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Droit et cultures

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52 | 2006-2 : Iran et Occident. Hommage à Kasra Vafadari


Études

L’abolition de l’esclavage au Sénégal : entre plasticité du


droit colonial et respect de l’Etat de droit
The Abolition of Slavery in Senegal: between the Flexibility of colonial Law and
the Respect of the Rule of Law
Mamadou Badji
p. 239-274
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Résumé

Le décret du 27 avril 1848 est généralement présenté comme la base de la législation abolitionniste de l’esclavage
dans les colonies. Cet axiome a commandé jusqu’ici toute l’interprétation de ce texte français. Or, il s’agit là d’une
pure pétition de principe. En effet, notre étude nous conduit à des conclusions différentes de celles qui sont
communément admises et enseignées aujourd’hui.
Il ressort de nos investigations archivistiques que les principes du droit colonial s’inscrivent moins dans ce qui est
proclamé par les textes que dans la mise en œuvre réelle des dispositions juridiques. Le droit colonial exprime un
phénomène de domination, même si en l’occurrence l’abolition de l’esclavage va, bien sûr, à l’encontre de ce
phénomène. L’assimilation est donc une donnée de la domination, et non le principe premier de l’entreprise coloniale.
C’est à cette démonstration préliminaire qu’a été consacré le présent travail
Le Sénégal, devenu indépendant, a le bonheur de réaliser le triomphe des droits naturels, « les pouvoirs et libertés
que l’individu isolé possède dans l’état de Nature ». Le droit sénégalais opte non pour un retour à l’esclavage, à des
pratiques attentatoires à la liberté et à la dignité des personnes, mais pour l’émancipation humaine et la démocratie.
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Entrées d’index

Mots-clés :
abolition, décret du 27 avril 1848, droits de l’Homme, esclavage, Etat de
droit, inapplicabilité, indépendance, négation des droits naturels, Sénégal
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Plan

L’application différée du décret du 27 avril 1848


L’attitude des autorités politiques et administratives
Les décisions de la jurisprudence
Le retour à la légalité
L’attraction des institutions et du droit français sur le système juridique indigène
La consécration des principes de liberté et d’égalité comme principes juridiques fondamentaux de l’Etat de
droit

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Texte intégral
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1 B. Moleur, « Tradition et loi relative au domaine national (Sénégal) », Dakar, Annales Africaines,(...)

1Si la colonie du Sénégal « apparaît historiquement comme la première pierre de l’empire » français
en Afrique noire, son organisation et sa structuration n’ont véritablement commencé qu’à la fin des
guerres napoléoniennes. En effet, dès 1817, les autorités coloniales vont essayer « de constituer en
Afrique une colonie fondée sur la mise en valeur du sol par une main d’œuvre que l’interdiction de la
traite négrière ne permettait plus en principe de transporter dans les plantations des Caraïbes et de
l’Amérique »1.

2La mise en valeur impliquant l’emploi d’une main-d’œuvre locale, se posait la question de
l’esclavage, à un moment où l’Angleterre après avoir aboli la traite dans ses colonies, était désireuse
de rendre universelle la mesure qu’elle venait de prendre. Après avoir obtenu certains arrangements
lors de la signature du traité de Paris de 1814, la France s’engageait à interdire aux sujets français de
se livrer à la traite…

3Cependant, cette mesure n’a pas eu pour conséquence immédiate l’abandon de la main-d’œuvre
esclave : au lieu de relâcher les esclaves saisis à bord des bateaux négriers, on les confiait aux
planteurs à charge de les affranchir au bout de 15 ans, puis comme on ne pouvait plus transporter les
nègres du Sénégal aux Antilles, on songea plus tard à les utiliser sur place.

4Il était donc évident que la traite allait se poursuivre, les pays pourvoyeurs de captifs s’enfermant
par ailleurs dans une logique économique qui tendait à faire de l’homme la seule marchandise
recherchée.

2 Gouverneur à ministre, 22 juin 1819, ANS, 2B4, fol.45.

3 Rapport du directeur des colonies, mai 1816, ANSOM, Sénégal XIV/17.

5Le pouvoir colonial qui n’était pas loin de penser qu’une reconversion économique des comptoirs
français renforcerait ses positions en Afrique, s’attacha à convaincre leurs habitants de renoncer au
trafic des captifs. Les Goréens étaient ainsi invités à trouver « sur la Grande Terre… des terrains
susceptibles d’employer leurs captifs à la culture »2, l’administration se bornant à « signer avec les
princes du pays des traités qui, au moyen de redevances annuelles, leur faciliteraient ces opérations
et les mettraient à même de travailler avec sécurité ». Les Saint-Louisiens étaient quant à eux priés
de porter l’excédent de leur population esclave sur une île du fleuve ou sur le Cap-vert que « l’on se
ferait céder pour former une colonie agricole »3. Aucun résultat significatif n’était cependant
enregistré.

4 F. Zuccarelli, « Le régime des engagés à temps au Sénégal ». Cahiers d’études Africaines, n°7, vol (...)

5 Les Habitants étaient des notables, la frange supérieure de la population, souvent métissée des co (...)

6 Conseil privé, séance du 16 janvier 1844, ANS 3E17.

6Dès sa prise de fonction, le gouverneur du Sénégal, Bouët-Willaumez s’attaqua à cette question. Le


16 janvier 1844, il prit l’avis du conseil privé de la colonie sur l’opportunité de la suppression du
système des « engagés à temps »4. Pour lui, la colonie en tirerait le maximum de profit, en orientant
désormais l’activité des engagés vers l’agriculture ou le service militaire. Pour les Habitants5,
l’éventualité de la suppression de l’institution des engagés à temps irait à l’encontre des intérêts de la
colonie, d’autant que la prospérité de Saint-Louis en dépendait6. Ces objections n’ébranlèrent
nullement la volonté du gouverneur d’en finir avec un système dévoyé et en informa le ministre.
7 I. Murat, La deuxième République. Paris, Fayard, 1987, p. 158-167.

8 Bulletin administratif du Sénégal, p. 469-518.

7Il mit sur pied une commission d’enquête pour déterminer le degré d’attachement des populations à
l’esclavage. Celle-ci révéla que certains propriétaires étaient disposés à libérer leurs captifs en
échange d’une juste indemnité. Au demeurant, l’administration étant soucieuse d’éviter les désordres
et d’avoir l’opportunité d’agir, laissa le débat se poursuivre. En janvier 1845, elle estimait que la
population saint-louisienne était préparée à ce qui allait être l’œuvre du gouvernement provisoire de la
deuxième République. Par décret en date du 27 avril 1848, celui-ci abolit en effet l’esclavage dans les
colonies françaises7. Ce décret fut enregistré au Sénégal le 23 juin 1848 8, pour prendre effet à
compter du 23 août 1848.

9 Le 23 août 1848, à 8 heures du matin, une proclamation affichée et publiée au tam-tam rendait leur (...)

10 Gouverneur à ministre, 12 février 1849, ANS, 2 B 27, fol. 114.

11 Gouverneur à ministre, 15 février 1842, ANS, 2 B 18, fol. 144.

12 Gouverneur par intérim à ministre, 18 septembre 1847, ANS, 2 B17, fol. 61.

13 Gouverneur à ministre, 12 février 1849, ANS, 2 B 27.

14 Ministre à gouverneur, 18 avril 1849, ANS, K 8.

8Dès qu’ils prirent connaissance de ce texte9, certains maîtres protestèrent violemment et


menacèrent de vendre leurs esclaves avant la mise en application du décret10. D’autres envisagèrent
de s’exiler sur la Grande-Terre, hors des limites où pouvait être appliquée la législation française. Ce
mouvement n’était pas nouveau. En 1842, une dépêche ministérielle ayant demandé à l’administration
de recenser toute la population servile, certains propriétaires qui y voyaient l’intention de prohiber
l’esclavage s’étaient retirés au Walo, avec leurs esclaves, pour s’y consacrer à l’élevage et à
l’agriculture11. En 1847 une délégation des notables, mais aussi des noirs libres de Saint-Louis
conduite par le maire de la ville alla rencontrer le gouverneur par intérim, Duchâteau, pour lui dire
« combien la mesure adoptée par la métropole de donner suite aux lois, ordonnances et arrêtés sur
l’esclavage était préjudiciable à leurs intérêts »12. Le gouverneur Baudin demanda à Paris d’attendre
« des circonstances favorables », car il était à craindre, selon lui, que l’application du décret du 27
avril 1848 ne devînt un agent de la désagrégation de la société indigène en même temps qu’un artisan
d’anarchie13. Rien n’y fit. Il lui fut intimé l’ordre d’appliquer le décret d’abolition, même s’il devait,
pour cela, se donner une marge de manœuvre afin de ne pas heurter les susceptibilités locales14.

15 Cour d’appel de l’AOF, 31 octobre 1935, R. 1935.

9Le respect de la légalité en a souffert, d’autant plus que les tribunaux ne sanctionnaient que les
contrats dont les captifs pourraient faire l’objet, la doctrine soutenant même que « le fait de posséder
un esclave ne tombe sous le coup d’aucune loi quand il n’est accompagné d’aucune violence ni
séquestration »15.

10En France continentale, les intérêts économiques en présence ne trouvent plus quant à eux
d’inconvénients à la suppression de l’esclavage ; les consommateurs de sucre n’ont plus de souci à se
faire pour l’approvisionnement ; le blocus continental a en effet obligé à chercher des substituts à la
canne à sucre dont l’un, le sucre à betterave, connaît un réel succès. Par ailleurs, le commerce et
l’armement n’ont plus besoin, comme par le passé, de ces échanges que représentent les divers
éléments du commerce triangulaire ; d’une part, l’amorce d’une révolution industrielle qui se
concrétise encore plus sous le second Empire provoque une expansion des courants internationaux
d’échanges ; d’autre part, une nouvelle conception de la mise en valeur de l’Afrique se fait jour,
marquée non seulement par la colonisation de l’Algérie, mais surtout par la recherche de relations
différentes avec l’Afrique Noire, réservoir de ressources naturelles diverses. Ainsi, tous ont des raisons
d’entériner la décision qui vient d’être prise en 1848 et la réaction politique des années qui suivent ne
doit pas remettre en cause cette incontestable avancée. Nous tenterons d’en évaluer l’applicabilité,
d’autant qu’au Sénégal, la mise en œuvre des mesures prises par le gouvernement provisoire montre
qu’il est trop tôt pour crier vraiment victoire.

16 Mb. Guèye, « La fin de l’esclavage à Saint-Louis et Gorée en 1848 », in Bulletin IFAN, t. xxVIII, (...)

11En effet, les « libertés » de 1848 passent d’un statut de l’esclavage sanctionné juridiquement à un
esclavage rationalisé : à Saint-Louis et à Gorée, les « nouveaux citoyens » restent attachés à leurs
anciens maîtres par les liens coutumiers qu’il est difficile d’endiguer16. D’esclaves, ils sont devenus
des sortes de « serfs domestiques » dans une société où la différence de condition renforce la
hiérarchie sociale.

12C’est contre cette situation que les autorités politiques du Sénégal devenu indépendant ont entendu
élever des garde-fous en décrétant le respect de l’Etat de droit. (deuxième partie).

L’application différée du décret du 27 avril 1848


13Le principe de la prohibition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises est consacré
par le décret du 27 avril 1848, prohibition confirmée par la Constitution de la II e République, du 4
novembre 1848, qui déclare dans son article 6 : « L’esclavage ne peut exister sur aucune terre
française ». Ce texte a force législative et sa portée est générale. Fondamentale est son incidence : à
partir de cette date, en effet, l’esclavage fut aboli de plein droit dans les territoires soumis à la
souveraineté française.

14La mise en œuvre du décret du 27 avril 1848, notamment l’article 7, s’avérait difficile, et cette
difficulté a été invoquée pour en différer les effets.

15Le pouvoir colonial, confronté à des problèmes logistiques, estimait qu’il fallait ménager les
susceptibilités locales, élever le niveau de développement mental et social de l’indigène, avant de lui
appliquer le droit français réputé techniquement supérieur aux coutumes indigènes, considérées de ce
point de vue comme attardées, archaïques.

16Dans cette étape, qu’on a estimé judicieusement préalable à l’application de la loi, il fallait obtenir
l’adhésion des indigènes aux « mœurs » françaises, tout en plaçant leurs institutions sous le contrôle
étroit de l’autorité coloniale.

17Pareille attitude ne pouvait que tenir en échec les contraintes légales conformes à l’Etat de droit sur
le pouvoir colonial.

18La vulgarisation du principe selon lequel le sol français affranchit l’esclave qui le touche a souffert
de l’indécision des autorités. Une interprétation des faits montrera que cette indécision n’est que le
résultat des contradictions entre les objectifs coloniaux et la pertinence de l’organisation sociale
indigène.

19Dans une seconde étape, le pouvoir colonial entend, par une politique interventionniste, modifier le
mode de vie indigène, et porter le coup de grâce à l’esclavage de case.

20L’interventionnisme du colonisateur était cependant fragilisé par les limites tenant à la « pédagogie
coloniale ». En effet, s’il fallait extirper des coutumes les pratiques attentatoires à la liberté et à la
sûreté des personnes, il n’a jamais entendu faire de l’insertion du droit français dans le système social
indigène autre chose qu’un moyen efficace d’assurer la domination des intérêts français ;
l’accommodement perpétuel du pouvoir colonial avec l’esclavage ne s’expliquerait donc que dans ce
cadre.
21L’attitude ambiguë de la France apparaîtra clairement en analysant la complexité de
la ligne suivie par les autorités politiques et administratives et les décisions de la
jurisprudence.

L’attitude des autorités politiques et administratives


17   Gouverneur à ministre, 20 août 1848, ANS, 2B 27, à la date ; ibid., 12 février 1849, ANS, 2B 27, (...)

22Les autorités coloniales justifient l’impossibilité d’appliquer l’article 7 du décret du 27 avril 1848 par
la nécessité de ne pas heurter les susceptibilités locales et par la nécessité de préserver les intérêts
français17. Selon cet article, « le principe que le sol de France affranchit l’esclave qui le touche est
appliqué aux colonies et possessions de la République ».

23Une application stricte de l’article 7, tel qu’il est formulé, pose pour les établissements français de la
Côte occidentale d’Afrique la question même de leur existence.

18 Rapport du chef du Service judiciaire au gouverneur du Sénégal, 10 avril 1855, ANSOM, Sénégal XIV/ (...)

24A l’époque, le Sénégal français ne comprend que quelques établissements minuscules le long de la
côte, de Saint-Louis au golfe de Guinée, ne subsistant que par le commerce de la gomme et la traite
des esclaves. Ces échanges se font avec les populations de l’intérieur. Or l’esclavage rentre dans la
division sociale du travail des populations locales. Faire du principe du sol libérateur un principe
général d’émancipation des esclaves risquerait de provoquer une révolution sociale et de voir affluer à
Saint-Louis et à Gorée les esclaves étrangers en quête de liberté18.

25On n’est pas sans l’entrevoir dans les bureaux de la Marine, et le ministère élabore aussitôt à
l’adresse du « citoyen commissaire de la République au Sénégal et dépendances », des directives qui
apportent quelque tempérament.

26Le principe y est maintenu mais on attire l’attention du gouverneur sur le fait que les alliances avec
les chefs africains doivent être préservées.

19 Ministre à commissaire de la République au Sénégal et dépendances, 7 mai 1848, ANS, K8, à la date.

27On continuera, comme l’exigent les rapports de bon voisinage, à restituer les fugitifs à leur
maître19.

20 Mb. Guèye, l’Afrique et l’esclavage. Une étude sur la traite négrière. Paris, Martinsart, 1983, p. (...)

21 Gouverneur à ministre, 20 août 1848, ANS, 2B 27 à la date, Seul fut modifié l’article 8 : Revue co  (...)

22 Gouverneur à ministre, 12 février 1849, ANS, 2B 27.

28Quoi qu’il en soit, cette restriction paraît insuffisante. Le gouverneur intérimaire, Bertin Duchâteau,
chargé de la mise en application de la nouvelle législation20, demande au ministre, le 20 août 1848,
qu’on revienne à plus de souplesse dans la mise en vigueur de l’article 721. Le gouverneur Baudin
appuie cette demande et la justice par la survenance d’un faisceau de faits graves et concordants. A la
suite de la libération de captifs réfugiés à Saint-Louis, les Maures Trarza refusent de se rendre aux
escales du fleuve pour le commerce de la gomme22.

29Les Maures posent comme condition au rétablissement des relations normales, la restitution des
captifs fugitifs, la suspension du décret du 27 avril 1848.

23 Ministre à commissaire de la République, 26 octobre 1848. A.N.S. 2B 27.


30Une dépêche ministérielle du 26 octobre 1848 y répond : (…) « il ne pourrait plus être
expressément et formellement dérogé pour le Sénégal que par voie législative »23.

24 15 février 1849, pétition signée de 270 noms, ANSOM, Sénégal, XIV/154.

31Comment sortir de cette situation ? Les traitants de Saint-Louis proposent que l’article 7 du décret
du 27 avril 1848 soit suspendu en ce qui les concerne24. Le gouverneur Baudin, pourtant acquis à
l’abolition, écrit le 12 février 1849 une lettre des plus alarmistes au ministre, mais il sait qu’il sera
difficile de saisir l’Assemblée nationale d’une proposition en ce sens. Il faut donc trouver une autre
solution.

25 Gouverneur à ministre, 12 février 1849 : « Je sens bien que des cœurs généreux en France souffriro (...)

26 Gouverneur à ministre, 2, 20 mars, 24 mai 1849, ANSOM, Sénégal XIV/154.

32Le principe du versement d’une indemnité étant écarté par les éventuels bénéficiaires 25, on
convient que seuls les anciens esclaves des établissements français, vendus frauduleusement à
l’extérieur entre la promulgation du décret du 27 avril 1848 et son application effective, seront soumis
aux dispositions de l’article 7. Les fugitifs venus des territoires situés au sud du fleuve ne bénéficient
pas de la protection de la loi, ils doivent être expulsés26.

27 Ministre à gouverneur, 18 avril 1849. Il est fait allusion ici à l’ordonnance organique du 7 septe (...)

33De nouvelles directives complètent les précédentes et réaffirment le principe du sol libérateur, non
sans l’enfermer dans les limites permettant de protéger durablement les intérêts de la domination
coloniale : « En proclamant le principe de l’affranchissement par le sol, le gouvernement de la
République a sans doute entendu en assurer sincèrement la conséquence libérale, mais il n’a jamais
eu la pensée de le faire au mépris de la protection à laquelle ont d’abord droit les citoyens français qui
habitent nos possessions d’Outre-mer…Tout individu non domicilié dont la présence est réputée
dangereuse pour la sécurité de l’établissement colonial peut en être immédiatement expulsé, et ce
pouvoir s’étend, dans ces cas graves, aux citoyens même de la colonie »27.

28 Ministre à gouverneur, 18 avril 1849, ANS, K8.

34Le ministre se fait précis quant aux mesures de police dont il investit le gouverneur
du Sénégal : (…) l’expulsion dont il s’agit doit être pure et simple, et il ne saurait y
avoir lieu en aucun cas de remettre les fugitifs aux mains de leurs maîtres. (…) il sera
toujours préférable de procéder, autant que possible, au renvoi de ces individus au
moment même où ils entreront à Saint-Louis et à Gorée ; il vaudrait encore mieux
s’appliquer à prévenir même leur débarquement, et les scrupules qui devront être
apportés à leur expulsion seront nécessairement plus fondés selon la longueur du délai
pendant lequel ils auront habité le sol de la colonie »28.

29 Gouverneur à ministre, 18 septembre 1847, ANSOM, Sénégal, XIV/dossier 13.

35De son côté, le Gouverneur Duchâteau demanda au ministre de bien vouloir autoriser la campagne
de guerre contre les actes flagrants d’hostilité réitérés deux ans de suite par les Peulhs, les gens du
bas Fouta et du Toro. Cela permettrait, selon lui, de restaurer la tranquillité sur tout le cours du fleuve
et le développement des relations commerciales. Ainsi, les traitants pourraient supporter plus
patiemment les énormes préjudices qu’entraînerait incontestablement l’émancipation de leurs
esclaves29.

30 Gouverneur à ministre, 24 avril 1833, ANSOM, Sénégal, XIV/15 a.


36Dans la deuxième moitié du XXe siècle, pour préserver l’expansion territoriale et économique,
notamment en direction du Soudan, les Français expulsent les esclaves de leurs établissements sur
réclamation des maîtres30, sacrifiant ainsi le principe du « sol libérateur ». Après l’installation des
Républicains au pouvoir, en 1879, coïncidant avec une réactivation du discours abolitionniste, les
entorses aux « principes déclarés » sont dénoncées en France avec une vigueur croissante. Le
1er mars 1880, Victor Schoelcher, alors sénateur, attire l’attention du ministre de la Marine et des
Colonies sur la survivance de l’esclavage au Sénégal et accuse l’administration d’en être responsable.

31 Ministre à gouverneur, 4 mars 1880, ANSOM, Sénégal, XIV/15 d.

37Trois jours après cette interpellation, le ministre de la Marine et des Colonies, Jauréguiberry 31,
prescrit de donner au principe du sol libérateur une interprétation plus large.

32 Ministre à gouverneur, 31 décembre 1880, ANSOM, Sénégal, XIV/15 d.

38L’amiral Cloué, qui lui succède quelques mois plus tard au département de la Marine et des Colonies
prône l’application ferme du principe du sol libérateur32.

39Ces directives sont fraîchement accueillies au Sénégal où Brière de l’Isle et ses successeurs Canard
et Vallon redoutent, entre autres, l’isolement commercial de la colonie et, pis, des tensions politiques,
notamment au Cayor.

40Du côté du Cayor, en effet, le Damel Lat-Dior avait fait du maintien de l’esclavage une question de
principe : « Je ne puis vivre sans avoir des captifs, ni sans pouvoir les envoyer à Saint-Louis » où ils
seraient libérés, rappelait-il.

33 Rapport du gouverneur Brière de l’Isle sur les dangers d’application du principe selon lequel le s (...)

41Pour calmer le jeu, le gouverneur Brière de l’Isle33 proposa de différer les effets du décret du 27
avril 1848.

34 Ibid.

42Le gouverneur craignait qu’une application inconsidérée du principe du « sol libérateur » ne


conduise à une crise d’adaptation, préjudiciable au succès de l’œuvre de colonisation. Il entendait, par
cette modération, prévenir les risques de démantèlement des institutions indigènes. Dès lors, écrivait-
il, la proclamation du principe du sol libérateur au-delà de Saint-Louis se révélait à tout le moins
prématurée, non seulement « dans les circonstances actuelles », mais aussi « pour plusieurs années
encore autour de nos postes et escales »34.

35 Ibid.

43C’est dire que pour servir les intérêts de la domination coloniale, le Pouvoir colonial suspendait
l’application du décret du 27 avril 1848 dans les villages placés sous la protection française à portée
du canon des forts, non sans justifier cette atteinte à la légalité par le souci de ne pas faire de « ces
points des lieux de refuge, des sujets de difficultés insurmontables que toutes les instructions
antérieures ont eu la sagesse de prévoir pour recommander de les éviter »35 .

44En effet « la nécessité de concentrer les efforts et moyens au service d’une conquête bien pensée »
a amené le colonisateur français à proclamer le principe du respect des institutions indigènes, à laisser
se perpétuer les « lois et coutumes » des indigènes, notamment en matière civile et en matière de
statut personnel.

36 J. B. Forgeron, Le protectorat en A.O.F. et les chefs indigènes, Thèse Droit Bordeaux, 1920, p. 17
45Ainsi, dans les « traités » de protectorat que les officiers coloniaux avaient eu à conclure au
Sénégal, on insérait des clauses consacrant le respect des coutumes locales36.

37 Traité signé entre le colonel Schmaltz et le roi Amar Boye, Brack du Walo, le 8 mai 1819, art. 9 : (...)

38 Art. 2 : « Il n’est rien changé aux mœurs, coutumes et institutions du pays ; les chefs actuels co (...)

39 Art. 9 : « La République Française ne s’immiscera ni dans le gouvernement, ni dans les affaires in (...)

40 « Il n’est rien changé aux mœurs, aux coutumes et institutions du pays. Le Bourba Djoloff réglera (...)

41 De Byans, « La nationalités aux colonies », Rec. Dareste 1911, p. 17.

46On peut relever à travers la plupart de ces documents, l’engagement par les signataires français
que la France ne s’immiscerait ni dans le gouvernement, ni dans les affaires intérieures des pays :
c’est l’objet de l’article 9 du traité avec le Walo du 8 mai 1819 37. L’article 2 du traité avec le
Ndiambour du 2 février 1883 avait le même objet38, ainsi que l’article 9 du traité avec le Baol, conclu
le 8 mars 188339, l’article 3 du traité avec le Djoloff en date du 3 juin 1890 40. L’analyse juridique de
ces traités montre qu’ils n’ont qu’un but, gagner du temps; dès lors la base des protectorats stipulés
résidait dans « la volonté seule de l’Etat protecteur » qui pouvait les modifier ad nutum41.

42 J. B. Forgeron, Le protectorat en A.O.F. et les chefs indigènes, thèse droit, cit. p. 17 : « L’on (...)

47Mais si le recours à ces « protectorats » s’expliquait par le souci de ne pas heurter les susceptibilités
locales en ne changeant rien en apparence dans les institutions indigènes42, le comportement de
l’administration française du Sénégal révélait un opportunisme qui faisait bon marché des contraintes
de l’Etat de droit.

48Pourtant, l’ordre public international engageant la France en tant que puissance coloniale était
inconciliable avec le maintien d’une structure esclavagiste.

43 Rapport du chef du service judiciaire au gouverneur du Sénégal, 10 avril 1855, ANSOM, Sénégal, XIV (...)

44 Acte général de la conférence internationale de Bruxelles, 22 juillet 1890.

49On se trouve donc en présence d’un dualisme juridique : d’une part l’existence de coutumes locales
dont l’incidence se traduit par le maintien d’usages séculaires qui sont de la part des indigènes, l’objet
d’un profond respect43 ; d’autre part, les engagements conventionnels et internationaux de la
puissance coloniale, garante, en cette qualité, non seulement du respect des droits de l’homme, mais
aussi du droit des gens44.

50Faut-il en conclure que la France n’a pas assumé ses obligations et que l’égalité des ressortissants
sénégalais, affirmée aux niveaux conventionnel et international, ne fut qu’une façade destinée à
masquer une réalité différente ?

51Comment analyser cette contradiction entre les principes proclamés en France européenne et le
droit appliqué par l’administration française au Sénégal ?

52L’on peut tout d’abord penser que l’administration française au Sénégal n’était pas à même
d’imposer aux populations une mesure d’abolition prise nécessairement sous la forme d’un acte des
autorités métropolitaines.

53Cette première hypothèse paraît fondée, car, jusqu’en 1850, les établissements français du Sénégal
formaient un ensemble dispersé et d’étendue très réduite : îles de Gorée et de Saint-Louis, postes
fortifiés à Mérinaghen dans le Walo, Dagana, Bakel et Sénoudébou sur le fleuve, Albréda en Gambie,
Sédhiou en Casamance, et quelques factoreries.

54Etablissements à vocation mercantile et commerciale, ils n’étaient pas affectés dans leur structure
interne par l’abolition de l’esclavage, comme les « Grandes colonies » qui sont par vocation des
colonies de production ou de peuplement (Antilles et île de la Réunion).

45 J. Martin, L’empire renaissant 1789-1871, Paris, Denoël, 1987, p. 165.

55Là, une masse de travailleurs abandonnèrent les cultures sur lesquelles ils se trouvaient, et le
changement introduit dans les structures sociales et économiques exigea une difficile réadaptation. Au
Sénégal, en revanche, le décret du 27 avril 1848 ne porta que sur 12000 esclaves 45, possédés dans
leur quasi-totalité non par des Européens, mais par des « Habitants », la frange supérieure de la
population locale.

56Très peu travaillaient la terre. Hormis un nombre assez limité d’esclaves loués comme matelots,
employés pour servir à la défense de la garnison et plus tard pour aider les traitants et les négociants
dans leur commerce en rivière, la plupart d’entre eux servaient d’éléments de luxe dont aimaient
s’entourer les grandes familles.

57Toute initiative en ce domaine venait de la France et était sanctionnée par elle grâce au visa de son
administration installée sur place ; les conventions signées entre celle-ci et les chefs locaux étaient
donc un moyen pratique de colonisation.

46 Rapport du gouverneur Brière de l’Isle, cite, 23 mars 181, ANSOM, Sénégal, XIV/15e.

58L’on peut aussi penser que la contradiction entre les principes proclamés en France européenne et
le droit appliqué par le pouvoir colonial provient du maintien des coutumes que l’autorité coloniale a
pris l’engagement écrit de respecter46. Il serait possible de retenir, dans le domaine des influences qui
ont amené à ce maintien des coutumes, « que le nègre ayant été considéré comme un être inférieur,
son système social aussi a été jugé trop archaïque pour pouvoir servir de cadre dans le système
colonial.

47 P. Ngom, L’Ecole de Droit Colonial et le principe du respect des coutumes indigènes en Afrique occ  (...)

59C’est cette différence entre les impératifs coloniaux et la pertinence du système social indigène qui
sera invoquée pour accréditer l’idée qu’un temps plus ou moins long était nécessaire pour amener les
sociétés indigènes à pouvoir user judicieusement du Code civil et des institutions françaises »47.

48 H. Solus, Traité de la condition des indigènes en droit privé, Paris, Sirey 1927, p. 15.

60On peut également estimer, à l’instar du professeur Henri Solus que le colonisateur a jugé
« inopportun et même dangereux » d’accorder aux indigènes les droits politiques et libertés
individuelles à la jouissance desquels ils n’étaient pas préparés. Mieux valait qu’ils restassent des
« sujets », des « protégés » ou des administrés français48.

61Ainsi, les mots d‘ordre de la Deuxième République semblaient s’être arrêtés aux frontières de la
France continentale, laissant la place au Sénégal à une réalité froide, faite de remise en cause des
contraintes inhérentes à l’Etat de droit et de renonciation au droit naturel.

49 P. Ngom, L’Ecole de droit colonial et le principe du respect des coutumes indigènes, thèse de droi (...)

62En effet, « respecter les coutumes présentait d’autant plus d’avantages que les intérêts français
n’en étaient pas moins bien protégés, et qu’il permettait de tenir en échec les contraintes de l’Etat de
droit » sur l’Administration française du Sénégal49.
50 A. Girault, Principes de colonisation et de législation coloniale, 3e édition, Paris, Sirey, 1907, (...)

51 Ibid.

52 Ch. Vernier de Byans, Condition juridique et politique des indigènes dans les possessions colonial  (...)

63Pour le colonisateur – l’idée était largement partagée en doctrine – le maintien des coutumes
indigènes est de bonne politique, dans la mesure où l’ « acheminement progressif » de l’indigène vers
l’organisation sociale des pays européens demandait nécessairement « beaucoup de temps »50. Il
convenait, donc, de procéder, « en cette matière, avec beaucoup de mesure et de prudence »51.
Cette prudence dictée par les réalités du terrain, visait à éviter les « effets subversifs » de la
législation coloniale52.

53 Ibid., p. 58.

64Une mutation était jugée nécessaire pendant laquelle le pouvoir colonial devrait prendre en compte
son obligation de « respecter la double organisation de la famille et de la propriété à laquelle les
indigènes sont habituellement attachés »53.

54 Marchal, « La condition juridique des indigènes ». Rapport du congrès de sociologie coloniale, tom  (...)

65Le pouvoir colonial évitait d’appliquer toute loi assimilatrice54 qui eût pu avoir pour effet d’étendre
l’Etat de droit au Sénégal, et d’amener ainsi au respect du principe de l’égalité devant la même loi
pour tous. C’est dire que le pouvoir colonial s’accommode du statu quo. Au demeurant, la
jurisprudence tentera, par ses décisions, et, non sans quelques atermoiements, de faire respecter la
loi.

Les décisions de la jurisprudence


55 Généralités, 155/1294, ANSOM.

66Le décret du 27 avril 1848 portant prohibition de l’esclavage s’appliquait imparfaitement au statut
de l’esclavage au Sénégal : il ne visait qu’en partie l’esclavage domestique qui avait un contenu
essentiellement juridique et n’impliquait pas le rôle déterminé dans la production qui caractérise une
classe sociale ; il ne portait pas non plus sur l’ensemble du pays ; et de toute façon ce texte prévoyait
une sanction qui ne touchait que des citoyens français, c’est-à-dire un nombre infime. On devait alors
recourir à une loi antérieure, celle du 4 mars 1831, qui fixait des pénalités assez lourdes à
« quiconque aura sciemment recelé, vendu ou acheté un ou plusieurs noirs introduit par la traite dans
une colonie depuis la promulgation de la présente loi »55 : emprisonnement de six mois au moins à
cinq ans au plus.

56 Loi du 4 mars 183.

57 Relevé des arrêts rendus par la Cour d’appel de Saint-Louis en vertu de la loi du 4 mars 1831, ANS (...)

67La loi du 4 mars 1831 tendait à réprimer le transport d’esclaves à travers l’Océan Atlantique, soit,
au Sénégal, toutes les activités gravitant autour de leur embarquement56. Elle fut appliquée d’abord
avec une certaine rigueur, durant les trois années consécutives à sa promulgation, contre des
Européens frappés de peines diverses se montant, selon la culpabilité, jusqu’à dix ans de travaux
forcés57.

58 Relevé des arrêts rendus par la Cour d’appel du Sénégal pour faits de traite de noirs, de détourne (...)

68Au cours du XIXe siècle, des procès furent intentés contre certaines personnes coupables, au regard
du droit français, de détournement ou séquestration d’autres personnes et de traite des Noirs58. Si
entre 1832 et 1834, la plupart des procès concernaient des Européens, des affaires visant
principalement des Africains furent jugées entre 1849 et 1882.

59 Rapport du Parquet au gouverneur, 17 février 1841, ANSOM, Sénégal, VIII, dossier 10 G.

60 Ibid.

69Une question ardue s’était posée pour les juridictions répressives de l’époque, dans l’affaire Gora-
Gasconi. S’agissait-il d’appliquer aux coupables d’achat et de recel d’une captive noire, les dispositions
de l’article 9 de la loi du 4 mars 1831, ou alors l’article 8 du décret du 27 avril 1848 abolissant
l’esclavage ? Le défenseur de Gasconi était plutôt favorable à la législation de 1848 et il demandait
pour son client l’indulgence de la cour. Ce que la juridiction, sous la présidence du juge Darrigrand,
avait suivi en prononçant l’acquittement des accusés et en ordonnant qu’ils seraient mis en liberté sur-
le-champ, s’ils n’étaient retenus pour autre cause59. Le procureur de la République, Fernand Delores,
s’était étonné d’une telle indulgence des juges de la cour d’assises : « Il me semble, écrivait-il, que
pour être allée jusqu’à déclarer comme n’existant pas, des faits prouvés jusqu’à l’évidence, par
l’instruction et les débats, établis catégoriquement par les affirmations de nombreux témoins, mais,
surtout, avoués et reconnus constants par les accusés eux-mêmes, il faut (et c’est une supposition
bien difficile à faire) que la majorité des membres de la cour, n’ait pas compris le mandat dont elle
était investie ; ou bien, et c’est avec le plus grand regret que nous osons le dire, il faut que cette
majorité se soit rendue à l’audience avec des idées préconçues, avec un système de parti pris »60.

70Dans cette affaire, le procureur avait raison de s’offusquer de la décision de la cour parce que les
questions posées aux juges et aux assesseurs l’étaient de manière très simple :

711°) L’accusé Gora, est-il coupable le 21 mars 1875, à Saint-Louis, d’avoir sciemment acheté, la
noire Kounady, introduite dans la colonie pour y être vendue, et d’avoir, la nuit suivante, remis la dite
Kounady au nommé Gasconi, avec mission de la vendre au prix minimum de 400 francs ?…

722°) L’accusé Gasconi, est-il coupable d’avoir sciemment recelé, après qu’elle eût été acheté par
Gora, la jeune Kounady, introduite dans la colonie pour y être vendue, (en la conduisant nuitamment
de Saint-Louis à Gandiole, et en la retenant plusieurs jours dans cette dernière localité, pour tenter de
l’y revendre ?…

61 Rapport du procureur au Ministre, 3 mai 1875, ANSOM, Sénégal XIV/16.

73A la suite de ces deux questions, les membres de la cour devaient, sans avoir à se préoccuper ni de
la législation à appliquer, ni des peines à infliger, confirmer purement et simplement, par une
déclaration affirmative, les dires des témoins et les aveux des accusés61.

74Dans la même année, une nouvelle infraction à la loi du 4 mars 1831 fut encore commise. Il
s’agissait de l’affaire Samba Toute, citoyen de Saint-Louis, prévenu d’avoir acheté dans cette ville,
depuis moins d’un an, une captive noire nommée Diama Thiam pour le prix de 75 francs d’un nommé
Abdou Niang ; ce dernier l’avait eue lui-même d’un toucouleur en échange d’un cheval.

62 Ibid.

75« Déjà, vous vous rappelez, constatait le procureur de la République, la cour a été saisie d’une
affaire de cette nature, où le trafic illicite résultait de l’achat d’une esclave, immédiatement suivi de la
revente avec bénéfices ; un acquittement a eu lieu. J’ai tout lieu de croire, les questions qui furent
alors soumises à l’assessorat spécial portant sur les faits d’achat et de revente reconnus et avoués par
le prévenu lui-même, que cet acquittement n’est intervenu que parce que la loi visée du 4 mars 1831
a paru inapplicable dans l’espèce »62.

63 Dans cette affaire, la Cour d’assises de Saint-Louis avait déclaré que l’accusé Madiaw Joumpa Mbay (...)
76Une seconde affaire, l’affaire Madiaw Joumpa Mbaye63, vint devant la cour d’appel de Saint-Louis
en 1876. Le procureur de la République tenait à l’application de l’article 9 de la loi du 4 mars 1831. La
défense quant à elle, avait contesté la légalité dudit texte. En effet, selon elle : 1°) cette loi, étant
antérieure à l’abolition de l’esclavage datant de 1848, n’avait pu avoir en vue la vente et l’achat des
captifs dans la colonie qui avaient continué à être licites après la promulgation de ladite loi ; 2°) la
peine prononcée par le décret du 27 avril 1848, portant abolition complète de l’esclavage dans les
colonies et possessions françaises, contre les acheteurs ou vendeurs d’esclaves, était seule applicable
à l’accusé, qui n’avait fait qu’acheter et vendre un captif dans la colonie du Sénégal.

64 L’article 9 de la loi du 4 mars 1831 était ainsi conçu : « Quiconque aura sciemment recelé, vendu (...)

65 La Cour constatait que l’on retrouvait dans certains documents officiels, notamment dans l’arrêté (...)

77La cour allait réfuter les arguments de la défense en condamnant finalement l’accusé : considérant,
affirme-t-elle, que la loi de 1831, tout en laissant subsister l’esclavage, avait pour effet d’en arrêter le
progrès en interdisant le recrutement des captifs par le moyen de l’odieux trafic connu sous le nom de
traite ; que l’article 9 de cette loi punit le recel, la vente ou l’achat des noirs introduits par la traite
dans une colonie64 ; que, durant la période qui s’est écoulée entre la loi précitée et le décret du 27
avril 1848, l’achat et la vente de noirs n’étaient permis au Sénégal qu’à l’égard des captifs introduits
dans cette colonie antérieurement à la loi65.

66 Ibid.

78Toujours selon la cour, il n’y avait pas lieu d’établir une distinction entre l’introduction des noirs
effectuée par navires et celle qui avait lieu par terre, entre la traite maritime et la traite intérieure. En
outre, le législateur n’ayant pas défini le mot traite, il semblait naturel de lui maintenir le sens qu’il
avait dans le langage ordinaire, où il signifiait simplement trafic, commerce66.

67 Au Sénégal, note la Cour, « Des habitudes invétérées, dont les victimes subissent passivement l’in (...)

68 L’article 8 du décret du 27 avril 1848 concernait spécialement les français qui possédaient, achet (...)

69 Ibid.

79En outre, la cour affirmait que la loi du 4 mars 1831 était toujours en vigueur et si, de fait, elle était
devenue caduque dans presque toutes les colonies françaises, il n’en était pas de même au Sénégal 67.
Même en admettant l’applicabilité du décret du 27 avril 1848, l’article 8 de ce texte 68 laissait en
dehors de toute atteinte les délinquants étrangers fixés ou circulant (comme le faisait l’accusé) dans
les établissements français, et il ne permettait de frapper que d’une manière presque toujours illusoire
les infracteurs jouissant de la qualité de citoyens français69.

80Par ces motifs, sans s’arrêter aux conclusions du défenseur de Madiaw Joumpa Mbaye déclarées
nulles et faisant droit aux réquisitions du ministère public, la cour considéra que le fait dont le
susnommé s’était rendu coupable, constituait le délit prévu et réprimé par l’article 9 de la loi du 4
mars 1831.

70 Cour d’Appel du Sénégal, affaire Madiaw Joumpa Mbaye, audience du 16 décembre 1876. ANSOM,


Sénégal (...)

81Elle condamna donc le prévenu à 3 ans d’emprisonnement et déclara libre, en tant que de besoin,
l’ancien captif Malick Tine ; ordonna qu’acte authentique de sa libération, sera dressé et transcrit sur
un registre du greffe, et qu’il en sera remis à l’intéressé expédition en forme, sans frais70 .

82Une autre affaire allait poser la question de l’applicabilité de la loi de 1831. Il s’agissait de
l’affaire Ndiack Ndiaye contre Marabat Guèye, jugée par la cour d’assises de Saint-Louis en 1878.
71 Cette affaire révèle de manière incidente un grand scandale concernant la condition des esclaves a (...)

72 Rapport du président de la Cour d’Assises Darrigrand au gouverneur, 19 novembre 1878. ANSOM, Sénég (...)

83Le premier cité était l’un des cultivateurs les plus aisés du pays71. Après avoir longtemps vécu en
bonne intelligence avec Marabat Guèye, chef du village de Guet Ndar (faubourg de Saint-Louis), il
s’était brouillé avec lui72. Les choses en étaient arrivées à tel point, que le 10 juillet 1877, ayant eu
une violente dispute, les deux protagonistes se rendirent sur le bord de la mer pour vider leur querelle
à coups de poing.

73 Le fait paraissait exact, mais il n’avait pas fait l’objet de poursuites, la prescription étant de (...)

84De cette altercation, Marabat sortit légèrement blessé et porta plainte contre Ndiack. Il en profita
pour le dénoncer comme possédant à Bajoum (petit village de Ndiago) un certain nombre de captifs.
Dans une information sommaire faite au parquet par le procureur de la République, Ndiack reconnut
l’exactitude de l’imputation, mais il déclara à son tour que Marabat lui avait, lui-même, vendu trois
captifs, quatre ou cinq ans auparavant73.

74 Selon les mots du président de la Cour d’Assises, Ndiack avait parqué sur son établissement de cul (...)

85L’interrogatoire de Ndiack avait permis de montrer qu’il possédait sur sa propriété quinze captifs
des deux sexes, achetés à bas prix (200 francs en moyenne), sans compter un enfant de deux ans, né
postérieurement à la venue de sa mère à Bajoum. L’un de ces captifs, Barka Sangaré, avait été acheté
dans le fleuve pour un quart de sel, valant environ trois francs à Saint-Louis 74. L’accusé avait été
condamné à 6 mois d’emprisonnement par application de l’article 9, paragraphe 1 de la loi du 4 mars
1831.

86Un incident signalé en 1904 allait cependant révéler les limites d‘une répression de la traite sur le
fondement de la loi du 4 mars 1831.

75 Chambre des mises en accusation de la Cour d’Appel de l’AOF. 27 août 1904, ANS, M. 76, pièce 68. N (...)

76 Cette prise de position, sur un principe jusqu’alors discuté, constituait un net retour en arrière

87Il s’agissait de trois sénégalais, nommés Massamba Diop, Méthabène Diop et Aly Matar Ndiaye,
arrêtés et écroués à la prison de Saint-Louis, sous l’inculpation d’avoir « acheté ou vendu plusieurs
captifs arrivés par caravane des régions limitrophes de la colonie ». L’enquête du juge d’instruction
saisi de l’affaire ayant permis d’établir nettement la culpabilité des trois indigènes, leur dossier fut
transmis à la chambre des mises en accusation75. Cette dernière rendit une ordonnance de non-lieu
en faveur des inculpés, parce qu’elle ne se croyait pas autorisée à élargir le sens de la loi de1831, qui
ne visait en effet que la traite par mer76.

88La chambre ne pouvait davantage faire application du décret du 27 avril 1848, lequel interdisait la
possession des esclaves sous peine de perdre la qualité de Français.

89Il ressortait donc de cet arrêt que les seules dispositions contenues dans la loi du 4 mars 1831
étaient impuissantes à réprimer la traite par terre, par caravanes, qui était la plus pratiquée au
Sénégal.

77 « Attendu. qu’en décidant que les faits ainsi relevés ne pouvaient, par le motif qu’il a donné, pe (...)

90Le procureur général n’accepta pas cette interprétation de la loi et il adressa en juin 1904 un
pourvoi à la Cour de cassation contre l’arrêt de la Chambre des mises en accusation de la cour de
Saint-Louis. La Chambre criminelle de la Cour de cassation, après avoir largement étudié le cas qui lui
était soumis, rendit le 6 avril 1905 un arrêt77 où elle reconnut que la Cour d’assises de Saint-Louis
avait plutôt fait une saine et exacte interprétation de la loi de 1831. La sévérité des sanctions ne
pouvait donc être prononcée qu’en vertu du Code pénal français.

91Selon l’article 341 du Code pénal, en effet, « Seront punis de la peine des travaux forcés à temps,
ceux qui, sans ordre des autorités constituées, et hors les cas où la loi ordonne de saisir des prévenus,
auront arrêté, détenu ou séquestré des personnes quelconques. Quiconque aura prêté un lieu pour
exécuter la détention ou séquestration subira la même peine.

92Seront également punis de la même peine ceux qui auront conclu une convention ayant pour objet
d’aliéner, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, la liberté d’une tierce personne. La confiscation
d’argent, des objets ou valeurs reçus en exécution de ladite convention sera toujours prononcée si la
personne faisant l’objet de la convention est âgée de moins de quinze ans. Quiconque aura mis ou
reçu une personne en gage, quel qu’en soit le motif, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à deux
ans et d’une amende de 2400 à 24000 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement.

93La peine d’emprisonnement pourra être portée à cinq ans si la personne mise ou reçue en gage est
âgée de moins de quinze ans ; les coupables pourront, en outre, dans tous les cas, être privés des
droits mentionnés à l’article 42 du Code pénal cinq ans au moins et dix ans au plus ».

94L’existence de cette législation aurait conduit les pouvoirs publics à adopter une attitude de fermeté
dans la répression des faits de traite et, d’une manière générale, dans la lutte contre l’esclavage.

95Or, en parcourant le relevé des arrêts rendus par la Cour de Saint-Louis en ces matières, on
constate que le nombre des inculpations paraît faible par rapport aux faits qui se produisaient
réellement. Certaines causes s’en trouvaient dans le maintien de certaines coutumes locales
attentatoires aux droits naturels des individus. Mais intervenaient également, entre 1850 et 1914, des
motifs d’ordre politique pour éviter des mises en jugement, susceptibles de provoquer la ruine de la
domination coloniale.

96Nous avons vu les considérations et les raisons d’opportunité qui ont amené le pouvoir colonial à
ménager les susceptibilités locales et à tolérer le maintien de l’institution servile au Sénégal.

78 E. Rau, « Quand les chaînes se dénouent », in Annales Africaines, Dakar, 1959, p. 256-257, citant (...)

97C’est que l’étendue du territoire à administrer, la protection des intérêts particuliers et la faiblesse
numérique des agents de l’Etat ont imposé de fait un accommodement perpétuel avec l’esclavage :
« A Dakar même, dans la ville, sous les yeux de l’autorité, il y a des esclaves, et lorsque l’un d’eux
réclame sa liberté, l’Administration le force à se racheter ou la lui refuse. Pourtant, leurs maîtres sont
citoyens français, soumis aux lois françaises, et en cette qualité ils votent »78.

79 Ibid, p. 257.

80 Commandant de Gorée à gouverneur du Sénégal, 1er décembre 1877, et 30 juillet 1879. ANS, K.11.

98Le maintien de cet état de fait s’explique par l’attitude du pouvoir colonial qui tend à mettre « au
panier sous prétexte de politique », le décret de 1848. Or, ce décret étant promulgué, il devrait être
appliqué, et l’administration ne devrait pas le violer « en se faisant l’intermédiaire de marchés entre le
maître et son esclave »79. En n’appliquant pas la loi, le pouvoir colonial mène une « politique de
faiblesse, de complaisance, la plus dégradante qui soit », parce que ressuscitant par un « singulier
retour à des principes déchus », des pratiques attentatoires à la liberté et à la dignité des
personnes80.

99Devant une telle contradiction entre le droit et le fait, au tournant du siècle, les autorités coloniales
décidèrent de surmonter cet état de chose.
Le retour à la légalité
81 Gouverneur à ministre, 10 mai 1904, ANS, K.27.

82 Décret du 10 novembre 1903 portant réorganisation de l’organisation judiciaire de l’AOF. Rec. Pena  (...)

100Le Pouvoir colonial, tout en invoquant la difficulté qu’il avait d’éradiquer l’esclavage restait
conscient du fait que cet état de fait se maintenait « sans obligation ni contrainte légale d’aucune
sorte »81. Mais il reconnut lui-même la nécessité de concilier le droit avec les faits. Cette position
devait se traduire sur le plan réglementaire par le décret du 10 novembre 1903 82 et la circulaire du
20 août 1904 qui avaient réorganisé l’administration de la justice, en prévoyant le maintien des
coutumes locales en ce qu’elles ne pouvaient avoir de « contraire aux principes de la civilisation
française ».

83 Ibid.

101Le gouverneur général par intérim, Merlin prescrivait dans sa circulaire du 20 août 1904 d’écarter
de l’examen des tribunaux indigènes toutes questions d’état de captivité, et de ne tenir compte
(aucun) de la qualité d’esclave des justiciables ; cette distinction (homme libre/esclave), écrivait-il,
« modifierait profondément, en conformité de la coutume mais en opposition avec nos principes de
justice, le jugement soumis au tribunal suivant la qualification des parties en cause »83.

84 D. Penant, « La condition juridique des indigènes ». Rec. Penant 1906.2.4.

85 Ibid, p. 38.

102Delphin Penant, faisant la critique du décret du 10 novembre 1903, définissait extensiblement les
coutumes respectables, en posant, comme clause d’abrogation, la contrariété avec le droit public, la
morale84. En définitive, soutenait Penant, il y avait lieu de respecter les coutumes pour « démontrer
(ainsi) spécialement » la volonté de la nation conquérante d’instaurer « la liberté et l’égalité pour
tous », sous la seule réserve de celles (des coutumes séculaires) « réprouvées par le droit
naturel »85.

103L’évolution de la doctrine coloniale semblait aller vers une plus grande tolérance, quant à la
différence entre coutumes et civilisation, évolution marquée par des variations autour des conceptions
et de la façon de voir des autorités coloniales. Le contenu de la notion de « principes de la civilisation
française » était indéfinissable.

86 Circulaire Merlin, 20 août 1904, ANS, M79, p. 10.

104D’ailleurs, dès la circulaire Merlin du 20 août 1904, portant application du décret du 10 novembre
1903, l’objection avait été soulevée dans le texte, que les indigènes seraient tentés de créer « une
justice clandestine chargée de régler les questions de captivité » en marge de la justice officielle86 ;
l’explication avancée était que la question avait une grande importance dans la vie indigène,
notamment avec la captivité de case.

87 Instructions de Roume aux administrateurs, 25 avril 1905.

105Des instructions postérieures du gouverneur général Roume87 explicitèrent les dispositions du


décret du 10 novembre 1903 :

1061°) - Le commerce public des esclaves est désormais interdit. Cette prohibition étant la
conséquence immédiate de l’établissement du pavillon français, il importe seulement de la réaffirmer
en refusant que les tribunaux indigènes tiennent compte, « dans les règlements des différends qui leur
sont soumis de la prétendue qualité de captifs par opposition à celle d’homme libre ». C’était
pourtant de jure la première fois qu’une telle prohibition était posée par le gouverneur général.
1072°) - En matière de propriété d’esclaves, toute introduction d’instance devant la juridiction
indigène est désormais interdite. Cette mesure était particulièrement importante puisqu’elle
aboutissait, en fait, à interdire à la personne qui se prétendait propriétaire d’un esclave d’en apporter
la preuve aussi bien au moyen d’un titre de propriété que d’un acte d’acquisition ou d’un acte notarié
constatant la possession d’état. Ainsi démunies de preuves, les requêtes éventuelles ne pouvaient
aboutir.

88 Décret relatif à la répression de la traite des Noirs en AOF et au Congo français (J.O. de l’AOF, (...)

89 Rapport du Président de la Chambre d’homologation de l’AOF, 1er janvier-31 décembre 1907, ANS, M.1 (...)

90 E. Joucla ; « L’esclavage au Sénégal et au Soudan. L’état de la question en 1905 ». Bulletin de la  (...)

108Le changement de dimension de l’entreprise coloniale – désormais la souveraineté française


s’exerce sur des ensembles territoriaux et des populations considérables – permit de tarir la source de
l’esclavage de traite. L’administration interdit et fut en mesure d’empêcher les guerres entre les
populations et les raids esclavagistes des Maures sur les deux rives du Fleuve. Au surplus, comme les
décrets du 10 novembre 1903 et du 12 décembre1905 88 interdisaient pour l’avenir que les questions
de propriété d’esclaves puissent être invoquées devant les tribunaux indigènes 89, seule fut à même
de se poser, pendant toute la période de l’emprise coloniale, la question du maintien des coutumes et
c’est dans ce domaine, celui du maintien de l‘organisation juridique indigène que l’esclavage a pu
survivre à son abolition officielle90.

109C’est dire que l’ordre juridique voulu par la métropole a trop souffert du legs du passé. Il fallait
donc modifier le mode de vie indigène et, donc, s’attaquer aux usages séculaires qui fondaient la
condition esclave et qui étaient de la part des indigènes l’objet d’un profond respect.

91 A. Girault, « La condition des indigènes dans les pays de protectorat », Rapport au Conseil Supéri (...)

92 J.C Escarras, « Introduction à une recherche sur le phénomène d’imitation », Annales du Centre Uni  (...)

110Convaincu de l’idée que les institutions juridiques comme toutes choses humaines évoluent
nécessairement avec le temps, le pouvoir colonial pense – suivant en cela une partie de la
doctrine91 – que l’exemple librement choisi, qui est la seule influence véritablement civilisatrice, suffit
à modifier les institutions juridiques indigènes92. Et dans le sens de cette nécessaire évolution, les
esclaves étaient incités à abandonner leurs maîtres.

111En effet, il était entendu que l’agent actif de cette évolution serait et devait être l’esclave lui-même
qui, conformément à la loi d’imitation, impulserait un changement de son statut, sans même qu’il fut
nécessaire de perturber l’organisation de la famille. Nombreux furent les esclaves qui, naturellement,
abandonnèrent leurs maîtres à la faveur de la protection du Pouvoir colonial.

93 Rapport Poulet, ANS, K. 17.

94 Ibid.

95 Rapport A. Girault, cité, p. 4.

112Il n’en restait pas moins que le nombre de ceux qui continuèrent de s’asseoir aux foyers de leurs
maîtres était assez significatif93. Peut-être avaient-ils préféré aux éventualités « d’une existence
nouvelle qu’ils ignoraient la vie rustique précaire, simple mais certaine qu’ils connaissaient et qui les
avait soutenus jusqu’à ce jour »94. C’est dire que pour le Pouvoir colonial, le mouvement entre les
coutumes indigènes et le droit français ne devait être impulsé que par la seule faculté d’attraction 95du
droit français sur les indigènes eux-mêmes.
113Mais au XXe siècle, l’entreprise coloniale ne pouvait plus être définie par rapport au seul Sénégal ;
la logique coloniale embrassait désormais des ensembles territoriaux et des populations considérables.
Les indulgences que l’on avait eues à l’égard de certaines coutumes au 19e siècle devenaient gênantes
dans l’entreprise nouvelle. En effet, jusqu’aux premières années du XXe siècle, il parut possible de
s’accommoder de l’esclavage tant que cet exercice se déroulait dans le cadre connu du Sénégal du
temps des comptoirs.

114Avec le XXe siècle et le changement de dimension de l’entreprise coloniale, cette tolérance à


l’égard de cette institution coutumière devint contre nature et le Pouvoir colonial entreprit d’y mettre
un terme. Mais, pour avoir trop négligé le poids de sa propre désinvolture, et celui de la tradition
historique, le Pouvoir colonial assista impuissant à la survivance de celle-ci. Cette situation devait
prendre fin à l’indépendance du Sénégal, avec l’instauration d’un Etat de droit .

L’attraction des institutions et du droit français sur le système juridique


indigène
96 Délibération du conseil d’administration de la colonie, compte rendu, 10 avril 1855. ANSOM, Sénéga (...)

115Le colonisateur français estimait que l’esclavage est « la cause du peu de progrès que font (les
indigènes) depuis qu’ils sont en contact avec les Blancs »96. Après avoir parié sur la mise en valeur du
sol sénégalais, il lui faut détruire totalement l’esclavage pour mieux assurer la domination coloniale.
La seule limite à la destruction totale de l’esclavage tient au manque de cadres administratifs
métropolitains. Dans l’attente de cette échéance, l’esclavage de case est toléré. Dans un second
temps, qui commence avec la Première guerre mondiale pour se terminer avec la fin de la Deuxième
guerre mondiale, la politique indigène de la France au Sénégal est caractérisée par un
interventionnisme tous azimuts mais de portée limitée.

116La Première guerre mondiale précipita, dans une certaine mesure, la marche que le Pouvoir
colonial avait souhaité lente. Un arrêté pris par le gouverneur général William Ponty en 1909 avait
promulgué en AOF la loi du 21 mars 1905 qui réglait le service militaire des citoyens Français ; un
décret du 7 février 1912 réglait pour l’AOF le service militaire des indigènes.

97 AOF = Afrique occidentale française. AEF = Afrique équatoriale française.

98 B. Moleur, « L’indigène aux urnes. Le droit de suffrage et la citoyenneté dans la colonie du Sénég (...)

99 Jusqu’en 1848, le Sénégal avait vécu dans la fiction d’une application du Code civil à tous les in (...)

117Au début de 1914, les besoins en hommes furent tels qu’en AOF comme en AEF 97, les hommes
valides furent réquisitionnés. On estimait que l’AOF pouvait fournir 300000 hommes en quelques
semaines ! Les nouvelles recrues étaient dans leur immense majorité d’origine servile. Les originaires
des quatre communes du Sénégal échappaient à la conscription, « non par une répugnance qui n’avait
rien de très originale, mais pour des raisons politiques »98 : ils n’avaient pu être réduits au rang des
autres indigènes. « Adossés à leur droit de suffrage, à leur privilège de juridiction, à leur exonération
de l’indigénat, les originaires se refusaient à être soumis au décret de 1912 sur le service militaire des
indigènes, et l’administration qui n’avait pas osé relever le défi de l’indigénat… n’allait certainement
pas soulever celui-là »99.

100 Bulletin de l’Afrique française, 2e bimestre, 1918, p. 149.

118Dans les pays de l’intérieur, les hommes libres qui avaient de nombreux griefs contre la France
répugnaient à la conscription, la discipline militaire leur donnant l’impression d’être des esclaves. Ils
refusaient de se présenter aux lieux de recrutement. La « chefferie administrative », tenue de
présenter devant les commissions des hommes valides, faisait enrôler les anciens captifs100.

101 Ibid.
119Les soldats qui revinrent en Afrique reçurent en récompense des avantages matériels et moraux
d’une grande importance : exonération de l’indigénat, décorations en faveur de ceux qui se sont
distingués sur les champs de bataille, retraite et emploi dès le retour en Afrique 101. Ces avantages
profitèrent aux esclaves enrôlés.

120Un problème cependant demeure. S’il était concevable et admis qu’un affranchi accède au niveau
de son ancien maître, il était inconcevable que cet affranchi puisse appartenir à la catégorie des
hommes libres sans se démettre de tout ce qui le rattachait à la catégorie des esclaves : esclave ou
libre, il fallait choisir. Sur ce fondement, les anciens esclaves utilisèrent des pensions perçues ou
l’emploi qui leur était proposé pour se donner les moyens de rompre avec les familles de leurs anciens
maîtres.

102 Ibid.

121Même si la plupart d’entre eux décidèrent de rester au village qui les avait vu naître, ils
entendaient assumer leur nouvelle condition d’hommes libres102.

103 Sur les villages de liberté, v. D. Bouche, Les villages de liberté en Afrique noire française, 188  (...)

122Mais le Pouvoir colonial exprimait déjà ses inquiétudes sur les futures relations entre les maîtres et
leurs anciens esclaves. Si les esclaves démobilisés se transformèrent en « agents bénévoles chargés
de canton », appréciant ainsi les bienfaits de la protection du Pouvoir colonial, il en allait autrement
pour ceux qui étaient restés en Afrique. Ces derniers continuaient de vivre le plus clair du temps dans
la case patronale. La disparition des villages de liberté favorisait une telle situation103.

104 R. Maunier, Sociologie coloniale, t. 2, Paris, 1936, p. 92.

105 Circulaire du Gouverneur Général Brevié, 18 août 1932, « Les principes », Gorée, 1932.

123L’Afrique n’étant pas prête – selon l’occupant – à accepter les valeurs occidentales fondées sur le
principe de la liberté individuelle104 et de l’autonomie de la volonté, le changement moral qu’on
désirait opérer ne pouvait se réaliser que par l’attraction des institutions et du droit français sur les
indigènes. Mais, il fallait pour que cela devint possible, que cette évolution se fasse en dehors de toute
influence extérieure, dans un sens déterminé et selon un certain rythme. La circulaire datée du mois
d’août 1932 du gouverneur général J. Brévié nous paraît illustrer la position la plus favorable à la
politique de cette époque : « L’indigène apparut aux coloniaux sous son véritable aspect ; un mineur
incapable dont il fallait d’abord entreprendre l’éducation, sans vaine précipitation, en le laissant
évoluer dans le cadre de ses institutions coutumières, en l’élevant progressivement par une direction
vigilante vers une collaboration de plus en plus intime au fur et à mesure des progrès réalisés »105.

124Au demeurant, le dualisme juridique, qui découlait de l’application du droit français et du maintien
de coutumes indigènes attentatoires à la dignité de la personne humaine, ne manquait pas de tourner
le dos aux principes sur lesquels a été bâtie la mission civilisatrice du colonisateur. En effet, au lieu
d’appliquer la législation française aux indigènes, qui serait un « bienfait » et à la fois un moyen
d’exercer sur eux une « influence favorable à la civilisation », la France avait choisi de protéger ses
intérêts.

125On attendait aussi de la justice une condamnation sans appel de toutes les pratiques
esclavagistes, et une interprétation très large du délit d’esclavage. Celle-ci s’enfermait au contraire
dans une logique qui faisait bon marché de tels scrupules.

106 Cour d’Appel de l’AOF, 20 septembre 1912. Rec. Dareste, 1912.3.303 et note, adde 14 février 1917, (...)

126Elle reconnaissait, par exemple, que la mise en gage, par le débiteur, chez une tierce personne,
d’un membre de sa propre famille, en garantie d’un paiement d’une dette était certes « contraire aux
principes de la civilisation » en tant qu’agissement « de nature à porter atteinte à la liberté
individuelle »106, mais elle la considérait comme la conséquence du régime patriarcal traditionnel chez
les peuples non musulmans de l’Afrique occidentale. C’est dire que selon elle, cet acte ne produit pas
les effets de l’esclavage et ne doit point à ce titre, être sanctionné avec sévérité.

107 Rec. Dareste 1906.1.57. Adde Rec. Penant 1906.3.40.

127En cela, elle ne fait qu’appliquer les dispositions de l’article 4 du décret du 12 décembre
1905107 sur la répression de la traite en AOF et au Congo, texte qui déclare ne point porter préjudice
aux droits résultant de la puissance paternelle, tutélaire, ou maritale sur des mineurs ou femmes
mariées, mais qui ajoute « à condition que les actes accomplis ne constituent une mise en servitude
temporaire ou définitive, au profit de tiers, de ces mineurs ou de ces femmes ».

128Les nécessités de l’évolution juridique inclinent toutefois le Pouvoir colonial à adopter, à la fin de la
Deuxième guerre mondiale, une série de mesures destinées à transformer le milieu social indigène.
D’une part, en effet, l’introduction des droits politiques nouveaux au nom de la Liberté et de l’Egalité
républicaines, permet aux affranchis d’accéder au niveau de leurs anciens maîtres, en tant que
citoyens jouissant des mêmes droits et des mêmes devoirs.

108 Décret n°46-277 du 20 février 1946 portant suppression des peines de l’indigénat en AEF, en AOF, a (...)

109 Décret n°46-877 du 30 avril 1946 portant suppression de la justice indigène en matière pénale en A (...)

129D’autre part, dès le mois de février 1946, un acte réglementaire de la métropole essaie
d’améliorer la condition des indigènes. Il s’agit du décret du 20 février 1946 portant suppression de
l’indigénat108. Un autre décret du 30 avril 1946 supprime la justice indigène en matière pénale et
donne compétence aux seules juridictions françaises, à l’exclusion de toute juridiction indigène, et
pour tous les litiges et toutes les infractions commises par les indigènes109.

110 Loi n°46-645 du 11 avril 1946 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d’Out (...)

130La tendance à l’amélioration des conditions statutaires des indigènes se poursuit avec l’adoption,
le 11 avril 1946, par le Parlement métropolitain, d’une loi portant suppression du travail forcé et du
système de réquisition110. En effet, non seulement cette loi « interdit de façon absolue le travail forcé
ou obligatoire » (art. 1er), mais encore elle frappe d’une sanction correctionnelle, « tous moyens ou
procédés de contrainte directe ou indirecte aux fins d’embaucher ou de maintenir sur les lieux du
travail un individu non consentant » (art. 2).

111 Loi n° 46-940 du 7 mai 1946 tendant à proclamer citoyens tous les ressortissants des territoires d (...)

131Une loi111, en date du 7 mai 1946, délibérée et votée par la Constituante, étend à tous les
ressortissants des territoires français d’Afrique noire, la citoyenneté française ; c’est la naturalisation
en bloc dans leur statut, de tous les négro-africains des colonies françaises au Sud du Sahara. Cette
loi opère, selon les auteurs, une révolution dans le droit public français : elle réunit tous les
ressortissants des colonies avec les Français de la Métropole dans la même citoyenneté sans
discrimination de race, de couleur, de religion, de statut civil personnel et de condition sociale.

112 Voir l’opinion critique de P. Ngom, l’Ecole de droit colonial et le principe du respect des coutum  (...)

113 Article 80, Constitution du 27 octobre 1946.

114 Article 81 de la même Constitution.

132La constitution adoptée le 27 octobre 1946, confirme en matière de citoyenneté française, la


perspective ouverte par la loi du 7 mai 112. Non seulement son préambule proclame sa fidélité à la
Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, mais deux de ses dispositions consacrent
définitivement les mesures prises par la loi du 7 mai 1946. La première dispose : « Tous les
ressortissants des territoires d’Outre-mer ont la qualité de citoyen au même titre que les nationaux
français de la métropole ou des territoires « d’outre-mer »113, et la seconde : « tous les nationaux
français et les ressortissants de l’Union française ont la qualité de citoyen qui leur assure la jouissance
des droits et libertés proclamés par la préambule de la présente constitution »114.

115 F. Borella, L’évolution politique et juridique de l’Union française depuis 1946, Paris, LGDJ, 1958 (...)

133Toutefois, du point de vue de leurs conséquences, ces deux articles n’apportent pas « grand chose
pour les ressortissants des colonies et territoires associés »115 car la Constitution française leur est
déjà entièrement applicable au seul titre de la loi du 7 mai 1946. Elles sont cependant capitales sur le
plan individuel, dans la mesure où elles consacrent l’amélioration de la condition statuaire des
ressortissants des colonies.

134Mais la justice ne les a jamais invoquées. Tout au plus a-t-elle sanctionné la plupart des faits dont
elle a eu connaissance sur le fondement de leur contrariété par rapport aux « principes fondamentaux
de la civilisation française ».

135Cependant, si les faits n’étaient pas encore en accord avec le droit, le droit devait finalement
triompher, et l’esclavage devait disparaître définitivement du Sénégal en 1960, le droit positif
consacrant par ailleurs les principes de liberté et d’égalité comme des principes fondateurs d’une
doctrine des droits de l’Homme.

La consécration des principes de liberté et d’égalité comme principes


juridiques fondamentaux de l’Etat de droit
116 E. Joucla, « L’esclavage au Sénégal et au Soudan », art. cité, p. 3 et s.

117 Instructions Merlin, 20 octobre 1904, ANS, M79, pièce 92.

118 Réglementation au sujet de l’esclavage, 1903, ANSOM, Sénégal XIV/28 bis.

119 Discours de Roume au conseil de gouvernement, 4 décembre 1905. ANS, K.26.

120 Cour d’Appel de l’AOF, 20 septembre 1912, Rec.  Dareste, 1912.3.303.

136Si une investigation au niveau des faits donne l’impression que le Pouvoir colonial a su, jusqu’au
début du XXe siècle, gagner du temps et économiser les moyens d’une action contre l’esclavage116,
l’argument est brandi à partir du décret du 10 novembre 1903 qu’on ne doit soustraire les coutumes
indigènes à l’action du progrès117. Mais dans le même temps, il était entendu que le Pouvoir colonial
ne saurait s’attaquer à l’esclavage sans ruiner les fondements de la famille indigène118. La mise en
œuvre de la législation relative à la prohibition de l’esclavage sous toutes ses formes est, dès lors,
suspendue au progrès que réalisera l’indigène dans sa marche vers un « état de civilisation »119.
Quant à la jurisprudence, si elle a cautionné l’idéalisme républicain, étant convaincue de la valeur
universelle des principes du droit français, elle n’aura pas accepté de tirer toutes les conséquences de
l’ingérence du législateur colonial dans la transformation du milieu récepteur, du moins quant à ses
effets sur la condition des esclaves120.

137Le paradoxe colonial s’est donc perpétué, la contrariété voire l’incompatibilité de l’esclavage avec
les « principes de la civilisation française » étant brandie d’un côté, pendant que de l’autre l’indigène
était cantonné dans ses coutumes ancestrales.

121 Lainé, « Le droit international privé en France considéré dans ses rapports avec la théorie des st (...)
138Il est facile de convenir que « la conquête a mis en présence deux ou plusieurs nations, dont les
mœurs, la religion, les lois sont profondément différentes et le vainqueur, qui ne veut pas adopter les
lois des vaincus, se sent incapable ou dédaigne de leur imposer les siennes »121. Cependant,
l’évolution qui s’était produite au tournant des années d’après-guerre allait dans le sens d’un large
accueil des solutions françaises, notamment à Saint-Louis et dans les grands centres urbains où
l’esclavage ne s’alimentait plus par la traite ni par le pillage.

122 Le nombre des « captifs » ne peut être fixé d’une manière certaine, car il varie évidemment en sen (...)

139Dans les pays de l’intérieur, moins touchés par les idées du colonisateur sur l’égalité et la liberté, il
n’est pas sûr que l’esclavage de case ait disparu au cours de ces années 122: l’existence de liens de
fidélité entre le maître et l’esclave, le besoin de se prêter mutuellement main forte constituent des
obstacles à la disparition brutale d’une institution à laquelle les indigènes sont eux-mêmes attachés.
Certes, le maître cherche à prolonger aussi longtemps que possible une situation avantageuse mais
qu’il sait irrégulière ; l’esclave n’en trouve pas moins son compte, dans la mesure où aucun
déshonneur ne s’attache plus à la condition d’esclave inexistante en droit, même aux yeux des
indigènes.

123 Cour d’Appel de Dakar, le 21 janvier 1959, Rec.  JAN, jurisprud., p. 35.

124 Ibid.

140Une telle situation ne pouvait changer radicalement qu’avec l’accession du Sénégal à


l’indépendance. Devenu le 24 septembre 1958, « un Etat autonome, libre de légiférer ainsi qu’il
l’entend »123, le Sénégal se dote d’une législation nouvelle. Le droit sénégalais opte non pour un
retour à l’esclavage, à des pratiques attentatoires à la liberté et à la dignité des personnes, mais pour
l’émancipation humaine et la démocratie. La justice accueille avec beaucoup de faveur le droit
nouveau. Elle va ainsi contribuer à maintenir l’ordre et à créer de nouvelles habitudes d’obéissance à
la loi, qui ont pour effet de modifier les us et coutumes dans le sens souhaité par les pouvoirs publics.
L’affaire qu’a eu à connaître la Cour d’appel de Dakar 124 dans son arrêt du 21 janvier 1959 est à cet
égard édifiante.

141Un individu se présente au domicile d’un défunt et s’empare des effets mobiliers et des papiers
familiaux de ce dernier, ainsi que le linceul fourni par la mairie et du produit d’une collecte faite au
profit de la veuve- cette dernière, accablée par la douleur, ne cessant de protester contre ces
agissements.

142Poursuivi pour vol, l’auteur de ces soustractions fait valoir que le défunt, étant le fils d’un esclave
de sa mère, était donc son captif, et que par conséquent, selon la coutume wolof islamisée, tous les
biens que celui-ci pouvait laisser à sa mort devenaient la propriété de son maître, et non celle de sa
veuve ou de ses enfants.

125 J. Larguier, « Chronique de jurisprudence criminelle », Annales Africaines, 1960, p. 123-125.

126 Ibid, p. 123.

143« L’argument, écrit le Professeur Larguier (commentant l’arrêt de la Cour), ne saurait avoir la


moindre valeur (sauf à admettre une application macabre et distendue de l’accession) en ce qui
concerne le linceul et le produit de la collecte, biens ne faisant pas partie de la succession »125. Mais
quel pouvait être son poids – s’interroge le pénaliste – « quant aux effets mobiliers de cette
succession »126 ?

127 Le jugement est rapporté par J. Chabas, « Le droit des successions chez les wolofs » Annales Afric  (...)

144Un tribunal du premier degré, de droit local, avait, certes, déclaré le « maître » propriétaire de la
succession127, en déboutant la veuve de sa demande en restitution : mais cette décision avait été
infirmée par la Cour de Dakar, de sorte que le prévenu, ne pouvait, à l’extrême, invoquer sa bonne foi
qu’au moment des faits seulement. La Cour d’appel de Dakar, tout en tenant compte, en fait des
circonstances de l’espèce (notamment du faible intérêt personnel du coupable) pour ne prononcer
qu’une peine légère, estime que le vol est néanmoins constitué, et cette décision mérite pleinement
approbation.

128 J. Larguier, article cité, p. 124.

145Et le professeur Larguier a écrit à cet égard ces mots que nous partageons : «il faudrait, en effet,
pour rejeter la qualification sur le plan de l’élément légal, admettre qu’il puisse encore y avoir des
esclaves au Sénégal : une telle possibilité heurterait violemment, à l’évidence, les principes du droit
ayant autorisé au lieu et au moment des faits de la cause »128.

129 Ibid.

146Certes, comme le relève la Cour, le Sénégal est devenu, le 24 septembre 1958, « un Etat
autonome, libre de légiférer ainsi qu’il l’entend ». Et si le droit sénégalais avait alors opté pour un
retour à l’esclavage, cette loi nouvelle, plus douce que la règle ancienne, eût pu s’appliquer à des faits
pourtant antérieurs – à s’en tenir, il est vrai, aux solutions traditionnelles du droit français concernant
l’application dans le temps des lois pénales. « Mais rien ne fait apparaître, dans le droit du Sénégal ou
du Mali (où l’on parle – la Cour de Dakar le rappelle – de démocratie et d’émancipation humaine), on
ne sait quel retour à des pratiques anciennes, justement honnies, abandonnées depuis longtemps au
moment de la proclamation de l’autonomie du pays dont il s’agit. Ne serait-il pas choquant, du reste,
sinon tout à fait paradoxal, de voir l’indépendance nouvelle d’un Etat se traduire par une dépendance
des individus, et l’autonomie de la collectivité dissimuler l’esclavage des hommes ? »129.

147La force et la constance de l’ordre public ne sauraient être effacées rétroactivement par des
pratiques nouvelles – dont l’établissement, d’ailleurs, est plus qu’incertain. Reste à apprécier
l’intention du prévenu : ce dernier ne pouvait-il pas, de bonne foi, croire à l’existence et à la vigueur
de la règle coutumière ancienne ? La Cour de Dakar rejette, à juste titre, cette prétendue erreur de
droit, ou ignorance de la loi. Elle affirme sans ambages que la liberté humaine est de droit naturel.

148Peut-être le prévenu regrettait-il (avec, le cas échéant, « d’autres personnes de son entourage) un
état de choses révolu, qu’il aurait désiré symboliquement faire revivre ».

149Et le prévenu avait si précisément à l’esprit la vraie règle, que lorsqu’il avait été interrogé par les
gendarmes, il avait déclaré considérer le défunt comme son « parent », n’osant pas dire son
« esclave ». C’est pour lutter contre cet état du droit que le législateur moderne interdit l’esclavage
sous toutes ses formes. En effet, l’ordre public acquis est trop fortement et trop directement intéressé
pour laisser place à cette institution coutumière.

130 G. Mangin, « Les droits de l’homme dans les pays de l’Afrique contemporaine », Revue des droits de(...)

150S’inspirant très largement du modèle métropolitain, le constituant sénégalais proclame son


attachement à la constitution d’une société politique, fondée sur le droit et le respect de la dignité de
la personne humaine130.

131 Loi constitutionnelle du 26 août 1960. JORS du 31 août 1960, p. 881.

151Le droit sénégalais tente de renouer d’une part avec les principes du droit naturel – sacrifiés sur
l’autel du principe du respect des coutumes indigènes – et, d’autre part, avec la doctrine des droits de
l’homme. Cette conciliation est exprimée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789, à laquelle renvoie le Préambule de la constitution sénégalaise du 26 août 1960131.

132 B. Moleur, « Ce droit colonial qui n’existe pas … », Revue de la Faculté de Droit, Université d’Av  (...)
152En premier lieu, on peut voir dans l’attention que les rédacteurs de la Constitution sénégalaise
accordent à la Déclaration des droits de 1789 la conséquence de l’expérience coloniale des sociétés
sénégalaises : le Pouvoir colonial violait lui-même les principes qu’il plaçait au cœur de la « civilisation
française », à savoir le principe de la légalité et le respect des droits naturels et de la dignité de la
personne humaine. En effet, « lorsque dans la première moitié du 19è siècle, la France, résolut de
mettre un terme » à la traite des Noirs et ensuite de mettre de l’ordre au Sénégal « jusqu’à y exercer
le pouvoir », l’administration qui ne voulut jamais exercer le pouvoir, avait trouvé « bien plus de
commodité à gérer des Indigènes plutôt que des Individus »132.

153En second lieu, on peut considérer la référence à ce texte comme une réaction contre les atteintes
aux droits de l’homme dans les sociétés traditionnelles. Dans ces sociétés, en effet, le droit de
propriété illimitée des biens matériels s’étendait sur les êtres humains réduits à objets de trafic.

154C’est dire que la référence à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 offrait un
cadre permettant de rationaliser une doctrine des droits de l’homme. C’est dire également que la
référence à cette déclaration est l’argument juridique irréfragable qui tend à justifier toutes les
interventions de l’Etat dans le domaine socio-politique, et, ainsi, à présenter les individus comme des
sujets de droit.

155La consécration des droits individuels n’aurait qu’une portée limitée si elle demeurait une simple
déclaration d’intention contenue dans le préambule, puisque le préambule n’avait pas de force légale
positive. Mais, pour leur donner un contenu réel, ils avaient fait l’objet de dispositions expresses de la
Constitution elle-même. Ainsi de l’article 6, de la Constitution : il garantit le respect de la dignité
humaine et reconnaît l’inviolabilité et l’inaliénabilité des droits de l’homme comme base de toute
communauté humaine. En outre, il garantit le droit au libre développement de la personnalité de la
personne humaine.

156Sur ce fondement, le droit constitutionnel va exercer une influence indirecte sur les sources du
droit privé pour contrer les effets pervers de la loi elle-même ou de l’application de la loi. Ainsi, on
considèrera que les principes fondamentaux, à partir du moment où ils ont reçu valeur
constitutionnelle, sont de droit positif et sont susceptibles de s’appliquer, en l’absence de toute loi, lors
de la conclusion de conventions privées.

157Dans une certaine mesure, il paraît exister une certaine analogie entre cette formule et celle qui
consiste à interdire l’esclavage par la notion d’ordre public.

133 En l’occurrence, la Cour Suprême (dans la Constitution du 26 août 1960).

158La question, loin de ne présenter qu’un intérêt théorique, est essentielle et constitue un enjeu
important. Si l’on considère que l’effet des principes constitutionnels est limité aux seuls pouvoirs
publics, l’on en revient à une technique que l’on peut assimiler à la fameuse théorie de la loi – écran.
Le respect des normes constitutionnelles s’impose alors au législateur soumis au contrôle du juge
constitutionnel133. Et il s’impose également au juge chargé de l’application de la loi.

159C’est dire que ce dernier ne peut, sauf à commettre une erreur de droit, reconnaître le caractère
constant d’une « coutume contraire aux dispositions constitutionnelles du Sénégal qui proclament
l’égalité des citoyens ».

134 M. Villey, Leçons d’histoire de la philosophie du droit, Paris, 1962, p. 58.

160En tout état de cause, la fracture qui existe entre les gouvernants et les gouvernés dans la société
traditionnelle peut être réduite par l’application de la même loi pour tous, le respect des « droits
naturels », c’est-à-dire « les pouvoirs et libertés que l’individu isolé possède dans l’état de
Nature »134.

161Au demeurant, ce qu’il faut comprendre quand on parle de la réduction de la fracture entre
gouvernants et gouvernés dans la société traditionnelle, c’est l’éviction déjà réalisée par laquelle la
logique du pouvoir, fondée sur l’assujettissement des personnes, a été confinée dans ses derniers
retranchements, en attendant sa disparition totale.

135 G. Hesseling, Histoire politique du Sénégal. Paris, Karthala, 1985, p. 199.

162Certes, le colonisateur avait maintenu la barrière qui, jadis, séparait le peuple de ses dirigeants,
mais la substitution du droit moderne au droit colonial avait consacré l’unification du droit par
l’intégration des différents systèmes de droit. Ce droit s’est imposé : il supplante également la
coutume appelée dès lors à être « mise en harmonie » avec des principes constitutionnels ou supra
constitutionnels d’importation, inspirés des idées de la Révolution de 1789, de la Déclaration des
droits de l’homme de 1948, ou de la Constitution française de la cinquième République. Ce droit, à la
différence du droit colonial qui s’attache en permanence à établir l’infériorité de l’indigène, et des
coutumes qui fondent la hiérarchie entre les personnes, proclame l’égalité des citoyens135.

163Mais puisque l’égalité est la négation même de l’esclavage, et étant donné que l’égalité est
synonyme d’Etat de droit et de respect de la légalité, la question est de savoir si le décret du 27 avril
1848 – en réalité peu équivoque quant à la prohibition de l’esclavage – n’a pas été « mis au panier »
pour soustraire le Pouvoir colonial de son obligation de respect des contraintes récurrentes à l’Etat de
droit.

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Bibliographie

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1. Sources manuscrites

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Sénégal, XIV 11, Condition des esclaves amenés en France, 1820-1851.

Sénégal, XIV 12, Etat civil et police des noirs.

Sénégal, XIV 15, Abolition de l’esclavage, 1828-1882.

Sénégal, XIV 16, Esclavage et traite. Affaires judiciaires, 1828-1882.

Sénégal, XIV 17, Application de l’Acte général de la conférence de Bruxelles, 1892-1895.

Sénégal, XVI 28 bis, Traite des négresses, mariage des indigènes, 1899-1900.

Réglementation au sujet de l’esclavage, 1903.


Soudan, XIV1 (numéro de la série). Esclavage, traite des Noirs, 1890-1895.

Archives nationales (A.N.S.) de la République du Sénégal

Série B :  Correspondance générale

a – Sous- série 1B : Ministre à gouverneur

De IB32 à IBIO3, notamment :

IB36 à IB41. Correspondance avec le gouverneur Bouët-Willaumez, 1843-1844.

IB54 à IB64. Correspondance avec le gouverneur Protet, 1850-1854.

IB66 à IB79. Correspondance avec le gouverneur Protet, 1854-1869.

IB99 à IBIO2. Correspondance avec le gouverneur Valière, 1869-1871.

b – Sous-série 2B : Gouverneur à ministre

Masse considérable sur tous les sujets, de 2BI3 (1828) à 2B33 (1863-1864). S’y ajoutent
quelques registres non répertoriés dans le catalogue de Faure et Charpy.

Correspondance confidentielle de 1850 à 1857.

c – Sous-série 3B : Gouverneur à toutes personnes autres que le ministre.

De 3B22 à 3B97

Dont Gorée : commandant de Gorée, 1859-1868 ; 3B59, 81, 86, 88.

Haut-Fleuve : Chefs de poste, chefs indigènes, chefs de service, 1851-1870 ; 3B66, 77, 78, 82,
87, 89.

Bas-Fleuve : Chefs de poste divers, 1859-1869 ; 3B79, 80, 87, 90.

Chefs indigènes : 1847-1871, 3B64, 89, 91 à 96.

d – Sous-série 4B26 : Commandants de Gorée et commandants supérieurs du 2e arrondissement

De 4B26 à 4B35. 1850-1868 ; 1859-1900 (Recrutement indigène).

6BI.

e – Sous-série 6B : Correspondance reçue par le commandant de Gorée.

6B62 à 6B67. Dakar et Albreda, 1856 et 1857.

e – Sous- série 13G : Affaires politiques, administratives et musulmanes. Sénégal

13GI à 12. Traités conclus avec les chefs indigènes, 1782-1893.

13G23 à 35. Affaires politiques et administratives générales, 1839-1885.

13G41. Emigration des Peuls du Fleuve dans le Nioro, 1885-1889.


13G80 à 163. Le fleuve, de Saint-Louis à Matam, 1839-1894.

13G164 à 250. Bakel, le Haut-Sénégal, le Bambouk, 1821-1872.

13G253 à 292. La côte et l’intérieur, de Saint-Louis au Cap-Vert, Cayor, 1844-1873.

13G312 à 320. Le Saloum et le Sine.

13G360 à 369. La Casamance, 1820-1874.

Sous -série 15G : Affaires politiques, musulmanes et indigènes. Soudan.

15G1. Traités, dont traités avec les représentants d’El Hadj Omar, 1855-1879.

15G2, 15 G63, 15G64. Autres traités et correspondances, 1821-1883.

15G108, 1G109. Correspondance du poste de Médine.

Série K : Esclavage et captivité

K1. P.V des réunions de la commission chargée de la préparation du décret d’abolition de


l’esclavage, 1848.

K5. Correspondance administrative concernant l’application du décret, 1849-1850.

K6. Correspondance échangée avec les commissaires du gouvernement dans les colonies
intéressées, 1848-1850.

K8. Etats de règlements définitifs et états nominatifs des indemnitaires du Sénégal, 1849-1850.

K11. Abolition de l’esclavage

K12. Esclavage et captivité, 1881-1892.

K.13. Captivité au Sénégal, 1893-1894.

K.14 Captivité au Soudan, Rapports des administrateurs, 1894.

K.15. Captivité en A.O.F., 1900-1903.

K.16. Enquête sur la captivité en A.O.F., 1903-1905.

K.17. Enquête sur la captivité en A.O.F., Rapport Poulet, 1905.

K.18. Enquête sur la captivité, Sénégal, 1904.

K.19. Enquête sur la captivité, Sénégambie-Niger, 1904.

K.23. Tutelle des mineurs délivrés de la condition de captivité, 1903-1908.

K.24. Captivité et répression de la traite en A.O.F., 1904-1906.

K.25. L’esclavage en A.O.F. Rapport Georges Deherme. S.d ; (1906).

K.26. Captivité et répression de la traite en A.O.F., 1907-1915.


K.27. Captivité et répression de la traite au Sénégal, 1902-1907.

K.28. Captivité et esclavage en Guinée, 1904-1905.

K.29. Captivité et esclavage en guinée, 1907-1911.

Série M : Justice

M76. Justice française. Affaires, 1904-1907.

M79. Justice indigène. Réglementation, 1901-1903.

M91. Justice indigène. Principes. As à Ca (Cette liste alphabétique inclut les captifs), 1903-1914.

II. SOURCES IMPRIMEES

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et Cultures, n°5, 1983, p. 97-103.

Abréviations

ANS : Archives nationales du Sénégal.

ANSOM : Archives nationales de France, section d’Outre Mer (Aix-en-Provence).

Bull. Adm. du Sénégal : Bulletin administratif du Sénégal.

Rec. : Recueil.

RFHOM : Revue Française d’Histoire d’Outre Mer.

RJPUF : Revue Juridique et Politique de l’Union Française.

RJPOM : Revue Juridique et Politique d’Outre Mer.

RJPIC : Revue Juridique et Politique, Indépendance et Coopération.

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Notes

1 B. Moleur, « Tradition et loi relative au domaine national (Sénégal) », Dakar, Annales Africaines, 1979-
1980, p. 25.

2 Gouverneur à ministre, 22 juin 1819, ANS, 2B4, fol.45.

3 Rapport du directeur des colonies, mai 1816, ANSOM, Sénégal XIV/17.

4 F. Zuccarelli, « Le régime des engagés à temps au Sénégal ». Cahiers d’études Africaines, n°7, vol II,
1972, p. 424-426.

5 Les Habitants étaient des notables, la frange supérieure de la population, souvent métissée des comptoirs.

6 Conseil privé, séance du 16 janvier 1844, ANS 3E17.

7 I. Murat, La deuxième République. Paris, Fayard, 1987, p. 158-167.

8 Bulletin administratif du Sénégal, p. 469-518.

9 Le 23 août 1848, à 8 heures du matin, une proclamation affichée et publiée au tam-tam rendait leur
liberté à tous les esclaves.

10 Gouverneur à ministre, 12 février 1849, ANS, 2 B 27, fol. 114.


11 Gouverneur à ministre, 15 février 1842, ANS, 2 B 18, fol. 144.

12 Gouverneur par intérim à ministre, 18 septembre 1847, ANS, 2 B17, fol. 61.

13 Gouverneur à ministre, 12 février 1849, ANS, 2 B 27.

14 Ministre à gouverneur, 18 avril 1849, ANS, K 8.

15 Cour d’appel de l’AOF, 31 octobre 1935, R. 1935.

16 Mb. Guèye, « La fin de l’esclavage à Saint-Louis et Gorée en 1848 », in Bulletin IFAN, t. xxVIII, série B,
n°3-4, juillet-octobre 1966, p. 637-656.

17   Gouverneur à ministre, 20 août 1848, ANS, 2B 27, à la date ; ibid., 12 février 1849, ANS, 2B 27, à la
date.

18 Rapport du chef du Service judiciaire au gouverneur du Sénégal, 10 avril 1855, ANSOM, Sénégal XIV/15
b.

19 Ministre à commissaire de la République au Sénégal et dépendances, 7 mai 1848, ANS, K8, à la date.

20 Mb. Guèye, l’Afrique et l’esclavage. Une étude sur la traite négrière. Paris, Martinsart, 1983, p. 219-274.

21 Gouverneur à ministre, 20 août 1848, ANS, 2B 27 à la date, Seul fut modifié l’article 8 : Revue coloniale,
août 1858, p. 255.

22 Gouverneur à ministre, 12 février 1849, ANS, 2B 27.

23 Ministre à commissaire de la République, 26 octobre 1848. A.N.S. 2B 27.

24 15 février 1849, pétition signée de 270 noms, ANSOM, Sénégal, XIV/154.

25 Gouverneur à ministre, 12 février 1849 : « Je sens bien que des cœurs généreux en France souffriront…
mais il faut attendre des circonstances plus favorables », ANS, 2 B 27.

26 Gouverneur à ministre, 2, 20 mars, 24 mai 1849, ANSOM, Sénégal XIV/154.

27 Ministre à gouverneur, 18 avril 1849. Il est fait allusion ici à l’ordonnance organique du 7 septembre
1840, qui confère, entre autres, à l’autorité de la colonie le pouvoir d’expulser tout individu dont la présence
est réputée dangereuse pour l’ordre public, la sécurité et la tranquillité de la colonie. Déjà, les directives
d’Arago du 7 mai 1848 y faisaient référence, et leur application devrait s’étendre aux « difficultés
politiques » qui pourraient surgir avec des chefs à la suite d’évasion de captifs, ANS, K8.

28 Ministre à gouverneur, 18 avril 1849, ANS, K8.

29 Gouverneur à ministre, 18 septembre 1847, ANSOM, Sénégal, XIV/dossier 13.


30 Gouverneur à ministre, 24 avril 1833, ANSOM, Sénégal, XIV/15 a.

31 Ministre à gouverneur, 4 mars 1880, ANSOM, Sénégal, XIV/15 d.

32 Ministre à gouverneur, 31 décembre 1880, ANSOM, Sénégal, XIV/15 d.

33 Rapport du gouverneur Brière de l’Isle sur les dangers d’application du principe selon lequel le sol
français affranchit l’esclave qui le touche, 23 mars 1881, ANSOM, Sénégal, XIV/15 e.

34 Ibid.

35 Ibid.

36 J. B. Forgeron, Le protectorat en A.O.F. et les chefs indigènes, Thèse Droit Bordeaux, 1920, p. 17.

37 Traité signé entre le colonel Schmaltz et le roi Amar Boye, Brack du Walo, le 8 mai 1819, art. 9 : « Il ne
sera rien changé aux lois et usages actuels du royaume de Wallo en ce qui concerne les rapports maintenant
existants entre le roi, les principaux chefs et sujets ou subordonnés ; ils conserveront, comme par le passé,
l’entier exercice de leurs droits et de leur police sur les indigènes qui ne seront point employés dans les
établissements de cultures formés par les habitants français » ; cf. M. Dubois et A. Terrier, un siècle
d’expansion coloniale, Paris, 1900, in –8°, p. 133-134 ; A.N.S. 2B 32, p. 11, Faidherbe, Dépêche n° 211 du
9 avril 1857. Selon la lettre de Faidherbe au Conseil d’Etat, « le traité de 1819 avec le Brack n’a jamais été
pris au sérieux au Sénégal, par personne », la pratique étant d’enivrer les souverains pour obtenir des
concessions. La politique française à l’égard du Walo semble par ailleurs assez sinueuse, puisque des
mesures de désannexion seront prises plus tard, et des traités conclus en 1890, dont les articles 2
disposaient : « le gouvernement français ne change rien au mœurs, coutumes et institutions traditionnelles
et religieuses du pays », cf. Moniteur du Sénégal et dépendances, n° 1790-1890, p. 160 et 170.

38 Art. 2 : « Il n’est rien changé aux mœurs, coutumes et institutions du pays ; les chefs actuels conservent
leurs anciens droits et privilèges ». Cf. Moniteur du Sénégal et dépendances, 1883, p. 25.

39 Art. 9 : « La République Française ne s’immiscera ni dans le gouvernement, ni dans les affaires
intérieures du Baol… » cf. Moniteur du Sénégal n° 1420, p. 56.

40 « Il n’est rien changé aux mœurs, aux coutumes et institutions du pays. Le Bourba Djoloff réglera toutes
les affaires intérieures de son royaume d’après les lois en vigueur. Tous les différends entre indigènes
continueront d’être jugés par les chefs d’après les conventions du pays ».

41 De Byans, « La nationalités aux colonies », Rec. Dareste 1911, p. 17.

42 J. B. Forgeron, Le protectorat en A.O.F. et les chefs indigènes, thèse droit, cit. p. 17 : « L’on ne peut
élever des noirs dans la hiérarchie sociale et politique que par une certaine accélération de leur marche et
non par déviation du chemin ancestral qu’ils ont parcouru ». Il est donc du devoir moral du protecteur de
veiller au « respect de la constitution mentale de ces peuples, des organisations politiques et sociales qui
sont la résultante de leurs besoins matériels et moraux » (ibidem) ; voir Harmand, Domination et
colonisation, Paris, Flammarion, 1910, p. 71-72.

43 Rapport du chef du service judiciaire au gouverneur du Sénégal, 10 avril 1855, ANSOM, Sénégal, XIV/15
b.
44 Acte général de la conférence internationale de Bruxelles, 22 juillet 1890.

45 J. Martin, L’empire renaissant 1789-1871, Paris, Denoël, 1987, p. 165.

46 Rapport du gouverneur Brière de l’Isle, cite, 23 mars 181, ANSOM, Sénégal, XIV/15e.

47 P. Ngom, L’Ecole de Droit Colonial et le principe du respect des coutumes indigènes en Afrique
occidentale française. Analyse historique de l’inapplicabilité du Code civil au colonisé, des origines à
l’Indépendance, thèse de droit, Dakar 1993, p. 32.

48 H. Solus, Traité de la condition des indigènes en droit privé, Paris, Sirey 1927, p. 15.

49 P. Ngom, L’Ecole de droit colonial et le principe du respect des coutumes indigènes, thèse de droit, citée,
p. 58.

50 A. Girault, Principes de colonisation et de législation coloniale, 3e édition, Paris, Sirey, 1907, t. l, p. 50.

51 Ibid.

52 Ch. Vernier de Byans, Condition juridique et politique des indigènes dans les possessions coloniales,
thèse de Droit, Paris, 1905, p. 8-15 ; Jèze, Traité théorique et pratique de l’occupation, Paris, 1898.

53 Ibid., p. 58.

54 Marchal, « La condition juridique des indigènes ». Rapport du congrès de sociologie coloniale, tome I,
Paris, 1900, p. 237.

55 Généralités, 155/1294, ANSOM.

56 Loi du 4 mars 183.

57 Relevé des arrêts rendus par la Cour d’appel de Saint-Louis en vertu de la loi du 4 mars 1831, ANS, K7.

58 Relevé des arrêts rendus par la Cour d’appel du Sénégal pour faits de traite de noirs, de détournement et
de séquestration de personne depuis la loi du 4 mars 1831. A.N.S., K 27/pièce 37.

59 Rapport du Parquet au gouverneur, 17 février 1841, ANSOM, Sénégal, VIII, dossier 10 G.

60 Ibid.

61 Rapport du procureur au Ministre, 3 mai 1875, ANSOM, Sénégal XIV/16.

62 Ibid.
63 Dans cette affaire, la Cour d’assises de Saint-Louis avait déclaré que l’accusé Madiaw Joumpa Mbaye
était coupable d’avoir 1°) à Thiou-or, près de Gandiole (territoire français), sciemment acquis, soit par voie
d’échange, soit par tout autre moyen, le jeune captif noir Malick Tine, introduit par le trafic dans la colonie ;
2°) à Saint-Louis sciemment recelé, pendant un certain temps, le même captif, ainsi introduit ; 3°) à Matam
(escale et poste français), sciemment vendu ledit captif, ainsi introduit.

64 L’article 9 de la loi du 4 mars 1831 était ainsi conçu : « Quiconque aura sciemment recelé, vendu ou
acheté un ou plusieurs noirs introduits par la traite dans une colonie depuis la promulgation de la présente
loi, sera puni d’un emprisonnement de six mois au moins à cinq ans au plus ».

65 La Cour constatait que l’on retrouvait dans certains documents officiels, notamment dans l’arrêté du
5 mars 1840, article 10 (Bull. Adm du Sénégal, vol. 1, à la date, p. 550), la trace de mesures prescrites
pour empêcher l’introduction des captifs nouveaux dans l’île de Saint-Louis.

66 Ibid.

67 Au Sénégal, note la Cour, « Des habitudes invétérées, dont les victimes subissent passivement
l’influence, et la facilité de l’introduction des captifs forcent parfois de recourir à des dispositions répressives
sans lesquelles un trafic définitivement condamné par la civilisation moderne pourrait être impunément
exercé dans les possessions françaises sur la côte occidentale d’Afrique ».

68 L’article 8 du décret du 27 avril 1848 concernait spécialement les français qui possédaient, achetaient ou
vendaient des esclaves dans un pays étranger où l’esclavage existait encore, il punissait de la perte de la
qualité de citoyen français ceux qui enfreindraient ses prescriptions et accordait un délai de trois ans pour
s’y conformer. L’article 1er quant à lui, disposait que la mesure recevra son entière exécution deux mois
après la promulgation du décret rendant toute vente de personnes non libres absolument interdite.

69 Ibid.

70 Cour d’Appel du Sénégal, affaire Madiaw Joumpa Mbaye, audience du 16 décembre 1876. ANSOM,


Sénégal VIII/29d.

71 Cette affaire révèle de manière incidente un grand scandale concernant la condition des esclaves au
Sénégal.

72 Rapport du président de la Cour d’Assises Darrigrand au gouverneur, 19 novembre 1878. ANSOM,


Sénégal XIV/15C.

73 Le fait paraissait exact, mais il n’avait pas fait l’objet de poursuites, la prescription étant depuis
longtemps acquise.

74 Selon les mots du président de la Cour d’Assises, Ndiack avait parqué sur son établissement de culture
tout un « troupeau humain ».

75 Chambre des mises en accusation de la Cour d’Appel de l’AOF. 27 août 1904, ANS, M. 76, pièce 68. Ne
retenant des faits commis que leur aspect conforme aux règlements en vigueur à leur époque, elle conclut à
un non-lieu.

76 Cette prise de position, sur un principe jusqu’alors discuté, constituait un net retour en arrière.
77 « Attendu. qu’en décidant que les faits ainsi relevés ne pouvaient, par le motif qu’il a donné, permettre
l’application dudit article, l’arrêt attaqué, loin de violer ce texte de loi, en a fait une saine et exacte
interprétation. Rejette », ANS, M16.

78 E. Rau, « Quand les chaînes se dénouent », in Annales Africaines, Dakar, 1959, p. 256-257, citant la
lettre d’un juge de Gorée adressée à un ami, le 10 mai 1878.

79 Ibid, p. 257.

80 Commandant de Gorée à gouverneur du Sénégal, 1er décembre 1877, et 30 juillet 1879. ANS, K.11.

81 Gouverneur à ministre, 10 mai 1904, ANS, K.27.

82 Décret du 10 novembre 1903 portant réorganisation de l’organisation judiciaire de l’AOF. Rec.


Penant 1904.3.16 ; ANS, M79, pièce 50. Circulaire Merlin, 20 août 1904, p. 9-10.ANS, M79.

83 Ibid.

84 D. Penant, « La condition juridique des indigènes ». Rec. Penant 1906.2.4.

85 Ibid, p. 38.

86 Circulaire Merlin, 20 août 1904, ANS, M79, p. 10.

87 Instructions de Roume aux administrateurs, 25 avril 1905.

88 Décret relatif à la répression de la traite des Noirs en AOF et au Congo français (J.O. de l’AOF, 6 janvier
1906, p. 17 et 18 ; DP.1907.4, table 23).

89 Rapport du Président de la Chambre d’homologation de l’AOF, 1er janvier-31 décembre 1907, ANS, M.17.

90 E. Joucla ; « L’esclavage au Sénégal et au Soudan. L’état de la question en 1905 ». Bulletin de la société


des anciens élèves de l’Ecole coloniale, 1er novembre 1905, p. 3.

91 A. Girault, « La condition des indigènes dans les pays de protectorat », Rapport au Conseil Supérieur des
colonies. Rec. Dareste, 1922. II. 4.

92 J.C Escarras, « Introduction à une recherche sur le phénomène d’imitation », Annales du Centre


Universitaire de Toulouse, 1972, p. 67-109.

93 Rapport Poulet, ANS, K. 17.

94 Ibid.

95 Rapport A. Girault, cité, p. 4.


96 Délibération du conseil d’administration de la colonie, compte rendu, 10 avril 1855. ANSOM, Sénégal
XIV, dossier 15b.

97 AOF = Afrique occidentale française. AEF = Afrique équatoriale française.

98 B. Moleur, « L’indigène aux urnes. Le droit de suffrage et la citoyenneté dans la colonie du
Sénégal », Annales Africaines, 1989-1990-1991, p. 43.

99 Jusqu’en 1848, le Sénégal avait vécu dans la fiction d’une application du Code civil à tous les indigènes.
Ce code avait été promulgué en novembre 1830. En fait, depuis la fin du XVIII e siècle, les musulmans
réglaient presque officiellement leurs affaires de famille selon le droit coranique. Cf. B. Moleur, « Le dés-
ordre juridique colonial dans les anciens établissements français de la côte occidentale d’Afrique », Droit et
cultures, n°9/10. Paris, 1985, p. 30-31. A titre tout à fait officiel cependant, le décret du 22 avril 1848 était
venu créer dans le principe un tribunal musulman (le statut musulman était de facto reconnu à Saint-Louis
par le gouverneur Eyries, en 1780 déjà), les autorités locales étant chargées des modalités de mise en
œuvre (le tribunal musulman devait être installé…le 20 mai 1857). Cf. B. Moleur, « L’indigène aux urnes »…,
art. cité, note 34.

100 Bulletin de l’Afrique française, 2e bimestre, 1918, p. 149.

101 Ibid.

102 Ibid.

103 Sur les villages de liberté, v. D. Bouche, Les villages de liberté en Afrique noire française, 1887-1910 .
Paris, Mouton, 1972.

104 R. Maunier, Sociologie coloniale, t. 2, Paris, 1936, p. 92.

105 Circulaire du Gouverneur Général Brevié, 18 août 1932, « Les principes », Gorée, 1932.

106 Cour d’Appel de l’AOF, 20 septembre 1912. Rec. Dareste, 1912.3.303 et note, adde 14 février


1917, Rec. Dareste, 1918.3.37, Rec. Penant, 1918.1.34 et note E. Joucla.

107 Rec. Dareste 1906.1.57. Adde Rec. Penant 1906.3.40.

108 Décret n°46-277 du 20 février 1946 portant suppression des peines de l’indigénat en AEF, en AOF, au
Togo et au Cameroun, JORF  1946, p. 1581 (rectificatifs : p. 1848 et 2757).

109 Décret n°46-877 du 30 avril 1946 portant suppression de la justice indigène en matière pénale en AEF,
en AOF, au Togo et au Cameroun. JORF, avril 1946, p.3680 et décret n°46-2252 du 16 octobre 1946
complétant le décret du 30 avril 1946 portant suppression de la justice indigène en matière pénale dans les
territoires relevant du ministère de la France d’Outre-mer JORF, octobre 1946, p. 8829.

110 Loi n°46-645 du 11 avril 1946 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d’Outre-
mer. JORF, avril 1946, p. 3063.

111 Loi n° 46-940 du 7 mai 1946 tendant à proclamer citoyens tous les ressortissants des territoires
d’outre-mer. JORF, mai 1946, p. 3888.
112 Voir l’opinion critique de P. Ngom, l’Ecole de droit colonial et le principe du respect des coutumes
indigènes en Afrique occidentale française. Analyse historique d’une théorie de l’inapplicabilité du code civil
au colonisé, des origines à l’indépendance, thèse d’Etat, droit, Dakar, 1993, p. 331-352.

113 Article 80, Constitution du 27 octobre 1946.

114 Article 81 de la même Constitution.

115 F. Borella, L’évolution politique et juridique de l’Union française depuis 1946, Paris, LGDJ, 1958, p. 347.

116 E. Joucla, « L’esclavage au Sénégal et au Soudan », art. cité, p. 3 et s.

117 Instructions Merlin, 20 octobre 1904, ANS, M79, pièce 92.

118 Réglementation au sujet de l’esclavage, 1903, ANSOM, Sénégal XIV/28 bis.

119 Discours de Roume au conseil de gouvernement, 4 décembre 1905. ANS, K.26.

120 Cour d’Appel de l’AOF, 20 septembre 1912, Rec.  Dareste, 1912.3.303.

121 Lainé, « Le droit international privé en France considéré dans ses rapports avec la théorie des
statuts », Journal de droit international privé, 1885, p. 137.

122 Le nombre des « captifs » ne peut être fixé d’une manière certaine, car il varie évidemment en sens
inverse de la compréhension que l’on donne à ce mot.

123 Cour d’Appel de Dakar, le 21 janvier 1959, Rec.  JAN, jurisprud., p. 35.

124 Ibid.

125 J. Larguier, « Chronique de jurisprudence criminelle », Annales Africaines, 1960, p. 123-125.

126 Ibid, p. 123.

127 Le jugement est rapporté par J. Chabas, « Le droit des successions chez les wolofs » Annales
Africaines, 1956, p. 79-108.

128 J. Larguier, article cité, p. 124.

129 Ibid.

130 G. Mangin, « Les droits de l’homme dans les pays de l’Afrique contemporaine », Revue des droits
del’homme, 1968, 1, 3, p. 453-470.

131 Loi constitutionnelle du 26 août 1960. JORS du 31 août 1960, p. 881.


132 B. Moleur, « Ce droit colonial qui n’existe pas … », Revue de la Faculté de Droit, Université d’Avignon et
des pays de Vaucluse, Avignon, 1992, p. 46.

133 En l’occurrence, la Cour Suprême (dans la Constitution du 26 août 1960).

134 M. Villey, Leçons d’histoire de la philosophie du droit, Paris, 1962, p. 58.

135 G. Hesseling, Histoire politique du Sénégal. Paris, Karthala, 1985, p. 199.


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Pour citer cet article

Référence papier
Mamadou Badji, « L’abolition de l’esclavage au Sénégal : entre plasticité du droit colonial et respect de l’Etat
de droit », Droit et cultures, 52 | 2006, 239-274.

Référence électronique
Mamadou Badji, « L’abolition de l’esclavage au Sénégal : entre plasticité du droit colonial et respect de l’Etat
de droit », Droit et cultures [En ligne], 52 | 2006-2, mis en ligne le 10 avril 2009, consulté le 04 juillet 2020.
URL : http://journals.openedition.org/droitcultures/729
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Auteur

Mamadou Badji
Mamadou Badji est maître de conférences agrégé d’histoire du droit à la Faculté des sciences juridiques et
politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et coordinateur de la recherche en histoire du droit et
des institutions en collaboration avec l’Université Montpellier I. Il est spécialisé en histoire du droit, histoire
des institutions de l’Afrique depuis le XIX  siècle, histoire des idées politiques et histoire comparative du droit
e

de la santé. Il a publié notamment : « Le Code noir et la condition des esclaves dans l’ancien droit
français », Revue de l’Institut des droits de l’Homme, n°14, Lyon, 1995, p. 40-93 ; « L’administration de la
justice au Sénégal au 19  siècle », Revue de l’Association Sénégalaise de Droit pénal, n°5-6-7, 1999, p.265-
e

303 ; Droit naturel, droits de l’Homme et Esclavage dans le contexte sociohistorique sénégambien du XVIIe
siècle à l’indépendance, Lille, Presses universitaires du septentrion, 2000 et « Considérations sur
l’application de la coutume devant les magistrats de la Cour d’Appel de Dakar, de 1903 à 1960 » in B.
Durand (dir.), Le Droit et la Justice, instruments de stratégie coloniale. Rapport au Ministère français de la
Justice, Montpellier, 2001, p. 1075-1110.

Articles du même auteur

 Le statut juridique des enfants métis nés en Afrique Occidentale Française de parents inconnus :
Entre idéalisme républicain et turpitudes coloniales [Texte intégral]

The Legal Position of Mixed-Race Children Born in French Western Africa of Unknown Parents: Between
Republican Idealism and Colonial Turpitudes

Paru dans Droit et cultures, 61 | 2011-1


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