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BELLOUT Yasser

UFR ingemédia, Licence pro TSI, Parcours NTS

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Mémoire de Licence professionnelle

‘’ Le rôle de la bande sonore dans une oeuvre


cinématographique’’

Travail réalisé sous la direction de :


Jean-Michel DENIZART
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Juillet 2021
Resume – Abstract

‘’Le rôle de la bande sonore dans une oeuvre


cinématographique‘’

Passionné par le son, ce travail vise à étudier le son dans le domaine du


cinéma, ainsi qu’aux différents rôles qu’il peut prendre dans une œuvre
cinématographique, en étudiant les relations intimes et les interactions
existantes entre le son et l’image. Son objectif est d’étudier globalement
l’importance que prend l’élément sonore dans le domaine du cinéma, et
plus précisément, d’analyser à quel point la bande sonore d'un film peut
affecter sa compressibilité par le spectateur.

Mots-clés :

Son
Cinéma
Musique
Système de sonorisation
Champ sonore
Espace
Projection sonore


REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de mémoire Mr. Jean-


Michel DENIZART.
Je tiens à saluer mes amis et camarades étudiants avec qui les
discussions fructueuses m’ont aidé à avancer.
Merci à mes parents pour leur soutien et amour inconditionnel.
Et bien d'autres personnes que je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer, et
qui par leurs films, leurs articles, et leurs remarques ont beaucoup
contribué à nourrir ma réflexion et ma passion pendant cette année
SOMMAIRE
Introduction6

I. Le son dans le procédé cinématographique 9


I.1. Les prémices de la bande sonore 9
1.1- La naissance du son dans le cinéma 9
1.2- Les premiers objectifs de de la création sonore 10
I.2. L'image, au cœur de l'attention des spectateurs 11
2.1- Le son, un élément peu considéré 11
2.2- La conscience auditive 12
2.3- Les Interactions existantes entre la conscience auditive et visuelle
14

II. Les relations intimes son / image dans le cinéma 15


II.1. Les modalités de fusion son et image 15
1.1- Le rôle du son 15
1.2- La projection du son sur l’écran 15
1.3- Le son et la perception de la scène et de l’action 16

III. Le son perfectionne les émotions apportées par le film 19


III.1. Le son affecte la structure du film 19
1.1- Le son comme facteur du continuité et d’unité 19
1.2- La relation du son avec le temps dans le cinéma 21
III.2. L’espace sonore 22
2.1- Les limites du cinéma, sensations et espace 22
2.2- Les systèmes de sonorisation 23
2.3- Le son révèle ce qui n’apparait pas à l’écran 26

Conclusion 29
Bibliographie 31
Webographie 32
INTRODUCTION

Le cinéma fascine les spectateurs depuis sa création. Le dispositif cinématographique a


pour cela été retravaillé par beaucoup d’inventeurs et de chercheurs et passionnés
depuis sa création. Le but du cinéma, malgré les différentes évolutions, est parfaitement
identique à celui de ses origines, qui est de divertir les spectateurs. Pour cela, des
spectacles composés de sons et d’images sont mis en place à travers la réalisation de
films. De multiples sons et images sont réunis dans un même cadre afin de créer un
récit complet. Par le fusionnement du son et de l’image, les films visent à provoquer
différentes sensations à chaque spectateur présent dans la salle de projection.
Via les sons et les images projetés aux spectateurs, chaque film est capable de
procurer plusieurs sensations aux spectateurs. Les spectateurs recevant les
informations filmiques à travers les sons et les images, traduisent ces informations en
réactions et émotions complexes qui dépassent le simple fait d’entendre et de voir. Le
cinéma mérite son nom de septième art, par ce que tout comme les autres domaines
artistiques comme la musique ou la photographie, le résultat obtenu à la fin des
différentes étapes de création dépasse la simple addition des matériaux de base. Le
cinéma dépasse le fusionnement de sons et d’images pour créer une œuvre artistique
complexe.
L’aspiration des réalisateurs cinéma est de travailler l’esthétique du film, au sens
étymologique du terme esthétique, et non pas au sens de la beauté. Le mot «
aisthētikós » en grec signifie non seulement la capacité de percevoir ou de comprendre,
mais aussi de faire fonctionner ses sens pour percevoir et éprouver des sensations, tout
comme une sculpture ou un tableau, un film est créé afin de donner des sensations à
un public.
Dès lors que l’on aborde une œuvre cinématographique, on s’intéresse à l’expérience
que l’on a de cette œuvre, cette expérience correspond à ce que cette œuvre peut faire
éprouver comme sentiments aux spectateurs.
Le théoricien du cinéma Laurent Jullier déclare qu’une œuvre cinématographique n’est
pas juste qu’un message d'un réalisateur que le spectateur doit décrypter, mais une
expérience qui fait appel à ses capacités imaginatives et sensorielles 1. L’analyse de

1
Laurent Jullier, Analyser un film, De l’émotion à l’interprétation, Paris, 2012, p12

6
l’œuvre revient alors à tenter de comprendre comment celle-ci peut être éprouvée par le
spectateur.

En effet, l’expérience filmique des spectateurs est au centre des préoccupations du


cinéma. Aujourd’hui plusieurs moyens sont mis en œuvre afin d’optimiser cette
expérience. Des normes strictes existent dans le but d’assurer les meilleures conditions
techniques possibles à la diffusion des films dans les salles de projection.
La CST ‘’ Commission supérieure technique de l'image et du son ’’ impose plusieurs
règles aux salles de cinéma françaises. Taille de l’écran, dimensions de la salle,
disposition des gradins et fauteuils, mais aussi la qualité de l’acoustique de la salle,
ainsi que les spécifiés techniques relatives à la diffusion du son et de l’image qui
doivent répondre à des conditions précises. Aucun détail n’est laissé au hasard au
cinéma, l’objectif est donc d’améliorer le plus possible les conditions dans lesquels les
spectateurs profitent de l’expérience cinématographique. Un film est un tout composé
de sons et d’images, et lorsqu’on regarde les images sans le son ou le son sans les
images, l’expérience filmique n’est plus la même. Les images seules ne racontent plus
la même histoire et le son seul raconte un récit incohérant, n’utilisant les sons que pour
ce qu’ils symbolisent.
Cependant, pour plusieurs chercheurs et cinéastes, le sujet du son a longtemps occupé
une place limitée dans leurs écrits, et en dépit des nombreux progrès et innovations
techniques en termes de moyens de diffusion et de création sonore, le son reste très
peu considéré dans le procédé cinématographique. Mais, les expériences vécus en
regardant un film, avec toutes les émotions et réactions causés par celui-ci, reposent en
grande partie sur la bande sonore du film dont le rôle apparait aussi important que celui
de l’image dans les expériences délivrées aux spectateurs.

A quel point ?

Premièrement, il paraît important de réévaluer le rôle du son dans le domaine


cinématographique. Le son et ses différentes utilisations dans le cinéma depuis les
débuts du cinéma constituent un point de départ important pour cette réflexion, qui va
ensuite permettre de comparer les différences de considération qui existent aujourd’hui
encore entre l'image et le son, dans le monde cinématographique comme dans la
société d’aujourd’hui.

7
Les différences de consciences d’audition et de vue amèneront à mettre en évidence la
participation du son à la conscience visuelle du spectateur dans le cinéma. On
analysera ensuite les relations existantes entre les perceptions cinématographiques du
son et de l’image. Les modes d’association du son et de l’image vont permettre de
révéler le rôle du son quand il est associé aux images.
La projection de l’élément sonore sur le visuel va nous permettre d’établir un rapport
entre les éléments sonores utilisés et le point de vue sonore de la scène visuelle. On
étudiera ensuite la perception objective et subjective de l’action filmique.
A cette étape de réflexion, on comprendra que le son perfectionne les sensations
apportées au spectateur et on présentera la manière dont il influence la structure du
film. Après avoir étudié les limites spatiales des perceptions relatives au films dans une
salle de projection, on analysera les diffèrent sensations créées chez les spectateurs
par les systèmes de diffusion utilisés.
Enfin, la réflexion portera sur des procédés purement sonores à même d’amener des
éléments contextuels, facteurs de sensations, dans un espace totalement indépendant
du champ visuel.

8
I. Le son dans le procédé cinématographique

I.1. Les prémices de la bande sonore

1.1. La naissance du son dans le cinéma

Inventé par les frères Lumière en 1895, le cinéma a été créé dans afin de divertir des
spectateurs en leur projetant une succession rapide d’images. Ces premières
projections étaient muettes et étaient complétés avec une musique.
Dans les salles de projection luxueuses, tout un orchestre musical est chargé
d’accompagner les images projetées aux spectateurs 2. Dans les salles de projection
modestes, on trouve souvent un petit groupe de musique, et des fois un seul musicien
au piano. Ces groupes interprètent musicalement les projections d’images en direct et
ajustent leur musique en fonction des actions, ils étaient généralement situés à côté des
spectateurs.
Les premières projections utilisaient aussi quelques sons aux images. Des groupes de
bruiteurs professionnels aux Etats-Unis proposaient leurs services aux petites salles de
projection, ces groupes créaient des sons en directe pendant la projection du film et en
cachette, par ce qu'ils étaient généralement situés derrière l’écran, cachés du public.
Comme les bruitages étaient auparavant dans le domaine théâtral, ils ont été
principalement créés à la main de façon traditionnelle, cependant, cette pratique a été
fortement influencé par le développement du cinéma. On peut évoquer l’exemple d’une
machine qui a été inventé en 1909 par Pathé Frères capable de reproduire une dizaine
de sons différents à l’aide de pistions, pédales, et manivelles. Une seule personne était
capable de créer plusieurs sons, et les groupes de bruiteurs n’étaient donc plus
indispensables pour créer des bruitages crédibles et réalistes.

2
Michel Chion, Un art sonore, le cinéma, France, Cahiers du cinéma, 2003, p400

9
1.2. Les premiers objectifs de la création sonore

Depuis les débuts du cinéma, le son a beaucoup de rôles. Les propriétaires de salles
de projection ont vite trouvé un intérêt à l’utilisation du son dans leurs projections
cinématographiques. Dans une salle de projection, l’utilisation du son permet de remplir
le vide causé par le silence du film. Aussi, sans l’élément sonore, le moindre bruit
parasite peut alors déranger les spectateurs qui profitent de l’expérience filmique.
Dans les débuts du cinéma, les appareils essentiels à la projection étaient rarement
isolés du lieu où sont placés les spectateurs. De plus, l’alimentation en courant
électrique était assez simpliste et plein d’imperfections. L’électricité employé n’était pas
stable3. Les appareils de projection étant quelques fois alimentés avec des générateurs
d’électricité indépendant très bruyants 4. Les bruitages ainsi que la musique ont donc été
utilisés pour masquer des bruits environnants 5, afin que les spectateurs puissent
profiter du film sans être gênés par des sons parasites. Le fait d'utiliser des
reconstitutions artificielles de sons réalistes et des musiques est une réponse
raisonnable à la question des sons parasites.
L’utilisation de ces sons a également répondu aux souhaits du public qui voulait plus de
réalisme. Ces sons permettent d’offrir un spectacle plus réaliste puisque les spectateurs
entendent ce qu’ils regardent. C’est dans ce but que les sons sont utilisés dans les
premières projections, la musique d’une part, pour créer chez les spectateurs des
émotions en relation avec la scène regardée, et l'écrans de l’autre part pour amener
encore plus de réalisme au film.
Néanmoins, si les registres de musique d’orchestres des salles de cinéma luxueuses
leurs donnent la possibilité de jouer des musiques variés et adaptées quelle que soit
l’émotion à transmettre aux spectateurs, il n’en est pas de tout le cas pour les musiciens
des petites salles de projection plus modestes.
Pour cette raison, un grand nombre de producteurs de films commencent à s'intéresser
plus à la qualité du son et de la musique employée, et commencent à proposer aux
propriétaires des salles de projection et aux musiciens des catalogues de mélodies 6, qui
correspondent à plusieurs émotions et actions rencontrés dans les films, c’est alors une
étape essentielle dans la considération du son au cinéma.
On utilise plus le son comme juste un accompagnement sonore approximatif et on
commence à utiliser des partitions musicales bien précises pour des situations et des
films déterminés. Cependant, la synchronisation des éléments sonores et visuelles
commence à prendre de l’importance dans les salles de projection obscure.

3
Jean-Christophe Marti, Musique et cinéma muet, Paris, Réunion des musées nationaux, 1995, p80
4
Jean-Christophe Marti, Musique et cinéma muet, Paris, Réunion des musées nationaux, 1995, p81
5
Michel Chion, Un art sonore, le cinéma, France, Cahiers du cinéma, 2003, p401
6
Gilles Mouëllic, La musique de film, France, Cahiers du cinéma, 2003, p7

10
I.2. L'image, au cœur de l'attention des spectateurs

2.1. Le son, un élément peu considéré

Dans le cinéma, le son est toujours peu considéré par rapport à l’image. Pour la
majorité des spectateurs, un film est constitué principalement d’images. En effet, on
parle souvent de regarder ou de voir un film 7. Les termes souvent utilisés par les
spectateurs suggèrent qu’un film est composé principalement d’éléments visuels, et
n’abordent absolument pas l’idée d’un film dans lequel le son et l’image ont chacune de
l’importance. C’est ce que l’on remarque en observant la répartition des budgets dédié
à la production des films dans le domaine cinématographique.
L’industrie cinématographique se porte très bien sur le plan économique. Et à l'opposé
à ce que l’on pourrait croire, l’industrie cinématographique continue de se développer.
Aussi, son poids dans l’économie est énorme. Le chiffre d’affaires mondial de cette
industrie a été estimé à 34 milliards de dollars en 2012 8, une augmentation 6% par
rapport à 2011. Mais malgré ces résultats impressionnants, les budgets dédiés à la
production des films sont assez inégaux. Face aux 386 millions de dollars 9 qui a été
dédié à la production du film Avatar10, de très nombreuses productions filmiques ont des
budgets de production bien plus limités.
Dans l’industrie cinématographique, plusieurs réalisateurs ont des budgets assez
modestes, dans ce cas, le budget est plus facilement dédié à l’image, si les réalisateurs
doivent refaire différentes prises pour une scène, ils hésitent généralement beaucoup
moins que lorsque c’est pour refaire une prise de son pour des bruitages par exemple.
Aussi que pour les séances de montage plus longues que prévu, mais il est souvent
inconcevable de refaire une séance de mixage sonore même si c’est nécessaire. Le
rôle du son dans la production cinématographique reste déconsidéré et la part des
moyens financiers qui y est dédiée est généralement faible.
La sous-estimation du son dans les productions cinématographiques l’éloigne à une
place clairement en retrait derrière l’image qui est l’élément le plus mis en valeur dans
les productions cinématographiques dans la majorité des films. Dans la majorité des
cas, l’élément sonore est délaissé pour une raison simple. Un grand nombre de
spectateurs, et aussi de réalisateurs, considèrent le son comme juste un élément que
7
Laurent Jullier, Précis d’analyse de la bande son, Paris, Armand Colin, 1995, p17
8
Motion Picture Association of America, Theatrical Market Statistics 2012, www.mpaa.org
9
Jean-Noël Nicolau, Avatar le vrai budget du film, www.ecranlarge.com
10
Avatar James Cameron, Avatar, 2009

11
l’on entend. Mais en réalité, le fait d’entendre suppose qu’un tri inconscient a déjà été
effectuée par le cerveau sur la totalité des informations sonores perçus de
l’environnement qui l’entoure11.
On peut aborder l’exemple d’une personne qui habite à côté d’un lieu bruyant comme
une gare ferroviaire. Avec le temp, le cerveau de cette personne s’habitue
progressivement au bruit qui se répète, et fait automatiquement une sorte de tri des
informations sonores qui reçoit afin que la personne n’ait plus l’impression d’entendre
aussi souvent et intensivement qu’avant les bruits auxquels elle est confrontée. C’est un
point de vue sonore qui as été trié instinctivement et choisi au milieu de la réalité sonore
de cette personne.
D’autre part, l’écoute est très différente, le fait d’écouter repose sur l’utilisation de notre
conscience auditive et de la guider vers des éléments précis pour les entendre. La
différence repose donc dans l’utilisation consciente de son sens auditif.

2.2. La conscience auditive

L’utilisation consciente des capacités auditives cher l’Homme n’est pas fréquente.
Généralement, un individu a plus conscience de ce qu’il perçoit visuellement
qu’auditivement. La perception visuelle est presque instantanée et innée et se fait très
naturellement, alors que l’ouïe nécessite bien plus d’attention, et cette attention est le
cœur du problème.
L’utilisation des sens perceptifs de l’Homme est généralement considérée comme étant
automatique. L’Homme fait totalement confiance à son cerveau quant aux informations
qu’il apporte concernant son environnement. Cela pose peu de problème pour la vue,
en raison de l’habitude à appréhender visuellement un environnement. Par contre, se
fier à l’interprétation des informations sonores par le cerveau n’est pas suffisant pour
l’ouïe, l’écoute a besoin d’une concentration importante et un entrainement.
D’autre part, Matthew Dunn et Molly Webster mettent en évidence l’écart considérable
qui existe entre les rapidités d’analyse auditive et visuelle, grâce à une étude récente en
neurosciences du MIT. D’après cette étude, ses scientifiques ont remarqué le temps
moyen de réaction d’une personne à une stimulation auditive peut s’élever à plus de 50
millisecondes, alors que cette latence est de seulement 13 millisecondes dans le cas
d’une stimulation visuelle12
Michel Chion, Le son Traité d’acoulogie. 2è édition, Paris, Armand Colin, 2010, p253
11

12
Molly Webster, Ears don't lie – www.wnycstudios.org. Matthew Dunn, Research: Is A Picture Worth 1,000 Words
Or 60,000 Words in Marketing - www.emailaudience.com

12
Cela explique pourquoi les informations visuelles sont plus favorisés par notre cerveau
au détriment des informations sonores qui l’atteint. L’écoute attentive a besoin alors de
plus d’effort et d’une plus grande concentration. La différence de nécessité d’attention
entre l’ouïe et la vue, provient en partie d’un problème d’éducation. On remarque que
dans la société d’aujourd’hui, les sollicitations de l’attention auditif cher les individus
sont délaissées, contrairement aux sollicitations de l’attention visuelle. Dès notre
enfance, on est incités à travailler et améliorer rapidement nos sens visuels grâce à
l’apprentissage des formes et des couleurs, en revanche, on s'intéresse très peu de
l’audition.
L’explication à cela peut être la disparition des conditions de survie pour l’être humain.
Dans un milieu hostile, la survie nécessite un éveil de tous les sens de l’Homme,
surtout l’ouïe qui permet d’anticiper une menace, en l’entendant avant de la voir.
Actuellement, dans la société d'aujourd'hui, la question de la survie a disparu, et le fait
de traverser une rue en écoutant de la musique avec des casques audio est devenu
très courant. Cela correspond pourtant à se couper auditivement du monde qui nous
entoure, par ce qu’on considère que l’attention visuelle est suffisante et peut permettre
à elle seule de détecter un éventuel danger. C’est pourquoi, l’audition est considérée
comme un sens secondaire, qui permet de confirmer ou non, ce que l’on perçoit avec
nos yeux.
Malgré cela, si l'audition est de moins en moins sollicitée dans notre société
d’aujourd’hui, le cinéma est un monde dans lequel l’attention auditive prend tout son
sens. En dépit du manque de considération du son dans le cinéma, l’attention visuelle
du spectateur est profondément liée à son attention auditive.

2.3. Les interactions existantes entre la conscience auditive et visuelle

Toute stimulation visuelle ou sonore peut être amplifiée psychologiquement afin de


signaler un éventuel danger. Les informations sonores et visuelles ont alors plus
d’influence et d’impact sur la personne, c’est ce qui arrive à une personne quand elle
est soudainement confrontée à une situation inattendue, son attention est plus forte.

Dans le cas d’un son qui fait appel à l’attention d’une personne, elle essayera de
confirmer avec ses yeux, la source de ce qu’elle entend. C’est ce que Michel Chion
appelle un « phénomène néologique réflexe universel » 13.

13
Michel Chion, Un art sonore le cinéma, France, Cahiers du cinéma, 2003, p221

13
L’attention de la personne est captée par la recherche d’une certaine liaison visuelle à
ce qu’elle perçoit auditivement. En regardant une œuvre cinématographique, le fait de
percevoir un son dont on ignore la provenance attire notre attention, en conséquence,
on est plus attentif à ce qui se passe à l’écran dans le but de connaitre la provenance
de ce son.
Prenons comme exemple un son qui attire notre attention sur un élément dans une
scène qu’on n’aurait pas pu observer sans cet élément sonore. Ces éléments sonores
nous permettent alors de se focaliser sur des points précis du film, ainsi que de nous
faire percevoir les petits éléments cachés qui ne sont pas facile à détecter avec l’image
à elle seule mais qui peuvent avoir une très grande importance dans le récit filmique.
La voix est aussi un élément qui joue un très grand rôle dans la conscience auditive.
L’éducation donne beaucoup d’importance à la voix. Plusieurs enfants se voient
quelques fois reprocher le fait de ne pas écouter ou de ne pas être attentifs lorsqu’un
parent leur parle. C’est par la voix que l'enfant reçoit le langage, l’éducation passe alors
par la voix et habitue l’Homme à y être attentifs. Ainsi, l’attention auditive humaine se
porte naturellement sur la voix, tout en centrant l’attention sur ce que l’on voit.
Michel Chion confirme dans son livre, que si une personne perçoit une voix parmi un
ensemble de sons différents, c’est cette voix que la personne capte premièrement et
prenne son attention. C’est ce qu’il appelle un certain « voco centrisme » 14. L’attention
auditive humaine est ainsi centrée sur la voix. Cela veut dire que dans le cinéma, la voix
sert à guider l’attention visuelle du spectateur, en montrant un point de vue pour
appréhender l’image. Ainsi, la voix, tout comme le son en général, a une importance
capitale dans le cinéma. Le son joue un rôle essentiel durant son association avec
l’image dans le monde du cinéma, que nous y faisons attention, ou non.

II – Les relations intimes son / image dans le cinéma

II.1. Les modalités de la fusion son et image

14
Michel Chion, Un art sonore le cinéma, France, Cahiers du cinéma, 2003, p10

14
1.1. Le rôle du son

Le fusionnement des sons et des images donne un résultat qui dépasse de loin une
simple fusion de sons et d’images, ceux-ci créent un rapport entre eux, qui rend le fait
de regarder un film une vraie expérience pour les spectateurs.
Rassembler des sons et des images donne lieu à un « rapport cinéphonique » 15
complexe, dans lequel ces éléments ont ensemble un poids important. Comme le
déclare Laurent Jullier, le cinéma est en réalité une illusion qui met en scène des «
mirages audiovisuels »16. Ces mirages sont le résultat du fusionnement du sons et de
l’images, et qui se résulte en un vrai show où la perception du son et de l'image se
complètent entre elles et s'harmonisent. Les images d'un film en elles seules ont l'air
d'être vides de signification, elles prennent tout leur sens uniquement que lorsque le
son leurs ai ajouté.
A travers des méthodes cinématographiques complexes, le son et l’image fusionnent et
montrent un contenu que les spectateurs n’auraient pas perçus ainsi s’il avait eu le son
et l’image séparés. Le but de ce fusionnement est de parvenir à créer chez les
spectateurs le sentiment que les sons et les images ont été envisagés ensemble dans
la création du film, et que ce fusionnement lui paraisse optimale.
Ainsi, le but du fusionnement entre le son et l’image est de créer une véritable synergie
audiovisuelle qui paraît idéale au spectateur. A cela s’ajoute l’interaction entre sons et
images

1.2. La projection du son sur l’écran

Le fait d’ajouter du son aux images lors de la projection apporte une dimension
complétement différente au film. Le cinéaste Robert Bresson déclare qu’il n’allait pas à
des simples projections d’éléments visuelles et sonores, mais plus précisément à ce
que ces éléments appliquent instantanément les unes sur les autres 17 . Il considère que
les sons et les images s’influences réciproquement dans le film, pour lui, ce n’est pas
juste une projection de sons et d’images, mais aussi une action mutuelle du son sur
l’image, et de l’image sur le son. Ce cinéaste a donc pu remarquer l’influence mutuelle
qu’ont l’image et le son l’un par rapport à l’autre au moment de leur projection, Mais il
n’est pas le seul, Gilles Mouëllic a aussi remarqué cette influence avec la musique de
film « Le spectateur enrichit sa vision dans la musique sans savoir que sans la musique
15
Laurent Jullier, Précis d’analyse de la bande-son, Paris, Armand Colin, 1995, p74
16
Laurent Jullier, Précis d’analyse de la bande-son, Paris, Armand Colin, 1995, p77
17
Gilles Mouëllic, La musique de film, France, Cahiers du cinéma, 2003, p9

15
ou avec une musique différente, changerais sa compréhension de ces mêmes
images.»18
Pour lui, lorsque la musique accompagne les images, elle améliore la perception
globale du film par les spectateurs et l’enrichit. D’ailleurs, ce phénomène est totalement
inconscient pour les spectateurs puisqu’il perçoit tous les éléments du film comme étant
un seul élément unique. Gilles Mouëllic conclut en attestant que « le spectateur croit
voir ce qu’il entend »19.
Ce phénomène a aussi été étudié par Michel Chion, Il appelle cela une plus-value, et la
considère « une valeur qui informe et exprime, dont le son enrichit l’image projetée,
jusqu’à donner à croire que cette expression ou information se dégage de ce qu’on voit,
et est déjà contenue dans l’image seule. Et jusqu’à donner l’impression injuste que le
son n’a pas d’utilité, et qu’il redouble un sens qu’en réalité il crée. » 20
Ainsi, les éléments expressifs et informatifs apportés par le son, contribuent
grandement dans l’enrichissement du contenu visuel du film.

1.3. Le son et les perceptions de la scène et de l’action

L’utilisation du son joue un rôle primordiale dans les perceptions que les spectateurs
peuvent avoir en regardant un film, en projetons le son sur l’image, ces spectateurs
peuvent apercevoir et comprendre le film de manière très différente les uns par rapport
aux autres.
Prenons comme exemple, les reconstitutions d’éléments sonores qui doivent compléter
une action dans une scène, qui est un exemple captivant à ce propos. On trouve d'un
côté, la création d’un point de vue subjectif d'une action filmique en reconstituons Le
son, et d’un autre côté la conception réaliste de sons dans le souci d’un point de vue
objectif de la scène.
Le but de l’utilisation de ces reconstitutions de sons nommés bruitages est de clarifier le
contenu présent dans les images et de remplir le vide qu’elles représentent en elles
seules. Lors d’un tournage, les scènes sont filmées sans aucune considération des
bruits. Comme nous le rappelle Michel Chion, les prises de son lors d’un tournage sont
dédiées principalement aux dialogues et aux voix des acteurs 21.

18
Gilles Mouëllic, La musique de film, France, Cahiers du cinéma, 2003, p52
19
Gilles Mouëllic, La musique de film, France, Cahiers du cinéma, 2003, p53
20
Michel Chion, L’audio-vision, Son et image au cinéma 3 è édition, Paris, Armand Colin, 2013, p9
21
Michel Chion, L’audio-vision, Son et image au cinéma 3 è édition, Paris, Armand Colin, 2013, p9

16
Par ailleurs, les scènes incluant des chocs ou des déplacements d’objets par exemple,
sont filmés avec des matériaux généralement silencieux 22, pour justement ne pas
impacter les prises de son des dialogues.
Sans l’utilisation de ses sons, les images en elles seules ont l'air vides de réalité et ont
peu de signification et de sens, ces sons ont un rôle décisif dans la crédibilité des
scènes et donnent aux spectateurs la sensation que ce qu’ils perçoivent avec leurs
yeux et leurs oriels est réel.
On peut prendre comme exemple une scène de combat dans laquelle deux
personnages s’échangent des coups de poing. Sans l’utilisation de bruitages, ces coups
de poing n’ont pas d’effet sur les spectateurs et paraissent ridicules. Les images
apparaissent presque sans signification par ce qu’elles paraissent très fades et
monotones. En contrepartie, en ajoutant des sons aux éléments visuels, les coups de
poing prennent une certaine cohérence, l’image s’unifie avec le son et le film deviens
donc crédible.
On peut citer un autre exemple de ce phénomène, qui est les sons de véhicules. Dans
le cas d’une voiture de sport utilisés lors d’un tournage, elles sont parfois fournies aux
techniciens du son pour qu’ils puissent enregistrer tous les sons qui peuvent être
nécessaires pour bruiter la séquence.
Le but de ce genre d’enregistrement est de rendre la séquence filmée plus crédible en
utilisant leurs vrais sons d'origine, qui sont des fois très particuliers et qu’on ne peut pas
simplement remplacer avec des sons trouvés dans les banques de sons.
L’enregistrement des bruitages dans le lieu de tournage apport une importante
harmonie entre l’image et le son et donc un plus grand réalisme au film, et plus de
crédibilité.
C’est pourquoi, le souci du réalisme des sons donne un point de vue très objective de la
scène, il est ainsi nécessaire de donner aux spectateurs une vue de l’extérieur, à partir
de laquelle les images apparaissent plus réelles grâce aux sons.
Il y a une autre façon d'approcher ces éléments sonores. Le domaine
cinématographique est un monde où le réalisme n’est pas toujours présent. Michel
Chion déclare qu’il n’existe pas que juste un seul milieu objectif au cinéma, mais il
existe aussi des sélections subjectives des sons ainsi que des perceptions fractionnées
des spectateurs23.
L’objectivité ne constitue qu'un de plusieurs points de vue proposés par le cinéma. Les
œuvres cinématographiques présentent rarement la réalité telle qu’elle est de manière
objective. Généralement ces œuvres exhibent le point de vue visuel et sonore d’un ou
de plusieurs personnages, pourtant cela correspond aussi à la réalité.

22
Michel Chion, L’audio-vision, Son et image au cinéma 3 è édition, Paris, Armand Colin, 2013, p11
23
Michel Chion, Un art sonore, le cinéma Histoire, esthétique, poétique, France, Cahiers du cinéma, 2003, p182

17
La perception qu’on as de l’environnement qui nous entoure n’est pas toujours objective
car plusieurs éléments peuvent modifier cette perception et donnent par conséquent un
regard subjectif sur cet environnement. La conscience auditive est l’une de ces
éléments, les êtres humains n’utilisent que très rarement leurs capacités auditives au
maximum et mettent très fréquemment de côté des informations sonores qui
représentent un regard très objectif sur l’environnement qui les entourent. En laissant
inconsciemment de côté quelques informations sonores, le cerveau fait de la perception
auditive de l’environnement qui l’entoure, une perception subjective.
Michel Chion évoque l’exemple d’une scène intéressante. Cette scène raconte l’histoire
d’un personnage qui est bien concentré sur son travail, le son de l’environnement
alentour étant à un niveau moyen. Il entend alors très distinctement son ami qui
l’appelle, et se rappelle que ce dernier est censé lui rendre visite le jour même. Il va
alors à la fenêtre pour découvrir que son ami est bien en bas dans la porte, et lui
demande effectivement d’ouvrir la porte.
Si le personnage concentré dans son travail arrive à entendre la voix de son ami au
milieu d’autres sons environnants, ce n’est pas parce que le son de sa voix est plus fort
que les autres sons, mais parce que sa perception auditive est plus attentive à la voix
humaine, surtout celles qu’il reconnaît, c’est pourquoi, sa perception de l'environnement
sonore est tout à fait subjective.
Par contre, le spectateur qui regarde cette scène n’est pas sensible à la voix du
personnage, parce ce qu'il ne le connaît pas. Le spectateur ne fera sans doute pas
attention à la voix du personnage puisqu’elle est moins forte que le volume sonore
environnant, néanmoins, cela peut être un élément important du film, comme un point
clef du récit par exemple. Les sons permettent ici de percevoir le point de vue du
personnage dans la scène, c’est leurs objectifs. La mise en place des sons passe par
une déformation du point de vue objectif de ce qui se passe à l’écrans.
On crée donc une autre réalité qui convient à la perception subjective exactement
comme elle est censée l’être pour le personnage. D’ailleurs, cela est mentionné par
Michel Chion qui précise que « la subjectivité du son correspond à exposer le point de
vue sonore d’un personnages » 24. La question du réalisme des sons utilisés ne nous
pose plus un problème et on est plus attentif aux relations existantes entre les
perceptions de la scène par les spectateurs, et les perceptions des actions par les
personnages.
On utilise généralement le mot Bruitage dans le cas d’un point de vue objectif d’une
scène. Par contre, on utilise plus le mot Sound design quand on souhaite mettre en
place un vrai point de vue subjectif en employant des effets sonores.

24
Michel Chion, Un art sonore, le cinéma Histoire, esthétique, poétique, France, Cahiers du cinéma, 2003, p190

18
III - Le son perfectionne les émotions apportées par le film

Dans un film, les images sont capables de procurer plusieurs émotions au spectateur,
perçues consciemment ou non. Le son permet d’accentuer cet aspect sensationnel du
film. L’association du son aux images permet d’amplifier ces sensations délivrées par
celles-ci.

III.1. Le son et la structure du film

1.1. Le son comme facteur de continuité et d'unité

Le son occupe une grande importance dans la structure du film. L’image projetée est un
ensemble de plans visuels qui s’enchaînent. Entre ces plans, les raccords comme les
fondus enchaîné sont très rares.
La plupart du temps, ce sont des raccords Cut qui sont utilisés, c’est à dire des
coupures brusques entre les différents plans, ces transitions visuelles sont assez
brutes. On peut facilement remarquer les différents plans et coupures (raccords Cut)
quand on regarde que les images d’un film. Par contre, les longues scènes filmées en
Travelling, c’est à-dire lorsque toute une scène est filmée en seulement un seul plan,
sont assez rares.
Au cinéma, les séquences et les actions sont majoritairement constituées de plusieurs
plans différents qui se suivent les uns après les autres, c’est le principe même du
cinéma. Lors du tournage, les actions ne se passe presque jamais comme on les
regarde dans le résultat du tournage. C’est la succession des différents plans qui crée
l’illusion d’une action. Mais, il manque un élément important à l’image afin que tous les
différents plans soient perçus comme étant une seule action unique.
En effet, Même si les diffèrent plans qui se succèdent ont été écrits dans le scénario
pour constituer un récit que le spectateur peut facilement comprendre, le lien n’est pas
nécessairement flagrant entre ces différents plans, le spectateur ne conçoit pas
forcément aisément le rapport entre les différentes images. Donc, la compréhension
générale du film s’appuie sur les liens que peut faire le spectateur entre les plans du

19
film, et c’est là qu’intervient le son. Sans la présence des sons dans un film, il ne
constitue qu’un ensemble de plans discontinus.
Le son est à la fois un facteur essentiel de continuités et d'unités, il apporte une certaine
liaison entre les plans du film. Comme nous le confirme Gilles Mouëllic25.Dans la
majorité des scènes d’actions, et qui se caractérisent par un enchaînement des plans
rapide, le spectateur n’a presque jamais le temps de regarder le contenu visuel des
différents plans. L’enchaînement des différents plans d’une scène d’action, amène la
vitesse de l’action, et pour cela, des plans très brefs et variés sont montrés au
spectateur, comme par exemple, une séquence de juste quelque seconde d’un combat
entre deux personnes, ou on aperçoit un plan d’un coup de poing d’un personnage suivi
par la réaction du deuxième personnage.
Le son donne ici une sorte de continuité qui permet de mieux comprendre la succession
des plans, et permet donc de mieux comprendre l’action. Le spectateur attache tous
ces plans entre eux et les relient psychologiquement dans l’action filmique. Il ne
remarque presque jamais les coupures brutes et nettes de l’image entre les différents
plans et les perçoit comme une succession parfaite de plans.
Dans le tournage, l’action s’est certainement déroulée différemment que l’on aperçoit en
regardant le résultat, mais ce qu’on aperçoit est unifié et harmonisé par le son, qui
apporte alors une certaine fluidité a l’enchaînement des plans et donne l’impression
qu’ils constituent une seule et unique scène, et donne au spectateur la sensation d’avoir
une vue unifiée sur la scène. Le son apporte alors une vraie uniformité, et une énorme
continuité a la perception de l’œuvre cinématographique.
L'ingrédient musical est aussi un excellent exemple pour démontrer la continuité
donnée aux différents plans du film. La musique, étant souvent continue, elle permet
d’unifier les différentes scènes sur un long terme, tout en donnant une sorte
d'homogénéité à la succession des différents plans.
Mais, La musique peut aussi avoir une grande importance dans l’homogénéisation
générale d’un film, par les variations des thèmes de musique qui ajoutent une unité au
film. Les thèmes musicaux du film, qui se répètent dans différentes parties du film,
permettent de linéariser les différentes scènes, et permettent ainsi de donner au
spectateur une certaine sensation de liaison entre les différents passages du film.
Le son a un autre rôle dans la création des sensations cher le spectateur. En plus des
sensations liées à l’unité et à la continuité, le son apporte également une certaine
temporalité, et un rythme au film.

1.2. La relation du son avec le temps dans le cinéma


25
Gilles Mouëllic, La musique de film, France, Cahiers du cinéma, 2003, p29

20
Dans le cinéma, la sensation temporelle a une grande importance dans l’appréhension
du rythme des scènes. On s’intéresse ici à l’aspect subjectif du temp et du rythme, ainsi
qu’aux sensations subjectifs apportées par ceux-ci, correspondant à l’action de la scène
regardée. Le temp n’est pas toujours objectif dans un film puisqu’il y a aussi la
perception des scènes par les personnages qui as un rythme subjectif. La perception de
ce rythme est une chose compliquée pour le spectateur quand il regarde la suite
d’images à l’écran.
Gilles Mouëllic affirme que ‘’Sans le son, il manque une sorte de rythme au film qui
donne la capabilité d’estimer le temps psychologique de l’action en la rapportant à la
sensation naturelle et primaire du temp réel‘’ 26. Il considère que les images à elles
seules, ne permettent pas de considérer le temp d’une action d’un point de vue
subjectif, contrairement au son qui en est capable.
Vsevolod Poudovkine annonce que « l’image peut exprimer le tempo du monde, alors
que le son suit le rythme changeant des perceptions humaines » 27. L’image exprime
une perception plus objective du temps d’une action dans un film, tandis que le son
exprime une perception plus subjective du rythme. Cette sensation subjective du temps
et du rythme peut passer par la musique.
Pour Michel Chion, la perception du temp de l’image occupe ainsi une partie très
importante de la plus-value du son au cinéma. Il considère que le son influence
directement l’image par le biais de ce qu’il appelle ‘’une temporalisation de l'image par
l'élément sonore’’28. Il précise aussi que ‘’ Le son peut animer temporellement une
image selon toutes ses caractéristiques, a un rythme plus ou moins resserré‘’ .
La perception temporelle du public est alors influencée par toutes les caractéristiques
des sons. Prenons l’exemple du film «Les dents de la mer» 29, le compositeur de ce film
a réussi à rendre les spectateurs très sensibles au suspense, à travers une musique qui
crée une ambiance assez troublante grâce à des sonorités graves et courtes jouées par
des cuivres et des instruments à cordes. Cette ambiance sonore troublante permet
d’allonger subjectivement la durée de la scène, où un requin s’approche et s’apprête à
attaquer sa victime.
C’est pourquoi, les spectateurs savent ce que la prochaine victime attend, mais
l’ambiance créée par la musique les mettent en attente et leur donne le sentiment que
la scène est plus longue qu’elle ne l’est réellement. Ains, le son la capacité de faire
ressentir une durée aux spectateurs 30. La perception du temp dépond alors de la

26
Gilles Mouëllic, La musique de film, France, Cahiers du cinéma, 2003, p6
27
Michel Chion, Un art sonore, le cinéma, Histoire, esthétique, poétique, France, Cahiers du cinéma, 2003, p180
28
Michel Chion, L’audio-vision, Son et image au cinéma, 3 è édition, Paris, Armand Colin, 2013, p17
29
Steven Spielberg, Les dents de la mer, 1975
30
Gilles Mouëllic, La musique de film, France, Cahiers du cinéma, 2003, p5

21
perception du son. Cependant c’est également le cas de la perception de l’espace par
les spectateurs.

III.2. L'espace sonore

2.1. Les limites du cinéma, sensations et espace

Au cinéma, la perception visuelle est limitée pas les bords de l’écran, Mais
contrairement au son qui n’as pas de vraiment de frontières dans une salle de
projection, les limitations sont bien plus faibles pour le spectateur lorsqu’il regarde un
film.
La vue de l’être humain est naturellement frontale, elle est limitée à cause des
caractéristiques de la vue humaine. Un être humain ne peut voir que devant lui à cause
de la position et de la directivité de ses yeux, pour qu’un être humain puisse regarder
derrière lui, il est forcé de tourner sa tête, dans ce cas il percevra plus que ce qui est
devant lui, ce qui limite la perception de sa vue.
La majorité des salles de cinéma proposent un écran limité horizontalement et
verticalement situé face aux spectateurs, dans le but de répondre aux spécifiés de la
vue humaine. La sensation de l’espace apporté par la vue se passe à travers le
placement dans le cadre de l’écrans, et par la profondeur et la capacité visuelle du
spectateur à percevoir l’image en trois dimensions.
L’ouïe de l’Homme marche très différemment, le système auditif humaine n’est pas
directif, contrairement à la vue31. L’ouïe de l’Homme est capable de percevoir plusieurs
sources sonores différents, au même temps, quelle que soit l’emplacement de ces
sources sonores dans l’espace32.
Le système auditif a donc une capacitée de perception à 360°, permettant la perception
des sons présent tout autour de nous. De plus, il a la capacitée d’estimer les écarts de
distances entre les sources sonores perçus et le point d’écoute 33. Le système auditif
humain peut donc percevoir avec précision, la position de n’importe quel son venant
d’une zone qui dépasse amplement notre champ visuel.

31
Michel Chion, Le son Traité d’acoulogie, 2è édition, Paris, Armand Colin, 2010, p29
32
Laurent Jullier, Précis d’analyse de la bande-son, Paris, Armand Colin, 1995, p116
33
Michel Chion, Le son, Traité d’acoulogie, 2 è édition, Paris, Armand Colin, 2010, p32

22
C’est pourquoi dans le cinéma, grâce au son, le spectateur peut percevoir différentes
actions au même temp a des endroits éloignés les uns des autres dans l’espace
filmique. Cet espace tri-dimensionnel de perception auditive est bien plus remarquable
que celui de l’écran seul, ainsi, il est grandement employé dans le cinéma afin
d’influencer la perception de l'espace des spectateurs.
Le son a une très grande importance, étant donné qu’il permet aux spectateurs
d’appréhender l’espace filmique sans être borné par l'écran, il apporte une partie
importante des émotions et sensations liées à l’espace du film, dans lequel les scènes
se déroulent. Le son apporte encore plus d’émotions de sensations au spectateur liées
à l’espace du film, notamment lorsqu’il est entouré de plusieurs sources sonores à la
fois, par conséquent, la qualité des systèmes de diffusion sonore utilisé par les salles
de cinéma lors de la projection a une énorme importance. Le système de sonorisation
crée un champ sonore de 360° tout autour des spectateurs et donne une impression
d’être complétement plongé dans les sons, ce qui apporte d’important sensations
d’espace.

2.2. Les systèmes de sonorisation

Dans une salle de cinéma, le système audio est un élément indispensable et essentiel.
Les caractéristiques, ainsi que la qualité du système de diffusion sonore employé dans
une salle de projection peuvent grandement impacter les sensations produites et
intensifiées par le son.
De nos jours, le problème de la qualité sonore amène un grand nombre de spectateurs
à s’équiper en système de sonorisation complet pour leur foyer, ou simplement d’aller
regarder un film dans une salle de cinéma afin de profiter des bonnes conditions de
diffusion sonores de la salle.
En regardant un film dans une salle de projection qui utilise un système de diffusion
sonore de très bonne qualité, les sensations provoqués chez les spectateurs lié
l’espace sonore sont très optimales. En effet, un système de diffusion sonore de très
bonne qualité améliore grandement les sensations apportées aux spectateurs, par la
qualité du rendu sonore et de la spatialisation du son.
L’avantage d’un bon système sonore réside dans le rendu de la spatialisation du son,
par les différents canaux de diffusion et enceintes employé dans une salle de
projection. Le but est de pouvoir offrir le meilleur rendu sonore possible aux
spectateurs, pour qu’ils puissent profiter convenablement des sensations d’espace
filmique.

23
Ainsi, l’objectif des fabricants de matériels sonores pour les salles de cinéma est
d’essayer d’aller au maximum possible dans la provocation des sensations chez les
spectateurs à travers le système de diffusion sonore. En effet, depuis nombreuse
années, les améliorations essentiels apportées aux systèmes de diffusion sonore pour
les salles de projection reposent sur la quantité de canaux sonores utilisable. Le but
était donc de perfectionner et d’augmenter les sensations d’espace provoqués chez le
spectateur, et lui donner le sentiment d’être entouré par le son tout autour de lui, grâce
aux multiples sources sonores distribués sur les nombreuses enceintes présentes dans
la salle de projection.
Le système 5.134 a longtemps resté le standard des systèmes audio au cinéma, il est
aussi le plus utilisé dans les configurations Home cinéma, utilisant une enceinte
subwoofer consacré aux basses fréquences, deux enceintes derrière le spectateur, et
trois enceintes face à ce dernier.
Par contre, dans les salles de cinéma, on trouve plusieurs configurations sonores
possible. Un grand nombre de salles de cinéma sont équipées avec des systèmes de
diffusion sonore allant du 7.1, un système où deux enceintes sont rajoutées sur les
côtés en le comparant au système 5.1, jusqu’au système 22.2 qui est assez rare et
qu’on trouve dans certains multiplexes cinématographiques, notamment au Japon 35. La
sensation d’être baigné dans les sons du film y est spécialement travaillé dans ce
système de diffusion sonore, permettant ainsi aux spectateurs de se sentir au cœur du
film et de l’espace sonore de la scène visuelle.
Pour Laurent Jullier, la multiplication des enceintes au cinéma donne au spectateur
l’impression que « la scène du film se prolonge réellement dans la salle en dehors du
cadre de l’écran »36.
En effet, on peut dire que le son prolonge le film tout autour du spectateur, toutefois,
cette sensation a une limite puisqu’elle n’est présente que sur le plan horizontal de la
salle de projection.
Quelle que soit la quantité des enceintes d’un système de diffusion sonore, ainsi que
leur répartition sur le plan horizontal de la salle de projection, il manque un élément
important à la diffusion sonore, cet élément est l’élévation.
Le système auditif de l’homme est aussi sensible à la hauteur de la source sonore, il est
donc capable de distinguer entre un son provenant du haut d’une salle de projection et
un son provenant du sol. La perception de l’élévation fait de la perception auditive
horizontale, une perception en volume. L'ouïe de l’Homme est naturellement tri-
dimensionnelle. Alors que la bande son des films est généralement mixée et pensée
uniquement à l’horizontale.

34
Bergame Périaux - Jean-Luc Ohl - Patrick Thévenot - Le son multicanal – Dunod - www.dunod.com
35
Bergame Périaux - Jean-Luc Ohl - Patrick Thévenot - Le son multicanal – Dunod - www.dunod.com
36
Michel Chion, L’audio-vision, Son et image au cinéma, 3 è édition, Paris, Armand Colin, 2013, p74

24
Dans une salle de projection, le son se déplace tout autour des spectateurs mais
uniquement sur le plan horizontal, seulement, de nos jours, de nouveaux systèmes de
diffusion sonore permettent une nouvelle conception du son dans une salle de cinéma,
notamment en intégrant le plan sonore verticale.
Le système de diffusion IMAX, peu employé par les salles de projection, utilise un canal
de diffusion sonore placé au-dessus des spectateurs 37.
Le système de diffusion Dolby Atmos commence à être utilisé dans quelques salles de
projection, mais ce système est encore assez rare, ce dernier utilise deux lignes
d’enceintres au plafond de la salle de projection 38.
En ajoutant la perception sonore verticale a la perception horizontale du son, ces
systèmes de sonorisation sont capables de produire en quelque sorte, un rendu sonore
en trois dimensions. Comme l’affirme le réalisateur Guillermo DEL TORO, ce type de
diffusion sonore « est davantage de la 3D que les images en 3D » 39. En effet, ces
systèmes de de diffusion donnent un fort sentiment d’être compris dans l’espace
filmique.
L’élévation permet ainsi de produire un espace sonore 3D qui englobe les spectateurs,
ces derniers se trouvent complètement entourés de sources sonores, au beau milieu du
système de diffusion sonore, et qui permet aux spectateurs de se sentir immergés dans
l’espace du film, et qui leur permettent ainsi de percevoir les différents sons
d’environnement des différents personnages du film, de la même façon qu’eux.
Laurent JULLIER confirme cela en admettant que pour lui, grâce aux sensations
procurées par les systèmes de diffusion, « le cinéma redevient l’attraction qu’il était à
ses débuts »40.
Néanmoins, ces systèmes de diffusion sonore sont fortement affectés par la question
de l’emplacement des spectateurs dans la salle de projection. Un spectateur qui se
trouve sur le bord de la salle de projection juste en dessous d’une source sonore n’aura
pas les mêmes sensations d’espace qu’un spectateur qui se trouve au centre de la
salle, par ce qu’ils ne percevront pas le son de la même façon. C’est pourquoi, les
différents canaux de diffusion sonore sont aussi parfois employés dans le but
d’homogénéiser la perception sonore des spectateurs, afin que leur emplacement dans
la salle de projection n’affecte pas trop leurs sensations créées par le film 41. Chaque
canal sonore diffuse une petite partie du mix principal du film composée des éléments
essentiels, permettant ainsi de limiter les inégalités de sensations sonores perçues par
les différents spectateurs.

37
IMAX Corporation, l’expérience IMAX : Le son, www.imax.com
38
Elsa Bembaron, Le son en 3D de Dolby s’impose dans le cinéma, www.lefigaro.fr
39
Elsa Bembaron, Le son en 3D de Dolby s’impose dans le cinéma, www.lefigaro.fr
40
Laurent Jullier, Précis d’analyse de la bande-son, Paris, Armand Colin, 1995, p114
41
Laurent Jullier, Précis d’analyse de la bande-son, Paris, Armand Colin, 1995, p114

25
Dans l’installation sonore d’une salle de projection, aucune enceinte ne sera utilisée
toute seule, et aucune enceinte ne sera muette en permanence, pour éviter au mieux
que les spectateurs n’aient une mauvaise perception sonore qui pourrai nuire aux
sensations filmiques apportés. Les systèmes de diffusion sonore utilisés dans salles de
cinéma sont optimisés pour améliorer au maximum les sensations apportés aux
spectateurs par les éléments purement sonores.

2.3. Le son révèle ce qui n'apparait pas à l’écran

Une œuvre cinématographique n’est pas limitée aux bords d’un écran par ce que le son
prolonge l’espace du film tout autour des spectateurs. Lorsqu’on regarde un film, les
composants du récit filmique ne sont pas nécessairement présents dans l’image,
certains composants du récit filmique sont évoqués aux spectateurs uniquement par le
son. Michel Chion définit ainsi « la situation d’écoute acousmatique, comme celle où
l’on entend le son sans voir sa cause »42.
Lorsqu’on perçoit un son qu’on ne peut pas repérer sa source, on parle alors d’écoute
acousmatique. Les éléments du récit filmique non présents à l’écran sont donc placés
dans le hors champ du film. C’est un procédé très souvent utilisé dans la narration
filmique.
Afin de donner un contexte à une action filmée on peut placer plusieurs éléments
sonores dans l’espace hors champ du film, et ce de diverses façons. L’élément sonore
fréquemment placé dans l’espace hors champ du film est la voix off, utilisés
principalement pour la narration, et dont la source est rarement visible à l’écran. La voix
off donne la sensation aux spectateurs d’être situées dans un espace-temps différent
que celui du film, cependant, cet élément influence souvent la perception des images.
Laurent JULLIER précise que la voix-off a deux pouvoirs bien distincts sur l’image. La
voix-off a d’une part une « fonction dénominative » 43, qui permet de détailler les noms
des personnages ou des objets, et d’autre part une « fonction de génie » 44, bien plus
complexe, qui permet de matérialiser les personnages et objets qu’elle nomme dans
l’esprit du spectateur. C’est pourquoi, la voix off, présente uniquement dans l’espace
sonore du film, permet de modifier la perception du récit filmique des spectateurs. Un
autre procédé narratif qui passe uniquement par le son et hautement lié à
l’acousmatique, et aussi développé par Michel Chion.

42
Michel Chion, L’audio-vision, Son et image au cinéma, 3 è édition, Paris, Armand Colin, 2013, p29
43
Laurent Jullier, Le son au cinéma, France, Cahiers du cinéma, 2006, p61
44
Laurent Jullier, Le son au cinéma, France, Cahiers du cinéma, 2006, p61

26
Dans certains films grand public, il y a quelques éléments narratifs qui ne sont pas
toujours montrables par ce qu’ils peuvent choquer les spectateurs, ces éléments
peuvent être même insupportables pour des spectateurs non avertis. A travers le son,
ces éléments narratifs sont suggérés aux spectateurs qui sont alors complètement libre
de s’imaginer les images, ou non. Ce procédé narratif est appelé par Michel Chion de «
acousmatisation de l’in-montrable »45. On propose visuellement aux spectateurs
l’action qui va se dérouler, et à l’instant précis de l’action qu’on ne désire pas montrer
aux spectateurs, on change de plan et on ne garde que les éléments sonores de la
scène, le son n’a alors plus de source visible présente à l’écran.
On imagine typiquement une scène dans laquelle un personnage prévoit de se donner
la mort, les images au début montrent le personnage en train d’allumer sa dernière
cigarette, ensuite il prépare son revolver et au moment où il déclenche l’arme, le plan
visuel change et montre par exemple la maison du personnage vue de l’extérieur.
Mais sur le plan sonore, on perçoit clairement le son du fusil, sans voir l’action a
l’écrans. Cette méthode narrative permet au spectateur de comprendre facilement ce
qui se passe dans l’action filmique sans la montrer visuellement. Le fait de changer de
plan visuel a l’instant où le personnage déclenche son arme transporte l’action dans le
hors champ du film, et permet au son seul de raconter ce qui se déroule dans l’action
aux spectateurs.
On peut aussi évoquer l’exemple d’une scène dans le film Alien 46, où un personnage
poursuit son chat dans un endroit obscur. Au moment où le personnage trouve son
chat, l’alien se montre soudainement. On voit alors à l’écran un très gros plan sur le
chat pendant qu’on entend que les sons de l’action, où le personnage se fait dévorer
par l’alien.
Dans cet exemple le son illustre une action qui se passe uniquement dans le champ
sonore de la scène, les sons d’ambiances de cette scène représentent aussi une
grande partie du son hors champ, l’espace dans lequel ces ambiances sonores se
trouvent, représente le contexte sonore dans lequel se passe la scène présente à
l’écran. Afin d’évoquer celui-ci, les ambiances dans lequel se situe la scène filmée, sont
composées de sons qui n’ont aucune source visible à l’écran.
Selon Michel Chion, c’est un « superchamp » 47. A l’aide des informations spatiales, le
Super champ permet d’indiquer le milieu dans lequel le personnage évolue. Le Super
champ permet de donner conscience de l’environnement sonore aux spectateurs.
Prenons comme exemple une scène qui se passe dans un poste de police, le Super
champ peut être constitué de sons humains, de dialogues, de sons de
télécommunications. Et si la scène se passe dans une plage, le Super champ peut être
constitué de sons de mouettes et de vagues. Le canal de diffusion sonore Surround qui
45
Michel Chion, Un art sonore, le cinéma, Histoire, esthétique, poétique, France, Cahiers du cinéma, 2003, p187
46
Ridley Scott, Alien, 1979
47
Michel Chion, Le son Traité d’acoulogie, 2è édition, Paris, Armand Colin, 2010, p170

27
se situe derrière les spectateurs dans les salles de cinéma, trouve ici son sens. Diffuser
le Super champ à travers le canal Surround « restitue une atmosphère qui doit
envelopper le spectateur »48. Les spectateurs peuvent ainsi avoir la sensation d’être
noyé dans l’environnement sonore filmique.
Michel Chion mentionne que dans quelques films musicaux, comme dans le film
Woodstock, le super-champ a un rôle prépondérant 49. L’environnement sonore du film
est constitué des sons émis par le public. Avec ces ambiances sonores, le Super
champ donne aux spectateurs le sentiment d’élargir le lieu du spectacle filmé dans la
salle où le film est projeté50. Les spectateurs peuvent ainsi avoir la sensation d’être
immergés au milieu de la foule du spectacle diffusé à l’écran.
Les sensations d’immersion des spectateurs sont amenées par le son créée par des
sources non visibles à l’écran. Généralement, les sources sonores hors champ
permettent d’étendre l’espace du récit filmique. Ceux-ci apportent de nouveaux
éléments narratifs dans un espace sonore qui est quasiment illimité en comparaison au
champ visuel. Ces éléments sonores participent au récit filmique et contribuent
fortement aux émotions perçus par les spectateurs.

48
Laurent Jullier, Précis d’analyse de la bande-son, Paris, Armand Colin, 1995, p114
49
Michel Chion, L’audio-vision, Son et image au cinéma, 3 è édition, Paris, Armand Colin, 2013, p129
50
Michel Chion, L’audio-vision, Son et image au cinéma, 3 è édition, Paris, Armand Colin, 2013, p129

28
CONCLUSION

Le son constitue une part importante du monde cinématographique, il est employé


depuis les débuts du cinéma afin d’accompagner les projections des films. On distingue
d’une part les bruitages, dont les méthodes utilisées sont devenues très
impressionnants et efficaces, et d'autre part le son créé par un orchestre.
Le but est donc de proposer une bande sonore homogène et cohérente relativement
aux images. Dans ce but sont publiés plusieurs documents qui déterminent l’utilisation
de partitions musicales spécifiques pour certaines images, en mettant de côté
l’approximation de l’accompagnement musical.
Toutes proportions gardées, malgré l’utilisation qui en a été faite aux débuts du cinéma,
le son a longtemps été considéré comme un simple accompagnement des images. Le
centre de l’attention des spectateurs au cinéma est l’image. L’observation des
différences de considération entre l’image et le son met en évidence la supériorité du
visuel sur le sonore.
La majorité des spectateurs sont bien moins attentifs à ce qu’ils perçoivent auditivement
que visuellement et cela s’explique par l’utilisation quasi inconsciente de le l’ouïe par
l’être humain, résultant d’une différence importante d’éducation du sens auditif par
rapport au sens visuel. Mais, si l’absence de la concentration auditive est énorme dans
notre société, celle-ci prend de l’intérêt dans le monde cinématographique. Elle permet
de capter l’attention des spectateurs sur les petits détails, et les suscitent à se
concentrer sur la perception visuelle du film. Le son sert ici à guider l’attention visuelle
du spectateur sur ce qui se passe à l’écran.
Les informations apportées par le son semblent émaner des images et donnent
l’impression que celui-ci n’est qu’une sorte de répétition du contenu visuel. Mais en
réalité, les perceptions de la vue et du son s’adaptent l’une à l’autre et s’harmonisent au
travers du film comme un tout audiovisuel.
Ainsi, le son n’est pas qu’un simple accompagnement de ce qui se passe à l’écrans, il
est bien plus que cela. Il a un rôle majeur dans le film, ou du moins aussi important que
l’image. Le mélange du son et de l’image crée une synergie complexe qui fait du film
une vrais expérience. Le son permet d’apporter des informations à la perception de
l’image par les spectateurs et constitue une augmentation considérable de la richesse
du contenu visuel, par l’apport d’une valeur expressive et enrichissante qui influence
grandement la perception du film par les spectateurs.

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D’une part, le son peut avoir une grande importance sur le point de vue scénique
proposé aux spectateurs. Les effets sonores utilisés définissent l’angle selon lequel une
scène est perçue auditivement. L’objectivité passe par l’exploitation d’éléments sonores
réalistes

qui apportent une cohérence et plus de crédibilité à l’image, mais la subjectivité par
contre passe par l’écriture d’éléments sonores complexes.
Pour créer un point de vue sonore particulièrement subjectif, cela s’effectue par le
design sonore. C’est comme ça qu’on peut créer une perception sonore subjective
d’une scène par l’un des personnages vivant l’action, pour transmettre aux spectateurs
les émotions qu’il est susceptible d’éprouver dans le cadre du récit du film. Le Sound
design permet ainsi de baigner les spectateurs dans l’environnement sonore du film et
des personnages, de manière très crédible, et transforme le tout audio-visuel en un
véritable show facteur de sensations pour les spectateurs.
Dans un second temps, le son à lui seul renforce grandement les sensations filmiques .
Ininterrompu, il amène une sorte de liaison à la succession des images, et donc une
continuité qui permet de faire le lien entre les différents plans. Ce ne sont donc plus des
éléments visuels interrompues et discontinues au moment où le son les lie en une seule
séquence et donne aux spectateurs le sentiment de n’avoir qu’un seul point de vue
unifié de la scène.
En plus, la perception du temps est aussi dépendante de la perception du son, qui au
travers de toutes ses caractéristiques peut faire ressentir le temps psychologique d’une
action ou la temporalité et le rythme du film.
Enfin, le son joue un rôle très important dans la création de sentiments liées à l’espace
du film. En effet, l’espace visuel est limité aux bords de l’écran, alors que le son
constitue un espace de perception beaucoup plus large.
L’audition humaine est capable de capter le son de tout ce qui entoure l’être humain,
sur 360°. Le son du film permet donc de donner au public l’impression d’être
complètement entouré par des sources sonores, d’où l’obligation d’utiliser des systèmes
de diffusion audio qui apportent un rendu optimal de la spatialisation sonore.
De nos jours, ces systèmes visent l’immersion des spectateurs dans l’environnement
sonore du film, grâce à l’exploitation de la composante verticale. Cela permet
d’envelopper les spectateurs dans un espace sonore tri-dimensionnel, en
perfectionnant les émotions créées par les éléments sonores. Ces éléments n’ont pas
toujours de source visible à l’œil, mais peuvent pourtant donner aux spectateurs
l’impression de prolonger l’espace du film à la salle où il est projeté.

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Pour finir, en plus de l’importante complémentarité du son avec l’image, il apporte au
film une capacitée expressive et informative, qui enrichie grandement et perfectionne
les sensations et émotions délivrées aux spectateurs.

BIBLIOGRAPHIE

 Laurent Jullier, Précis d'analyse de la bande-son

 Laurent Jullier, Analyser un film, De l’émotion à l’interprétation

 Laurent Jullier, Le son au cinéma, Image et son, un mariage de raison

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 Michel Chion - Le son, Traité d’acoulogie, 2 è édition

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 Michel Chion, La musique au cinéma

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 Gilles Mouëllic, La musique de film - pour écouter le cinéma

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WEBOGRAPHIE

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(https://www.wnycstudios.org/podcasts/radiolab/articles/257870-ears-dont-lie)

 Matthew Dunn, Research: Is A Picture Worth 1,000 Words Or 60,000 Words in


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marketing/#:~:text=A%20recent%20MIT%20neuroscience%20study,vision
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(https://www.lefigaro.fr/medias/2013/08/13/20004-20130813ARTFIG00441-le-
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 Jean-Noël Nicolau. Avatar : le vrai budget du film ? –


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 Bergame Périaux - Jean-Luc Ohl - Patrick Thévenot - Le son multicanal – Dunod
(https://www.dunod.com/sites/default/files/atoms/files/9782100726677/Feuilletag
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