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RETROSPECTIVE DU CINEMA MONGOL


(Programme du 16ème Festival des 3 Continents,
Novembre 1994)

HISTOIRE D'UN ITINERAIRE

Il existe encore sur la mappemonde cinématographique


des territoires inconnus. La Mongolie en est un.

A ce jour en Occident, peu de gens ont pu voir un seul


film mongol - encore que certains le pensent en ayant vu
"Urga", film réalisé par un Russe en Mongolie intérieure
chinoise. Encore moins nombreux sont ceux qui peuvent
"Le lien maternel" 1992
imaginer qu'il puisse exister une cinématographie
mongole.

C'est plutôt accidentellement que je rencontre à Paris en


janvier 91, le seul Français qui séjourne à cette époque
en Mongolie, Alain Zorzutti, attaché linguistique à
Oulan-Bator (l'Ambassade de France en Mongolie ayant
été fermée). Il me dit alors que la Mongolie est en train
de s'entrouvrir à l'Occident et qu'il existe bien des
cinéastes mongols. Au mois de juillet suivant, le
Ministère de la Culture de Mongolie organise une
rétrospective du Festival des 3 Continents avec 5 films :
malien, chilien, turc, taïwanais, tunisien. Le dernier "Les
Baliseurs du désert" de Nacer Khémir est même projeté
Films mongols présentés en 1994 dans une petite ville devant un publi ébahi. J'en profite
donc pour visionner une douzaine de films, anciens et
1954 - Shine jil (Nouvel an) de T. Zandraa récents dont "Selon la volonté du ciel" de Choymbolyn
Jumdaan qui est invité alors à Nantes en compétition.
1957 - Serelt (Le réveil) de S. Guenden Une première pour la Mongolie.
Un producteur franco-allemand, Christofer Giercke, voit
1961 - Gologdson khuukhen (La fille le film, s'enthousiasme et décide de co-produire le film
rejetée) de D. Chimid-Osor suivant de Jumdaan, "Aldas", que nous présentons cette
année en compétition, en première mondiale.
1968 - Niislel khuu (Le garçon de la Enfin, Christofer Giercke profite de sa présence en
capitale) de B. Jamsran Mongolie pour convaincre les autorités mongoles de
l'intérêt de présenter à Nantes la première rétrospective
1970 - Tungalag tamir (la claire Tamir) de R. du cinéma mongol. Je retourne donc en mai 94 en
Dorjpalam Mongolie et je visionne plus de 100 films (sur les 200 qui
auraient été réalisés) pour établir une sélection finale de
1979 - Solongiin tavan oung (Les cinq 12 films de 12 réalisateurs représentant toutes les
couleurs de l'arc-en-ciel) de B. Nagnaidorj époques de 1954 (1er long métrage) à 1994 ("Aldas").
C'est cette sélection entièrement mongole que le public
1983 - Garid Magnai (Le lutteur) de J. du 16ème Festival des 3 Continents pourra voir.
Buntar
Philippe Jalladeau
1986 - Suuder (L'ombre) de B. Baljinnyam

1991 - Argamjaa (La corde) de N. LA DECOUVERTE D'UNE CINEMATOGRAPHIE


Vranchimeg INCONNUE DU BOUT DU MONDE
1992 - Khuin kholboo (Le lien maternel) de Le cinéma est apparu en Mongolie dans la décennie qui
J. Binder a suivi son invention.
Certains témoignages laissent à penser que la première
projection eut lieu en 1903. Bogdo Gegeen, le Dalaï
Lama mongol, et le Prince Namnansuren assistent à des
projections privées, et ce, à partir de 1913, à Urga, la
capitale mongole. En 1921, suivant le modèle de la
Révolution russe, la Mongolie connaît elle aussi sa
révolution. Urga est rebaptisée Oulan Bator, héros
rouge. Premier pays à suivre l'exemple russe, la

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Mongolie bénéficie de l'aide "bienveillante" de son grand


voisin soviétique, jusqu'en 1989, date à laquelle la
Mongolie se transforme en pays démocratique.
Dès 1923, le Parti Populaire Révolutionnaire Mongol,
sans doute sous l'influence de l'U.R.S.S. prend en
compte l'intérêt que représente le cinéma dans
l'éducation des masses ; le comité central, dans le cadre
de cette politique, envisage la construction de studios.
Les studios "Mongol Kino" ouvrent en 1935, construits
avec l'aide technologique des Soviétiques. L'Etat mongol
possède alors l'outil indispensable à la production
cinématographique : laboratoires, studios, salles de
montage, de projection, ateliers de décors et costumes...
N'ayant pas les connaissances requises, les Mongols
sont assistés par des techniciens russes et la formation
des cadres est assurée en U.R.S.S.. Les studios
"Mongol Kino" servent dès leur début à la réalisation de
films de propagande : un film documentaire sur le
"47ème anniversaire du 1er mai" et un film de fiction,
coproduit par Lenfilm, "Mongol Khüü" (Un garçon
mongol).
En 1938, Temet Natsagdorj, ayant suivi une formation en
"Les cinq couleurs de l'arc-en-ciel" -
Allemagne, réalise "Norjmaaguyn Zam" (Le chemin de
1979
Norjmaa) ; il s'agit du premier film réalisé par un Mongol.
Film de propagande, "Nordjmaguyn Zam" fait l'éloge de
la médecine moderne, condamnant le lamaïsme et ses
pratiques traditionnelles. Temet Natsagdorj disparaît par
la suite, victime de la répression politique.
Kh. Choibalsan dirige alors la police soviétique avant
d'accéder au pouvoir de 1939 à 1952. Sur le modèle
soviétique, il procède à des purges visant la
communauté religieuse. Les moines bouddhistes sont
victimes d'une répression sanguinaire, 20 000 lamas
sont exécutés, 700 monastères détruits.
Dédiées à la gloire des grands héros du peuple, de
grandes fresques historiques envahissent les écrans.
Ces récits, imprégnés de contes ancestraux très
populaires, remportent un vif succès. "Sükhbaatar",
réalisé en 1942 et qui retrace la vie du père fondateur de
la Révolution, a valeur d'exemple dans la production de
cette époque ; la légende de Khatanbaatar et "L'histoire
secrète des mongols" ont largement inspiré quelques
scènes du film. La recette est bonne, à tel point qu'un
autre film sorti à cette époque "Tsogt Taïdj" est encore
en 1989, considéré par le public comme le meilleur film
mongol. Malheureusement ce film ne peut être reconnu
comme une production mongole, le réalisateur étant
russe ! Pendant cette période, beaucoup de cinéastes
russes viennent en Asie Centrale à cause de la
destruction par les forces allemandes des studios de
Moscou et de Léningrad et de l'invasion de ceux de
Minsk, Kiev, Kharkov.
A partir de 1945, la production cinématographique est en
sommeil. Mais les futurs cadres du cinéma mongol sont
formés, à Moscou, et les studios se dotent de nouveaux
équipements techniques. Dans ce pays, peuplé
principalement de nomades éleveurs, apparaît la classe
ouvrière, phénomène dû à un début d'industrialisation.
Travailleurs des villes, travailleurs des campagnes, la
mode est au travail ! Atteindre les objectifs du Plan,
participer à l'essor économique de la patrie, deviennent
les leitmotiv du cinéma mongol. Dans ce contexte, sort
en 1954, "Chine Djil" (Le nouvel an), son réalisateur, T.
Zandraa étant l'un des premiers à avoir suivi des études
supérieures en U.R.S.S.. Un ouvrier modèle qui a atteint
les objectifs du Plan avant le nouvel an, part fêter cela
avec ses camarades ; mais sa mère pense que ces
réjouissances annoncent plutôt le mariage prochain de
son fils.
En 1955, la production mongole se déride un peu. Même
si le cinéma est toujours utilisé à des fins de
propagande, les sujets de l'époque engendrent plutôt la
bonne humeur. La disparition du "Staline mongol",
Choibalsan, en est peut-être l'explication. La réalisatrice
E. Oyun signe la première comédie musicale "Mane

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ailoco". Les comédies dominent la production entre 1955


et 1965. R. Dorjpalam, formé lui aussi à Moscou, devient
un maître du genre. En 1956, il réalise "Bidende you
saado boldji bayane" (Nous avons toujours des
difficultés), satire relatant les péripéties d'un Mongol à la
recherche d'une pièce de rechange pour une
moissonneuse. En 1958, sort son deuxième film,
"Gurvan Naïdz" (Trois amis), premier film pour enfants,
et, en 1959, "Mor'toï Boloosoï !" (Si j'avais un cheval !) où
un jeune éleveur, forcé de se déplacer à dos de yack,
essaye de conquérir sa dignité par l'acquisition d'un
cheval. En 1961, il réalise "Altan örgöö" (Palais d'or),
co-produit par Defa, la compagnie cinématographique
est-allemande.
En 1957, tiré du roman de L. Vandan et Tch. Tchimid,
sort "Serelt" (Le réveil) ; S. Guenden signe ici une
réalisation de qualité : maîtrise de la caméra, de la
lumière, construction dramaturgique soignée.
La condition féminine donne matière à deux films : "Ene
Khüükhnüüd üü" (Drôles de femmes !), réalisé en 1963
par R. Dorjpalam, et "Elbeg deel" de J. Buntar et B.
Jamsran où une courageuse ménagère est exploitée par
son paresseux de mari, qui de plus usurpe les mérites de
sa femme ; elle ne tardera pas à faire triompher la
vérité...
B. Jamsran réalise "Khökhöö guerleckh dökhlöö"
(Khökhöö va bientôt se marier) en 1962 et "Niislel khüü"
(Le Garçon de la Capitale) en 1968. Ces deux films
reflètent les préoccupations d'une nouvelle génération.
Dans les années soixante, de nombreuses oeuvres
littéraires sont portées à l'écran : "Gologdson khüükhen"
(La fille rejetée), adaptation du roman de Ts.
Damdinsüren, réalisé en 1961 par D. Tchimid-Osor. La
construction d'un autre bâtiment annexe à Mongol Kino
accroît la capacité des studios. La production de films
documentaires s'accroît considérablement. Beaucoup de
jeunes réalisateurs participent à cet essor. O.
Ourtnassan s'impose comme un spécialiste du genre.
La vie contemporaine est le thème dominant des films
des années 70-80. Sorti en 1973 et réalisé par Tch.
Gombo, "Motoriin duu" (Le bruit du moteur) peut être
considéré comme un exemple : Ganaa, un jeune
mécanicien, entretient une pompe à eau dans le Gobi ;
ses services lui vaudront la reconnaissance de la
communauté.
"Khani" (L'épouse) et "Daévaanii tsaana davaa" (Derrière
le col, un autre col) appartiennent au même répertoire.
Le cinquantième anniversaire de la Révolution est
marqué par la sortie de plusieurs films, entre autres
"Damdinii Sukhbaatar", réalisé par J. Buntar et sorti en
1971.
"Toungalag Tamir" (La claire Tamir) constitue un
évènement. Réalisé par R. Dorjpalam, entre 1970 et
1973, ce film rassemble les meilleurs talents de l'époque.
L'année 1980 marque un tournant politique, une plus
grande liberté d'opinion permettant aux auteurs et
réalisateurs de se démarquer du pouvoir. "Garid magnai"
(Le lutteur) sort en 1983 et laisse apparaître très
nettement les liens qui unissent les Mongols à leurs
traditions. J. Buntar se livre avec beaucoup d'adresse à
la reconstitution de l'époque pré-révolutionnaire, ainsi
que B. Baljinnyam, qui réalise "Suuder" (L'ombre) en
1983 et "Mandukhai" en 1987, un film épique sur la
fameuse impératrice mongole du xvème siècle.
Vers la fin des années 80, l'effondrement de l'U.R.S.S.
isole la Mongolie qui ne bénéficie plus d'un soutien
extérieur socialiste.
Entre 1938 et 1989, la Mongolie a produit quelques 350
films de long métrage. Mais depuis 1989, la production
mongole doit s'adapter aux conditions du marché libre et
international. B. Baljinnyam est le premier à trouver un
financement international pour son film "Gengis Khan",
produit en 1992 par une compagnie japonaise. Mais, il y
a aussi la naissance d'un groupe de jeunes
auteurs-réalisateurs qui produisent indépendamment

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leurs premiers longs métrages. C. Jumdaan fait partie de


ce groupe. Engagé dans un constat amer de la politique
qui a conduit son pays à l'isolement et à la perte de son
identité, C. Jumdaan lutte pour la renaissance des
valeurs traditionnelles mongoles. "Tengeriin Sahil"
(Selon la volonté du ciel), découverte du Festival des 3
Continents en 1991, témoigne d'une renaissance du
bouddhisme en Asie Centrale. Son nouveau film "Aldas",
en compétition cette année, est un constat du conflit des
trois générations et des tentations que présente
l'Occident pour la jeune génération. Ce film est produit
avec l'aide d'une production française.
L'apparition d'une multitude de petites sociétés de
productions cinématographiques engendre aussi une
baisse inquiétante de la qualité des films mongols (50
films par an). Souvent endettées et ne bénéficiant
d'aucune aide extérieure, ces sociétés connaissent
d'énormes difficultés qui les conduisent à tourner avec
peu de moyens des films dont la complaisance tombe
bien souvent dans le mauvais goût.
Quelques jeunes réalisateurs, redoublant d'ingéniosité,
arrivent à pallier ce manque. Dans ce contexte, J. Binder
avec "Khuin kholboo" (Le lien maternel, 1993) réussit le
pari d'un film peu coûteux. La maîtrise du récit, de la
direction d'acteurs et de la photographie en font une
oeuvre d'autant plus admirable.

Dashtseren TSOLMON - Critique d'art

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