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6.5.

11 Cathédrale
Allocution à l’occasion de la soirée inaugurale
des fêtes du 8ème centenaire de la cathédrale de Reims

Mesdames et Messieurs, chers Amis, vous comprenez mon émotion en inaugurant les fêtes du
8ème centenaire de notre cathédrale. Et encore il ne s’agit que de l’édifice actuel. En réalité, ce sont
16 siècles d’histoire et de foi concentrés en ce lieu.

Ceux qui disent que la cathédrale est peut-être un peu grande pour la pratique habituelle du
culte n’ont pas tort. Cela ne me dérange pas vraiment. Donner témoignage qu’il y a largement place
pour qui le souhaite, offre une bonne image de l’Eglise du Christ qui rassemble les fidèles, certes,
mais qui est ouverte également à la recherche des hommes, à leur besoin de réflexion et au sens de
l’art. J’ai l’impression que ce n’est pas inutile à notre époque, parce qu’il y a beaucoup de
souffrances à écouter, beaucoup de soifs de bonheur à combler, beaucoup de questions plus grandes
que nous à éclairer, auxquelles notre société ne parvient pas seule à apporter de réponses. Et cela à
la fois en ce qui concerne les personnes et, osons le dire, notre pays.

Par l’architecture et la beauté, par l’espace sacré qu’elle déploie, par le jeu de la lumière et de
l’ombre qui conduit au silence, par l’autel de l’offrande posé en son centre, la cathédrale poursuit
donc sa mission à travers les siècles, à Reims, en France et dans le monde. Vous le voyez, elle est
maintenant trop petite. Cela lui arrive de temps en temps, dans les grandes occasions de la vie
diocésaine ou pour des événements marquants de l’unité nationale. Aujourd’hui en tout cas vous
êtes venus en nombre, croyants connus ou anonymes, habitants de la Ville de Reims et des
environs, citoyens engagés dans la vie associative et culturelle, humbles donateurs et mécènes,
artisans et artistes qui travaillez sur le chantier de restauration et d’embellissement, et vous les
autorités publiques.

Je voudrais vous remercier tous chaleureusement de votre présence, et de votre soutien pour
l’objet de notre fierté. Ce soutien prend plusieurs formes : d’abord une sorte de consensus de la
population, sans quoi nous n’aurions rien pu faire ; ensuite un engagement fort du diocèse sur les
contenus ; et bien sûr une politique culturelle généreuse et audacieuse de l’Etat, de la Ville et des
différentes collectivités concernées, dans le respect de nos lois.

A ce titre je souhaite, M. le Préfet, exprimer ma vive gratitude aux Services que vous avez la
charge de coordonner en Champagne-Ardenne, même si les grandes décisions sont prises dans la
capitale. Des crédits substantiels ayant été obtenus, ils se sont acquittés remarquablement de leur

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tâche, et nous ne doutons pas qu’ils continueront à le faire pour les futures tranches de travaux. La
cathédrale est magnifique pour son anniversaire.

Mme la Maire, je soulignerai l’implication exceptionnelle de la Municipalité. Six mois de


fêtes, inscrits dans un programme plus vaste encore de manifestations destinées à faire connaître et
aimer davantage notre Ville. La cathédrale avait naturellement sa place dans le dispositif, mais on
peut dire que le maximum a été fait, là aussi dans le respect de nos lois. La cathédrale n’est pas dans
le registre du mieux vivre au 21ème siècle, illustré notamment par l’arrivée du tramway, mais elle
apporte une touche unique, liée à notre histoire, et sans doute au rôle qui est le sien dans la
perspective du service de l’humanité. A l’heure où l’on n’a jamais autant parlé de valeurs à vivre et
à transmettre aux générations à venir, je crois qu’un tel lieu, dans lequel chacun se sent appelé à
devenir meilleur, a quelque chose à voir avec cette préoccupation de tous.

Je ne nommerai personne d’autre, sinon pour dire ma joie que plusieurs représentants d’autres
communautés religieuses de la Ville aient répondu favorablement à mon invitation. Evidemment
tous les Rémois, les Marnais et les Ardennais sont les bienvenus ce soir, mais la présence de ces
représentants me touche infiniment. J’ose penser qu’ils partagent mon analyse sur la nature d’un
sanctuaire comme celui-ci, symbole par excellence de la paix de l’âme et de la paix entre les
hommes, symbole finalement de la cohésion nationale que nous voulons tous.

Dans le livre paru à l’occasion du 8ème centenaire, j’ai posé justement une question : quel est
le métier d’une cathédrale ? quel est le métier de la cathédrale de Reims ? En d’autres termes, à quoi
sert-elle ? Par l’art et la culture, on peut accéder jusqu’aux portes du mystère. Cependant pour entrer
dans le mystère il faut la foi, et la foi est don de Dieu. Non pas que Dieu fasse de sélection entre les
hommes, mais il respecte infiniment les hommes, au point qu’il ne s’impose jamais. Il se propose, il
propose un dialogue intérieur. La masse apparente de la cathédrale de Reims n’est pas faite pour
écraser. Au contraire, dès qu’on pénètre dans l’édifice, on est saisi par l’élévation, la légèreté,
l’élégance du vaisseau. Un peu comme l’homme qui se sent lourd, sur qui pèse tout le poids de la
vie : le voici d’un coup élevé, comme si sa dignité naturelle reprenait vie et consistance dans la
rencontre avec l’hôte du lieu.

L’année qui a suivi sa visite mémorable à Reims, le pape Jean-Paul II, dont la figure a été
donnée en exemple dimanche dernier, s’est rendu au Liban, une terre très chère au cœur des
Français, un carrefour de croyances et de civilisations, qui se remettait à peine d’une longue période
de guerre intestine. Je me souviens qu’il y a déclaré : « Le Liban est plus qu’un pays, c’est un
message ». Essayez d’appliquer cela à notre cathédrale. Elle est plus qu’un édifice grandiose et

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superbe, plus qu’un musée, plus qu’un haut-lieu culturel. Elle est un peu tout cela à la fois, mais elle
est surtout un message, un message inscrit dans l’histoire de notre peuple et des peuples. Un
message déposé dans le cœur de l’homme, pour révéler l’homme à lui-même et qu’il est aimé de
Dieu. Puissiez-vous, chaque fois que vous pénétrez ici, vous sentir en confiance et regarder vers la
lumière.

En attendant la fête liturgique du 15 mai prochain, les choses vont se dérouler à présent selon
le programme que vous avez entre les mains. Nous l’avons conçu, ce programme, pour constituer
autant de facettes de l’événement que nous commémorons. Vu le caractère du lieu, je vous
demanderai de ne pas applaudir les différentes prises de parole qui ponctueront la soirée. Vous
pourrez applaudir par contre, si vous le souhaitez, après le Te Deum, qui est une action de grâce
solennelle, et qui sera exécuté par la Maîtrise, les chœurs et l’orchestre. Viendra pour finir un
moment de recueillement comprenant la lecture de la prière du roi Salomon devant le Temple de
Jérusalem, quelques instants de silence ensuite, et une pièce composée par une personnalité
rémoise, l’Ave Maria d’Arsène Muzerelle, ancien directeur de la Maîtrise. Nous poursuivrons alors
avec ce qui a été prévu par la Municipalité, et dont nous nous réjouissons d’avance. Je vous
remercie.

+ Thierry JORDAN
Archevêque de Reims

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