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2017­6­5 Une 

réponse aux tensions post­féministes : l’empowerment de Grey’s Anatomy

Revue française des
sciences de l’information et
de la communication
4 | 2014 :
Recherches au féminin en Sciences de l’Information et de la Communication
Émergences : le genre dans la communication et les médias

Une réponse aux tensions post­
féministes : l’empowerment de
Grey’s Anatomy
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Résumés
Français English
À travers une analyse qualitative de la série télévisée américaine Grey’s Anatomy, cet article vise
à  distinguer  et  à  analyser  les  éléments  qui  font  de  cette  émission  un  exemple  notable
d’empowerment  féminin.  En  effet,  à  travers  différentes  stratégies  narratives,  visuelles  et
discursives,  Grey’s  Anatomy  répond  souvent  de  façon  particulièrement  constructive  aux
impasses  et  aux  enjeux  posés  par  le  courant  post­féministe  actuel.  Cet  article  tente  donc  de
souligner  la  pertinence  de  cette  série  dans  une  perspective  d’appropriation  positive  et
émancipatoire du discours (post­)féministe.

Through  a  qualitative  analysis  of  the  American  TV  series  Grey’s Anatomy,  this  article  aims  at
highlighting and analyzing the elements that make this broadcast a striking example of feminine
empowerment.  Indeed,  through  different  narrative,  visual  and  discursive  strategies,  Grey’s
Anatomy often responds in a particularly constructive way to post­feminist’s stakes. This article
thus  attempts  to  underline  the  relevancy  of  this  series  in  order  to  promote  a  positive  and
emancipatory appropriation of the (post­)feminist discourse.

Entrées d’index
Mots­clés : Grey’s Anatomy, série TV, genre, post­féminisme, émancipation
Keywords : Grey’s Anatomy, TV series, gender, post­feminism, empowerment

Notes de l’auteur

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2017­6­5 Une réponse aux tensions post­féministes : l’empowerment de Grey’s Anatomy

Cet article s’inspire de mon premier mémoire de fin d’études complété et actualisé, intitulé
Grey’s Anatomy comme exemple d’empowerment féminin, présentée à Bruxelles (IHECS) en
2011, sous la direction de Mathieu de Wasseige.

Texte intégral
1 Alors qu’elle présente actuellement sa dixième saison, la série sentimentalo­médicale
Grey’s Anatomy (2005­, ABC) aura oscillé, au cours de ses dix saisons, entre intrigues
amoureuses  et  casse­têtes  médicaux.  En  suivant  un  groupe  de  jeunes  internes  au
Seattle Grace Hospital, Grey’s Anatomy nous emmène dans un monde où la rage de la
compétition rencontre les aléas amoureux dans une hybridité typique du paysage sériel
actuel.  Mais  sous  cette  couche  de  soap­opera  aux  émotions  savamment  distillées,  la
série  de  Shonda  Rhimes  (scénariste  afro­américaine  dans  une  industrie
majoritairement masculine et blanche1), révèle à qui veut bien s’y plonger une version
alternative  de  notre  société  qui  propose  à  chacun  des  moyens  d’appréhender  notre
culture patriarcale d’une façon critique et engagée. C’est le point de vue de cet article,
dont  le  cadre  d’analyse  se  place  à  l’intersection  des  cultural  studies  et  des  gender
studies. Il s’agit de proposer différentes clés de lecture de la série qui mettent en lumière
son  potentiel  émancipatoire,  ici  utilisé  dans  son  acception  anglophone  plus  précise
d’empowerment.  Cette  riche  notion  se  rapporte,  dans  son  sens  le  plus  large,  à
l’acquisition  d’une  plus  grande  liberté  de  choix  et  d’action2.  Dans  le  cadre  de  cette
recherche, nous utiliserons la définition de Jo Rowlands, qui inclut le concept dans une
perspective féministe, et définit l’empowerment comme « les processus qui mènent à se
percevoir capable et habilité à prendre des décisions [et à] maximiser les opportunités
disponibles  sans  contraintes  »3.  Elle  ajoute  que  l’analyse  des  représentations
médiatiques  est  centrale,  «  pour  que  les  personnes  concernées  finissent  par  voir  leur
capacité et leur droit à agir et à avoir de l’influence »4.
2 C’est  notamment  sur  la  base  de  ce  postulat  que  les  gender  studies  perçoivent
l’importance cruciale de la lecture attentive de textes culturels afin de pouvoir dégager
des  clés  de  compréhension  pour  le  lecteur.  Celui­ci  devient  ainsi  consciemment  actif
dans  le  processus  de  production  de  sens5.  En  effet,  pour  reprendre  l’expression  de
Teresa de Lauretis, les textes culturels peuvent être compris comme des « technologies
du  genre  »,  dans  le  sens  où  ils  sont  non  seulement  marqués  par  le  genre,  mais  ils
produisent également du genre : « La construction du genre est à la fois le produit et le
processus de sa représentation »6. Parmi ces textes culturels, de façon de plus en plus
manifeste,  le  monde  académique  francophone  reconnaît,  soutient  même,  la
remarquable  complexité  des  univers  sériels  et  l’impact  de  ces  représentations
médiatiques sur nos modes de pensée7. En proposant une version alternative de notre
société,  issue  de  la  subjectivité  de  ses  créateurs,  la  série  télévisée  invite  le  spectateur
dans  un  jeu  d’interprétation,  de  positionnement,  de  négociation  avec  ses  propres
perceptions8 .  Ainsi,  le  monde  fictionnel  de  la  série  établit  un  rapport  incessant  de
réciprocité avec le réel : il s’en inspire autant qu’il le façonne. Et c’est précisément là que
se  situe  son  potentiel  critique  et  émancipatoire.  Pour  Jean­Pierre  Esquenazi,  il  est
d’ailleurs évident que « l’appui pris par les séries sur une réflexion critique à propos des
évolutions  de  la  société  est  un  invariant  de  la  production  télévisuelle  de  fictions  et
appartient à ses qualités constitutives »9.
3 C’est pourquoi cet article propose de s’intéresser aux représentations présentes dans
la série Grey’s Anatomy, à la lumière de ce qui constitue le féminisme contemporain, le
post­féminisme. À l’image de son berceau post­moderne, le post­féminisme ne peut être
compris à l’aune d’une définition simple et univoque. Il s’agit d’un courant complexe,
multiple et souvent contradictoire. Dans le cadre de cette analyse, nous retiendrons la
définition  large  et  inclusive  de  Rosalind  Gill10,  pour  qui  le  post­féminisme  englobe
l’ensemble des réactions à la deuxième vague féministe des années 1960 et 70, qu’elle
résume  en  trois  courants  majeurs.  Premièrement,  le  backlash11,  soit  un  rejet  des
discours  féministes  de  la  seconde  vague,  principalement  sous  l’effet  des  médias  de
masse.  Ensuite  une  prise  de  distance  avec  le  féminisme  de  la  deuxième  vague,
caractérisée  par  des  enjeux  et  des  intérêts  nouveaux  qui  conservent  certains  apports

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féministes  mais  en  délaissent  d’autres  (Angela  McRobbie12  parle  de  «  double
enchevêtrement  »  pour  désigner  ce  croisement  de  valeurs  féministes  et  néo­
conservatrices)  ;  et  enfin,  un  tournant  épistémologique,  la  seconde  vague  étant  jugée
trop homogène. Le post­féminisme (comparable à ce que les Anglo­saxons nomment la
troisième vague13 dans ce contexte) représente ici l’intersection des idées de la seconde
vague  et  de  nouvelles  sources  d’influence  capables  de  représenter  les  minorités14  (en
commençant  par  le  post­colonialisme).  À  travers  cette  typologie  se  dessinent  en
filigrane  les  enjeux  et  questionnements  centraux  du  post­féminisme  tels  que  les
envisage Oana Crusmac15,  à  savoir  l’interdépendance  du  mouvement  avec  les  médias
de masse et la culture populaire, la célébration de la féminité, et la liberté économique et
sexuelle.
4 À  l’aide  d’une  analyse  qualitative  et  de  contenu  de  Grey’s  Anatomy,  appréhendée
comme un texte culturel16, cette recherche s’intéresse au sens dont est chargé la série, en
s’appuyant exclusivement sur le discours verbal et les représentations visuelles portées
par  les  personnages  principaux17  au  cours  de  leurs  trajets  narratifs  respectifs.  Afin
d’éclairer le corpus à la lumière de la question ici investiguée, l’attention a été focalisée
sur  les  arcs  narratifs  relatifs  aux  trois  points  de  tension  distingués  par  Crusmac,  qui
démarqueront  également  les  trois  sections  de  cette  recherche  :  la  valorisation  des
femmes dans la série, les mécanismes de célébration de la féminité qui y sont déployés,
et  les  représentations  de  la  conciliation  d’une  carrière  et  d’une  famille.  Bien  que
l’entièreté  des  épisodes  diffusés  ait  été  visionnée  (dans  l’ordre  chronologique  et  en
version originale18 ), afin d’assurer une analyse approfondie tout en travaillant sur une
période  assez  longue  pour  être  représentative,  le  corpus  de  cette  recherche  couvre  les
deux premières saisons (soit 61 épisodes). En tant que série de network (en opposition
aux  chaînes  dites  premium,  accessibles  par  abonnement  payant,  et  aux  chaînes
câblées), Grey’s Anatomy se doit d’attirer un public aussi large que possible en tentant
d’établir un subtil équilibre entre la ligne idéologique qu’elle entend délivrer, les intérêts
d’un  public  diversifié  et  les  exigences  des  annonceurs  publicitaires  dont  dépend  son
financement19. Ainsi, les premières saisons d’une série sont davantage susceptibles de
traduire  cette  négociation  en  illustrant  à  la  fois  la  volonté  de  ses  créateurs  et  ce  que
ceux­ci pensent être la volonté du public. Les saisons suivantes ne sont référencées que
lorsqu’elles renseignent sur le prolongement ou la réapparition d’un fil narratif présent
dans l’une des saisons étudiées.

La valorisation des personnages
féminins
5 Après  une  analyse  approfondie  du  paysage  médiatique  actuel,  Rebecca  Collins
indique  que  les  femmes  y  sont  encore  largement  sous­représentées  et  généralement
cantonnées à des rôles stéréotypés et/ou sexualisés20. Si Grey’s Anatomy constitue un
exemple  post­féministe  notable,  c’est  premièrement  à  travers  une  sur­représentation
des  femmes  dans  le  monde  très  masculin  de  la  chirurgie  :  si  l’univers  médical  se
féminise  progressivement,  le  domaine  spécifiquement  chirurgical  reste  très
majoritairement masculin21. Comme le résume Cristina, l’une des internes, la chirurgie
« c’est macho, c’est hostile, c’est violent » (S.1, ép.1).
6 Dès  l’épisode  pilote,  l’héroïne  Meredith  constate  (et  explicite  pour  le  spectateur)  le
nombre très peu élevé de femmes parmi les nouveaux internes (« Il n’y a que six femmes
sur vingt », S.1, ép.1). Or, cette constatation se voit simultanément compensée par un
casting largement féminin qui constituera le centre de la plupart des épisodes. C’est en
effet  à  travers  leurs  relations,  leurs  difficultés  et  leurs  désirs  (amoureux  et
professionnels) que nous est présenté le récit, tandis que les hommes semblent n’exister
narrativement que par le lien qui les unit à l’une d’entre elles. La série compense ainsi
l’infériorité  numérique  réelle  des  femmes  dans  le  milieu  chirurgical  par  leur  sur­
représentation dans l’univers diégétique de la série.
7 Outre  cette  valorisation  quantitative,  Grey’s  Anatomy  met  également  ses
personnages féminins en avant grâce à un jeu d’inversion des attributs professionnels
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traditionnellement associés à l’un des sexes, dont le meilleur exemple est probablement
le  Dr  Miranda  Bailey.  Lors  de  l’arrivée  des  nouveaux  internes  dans  l’épisode  pilote,
chacun  d’entre  eux  est  assigné  à  un  résident.  L’équipe  que  le  spectateur  s’apprête  à
suivre se voit attribuée au Dr Bailey, l’un des médecins les plus respectés de l’hôpital,
que  chacun  connaît  de  réputation  pour  son  intransigeance  qui  lui  vaut  d’être
surnommée  le  «  Nazi  ».  Ainsi,  cette  scène  insiste  sur  les  qualités  traditionnellement
associées  à  la  masculinité22  (avant  de  la  rencontrer,  les  internes  sont  convaincus  que
Bailey  est  un  homme)  en  retournant  le  stéréotype,  mais  n’affuble  pas  pour  autant
Miranda d’une féminité outrancière.
8 Dans Grey’s Anatomy,  c’est  d’ailleurs  le  cas  de  tous  les  personnages  féminins,  qui
vont  donc  à  l’encontre  de  ce  que  Mulvey  nomme  «  to­be­looked­at­ness  »23,  la
contemplation de la femme objectifiée. Dans le monde diégétique de Grey’s Anatomy,
l’apparence  des  personnages  féminins  est  rarement  codifiée  dans  un  but  d’  «  impact
visuel et érotique fort »24. En revanche, deux des personnages masculins principaux, Dr
Shepherd  et  Dr  Sloan  –  respectivement  surnommés  McDreamy  et  McSteamy  (Dr
Mamour  et  Dr  Glamour),  appellations  aussi  évocatrices  que  réductrices  –  sont
régulièrement épinglés physiquement, par exemple par de nombreuses remarques sur la
chevelure  irréprochable  du  premier,  ou  des  sorties  de  douche  presque  érotiques  du
second. Les deux personnages deviennent ainsi les objets de contemplation, soumis au
regard et à l’appréciation du public, par ailleurs largement féminin.
9 Cette  vision  «  rehaussée  »  de  la  place  de  la  femme  dans  le  domaine  chirurgical
s’accompagne  d’une  distribution  également  favorable  aux  minorités  ethniques  :  trois
des  personnages  les  plus  influents  au  sein  du  monde  fictif  de  Grey’s  Anatomy  sont
d’origine afro­américaine, une diversité née d’un blind casting, qui consiste à n’imposer
aucune  caractéristique  physique  ou  ethnique  aux  personnages  au  moment  de  leur
écriture,  de  façon  à  choisir  l’acteur  qui  incarne  au  mieux  le  rôle25.  Cette  qualité  de  la
série  est  essentielle  dans  une  perspective  post­féministe,  car  celle­ci  ne  saurait  se
contenter  d’une  emphase  sur  les  femmes,  et  appelle  également  à  la  diversité  des
perspectives, tant genrées qu’ethniques26.

Entre essentialisme et constructivisme :
le double­enchevêtrement post­
féministe
10 L’un  des  enjeux  principaux  auquel  est  confrontée  la  génération  post­féministe
concerne  la  question  de  la  différenciation  sexuelle,  qui  se  traduit  notamment  par  une
célébration de la féminité et des attributs qui lui sont propres. Ce constat constitue un
enjeu  et  une  impasse  potentielle  dans  le  sens  où  la  célébration  de  la  féminité  et  de  la
masculinité comme étant naturelles, immuables et opposées mène inévitablement à la
reconsidération de la pertinence des questions centrales au mouvement féministe : si les
femmes et les hommes sont porteurs de caractéristiques inaltérables car biologiques, les
objectifs féministes ne seraient­ils pas, quoi qu’il advienne, voués à l’échec27 ? Il s’agit
donc pour la nouvelle génération de trouver un équilibre entre le danger d’un retour à
l’essentialisme et une volonté de célébrer les particularités propres à chaque genre. Cette
tension  se  retrouve  dans  l’idée  de  «  double  enchevêtrement  »  utilisée  par  Angela
McRobbie pour qualifier le post­féminisme : une volonté de marcher sur la voie tracée
par la seconde vague, notamment en termes de réussite personnelle et professionnelle,
imbriquée dans des valeurs plus néo­conservatrice voire pré­féministes28 .
11 Dans Grey’s Anatomy,  ce  difficile  équilibre  est  particulièrement  bien  incarné  par  le
personnage d’Izzie Stevens, grande blonde à la plastique idéale qui, comme bon nombre
d’héroïnes  post­féministes,  se  sert  de  sa  faculté  d’empowerment  pour  prendre  des
décisions  qui,  paradoxalement,  ne  plairaient  pas  forcément  aux  féministes  de  la
seconde vague29. L’un des traits les plus saillants d’Izzie, qui résume bien cette tension,
est la gestion de sa féminité. Il est établi dès le premier épisode qu’Izzie est mannequin
pour  une  marque  de  lingerie,  ce  qui  ne  manque  pas  d’attirer  l’attention  des  hommes,
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comme  des  femmes.  Lasse  des  insinuations  de  son  collègue  Alex  à  son  égard,  Izzie
explose finalement dans une franche mise au point : « Que chacun approche et regarde
un peu le cul qui permet à Izzie Stevens de faire ses études […] Tu veux m’appeler Dr
Top Model ? Très bien. Seulement pendant que t’as un prêt étudiant de 200 000 dollars
sur le dos, moi j’ai pas de dettes » (S.1, ép.4).
12 Après une longue tradition de représentation des femmes en tant qu’objet passif du
désir, la sexualisation d’Izzie est ici présentée comme personnelle, choisie et active30. Si
cette  position  post­féministe  peut  traduire  davantage  un  retour  du  sexisme,  qui  fait
croire aux femmes qu’« être décorative est la plus grande source de pouvoir »31, Grey’s
Anatomy a ici le mérite d’aborder le sujet de la sexualisation féminine tout en évacuant
non seulement toute trace de sa représentation (si les personnages font état de l’image
d’Izzie en sous­vêtements, le spectateur, lui, ne l’apercevra que furtivement), mais aussi
tout  commentaire  lié  aux  «  exigences  de  la  performance  de  la  féminité  accomplie  »32
(Izzie  ne  présente  aucune  volonté  de  ‘travailler’  son  corps  pour  le  maintenir  dans  les
canons de beauté). Il est d’ailleurs intéressant de noter que si Grey’s Anatomy dévoile
une intéressante diversité des physiques féminins, seul le plus canonique, celui d’Izzie,
est  présenté  comme  problématique.  Le  message  est  donc  centré  sur  l’utilisation
assumée  du  pouvoir  sexuel  à  des  fins  personnelles  et  émancipatoires,  insistant  sur
l’acceptation,  voire  l’utilisation  de  la  féminité  dans  une  perspective  de  volonté  de
passage à l’action et d’empowerment, en  évitant  toutefois  de  tomber  dans  les  travers
essentialistes.
13 Cette  prise  de  position  se  retrouve  sous  différentes  formes  au  fil  des  saisons.  Elle
constitue  par  exemple  le  premier  indice  donné  au  spectateur  sur  la  personnalité  du
personnage principal de Grey’s Anatomy : dans la scène d’ouverture de l’épisode pilote,
Meredith se réveille après avoir passé la nuit avec un homme dont elle ignore le prénom.
Alors qu’il tente de faire connaissance, elle lui répond : « On n’est pas obligés de jouer à
faire semblant de s’intéresser l’un à l’autre. Je vais monter me doucher, d’accord ? Et
quand  je  redescendrai,  tu  ne  seras  plus  là  »  (S.1,  ép.1).  Cette  désacralisation  du  sexe
inverse  totalement  les  rôles  masculins  et  féminins  tels  qu’ils  sont  généralement
abordés. La série semble d’ailleurs jouer avec ces codes qu’elle transgresse à plusieurs
reprises, parfois bien plus frontalement (« Pourquoi quand on les drague dans un bar et
qu’on les ramène à la maison pour les sauter, ils ne comprennent pas que ça n’engage à
rien dans le futur ? » (S.2, ép.10)).
14 Ainsi,  les  femmes  sont  représentées  comme  les  instigatrices  de  leur  propre
sexualisation,  se  soumettant  au  regard  masculin  sous  ses  conditions  et  pour  leur
intérêt  personnel.  La  série  souligne  ce  renversement  comme  une  source  potentielle
d’empowerment : Izzie paye ses études grâce à ses photos, Meredith s’« éclate avec des
mecs » (S.2, ép.10), Cristina se sert de sa relation avec le Dr Burke pour assister à une
opération importante (S.1, ép.6). La série suggère donc la féminité et la liberté sexuelle
comme des sources d’empowerment dans la mesure où celles­ci sont assumées et non­
contraignantes. Les trois personnages se servent des opportunités qui s’offrent à elles,
sans se plier pour autant aux exigences patriarcales pour faire advenir ces opportunités.
En évacuant cette dimension, elles s’éloignent du « sexisme éclairé » décrit par Susan
Douglas  qui,  sous  des  airs  de  féminisme,  consiste  plutôt  à  «  rendre  le  patriarcat
plaisant pour les femmes »33.
15 Cette  distanciation  des  normes  se  retrouve  également  dans  les  représentations
mêmes  de  la  féminité,  faisant  ainsi  écho  à  Judith  Butler  qui  rappelle  que  le  genre  ne
découle  pas  du  sexe.  Questionner  ainsi  l’universalité  présumée  de  l’identité  féminine,
en la croisant avec l’origine ethnique, la classe ou encore l’orientation sexuelle ouvre la
voie à la prise en considération des multiples interprétations personnelles du sexe. Elle
invite  également  à  élargir  le  spectre  du  féminisme  à  différents  points  de  vue  et
individualités34.  Dans  Grey’s  Anatomy,  cette  liberté  d’interprétation  se  manifeste
essentiellement  à  travers  des  récits  de  patients  qui,  chacun  à  leur  façon,  posent  des
choix  qui  les  conduisent  à  incarner  une  version  personnelle  et  parfois  hors  norme  du
genre,  ouvrant  ainsi  le  débat  tant  dans  le  monde  diégétique  de  la  série  que
potentiellement chez le spectateur. Certains cas, tels qu’une jeune fille qui se découvre
intersexuée  et  doit  choisir  quel  genre  elle  désire  incarner  (S.1,  ép.13)  ou  un  homme

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possédant  un  ovaire  (S.1,  ép.9)  servent  simplement  à  souligner  la  construction
culturelle du genre en insistant ainsi sur l’extrême flexibilité du lien entre sexe et genre.
16 D’autres  épisodes  approfondissent  cette  position  en  prenant  le  raisonnement  à
l’envers  :  des  personnages  qui  incarnent  les  identités  masculines  et  féminines  telles
qu’elles  sont  traditionnellement  prescrites  par  la  société  (c’est­à­dire  dont  le  genre
correspond au sexe) décident d’emprunter un chemin différent. Un cas particulièrement
éloquent  est  celui  d’une  patiente  qui  désire  se  faire  enlever  l’utérus,  les  ovaires  et  les
seins  afin  de  réduire  au  maximum  les  risques  de  cancer  dont  plusieurs  femmes  de  sa
famille sont décédées. Cet épisode (S.2, ép.8) questionne ce qui peut être perçu comme
déterminant  la  féminité  d’une  femme  :  son  physique  et  son  rôle  reproductif.  Que
devient  une  femme  à  qui  l’on  retire  ses  attributs  biologiques  de  femme  ?  Bien  que
l’ultime réponse à cette question soit laissée au spectateur, plusieurs points de vue sont
abordés à travers les différents protagonistes de l’équipe. En travaillant sur ce cas, Izzie
se retrouve confrontée à sa propre angoisse de n’être définie par les hommes que par ses
attributs,  tout  en  ne  comprenant  pas  que  sa  patiente  puisse  renoncer  ainsi  à  sa
plastique avantageuse et à une grossesse potentielle. Alors qu’Alex et Cristina n’y voient
qu’une banale amputation, Izzie, déconcertée par cette indifférence, interroge : « Quel
mec se ferait volontairement enlever la partie de son anatomie qui fait de lui un mec ?
Cette  femme  a  décidé  de  se  faire  castrer  »  (S.2,  ép.8).  La  patiente  elle­même  admet
qu’elle  regrettera  son  pouvoir  de  séduction  et  son  corps  tel  qu’il  est,  espérant
simplement  qu’elle  soit  reconnue  au­delà  de  celui­ci.  Ainsi,  à  travers  certains
personnages, cet épisode affirme qu’il est normal pour une femme de tenir à sa féminité,
au  même  titre  qu’un  homme  attaché  à  sa  masculinité.  Cependant,  il  souligne
également que si la féminité peut constituer l’identité d’une femme, elle ne la définit que
très  partiellement,  réconciliant  ainsi  deux  idées  souvent  perçues  comme  étant
divergentes.

How to have it all ?
17 Cette tension entre féminité et empowerment, entre conservatisme et féminisme, fait
également  écho  à  l’une  des  problématiques  centrales  du  post­féminisme  actuel  :  la
rupture  apparente  entre  les  sphères  publique  et  privée,  et  la  difficulté  de  leur
conciliation,  que  Grey’s  Anatomy  aborde  notamment  en  tant  que  série  médicale.
Comme  le  constate  Amanda  Lotz,  «  le  fait  que  les  drames  se  déroulant  sur  le  lieu  de
travail occupent une place centrale dans la narration télévisuelle américaine en a fait un
espace crucial pour l’intégration des femmes »35. Dès lors, le fait que Grey’s  Anatomy
prenne  essentiellement  place  dans  un  hôpital  est  donc  un  élément  déterminant  qui
permet la création de lignes narratives soulevant des problématiques qui touchent à la
fois à la sphère publique et à la sphère privée, et la façon dont les femmes sont amenées
à  y  faire  face.  Dans  Grey’s Anatomy,  c’est  l’entrecroisement  des  histoires  affectives  et
des  récits  professionnels  qui  permet  cette  mise  en  perspective  des  récits.  Ainsi,
l’enchevêtrement des rôles publics et privés, traditionnellement connotés masculins et
féminins, est donc d’autant plus soutenu dans une série dont les héroïnes cherchent à
concilier  leurs  aspirations  professionnelles  et  affectives/familiales  au  sein  d’un  même
décor. Qui plus est, ce décor renferme également la double notion de soin (féminin) et la
compétition  professionnelle  (masculin).  Grey’s  Anatomy  est  donc  une  série  télévisée
particulièrement armée pour aborder une problématique tout à fait centrale au courant
post­féministe : la possibilité de conciliation, pour les femmes, d’une carrière et d’une
famille.
18 Le  discours  de  plus  en  plus  présent,  y  compris  au  sein  du  courant  post­féministe,
selon lequel les femmes ne peuvent tout simplement pas tout avoir – une carrière et une
famille  –  suggère  donc  qu’elles  devraient  choisir  entre,  d’une  part,  un  emploi  qui
rencontre  leurs  aspirations  et  pour  lequel  elles  peuvent  espérer  jouir  des  mêmes
avantages  que  les  hommes  (un  salaire  presque  aussi  élevé,  la  possibilité  de  faire  des
heures  supplémentaires,  etc.),  mais  sans  enfants,  et  d’autre  part  un  travail  à  temps
partiel,  pas  d’emploi  ou  un  emploi  qui  ne  leur  permet  pas  d’accéder  aux  avantages,

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mais en fondant une famille. Si ce choix se présentait déjà aux femmes il y a quelques
décennies,  c’est  aujourd’hui  avec  les  acquis  féministes  de  la  seconde  vague  qu’elles
doivent  peser  leur  décision.  Autrement  dit,  la  génération  actuelle  a  grandi  avec  le
message de plus en plus présent que si une femme désire concilier ces deux aspirations,
elle  doit  simplement  assumer  les  conséquences  de  son  choix.  Cette  «  rhétorique  de
choix », comme l’appelle Kim Akass36, qui assure aux femmes qu’elles peuvent choisir
de ne pas choisir, tout en leur laissant l’entière responsabilité de leur décision semble
être, plutôt qu’un choix, un renoncement. Il s’agit en effet davantage d’un non­choix,
d’un choix par défaut auquel les hommes ne sont confrontés que dans une bien moindre
mesure37.  Ainsi,  malgré  une  claire  évolution  sur  papier,  les  femmes  sont  aujourd’hui
confrontées  non  seulement  à  une  partie  du  courant  post­féministe  leur  signalant
qu’elles feraient mieux d’opter pour la sphère qu’elles désirent occuper, mais également
à  un  système  qui,  s’il  condamne  les  inégalités,  n’aide  pas  encore  à  les  dépasser
efficacement.
19 Sur  ce  nœud  problématique  du  post­féminisme,  Grey’s  Anatomy  projette  de
nombreux  éclairages  en  profitant  de  son  casting  très  varié  pour  proposer  différents
points de vue. L’une des prises de position les plus engagées de la série en la matière
concerne  son  traitement  du  thème  délicat  de  l’avortement  :  lorsque  Cristina  tombe
accidentellement  enceinte  du  Dr.  Burke  dans  la  première  saison  (ép.7),  elle  opte
immédiatement pour l’avortement afin de préserver sa carrière. Alors qu’une conseillère
lui propose à plusieurs reprises de considérer d’autres options, Cristina reste fermement
sur sa position afin de privilégier ce qui lui importe plus qu’une famille : ses ambitions
professionnelles.  Cependant,  en  suggérant  qu’une  femme  puisse  volontairement
renoncer  à  une  grossesse,  Grey’s  Anatomy  aborde  un  sujet  extrêmement  sensible  au
sein  de  la  société  américaine,  ce  qui  l’oblige  à  prendre  certaines  précautions
scénaristiques : après avoir clairement formulé la décision irrévocable de Cristina, une
fausse couche lui fait perdre son bébé, probablement pour éviter la polémique qu’aurait
pu  créer  l’opération  proprement  dite.  Mireya  Navarro  constate  en  effet  que  l’industrie
hollywoodienne a généralement tendance à se dérober au choix pro­life/pro­choice  en
soutenant ce qu’elle appelle un discours no­choice, qui élude purement et simplement
la réalité de l’avortement38 .
20 La série persiste et signe toutefois lorsqu’après l’accident, Cristina confirme son choix
en  affirmant  au  Dr  Burke  :  «  Je  n’avais  pas  l’intention  de  le  garder,  le  bébé.  Et  tu  ne
peux  surtout  pas  m’en  vouloir  »  (S.2,  ép.13).  Ainsi,  bien  que  le  sujet  de  l’IVG  soit
finalement  esquivé,  et  avec  lui  la  réalité  de  ses  conséquences  physiques  et
psychologiques, il a non seulement le mérite d’être ici abordé, mais qui plus est comme
une décision rationnelle et non­stigmatisée, un traitement crucial pour un droit dont
l’enjeu  est  la  liberté  sexuelle  et  reproductrice  des  femmes.  Après  plusieurs  années,
Cristina  fait  à  nouveau  face  à  une  grossesse  inattendue  (S.7,  ép.22)  alors  qu’elle
entretient une relation stable avec le Dr. Owen Hunt. En évoquant les mêmes raisons,
ainsi que le fait qu’elle ne désire « vraiment, vraiment, vraiment pas être mère » (S.8,
ép.2),  elle  réitère  sa  décision  d’avorter.  Cette  fois,  probablement  parce  que  la  série  est
maintenant  fermement  établie  depuis  plusieurs  années  dans  le  paysage  télévisuel  et
craint moins de s’aliéner une partie de son public, la ligne narrative suit son cours et
Cristina met bel et bien fin à cette grossesse, malgré la tristesse intarissable d’Owen.
21 Clémentine  Autain  remarque  que  «  le  féminisme  a  oscillé  entre  deux  positions
stériles » en termes de maternité39 : « D’un côté, une glorification de la maternité, signe
d’une essence féminine créatrice, et de l’autre une vision apocalyptique de la maternité,
perçue  comme  une  simple  aliénation  ».  Grey’s  Anatomy  ouvre  ici  une  voix  peu
explorée  :  en  construisant  un  personnage  aussi  déterminé  à  mener  une  brillante
carrière, la série ne se contente pas de souligner l’importance du choix personnel, à la
base de la notion d’empowerment, mais sort simplement de la rhétorique de choix : à
travers  le  discours  de  Cristina,  qui  admet  que  tout  serait  plus  simple  si  elle  désirait
avoir  un  enfant  (S.8,  ép.2),  sa  carrière  n’est  pas  présentée  comme  une  préférence  par
défaut, mais bien comme un choix valide et entier. Le dualisme carrière/famille est ici
déconstruit, dans le sens où le (non­)choix de l’un n’est pas tributaire de l’autre.
22 Mais la série articule également la rhétorique de choix en d’autres termes : un épisode
centré  sur  une  adolescente  enceinte  (S.2,  ép.15)  nous  apprend  qu’Izzie  est  mère  d’une
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petite  fille  qu’elle  a  abandonnée  car,  tout  comme  sa  patiente  à  qui  elle  affirme  qu’«  il
existe plus d’une façon d’être une bonne mère », elle devait faire face à des conditions
financières difficiles et désirait poursuivre ses études. Toutefois, dans un autre épisode
(S.1, ép.5) Izzie affirme qu’elle fait « partie de ceux qui pensent qu’avoir les deux c’est
possible », face à un patient ayant abandonné son internat afin de fonder une famille.
Ainsi, tout en précisant qu’elle croit à la possibilité d’une conciliation carrière/famille
qu’elle n’a pourtant pas atteint, Izzie rappelle, au­delà du choix personnel, l’importance
cruciale des facteurs extérieurs, notamment socioéconomiques qui doivent être pris en
compte lors de la décision.
23 Le  personnage  de  Miranda  Bailey  offre  un  troisième  éclairage  sur  la  question.  Elle
devient mère (S.2, ép.8) alors qu’elle se trouve au sommet de sa carrière, inondée sous
les offres de bourses. Une fois établi qu’elle est capable d’assurer sa fonction de résidente
au  moins  aussi  bien  qu’avant  d’être  mère,  elle  prend  la  décision  de  s’investir  autant
dans ce nouveau rôle que dans sa carrière. Cette ligne narrative fait directement écho à
une partie du mouvement post­féministe qui attribue « le malheur des femmes » aux
promesses  illusoires  de  la  vague  féministe  précédente40,  en  maintenant  l’idée  que  les
femmes  peuvent  tout  avoir.  Après  avoir  avoué  à  Cristina  qu’elle  a  envisagé
l’avortement, Miranda lui explique qu’« il suffit seulement d’en être sûre. Mais quand
on n’est pas certaine, personne ne peut vous le reprocher. On fait ce qu’on peut, quand
on peut, comme on peut. Et quand on ne peut pas, on ne peut pas » (S.2, ép.13). Ainsi,
entre Izzie et Miranda, Grey’s Anatomy nuance la rhétorique de choix et relativise une
image  régulièrement  véhiculée  par  les  médias,  celle  de  la  superwoman  jonglant
naturellement avec les différentes compétences41.

Conclusion
24 Tout  au  long  de  cette  recherche,  la  notion  de  post­féminisme  a  été  utilisée  pour
désigner  les  conceptions  multiples  et  variées  de  l’émancipation  féminine  actuelle.  La
fragmentation du mouvement, parfois perçue comme une forme de dépolitisation voire
d’ajustement  au  patriarcat,  soulève  de  nombreux  débats,  témoins  d’une
réinterprétation  des  revendications  de  la  deuxième  vague.  Compte  tenu  du  lien  ténu
entre l’évolution des question de genre et la culture de masse, le rôle joué par les médias
est  d’une  importance  cruciale  dans  la  compréhension  et  l’appropriation  de  ces
questionnements. Comme le rappelle Mumford, la télévision en particulier participe à
«  refléter,  renforcer  et  véhiculer  les  relations  de  pouvoir  existantes  et  les  idées  sur  la
façon dont le genre est et doit être vécu42 ». Ainsi, en proposant un univers centré sur
les  femmes,  Grey’s  Anatomy  ouvre  inévitablement  un  espace  de  discussion  de  ces
enjeux.
25 Pour  Nathalie  Heinich43,  l’une  des  conditions  fondamentales  de  la  mise  en  œuvre
effective  de  la  pensée  féministe  réside  dans  «  la  suspension  de  la  différence  des  sexes
dans les contextes où elle n’a rien à faire ». C’est précisément sur cette question de la
nécessité  d’affirmation  (ou  non)  des  différences  de  genre  que  naissent  les  tensions  du
post­féminisme. En s’appuyant sur ces zones troubles et leur traces dans les parcours
narratifs des personnages, cette analyse soutient que de l’expression de la condition des
femmes propre à la série se dégagent des constantes dans le sens d’une célébration des
valeurs  féministes  et  du  potentiel  d’empowerment  des  personnages  féminins  :  d’une
part,  Grey’s  Anatomy  insiste  sur  les  différences  entre  hommes  et  femmes  qu’elle
souligne pour dénoncer le caractère infondé des relations de pouvoir actuelles ; d’autre
part, la série signale également les différences entre les femmes elles­mêmes et permet
ainsi l’expression de voix différentes mais toutes constructives face aux tensions post­
féministes, alors disponibles à l’appropriation du spectateur.

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2017­6­5 Une réponse aux tensions post­féministes : l’empowerment de Grey’s Anatomy

Notes
1  En  2009,  les  femmes  représentaient  27  %  des  emplois  créatifs  sur  les  séries  télévisées  prime
time  des  networks,  tandis  que  les  minorités  ethniques  représentent  10  %  des  travailleurs  de
l’industrie  télévisuelle  (Martha  Lauzen,  «  Boxed  In  :  Employment  of  behind­the­scenes  women
in the 2009­10 prime­time television season », Center for the Study of Women in Television and
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2  World  Bank,  Empowerment  and  poverty  reduction:  a  sourcebook  [En  ligne],  World  Bank.
[Page consultée le 09.11.2013]. Disponibilité et accès http://go.worldbank.org/FD9HH8DH11
3 Jo Rowlands, Questioning empowerment: working with women in Honduras, Oxford, Oxfam,
1997, p. 13­14. Trad. libre.
4 Ibid. p. 14.
5  Anne  Cranny­Francis  et  al.,  Gender  studies:  terms  and  debates,  Hampshire  &  New  York,
Palgrave McMillan, 2003, p. 89.
6 Teresa de Lauretis, Technologies  of  gender:  essays  on  theory,  film  and  fiction, Bloomington,
Indiana University Press, p. 9. Trad. libre.
7 François Jost, De quoi les séries américaines sont­elles le symptôme ?, Paris, CNRS, 2011, p. 3­
4.
8  Glen  Creeber,  Serial  television:  big  drama  on  the  small  screen,  Londres,  British  Film
Institute, 2004, p. 17.
9 Jean­Pierre Esquenazi, Mythologie des séries télé, Paris, Le cavalier bleu, 2009, p. 89.
10 Rosalind Gill, Gender and the media, Cambridge, Polity, 2007, p. 249­254.
11  Voir  Susan  Faludi,  Backlash.  The  undeclared  war  against  American  women,  New  York,
Crown Publishers, 1991.
12  Angela  McRobbie,  «  Post­feminism  and  popular  culture  »,  Feminist  media  studies,  4  (3),
2004, p. 255­259.
13  Pour  une  définition  plus  nuancée  de  la  troisième  vague,  voir  notamment  Stacy  Gillis  et
Rebecca  Munford,  «  Genealogies  and  generations  :  the  politics  and  praxis  of  third  wave
feminism  »,  Women’s  history  review,  [en  ligne],  13(2),  2004,  p.  165­182.  Disponible  sur:
http://dx.doi.org/10.1080/09612020400200388
14 Ann Brooks, Postfeminisms. Feminisms, cultural theory and cultural forms, Londres & New
York, Routledge, 1997, p. 4.
15 Oana Crusmac, « Post­Feminism and Specialized Media: a Content Analysis of Cosmopolitan
Headlines », Analize  –  Journal  of  Gender  and  Feminist  Studies,  [en  ligne],  1(15),  2013,  p.  25.
Disponible  sur  :
http://www.ana.wbd.ro/library/files/issue_no_1_analize_journal_rev.pdf#page=17
16 Simon During, Cultural studies: a critical introduction, London, Routledge, 2005, p. 6.
17  Dans  un  premier  temps,  afin  de  systématiser  la  recherche,  tous  les  personnages  crédités
comme principaux dans les deux premières saisons ont été étudiés. Les résultats présentés ici se
concentrent toutefois sur les personnages les plus significatifs suite à cette analyse.
18  Tous  les  dialogues  retranscrits  dans  cet  article  sont  des  traductions  libres  des  dialogues
originaux.
19  Séverine  Barthes,  «  Production  et  programmation  des  séries  télévisées  »,  dans  Sarah
Sepulchre (dir.), Décoder les séries télévisées, Bruxelles, De Boeck, 2011, p. 47­73.
20  Rebecca  Collins,  «  Content  analysis  of  gender  roles  in  media:  where  are  we  now  and  where
should  we  go?  »,  Sex  Roles,  [en  ligne],  64  (3­4),  2011,  p.  290­298.  Disponible  sur  :
http://connection.ebscohost.com/c/articles/57941703
21 La chirurgie aux États­Unis ne compte parmi ses résidents, en 2009, que 35,2 % de femmes
(Association of American Medical Colleges. AAMC [Page consultée le 3.07.2011] Disponibilité et
accès https://www.aamc.org/download/ 170250/data/2009_table02.pdf).
22  Arlie  R.  Hochschild,  The  managed  heart:  commercialization  of  human  feeling.  Berkeley  &
Los Angeles, University of California Press, 1983, p. 173.
23 Laura Mulvey, « Visual pleasures in narrative cinema », dans Leo Braudy et Marshall Cohen
(éd.), Film  Theory  and  Criticism:  Introductory  Readings,  New  York,  Oxford  University  Press,
1999, p. 837.
24 Ibid., p. 837. Trad. libre.

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25 Patricia Brennan, « The colorful world of “Grey’s Anatomy” », The Washinton Post. [En ligne]
The  Washington  Post  [Page  consultée  le  7.07.2011].  Disponibilité  et  accès
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26 A. Brooks, op. cit., p. 4
27 R. Gill, op. cit., p. 256.
28 A. McRobbie, op. cit., p. 255­259.
29 R. Gill, op. cit., p. 269.
30 Ibid., p. 258.
31  Susan  Douglas,  Enligntened  sexism:  the  seductive  message  that  feminism’s  work  is  done,
New York, Times Books, 2010, p. 5. Trad. libre.
32 R. Gill, op. cit., p. 261. Trad. libre.
33 S. Douglas, op. cit., p. 12.
34 Judith Butler, « Subjects of sex/gender/desire », dans S. During (éd.), The  cultural  studies
reader, London, Routledge, 1993, p. 343­344.
35  Amanda  Lotz,  Redesigning  women:  television  after  the  network  era,  Urbana  &  Chicago,
University of Illinois Press, 2006, p. 147. Trad. libre.
36 Ibid, p. 51. Trad. libre.
37 Ibid. p. 52­54.
38  Mireya  Navarro,  «  On  abortion,  Hollywood  is  no­choice  »,  The New York Times.  [En  ligne],
The  New  York  Time  [Page  consultée  le  6.07.2011]  Disponibilité  et  accès
http://www.nytimes.com/2007/06/10/fashion
39 Clémentine Autain, Ne me libère pas, je m’en charge : plaidoyers pour l’émancipation des
femmes, Paris, J’ai Lu, 2013, p. 18.
40 R. Gill, op. cit., p. 253.
41 A. Cranny­Francis et al., op. cit., p. 224.
42  Cité  dans  Mathieu  de  Wasseige,  A  Critical  Analysis  of  Ideological  Narratives  in
Contemporary US Network Television Series, Bruxelles, ULB, 2011, p. 58. Trad. libre.
43 Nathalie Heinich, Les ambivalences de l’émancipation féminine,  Paris,  Albin  Michel,  2003,
p. 118.

Pour citer cet article
Référence électronique
Barbara Dupont, « Une réponse aux tensions post­féministes : l’empowerment de Grey’s
Anatomy », Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne],
4 | 2014, mis en ligne le 15 janvier 2014, consulté le 05 juin 2017. URL :
http://rfsic.revues.org/784 ; DOI : 10.4000/rfsic.784

Auteur
Barbara Dupont
Barbara Dupont est assistante au département des langues de l’IHECS (Institut des hautes
études des communications sociales) à Bruxelles. Elle travaille actuellement sur une thèse de
doctorat traitant de la représentation des femmes dans les séries télévisées américaines, en
partenariat avec l’Université catholique de Louvain. Courriel : barbara.dupont@galilee.be

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