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Responsabilité administrative

Sommaire
 1 De l'irresponsabilité publique à la responsabilité administrative généralisée
 2 Les conditions générales du droit à réparation
o 2.1 L'existence d'un préjudice
o 2.2 La relation de causalité
o 2.3 L'imputabilité du fait dommageable
 3 Les modalités de la réparation
o 3.1 Les principes de l'évaluation
o 3.2 Les éléments de l'indemnisation
 4 La distinction des responsabilités selon le fait générateur
o 4.1 La responsabilité pour faute
 4.1.1 La notion de faute
 4.1.2 La gravité de la faute
 4.1.3 Responsabilité de l'administration et responsabilité de ses agents
 4.1.3.1 Distinction faute de service et faute personnelle
 4.1.3.2 La combinaison des fautes de service et personnelle
o 4.2 La responsabilité sans faute
 4.2.1 La responsabilité pour risque
 4.2.2 La responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges
publiques

4.3 Les régimes spéciaux de responsabilité

En droit français, la responsabilité administrative est l'obligation pour l'administration de


réparer les préjudices causés par son activité ou celle de ses agents.
La responsabilité de l'administration peut être engagée pour toutes les activités de
l'administration mais obéit à un régime différent de celui du droit civil.
Pour la responsabilité contractuelle, voir l'article contrat administratif.

De l'irresponsabilité publique à la responsabilité administrative


généralisée
Jusqu'à la fin du XIXe siècle le principe de l'irresponsabilité de la puissance publique
interdisait tout droit à réparation. La seule possibilité était le recours gracieux c'est-à-dire
l'appel à la bonne volonté des dirigeants. À la fin du XIXe, début du XXe siècle plusieurs
revirements de jurisprudence mettent fin à cet état du droit. Le 1er février 1873, le tribunal des
conflits par l'arrêt Blanco reconnaît la responsabilité des personnes publiques (Agnès Blanco
renversée par un wagonnet). Le 27 février 1903, le Conseil d'État par l'arrêt épouse
Zimmermann reconnaît un préjudice lié aux décisions de police. Le 12 mai 1903, le Conseil
d'État par l'arrêt Le Berre accorde réparation à un fonctionnaire abusivement licencié.
L'obligation de réparer ainsi entérinée ne s'exécute pas selon les règles du droit civil, elle a ses
règles spéciales qui aujourd'hui sont de plus en plus sous l'influence du droit européen, ce qui,
indirectement réintroduit les principes civilistes du droit anglo-saxon.
Les conditions générales du droit à réparation

L'existence d'un préjudice


La responsabilité administrative est réparatrice et non sanctionnatrice. Par exemple, l'arrêt du
27 décembre 2001 prononcé par le TA de Besançon. Des fonctionnaires français ayant cotisé
en Afrique ont vu leur retraite diminuer suite à une dévaluation du franc CFA, dans certains
corps des compensations ont été prévues, dans d'autres non. Le tribunal, constatant le
préjudice, a accordé une indemnisation. Il ne s'agit donc pas de sanctionner une faute, mais
bien de réparer un préjudice. La Cour européenne des droits de l'homme partage la même
approche (arrêt éditions Periscope/France de la CEDH le 26 mars 1992).
Pour ouvrir droit à réparation le préjudice doit être certain mais pas nécessairement actuel, le
dommage futur lorsqu'on sait qu'il surviendra est également indemnisé. Cependant, le
préjudice éventuel, comme l'aide qu'aurait pu apporter à ses parents un enfant mortellement
blessé dans un accident, n'est pas certain.
La perte d'une chance sérieuse, examen médical oublié, convocation non-arrivée…, ouvre
droit à réparation.
Les préjudices matériels sont les plus faciles à caractériser : dommages causés aux biens
mobiliers ou immobiliers, atteintes physiques aux personnes.
Les préjudices moraux sont plus complexes :
 d'ordre psychologique ou moral, atteinte à la réputation ou à l'honneur, atteintes à la
dignité humaine (harcèlement).
 souffrance physique ou pretium doloris suite à accident physique ou intervention
chirurgicale.
 préjudice esthétique c'est-à-dire gêne ou regrets éprouvés par une personne à la vue ou
à la pensée des atteintes portées à son harmonie corporelle.
 douleur morale ou pretium affectionis c'est-à-dire le préjudice d'affection lié, par
exemple à la perte d'un être cher.
 troubles dans les conditions d'existence, c'est-à-dire tous les désagréments qui
n'entrent pas dans les catégories précédentes, par exemple les difficultés scolaires d'un
enfant après un accident.
 les atteintes de toute nature résultant d'une séroconversion HIV (idem pour les
conséquences d'une exposition a l'amiante, l'ESB etc.).

En second lieu peuvent être réparés non seulement les préjudices subis par les victimes
immédiates du fait dommageable, mais aussi ceux atteignant par ricochet les victimes
indirectes tels que les époux ou épouses de la personne accidentée.
Il existe encore quelques cas d'irresponsabilité :
 les servitudes d'urbanisme
 naissance d'un enfant après IVG ou opération de stérilisation
 naissance d'un enfant handicapé après échec d'une amniocentèse (CE 14 mars 1997
CHR Nice).

La relation de causalité
Le droit à réparation n'est ouvert que s'il existe un lien direct de cause à effet entre le
dommage et le fait dommageable.
Par exemple, le préfet autorise une détention d'arme et le possesseur de l'arme tue une
personne. Si l'autorisation de détention d'arme intervient très peu de temps avant le crime
l'État peut être condamné (l'auteur le sera lui, bien évidemment au pénal).
Il revient à la victime de démontrer le lien direct de cause à effet. L'Administration est
exonérée totalement de sa responsabilité lorsque le dommage est causé en tout ou partie par
une cause étrangère :
 faute de la victime qui était, par exemple alcoolisée au moment de l'accident
 force majeure c'est-à-dire évènement extérieur imprévisible et irrésistible.

L'imputabilité du fait dommageable


La personne morale ou physique dont dépend le service ou l'ouvrage à l'origine des
dommages se voit imputée la responsabilité.
Lorsqu'un service public est organisé conjointement par plusieurs personnes la réparation peut
être demandée à l'une ou à l'autre des personnes sous réserve de l'action récursoire (en droit,
qui permet au défendeur de faire un recours contre quelqu'un) de celle-ci.

Les modalités de la réparation

Les principes de l'évaluation


La réparation se fait généralement en euros, la réparation en nature est quelque fois prononcée
à titre facultatif (si mieux n'aime…).
Une personne ne doit jamais être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas.
La réparation du préjudice est intégrale, la victime ne doit être ni appauvrie ni enrichie ce qui
est difficile à apprécier pour les préjudices immatériels.

Les éléments de l'indemnisation


Outre l'indemnité principale sont allouées des indemnités accessoires :
 indemnité compensant équitablement les frais contentieux exposés par la victime,
notamment les honoraires d'avocat (L 761-1 du code de la justice administrative, art 6-
1{er} de la CEDH)
 intérêts moratoires sur l'indemnité principale calculés sur le délai d'instruction, ses
intérêts peuvent être capitalisés (intérêts sur les intérêts) selon les articles 1153 et 1154
du code civil
 intérêts compensatoires si la victime justifie d'un retard anormal à obtenir le versement
de l'indemnité principale (CE 02 mars 1962 Caucheteux et Desmonts).

Le capital réparant un préjudice n'est pas imposable.

La distinction des responsabilités selon le fait générateur


La responsabilité pour faute

La notion de faute
Une faute est une défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement normal du service
public. Elle peut consister en un fait matériel ou en un acte juridique. Elle peut être collective
ou imputable à une personne physique individualisée. L'abstention, la négligence, une
omission, un retard, peuvent constituer une faute. Une illégalité est toujours fautive (CE 1973
Driancourt) ; mais un vice de forme minime n'est pas forcément constitutif d'une illégalité.
L'existence d'une faute n'entraîne pas nécessairement la responsabilité administrative. La faute
doit toujours être prouvée mais des présomptions de faute peuvent être instituées :
 défaut d'entretien normal d'un ouvrage qui conduit à n'exonérer l'administration que si
elle démontre qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage (CE 24 janvier 1990
université de Lille I)
 défaut d'organisation du service public hospitalier, exemple, maladie grave contractée
suite à un soin courant
 défaut de surveillance systématique, exemple un enfant se noie dans une piscine
municipale.

La gravité de la faute
Une faute simple permet d'engager la responsabilité de l'administration, par exemple un
permis de construire délivré à tort.

Responsabilité de l'administration et responsabilité de ses agents


Lorsque le dommage est causé par la faute d'un agent public, qui doit réparer, l'administration
ou l'agent ?

Distinction faute de service et faute personnelle

La faute de service engage la responsabilité de l'Administration. La faute personnelle engage


la responsabilité de son auteur.
Laferrière en donne une définition : « si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un
administrateur plus ou moins sujet à erreur, il y a faute de service, s'il révèle l'homme avec ses
faiblesses, ses passions, ses imprudences, il y a faute personnelle imputable au
fonctionnaire. »
La faute personnelle est la faute détachable du service ou de la fonction. Un fonctionnaire qui
commet des actes de violence, abus sexuels, diffamation ou qui se rend coupable de non
assistance a personne en danger est personnellement responsable.

La combinaison des fautes de service et personnelle

Il peut y avoir cumul de fautes à l'origine du préjudice, certaines de service, d'autres


détachables. Par exemple, faute de service consistant en la fermeture d'un bureau de poste
avant l'heure officielle et faute personnelle des agents qui ont brutalisé un usager au point de
lui casser la jambe pour le faire sortir (CE 3 février 1911 Anguet).
Si la faute commise s'analyse à la fois comme une faute de service et comme une faute
personnelle, il y a cumul des responsabilités. Par exemple, la faute d'un maire qui avait
autorisé l'installation d'un stand de tir sans prendre aucune mesure de sécurité de sorte qu'une
personne avait été blessée par une balle (CE 26 juillet 1918 époux Lemonnier).
Lorsqu'il y a faute non dépourvue de lien avec le service, la victime peut réclamer réparation à
l'administration ou à l'agent, l'administration ou les agents condamnés peuvent ensuite exercer
une action récursoire.
Toutes les actions récursoires viennent devant le tribunal administratif, par exemple, la
contestation d'un titre de recette ou d'une décision de l'administration.
La responsabilité sans faute
Elle ne concerne jamais les fautes personnelles.
La responsabilité sans faute est engagée dans deux cas :
 la responsabilité pour risque
 la responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques.

La responsabilité pour risque


La responsabilité pour risque est engagée en cas de chose ou d'activité dangereuse entraînant
un préjudice :
 dépôt d'explosif qui explose
 méthodes dangereuses comme les méthodes libérales de rééducation, les malades
mentaux en sortie d'essai, les détenus en permission de sortie…

Elle est également engagée au profit des collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service
public, par exemple, un accident lors d'une sortie scolaire accompagnée par des parents
d'élève.

La responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques


Cette responsabilité est mise en œuvre chaque fois qu'un particulier est victime d'un dommage
anormal, c'est a dire présentant un caractère certain de gravité, et de spécialité résultant de
situations ou de mesures par l'effet desquelles certains membres de la collectivité sont
« sacrifiés » à l'intérêt général.
La responsabilité pour dommage permanent de travaux publics recouvre les inconvénients de
voisinage résultant de l'exécution de travaux publics, ou bien de l'existence ou du
fonctionnement d'ouvrages publics. La raison d'être de cette jurisprudence est qu'il convient
d'indemniser les quelques personnes qui subissent dans l'intérêt de tous un dommage spécial
et grave lié à ces ouvrages (par exemple la proximité d'une centrale nucléaire cache le
paysage…).
La responsabilité du fait des décisions administratives régulières : les charges imposées par
un acte individuel sont indemnisées si ce type d'acte provoque une rupture de l'égalité devant
les charges publiques. Par exemple, le refus d'accorder le concours de la force publique pour
l'expulsion d'occupants sans titre d'un logement, le refus est motivé légalement par la
nécessité du maintien de l'ordre public.
La responsabilité de l'État du fait des lois ou des conventions internationales : la
responsabilité de l'État peut être reconnue en cas de rupture de l'égalité devant les charges
publiques (CE 14 janvier 1938 société La Fleurette, interdiction de la gradine,(ersatz de
crème)) qui a pour effet de faire peser sur cette société une charge anormale (a savoir, grave;
car elle en subit un considérable préjudice commercial, et spécial; car elle est l'unique société
qui exploitait le produit,désormais interdit. L'etat se doit donc de lui accorder une
indemnisation.

Les régimes spéciaux de responsabilité


De nombreux régimes spéciaux de réparation ont été institués par le législateur :
 régime des dommages causés par les attroupements et les rassemblements de
personnes (L 2216-3 CGCT, si une manifestation dégénère, l'État indemnise)
 régime des fautes des membres de l'enseignement, loi du 5 avril 1937, l'État indemnise
 préjudices résultants des vaccinations obligatoires (L 10-1 CSP)
 indemnisation des personnes atteintes de SIDA post-transfusionnel, loi du 31
décembre 1991
 indemnisation des dommages causés par les actes de terrorisme, loi du 9 septembre
1986 relative à la lutte contre le terrorisme.

La loi « droit des malades » en cours prévoit l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, c'est-à-
dire une responsabilité sans faute, notamment dans deux cas, les maladies nosocomiales
(infections contractées en milieu hospitalier) et les maladies iatrogènes (liées à la prise de
médicament).

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