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ARNAUD TOMÈS
CONSTITUTION , PERSONNALISATION
Ce sont deux des concepts principaux utilisés par Sartre dans son étude
de Flaubert intitulée L’Idiot de la famille. Pour comprendre l’individu
Flaubert et son engagement littéraire (étude qui relève de la psychanalyse
existentielle), il convient de se référer à sa constitution, autrement dit de ce
186 que l’on a fait de lui avant même qu’il puisse le reprendre en intériorité et
en faire quelque chose. Cette constitution (qui rappelle par beaucoup de
Lexique politique points la facticité de L’Être et le Néant) est l’intériorisation par l’individu
de la structure familiale et sociale mais aussi de l’idéologie familiale (bour-
geoise et positiviste chez les Flaubert) ; elle est également fortement
marquée par ce que Sartre appelle la protohistoire de l’individu, c’est-à-dire
les événements de la petite enfance : ainsi, le manque d’amour de la mère
et l’attitude dévalorisante du père (qui choisit son fils Achille pour lui
succéder) confèrent à Flaubert une structure passive, qui sera détermi-
nante dans sa vie et qui l’amènera à choisir l’irréel (IF, I, p. 665-667).
Toutefois, il ne s’agit pas pour Sartre de construire une explication déter-
ministe et mécaniste, qui serait contraire aux principes de l’EN. Car la
constitution est reprise dans le cadre d’un processus de personnalisation,
qui permet à Flaubert de faire quelque chose de ce que l’on a fait de lui :
l’écriture sera pour Flaubert un choix, qui lui permet de dépasser et de
conserver à la fois (selon un modèle dialectique) les dispositions héritées
de sa constitution. « Gustave s’est choisi : n’être que cela, mais l’être pour
toujours » (IF, II, p. 1881) Les notions de constitution et de personnalisa-
tion font donc la synthèse des principaux apports conceptuels de l’EN, en
articulant facticité et transcendance, passivité et activité, et en montrant
(en ce qui concerne Flaubert) qu’il n’y a de passivité, même reçue, que si
elle est en même temps d’une certaine manière choisie.
DIALECTIQUE (RAISON)
EN - SOI
EXISTENCE
GROUPE
MAUVAISE FOI
Si l’homme est cet être qui est à lui-même son propre néant, il peut
toujours choisir de fuir ce néant dans la mauvaise foi. La mauvaise foi n’est
pas le mensonge : celui-ci suppose que le trompeur et le trompé ne soient
pas identiques. À l’inverse, la mauvaise foi est un mensonge que l’on se fait
à soi à propos de soi (EN, p. 82-83). Dans la mauvaise foi, l’homme se
dissimule à lui-même son propre néant d’être pour se donner la fixité et
l’objectivité de l’être en soi. Sartre donne comme exemple de conduite de
mauvaise foi l’attitude de la coquette, qui abandonne sa main à celui qui la
courtise mais ne se rend pas compte qu’elle l’a abandonnée et continue sa
conversation purement intellectuelle : elle est de mauvaise foi car elle joue
sur l’ambiguïté qui fait de chaque être humain à la fois une transcendance
et une facticité. Elle se donne comme n’étant pas son propre corps (trans-
cendance) tout en en sentant profondément la présence (EN, p. 90-91).
Toutefois, seul un être qui n’est pas ce qu’il est et qui est ce qu’il n’est pas
(bref, qui est pour-soi) peut faire preuve de mauvaise foi : c’est parce qu’il
n’est pas garçon de café (au sens où cette table est cette table) que le garçon
de café peut jouer à l’être. La mauvaise foi, qui vise à me présenter comme
une chose, ne fait donc rien d’autre que révéler ma transcendance. Ce
concept de mauvaise foi permet ainsi d’expliquer le mensonge à soi sans
recourir à l’hypothèse erronée, d’après Sartre, de l’inconscient, donc sans
briser l’unité de la conscience. C’est la conscience qui est de mauvaise foi,
et seule une conscience peut adopter à l’égard de soi une telle attitude. À
cette mauvaise foi Sartre oppose l’authenticité, qui consiste à assumer son
192 néant et à refuser la quête de l’en-soi.
POUR - SOI
PRATICO - INERTE
PRAXIS
PSYCHANALYSE EXISTENTIELLE
SÉRIE , SÉRIALITÉ