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cinéma
Memories of Murder, de Bong Joon-ho b Sur la piste d’un serial killer, des policiers lourdauds tabassent à tout va. S’inspirant d’un fait divers
de la fin des années 1980, le cinéaste joue avec les codes du polar et réussit à inventer un récit étonnant qui mélange l’atroce et le burlesque
« Les policiers aussi ont été les victimes de cette sombre époque » Débutant comme un polar carbu-
rant à l’humour noir, et au burles-
que barbare, Memories of Murder
s’achève par un saut dans le temps
Qu’est-ce qui vous a intéressé Le réalisateur de lui se révèle dans le film lui- la Corée elle-même et ses blessu- de plus de quinze ans. Les choses
dans cette histoire ? Bong Joon-ho : même. J’ai compris que les poli- res non cicatrisées. ont changé et, en même temps, se
Dès le départ, j’avais le projet « J’ai rencontré ciers aussi avaient été victimes de Quels sont vos projets immé- perçoit un étrange et bouleversant
de faire un film typiquement les commissaires cette affaire et de cette sombre diats ? sentiment de gâchis, de temps per-
coréen, essentiellement réaliste, et inspecteurs époque. J’écris un scénario depuis l’an du et de désenchantement. Comme
mais qui soit en même temps un de police qui ont Justement, comment avez- dernier. Mon prochain film parle- si les réflexes inhérents à la condui-
film policier. Il y avait dans ce fait travaillé sur vous voulu faire ressentir l’évo- ra d’une créature un peu bizarre te d’un récit policier pouvaient don-
divers tous les éléments nécessai- cette affaire. Cela lution historique de la Corée qui apparaît en plein milieu de la ner aussi le sentiment du tragique.
res à l’accomplissement de ce pro- m’a évidemment dans les années 1980 à travers ville. Mais ce ne sera pas un film
jet. Le fait qu’il s’agissait d’une beaucoup aidé. » cette histoire ? de science-fiction, ce sera un film Jean-François Rauger
affaire non résolue a été une sorte Ce n’était pas ma première pré- très réaliste.
de défi pour moi. On a tenté de occupation. Je n’ai pas voulu faire Film coréen avec Kan Ho-song, Sang
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me décourager de faire le film, au un film historique. J’ai simple- Propos recueillis par J.-F. R. Kyung-kim, Hee Bong-byun. (2 h 10.)
motif qu’un récit criminel à la fin ment voulu faire sentir un cadre
duquel on ne trouve pas le coupa- précis qui était celui de ce fait
ble n’allait pas intéresser le public. divers. Mais lorsque l’on s’interro-
Vous avez rencontré des ge sur les raisons de l’échec de l’en-
témoins de cette affaire ? quête policière, on peut sans dou-
Oui. J’ai rencontré les commis- te trouver une réponse dans la
saires et inspecteurs de police qui médiocrité et le manque de com-
ont travaillé sur cette affaire. Cela pétence des individus, mais aussi
m’a évidemment beaucoup aidé. dans la médiocrité de l’époque
Ces entretiens m’ont bien sûr elle-même.
apporté beaucoup d’informa- Aux policiers de la campagne
tions, mais cela m’a surtout rensei- qui pratiquent ce qui semble
D.R.
gné sur leurs propres sentiments être une violence d’un autre âge
SALLE GAVEAU
et la douleur qu’ils ressentaient de s’opposent ceux de la ville, plus
n’avoir pas pu attraper l’assassin. dré qu’un sentiment d’étroitesse res, mais, au fur et à mesure que rationnels.
Cela m’a aidé à construire les per- de vue pour le spectateur. le film avance, ils deviennent C’est une chose que l’on retrou-
sonnages de mon film. Certains Le fait qu’il s’agissait d’une his- attachants. ve dans beaucoup de films, notam-
policiers se sont mis à pleurer au toire vraie devait donner une Cela reflète mon point de vue ment américains, l’opposition 45, R U E L A B O É T I E , PA R I S 8 E
cours de nos entretiens, ce qui autre dimension au film. Il y avait durant l’écriture du scénario. Pen- entre un policier de la ville, logi- (MÉTRO MIROMESNIL)
m’a fait comprendre beaucoup de d’ailleurs dans l’affaire elle-même dant la préparation de celui-ci, je que et pragmatique, et un policier
choses. des éléments comiques. Lorsque considérais le policier de la campa- de la campagne au comportement
■
Le film est remarquable par je montre des policiers allant gne comme barbare et méprisa- archaïque. Mais j’ai voulu mon-
son mélange insolite de violen- trouver une chaman pour décou- ble, incapable et idiot. Et tout cela trer à la fin du film que ces deux
ce et d’humour. vrir le coupable, je ne fais que bien que ce soit mon personnage policiers au tempérament appa- DU MERCREDI 23 AU SAMEDI 26 JUIN 2004 INCLUS,
Il fallait que ces deux éléments reprendre quelque chose qui s’est principal. Puis, petit à petit, après remment différent sont au bout SE TIENDRONT LES VENTES EXCEPTIONNELLES DE SOLDES
coexistent dans le récit de l’enquê- réellement passé. Ce n’est pas le avoir rencontré le vrai policier qui du compte semblables. C’est la DE 9H00 À 18H00 SANS INTERRUPTION.
te mais aussi dans la peinture des mélange des genres qui m’intéres- s’est occupé de l’affaire, j’ai com- période elle-même qui était en
personnages eux-mêmes. Une sait mais le souci de retrouver une pris qu’il y avait chez lui une retard.
comédie n’aurait retenu que des variété d’émotions qui préexistait volonté intense, pure, de trouver L’échec final de la logique et
éléments comiques, un thriller au film. le coupable et une tristesse de ne de la raison confère au film une
n’aurait retenu que des effets de Les personnages de policiers, pas l’avoir découvert. Cette tristes- grande tristesse. Autorisation préfectorale n° 04/762 VDN établie le 23 juin 2004
suspense et d’action. Un pur film surtout ceux de la campagne, se m’a beaucoup touché. Mon Cela rappelle finalement les pour la période du 23 au 26 juin 2004. Hermès Sellier, RCS 696 520 410 Paris
de genre, en fait, n’aurait engen- sont souvent violents et barba- changement d’opinion vis-à-vis échecs successifs de l’histoire de