyaku 現世利益) paraît également plus fort chez les jeunes, ce que le
rapport d’enquête attribue à l’aspect ludique de cette quête « spirituelle » : « On peut penser
que les pratiques religieuses en rapport avec la recherche de bienfaits en ce monde possèdent
également une dimension de loisir (rejâ レジャー) pour les jeunes »6. Il faut noter d’autre
part une forte différence entre les sexes. Tandis que 19% des jeunes hommes avouent croire,
ou avoir une pratique, en relation avec au moins une efficace, les jeunes femmes sont près du
3

double (34%). Si donc on constate une plus forte présence féminine sur les lieux de lien, ce
n’est pas seulement que l’amour est préoccupation essentiellement féminine comme on
pourrait finir par le croire, mais que le recours à une divinité, quelque soit son objet, est plus
pratiqué par le beau sexe.

Table 1Objets de foi des Japonais contemporains. Selon NHK (1995 : 88-89).

La seconde et dernière question de la NHK concernant la religion permet de jauger


l’importance de certaines pratiques religieuses individuelles. Elle confirme la vitalité des
pratiques liées à la recherche d’un bénéfice immédiat. Exceptée la visite à la tombe familiale,
usage lié aux grandes articulations du cycle annuel et relevant plus des pratiques sociales que
de l’exercice individuel, les trois types de gestes les plus pratiqués (acquérir une amulette,
effectuer une requête à une divinité, consulter un spécialiste pour connaître son avenir) sont
directement à rapporter à la recherche de bénéfices immédiats en ce monde. On remarque une
augmentation substantielle entre 1973 et 1978 de la pratique consistant à effectuer une requête
auprès de la divinité (de 23 à 31%), évolution rapide que les commentateurs expliquent par
l’inquiétude consécutive au choc pétrolier. Il semblerait que cette pratique, déjà effectuée par
un tiers des Japonais entre 16 et 40 ans, connaisse un pic avec la tranche des 40-50 ans (40%
des personnes seraient concernés alors), pour diminuer ensuite. Il faut, pour comprendre cette
courbe, considérer que si les 16-30 rendent visite à une divinité sans doute pour formuler un
vœu qui les concerne directement, c’est souvent en tant que parents que les 40-50 ans
fréquentent les temples et les sanctuaires, afin d’accomplir rites et cérémonies pour le bien-
être de leur progéniture7. On vérifie au Japon également le rôle intégrateur que jouent les
enfants pour leurs parents dans le système religieux.
4

Table 2Pratiques religieuses des Japonais contemporains. Selon NHK (1995 : 93-94).
On ne relève par contre aucune différence qui résulterait du sexe, de la région, du
cursus scolaire ou du métier exercé. La pratique est donc bien nationale, et largement
répandue dans toutes les couches de la population. Elle résiste bien au désintérêt croissant
pour les usages les plus traditionnels : alors qu’en 1973, 31% des personnes qui l’effectuaient
disaient n’avoir aucun comportement religieux en dehors des pratiques reliées à la recherche
de bénéfices immédiats, elles sont 40% en 1988. Cette particularité est plus vraie chez les
jeunes (jusqu’à 60% pour les 20-25 ans), et s’atténue fortement après 40-45 ans.
En ce qui concerne l’achat d’amulettes ou de charmes, la plus grande transformation
n’apparaît pas dans le comportement des hommes – les chiffres varient peu pour eux8 – mais
pour les femmes de 20 à 50 ans, chez qui on constate une augmentation de plus de 10 points
entre 78 et 88. Le marché de l’amulette repose, comme bien des marchés de consommables au
Japon, en grande partie sur la gent féminine. On comprend alors que dans les objets proposés
par les sanctuaires les plus populaires, dominent le rose, les fleurs et le mignon (illustrations
13 et 14)9.
Bien qu’il soit difficile de prévoir le comportement de ces générations à l’avenir, une
comparaison avec des statistiques plus anciennes pousse à parler d’une nouvelle façon
d’aborder le religieux, qui se caractériserait par une relative liberté vis-à-vis des pratiques
traditionnelles, du temple familial, du sanctuaire local, et un intérêt plus fort pour le monde
des divinités efficaces, réparties, elles, sur tout le territoire10.

Vous aimerez peut-être aussi