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À l’abri du danger
de plaidoyer
FICR Consommateurs de drogues injectables
et réduction des risques
Décembre 2010
www.ifrc.org
Sauver des vies, changer les mentalités.
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
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FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Appel à l’action
La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge plaide
la cause des personnes souffrant le plus de l’exclusion dans un groupe déjà marginalisé :
les consommateurs de drogues injectables infectés, ou risquant d’être infectés, par le VIH.
Dans ce rapport, elle encourage les décideurs, les gouvernements et les donateurs à oublier
leurs préjugés pour collaborer avec les parties prenantes, les organisations multilatérales, la
société civile et les personnes vivant avec le VIH afin de fournir prévention, traitement, soins
et soutien aux consommateurs de drogues injectables et à leur famille.
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FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Introduction
P
rès de trente ans ont passé depuis que des scientifiques
de l’Institut Pasteur ont découvert que le VIH était Dans la partie 1, nous montrons l’ampleur du
l’agent responsable d’une mystérieuse pandémie qui problème dans une analyse brève de la situation.
a, depuis, pris la vie de millions de personnes dans le monde.
Dans la partie 2, nous décrivons nos messages de
Aujourd’hui, grâce en grande partie à l’apparition des antiré-
sensibilisation relatifs aux conditions inhumaines où
troviraux combinés à un traitement plus précoce, le VIH et le
se trouvent trop souvent piégés les consommateurs
sida ne sont plus une condamnation à mort, mais une maladie
de drogues injectables et leur famille – maladies
chronique qui peut être traitée.
graves, opprobre et solitude.
Néanmoins, alors même que la science montre comment le
VIH peut être contenu – voire éliminé3 –, les gouvernements Dans la partie 3, nous résumons l’intervention de la
et les donateurs continuent de traîner les pieds. Chaque jour, Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en matière de
quelque 7 400 personnes sont infectées, les épidémiologistes es- réduction des risques, qui est fondée sur les lignes
timant le taux actuel d’infection à 33,4 millions dans le monde, directrices de 2003 : « Diffuser la lumière de la
avec un taux de mortalité annuel de 2 millions.4 science ».6
L’opprobre continue aussi de faire des victimes – et elle n’est
Dans la partie 4, nous étudions comment toutes
nulle part plus manifeste que dans le cas des consommateurs de
les parties prenantes peuvent travailler ensemble
drogues injectables. Aujourd’hui, le VIH reste concentré dans
pour ajuster les politiques, mettre en place des
les neuf pays ayant la prévalence la plus élevée en Afrique subsa-
programmes et réduire les risques parmi certaines
harienne, où le mode de transmission reste principalement hé-
des populations les plus dénuées de droits et
térosexuel. Ailleurs, cependant, les statistiques laissent entrevoir
défavorisées du monde.
un paysage plus sombre.
Le Groupe de référence des Nations Unies sur le VIH et la
consommation de drogues injectables estime que 15,9 millions
de personnes dans 148 pays utilisent régulièrement des drogues
Qui sont exactement les consomma-
injectables. Ces « consommateurs de drogues injectables » sont teurs de drogues injectables ? Alors que
particulièrement vulnérables au VIH et à l’hépatite B et C en les consommateurs de drogues viennent
raison de comportements à risque, comme le partage de serin- d’horizons, de nationalités et de couches
gues et d’aiguilles, les rapports sexuels non protégés et un com- socio-économiques extrêmement variés,
portement généralement peu favorable à la santé. Il est estimé la plupart des consommateurs de drogues
que trois millions de consommateurs de drogues injectables injectables sont de jeunes hommes sexuel-
dans le monde vivent aujourd’hui avec le VIH5 (voir partie 1 : lement actifs. Nombre d’entre eux seront
ampleur de l’épidémie). infectés par le VIH et le transmettront, non
En plus des dégâts que provoque ce comportement chez le seulement en partageant leur matériel d’in-
toxicomane et ses proches, l’injection de drogues constitue une
jection, mais aussi en ayant des rapports
sérieuse menace pour la santé publique, qui ne peut être éliminée
sexuels avec des partenaires réguliers ou
que par la mise en œuvre rationnelle d’activités de santé publique
non moralisatrices qui mettent l’accent sur des programmes de
occasionnels. La consommation de drogues
réduction des risques plutôt que sur les sanctions et la censure. injectables est aussi liée au commerce du
Dans ce rapport, nous nous concentrons principalement sur sexe, car il est fréquent que les consomma-
l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, car c’est là que l’épidémie de teurs achètent des services sexuels, ou en
VIH liée à l’usage de drogues par injection s’aggrave et que les vendent pour financer leur dépendance à la
politiques continuent de criminaliser et de stigmatiser les utilisa- drogue.
teurs, ce qui compromet les tentatives de lutter contre l’épidémie
par le biais d’activités de santé publique solides, fondées sur des
faits et efficaces. 3. Granich, R. M., et al., « Universal Voluntary HIV testing with immediate
antiretroviral therapy as a strategy for the elimination of HIV transmission: a
Tout au long du document, nous illustrons les interventions mathematical model », The Lancet, 26 novembre 2008.
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge par des études de 4. Le point sur l’ épidémie de sida 2009, ONUSIDA, http://www.unaids.org/fr/
cas provenant des pays ayant la plus forte prévalence de VIH/ KnowledgeCentre/HIVData/EpiUpdate/EpiUpdArchive/2009/default.asp.
5. Beyrer, C., et al., 2010.
consommation de drogues injectables au monde. Elles figurent 6. http://www.ifrc.org/fr/cgi/pdf_pubs.pl?health/hivaids/harmreduction_fr.pdf
au début de chaque chapitre.
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partie 1
L’Ampleur
de l’épidémie
RCSC
RCSC
UNAIDS
La province du Yunnan est blottie gression du VIH et d’autres infections transmissibles
contre la frontière sud-ouest de la sexuellement et par le sang.
Chine, lovée contre le Viet Nam,
Étude En quatre ans, HomeAIDS a déjà créé deux centres et
le Laos et le Myanmar, et liée à
de cas la Thaïlande et au Cambodge par
11 sections bénévoles, et a mobilisé et déployé plus
de 800 volontaires. L’organisation mène des activités
le Mékong (aussi appelé la rivière
de sensibilisation, soutient les communautés, offre
Lancang en Chine).
des formations, plaide pour des changements de po-
En raison de sa proximité avec le « Triangle d’or », la po- litiques et élabore un modèle efficace et durable de
pulation du Yunnan est « inondée » d’héroïne et d’autres prévention, de traitement, de soins et de soutien en
drogues illégales. Le premier cas d’infection par le VIH matière de VIH.
a été signalé parmi les consommateurs de drogues in-
Un élément clé est la fourniture d’un « lieu sûr » pour les
jectables vivant le long de la frontière en 1989.
consommateurs de drogues injectables vivant avec le
Fin 2005, les autorités avaient signalé 40 157 citoyens vi- VIH. Pour ce faire, HomeAIDS insiste particulièrement
vant avec le VIH, tandis que 1 541 étaient déjà décédés. sur l’éducation par les pairs, qui aide les consomma-
Les experts estiment que le nombre réel de personnes teurs de drogues injectables, les travailleurs du sexe et
vivant avec le VIH est déjà supérieur à 80 000. Les 16 d’autres groupes exposés à se protéger.
régions de la province sont touchées, trois d’entre elles
En plus d’orienter les patients vers des traitements et
ayant atteint le stade de « prévalence élevée ».
des soins, HomeAIDS offre aux participants une vaste
Au Yunnan, la Croix-Rouge chinoise s’appuie sur des gamme de cours et de formations professionnelles qui
volontaires pour desservir les communautés et les fa- comprennent l’éducation par les pairs, les premiers
milles. HomeAIDS, un centre de services de soutien secours élémentaires, l’informatique, l’électronique, le
psychologique, joue un rôle clé dans la prévention de tricot et la cosmétologie.
la transmission du VIH. Le centre, effort conjoint de la
section de la Croix-Rouge au Yunnan et de l’Armée du
— Zahng Ran, Croix-Rouge chinoise :
Salut de Hong Kong et de Macao, travaille avec des spé-
Projet de réduction des risques
cialistes du VIH et du sida, des collaborateurs d’autres
ONG, du personnel médical, des officiers de police, de
jeunes volontaires, des journalistes, des chauffeurs de
taxi et des employés d’hôtel.
Le but est de fournir des services de réduction des
risques qui sauvent des vies et ralentissent la pro-
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FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
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Europe de l’Est
3,476,500 CDI
Europe occidentale
1,044,000 CDI Asie centrale
Canada et États-Unis
247,500 CDI Asie du Sud-Est et de l’Est
2,270,500 CDI
3,957,500 CDI
Asie
Caraïbes Moyen-Orient et Afrique du Nord
du Sud
186,000 CDI 185,500 CDI
569,500 CDI
Afrique
subsaharienne
1,778,500 CDI
Amérique latine
2,018,000 CDI
Prévalence du VIH
chez les usagers de
drogues par injection
Océanie
<5% 193,000 CDI
5% to <10%
10% to <15%
15% to <20%
>20%
L
e Groupe de référence des Nations Unies sur le VIH et que les activités de santé publique sont efficaces et que la lutte
la consommation de drogues injectables estime que trois contre le VIH chez les toxicomanes est relativement facile à
millions de consommateurs de drogues injectables vi- mener et peu coûteuse.
vaient avec le VIH en 2007. Bien que certains pays aient réussi Toutefois, il semblerait que les succès rencontrés par ces pays
à juguler la propagation du VIH parmi les consommateurs de ne suffisent pas à vaincre l’opprobre et les mauvaises politiques.
drogues injectables en déployant l’ensemble des interventions En 2010, des centaines de milliers de consommateurs de dro-
de réduction des risques recommandées conjointement par gues injectables et leurs partenaires intimes – en particulier en
l’OMS, l’ONUSIDA et l’Office des Nations Unies contre la Europe de l’Est, en Asie de l’Est, du Sud-Est et centrale, et dans
drogue et le crime (UNODC), nombreux sont ceux pour qui le cône sud de l’Amérique du Sud – continuent d’être infectés.
ce n’est pas le cas. Cinq pays en particulier (la Chine, la Malaisie, la Russie,
Il s’agit là d’une préoccupation majeure, d’autant plus que l’Ukraine et le Viet Nam) sont qualifiés de « méga-épidémies » en
des preuves montrent que, quand les consommateurs de dro- raison du nombre de consommateurs de drogues injectables qu’ils
gues injectables bénéficient d’un bon accès à ces services, l’inci- comptent. Ensemble, ces pays représentent environ 2 à 4 millions
dence du VIH reste stable et faible pendant des années, voire des de cas de VIH et la principale concentration de consommateurs
décennies (Allemagne, Australie, Brésil, France, Hong Kong, de drogues injectables vivant avec le VIH au monde.8
Royaume-Uni et plusieurs villes américaines). En Europe de l’Est et en Asie centrale, la situation est par-
À quelques rares exceptions près, les études montrent aussi ticulièrement préoccupante. Les consommateurs de drogues
invariablement que les programmes d’échange d’aiguilles et injectables représentent plus de 60 % de tous les cas de VIH au
de seringues entraînent une diminution marquée de la trans- Bélarus, en Géorgie, en Iran, au Kazakhstan, au Kirghizistan,
mission du VIH – pouvant atteindre 33 à 42 % dans certains en Moldavie, en Ouzbékistan, en Russie, au Tadjikistan et en
contextes7. En effet, ces expériences révèlent systématiquement Ukraine.9
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En Afrique subsaharienne, de nouvelles épidémies commen- auparavant peu touchées au Moyen-Orient et en Afrique du
cent à apparaître parmi les consommateurs de drogues injec- Nord, comme cela s’est produit en Chine occidentale, en
tables. Quelque 221 000 consommateurs de drogues injectables Indonésie, en Iran et en Malaisie.13
sont aujourd’hui séropositifs. Selon certaines enquêtes, on es-
time que la prévalence du VIH parmi les consommateurs de
drogues injectables dans d’autres pays africains va de 12,4 %
en Afrique du Sud à 42,9 % au Kenya.10 Dans ce dernier pays,
la transmission liée à la consommation de drogues injectables
représenterait 3,8 % des nouveaux cas de VIH en 2006.11 Au 7. Guide technique OMS, UNODC, ONUSIDA (2009).
8. Wolfe et al., 2010.
Ghana, des chercheurs estiment qu’en 2008, le taux annuel de 9. Beyrer, C., et al. 2010.
séropositivité chez les consommateurs de drogues injectables 10. Mathers, et al., « Global epidemiology of injecting drug use and HIV among
people who inject drugs: a systematic review », The Lancet, 2008, 372:
s’élevait à 4 %.12 En 2007, 10 % des consommateurs de drogues 1733-1745.
injectables interrogés dans la région de Kano, au Nigéria, étaient 11. ONUSIDA, 2010.
12. Bosu, et al., 2009.
séropositifs (ministère fédéral de la Santé, 2007). 13. Strathdee, S.A., Hallett, T.B., Bobrova, N., et al., « HIV and risk
De plus, les chercheurs prédisent que la consommation de environment for injecting drug users: the past, present, and future »,
drogues injectables sera probablement la cause de plusieurs The Lancet, 201010.1016/S0140-6736(10)60743-X, publié en ligne
le 20 juillet sur PubMed.
épidémies émergentes dans des communautés musulmanes
Pakistan – les
consommateurs de
drogues injectables
courent un risque accru
d’être infectés par le VIH
et de mourir. ONUSIDA,
Pierre Virot, 2010.
7
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14. Wechsberg, W.M., et al., « Substance use and sexual risk within the context of 15. El Bassel, N., et al., « HIV and intimate partner violence among methadone-
gender equality in South Africa », Subst use misuse 2008, 4: 1186-1201. maintained women in New York City », Soc Sci Med, 2005, 61: 171-183.
CrossRef PubMed Cross Ref PubMed
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Prisonniers toxicodépendants
Dans de nombreux pays, une proportion outre plus susceptibles de partager leur
considérable de prisonniers sont toxi- matériel qu’à l’extérieur 17. Les rapports
codépendants : le taux d’incarcération sexuels sans protection – notamment les
atteindrait 56 à 90 %. Étant donné les violences sexuelles – peuvent entraîner la
mesures répressives qui les menacent, il transmission du VIH et d’autres IST.18 19
n’est pas étonnant que les consommateurs Bien que les programmes d’échange
de drogues injectables dépendants évitent d’aiguilles et de seringues et les traite-
Dans certains pays, 40 % des consommateurs de drogues
les autorités de santé publique, ce qui a, ments de substitution puissent provoquer injectables vivent avec le VIH. Timo Luege, Fédération
internationale.
inutile de le préciser, des conséquences une baisse des comportements suscep-
graves pour eux- tibles d’entraîner
Les centres de détention ont des 17. OMS, UNODC, ONUSIDA, Interventions to
mêmes et pour le le V IH, seuls address HIV in prisons: drug dependence
résultats médiocres en matière de
public dans son en- quelques prison- treatments, Evidence for Action Technical Papers,
prévention de la toxicomanie et de Genève, OMS, UNODC, ONUSIDA, 2007.
semble. niers y ont accès. 18. Taylor, A., Goldberg, D., Emslie, J., et al.,
réduction des risques.
Les personnes O n le u r r e f u s e « Outbreak of HIV infection in a Scottish
qui consommaient des drogues avant aussi souvent les cures de désintoxica- prison », BMJ, 1995, 310: 289-292, PubMed.
19. Hughes, R., Huby, M., « Life in prison:
d’être emprisonnées continueront de le tion et les informations sur la prévention perspectives of drug injectors », Deviant Behav,
faire en prison. Elles ne peuvent tout sim- du VIH, et ce, bien que des recherches 2000, 21: 451-479, PubMed.
20. Sarang, A., Rhodes, T., Platt, L., « Access to
plement pas arrêter du jour au lendemain. entreprises en Russie et en Chine mon- syringes in three Russian cities: implications for
D’autres y consommeront des drogues trent très clairement que la rareté des syringe distribution and coverage », Int J Drug
Policy, 2008, 19 (suppl. 1), S25-S36, PubMed.
pour la première fois – généralement pour services de prévention dans les prisons 21. Cohen, J.E., Amon, J.J., « Health and human
supporter le surpeuplement, l’ennui et la augmente le risque que les prisonniers sé- rights concerns of drug users in detention in
Guangxi Province, China », PLoS Med, 2008,
violence. Les prisonniers qui consom- ropositifs transmettent le virus après leur 5: e234, CrossRef | PubMed.
ment des drogues injectables seront en libération.20 21
9
partie
2
L’Appel à l’action
J L martinage / I F R C
J L martinage / I F R C
J L martinage / I F R C
Nikolay et Irina dépensent tout destruction, puis ressortent, retournent dans les allées
leur argent en semechki, une et les tours d’habitation où leurs compagnons d’infor-
pâte artisanale de graines de pa- tune les attendent.
Étude
vot, la drogue préférée dans la
de cas morne ville de Slutsk (70 000 ha-
« Aucune des personnes avec lesquelles je travaille
n’utilise de seringues sales maintenant, alors que nous
bitants, rasée durant la Seconde
le faisions tous auparavant, dit Nikolay. Nous savons
Guerre mondiale), à deux heures
ce que peut faire le sida et nous ne voulons pas l’attra-
de voiture de la capitale du Bé-
per. » En plus de gérer l’échange d’aiguilles, le couple
larus, Minsk. Leur famille les a jetés dehors depuis
distribue des aiguilles, des compresses, des préserva-
longtemps. Ils travaillent, ils vivent, ils consomment.
tifs, des vitamines, et des barres chocolatées fortifiées
Ils passent leurs heures de lucidité à souhaiter n’avoir
spéciales qui aident à nourrir ceux qui sont trop ma-
jamais commencé, jusqu’à ce que les rats commen-
lades, trop pauvres ou trop dépendants pour s’alimen-
cent à gratter dans leur cerveau et qu’ils ne puissent
ter eux-mêmes correctement.
penser qu’à une seule chose : leur prochaine « dose »,
leur prochain « shoot ». La libération est immédiate : Nikolay et Irina connaissent les rues, les consomma-
la béatitude, l’amour… jusqu’à ce que cette sensation teurs et les risques. Ils suscitent une confiance qu’au-
disparaisse progressivement et que le cycle « haine- cun agent de police, partenaire, parent ou chef reli-
besoin-amour » recommence. gieux ne pourra jamais inspirer. C’est pourquoi ils se
rendent dans les écoles et expliquent aux enfants ce
Pour l’observateur distrait, Nikolay et Irina ne sont
que c’est que d’être toxicomane : combien cette vie
qu’un autre couple de toxicomanes, des déchets hu-
peut être dure, horrible et dangereuse. « Nous ne di-
mains flottant sur la mer post-soviétique du désespoir.
sons pas : ‘Dites non’, mais : ‘C’est comme ça. À vous
Mais ils ont un but. Nikolay et Irina sauvent des vies,
de choisir’. »
une aiguille après l’autre. Chaque jour, ils se rendent
dans un appartement miteux tapi à l’ombre de deux
cheminées massives dans la banlieue et commencent — Joe Lowry, Fédération internationale, Budapest.
leur travail. Bélarus : Projet de réduction des risques
de la Fédération internationale
Chacun a environ 40 clients, qui se font plusieurs in-
jections par jour. Nikolay et Irina leur apportent des
aiguilles propres et reprennent les aiguilles usagées
(qui portent des restes de stupéfiants, ce qui, sans un
accord spécial entre la Croix-Rouge et la police, pour-
rait les amener en prison), les emballent en vue de leur
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L
a tentative consistant à gérer le problème des toxico- à gérer la situation catastrophique des consommateurs de dro-
manes en niant leur existence, ou par la répression, la gues injectables en invoquant les sept Principes fondamentaux
négligence, le refus de financement, la détention ou le du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-
traitement forcé n’a pas réussi. Rouge. Trois d’entre eux – humanité, impartialité et neutralité
Malgré tout, de nombreux gouvernements continuent – sont particulièrement pertinents et doivent être appliqués à la
d’adopter des politiques qui favorisent la discrimination, le juge- prévention, au traitement, aux soins et au soutien des consom-
ment et la répression, et l’incarcération. Aujourd’hui, la Fédération mateurs de drogues injectables vivant avec le VIH.
internationale signale que les patients qui luttent avec la toxicodé- Néanmoins, bien que les recherches et les programmes en
pendance souffrent toujours de discrimination, que leurs droits matière de VIH se soient étendus, la crise financière provoque
sont restreints et que les interventions fondées sur des faits avérés une diminution des ressources, alors que le nombre de per-
sont soit limitées, soit purement et simplement refusées. sonnes ayant besoin d’un traitement augmente. Les participants
Un certain nombre de Sociétés nationales de la Croix-Rouge à la Conférence ont aussi relevé la nécessité d’accorder plus d’at-
et du Croissant-Rouge – bien qu’elles soient bien placées pour tention aux droits de l’homme et à l’expansion des programmes
la réduction des risques en général – sont encore réticentes ne fondés sur des faits (voir page 14 : Nos dépenses actuelles, les
serait-ce qu’à imaginer que les attitudes doivent changer, et plus coûts futurs).
encore à plaider activement la cause des consommateurs de dro- À cette fin, la Fédération internationale soutient activement les
gues et des droits de l’homme qui les protègent. programmes d’échange de seringues et d’aiguilles, les traitements
Mais il y a des progrès. Durant la XVIIIe Conférence inter- de substitution, la distribution de préservatifs et le soutien psycho-
nationale sur le sida à Vienne (18-23 juillet 2010), des dirigeants social. Ces efforts doivent être adaptés au contexte de chaque pays
politiques, de la société civile et du développement du monde afin de produire le plus grand impact possible à long terme.
entier, avec la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, ont renouvelé La Fédération internationale souligne aussi que des preuves
leurs engagements et ont plaidé en faveur d’un accès universel à scientifiques et un esprit humanitaire devraient guider la réponse
la prévention, aux soins, au traitement et au soutien en matière à la propagation du VIH. Les consommateurs de drogues injec-
de VIH – et notamment pour la réduction des risques. tables, qui font tous les jours face aux brimades, à l’opprobre, à
Les représentants de 36 Sociétés nationales de la Croix- la violence et à l’exclusion sociale, n’ont pas seulement besoin de
Rouge et du Croissant-Rouge et du Secrétariat de la Fédération soins, mais aussi de compassion. L’opprobre ne fait qu’accentuer
internationale ont reconnu que le VIH et le sida constituent tou- la marginalisation de personnes déjà vulnérables et entrave di-
jours l’une des plus grandes crises de santé publique affectant la rectement les efforts visant à freiner la propagation du VIH. La
vie de millions de personnes appauvries et marginalisées vivant réduction de la marginalisation entraîne aussi une diminution
dans des pays à faible et à moyen revenu. Ils se sont aussi engagés de la transmission du VIH et d’autres maladies infectieuses.
Disponibles
Disponibles
Non disponibles
Non disponibles
Source : Cook, C. (2010), « Global State of Harm Reduction
2010 at a glance » International Harm Reduction
Association, Londres, Grande-Bretagne. Pour plus
d’informations sur la situation de la réduction des risques
dans le monde, veuillez consulter www.ihra.net (en anglais)
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Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Réduction des risques :
nos dépenses actuelles, les coûts futurs
L’ONUSIDA estime qu’à 160 millions de dollars, une énorme différence entre les ressources dé-
les dépenses consacrées à la réduction des pensées et les ressources nécessaires.
risques en 2007 ne représentaient que 7 % des
Les dépenses actuelles en matière de réduction
2,13 milliards de dollars nécessaires pour la pré-
des risques sont en outre d’une faiblesse dispro-
vention du VIH chez les toxicomanes en 2009,
portionnée par rapport aux dépenses destinées
et seulement 5 % des 3,2 milliards de dollars
aux programmes généraux de lutte contre le VIH
requis en 2010. C’est-à-dire que les dépenses
et le sida, n’atteignant que 1,4 % du total (11,3
en matière de réduction des risques sont 14 à
milliards de dollars).31
20 fois supérieures aux fonds qui y sont alloués
actuellement.
Selon les calculs de l’ONUSIDA,30 cela ne repré-
sente que trois cents américains par jour et par
toxicomane. Les dépenses consacrées à la ré-
duction des risques liés au VIH devraient plutôt 30. ONUSIDA (2007), « Financial ressources », op. cit.
31. Stimson, G. V., et al., « Three cents a day is not enough, resourcing
atteindre en moyenne 170-256 dollars américains HIV-related harm reduction on a global basis », IHRA, 2010.
par toxicomane et par année. Par conséquent,
les dépenses actuelles ne représentent qu’une
infime partie des fonds requis. En fait, il existe
14
partie
3
LA RÉPONSE de la Croix-Rouge
et du Croissant-Rouge
V illa M araini
F ernando N u ñ o / I F R C
V illa M araini
« J’ai commencé à me droguer re- Par chance, quand j’ai débuté ce programme à la Villa
lativement jeune, à 14 ou 15 ans. Maraini (centre de désintoxication et de réduction des
Au début, je consommais des dro- risques de la Croix-Rouge italienne), ils envisageaient
Étude
gues légères comme le cannabis d’ouvrir un bureau pour lever des fonds auprès de
de cas et l’alcool, mais après quelques l’Union européenne, non seulement en Italie, mais aus-
années je suis passé à des dro- si ailleurs. J’ai un diplôme universitaire et je parle an-
gues dures comme l’héroïne. En- glais, alors ils m’ont proposé le poste. J’ai tout de suite
suite, pour avoir le même effet, j’ai accepté car il m’était plus facile de rester à l’intérieur
dû prendre des doses plus importantes… ce qui m’a que de sortir. Je fais un travail qui me plaît vraiment. Je
posé des problèmes d’argent, alors j’ai commencé à suis fier de ce que j’ai fait… J’ai une nouvelle relation
faire du trafic. avec mes parents, ce que je n’avais jamais eu.
Mais le petit monde que j’avais créé était complète- Je parle avec eux depuis plusieurs années maintenant.
ment artificiel, et il s’est juste effondré… J’ai fini en pri- Je veux dire, je leur parle vraiment. C’est paradoxal,
son, en manque d’héroïne. J’avais oublié ce que c’était mais sur le plan émotionnel, ma vie aujourd’hui… Je
car cela faisait des années que je n’avais plus été en me sens mieux, beaucoup plus positif qu’avant. Avant,
état de manque. Quand vous êtes toxicomane, vous j’avais besoin de prendre de l’héroïne pour être positif.
réussissez presque toujours à l’éviter. C’est alors que C’est impressionnant… et chaque jour – chaque jour je
j’ai entendu parler de la fondation Villa Maraini – un pro- me le dis. C’est tout. »
jet conjoint de la Croix-Rouge italienne.
J’avais entendu parler de la méthadone, mais je n’en
— Philippe Garcia, ancien toxicomane
avais jamais pris. Je leur ai parlé et ils m’ont invité. À
travaillant pour la Croix-Rouge italienne
ma sortie du tribunal, je suis allé directement à la Villa
à la Villa Maraini à Rome, Italie
Maraini. Il y a aussi des médecins et des psychologues
à qui on peut parler.
J’étais certain de ce que je voulais faire, et j’étais
convaincu que j’avais besoin d’aide, mais j’ai été vrai-
ment surpris par l’attitude accueillante des personnes
qui travaillaient là-bas, souriantes et faisant preuve
d’une grande humanité. Vous arrivez et, avant toute
chose, on vous demande si vous voulez du café ou à
manger. À partir de là, il m’a fallu une année et demie
pour réintégrer la société.
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Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
L
a réduction des risques adopte une position morale Pour de nombreux toxicomanes, la réduction des risques repré-
neutre vis-à-vis de la consommation de drogues, sans sente la seule occasion d’accéder à ces services vitaux et, souvent,
l’approuver, ni s’y opposer. Elle se concentre sur les effets leur seul contact avec le système de santé publique.
nocifs de l’injection de drogues, c’est-à-dire le VIH et l’hé- En 2002, le Conseil de direction de la Fédération inter-
patite B et C, et part du principe que certaines nationale a fait de la réduction des risques une
personnes continueront de consommer partie intégrante d’une politique et stratégie
des drogues injectables, malgré la ré- Comme l’indiquent les Lignes globale en matière de sida, centrée sur
pression du gouvernement. directrices de la Fédération les toxicomanes. Un élément essen-
La réduction des risques internationale « Diffuser la lumière tiel est la mise en œuvre d’un
tient aussi compte du fait de la science » (2003), ensemble d ’inter ventions
que de nombreux consom- l’intervention comprend : fondées sur des faits et prag-
les centres d’accueil
mateurs sont toxico- les programmes d’échanges matiques, qui contribuent
thérapeutiques
d’aiguilles et de seringues
dépendants et que la à la prévention, offrent
les salles d’injection
dépendance n’est rien les traitements de des traitements, encou-
d ’autre qu’une ma- substitution ragent l’intégration so-
la prévention, l’orientation vers le
ladie qui devrait être dépistage et le traitement de la ciale et fournissent une
tuberculose
prise en charge avec l’orientation vers le dépistage de assistance.
l’hépatite, le traitement (hépatite
huma nité et com- la fourniture de préservatifs Même si nombre
A, B et C) et la vaccination
gratuits et de bonne qualité
passion, comme une (hépatite A et B) de gouvernement s,
question de santé pu- la sensibilisation par le organisations et indi-
biais d’une information,
blique et non une ac- l’orientation vers les d’une éducation et d’une vidus voudraient une
traitements antirétroviraux communication ciblées
tivité criminelle. Ainsi, société absolument sans
si les consommateurs de drogues, le but des pro-
drogues injectables doivent grammes de réduction des
poursuivre leurs activités, on la prévention des les services de
risques est ailleurs. Les stra-
infections sexuellement
devrait leur offrir la possibilité transmissibles
conseils et dépistage tégies de réduction des risques
volontaires du VIH
de le faire d’une façon qui réduise font exactement cela : réduire les
les risques et soit la moins nocive pos- risques et ainsi atténuer les effets nocifs.
sible, pour eux-mêmes et les autres. La réduction de la demande est
Lorsqu’elle est correctement mise en œuvre, une stratégie distincte qui cherche à réduire la
la réduction des risques offre une gamme de services qui com- consommation de drogues. La réduction des risques reconnaît
prend aussi la désintoxication, la réhabilitation, le soutien psy- l’existence de la consommation de drogues sans l’approuver ni
chologique et l’accès à des services comme les soins de santé, le s’y opposer et cherche à réduire ses effets nocifs sur l’individu et,
logement, la formation professionnelle et d’autres aides sociales. par extension, la société dans son ensemble.
La hiérarchie des objectifs de la réduction
des risques est la suivante :
commencer une cure de désintoxication. Celles qui s’il n’est pas possible d’utiliser du matériel d’injection
offrent des traitements médicamenteux à long terme, stérile, nettoyer et réutiliser votre propre matériel ; ne
comme le traitement de substitution à la méthadone, pas le partager ;
sont plus efficaces ; en cas de partage, nettoyer le matériel d’injection entre
si la désintoxication n’est pas une option, passer de la chaque utilisation (à l’aide d’eau de javel par exemple).
consommation de drogues injectables à des drogues Ne pas partager les « réchauds », les conteneurs de
non injectables ; drogue ou les filtres utilisés pour l’injection, et ne pas
si l’injection continue, toujours utiliser du matériel d’in- utiliser, ni partager l’eau employée pour rincer le maté-
jection stérile et ne pas partager le matériel ou les solu- riel ou procéder à la préparation ;
tions de drogue ; éviter les rapports sexuels sans protection. Toujours
utiliser des préservatifs.
16
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Principes directeurs de
la contribution de la
Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge aux
activités de réduction des risques
(Diffuser la lumière de la science, Fédération internationale, 2003)
Le Mouvement international de la pour ce qui est des 50 millions de fique et au Moyen-Orient, mettent en
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge volontaires de la Croix-Rouge et du place des programmes de réduction
est la plus grande organisation hu- Croissant-Rouge. En 2009, la jeu- des risques adaptés à leur culture.
manitaire au monde. En 1919, la Fé- nesse de la Croix-Rouge et du Crois-
Les Lignes directrices de la Fédé-
dération internationale a été créée sant-Rouge a rédigé une déclaration
ration internationale, Diffuser la lu-
dans le but de prévenir et d’atténuer à Solferino, en Italie, dans laquelle
mière de la science, publiées en
les souffrances humaines sans por- elle s’est engagée à « promouvoir le
2003, présentent en détail la raison
ter de jugement – sans discrimina- ‘droit de savoir’ sur les dommages
d’être des programmes de réduc-
tion liée au lieu géographique, au liés à l’abus de substances, en ren-
tion des risques. Elles définissent
statut socio-économique, à l’origine forçant l’éducation par les pairs et la
des approches générales que les
ethnique ou au sexe. participation de la communauté » et à
Sociétés de la Croix-Rouge et du
« agir pour éliminer la stigmatisation
Conformément à son mandat et sur Croissant-Rouge peuvent adapter à
et la discrimination liées à la tuber-
la base de sa Stratégie 2020, Sau- la réalité de leur pays pour élaborer
culose, au VIH et à la toxicomanie ».
ver des vies et changer les mentali- et mettre en œuvre des programmes
tés, la Fédération soutient la cause La Déclaration d’engagement sur le de réduction des risques. Elles les
des consommateurs de drogues VIH/sida adoptée par la session ex- aident aussi à conduire des activités
injectables en améliorant l’accès traordinaire de l’Assemblée générale de sensibilisation relatives à la ré-
au traitement, en appelant les gou- des Nations Unies (UNGASS, 2001) duction des risques.
vernements à mettre en œuvre des a reconnu le travail de la Fédération
Plusieurs Sociétés nationales de la
mesures efficaces visant à réduire internationale dans son ensemble,
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
l’exposition au VIH et au sida, et en notamment celui des Sociétés natio-
ont déjà lancé des stratégies de ré-
encourageant l’intégration sociale. nales de la Croix-Rouge et du Crois-
duction des risques en collaboration
sant-Rouge. Elle a aussi spécifique-
avec les gouvernements et d’autres
À cette fin, la Fédération s’attache à ment fait référence à la réduction
organisations multilatérales et non
respecter « [les] principes de la san- des risques, à la consommation de
gouvernementales. Dans plusieurs
té publique et [les] principes humani- drogues et à l’opprobre et à la dis-
pays (Australie, Bélarus, Croatie,
taires, promouvoir et, s’il y a lieu, fa- crimination.
Espagne, Italie, Kenya, Ouganda,
ciliter les stratégies de réduction des
En avril 2002, la Conférence eu- Portugal et Russie), les Sociétés na-
risques face aux comportements et
ropéenne de la Croix-Rouge et du tionales mènent des programmes
aux pratiques traditionnelles particu-
Croissant-Rouge à Berlin a soutenu à relatifs à la consommation de dro-
lièrement dangereuses, et même, s’il
l’unanimité la mise en œuvre de stra- gues injectables, et la Croix-Rouge
le faut, plaider pour un changement
tégies de réduction des risques, en chinoise ainsi que la Croix-Rouge du
de législation ». Cet engagement est
tant que progrès majeur dans la lutte Viet Nam progressent bien. Beau-
cohérent avec l’objectif du Millénaire
contre la propagation rapide du VIH coup d’autres Sociétés nationales
pour le développement 6, à savoir
dans la région. Par ailleurs, le Plan ont recours aux réseaux actuels, qui
« d’ici à 2015, avoir enrayé la propa-
d’action de Manille, adopté lors de la peuvent être utilisés pour soutenir les
gation du VIH/sida et avoir commen-
Conférence de Manille en décembre consommateurs de drogues injec-
cé à inverser la tendance actuelle ».
2002, demande que toutes les So- tables et promouvoir l’acceptation,
Deux éléments clés sont l’éducation ciétés de la Croix-Rouge et du Crois- l’introduction et l’entretien de pro-
et la sensibilisation – en particulier sant-Rouge en Asie, dans le Paci- grammes de réduction des risques.
17
partie
4
Obstacles et perspectives
UNAIDS
UNAIDS
IFRC
Arrêt sur l’autoroute de l’héroïne roïne, il ne pouvait rien faire d’autre que de commencer à
(extraits) 32 utiliser des seringues propres.
Arkin a pour la première fois entendu parler de la Croix-
Étude Au cœur de la zone industrielle de
Rouge et de son programme de sensibilisation au VIH,
de cas la ville d’Urumqi, dans le nord-ouest
de nutrition et d’hygiène personnelle à la télévision. La
de la Chine, à côté de la mine de
Croix-Rouge a récemment conduit six ateliers sur l’hy-
charbon, de l’usine à papier et de
giène personnelle dans le voisinage et, dans le reste
l’usine chimique, vivent Arkin* et sa
d’Urumqi, plus de 380 personnes ont participé à 25 ate-
fille de six ans. Dans cette ville ani-
liers, conduits en majorité en langue ouïgoure.
mée de deux millions d’habitants, les apparences peuvent
être trompeuses : pour Arkin et ses semblables, il n’y a pas Le programme de la Croix-Rouge de lutte contre le VIH
de travail, pas même dans la mine de charbon, à quelques et le sida au Xinjiang a débuté ses visites à domicile en
rues de chez lui. Pour atténuer l’ennui et la pauvreté, Arkin 2001, avec des fonds et un soutien de la Croix-Rouge
a commencé à consommer de l’héroïne en 1993. australienne. Les projets de sensibilisation trouvent petit
à petit un public dans les communautés autour d’Urumqi,
L’héroïne se déverse dans la région autonome ouïgoure
mais Arkin et ses semblables craignent toujours de révé-
du Xinjiang en suivant l’autoroute de l’héroïne depuis
ler leur consommation de drogue et leur statut sérolo-
l’Afghanistan voisin et remonte depuis la province du
gique par peur de la discrimination.
Yunnan, près du célèbre Triangle d’or de l’Asie du Sud-
Est. Elle se vend bien parmi les Ouïgours – une minorité « Au début, tout le monde me fuyait. Même les enfants
musulmane représentant 8 des 20 millions de personnes ne voulaient plus jouer avec ma fille. Maintenant, tout le
vivant dans la région. Il est estimé que huit consomma- monde découvre ce qu’est le VIH, la prise de conscience
teurs de drogues injectables sur dix proviennent de ce se répand et chacun commence à comprendre », dit Arkin.
groupe ethnique. Un des 38 lieux d’échange de seringues à Urumqi a ou-
Il est facile de se procurer de l’héroïne, mais à environ vert au coin de la rue il y a une année, et le dispensaire
RMB 50 le « bolaq » (USD 7 la dose), ce n’est pas bon de méthadone a ouvert il y a six mois. Aujourd’hui, il y
marché, en particulier lorsqu’on a pour seule source de en a quatre. Arkin dit que la méthadone est un bon mé-
revenus une allocation du gouvernement de RMB 150. dicament. Il ne touche plus à la drogue, il mène une vie
Depuis le premier diagnostic en 1995, plus de 18 206 per- normale, et sa vision du monde a changé.
sonnes dans la région autonome ont été diagnostiquées Maintenant qu’il ne consomme plus d’héroïne, Arkin a
positives au VIH. Selon l’organe sanitaire du gouverne- moins de mal à trouver de l’argent pour acheter des ali-
ment, le Centre de prévention et de contrôle des mala- ments nutritifs et prendre soin de sa famille. « La décou-
dies (CDC), quelque 77 % d’entre elles sont des consom- verte de la Croix-Rouge était une bonne chose ; cela m’a
mateurs de drogues injectables. permis de rester en bonne santé, dit-il. La Croix-Rouge
La dépendance d’Arkin augmentant, il a commencé à m’a secouru, elle m’a sauvé, elle m’a appris à manger de
commettre des actes criminels et, en 14 ans, la drogue la nourriture saine et à me protéger. »
l’a pratiquement dévoré. Ses relations, sa confiance en — Région autonome ouïgoure du Xinjiang : Projet de
soi et sa santé se sont détériorées. Il a découvert qu’il réduction des risques de la Croix-Rouge chinoise
était séropositif en 2001, après un test sanguin gratuit au avec le soutien de la Croix-Rouge australienne.
CDC. Sous le choc, mais incapable d’abandonner l’hé- Par Kelly Chandler, Croix-Rouge australienne.
32. http://www.redcross.org.au/ourservices_aroundtheworld_developmentprograms_ntheastasia_china_HIV_feature1.htm
18
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
L
a lutte contre le VIH et le sida développement soit fixé à 2015, il est de
est une responsabilité conjointe plus en plus évident que l’objectif 6 – en-
que personne – aucun donateur, rayer la propagation du VIH/sida et avoir
aucun gouvernement, aucune institution commencé à inverser la tendance actuelle
multilatérale ni aucune ONG – ne peut as- – ne sera pas non plus atteint.
sumer seul. Les partenariats sont cruciaux, En 2009, 70 Sociétés nationales ont
tout comme l’innovation et l’imagination. réussi à mobiliser 36 millions de francs
Cependant, en raison de la crise financière suisses pour la mise en œuvre de pro-
mondiale, le climat des donateurs change grammes de lutte contre le VIH et le sida
rapidement et menace de faire avorter plus – soit 22 % de moins qu’en 2008. Cette
de deux décennies de progrès. diminution est probablement due à la
Selon un nouveau rapport de l’ONU- crise financière mondiale. L’ONUSIDA
SIDA, l’UNICEF et l’OMS (septembre estime qu’il manque 10 milliards de
2010), une pénurie mondiale de fonds dollars américains dans le monde pour
compromet fortement la concrétisa- financer l’intervention globale en ma-
tion de l’accès universel à la prévention, tière de VIH et de sida, ce qui nuit à la
au traitement et aux soins. Bien que le mise en œuvre de nombreux programmes
délai des objectifs du Millénaire pour le nationaux.
19
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
UNAIDS
Le chemin à suivre
P
our la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, l’accès uni- Comme nous l’avons relevé plus haut, d’un point de vue hu-
versel au traitement et le respect des droits de l’homme manitaire, les lois répressives qui prévoient l’emprisonnement
requièrent de faire tout ce qui est en son pouvoir pour et les brimades ne font qu’éloigner les toxicomanes des services
faire entendre la voix de ceux qui n’en ont pas – c’est-à-dire de santé et d’aide sociale. Ces lois constituent une violation des
donner aux consommateurs de drogues injectables vivant avec le principes humanitaires et de la législation des droits de l’homme
VIH, ou risquant d’être infectés, la possibilité de communiquer et, de plus, rendent pratiquement impossible la prévention du
leurs préoccupations avec les gouvernements et les donateurs, et VIH, le traitement, les soins et le soutien, et exposent la popula-
de participer à la prise de décisions et au débat politique. tion à un danger accru.
La Fédération internationale, en étroite collaboration avec Les changements de politiques et la réforme de la justice
des organisations de la société civile, des organisations inter- sont essentiels à la réduction des risques. La consommation de
nationales et des donateurs, s’engage à encourager les gouver- drogues injectables ne devrait pas être considérée comme un
nements à élaborer des politiques favorables et fondées sur des acte criminel mais comme une question majeure de santé pu-
faits, et à mettre en place des pratiques de réduction des risques blique. La Fédération internationale plaide en faveur de la dé-
conformes aux principes et aux lignes directrices humanitaires criminalisation des consommateurs de drogues et pour que ces
de santé publique et des droits de l’homme. derniers aient accès, à l’intérieur et à l’extérieur des centres de
La réduction des risques est pragmatique, d’un bon rap- détention, à des procédures juridiques équitables et aux services
port coût-efficacité et fondée sur des faits. de santé.
Dans une perspective de santé publique, elle garantit le bien- Enfin, la question de la réduction des risques n’a rien à voir
être des toxicomanes en leur permettant de réduire le mal qu’ils avec la violation de la loi ou la moralité. Il s’agit de respecter les
causent à eux-mêmes et aux autres en offrant une gamme de ser- droits de l’homme fondamentaux afin que nous puissions pro-
vices – par exemple, échange de seringues et d’aiguilles, substi- téger, traiter, soigner et soutenir nos frères et sœurs, nos mères,
tution aux opiacés, distribution de préservatifs, programmes de nos pères, nos fils et nos filles, nos amis et nos connaissances
nutrition et de formation professionnelle – visant à enrayer la vivant avec une dépendance à la drogue et avec le VIH. En éten-
propagation du VIH. Elle fournit en outre aux consommateurs dant notre aide et notre compassion à nos semblables les plus
le traitement nécessaire pour entretenir leur santé et réduire leur vulnérables et les plus marginalisés, nous aidons nos commu-
charge virale jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus transmettre le virus. nautés et nous nous aidons nous-mêmes.
20
annexes
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Performance des programmes de lutte contre le VIH des Sociétés nationales en 2008
Service fourni Afrique Moyen-Orient Asie Amériques Europe Pacifique Total mondial
31 SN 3 SN 14SN 10 SN 8 SN 4 SN 70 SN
Nombre de personnes 9 079 764 59 985 7 284 135 1 439 991 433 458 63 800 18 361 133
touchées par des messages
de prévention
Nombre de personnes 125 616 16 15 148 4090 2 822 8 147 700
vivant avec le VIH soutenues
Nombre d’orphelins 131 054 - 2 775 843 504 - 135 176
aidés
Population totale 9 336 434 60 001 7 302 058 1 444 924 436 784 63 808 18 644 009
touchée et desservie
Nombre de volontaires formés 17 479 213 95 882 3052 2 643 101 119 370
et affectés à ces activités
Heures bénévoles mobilisées 10 440 768 116 668 5 784 844 612 908 585 024 32 712 17 572 924
pour mener des activités
en une année
% du personnel des SN 23.5% 7% 9.2% - 12% -
participant à des programmes (pourcentage) (pourcentage) (pourcentage) (pourcentage)
sur le lieu de travail
Ressources mobilisées pour 26 308 581 665 366 4 597 144 2 057 944 2 086 575 402 366 36 117 976
des programmes de lutte
contre le VIH (CHF)
21
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Déclaration d’engagement
À la veille de la XVIIIe Conférence internationale sur le sida, nous, les représentants de 36 Sociétés nationales et
du Secrétariat de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, reconnais-
sons que l’épidémie de VIH reste l’un des plus grands problèmes de santé publique dans les pays à faible ou à
moyen revenu, touchant la vie de millions de personnes pauvres et marginalisées.
Durant deux jours de réunions à Vienne, les 17 et 18 juillet 2010, nous avons renforcé nos connaissances sur
l’ampleur de la consommation de drogues injectables dans le monde et son rôle dans la transmission du VIH,
ainsi que sur l’impact dévastateur de la tuberculose, principale cause de la mortalité accrue des personnes vivant
avec le VIH et le sida. Par ailleurs, nous avons trouvé utiles le partage d’expériences et les enseignements tirés de la
mise en œuvre de programmes globaux de lutte contre le VIH dans le cadre de l’Alliance mondiale contre le VIH
dans 56 pays du monde. Les conclusions de l’évaluation à mi-parcours des programmes globaux mis en œuvre ces
trois dernières années en Afrique australe nous aident à améliorer nos programmes et à accélérer les procédures
administratives, et nous permettent de faire mieux et d’accroître notre portée.
Nous sommes heureux que le VIH figure comme programme prioritaire dans la Stratégie 2020 de la
Fédération, et nous encourageons le Secrétariat de la Fédération à continuer de renforcer les efforts de lutte contre
le VIH et la tuberculose. De plus, le Secrétariat de la Fédération doit aider et encourager toutes les Sociétés na-
tionales à communiquer les résultats de leurs programmes aux bureaux de zone du Secrétariat conformément au
calendrier défini.
22
Réduction des risques dans le monde 2010
En bref
Comment lire le tableau Référence positive explicite à la réduction des risques dans des
politiques nationales : Pays et territoires faisant explicitement référence
à la réduction des risques dans des politiques nationales relatives à la
Ce tableau présente la liste des pays et des territoires du santé ou à la drogue.
monde qui contribuent, par leurs politiques ou par leurs Programmes opérationnels d’échange d’aiguilles et de seringues :
pratiques, à la réduction des risques. Veuillez noter que la Pays et territoires ayant au moins un site d’échange d’aiguilles et de
simple présence d’un pays dans cette liste ne fournit seringues opérationnel.
aucune indication sur la portée, la qualité ou la couverture Programmes opérationnels de traitement de substitution aux
de ses services. opiacés : Pays et territoires ayant au moins un site de traitement de
substitution aux opiacés à long terme (non seulement à des fins de
Il faut en outre être conscient qu’une référence positive désintoxication).
explicite à la réduction des risques dans des politiques Salles d’injection : Pays et territoires ayant au moins une salle
nationales ne signifie pas nécessairement qu’il existe des d’injection opérationnelle (ou des locaux d’injection plus sûrs).
services d’une qualité et d’une couverture adéquates. Échange d’aiguilles en prison : Pays et territoires ayant au moins une
De plus, dans de nombreux pays, les services de prison proposant un programme opérationnel d’échange d’aiguilles et de
réduction des risques, en particulier les programmes seringues.
d’échange d’aiguilles et de seringues, sont assurés par Traitement de substitution aux opiacés en prison : Pays et territoires
des ONG et fonctionnent parfois sans le soutien du ayant au moins une prison proposant un traitement de substitution aux
opiacés à long terme (non seulement à des fins de désintoxication).
gouvernement.
Référence Programmes Programmes Salles Échange Traitement Référence Programmes Programmes Salles Échange Traitement
positive opérationnels opérationnels d’injection d’aiguilles de substitution positive opérationnels opérationnels d’injection d’aiguilles de substitution
explicite à la explicite à la
Pays ou
d’échange de traitement de (8) en prison (10) aux opiacés d’échange de traitement de (8) en prison (10) aux opiacés
Pays ou réduction des d’aiguilles et substitution en prison (39) réduction des d’aiguilles et substitution en prison (39)
risques dans risques dans
territoire (93)
de seringues de seringues
territoire (93)
aux opiacés aux opiacés
des politiques (82) (73) des politiques (82) (73)
nationales (79) nationales (79)
Neutralité
Afin de garder la confiance de tous, le Mouvement Universalité
s’abstient de prendre part aux hostilités et, en tout temps, Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du
aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéo- Croissant-Rouge, au sein duquel toutes les Sociétés ont des
logique. droits égaux et le devoir de s’entraider, est universel.
À l’abri du danger
Consommateurs de drogues injectables
et réduction des risques
Presse, relations publiques et pour plus d’informations sur la Fédération internationale :
Ce rapport a été élaboré par : Photo de couverture : Lituanie – Au Centre Vilnius, des travailleurs sociaux, plutôt que des
204900 11/2010 F 200
médecins, s’occupent de la gestion des dossiers des patients. Les médecins peuvent ainsi
Getachew Gizaw, Paul Conneally, Patrick Couteau, Shannon Frame, se concentrer sur les soins aux patients, et les travailleurs sociaux utilisent leurs connais-
Sadia Kaenzig, Patricia Leidl, Marie-Françoise Borel et sances pour orienter les patients vers le service de santé approprié. En outre, les patients
peuvent bénéficier de formations professionnelles ainsi que d’autres services municipaux.
Corinne Leuenberger. ©OMS/Piotr Malecki 2009.
www.ifrc.org
Sauver des vies, changer les mentalités.