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LA SOUFFRANCE
DES ENSEIGNANTS
I NTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Un « malaise enseignant » plus médiatisé qu’étudié, 3
Une sociologie pragmatique du travail enseignant, 6
L’établissement comme lieu des épreuves où s’effectue, s’imagine, se régule le
travail, 9
Une enquête auprès des experts de la difficulté enseignante puis des ensei-
gnants, 12
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
4. L’ EMPRISE DU TRAVAIL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
TROISIÈME PARTIE
DÉPASSEMENT ET CONTOURNEMENT
DES DIFFICULTÉS
C ONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
B IBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Introduction
Depuis la fin des années 1980, le thème d’une école qui va mal
imprègne le discours public, celui des responsables éducatifs, des
médias, et de la recherche en éducation (Estève et Fracchia, 1988).
Deux sous-thématiques lui sont généralement associées : les élèves et
leur malaise face à l’institution scolaire, les enseignants et leur malaise
devant les transformations du rapport au savoir et à l’autorité (Huber-
man, 1989). Ce deuxième questionnement est souvent l’occasion
d’une charge contre un monde enseignant présenté comme inadapté,
voire fautif. Les mouvements sociaux enseignants, nombreux et mas-
sifs depuis une dizaine d’années, attestent un climat protestataire et
4 La souffrance des enseignants
1. Le dernier en date, Xavier Darcos, dressait, avant de devenir ministre de l’Éducation nationale,
un état des lieux alarmant dans son rapport au candidat Nicolas Sarkozy (La Lettre de l’éducation,
no 552, 19 mars 2007).
Introduction 5
Bru, 2002 ; Deauvieau, 2003 ; Marcel et al., 2002 ; Roger, 2007 ; Lan-
theaume et al., 2008) ; l’intérêt porté aux « pratiques » des enseignants
pour en faire la sociologie (Demailly, 1985) ou l’ « analyse » dans le
cadre de la formation des enseignants (Altet, 1988, 1994) s’est développé
notamment en relation avec la préoccupation de la professionnalisation
des enseignants puis de l’arrivée d’une nouvelle génération d’ensei-
gnants (Rayou et van Zanten, 2004 ; Gelin et al., 2007).
Malgré quelques travaux précurseurs (Isambert-Jamati, 1970), la
sociologie de l’éducation et les sciences de l’éducation ont longtemps
privilégié l’étude du système éducatif et de ses effets sur les positions
sociales (Lantheaume, 2008), puis se sont intéressées au travail ensei-
gnant essentiellement lorsqu’il sortait de l’ordinaire, innovant ou en
contexte difficile (Bautier, 1995 ; van Zanten, 2001, 2002). Ces enquê-
tes ont montré l’importance du contexte dans les dynamiques profes-
sionnelles et ses effets sur les attitudes des enseignants et leur carrière ;
une image plus complexe de l’activité des enseignants en ressort.
A contrario d’un discours dominant alarmiste, les enquêtes épidé-
miologiques sur la santé des enseignants montrent qu’ils n’ont pas plus
de problèmes de santé mentale que les autres personnels de l’Éducation
nationale, même si des variations existent selon les niveaux d’enseigne-
ment (Kovess-Maféty et al., 1997, 2006, 2007). En revanche, ils souf-
frent significativement plus de certaines affections liées à l’exercice de
leur métier (voies respiratoires, varices, cordes vocales, maladies de
peau). Dans ces enquêtes, les enseignants apparaissent aussi plus satisfaits
de leurs conditions de travail (congés, horaires, rémunération) que les
autres catégories interrogées, bien qu’ils expriment des motifs d’insatis-
faction concernant les conditions matérielles, les relations avec la hié-
rarchie, la fatigue, le sentiment d’impuissance, la responsabilité morale,
les conflits, les agressions. Et, selon une enquête de la MGEN, La santé et
les conditions de travail des enseignants en début de carrière, 46 % d’entre-eux
ont été en congé maladie et absents en 2005, en moyenne deux fois
dans l’année pour une durée de 11 jours (MGEN, 2006). Les raisons
invoquées sont la maladie, mais aussi, pour un tiers d’entre eux, la
fatigue et le stress. Les professeurs débutants exerçant dans les zones
d’éducation prioritaire et en collège manifestent un sentiment d’épuise-
ment principalement attribué à l’indiscipline des élèves. Du côté des
fins de carrière, une étude quantitative sur les enseignants belges
montre que les facteurs personnels, la dévalorisation de la profession et
de la tâche d’enseigner ainsi qu’un manque de reconnaissance sont les
causes des départs prématurés en retraite (Hansez et al., 2005). L’hypo-
6 La souffrance des enseignants
thèse que ces constats sont aussi valables pour les enseignants français
paraît étayée par l’usage important que ces derniers font de la cessation
progressive d’activité malgré la perte de salaire occasionnée.
U n e so c iolog ie pr a g m a tiq u e d u tr a v a il e n s e ig n a n t
Les difficultés au travail et leurs effets sur la santé des salariés ont été
abordés à partir de la notion de burn out syndrome, ou épuisement pro-
fessionnel, depuis les travaux anglo-saxons psychanalytiques et de psy-
chologie sociale dans les années 1970 (Freudenberger, 1974 ; Ginsberg,
1974 ; Maslach, 1976). Le syndrome de burn out se manifeste par des
troubles émotionnels et du comportement, associés à des conditions de
travail difficiles sur de longues périodes ; il provoque épuisement émo-
tionnel ou physique, réduction de la productivité au travail et senti-
ment de dépersonnalisation. L’analyse des interactions entre variables
contextuelles et variables individuelles fonde son identification. Des
instruments, d’orientation psychométrique, visant à mesurer les indica-
teurs du burn out ont été construits à cette fin1 puis ont été traduits et
testés dans des environnements francophones (Dion et Tessier, 1994) et
adaptés pour les enseignants (Chan et Hui, 1995). Les études portant
sur le burn out mettent en lumière la construction de stratégies adapta-
tives par les individus. De nombreuses enquêtes sur les professions de
service incluant une relation d’aide ont été conduites à l’aide de ces
outils. Leurs résultats ont donné lieu à une littérature scientifique et de
vulgarisation abondante ainsi qu’à des programmes de formation en
direction des professionnels de santé ou du travail social. Dans les
années 1980, des chercheurs jugent que la théorie du burn out fait trop
peu de cas du contexte macroscopique et sous-estime la question de la
pérennité des stratégies adaptatives ; sous l’étiquette burn out, des aspects
très divers leur semblent réunis de façon problématique (Bibeau, 1985).
Ces critiques ont été à l’origine de nouveaux développements large-
ment popularisés depuis (Truchot, 2004)2.
1. Le Maslach Burnout Inventory (MBI) mis au point par Christina Maslach et Susan Jackson en 1980
et, la même année, The Staff Burnout Scale for Health Professionals (SBS-HP) de John Jones.
2. En France, concernant les enseignants, la Fondation pour la santé publique de la MGEN met en
œuvre de telles enquêtes, aussi nous sommes-nous tournés vers elle pour un partenariat. La
recherche dont il est question dans cet ouvrage a été conduite dans le cadre d’une convention
entre la Fondation pour la santé publique de la MGEN et l’Institut national de recherche péda-
gogique (Lantheaume, Hélou, 2007).
Introduction 7
une sociologie pragmatique (Nachi, 2006), nous avons pris comme objet
d’étude les épreuves rencontrées par les enseignants et la justification de
leur action dans ces situations (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Derouet,
1992). L’objectif était de présenter les ressources mobilisées par les ensei-
gnants pour faire tenir les situations à l’occasion d’épreuves identifiées
comme telles par eux-mêmes, et l’usage de ces ressources. La première
hypothèse retenue selon laquelle le nouveau management inspirant
diverses réformes, en déstabilisant les interactions et les ressources mobi-
lisables, expliquait pour partie les difficultés et souffrances des ensei-
gnants, a dû être révisée au cours de l’enquête. En effet, l’observation de
l’activité des enseignants et du sens qu’ils y mettent, l’analyse des discours
sur la difficulté au travail et la description des occasions de son émer-
gence, l’attention portée aux diverses facettes et temporalités du travail
enseignant ainsi qu’aux organisations locales du travail, nous ont
conduits à proposer une autre interprétation des difficultés rencontrées et
des souffrances éventuellement éprouvées. Les résultats de notre enquête
sur les épreuves actuelles du travail enseignant et leurs conséquences, sur
la façon dont les professeurs y font face et trouvent souvent du plaisir à
exercer leur métier, nous incitent en effet à privilégier la piste d’une crise
du métier dans laquelle les nouvelles formes de management jouent un
rôle relativement mineur, notamment parce que les chefs d’établisse-
ment n’endossent qu’avec prudence le rôle de manager (Barrère, 2006).
La définition selon laquelle le travail est « la mobilisation des hom-
mes et des femmes pour faire face à ce qui n’est pas prévu par la pres-
cription, à ce qui n’est pas donné par l’organisation du travail » (Dave-
zies, 1993, p. 37) et les « empêchements » à travailler comme sources de
souffrance nous ont servi de balises. Loin des difficultés extraordinaires
qui provoquent des souffrances elles aussi extraordinaires, nous avons
privilégié les souffrances au travail que nous avons qualifiées d’ « ordi-
naires », entrant dans le cadre de ce que l’on peut identifier comme la
généralisation d’une « mise en politique » de la subjectivité (Cantelli et
Genard, 2007). L’intérêt se porte alors sur la « connexion d’une réalité
psychologique, la souffrance, et d’un élément social » (Renault, 2008,
p. 40), ce qui caractérise la souffrance sociale. D’où le projet d’identi-
fier ce qui peut faire passer, dans la durée, un enseignant du côté de la
souffrance psychique et physique – souffrance entendue aussi comme
une manifestation de protestation contre la réalité, ici celle du travail
enseignant. Poser la question inverse : « Qu’est-ce qui évite la souf-
france au travail ? », c’est s’interroger sur ce qui fait tenir les situations
face aux multiples épreuves du travail, anciennes et nouvelles. En effet,
Introduction 9
C’est pour cela que nous avons enquêté dans sept établissements du
second degré très différents, munis d’une histoire, d’un public, d’un
contexte social, d’une configuration spatiale, d’une régulation interne
qui sont autant de cadres producteurs de situations sociales spécifiques.
Ainsi, le lycée Jaurès1, avec ses classes prépas, ses professeurs autrefois
très investis et aujourd’hui un peu épuisés, son vaste espace verdoyant,
ses classes moyennes et supérieures, offre un cadre produisant des situa-
tions sociales différentes de celles du collège Langevin, aux faibles
effectifs, connaissant des problèmes de discipline et de résultats, sa ZEP,
son équipe plutôt soudée. Ce sont donc les personnes telles qu’elles se
réalisent dans les situations sociales – ici, professionnelles – qui sont au
centre de l’enquête.
La notion de souffrance a semblé parfois incongrue pour désigner
le mal-être personnel, professionnel, social des enseignants. La charge
dramatique du mot entrave son usage ordinaire hors des situations
extrêmes et écarte l’expérience quotidienne et commune. Tenter de
rendre compte de la réalité d’une souffrance ordinaire dans le travail
nous a conduit à ne pas centrer l’enquête de terrain sur les cas médi-
caux ni sur l’étude des moments dans lesquels des enseignants sont dans
l’incapacité d’enseigner. D’autant plus qu’une enquête par question-
naire sur le burn out chez les enseignants travaillant dans les établis-
sements retenus pour notre enquête a montré qu’il n’y avait pas de
symptôme d’épuisement professionnel particulièrement élevé par com-
paraison avec d’autres études (Tatar et Yahav, 1999 ; Weisberg et
Sagie, 1999).
En effet, les résultats de cette enquête effectuée en partenariat avec
la Fondation MGEN pour la santé publique ont donné des indications
sur les facteurs de risque de stress indiquant des états de souffrance. Le
stress professionnel, approché par la notion d’épuisement professionnel,
affecte des sujets s’investissant profondément vis-à-vis d’autres per-
sonnes dans le cadre de leur profession. Trois types de symptômes sont
identifiés :
— l’épuisement émotionnel (le sujet ne peut plus rien donner de lui-
même) ;
— la « dépersonnalisation » (déshumanisation de la relation à l’autre et
cynisme) ;
— l’insatisfaction sur l’accomplissement personnel au travail.
1. Tous les noms propres des lieux et personnes ont été modifiés.
Introduction 11
CONSTRUCTION ET TRAITEMENT
D E S E N S E I G N A N T S DI T S
« E N DI F F I C U L T É »
1. Ont particulièrement été étudiés les recours aux médiateurs, aux inspecteurs, à la DRH ; les cir-
culaires et documents d’information diffusés par les rectorat, et inspection, d’académie ; des
descriptions de cas (traités par les personnels de santé et par les dispositifs d’aide ou les commis-
sions d’examen des cas d’enseignants « en difficulté ») ; des documents ministériels ou rectoraux
concernant la formation.
La construction de l’enseignant « en difficulté » 21
tion pour, par exemple, bâtir un dossier médical, attribuer une muta-
tion, envisager une reconversion, accorder un congé. La diversité des
acteurs institutionnels caractérise le traitement des enseignants « en dif-
ficulté ». Des collaborations souvent informelles entre services et per-
sonnes travaillant à proximité et se connaissant bien favorisent l’élabo-
ration de solutions et la construction pragmatique d’une idée locale, à
peu près partagée, des critères acceptables de la difficulté éprouvée,
c’est-à-dire des critères que l’institution estime pouvoir prendre en
compte. Mais les procédures et formulaires administratifs stabilisant ces
qualifications n’existent pas pour les cas sortant des grilles habituelles du
traitement bureaucratique. Restent, à propos des enseignants dans
l’entre-deux évoqués plus haut, les plus nombreux, des recueils d’infor-
mations lors de leurs entretiens avec l’assistante sociale ou l’infirmière,
plus rarement avec un inspecteur, un chef d’établissement, un médecin
de ville. Les experts décrivent leur action comme fortement contrainte
et nécessitant beaucoup de « bricolages », selon l’expression souvent
entendue. Cela met en position délicate ceux dont la mission est de
venir en aide aux personnels, qui se sentent dans l’incapacité de le
faire : pas de procédures stabilisées, pas toujours de dispositifs prévus,
pas de moyens adaptés et donc l’obligation d’agir à la limite de la léga-
lité pour trouver des solutions avec des « bouts de ficelle ». Ces condi-
tions font que des experts manifestent eux-mêmes un sentiment d’em-
pêchement de bien travailler et expriment une certaine souffrance au
travail, même si, de façon paradoxale, la montée de la prise en charge
de la difficulté enseignante par l’institution a, de fait, octroyé une place
plus importante aux personnels de santé et d’aide sociale longtemps
marginalisés.
Les experts déploient une activité importante pour établir un dia-
gnostic de la situation d’un enseignant adressé par un tiers ou pas. C’est
à ce moment qu’ils doivent qualifier, créer des catégories ou faire
entrer dans des catégories existantes les personnes qu’ils rencontrent,
mais ce travail est aussi le fruit d’une négociation entre services, au
cours d’un processus qui peut être plus ou moins long. La variation des
définitions selon les types d’experts est significative et produit une
acception plus ou moins étendue de la catégorie « enseignant en diffi-
culté » dont la plupart se situent dans une sorte de zone grise et dont
l’institution semble ne pas savoir quoi faire tout en reconnaissant
qu’elle indique un profond mal-être des professionnels. Étudier com-
ment les experts définissent ce qu’est un enseignant « en difficulté »
permet de dresser un premier paysage de la souffrance des enseignants.
22 Construction et traitement des enseignants dits « en difficulté »
D e s é p r e u v e s e t d e s situa tio n s
e ng e ndra nt diffic ulté s e t souffra nc e s
Les experts estiment que les situations propices à la souffrance des
enseignants sont d’abord celles liées aux relations entre le professeur et
les élèves, et, à un moindre degré, à l’institution elle-même. Des situa-
24 Construction et traitement des enseignants dits « en difficulté »
Mais l’ennui des plus grands n’est pas plus facile que le « bouillon-
nement des petits 6e » (principal) ou le non-respect des règles de fonc-
tionnement aboutissant à « semer la zizanie » (CPE), voire les insultes ou
l’agression physique (plus souvent redoutée qu’effective, selon les
experts) : « Il n’y a plus de consentement au travail », résume un inspec-
teur.
Cette situation peut être caractérisée comme une résistance des élè-
ves à l’emprise scolaire (Hélou, 2000) qui se généralise dans les établis-
sements. Les élèves se protègent en ne participant que peu aux activités
scolaires tout en ne remettant pas en cause de manière directe et fron-
tale la situation scolaire. Ni dans l’engagement ni dans la critique, les
élèves adoptent une posture consistant à faire échouer la situation sans
l’assumer, parfois même sans le vouloir car tout n’est pas stratégique
dans cette attitude. L’élève peut réellement s’évader mentalement,
notamment par la distraction ou en faisant autre chose, comme il peut
presque volontairement se protéger de l’évaluation scolaire et du juge-
ment professoral en freinant les activités, notamment par le silence ou
l’agitation. Ainsi peut se comprendre l’affirmation partagée par les
experts et les professeurs « en difficulté » selon laquelle les classes sont
plus dures à mener, du fait de ces résistances.
De plus, les situations d’enseignement où les relations avec les
élèves sont plus individualisées se multiplient, sur injonction institu-
tionnelle, entraînant des relations interindividuelles pouvant mettre en
difficulté un enseignant comme le précise un proviseur citant un pro-
fesseur : « On n’est pas capable d’assumer une pédagogie différenciée,
d’assumer un contact personnalisé avec les élèves. » Or l’individualisa-
tion de l’enseignement crée des situations d’interaction qui, si elles
28 Construction et traitement des enseignants dits « en difficulté »
Les élèves sont certes devenus plus difficiles, selon le DRH, mais il
insiste plutôt sur le manque d’adaptation des enseignants à leur public
et la rupture relationnelle avec les jeunes.
Au-delà de la variabilité entre experts de la catégorisation des diffi-
cultés, une autre variabilité, entre les académies, a été mise au jour. La
recherche d’homogénéisation sur le plan national n’empêche pas aux
logiques académiques d’exister avec cependant un certain nombre de
points communs.
2
Des enseignants « en difficulté » plus nombreux
et des traitements diversifiés
L a m o n té e d e s e x ig e n c e s e t s e s c o n s é q u e n c e s
pour éviter le retour dans la classe. S’il est jeune, c’est le licenciement
pour insuffisance professionnelle qui est alors préféré, ce contre quoi
s’élèvent les syndicats. Comme le montre le DRH, un travail de catégo-
risation est à l’œuvre pour trier les enseignants :
Il faut faire la différence entre l’insuffisance et la faute, ce sont deux procédures
différentes. Professionnellement, ils ont des lacunes. Dans le premier cas, celui de
la faute, on considère que la personne pourrait s’amender mais ne le veut pas, il ne
veut pas changer ses pratiques alors qu’on l’estime capable de le faire. Dans l’insuf-
fisance, on pense qu’il ne le peut pas. Comment fait-on le diagnostic ? Si vous êtes
jeune et qu’on voit des difficultés criantes, que vous rentrez pendant un an dans le
dispositif IUFM, vous vous rendez compte, ça coûte ça !, et que quinze jours après
la remise en circulation ça recommence pareil, là, on va engager une procédure de
licenciement pour insuffisance professionnelle.
Cela se pratique davantage maintenant ?
On peut le faire. Il faut être en mesure de commencer la procédure très tôt.
On va travailler en même temps à des reclassements. Il y a dix, quinze ans, cela ne
se faisait pas. C’est marginal, trois ou quatre cas par an. Mais il faut que cela se
sache. On reprochait d’ailleurs au ministère de ne pas nous suivre, car ce n’est pas
une décision déconcentrée. Souvent, il nous disait que les dossiers étaient mal
montés. Or, depuis quelque temps, le ministère suit davantage. Pour les autres, le
licenciement comme la reconversion sont impossibles. Alors, ça va être la zone de
remplacement en l’utilisant pour des remplacements les plus courts possibles. Ils
sont payés pour rien. On en a une centaine comme cela.
Donc, c’est plutôt en fin de carrière ?
Oui et puis, il y a dix ans, c’est comme cela que l’institution gérait mais
maintenant, de moins en moins.
sées ou mises en réseau, par exemple) va de pair avec une place impor-
tante des DRH ainsi que la mobilisation de la formation et une orienta-
tion récente vers une certaine dévolution des problèmes au niveau
local. Les dispositifs de traitement des enseignants « en difficulté »
posent une question centrale : comment repérer et catégoriser des per-
sonnes enseignantes comme étant « en difficulté » ? Et comment éviter
que l’aide à la personne soit un élément de la pression hiérarchique et
disciplinaire visant à normaliser le personnel ? Les cas sont fréquents
d’interpénétration des deux perspectives. Repérer les défaillances d’un
enseignant, pour un chef d’établissement ou un inspecteur, interfère
avec les tâches usuelles de contrôle et de discipline. Dans tous les cas,
les experts s’accordent sur le fait que la situation d’enseignant « en diffi-
culté » dûment répertorié a des conséquences lourdes tant sur le plan de
la carrière que pour les effets stigmatisants et les conséquences psycho-
logiques et sociales d’un tel étiquetage dont la variabilité des critères
montre le peu de scientificité.
DEUXIÈME PARTIE
LES DIFFICULTÉS
AU CŒUR DU TRAVAIL
DES ENSEIGNANTS
milieux sociaux aisés, sont trop visibles ; les autres, des milieux sociaux
défavorisés, sont trop absents.
Les élèves sont aussi la principale source de difficulté, parce que je crois que les
enfants ont de moins en moins de structure dans leur vie, de moins en moins de
repères ; enfin, il ne faut pas généraliser, on est confronté à deux types d’élèves,
des élèves charmants, les parents s’occupent d’eux, mais il y a de plus en plus d’é-
lèves qui ne se prennent pas en charge, qui oublient leurs affaires, qui ne travail-
lent pas, on demande la signature quand on est prof principal dans le carnet, ce
n’est pas fait, on perd un temps fou.
plexer les parents par rapport aux connaissances, par rapport à l’école, par rapport
aux cahiers. C’est faisable et je pense malheureusement que l’échec scolaire... Il
faut casser l’impression qu’ont les parents que c’est une fatalité ! Et pour le casser,
il faut qu’ils viennent ! Et ils ne viennent pas...
c’est clair, là ils sont présents, ils sont très présents, majoritairement, un peu trop
parfois. C’est toujours la parole de l’enseignant contre celle de leur enfant, ce n’est
pas facile à vivre.
C’est, au dire des interviewés, quel que soit leur statut ou leur éta-
blissement, depuis la « période Allègre » que les parents s’autorisent plus
à demander des comptes à tout propos et à mettre les professeurs en
accusation.
Il y a eu, c’était la période de Claude Allègre, la difficulté de la vision que les
parents avaient de l’école. On était soupçonné de tout. On était mis en cause sans
cesse. Le nombre de rendez-vous qu’il a fallu donner à des parents qui pensaient
qu’on martyrisait leurs enfants, que leur enfant était un bouc émissaire, qu’on
avait mal travaillé, que ce n’était pas comme ça qu’il fallait travailler. Il y a eu une
période qui a été difficile. C’est en train de retomber. Je me souviens d’une année
où j’avais fait presque la rentrée à reculons à cause de ça. J’ouvrais le poste de radio
dans la voiture en venant au collège et j’entendais aussitôt les enseignants mis en
cause. Et je n’avais plus envie de mettre les pieds dans l’établissement. Les parents
venaient sans arrêt demander des comptes sur la note de l’élève, pourquoi on avait
mis telle appréciation, pourquoi on ne corrigeait pas suffisamment leur enfant. Je
pense à un cas précis où j’avais été mis en cause là-dessus alors que c’était un
enfant que j’encourageais, que j’essayais de tirer vers le haut. Les parents avaient
une suspicion contre l’école, contre les enseignants. Si on mettait une note au-
dessous de la moyenne, il fallait justifier. C’était en permanence.
enseignants de rappeler à ces parents que leur travail vise le bien com-
mun autant que la réussite de leur enfant. Cette posture défensive
devant la critique amène les enseignants à attendre une solidarité forte
de l’institution.
avait un billet de retard et je lui ai dit : « Tu n’étais pas en retard, je t’ai exclu de
mon cours, donc tu t’en vas. » Il est retourné voir l’adjointe et l’adjointe me l’a
ramené en disant : « Vous le prenez ! » Et dans la façon dont le gamin était rentré
la première fois, il roulait les mécaniques. Il roulait des mécaniques avec son billet,
il me le jette sur le bureau et je lui ai dit : « Fous le camp, je t’ai foutu dehors ! »
Quand tu as du mal à gérer une classe et que tu as le dirlo qui vient en disant :
« Cet élève, vous n’avez pas le droit de le virer, vous le reprenez ! » Elle a eu la
présence d’esprit de dire : « On ne va pas s’engueuler devant les mômes, venez me
voir à la fin du cours et on en discute. » Mais moi, le môme, quoi qu’il arrive, je
ne le reprenais pas ! On arrivait à une situation où ça va, les couleuvres. Et puis, la
deuxième année, j’ai vraiment craqué.
M u l t i p l i c a t i o n e t di v e r s i f i c a t i o n de s t â c h e s
l’évaluation de son travail pas plus que dans un collectif de pairs auquel
il ne peut appartenir (il n’est ni psychologue ni administrateur). Cette
situation nourrit une acrimonie chez beaucoup d’enseignants à l’égard
des professions périscolaires.
L’usure vient aussi des heures de cours qui donnent toujours lieu à
un exercice de présentation de soi et de justification de son action dans
l’interaction avec des groupes à l’esprit critique aiguisé et peu prêts à
s’en laisser conter. L’engagement de soi demandé pour faire tenir les
situations conduit à un état de fatigue très prononcé. L’enseignante,
citée ci-dessous, souligne à quel point il faut aller chercher loin des res-
sources en soi pour pouvoir tenir dans un univers où les registres de
justification sont divers et parfois contradictoires. Cet exemple montre
que la justification ne passe pas toujours et seulement par des argumen-
taires discursifs hors situation, mais aussi par le corps et les paroles dans
le cours de l’action : ceux-ci sont alors les signes de la congruence entre
une conception du métier, un style personnel ajusté à la situation, et la
prescription définissant des objectifs valables dans toutes les situations.
Éviter des distorsions entre les différents éléments exige une mobilisa-
tion cognitive, subjective et physique, source d’une fatigue dont la
réitération aboutit au sentiment d’usure.
Il faut tellement d’énergie, heure après heure, face aux grands groupes qu’on nous
impose ; si on n’a pas la disponibilité de santé au niveau psychique, c’est épouvan-
table. Je crois que c’est plus facile d’être employé de bureau, on donne beaucoup
de soi, surtout en langue. On fait rebondir la balle dans tous les sens, je ne
m’assoie pas. Si je ne suis pas à l’affût, les élèves le sentent et tout le monde s’en-
dort. Le plus difficile, c’est cet état de fatigue. Et puis les copies aussi.
vail qui, sans elle, reste invisible, on pourrait dire que le travail ensei-
gnant donne lieu à de multiples « pannes », chaque jour, chaque année.
C’est cette forme « ratée » du travail que les enseignants identifient
prioritairement et qui, dans certaines circonstances, font basculer dans
la souffrance. Les « ratés » du travail font écran aux réussites quotidien-
nes oubliées, enfouies dans la routine, devenues invisibles, y compris
aux enseignants eux-mêmes. Avec l’âge, la possibilité de la défaillance
est plus réduite mais sa gravité est beaucoup plus forte quand elle rompt
des années de sentiment de maîtrise suffisante, sinon totale. La tension
ne disparaît donc pas avec l’expérience. Elle peut même augmenter
dans le temps avec la visibilité plus grande de la défaillance qu’organise
une société plus critique, dans laquelle les élèves comme les parents
sont plus prompts à demander des comptes.
Le métier est descriptible aussi bien en termes de routines qu’en
termes de stress continuel. La plupart du temps, ces deux dimensions se
retrouvent conjointement. Cette enseignante d’histoire, chevronnée,
décrit une remise en question permanente représentant l’insécurité du
travail mais qui force à construire des projets. Nous retrouvons l’ambi-
valence déjà notée :
Il est vrai qu’à partir d’un certain âge ça devient plus dur de faire ce métier effecti-
vement, on accepte moins certaines choses, que cela peut être fatigant parce que
cela demande de permanentes remises en question et puis il est vrai aussi que c’est
bien d’avoir d’autres projets, parce que, comme beaucoup de gens, on vit dans les
projets.
Quand vous dites que c’est une permanente remise en question, c’est au niveau des
élèves par exemple ?
Oui sans doute, mais aussi le contenu de son enseignement, les élèves, cela
est tout un ensemble.
les routines d’un côté et les innovations de l’autre ne rend pas compte
de la situation, puisque toute routine est le produit d’un long travail
d’ajustement social qui lui a donné sa stabilité et sa légitimité. Il n’y a
pas, d’un côté, la statique de la routine et, de l’autre, la dynamique de
l’innovation, mais plutôt la stabilité de pratiques légitimées par l’expé-
rience sédimentée des acteurs, y compris collectifs, et l’instabilité de
pratiques qui cherchent encore leur légitimité dans l’expérience
collective et individuelle des enseignants.
Une autre composante de l’usure est la lassitude devant l’impuis-
sance à résoudre des problèmes récurrents : traiter les problèmes d’ap-
prentissage, gérer les classes, assurer l’autorité, l’orientation des élèves
sont les difficultés les plus mentionnées.
Il y a les nécessités du « politiquement correct », des choses que l’opinion publique
n’est pas prête à entendre, d’autres que l’institution n’est pas prête à laisser dire et
on s’y adapte. C’est la langue de bois. C’est « peut mieux faire » alors que c’est très
mauvais, c’est « devra progresser » alors qu’on a peu d’espoir qu’il y ait des pro-
grès. L’adaptation du discours est en partie nécessaire car c’est ce qui sauve les
élèves du désespoir et nous avec. C’est un mécanisme d’autodéfense.
Le manque de temps est très souvent mis en avant par les ensei-
gnants comme cause des difficultés, alors que l’image sociale du métier
est associée à un temps libre considérable. L’impression de courir en
permanence après le temps revient pourtant de façon lancinante dans
les entretiens et les discussions entre professeurs. La réalité profession-
nelle semble moins nette que cela et l’avantage devient vite contre-
productif et se mue en un inconvénient. Les enquêtes, du ministère ou
d’origine syndicale, convergent vers une estimation du temps de travail
hebdomadaire de 40 à 44 heures. La moyenne annuelle est beaucoup
L’emprise du travail 75
plus faible du fait des vacances scolaires (quatorze à seize semaines selon
la responsabilité en matière d’examen). Comme les deux sphères
domestique et professionnelle communiquent davantage que dans de
nombreux métiers, la moindre tension, le moindre moment de suracti-
vité dans une sphère a des effets immédiats sur l’autre. Le sentiment est
alors celui d’une accumulation augmentant la tension :
Le manque de temps que je peux avoir. Et puis il [le bébé] a été énormément
malade, moi j’étais fatiguée, du coup j’ai été très malade, j’ai fait cinq gastros
l’hiver dernier, parce que j’étais fatiguée à courir partout, entre le ménage, la
crèche, les cours, les corrections, les réunions.
L’accumulation de « petits » événements dans l’univers domestique
finit par déstabiliser la vie professionnelle en procurant à l’enseignante
un stress dans la gestion de tous les paramètres du travail enseignant.
D’une manière générale, la sphère domestique et privée se vit dans la
continuité de la sphère professionnelle. Les enseignants rentrent chez
eux avec leurs problèmes et cela produit des tensions familiales comme
le décrivent ces professeurs :
Oui, en ce moment. Je me suis forcé à ça [des activités extérieures]. Mais ça ne me
satisfait pas non plus. Mais je m’y suis forcé parce qu’il y a la pression familiale
[reproche d’être trop pris par le travail] et j’ai aussi l’impression que j’ai beaucoup
donné, j’estime ne pas avoir été vraiment payé de mes efforts et donc je ne vois
pas pourquoi en faire plus...
On se dit : « Est-ce que ça vient de moi ? Comment je peux faire ? » Donc
ça a été très, très désagréable pendant toute l’année. Je rentrais chez moi, j’étais
énervée, je dormais mal, ça m’a beaucoup stressée [...]. Et là, mal à la maison,
hein. Moi je peux vous dire qu’à la maison... [grand soupir].
tandis que l’espace privé est investi, mobilisé partiellement par les acti-
vités professionnelles. Si cette continuité est pour un certain nombre
d’enseignants constitutive de leur plaisir à enseigner, comme nous le
verrons, elle est pour la grande majorité d’entre eux l’occasion d’une
tension permanente, d’une absence de protection de soi face à l’emprise
du travail. Même les petites vacances ne suffisent pas pour un réel
décrochage que seules les grandes vacances d’été semblent capables de
réaliser.
Je pense que c’est un métier où on ne peut pas dire : à 5 heures j’ai fini. On a tou-
jours dans la tête... Il n’y a que pendant les grandes vacances où pratiquement on
peut dire : ça y est, c’est terminé ! Je pense que c’est ce qui fait la difficulté du
métier par rapport à d’autres métiers où quand on ferme son bureau, ça y est, ils
peuvent passer à autre chose ! Nous, pas vraiment... Si ça n’a pas été avec une
classe, ça va vous turlupiner, ça va vous empêcher de dormir... Le lendemain,
vous allez dire : comment ça va se passer aujourd’hui ? Si ça se passe bien, vous
dites : ouf, ça s’est bien passé. Si ça se passe mal, il y a une espèce d’appréhen-
sion... Ce n’est pas évident, quoi ! Je pense que c’est la difficulté du métier, on n’a
jamais la conscience complètement libre.
D’un autre côté, l’identité des personnes est moins construite dans
des groupes ou des catégories stables, pérennes et totalisants, et davan-
tage par l’empilement des différentes attaches et des différentes activités.
La notion d’ « homme pluriel » (Lahire, 1998) correspond assez bien
à cette description. L’individu n’est pas uniquement confronté à sa
propre liberté, mais l’évolution touchant les liens entre les personnes,
les groupes et les activités concerne aussi le travail. Il est désormais
moins surdéfinissant de la personne qu’il ne l’a été, notamment parce
que le travail (et le non-travail) a changé et que d’autres activités sont
de plus en plus définissantes de soi, comme la relation amoureuse, les
pratiques de loisirs, les activités sociales, voire les relations familiales.
L’expérience du travail reste cependant déterminante dans la construc-
tion identitaire sociale. À ce titre, il est assez remarquable que, malgré
les plaintes et dénonciations des conditions de travail, les difficultés et
l’usure du travail, très rares sont les enseignants qui expriment le désir
d’arrêter de travailler ou proposent le non-travail comme horizon
désiré. « Au pire », ils évoquent un changement d’activité et, surtout,
son allégement et les modifications de son exercice.
Paradoxalement, alors que le travail, sous l’emprise des nouvelles
logiques managériales ou du développement des relations de service,
mobilise de plus en plus la personne et ses ressources propres, il occupe
une centralité moins forte dans la construction de l’identité des per-
82 Les difficultés au cœur du travail des enseignants
La vigilance se présente ici sous deux formes : celle portant sur soi
dans ce processus de représentation où l’enseignant est en permanence
regardé, écouté, surveillé, et celle, dans la classe, sur la situation, pour
suivre les événements qui s’y déroulent. Cette vigilance exacerbée pro-
voquant fatigue et usure explique aussi l’organisation des services d’en-
seignement : il est difficile de faire quatre heures de cours à la suite, et
six-sept heures dans la journée sont épuisants. Les enseignants ont
besoin de souffler entre deux cours et, pour certains, « avoir des trous
dans l’emploi du temps » est plutôt salvateur. Même si des routines
s’installent, la vigilance prime, accrue par l’empilement des tâches et
L’emprise du travail 83
I n t e n s i f i c a t i o n du t r a v a i l
e t r e l a t i o n de se r v i c e à a u t r u i
temps... Les parents jugent aussi, il y a des parents qui regardent ce qui a été noté,
les devoirs que tu donnes et puis aussi les inspecteurs quand ils viennent. Les pro-
viseurs, mais ils n’ont rien au niveau pédagogique, juste au niveau administratif.
Je pense que les critiques, positives ou négatives, qui viennent des élèves me
touchent et ont plus de chances de me faire évoluer que des critiques des parents
par exemple ou des collègues.
Mais il y a une grande violence dans tout cela pour moi, dans ce métier. J’ai
appris à l’aimer, mais il y a une grande peur du jugement des autres, et moi, je ne
suis toujours pas à l’aise.
Ainsi les jugements des élèves sont-ils de loin ceux auxquels ils
accordent le plus de poids, qui font le plus sens car ce sont eux qui ont
le plus d’impact sur le travail quotidien. Jugement surévalué parce que
les élèves le manifestent en direct, sur place et en face-à-face ( « ça se
sent tout de suite quand ça marche ou quand on est dans un cours où
l’on va s’ennuyer » ). On ne peut ignorer le jugement des élèves
( « parce que les élèves, c’est plus direct que le directeur ! » ). Et les élè-
ves sont jugés mieux à même d’apprécier la réalité du travail de l’ensei-
gnant, car ils sont constamment exposés à ses effets ( « ils rentrent dans
votre cours, ils savent qu’ils vont travailler ou non, ils savent ce qui les
attend. Ils [...] savent si le travail donné leur est profitable ou non » ).
Les élèves s’expriment sur la partie du métier considérée par les ensei-
gnants comme la plus noble, celle qui leur tient le plus à cœur, le travail
Le bon travail et le beau travail 99
ordinaire du huis clos de la classe avec les élèves pour seuls témoins
– témoins et juges en première instance. Le jugement des élèves est un
outil de régulation de l’activité mis en avant par ces enseignants :
Il y a quelque chose qui compte pour l’évaluation des enseignants, c’est le retour
de l’élève. C’est là que je trouve la véritable évaluation de mon travail.
C’est d’abord eux que j’ai devant, je les ai là tous les jours ; si je vois qu’ils
sont pas contents, c’est qu’il y a quelque chose qui va pas. Donc il faut que ça soit
d’abord eux [...]. Si les élèves disent qu’ils ne comprennent rien, il faut que je
m’inquiète [rires].
S’ils ont appris, c’est que l’enseignant a enseigné – sous-entendu : bien tra-
vaillé –, ils se rendent bien compte quand il y a quelqu’un qui arrive à faire passer
quelque chose.
Pour moi, le premier qui juge mon travail, ce sont les élèves qui sont là en
face de moi. Il n’y a pas d’évaluation chiffrée pour moi, il y a une forme de juge-
ment et pour moi elle est très, très, très importante et régulièrement je leur
demande d’évaluer le travail que l’on a fait ensemble et en général ils se prêtent
bien au jeu.
À s’en tenir aux discours des enseignants, le jugement des élèves est
donc une référence légitime qui sert d’outil de pilotage de leur activité
et d’étalon de leur efficacité, voire d’élément de formation. Cependant,
les élèves ne sont pas tenus pour des juges compétents de leur profes-
sionnalisme. Cela explique l’apparente contradiction entre, d’une part,
la valorisation des élèves comme évaluateurs reconnus de leur activité,
et, d’autre part, le refus d’une institutionnalisation quelconque d’une
évaluation des professeurs par les élèves.
Les parents sont présentés de façon assez homogène par les ensei-
gnants pour ce qui est des jugements sur leur travail. Ils se référeraient
surtout à leur propre système normatif, à leur projet éducatif, et à leur
représentation du rôle de l’enseignant. Une méfiance à leur égard est
perceptible dans les entretiens, entre déni de leur droit à juger et vision
un peu caricaturale de leurs attentes. Ces deux extraits d’entretiens
l’illustrent :
Un bon prof c’est... Je parle des parents : pour certains parents vous êtes un bon
prof si vous savez tenir les gamins, leur donnez du travail régulièrement, parce
qu’on apprend bien et que vous avez une relation plutôt conviviale avec ces
jeunes. Avec ces trois points là, pour les parents, c’est bon.
C’est-à-dire qu’ils ne se rendent pas compte que notre métier a évolué, et
donc ils reportent tous les critères qui ont été les leurs quand ils ont été élèves, ils
les reportent sur nous et ils disent : ben vous travaillez pas comme ça, vous faites
pas, ils se permettent de nous dire comment on doit travailler heu... bon moi en
général je réponds vous êtes ingénieur moi je me permets pas d’aller vous dire ce
que vous devez faire [rires].
va se dire où l’on est arrivé dans la progression, voir comment on ferait quelque
chose, etc., quand il y a en une qui a trouvé une expérience sympa à faire, elle la
donne aux autres. C’est un échange d’informations. Il y a eu un travail qui s’est
fait aussi l’année dernière, d’autres collègues avec qui j’avais les troisièmes, on
avait travaillé sur la façon dont on voyait le cours, sur les problèmes qu’on avait en
classe ; bon, tout ça. On essaye vraiment...
C’est d’autant plus difficile que le jugement est fondé sur une
connaissance indirecte ; sur la famæ : ce qu’on apprend par la rumeur.
Les mots utilisés pour décrire l’origine de ces jugements sont « échos »,
« bruits de couloir », « impressions » ou quelque chose qui est à « devi-
ner ». Faute d’occasions et de dispositifs pour parler « boulot », le juge-
ment dérive volontiers sur la personne plutôt que sur ce qu’elle fait ; le
travail du collègue est le plus souvent invisible, d’où moult hésitations
pour en parler :
Le problème, c’est que, comme on ne les voit pas en situation, on a des... des
impressions sur ce qu’on voit dans des... ce qu’on voit là, ce qu’on voit en... salle
des profs heu que... ce que eux disent de leur travail... là ou à la cantine hein, ce
n’est que... ce qu’ils disent de leur travail, ce que d’autres... vont en dire, donc on
n’a pas...
on est très mal à l’aise, parce qu’aller dire au collègue qu’on attend quelque chose,
que cette chose n’est pas faite, aller lui dire qu’il y a un minimum quand
même [...]. Il y a une sorte d’évaluation.
Quand une critique est formulée, c’est sous couvert d’un collectif
et de critères partagés par le groupe comme dans ce cas :
J’en vois des collègues, là, qui vraiment [rires] quand on les voit arriver on fuit parce
que tous leurs sujets, c’est sans intérêt ou bien c’est pour heu... c’est toujours négatif,
ils ne s’intéressent à rien, les élèves ça les énerve, ils aiment pas leur boulot.
d’arrondir les angles, parce que du coup il n’y a pas de fight, donc c’est pas tendu,
donc c’est plus agréable. Cela dit, j’ai été observer un de ses cours, et elle a une
tolérance au bavardage que moi je ne peux pas avoir. On a nos exigences en fonc-
tion de notre personnalité. Ce qu’elle fait, je ne pourrais pas le supporter et elle,
elle trouve que je cherche trop la petite bête. En gros, il faudrait faire moitié-
moitié. Ça lui demanderait à elle d’être plus sévère qu’elle ne l’est intrinsèque-
ment et moi ça me demanderait de faire des efforts de personnalité.
vail sont utilisés. La peur d’être un jour celui qui, ayant « des pro-
blèmes », est jugé de façon sévère par ses collègues hante les professeurs
et ils font tout pour ne pas être repérés comme un professeur qui « a des
problèmes », ce qui les contraint à une intégration de la norme impli-
cite, à un quant-à-soi solide ou à un travail de construction de l’opi-
nion. Seule l’existence d’un collectif d’enseignants assez fort pour s’em-
parer des difficultés comme d’un problème professionnel et non pas
d’une défaillance personnelle permet de faire du débat sur le travail
entre pairs une source de régulation et de reconnaissance, plutôt que de
stigmatisation.
La difficulté à débattre pour s’accorder sur des règles du « bien tra-
vailler » entrave la possibilité d’un jugement des pairs sur le travail.
L’évaluation par la hiérarchie selon des critères d’utilité et de confor-
mité ne peut satisfaire la demande de reconnaissance du travail réel. La
confusion entre débattre des manières de faire entre pairs et juger de
façon normative repose sur la pratique sommative habituelle des ensei-
gnants à l’égard du travail des élèves : un élément du travail du profes-
seur, la notation, interfère avec la coopération entre collègues, la rend
compliquée. D’autant plus, étant donné l’absence de temps disponible
pour la réflexion collective sur le travail au profit d’une grande dépense
d’énergie pour résoudre des problèmes pragmatiques, parer au plus
pressé, passer d’une activité à l’autre. Situation qui va à l’encontre de la
construction de règles de travail, sources d’une reconnaissance du tra-
vail entre pairs et de définition de règles du métier pouvant être
défendues devant d’autres.
La diversification des conditions de travail des enseignants, en lien
avec la décentralisation notamment, et une aspiration à une plus grande
individualisation de la reconnaissance du travail génèrent de nouvelles
contradictions dans les attentes en matière d’évaluation du travail et des
difficultés pour orienter leur action quand ajuster celle-ci au contexte
local est contradictoire avec certaines normes institutionnelles. L’éva-
luation du travail enseignant est prise dans cette tension entre le parti-
cularisme de la situation de travail et les normes locales, d’un côté, l’u-
niversalisme affiché des standards de qualité, d’un autre côté.
La proclamation quasi unanime selon laquelle les élèves seraient les
mieux placés pour juger le travail des enseignants conduit à s’interroger
sur son sens. Du point de vue des enseignants, l’enrôlement des élèves
dans la cause de l’école est le critère principal de leur réussite et la pro-
messe de futurs résultats satisfaisants. Or qui mieux que les élèves pour-
rait dire si cet enrôlement est réussi ou pas, même s’ils ne sont pas en
Le bon travail et le beau travail 113
mesure de juger correctement de tous les aspects d’un travail qui se fait
aussi contre la résistance des élèves. La question de l’évaluation du tra-
vail enseignant pose donc celle de la conception du métier : mandat ou
service, carrière ou mission ? Tous ces éléments étant présents en
même temps, juger du travail est indécidable et renvoie, faute de col-
lectif, chacun à ses propres critères et à un idéal démenti par le pragma-
tisme réel. Mais l’écart entre l’idéal du travail, sa planification et les
ajustements en situation est interprété comme un signe de défaillance
personnelle. Seul juge de la qualité de son travail, l’enseignant porte
alors tout le poids de l’échec éventuel de son action. Le sentiment
d’impuissance, de dévalorisation personnelle, peut conduire à un
hyperengagement dans le travail, source d’épuisement, ou à un isole-
ment, un désengagement. La santé est alors mise à l’épreuve. Privés du
jugement d’autrui, reconnu valable sur leur travail, les enseignants se
trouvent seuls à arbitrer entre les multiples critères d’évaluation. L’ajus-
tement au réel et l’action qui transforme l’environnement pour pouvoir
travailler sont plus souvent estimés par eux comme un raté d’une pro-
grammation faite hors situation d’enseignement, comme le fait d’en
rabattre indûment sur les ambitions initiales. Les preuves d’un « bon
travail » sont alors ténues et se limitent souvent à la manifestation de la
satisfaction des élèves qui « n’ont pas vu passer l’heure » ou à
l’impression d’avoir fait « à peu près ce qu’ils avaient prévu ».
La place accordée à l’auto-évaluation du travail est renforcée par la
difficulté à penser le travail comme une action coordonnée avec ceux
qui ne sont pas présents dans la classe. Les enseignants partagent globa-
lement l’idée d’un travail qui dépendrait de leur seule action dans la
classe. Ce qui se passe en dehors de la classe est éventuellement vu
comme une perturbation, mais plus souvent ignoré : la vision domi-
nante d’un travail solitaire défini par la seule unité de lieu et de temps
du cours est contredite par les faits et l’extension des tâches. Il y a
comme une restriction du champ du travail susceptible d’être évalué,
contredite par l’amplification de l’activité réelle, non reconnue comme
du « vrai » travail par ceux-là mêmes qui l’effectuent. Situation para-
doxale et ambivalence entre demande de reconnaissance et déni d’as-
pects du travail moins « nobles » bien que parfois considérés, dans l’acti-
vité concrète, comme déterminants pour faire tenir les situations
d’enseignement (par exemple, le rôle de professeur principal d’une
classe ou des activités interdisciplinaires ou en dehors de la classe).
Ainsi, jour après jour, les enseignants ne cessent-ils de faire l’expérience
douloureuse de l’impossible maîtrise individuelle d’une activité dont ils
114 Les difficultés au cœur du travail des enseignants
D É P A S S E M E N T E T CO N T O U R N E M E N T
D E S DI F F I C U L T É S
Du fr équent « agréable »
a u r a r e « é t a t de g r â c e »
C’est aussi le métier que l’on aime : « Je l’aime bien, ce métier [rires].
Non, non, mais c’est vrai, j’aime bien le matin quand je viens ici », dit
l’un. Un degré au-dessus, les verbes « s’éclater » (dans le registre familier)
ou « se régaler » (métaphore gourmande) sont utilisés par d’autres : « Je
m’éclate en classe », « Je me plais beaucoup dans mon métier, je me
régale ». « Adorer » est banalisé dans les entretiens mais, même s’il a
perdu son sens religieux, il garde toute sa force d’évocation : depuis le
« J’adore mon métier » au « C’est un boulot que j’adore », en passant par
« J’adore travailler comme ça ». « Jubiler », dans le champ sémantique du
mysticisme, est rencontré aussi : « Le plus facile, c’est préparer des cours,
des séquences ; quand je fouille partout, je jubile, j’aime ça. »
Ainsi donc, malgré les garde-fous, le plaisir au travail s’exprime
mais de façon canalisée. La relativisation use de divers procédés parmi
lesquels métaphores, images ou autres comparaisons servent souvent de
paravent. On peut en dégager un florilège condensé autour de quel-
ques thèmes récurrents (la lumière, un monde féerique, etc.) :
Quand le contact passe bien, quand on sent qu’il y a des petites étoiles qui brillent
dans les yeux, que ce qu’on leur dit ça les intéresse vraiment, qu’on arrive à rire
ensemble, et on rit pas les uns des autres, on rit ensemble, et ça c’est très agréable.
C’est un peu oui de, qu’il y ait cette... étincelle, voilà.
Quand on arrive dans une classe et que l’on voit toutes les têtes qui nous
regardent et qui sourient. Ça, c’est déjà un vrai plaisir ! Il n’y a même pas à dire de
se taire, on démarre tout de suite avec ce qui était à faire pour le jour, c’est
magique.
D’autres images suggèrent l’énergie qui circule. Le cours « bouge
bien », « ça donne du punch », etc., dans différents entretiens :
C’est drôlement bien quand on sent qu’un cours tourne [...] que ça roule en
cours, alors ça c’est agréable.
Une classe qui bouge bien.
Ils sont en face de moi, je les vois en, en pleine santé, pleins d’énergie,
nature, enfin je sais pas, ils m’insufflent une énergie [...]. Ça me donne de
l’énergie, ça me donne du punch, j’aime bien.
Autour du thème du défi, le champ lexical du sport et de la compéti-
tion est également utilisé, et l’important, c’est la victoire :
Faire cours est un « défi » : tout début d’heure de cours est un défi et je prends
grand plaisir à ce défi.
J’ai beaucoup de plaisir à faire un cours, c’est pour moi un défi !
Je pense que, à partir du moment où je peux faire de la physique comme je
veux, je trouve que c’est gagné.
Si j’arrive à les maîtriser, c’est une victoire pour moi, quoi.
124 Dépassement et contournement des difficultés
Dans tous les cas, c’est la réussite de l’activité qui est source de plai-
sir. Plus surprenantes sont les évocations culinaires, du « dessert » à la
« tambouille » ; du raffiné au plus trivial, elles mettent en avant les
inventions professionnelles singulières et le caractère éphémère des réali-
sations associées au plaisir au travail : « Préparer les cours, j’adore, c’est
un loisir, un dessert », dit l’un ; « la mayonnaise monte », assure un autre
à propos d’un travail qui prend forme ; « j’étais content d’être là, et j’ai
commencé à faire ma tambouille », dit un troisième. Sans oublier la
métaphore maritime, décisive et réitérée : « Le côté très agréable aussi,
c’est d’être pratiquement le seul maître à bord. On a un programme mais
on le gère. » Le plaisir au travail, c’est d’abord l’autonomie.
La traque des occurrences, des formes rhétoriques, des outils lin-
guistiques mobilisés pour dire le bonheur lié au travail ne doit cepen-
dant pas faire illusion. Si le plaisir au travail est bien là, le plus remar-
quable dans son expression est sa modération et le fait qu’il faille le
dénicher dans des propos plus neutres, voire négatifs. Au final, c’est la
retenue qui l’emporte. Le recours à des figures de style privatives, ou
des modélisateurs de restriction (assez, presque, quand même, un peu)
est une façon de relativiser le plaisir, de le présenter comme fugace,
volatile, et surtout pas comme un état permanent ou une habitude :
« Pour l’instant, moi, je suis bien. » Cela rend compte du climat fluc-
tuant, de l’instabilité des relations et des situations comme l’exprime un
autre professeur : « Par rapport à deux ans, là, pour l’instant, je suis
contente, je viens ici maintenant presque avec bonheur parce que fina-
lement j’arrive à travailler avec les élèves. » Même les propos des plus
optimistes et des plus extravertis comme ce professeur de lycée profes-
sionnel qui dit être « vachement content d’être en LP » pour redonner
confiance aux « gamins bousillés par le système scolaire », et chez qui la
joie d’enseigner éclate de façon tonitruante jusque dans la salle des pro-
fesseurs ; le plaisir au travail est balisé, minimisé : tout n’est pas toujours
rose : « Moi, je prends plaisir à venir bosser, je viens vraiment de bonne
humeur en cours [...]. C’est donc plutôt agréable de venir en cours
même si tu sais qu’avec telle classe ça risque de péter. »
Ainsi, pour les enseignants rencontrés au cours de notre enquête,
dire le plaisir au travail n’est pas plus aisé que dire la souffrance, et
Le plaisir de penser et la capacité d’agir 125
L e p la is ir a u tr a v a il
e st da ns le s « toute s pe tite s c hose s »
Très présente en salle des professeurs, elle discute souvent avec d’autres
professeurs. De formation atypique, elle ne peut se défaire d’un doute
sur ses compétences et d’une appréhension de ne pas être à la hauteur
des prescriptions. Elle fait le récit détaillé d’une séquence difficile pour
elle, l’enseignement de la ponctuation qu’elle dit mal maîtriser et mal
savoir enseigner.
J’ai fait un travail sur la ponctuation. Et la ponctuation c’est très difficile à ensei-
gner parce qu’il faut que l’élève sente le besoin de couper, de segmenter sa phrase.
Et je ne sais pas comment le faire. Donc, un jour j’ai, ça m’est venu en plein
cours, comme ça, j’ai fait semblant, j’ai dit : « Voilà, je suis la secrétaire, il faut que
je prenne en notes ce qui est dit, il faut vraiment prendre en notes tout ce qui se
passe. » À partir d’un texte, une situation qu’ils avaient improvisée à l’oral, qu’on
avait écrite ensuite. J’avais écrit au kilomètre et phonétiquement. Alors j’ai dit :
« Et ben voilà ! », puis j’ai pris un air andouille, j’ai dit : « Voilà, on m’a engagée
parce que j’avais de jolies jambes, et puis je vais me faire engueuler, puis je vais me
faire virer », puis je me suis mise presque à pleurer. Et les élèves se sont tous mis :
« Alors voilà, tu vas faire ça », ils me tutoyaient à ce moment-là.
Et c’est là, un des élèves le plus en difficulté qui ne savait pas mettre les
points, qui, « Bon alors calme-toi, alors voilà, tu vas mettre un point là », alors je
faisais exprès de faire l’imbécile, je mettais des points partout, à tous les mots,
« Mais non, mais non » puis ils essayaient de me, de définir comme ça. C’était
vraiment... [...] Ce n’est pas en début d’année. Là, c’était le deuxième mois. Bon
je joue toujours un petit peu avec ça [...]. Moi je conçois que c’est du théâtre.
nelle avec les élèves, plus rarement avec les collègues, la préparation des
cours et la transmission des savoirs, le progrès des élèves, sont les princi-
paux motifs du plaisir des enseignants à faire leur travail, ce qui
explique la souffrance ressentie quand ces éléments clés du métier sont
atteints. À travers la description des « petites choses » sources de plaisir
au travail, ce qui en constitue le cœur apparaît : l’autonomie dans le
travail, la faculté de penser, le sentiment de maîtrise, la complicité et la
connivence avec les élèves, la preuve du travail bien fait et l’assurance
de son utilité pour les élèves, la collégialité qui inscrit dans une histoire
locale, dans celle du métier et évite la solitude. L’autonomie dans le tra-
vail – qui n’est pas à assimiler à une conception libérale du métier –,
particulièrement mise en avant, est source de plaisir, d’efficacité et de
reconnaissance sociale ; elle est, avec la responsabilité, au centre de la
construction identitaire des enseignants – elle construit leur grandeur
symbolique et leur plaisir réel.
Quand le plaisir au travail renvoie à une situation où l’enseignant
n’a pas l’impression de travailler, c’est que routines efficaces, ruses ingé-
nieuses et connivence avec les élèves donnent l’impression que « ça va
tout seul » et font oublier ce que le professeur a mis de lui pour arriver
à une telle situation, dans un cadre normatif qui est à la fois une con-
trainte et une ressource. En effet, les enseignants rapportent volontiers
leur réussite au hasard ou à un charisme chanceux. La ruse et la
prouesse face à l’épreuve, à l’origine d’un intense plaisir au travail,
révèlent le sentiment du travail bien fait malgré les obstacles rencontrés
(Lantheaume, 2007). Le plaisir au travail pour les enseignants, c’est
d’abord le plaisir d’avoir une pensée active, de surmonter les épreuves
rencontrées au quotidien et de bénéficier d’un meilleur développement
personnel. Il apparaît très indexé sur le jugement des élèves et leurs
progrès. Et, de façon beaucoup moins avouée mais tout aussi pré-
gnante, sur le jugement des collègues. La reconnaissance du travail,
source de plaisir, est recherchée du côté des élèves notamment du fait
de l’expérience d’une défaillance de la reconnaissance institutionnelle
et d’une impression de dévalorisation sociale. Aussi la recherche de
cette reconnaissance du côté des élèves ou... ailleurs constitue-t-elle
une des issues à la souffrance au travail.
7
Les issues face aux difficultés
Les issues sont les moyens imaginés et mobilisés par les enseignants
pour contourner, gérer, supporter ou supprimer les difficultés du travail.
Dans la perspective d’un acteur agissant dans un cadre de contraintes
mais doté d’une capacité de maîtrise relative sur la situation, s’intéresser à
ces issues, c’est décrire comment les enseignants s’y prennent pour ne
pas se confronter à la souffrance dans le travail. Ces issues gagnent à être
connues par l’institution pour ce qu’elles signifient du rapport au travail.
De fait, si les enseignants continuent d’enseigner, c’est que des procé-
dures rendent le travail possible. Trois sortes d’issues sont apparues. Cel-
les internes au métier, celles externes au métier bien que rejaillissant sur
celui-ci, ou enfin celles s’inscrivant dans les dispositifs institutionnels
existants. Les issues internes sont les plus usitées et sont partie prenante
de l’identité professionnelle. Les issues externes sont nombreuses mais
avec des degrés d’extériorité différents. Les dispositifs institutionnels
sont, eux, assez méconnus et ont mauvaise presse, ils ont été évoqués
dans le chapitre 2. La prise en charge des personnels « en difficulté »,
limitée aux cas estimés « graves » par les experts, fait que les dispositifs
sont interprétés comme des instances hiérarchiques dans lesquelles la
dimension d’accompagnement n’a pas une grande lisibilité. Pour les
enseignants, ils constituent davantage une réponse quasi disciplinaire de
la part de l’employeur. Les enseignants « en difficulté » étiquetés comme
tels par l’administration rectorale ont tous à voir avec la souffrance dans
l’exercice de leur métier, mais tous les enseignants ont à gérer la souf-
france ordinaire sans pour autant entrer dans la catégorie institutionnelle.
Et tous doivent trouver des issues aux situations sources de difficultés
professionnelles, voire à leur souffrance le plus souvent ordinaire.
136 Dépassement et contournement des difficultés
L e s issue s da ns le mé tie r
S’engager, se désengager
Une des solutions offertes par le métier est de s’y engager forte-
ment. Cela peut paraître paradoxal de dire que l’engagement est une
solution pour faire face aux souffrances du métier. Mais l’investissement
pédagogique, l’engagement dans la vie de l’établissement, dans celle de
la discipline, dans le syndicalisme sont autant de manières de suspendre
nombre de difficultés en élargissant les tâches afférentes au métier. Ce
trop-plein d’engagement peut être une réponse à la difficulté d’évaluer
son travail. Puisque le métier n’est tenu par aucune limite en dehors de
celles que chaque enseignant veut bien poser, travailler énormément et
s’engager totalement dans le travail est une manière de le légitimer.
L’engagement dénote alors une inquiétude créée par l’infinitude du
questionnement sur le « bon » travail. Un moyen pour tenter de clore
ce questionnement est de travailler le plus possible pour que l’ensei-
Les issues face aux difficultés 137
gnant et ses efforts ne soient pas mis en cause dans les défaillances
éventuelles.
Pour faire face, je travaille beaucoup, je me cache un peu derrière le travail en me
disant : moi j’ai fait ce que j’ai pu ! Et à partir de là je ne me reproche pas grand-
chose, enfin moins que si je ne faisais pas un maximum de travail où je me dirais :
je n’en fous pas lourd, c’est normal que ça m’arrive et je me dirais peut-être que je
suis mauvais, que je ne devrais pas faire ça... Non, je me réfugie derrière mon tra-
vail et je me dis : de toute façon, je fais mon boulot. Après...
où les équipes font preuve d’un sens collectif et d’une solidarité plus
forte, même si c’est sous l’emprise de la nécessité, ceux où les ensei-
gnants grandissent leur tâche d’une dimension d’utilité sociale du travail
scolaire qui fait parfois défaut ailleurs. Ils laissent d’ailleurs des traces
importantes dans les carrières et les trajectoires professionnelles. Des
enseignants d’un collège situé dans un réseau d’éducation prioritaire
évoquent ainsi tous les efforts et la créativité dont ils doivent faire
preuve dans l’acte d’apprentissage et dans la gestion des groupes.
Avoir chaque année un projet avec les élèves. Par exemple, réécrire « La chèvre
de M. Seguin » l’année du bicentenaire de la mort de Daudet pour réussir à inté-
grer cinq élèves avec des vécus abominables dans une classe. On a pris comme
héros de notre histoire un gamin comme eux, et ces cinq mômes qui étaient le
boulet de la classe sont devenus le moteur.
Les enseignants ne se voient pas faire leur carrière dans les établisse-
ments où les conditions d’exercice sont les plus difficiles : la mutation
est l’horizon qui permet de tenir. La période en établissement « diffi-
cile » est vécue comme un sacrifice, un prix à payer pour pouvoir aller
dans un établissement où l’enseignant espère pouvoir travailler sans
pour autant s’épuiser.
Il y a donc un modèle de la fuite dans ces changements. Fuite
externe quand l’enseignant quitte un établissement pour aller dans un
autre, plus favorisé ou d’un niveau d’enseignement plus élevé. Fuite
interne quand il négocie les meilleures classes et enseignements dans
son établissement. Les modèles de l’engagement et du désengagement
sont en fait souvent successivement expérimentés et complémentaires.
Cela illustre et dépasse les formes de l’action face à un mécontente-
ment, proposée par Albert Hirschman : exit, voice et loyalty. Exit, c’est
emprunter une solution de sortie de l’action, qui peut consister pour
des enseignants en un exit interne, changer d’établissement ou de fonc-
tion, ou un exit externe, changer de métier. Loyalty, c’est l’engagement
dans l’action et le loyalisme au sens où la personne cherche à atteindre
les objectifs quel que soit le contexte. Le modèle en est le militant
pédagogique qui met tout son investissement personnel dans la ques-
tion éducative ou dans la réussite aux examens. Voice, c’est quand les
acteurs expriment leurs désaccords sur la situation avec l’espoir de la
changer. Le milieu enseignant est connu pour avoir une forte capacité
de voice grâce à ses organisations syndicales et ses fréquentes mobilisa-
tions. Mais la voice n’est pas un modèle d’action alternatif, puisque cha-
cun doit de toute façon produire une pratique de classe. Enfin, une
posture souvent moins visible, moins légitime mais d’autant plus pré-
gnante dans la pratique du métier est la quatrième option entrevue par
Hirschman, l’apathie (apathy), mais tournée ici positivement, comme
une forme d’adaptation (Bajoit, 1988). En effet, une des issues princi-
142 Dépassement et contournement des difficultés
R e l a t i v i s a t i o n pé d a g o g i q u e e t / o u so c i a l e
sont sensibles à cela. Avant, ça m’arrivait de m’emporter, parce que j’étais tenue
en échec. Quand un élève était indiscipliné, je le mettais sous ma responsabilité,
j’avais échoué, alors qu’on n’est pas des dieux. Avant, j’étais trop ambitieuse sur
les contenus. L’expérience permet de mettre des limites, d’apprendre l’humilité,
de faire abstraction de son savoir.
En par l er et t ravai l l er en éq u i p e
Je pense que j’étais tellement, ah j’ai eu besoin d’en parler quand même aux collè-
gues, je sais plus trop à quelle heure, donc le gamin je sais plus maintenant si je l’ai
pris l’heure d’après ou deux heures après, mais en tout cas, très peu de temps après.
Donc vous avez rencontré des collègues ?
Et puis je crois, ça s’est passé en salle des profs en disant : « Ah tu sais pas ce
qui m’est arrivé avec lui ? » ; donc tout le monde s’en plaignait, c’était pas propre
à moi.
Mais c’est sous l’emprise de la nécessité d’une situation douloureuse
que s’ouvre le débat. En dehors de ça, c’est une gestion individuelle,
même si le « secret » pratiqué par les enseignants in fine ne les protège
pas. Au contraire, la publicité faite autour d’une situation ouvre la possi-
bilité d’une mutualisation de la responsabilité comme l’a montré Everett
C. Hughes dans le cas des infirmières. Le fait de rendre public un litige
fonctionne comme une assurance professionnelle : le litige, mutualisé,
devient un litige collectif protecteur pour la personne. Rendre public,
c’est « se débarrasser » d’un problème et le transmettre à d’autres, une
collectivisation par une sortie du particulier et une montée en généralité.
En son absence, le problème reste local et individuel, la responsabilité
aussi. L’information publique protège la personne de l’enseignant. Mais
alors, pourquoi cette pratique ne se généralise-t-elle pas ? C’est qu’elle
suppose de pouvoir se présenter en quasi-victime ou, en tout cas, légi-
time à se plaindre d’une situation. La publicité dépend donc de la nature
du problème rencontré et de la position de l’enseignant. Ainsi, plus le
doute sur ce qu’il est bon de faire dans la pratique professionnelle est
important, plus la légitimité de l’action est difficile à établir, moins la
publicité sera recherchée. La crainte que les pairs ne soient pas solidaires
rend difficile la publicité, alors que, si elle est assurée ou que la confiance
dans sa propre légitimité professionnelle est forte, la publicité des diffi-
cultés peut se faire. Ce processus éclaire le silence d’enseignants qui ren-
contrent des difficultés.
Parmi les établissements étudiés, il en est où peu d’informations
circulent, et d’autres, très ouverts, où « tout se dit » sur les problèmes
professionnels. Mais les fonctionnements solidaires ne signifient pas
pour autant une réalité de travail d’équipe, c’est davantage un système
de protection de soi. Il peut y avoir loin de la parole publique à la mise
en place d’opérations collectives de confrontations, de décisions, d’ac-
tions, de régulations qui caractérisent ce qui pourrait être appelé une
équipe. Cet enseignant de collège en témoigne :
Enfin tout le monde avait des problèmes avec ces deux classes. Et ça a duré jusqu’à
l’année dernière pour les 4e qui sont arrivés l’année dernière en 3e. [...] C’est vrai
qu’on en discutait avec les collègues puisque tout le monde était dans le même
152 Dépassement et contournement des difficultés
cas. [...] Mais j’aurais voulu le savoir avant. Enfin, le savoir au bout de quelques
mois, ça m’aurait aidée en me disant : « Non c’est pas toi qui est nulle, c’est quand
même que c’est difficile. »
S ortir du mé tie r
Pour gérer les tensions du métier, ses frustrations et ses souffrances,
une autre issue consiste à se décentrer par rapport au métier, ce qui est
une forme de relativisation, par des activités extraprofessionnelles plus
ou moins importantes. Peuvent être distinguées des activités extérieures
à l’Éducation nationale, soit en continuité avec le métier ou sans lien,
et des activités extérieures à l’enseignement mais dans l’Éducation
nationale. L’issue ultime étant le changement de métier et la sortie de
l’Éducation nationale.
154 Dépassement et contournement des difficultés
L’investissement extérieur
Moi j’ai toujours voulu avoir une activité pour sortir un peu de cette bulle, donc
j’ai enseigné en prison, c’est certainement les cours les plus difficiles que j’ai
faits [...] j’enseignais tout le samedi matin en prison, j’arrivais le samedi matin, je
ne savais pas ce que j’allais faire, c’est vrai que j’étais préparé à ça [...]. C’était
quand même une expérience de se dire, d’un seul coup : mais qu’est-ce que c’est
d’enseigner, à partir de mes connaissances du français, la littérature en prison ?
Changer de métier
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