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Enseignant : chedi garfi

L'histoire du cinéma muet

1-L'invention du cinématographe

Bien que l'on ne puisse attribué à une personne seule « l'invention » du cinéma, car il fut le produit
de plusieurs siècles d'évolution technologique, de curiosité artistique, et de soif de merveilleux, on
peut dire que les frères Lumière, au nom prédestiné, en furent les pionniers dans sa forme actuelle.
Mais d'autres aussi participèrent activement à cette aventure :

-Émile Reynaud et son théâtre optique qui permet de projeter sur un écran une animation
de longueur et de durée variables à l'intérieur d'un décor fixe, via deux lanternes magiques. C'est
ainsi que furent projeter en public les premiers « dessins animés », alors appelés pantomimes
lumineuses, à partir d'octobre 1892 au Musée Grévin..

-James Muybridge et ses « photographies animées » dans le but scientifique était d'abord
de décomposer le mouvement animal et humain.

-Louis-Aimé-Augustin Le Prince qui dès 1888 mis au point une caméra et enregistrera
des films (mais dont la disparition mystérieuse interrompit les travaux).

-George Eastman inventeur du film sensible sur support souple et fondateur de l'empire
Kodak.

-Thomas Edison et son kinétoscope, (sorte de coffre en bois surmonté d’un oculaire qui
permettait à une personne de visionner un film en boucle tournant à l'intérieur). C'est pour cet
appareil qu'il mit au point avec Eastman, le film 35 mm perforé qui devint pour le siècle à venir, le
standard du cinéma et de la photographie professionnels. Le Kinétoscope, eut un beau succès
d'estime, mais l'attrait du spectacle en salle remporta rapidement les suffrages…

1-2 Le Cinématographe Lumière

Sans prétendre donc à l'invention du cinéma, les frères Lumière furent des pionniers incontestables
dans se domaine et celui de la photographie (avec l'invention d'un des premiers procédé couleur).
Ingénieurs, inventeurs et industriels en même temps, on leur doit notamment la mise au point du
Cinématographe (à la fois caméra de prise de vues et projecteur). Le mécanisme du Cinématographe
repose sur l’utilisation d’une came excentrique qui transforme le mouvement de rotation de la
manivelle en un mouvement vertical de va-et-vient. Ils réalisèrent également et projetèrent sur
grand écran, les premiers films cinématographiques, le 28 décembre 1895 au Grand Café à Paris. Sur
une des affiches punaisées sur la porte d'entrée, on pouvait lire ceci : « Cet appareil, inventé par
MM. Auguste et Louis Lumière, permet de recueillir, par des séries d'épreuves instantanées, tous les
mouvements qui, pendant un temps donné, se sont succédés devant l'objectif, et de reproduire
ensuite ces mouvements en projetant en grandeur naturelle, devant une salle entière, leurs images
sur un écran. »
À l'intérieur, l'appareil était installé au centre de la salle sur un escabeau et dirigé vers un écran de
deux mètres sur deux. Parmi les spectateurs figurait un certain Georges Méliès alors directeur de
théâtre. D'abord septique, ce dernier compris vite que cette invention pouvait révolutionner le
monde du spectacle. À la fin de la séance, il aborda Antoine Lumière et lui proposa de lui racheter
son appareil… Mais le Cinématographe n'était pas à vendre ! Du moins pas encore.

2-le cinéma muet

Très vite après l'apparition du cinéma est née l'idée d'accompagner les images de musique, les
moyens techniques n'existant pas encore pour enregistrer un son synchronisé à l'image. Certains
compositeurs de musique classique comme Camille Saint-Saëns ou Arthur Honegger se sont lancés
dans l'aventure, mais souvent aussi les images étaient accompagnées de musique improvisée par un
pianiste ou un petit orchestre lié à la salle. Depuis quelques dizaines d'années, de nombreux films
muets sont (re-)sonorisés, allant de partitions classiques comme celle de Joe Hisaishi à la techno de
Jeff Mills.

« L’assassinat du duc de Guise », André Calmette et Charles Le Bargy (1908)

Le bruit des spectateurs dans la salle était, au temps du muet, une nuisance rédhibitoire pour le
cinéma. Le réalisateur français André Calmette imagina une solution pour son film « L’assassinat de
duc de Guise » : accompagner la projection d’une musique jouée dans la salle. Afin de renforcer le
statut d’œuvre d’art conféré au cinéma et de s’assurer que son innovation ne passe pas inaperçue, il
pria Camille Saint-Saëns (1835-1921), compositeur âgé, reconnu, apprécié, d’en composer la
musique, de sorte que la notoriété de l’un rejaillisse sur l’autre. Sans tenter de recréer le style du
XVIe, Camille Saint-Saëns opta pour une musique en harmonie avec l’action. Le résultat dépassa
toutes les attentes de Calmette : non seulement son film connut un succès international, mais
surtout il révolutionna l’histoire du cinéma. Il y a cent ans, la musique de films était inventée.
(Catherine De Poortere)

« Les vampires », Louis Feuillade (1915) Les Vampires

En 1915, Louis Feuillade tourne les dix épisodes d’une série qui fera scandale et, de ce fait, deviendra
culte : Les vampires. 91 ans plus tard, la Gaumont ressort l’objet du délit sous forme de coffret
accompagné d’une bien belle musique pour l’épisode 3 (Le cryptogramme rouge). C’est le duo
français Château Flight qui s’y colle et c’est une réussite : essentiellement électronique, leur musique
est tour à tour sombre, mystique, sensuelle ou enjouée, à l’image du personnage d’Irma Vep
interprété par l’actrice Musidora, dont Aragon dit qu’une jeunesse toute entière tomba amoureuse
d’elle. Et là où le duo aurait pu tourner en rond avec ses seuls instruments électroniques, la guitare
de Nicolas Villebrun vient à sa rescousse pour donner du relief et une petite touche tantôt rock’n’roll,
tantôt langoureuse.
Bien loin des pianistes d’antan, Château Flight a très bien réussi à faire coller des sons d’aujourd’hui à
des images d’un autre siècle, à l’instar de Cinematic Orchestra ou de Jeff Mills, respectivement
signataires de musiques pour « L’homme à la caméra » de Dziga Vertov et « Metropolis » de Fritz
Lang (cf. plus bas) ainsi que « Three Ages » de Buster Keaton. (Catherine Thieron)

« Nosferatu », Friedrich W. Murnau (1922)

Film muet qui aura inspiré bon nombre de musiciens depuis sa sortie, « Nosferatu » continue de ravir
les cinéphiles par des passages réguliers dans l’un ou l’autre ciné-club.

Le premier à avoir mis ce film en musique est le compositeur et chef d’orchestre allemand Hans
Erdmann. Il en composa la partition originale et dirigea l’orchestre lors de la Première du film, le 4
mars 1922. Cette partition eut probablement été perdue sans la curiosité de Gillian B. Anderson, chef
d’orchestre et musicologue américaine. En tant que conservatrice du département Musiques de films
à la Library of Congress, son travail la met en contact avec de nombreux trésors cachés. Elle a ainsi
restauré, reconstruit et synchronisé plusieurs musiques originales de l’époque du muet avant de
s’attaquer à « Nosferatu », présenté dans sa version restaurée le 5 août 1995 devant pas moins de
5500 spectateurs. (Catherine Thieron)

« Salammbô », Pierre Marodon (1925)

Dans le cinéma, rarement une musique survit à un film, elle est souvent liée intrinsèquement aux
images pour laquelle elle a été composée.

Et pourtant « Salammbô » fut une des premières musiques à transcender le film, à faire parler d’elle
encore aujourd’hui alors que le film lui est tombé dans les oubliettes du cinéma.

Ce film de 1925, réalisé par Pierre Marodon, est l’adaptation du roman éponyme de Gustave
Flaubert. Cette fresque grandiloquente fut accueillie de façon glaciale par la presse de l’époque, la
seule chose à sauver du film fut la musique composée par Florent Schmitt.Ce compositeur
classique(élève de Massenet et de Fauré) n’en était pas à ses débuts, il avait déjà à son effectif bon
nombre de compositions classiques (dont son célèbre « Psaume 47 ») avant de composer son unique
musique de film. « Salammbô » est une œuvre à la fois lyrique, épique et tragique, teintée
d’orientalisme. Il tirera de cette fresque de deux heures, trois « Suites pour orchestre ».

Sa carrière prolifique fut stoppée dans les années 30 suite à ses prises de position en faveur du
régime nazi. Il n’en reste pas moins un des compositeurs-phares français au même titre que Debussy.
(Thierry Moutoy)

« Napoléon », Abel Gance (1927)

Arthur Honegger (1892-1955), Carl Davis (1936), Carmine Coppola (1910-1991)


Trois versions différentes, trois compositeurs – cinquante-trois années séparant la première
projection de celle qui fit connaître enfin « Napoléon » au grand public : le destin de ce film ne
dément pas sa démesure. À l’origine, Abel Gance désirait dédier à ce personnage une fresque en six
parties. La première suffit à épuiser le budget, pourtant considérable, dont il disposait.
Parallèlement, ses relations avec Honegger s’étaient aussi dégradées, le musicien ne supportant plus
les atermoiements du réalisateur, lequel ne cessait de découper et de remonter son film,
condamnant d’avance toute version définitive de la musique. L’absence d’Honegger à la première
confirma le caractère provisoire de l’œuvre, et sa partition, exécutée par un tiers, fut mal reçue par le
public. Dans les années 70, le film fut entièrement remonté tel que, dit-on, l’aurait voulu Abel Gance,
cette fois accompagné d’une musique originale de Carl Davis, spécialiste en reconstitution de
musique d’époque. De l’avis des spécialistes, il s’agit du meilleur accompagnement, restituant à la
fois l’ambiance musicale du XIXe siècle et l’intensité du scénario. À cette occasion, Francis Ford
Coppola, subjugué, décida de le distribuer aux États-Unis, mais il chargea néanmoins son père,
Carmine, de réécrire une troisième version de la musique. (Catherine De Poortere)

« Metropolis », Fritz Lang (1927) Metropolis

Premier film de science-fiction allemand et film le plus coûteux de la jeune histoire du cinéma (nous
sommes en 1927), « Metropolis » est une très grosse production qui restera dans les annales. Si l’on
ne compte plus les bandes originales qui ont accompagné les images de Fritz Lang, nous n’en
garderons ici que deux : la version de Giorgio Moroder en 1984 et celle de Jeff Mills en l’an 2000.

Le premier est producteur à succès pour la musique pop et le cinéma (« Flashdance », le remake de «
La Féline », un Oscar pour « Midnight Express »), le second un pionnier de la techno de Detroit ; tous
deux se sont offert le luxe de réadapter « Metropolis » : là où Moroder l’a colorisé et très légèrement
rallongé, Mills l’a diminué de moitié, gardant néanmoins l’essence du film. Musicalement, ils ne
sauraient être plus éloignés : la version très eighties de Giorgio Moroder fait la part belle aux
mélodies pop chantées par des stars de l’époque (Freddie Mercury, Pat Benatar ou encore Bonnie
Tyler), tandis que Jeff Mills s’efface derrière le propos et compose une musique électronique subtile,
presque organique.

Ni l’une ni l’autre ne contentera les puristes, mais ces deux bandes originales ont le mérite d’exister
et de l’être réellement… originales ! (Catherine Thieron)

« Le Mécano de la General », Buster Keaton (1927)

En 1926, Buster Keaton dispose d'un budget littéralement dantesque (pour l’époque) pour tourner «
The General », film se passant à l’époque de la guerre de Sécession aux États-Unis. Il adapte une
histoire vraie, celle d’une locomotive (The General) capturée par les Nordistes. Son mécanicien fera
tout pour la sauver.
Le film a été restauré image par image en 2004 pour être présenté au festival de Cannes, mais se
posa alors le problème de la musique d'accompagnement. En effet, les musiques d'origine,
composées par différentes personnes, n’avaient pas été conservées. Celles-ci avaient néanmoins été
arrangées en 1995 par Robert Israel pour accompagner les copies du film, respectant au plus près les
images.

Pour la nouvelle version, le choix se porta sur Joe Hisaishi, connu pour ses partitions pour les films de
Takeshi Kitano ou Hayao Miyazaki. Loin de ses mélodies intimistes, répétitives et épurées, il compose
ici une musique assez symphonique à l’européenne. Il faut savoir qu'il est passionné de musique
classique occidentale, ancienne et moderne. Il alterne musiques d'époque, touchant au vaudeville,
mélodies plus militaires et longues envolées avec des thèmes reconnaissables, se répétant tout le
long du film. Le côté très visuel des gags du film se prête bien à sa composition où il n'est finalement
pas si loin de l'humour de certains films de Takeshi Kitano.

La bande originale est enregistrée par le Tokyo City Philharmonic Orchestra et se termine par une
chanson de Georges Moustaki interprétée par Anna Mouglalis. (Anne-Sophie De Sutter)

« Man with a Movie Camera » (L’Homme à la caméra), Dziga Vertov (1929)

« L'Homme à la caméra » du russe Dziga Vertov a fait couler beaucoup d’encre sur le papier à
musique, inspirant toutes sortes de musiciens depuis son tournage, en 1929. Expérimental de part sa
forme, c’est probablement le montage du film et sa rythmique particulière qui séduisent tant :
ralentis, arrêts sur image, mouvements en arrière, etc.

Parmi les orchestrations les plus marquantes, on retiendra celle du Français Pierre Henry. Composée
en 1993 à la demande du festival parisien CinéMémoire, sa bande originale pour « L’Homme à la
caméra » traduit bien les images de Vertov : sa musique est à la fois fragile, rugueuse et répétitive,
mais ne manque ni de rythme ni d’harmonie.

Neuf ans après Pierre Henry, ce sont les Anglais du bien-nommé Cinematic Orchestra qui s’attaquent
au chef-d’œuvre de Dziga Vertov. Entre jazz et musique électronique, l’orchestre compose pour «
L’Homme à la caméra » une musique tout à fait intemporelle, presque parfaite tellement elle fait
corps avec les images. Sortie en DVD chez Ninja Tunes, leur version vaut largement le coup d’œil : en
plus d’être une curiosité cinématographique, c’est un réel bonheur pour les oreilles. Ce serait
dommage de s’en priver ! (Catherine Thieron)

« Dracula », Tod Browning (1931)

Depuis ce « Dracula » originel, tourné en 1931, les pâles (et moins pâles) copies se sont succédées
sur le petit et le grand écran. Ce film n'était pas vraiment muet mais néanmoins très peu sonore: Bela
Lugosi parlait à certains moments, et quelques mesure du Lac des Cygnes ponctuaient le tout. On
comprend dès lors pourquoi cette première version de «Dracula» aura inspiré bien des musiciens.
En 1998, le compositeur Philip Glass s’associe à nouveau au Kronos Quartet, avec lequel il travaille
depuis 1985, pour mettre en musique le « Dracula » de Tod Browning. 26 courts morceaux en
découleront, lorgnant tant sur le minimalisme cher à Glass que sur le romantisme de rigueur à la fin
du XIXe siècle, le compositeur ayant cherché à évoquer cette époque. Voilà pourquoi son choix s’est
porté sur le seul quatuor à cordes, sans chichis ni fioritures, s’éloignant des clichés musicaux propres
aux films d’horreur (ni tensions, ni effets de surprise), créant ainsi une musique intemporelle pour ce
classique du cinéma. (Catherine Thieron)

« City Lights », Charlie Chaplin (1931)

Charlie Chaplin est un précurseur dans le cinéma, mais aussi dans le domaine de la musique de film. Il
est un des premiers à porter à la fois la casquette de réalisateur et de compositeur.

C’est à partir de 1923 et de son film « L’Opinion publique » que Charlie Chaplin s’intéressera à
l’accompagnement musical de ses films. Avec « La Ruée vers l’or », il mit la main à la pâte en
composant lui-même deux morceaux (« Sing a song » et « With you Dear in Bombay » ) et en
dirigeant aussi l’orchestre d’Aby Lyman.

Mais c’est avec « Les Lumières de la ville » que Charlot commença vraiment à être un compositeur.
Avant d'entreprendre le film, Charlie Chaplin se trouva devant un dilemme : en effet, le cinéma
sonore avait fait son apparition. Comment Chaplin allait-il s’en sortir, allait-il passer le cap et entrer
de plain-pied dans le cinéma parlant ? Et bien non, « Les Lumières de la ville » resta un film sans
paroles, mais avec des bruitages et une musique synchronisée.

Mais là où il en surprit plus d’un, c’est en composant lui-même toute la musique du film malgré le fait
qu’il n’avait aucune connaissance du solfège. Lacune qu’il combla en faisant appel à des
orchestrateurs et arrangeurs pour annoter ses thèmes musicaux.

Et pour la composition à proprement parler, il gardait toujours un enregistreur à portée de main pour
pouvoir consigner ces idées de mélodies. « La Ruée vers l’or » reste une des dernières toutes grandes
partitions du muet.

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