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CAS CLINIQUE
a
CSAPA, centre hospitalier de Carvin, 76, rue Salvador-Allende, 62220 Carvin, France
b
UdL3 PSITEC EA 4072, université Lille Nord de France, Pont-de-Bois, BP 60149, 59653 Villeneuve d’Ascq cedex, France
Reçu le 6 mai 2013 ; reçu sous la forme révisée le 30 mai 2013 ; accepté le 3 juin 2013
Disponible sur Internet le 17 juillet 2013
MOTS CLÉS Résumé Le concept d’addiction au jeu vidéo n’est pas reconnu de manière universelle
Addiction ; dans la littérature scientifique. Cependant, certains auteurs s’accordent à rapprocher les
Thérapies cognitives comportements excessifs de jeu vidéo avec les conduites d’addiction. Cet article présente
et en détails un cas d’addiction au jeu vidéo pris en charge par le biais d’une thérapie cognitive
comportementales ; et comportementale (TCC) dans une consultation spécialisée sur l’addiction aux jeux vidéo. Le
Jeu vidéo patient présente une problématique de jeu qui s’apparente clairement à une addiction. Une
comorbidité d’anxiété sociale sous-jacente apparaît en cours de thérapie. Les méthodes thé-
rapeutiques employées prennent source dans la description des TCC spécifiques à l’addiction
au jeu vidéo. Une bonne connaissance du thérapeute concernant les univers de jeux vidéo
nous semble améliorer l’alliance thérapeutique, centrale pour une prise en charge, dans le
traitement de l’addiction aux jeux vidéo. La prise en compte du vécu cognitif, émotionnel
et comportemental amené par le jeu vidéo s’est révélée être une méthode adaptée dans la
thérapie. Les caractéristiques propres aux jeux vidéo, les motivations à jouer et l’expérience
psychologique du joueur nous semblent être des variables essentielles à prendre en compte pour
potentialiser l’efficacité des TCC appliquées à l’addiction aux jeux vidéo. La prise en charge
de type TCC décrite dans ce suivi a été efficace pour atteindre un contrôle du comportement
d’utilisation du jeu vidéo.
© 2013 Association française de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier
Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary
KEYWORDS Introduction. — The concept of video game addiction is not universally accepted in scientific
Addiction; literature (Wood, 2008; Turner, 2008; Sim et al., 2012 [1—4]). However, some authors agree on
linking excessive video game behavior to the concept of addiction (Vaugeois, 2006; Griffiths
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : lestatleceleste@hotmail.fr (P. Taquet).
1155-1704/$ – see front matter © 2013 Association française de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jtcc.2013.06.001
Prise en charge TCC d’une addiction aux jeux vidéo 103
and Meredith, 2009; Porter et al., 2010; Romo et al., 2012 [5—8]). This article gives a detailed
Cognitive behavior presentation of a case of video game addiction treated by cognitive-behavioral therapy (CBT)
therapy; in practice specialized in video game addiction.
Video game Method. — The therapeutic methods used came from specialized CBT techniques for video game
addiction (Griffiths et Meredith, 2009; Romo et al., 2012; King et al., 2010 [6,8,11]). The
assessment of game behavior was partly based on protocol from previous research (Taquet
and Hautekeete, 2012 [12]). A semi-directive interview addressed the type of game and moda-
lities of the game (console, PC, online, offline). Average playing time per week was calculated
based on morning, afternoon and evening play for each day of the week. To assess the problem
a French version of problem video game playing (PVP) was used (Tejeiro Salguero and Bersabé
Morán, 2002; Bioulac et al., 2010 [13,14]). In addition to the PVP, we created a more exhaustive
questionnaire, which is currently being validated, on video game addiction (QAJV), based on
different contents related to addictions (Tejeiro Salguero and Bersabé Morán, 2002; Gooodman,
1990; American Psychiatric Association, 2003; Classification Internationale des troubles Mentaux
et du comportement (CIM-10), 1992; Grüsser and Thalemann, 2006 [13,15—18]). A questionnaire
of 140 items, currently in the process of validation, served to assess the cognitive-emotional
and behavior processes in video game use.
Treatment. — The case study spanned 11 months, which corresponded to 17 consultations. The
first four consultations (3 months of treatment) concerned analysis of game behavior, assessment
of change motivation, motivational work and elaboration of a functional analysis. The patient
aged 19 had been playing video games since the age of 9. The problem became apparent 3 years
earlier when he decided to drop out of school. He played many different types of video games,
both online and offline. The average playing time per week was 77 hours. The PVP was 7/9 and
the QAJV was 187/380. The excessive game behavior met the criteria of behavior addiction [15].
The 140-item questionnaire revealed certain expectations concerning the video game: pursuit
of positive emotions, relaxation, immersion and cognitive avoidance of the negative aspects of
daily life. Five consultations (3 months) were necessary for the treatment centered on the video
game behavior with auto-observation of game behavior and cognitive-emotional experience,
support in reducing playing time, control of the stimulus, setting up alternative activities and
work on the relationships. Six months into the treatment, satisfactory game control enabled
the subject to enter into a phase of maintenance and relapse prevention, which corresponded
to three consultations (2 months). The different situations presenting the risk of relapse were
worked on (release of new games, video game expansion packs, relief-oriented use of video
game, procrastination, online games, etc.). Ten months after the initial evaluation, the PVP
was 0/9, the QAJV 6/380 and playing time 14. A significant social anxiety, masked by excessive
game behavior and obsessions, appeared as a comorbidity during the therapy and was then
eliminated. This article, based on the treatment of excessive video game behavior, does not
deal in detail with the treatment of comorbidities.
Conclusion. — Good knowledge of the world of video games by the therapist seems to improve
the therapeutic alliance in the treatment of video game addiction. This case study shows the
reality of a video game player who has excessive game behavior, which resembles addiction.
Without treatment focusing on the video games, it would have been impossible to effectively
treat the social anxiety. The treatment of emotional and behavioral cognitive processes linked
to video games was shown to be an adapted therapeutic method. The characteristics specific to
video games (King et al., 2011 [25]), the motivations to play and the psychological experience
of the player (Taquet and Hautekeete, 2012; Yee, 2006; Przybylski et al., 2010 [12,26,27]) seem
to be essential variables to take into account to maximize the efficiency of CBT applied to video
game addiction. The CBT treatment described in the report was efficient in achieving control
of behavior in the video game use.
© 2013 Association française de thérapie comportementale et cognitive. Published by Elsevier
Masson SAS. All rights reserved.
L’avènement d’Internet a créé une communauté impor- score proche de 9 révèle une problématique liée au jeu. En
tante de joueurs en ligne surtout autour des MMORPG1 , plus du PVP, nous avons créé un questionnaire sur l’addiction
phénomène fortement médiatisé, souvent dans l’optique aux JV (QAJV), plus exhaustif, basé sur différents contenus
d’une addiction [1,4]. La littérature scientifique se foca- en référence aux addictions [13,15—18]. Ce questionnaire en
lise surtout sur l’addiction aux JV en ligne, particulièrement cours de validation comprend 38 items avec une échelle de
sur les MMORPG. Cependant, les JV hors-ligne autres que le cotation d’intensité en 11 points (note maximale 380). Plus
MMORPG peuvent avoir ces mêmes conséquences [5,10]. la note est élevée plus la problématique de jeu est intense.
Nous présentons un cas d’addiction au JV afin de préciser Un questionnaire de 140 items2 basés sur l’étude précitée
les spécificités de cette clinique. Connaître les mécanismes [12], sert à évaluer les processus cognitivo-émotionnels et
des JV et le fonctionnement psychologique des joueurs per- comportementaux de l’utilisation du JV. En cours de vali-
met d’enrichir et d’adapter les outils cliniques à cette dation, nous l’employons sur le plan clinique pour aborder
nouvelle problématique. facilement ces processus avec le patient.
L’approche en thérapie cognitive et comportementale (TCC) En plus du modèle des quatre R (Recontextualiser le pro-
utilisée est proche de celles décrites par Romo et al. [8], blème, Reformuler, Résumer et Renforcer) [19], l’alliance
Griffith et Meredith [6] et King et al. [11]. Notre prise en thérapeutique peut être favorisée par une bonne connais-
charge de l’addiction au JV a impliqué : sance du thérapeute concernant les JV. Des connaissances
précises des JV et l’utilisation d’un vocabulaire spécifique
• l’évaluation du caractère additif du comportement de amènent rapidement une compréhension, un échange et une
jeu ; relation proche avec le patient. Cela permet de le mettre
• l’évaluation de la motivation au changement ; à l’aise et d’accéder à des contenus psychologiques riches
• les entretiens motivationnels ; concernant l’utilisation du JV.
• l’analyse fonctionnelle ;
• l’amélioration du rapport entourage-joueur concernant le Présentation de l’étude de cas
comportement de jeu ;
• l’examen des motivations à jouer ; M. V. (19 ans) a déjà fait l’objet de prises en charge (psycho-
• la gestion de stimuli (auto-observation et auto-contrôle logue et psychiatre) l’année précédente pour l’utilisation
du comportement de jeu) ; excessive du JV, suivis arrêtés en raison d’un manque de
• la planification de tâches pour gérer le temps autrement motivation, selon le patient. Son médecin traitant l’oriente
que par le jeu ; vers un centre de soins, d’accompagnement et de pré-
• le renforcement de chaque changement ; vention en addictologie (CSAPA) dans une consultation
• la prescription d’activités plaisantes ; spécialisée dans l’addiction au JV. Reçu en premier entre-
• le repérage des pensées automatiques négatives et tien avec sa mère (44 ans), il dit se lasser de jouer et de ne
restructuration cognitive ; rien faire d’autre, ajoutant avoir une envie de changement.
• la prévention de la rechute ; Cette étude de cas s’étale sur 11 mois, soit
• la réduction de la procrastination ; 17 consultations. Les quatre premières consultations
• l’augmentation du support social ; (trois mois) ont permis d’analyser le comportement de jeu,
• la prise en charge des comorbidités. d’évaluer la motivation au changement, de la renforcer et
d’élaborer une analyse fonctionnelle permettant la prise en
La spécificité de la prise en charge proposée est de charge. Le comportement excessif de jeu correspond aux
renforcer le travail thérapeutique en abordant les émo- critères d’addiction de Goodman [15]. Cinq consultations
tions, cognitions et comportements du joueur suscités par (trois mois) ont été nécessaires pour la prise en charge
l’expérience du jeu [12]. Pour révéler ces fonctionnements, centrée sur le comportement de JV, l’auto-observation
la technique de la flèche descendante est utilisée à partir du comportement de jeu, le vécu cognitivo-émotionnel,
de situations précises de JV. l’accompagnement de la réduction du temps de jeu, le
L’évaluation du comportement de jeu est en partie basée contrôle du stimulus, la mise en place d’activités alterna-
sur un protocole précédemment expérimenté [12]. Un entre- tives au jeu et le travail sur la relation entourage-joueur.
tien semi-directif permet d’identifier le type de jeu et les À six mois de suivi, un contrôle du jeu satisfaisant permet
modalités de jeu (console, PC, en ligne, hors-ligne) les plus d’entrer dans une phase de maintien et de prévention de la
utilisés. Un temps moyen de jeu par semaine (TJS) est cal- rechute correspondant à trois consultations (deux mois).
culé en fonction des matins, après-midis et soirs de chaque L’analyse fonctionnelle continue dévoile une anxiété
jour de la semaine. Pour évaluer le caractère probléma- sociale sévère. L’évitement est tel que le patient ne sort pas
tique du jeu, une version française du problem video game de chez lui et ne prend plus les transports en commun de
playing (PVP), à l’intérêt prouvé [13,14], est utilisée. Le peur de devoir demander des renseignements à un inconnu.
PVP comprend neuf items avec des réponses dichotomiques Au début du suivi, les préoccupations concernant le JV et sa
en oui-non. Il est adapté aux JV en ligne et hors-ligne. Un
Anticipations
-Envie de rejoindre les autres membres de la guilde (notion d’obligation)
-Le jeu est une solution pour pallier l’ennui et les problèmes
-Il est plus facile d’avoir des contacts dans le jeu que dans la réalité
Situations
-Manque d’activités autres que le jeu
-Absence d’une scolarité
-Face aux obligations et aux activités autres que le jeu vidéo
-Être face à des inconnus
Émotions
-Tristesse et sentiment de solitude
-Ennui
-Peur d’être face à autrui (inconnu)
Comportements Cognitions
-Jouer à différents types de jeux vidéo -Envisage peu l’avenir
amenant une fierté de réussir quelque -« Le jeu est trop important dans ma vie »
chose (sentiment de bien gérer et de -« Je joue parce que je ne sais pas quoi faire »
maîtriser), une détente, un amusement, -« Le jeu permet d’éviter de penser » (avenir
de l’immersion (être dedans), un professionnel, scolarité, solitude, etc.)
évitement des aspects négatifs du -Envie de jouer
quotidien (ne plus penser à autre chose) -Sentiment d’être seul avec le constat qu’il n’a plus
et ne pas voir passer le temps d’amis
-Communication avec d’autres joueurs -Peur de ne pas se sentir à la hauteur dans les
en ligne mais uniquement sur la situations sociales (ex. bafouiller)
thématique de jeu
-Le comportement de jeu empêche la
mise en place d’autres activités, la
communication avec autrui en dehors du
jeu et la réflexion sur soi (depuis 3 ans)
-Continue à jouer alors qu’on l’appelle
pour manger (de même pour d’autres
activités)
-Le jeu amène une perte de la notion du
temps
Entourage
-Mère (44 ans) : inquiète pour l’avenir de son fils et son orientation professionnelle ; la mère a peu de connaissances
de l’univers des jeux vidéo ; fait l’intermédiaire entre le fils et le père ; M.V. parle uniquement avec sa mère pour
avoir de l’argent pour l’achat de jeux (sa mère dit toujours oui ce qui entretient le comportement de jeu)
-Père (49 ans) : M.V. évite son père et a peu de soutien de sa part
-Frère (17 ans) : M.V. découvre certains jeux par le biais de son frère ; parle essentiellement de jeu avec son frère ;
hypothèse de jeu excessif pour le frère (il arrête ses études une année et joue aux jeux vidéo constamment)
-Amis : Absence de relation amicale depuis le repli sur soi et le retrait social (renforcé par le jeu) il y a trois ans ;
contact avec quelques personnes uniquement dans le jeu ; il ne côtoie que les membres de sa famille
-Les compétences sociales ont peu été développées au sein de la famille dont les membres ne communiquent pas
beaucoup
-Absence de contraintes mises en place pour le jeu provenant de la famille
Le patient recherche des activités en dehors du jeu et ses passions (JV, manga) sont ensuite ajoutées. Chaque
amenant un ressenti proche de celui produit par le jeu8 proposition d’activité est discutée en thérapie. Le vision-
(fierté d’avoir réalisé quelque chose, détente, immersion nage d’astuces de jeu, favorisant trop directement l’envie
dans une activité ; Tableau 3). Dans un premier temps, de jouer, n’est pas retenu. Dessinateur régulier de manga,
peu d’activités collectives sont proposées en raison de son il avait abandonné cette activité à sa déscolarisation. La
anxiété sociale. Des activités impliquant le contact d’autrui conseillère d’orientation ne l’ayant pas soutenu dans le
désir de s’orienter vers une carrière de dessinateur, il s’est
retrouvé bloqué dans ses projets d’étude. Dans un pre-
8 Cette consigne est importante, le but est de pouvoir pallier le mier temps, le JV enraye la mise en place du dessin.
manque du jeu avec des satisfactions proches du vécu de jeu. Des stratégies adaptées à cette situation sont développées
108 P. Taquet, M. Hautekeete
par semaine
50
40
30
19 18,38
20 15,5 14 14 14
10
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Temps de la thérapie en mois correspondant à 11 mois et 17 consultations
Figure 2 Évolution du temps de jeu moyen par semaine de M. V. au cours de 11 mois de consultation.
Evolution of average weekly gaming time of Mr. V. during 11 months of consultation.
(Tableau 4). Un parallèle est fait entre le challenge face à la Quelques éléments de JV sont à connaître par l’entourage
difficulté d’un JV et le challenge de mise en place d’autres pour faciliter le dialogue avec le joueur et l’aider correcte-
activités. À six mois de suivi, en plus d’autres activités, le ment [8]. Le jeu correspond à un univers personnel du fils
dessin devient une alternative efficace au JV. Parfois prio- mais aussi à un « mur » entre le joueur et l’entourage. Le
ritaire, le dessin apporte un vécu proche de celui du JV joueur totalement focalisé sur le jeu ne peut pas commu-
(plaisir, bien-être, être dedans, détente, fierté de ses des- niquer avec l’entourage. Le JV, étant inconnu de la mère,
sins, ne pas voir passer le temps, sentiment d’efficacité). produit un blocage dans la communication avec son fils. Pour
Le plaisir d’effectuer d’autres activités en ayant réduit son briser ce « mur », des rencontres entre eux sont program-
temps de jeu est important. Ce challenge réussi lui prouve mées pour mieux comprendre l’intérêt que porte son fils au
qu’il peut regagner un contrôle et se sentir compétent JV. Ces discussions leur ont permis de renouer le dialogue
ailleurs que dans le JV. et de pouvoir ensuite aborder d’autres sujets s’éloignant
progressivement du JV.
Relation entourage-joueurs Le patient évite son père par crainte de ne pas être
Au début de la prise en charge, la communication avec écouté. Nous essayons plusieurs fois d’instaurer un dialogue
l’entourage proche (mère, père) est quasiment absente. entre le patient et son père (ex. demander à son père des
La mère participe, presque à chaque entretien, en pré- précisions sur son travail).
sence du patient, à une discussion concernant la fonction L’implication de la mère dans la thérapie, leur dia-
du JV, les évolutions du patient ou le rôle actif qu’elle peut logue autour du jeu et sur d’autres sujets améliorent
avoir dans la prise en charge. Elle est une personne res- la relation mère—fils qui se généralise progressivement à
source pour la thérapie mais le père ne sera pas rencontré l’entourage plus éloigné (ex. tante, cousins). La diminution
en raison d’une relation distante avec son fils. L’implication du temps de jeu permet de partager plus de moments avec
de la mère est temporaire car l’autonomisation du patient l’entourage qui le perçoit comme moins replié sur lui-même,
dans la compréhension et la résolution de ses difficultés est communiquant plus et donnant plus facilement son avis. Ces
un objectif central. changements sont pointés également en consultation où il
Figure 3 Cercle vicieux montrant le renforcement des difficultés de M. V. par l’utilisation soulageante du jeu vidéo.
Vicious circle showing the difficulties reinforcement of Mr. V. by relief-oriented use of video game.
Prise en charge TCC d’une addiction aux jeux vidéo 109
Tableau 4 Analyse de la situation empêchant la mise en place du dessin chez M. V. avec une réflexion sur les stratégies à
employer.
Situation analysis preventing the establishment of the drawing with Mr. V. accompanied a reflection on the strategies to be
employed.
Après le repas, Culpabilité de Je me dis qu’il Je fais une partie Faire du dessin tout de suite après
j’ai envie de faire reporter son faut que je fasse et quand je suis manger lorsque l’envie d’en faire
du dessin activité de dessin du dessin dans le jeu le arrive
Les crayons sont temps passe vite Ne pas mettre le jeu avant le dessin
justes à côté de Je reporte au avec une alternative « si je joue, je
moi lendemain, à la ne ferais pas de dessin »
Lorsque je joue, prochaine fois Attention à l’envie de faire une
je suis satisfait par C’est comme ça petite partie avant de dessiner
le jeu donc je ne tous les jours La mise en place du dessin peut être
pense plus au un challenge dans la réalité comme
dessin un challenge dans le jeu
Mais c’est négatif Ne pas mettre le jeu en priorité par
car cela rapport à d’autres activités en
m’empêche de général
dessiner
Intensité de l’anxiété
60
25 Aller à un festival de jeu vidéo avec quelqu’un (peur de se perdre et de devoir demander son chemin)
Figure 4 Échelle des situations anxiogènes de M. V. permettant la mise en place de la désensibilisation systématique in vivo de
la problématique de phobie sociale.
Anxiogenic situations scale of Mr. V. for the establishment of systematic desensitization in vivo concerning the social phobia
problem.
après l’évaluation quantitative des comorbidités anxio- semble essentiel pour le clinicien travaillant avec un public
dépressive, l’échelle de phobie sociale de Liebowitz est à de joueurs de JV de développer des connaissances spéci-
20/144 (absence de phobie sociale) et la BDI-II à 0 (absence fiques sur les mécanismes des JV et sur la psychologie des
de dépression). joueurs.
Ce suivi nous montre qu’il est important d’aborder la
problématique du JV comme une entité à part entière.
Conclusion Même si les connaissances que l’on a de l’utilisation patho-
logique d’Internet peuvent servir à mieux comprendre
Cette étude de cas révèle la réalité d’un joueur de JV ayant l’addiction au JV [9], d’autres variables spécifiques au JV
des comportements excessifs de jeu qui s’apparentent à sont essentielles à la compréhension de ce phénomène
une addiction. Les TCC ont permis au patient d’atteindre comme les caractéristiques internes des JV [25], les moti-
efficacement un contrôle du comportement de jeu. Sans la vations à jouer et l’expérience psychologique du joueur
prise en charge centrée sur le JV, il aurait été impossible [12,26,27]. Ces variables nous semblent centrales à prendre
d’aborder efficacement l’anxiété sociale pour une thérapie. en compte pour une TCC de l’addiction au JV. Elles per-
Le vécu cognitif, émotionnel et comportemental dans le JV a mettent d’améliorer la connaissance du fonctionnement du
été utilisé tout au long des séances comme levier thérapeu- patient vis-à-vis du jeu mais aussi de s’appuyer sur ces
tique. Une bonne connaissance de l’univers des JV permet fonctionnements pour adapter des outils thérapeutiques
au thérapeute de mieux aborder cette problématique [11]. Il efficaces.
112 P. Taquet, M. Hautekeete
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du questionnaire des problèmes associés aux jeux vidéo de
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