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Chapitre III

LE FROID

III.1 Etude thermodynamique (cycle de Carnot inversé)


III.1.1 Machines frigorifiques et pompes à chaleur
Une application majeure de la thermodynamique est constituée par les machines
dont le but est de réaliser un transfert thermique d’un milieu à basse température vers un milieu
à température plus élevée. Un tel transfert ne peut s’effectuer naturellement, mais nécessite un
dispositif particulier. C’est-à-dire que « la chaleur ne passe pas d’un corps froid à un corps
chaud », (Enoncé de Clausius).
 Différentes classes de machines : Selon l’effet recherché, le refroidissement du milieu
froid (conservation ou congélation des aliments, climatisation de l’habitat, etc.), ou le
réchauffement du milieu chaud (production d’eau chaude sanitaire, chauffage de locaux, etc.),
ces machines sont respectivement appelées machines frigorifique ou pompe à chaleur.
 Principe de fonctionnement : il consiste essentiellement à faire parcourir un cycle
fermé à un fluide frigorigène (figure III.1), qui absorbe de l’énergie du milieu froid (𝑄𝑓 > 0)
pour la rejeter ensuite dans le milieu chaud (𝑄𝑓 < 0). Pour réaliser ce transfert thermique, un
travail est fourni par un compresseur (𝑊 > 0).

Figure III.1

Le fluide utilisé est généralement celui avec un effet thermique important lié à la transition de
phase (liquide–vapeur).
Le cycle de base est constitué de quatre (04) étapes (figure III.2) : La vapeur du fluide
frigorigène est comprimée dans un compresseur, elle sort à une température supérieure à celle
du milieu chaud (𝑇𝑐 ). Cette vapeur passe alors dans un échangeur thermique le condenseur, où

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elle se condense en cédant une quantité de chaleur (𝑄𝑐 ) à ce milieu chaud (eau ou air). Le liquide
se trouvant toujours à une pression élevée, subit ensuite une détente dans un détenteur, où il se
refroidit à une température plus basse que celle du milieu froid (𝑇𝑓 ). Ce fluide traverse un
deuxième échangeur, l’évaporateur, où il se vaporise en recevant par transfert thermique
l’énergie (𝑄𝑓 ) de ce milieu froid (eau, air ou saumure). La vapeur froide est ensuite renvoyée
dans le compresseur et le cycle est alors fermé.

Figure III.2
 Cas de machine frigorifique : Dans ce cas, l’évaporateur est installé dans la chambre
froide. L’énergie thermique reçu par le fluide frigorigène abaisse donc la température de la
chambre froide. Le condenseur est installé dans un milieu qui peut être considéré comme source
thermique de température constante (air ambiant, rivière, puits, etc.).
 Cas de pompe à chaleur : Dans ce cas, le condenseur est installé dans le milieu dont on
veut élever la température, tandis que l’évaporateur est mis en contact d’une source thermique
de température constante (air ambiant, rivière, puits, etc.).

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 Cycle thermodynamique : Le cycle thermodynamique idéal est constitué exactement
des mêmes processus, si ce n’est qu’ils sont parcourus en sens inverse (cycle de Carnot
inverse), comme présenté dans les diagrammes T-S et P-V, figure III. 3.

Figure III.3
 Cycle de rendement maximum pour un système frigorifique idéale :
- A-B le fluide réfrigérant est comprimé de façon isentropique jusqu’à l’état B
(la température atteint TC)
- B-C le fluide réfrigérant est condensé avec la chaleur absorbée à la source
chaude TC
- C-D le fluide réfrigérant est détendu à basse pression
- D-A le fluide réfrigérant est vaporisé avec la chaleur extraite de la source
froide TF.
 Cycle frigorifique à compression de vapeur :

- Cycle idéal (cycle de Rankine-Hirn inversé) :


o Transformation :
 Compression adiabatique et réversible 1-2
 Refroidissement isobare par condensation 2-3
 Détente irréversible sans échange de travail 3-4
 Echauffement isobare par évaporation 4-1

Figure III.4

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- Cycle réel vs cycle idéal :
o Condenseur non parfait (perte de charge)
 Liquide sous-refroidi (5)
o Evaporateur non parfait (perte de charge)
 Vapeur surchauffée (8)
o Surchauffe de la vapeur entre la sortie de l’évaporateur et l’entrée du
compresseur
 Friction et échange de chaleur dans le compresseur
- Processus adiabatique réel (1-2) : augmentation de l’entropie
- Déduction de chaleur pendant la compression (1-2′) : réduction
d’entropie (< volume spécifique) → < puissance mécanique
(désirable).

Figure III.5

III.1.2 Efficacité thermodynamique


L’efficacité d’une machine frigorifique s’exprime par un coefficient de
performance β. Ce coefficient est positif et compte tenu des échanges énergétiques
𝑄𝑓 (é𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 𝑟𝑒𝑐ℎ𝑒𝑟𝑐ℎé𝑒)
(figure III.1), il peut être supérieur à 1 : 𝛽 = .
𝑊 (é𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 à 𝑝𝑎𝑦𝑒𝑟)

Dans le cas d’une pompe à chaleur (figure III.1 et 2), l’énergie recherchée est la
chaleur de la source chaude. Le coefficient de performance d’une pompe à chaleur est
−𝑄𝑐 (é𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 𝑟𝑒𝑐ℎ𝑒𝑟𝑐ℎé𝑒)
toujours supérieur à 1. Par conséquent : 𝛽 = .
𝑊 (é𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 à 𝑝𝑎𝑦𝑒𝑟)

 Machine frigorifique :
𝑄𝑓 𝑄𝑓 1
𝛽𝑚𝑎𝑥 = ( ) = =
𝑊 𝑟𝑒𝑣 −(𝑄𝑐 + 𝑄𝑓 ) −1 − 𝑄𝑐
𝑄𝑓
𝑇𝑓
𝛽𝑚𝑎𝑥 =
𝑇𝑐 − 𝑇𝑓

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L’efficacité peut être supérieure à 1. Elle est d’autant plus grande que les
températures des sources sont proches.
 Pompe à chaleur :
𝑄𝑐 𝑄𝑐 1
𝛽𝑚𝑎𝑥 = (− ) = =
𝑊 𝑟𝑒𝑣 (𝑄𝑐 + 𝑄𝑓 ) 𝑄𝑓
1+𝑄
𝑐
𝑇𝑐
𝛽𝑚𝑎𝑥 =
𝑇𝑐 − 𝑇𝑓
Comme pour la machine frigorifique, l’efficacité d’une pompe à chaleur
peut être supérieure à 1 et d’autant plus grande que les températures des
sources sont proches.

III.2 Liquéfaction des gaz (procédés LINDE et CLAUDE)


III.2.1 Liquéfaction à température ambiante :
La matière se présente sous trois états solide, liquide et gazeux. La distinction entre
ces états étant basée sur :
* La distance entre les particules (atomes, molécules, ions) qui constituent la matière,
* L’agitation de ces particules.
Les particules à l’état gazeux sont très éloignées les unes des autres, avec une agitation
rapide et désordonnée, on observe également de nombreux chocs entre elles.
Pour l’état liquide, les particules sont beaucoup plus rapprochées les unes des autres, elles
se déplacent à faible vitesse donnant lieu à des associations temporaires (liaisons faibles).
A l’état solide, les particules sont empilées dans un ordre régulier, elles sont très
rapprochées les unes des autres.

Sur ces bases, on pourra dire que le passage de l’état gazeux vers l’état liquide pourra
s’effectuer par la diminution de la distance entre les particules (rapprochement) et par le
ralentissement du déplacement de ces particules et on peut réaliser cela :
- Par la compression : l’augmentation de la pression exercée sur le gaz diminue le volume
offert au gaz et rapproche les particules entre elles. Cependant, l’agitation des particules
demeure importante et la température s’élève à cause des chocs. Il faudra donc abaisser la
température.
- Et par l’abaissement de la température : la diminution de température extrait de l’énergie
calorifique du milieu et ainsi l’énergie cinétique des particules se trouve réduite et les

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particules se déplacent moins vite. Le rapprochement conjugué au ralentissement permet
l’établissement de liaisons entre particules : ce qui provoque la formation du liquide.
D’après ce qui précède, on voit qu’un gaz peut être liquéfie si on le comprime tout en
abaissant sa température.

La façon la plus simple de liquéfier un gaz est d'augmenter sa pression à température


ambiante jusqu'à atteindre les conditions où sont état stable est l'état liquide. Ce fut fait pour la
première fois semble-t-il vers 1760 par Martin van Marum, un scientifique néerlandais, avec
l'ammoniac.
La température critique de l'ammoniac est de 132°C. Sa pression de condensation est 10 atm à
26°C. Il suffit donc d'augmenter la pression de l'ammoniac au-delà de 10 atm sans dépasser
26°C de température pour l'obtenir dans l'état liquide. Il en est ainsi de nombreuses substances
dont la température critique est supérieure à la température ambiante.
Par contre il en va autrement pour de nombreux autres gaz dont la température critique est
inférieure à l'ambiante. Par exemple, la température critique de l'air est de -140,6°C. Aucune
condensation ne sera donc possible sans abaisser sa température en dessous de cette valeur.
Pour ces gaz, il faudra donc faire appel à des machines frigorifiques pour abaisser la température
en dessous de l'ambiante.

III.2.1 Différents types de systèmes de liquéfaction


 Cycle idéal de liquéfaction :
Un cycle idéal de liquéfaction sera idéal s’il réalise la production de liquide avec le
maximum de rendement, c’est-à-dire le minimum de consommation d’énergie extérieure. Un
tel cycle devra donc pour cela faire appel à certaines transformations qui caractérisant le cycle
de Carnot. La différence avec celui-ci est qu’il s’agira d’un cycle ouvert, car le liquide produit
est supposé être retiré du système en continu, figure III.6.

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Figure III.6 : Diagramme T-S et schéma de principe d’un cycle idéal
Le cycle idéal comprendra donc deux phases (Figures ci-dessus) :
- de 1 à 2 : Une compression isotherme réversible.
- de 2 à 3 : Une détente isentropique ; le point 2 sera choisi de telle sorte qu’en 3 le palier de
liquéfaction correspondant à la pression la plus basse possible (celle du point 1, c’est-à-dire la
pression atmosphérique) soit atteint. On obtiendra ainsi la liquéfaction à 100% du gaz
comprimé en 1-2, le travail nécessaire à la liquéfaction est représenté par l’aire 1-2-3-4.
Remarque : on notera que cette aire se décompose en aire 1-1’-4 , chaleur (ou travail)
nécessaire pour refroidir le gaz à la température de liquéfaction T3 et en aire 1’,2,3,4 le travail
proprement dit de liquéfaction.
En cryogénie, l’écart important entre la source chaude et la source froide, ne permet pas
d’envisager pratiquement la réalisation du cycle de Carnot, qui demeure un cycle idéal, de
référence seulement.
Ce problème a été résolu en déformant le cycle de Carnot, les transformations isentropiques
sont remplacées par des transformations réversibles isochores (cycle de Stirling) ou isobares
(cycle d’Ericsson) figure III.7 ; si l’échange isotherme 1-2 du cycle d’Ericsson est remplacé
par une détente adiabatique réversible, on obtient le cycle de Siemens.
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Si l’on remplace, en outre l’échange isotherme à la température ambiante 3-4 par une
compression adiabatique réversible, on obtient le cycle Brayton figure III.7.

Figure III.7 : Cycles réversibles

 Cycle pratiques de liquéfaction :


L’échange de chaleur entre le fluide haute pression et le fluide basse pression peut
s’effectuer en faisant circuler soit un débit continu dans un échangeur à contre-courant, soit un
débit alterné dans un régénérateur ; on définit ainsi deux catégories de Cryo-générateurs : cycles
à échange ou à flux continu.
Ces cycles font appel à deux types de détente qui permettent de refroidir et/ou de liquéfier les
fluides cryogéniques ; la détente isenthalpique et la détente par extraction d’énergie :

 La détente isenthalpique : souvent appelée « détente JOULE-THOMSON JT » ne


produit du froid qu’au-dessous de la température d’inversion (Ti). L’hélium,
l’hydrogène et le néon ont une température d’inversion inférieure à la température
ambiante ; la liquéfaction de ces gaz par détente JT nécessite donc un pré-
refroidissement. L’intérêt de cette détente lié à sa simplicité de mise en œuvre par vanne
ou capillaire. Elle est souvent utilisée pour produire du liquide comme dernière étape
d’un cycle à étages multiples.
 Détente avec extraction d’énergie : est une détente isentropique qui fournit un travail.

A. Cycle à détente isenthalpique de Joule-Thomson (Cycle de Linde)


Joule et Thomson ont mis en évidence qu'un gaz réel soumis à une détente
isenthalpique (sans échange thermique ou mécanique avec l'extérieur) pouvait sous
certaines conditions de pression et température voire leur température baisser, figure
III.8. Ce phénomène n'était pas prédit par la théorie des gaz parfaits, puisque l'enthalpie

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d'un gaz parfait ne dépend que de la température et donc à enthalpie constante (la
température d'un gaz parfait est constante).

Figure III.8 : Schéma de principe et diagramme T-S de cycle de Joule-thomson

Ce phénomène appelé depuis "Effet Joule-Thomson" a été mis à profit par Carl Von
Linde en 1895 pour liquéfier l'air. Ce cycle frigorifique est depuis appelé "Cycle de
Linde". Dans ce procédé, le gaz est comprimé à haute pression et est refroidi à
température ambiante. Puis il est refroidi aussi près que possible de la température du
gaz liquéfié dans un échangeur à contre-courant avec le gaz non liquéfié à basse
pression. Le gaz haute pression froid est détendu dans une vanne où l'abaissement de
température supplémentaire est suffisant pour le liquéfier partiellement. Le liquide est
séparé et le gaz est retourné au compresseur après avoir assuré le refroidissement du gaz
haute pression. Un appoint en gaz frais est fait à l'entrée du compresseur pour compenser
le liquide produit. Le taux de compression étant souvent assez élevé (de l'ordre de 10
pour l'air par exemple), la compression nécessitera plusieurs étages avec un
refroidissement à température ambiante entre chaque étage ainsi qu'en sortie du
compresseur.

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B. Cycle de Claude à détente isenthalpique de Joule-Thomson
Claude cherchant à perfectionner le procédé de liquéfaction de l'air imaginé par
Carl Von Linde, décida en 1905 de combiner le cycle de Linde et le cycle de Brayton
inverse.
Afin d'augmenter le refroidissement du gaz sous haute pression dans le train d'échange
à contre-courant, Claude imagina de prélever une partie du gaz à haute pression pour lui
faire subir une détente isentropique dans une machine avant de le réinjecter dans le
circuit basse pression du train d'échange.
Afin d’accroître l’efficacité des cycles de réfrigération, le nombre d’étages de détente
avec extraction d’énergie peut être augmenté, les températures de ces étages sont alors
échelonnées. La détente finale peut, dans le cas de grosses machines, être effectuée en
extrayant de l’énergie. Le procédé permet d’augmenter de 20 à 30 % la production d’un
appareil moyennant un supplément d’investissement modeste, figure III.8.

Figure III.8. Schéma de principe de cycle de Claude

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Figure III.9 : Schéma de principe et diagramme T-S de cycle de Claude

Pour ne pas endommager la machine de détente, il faut que la température du gaz prélevé soit
telle qu’après détente aucune condensation ne se produise. Egalement, il faut s'assurer que le

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gaz détendu soit à une température inférieure à celle du gaz dans lequel il est réinjecté pour qu'il
y ait un bénéfice réel pour le procédé.
Principe de cycle de Claude :
Le cycle de Claude a perfectionné le processus de liquéfaction de gaz en associant
l’utilisation d’une machine de détente et d’une vanne à effet Joule- Thomson.
Ce cycle comprend comme illustré la figure ci-dessus III.9 :
- Un compresseur
- Un premier échangeur de chaleur, à la suite duquel une fraction importante du
gaz à haute pression passe dans une machine de détente et est envoyé vers le
gaz à basse pression
- Un deuxième et un troisième échangeur, dans lesquels passe le reste du gaz à
haute pression
- Une vanne de détente
- Un réservoir de liquide avec séparation du gaz qui retourne au compresseur à
travers les trois échangeurs
- Une entrée du gaz frais au compresseur.
Le principe de fonctionnement est comme suit (Figure III.9) : le gaz est d’abord comprimé
de P1 à P2 à température constante, il est refroidi de 2 en 3 dans le premier échangeur.
Une partie du gaz me est détendue dans la turbine par une détente isentropique qui l’amène
en e, ce gaz s’ajoute ensuite au courant gazeux qui revient du réservoir de liquide. Le
reste du gaz traverse les deux autres échangeurs en 4 et 5, il subit une détente
isenthalpique dans la vanne et pénètre dans le réservoir. Une partie se liquéfie est évacuée
en f, la partie gazeuse se dégage en g et traverse toute la série des échangeurs, après le
mélange en e avec la partie me, le courant gazeux est réchauffé à T1 et retourne à
l’aspiration du compresseur avec une masse m1 de gaz frais.
Références :
ALESSANDRO PARENTE. Thermodynamique appliquée : Cycle frigorifiques, Université libre de Bruxelles,
Service d’Aéro-Thermo-Mécanique, Bruxelles, Belgique.
RANDALL F. BARRON. Cryogenic Systems – Oxford university press, New York, Clarendon press, Oxford
(1985).
A. DJELLOUL & M. BOUMAAZA. Simulation de cycle de Claude pour la liquéfaction de l’air, de l’azote et de
l’oxygène. 2006, Université Mentouri Constantine.
Prof. D. A. MILLIND. Cryogenic Engineering, Department of Mechanical Engineering, IIT Bombay, Lecture
N°11.
H.K. TROUGOTT, S.W.K. YUAN., Cryogenics-Low Temperature Engineering and Applied Science, 1986
G. VENTURA, L. RISEGARI. The Art of Cryogenics, Low-temperature experimental Elsevier, 2008.
A. MILES & O. KHEMIS. Optimisation des cycles de liquéfaction du Gaz Naturel, 2009. Université Mentouri
Constantine.

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