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Sallie Gardner at a Gallop peut être considéré comme l'ancêtre de tous les films, mais le but de son auteur
était de suspendre, d'arrêter le mouvement, et non de le reproduire, une conception scientifique et non de
divertissement.
Sommaire
1Histoire
o 1.1Précinéma et prémices
o 1.2Premiers films
1.2.1Premières caméras de prise de vues
1.2.2Premier appareil de visionnement d'images animées
o 1.3Premières projections animées
o 1.4Cinématographe Lumière
o 1.5Naissance d'une industrie
o 1.6Naissance d’un langage
o 1.7Avènement du cinéma sonore
o 1.8Apport de la couleur
2Théories
3Mouvements et écoles
4Critique cinématographique
5Cinéphilie
6Économie
o 6.1Financement
7Cinéma et télévision
o 7.1Évolution du marché
8Filière
o 8.1Production
o 8.2Distribution
o 8.3Festivals de films
o 8.4Exploitation
o 8.5Filière audiovisuelle
o 8.6Autour de la filière cinématographique
8.6.1Opérateurs publics
8.6.2Cérémonies de récompenses
9Techniques
o 9.1Prise de vues
o 9.2Travail de laboratoire
o 9.3Montage
o 9.4Son
9.4.1Préproduction
9.4.2Tournage
9.4.3Postproduction
o 9.5Projection
o 9.6Animation
o 9.7Audiodescription
o 9.8Fin de la pellicule, débuts du cinéma numérique
10Société
o 10.1Impact politique et social
o 10.2Relations avec d'autres arts et techniques
o 10.3Sociologie
11Notes et références
12Annexes
o 12.1Bibliographie
12.1.1En français
12.1.2En anglais
12.1.3En espagnol
12.1.4En allemand
o 12.2Articles connexes
o 12.3Liens externes
Histoire[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Histoire du cinéma.
Le cinéma naît à la fin du XIX siècle. Pour désigner les recherches qui mènent à
e
l’invention du cinéma, donc avant les premiers films en 1891, on parle de précinéma6.
Il est souvent affirmé que les inventeurs du cinéma furent les frères Lumière. Eux-
mêmes n’en revendiquaient pas autant et corrigeaient cette affirmation en rappelant
que le cinéma a été le résultat de recherches poursuivies fiévreusement un peu
partout dans le monde, et que tout un chacun était arrivé à ses fins « dans un
mouchoir ». En fait, les premiers films, ainsi que le précise Laurent Mannoni,
historien du cinéma et conservateur des appareils à la Cinémathèque française, sont
enregistrés par la caméra Kinétographe (en grec, écriture du mouvement) « caméra
de l’Américain Thomas Edison, brevetée le 24 août 1891, employant du film perforé
35 mm et un système d’avance intermittente de la pellicule par « roue à rochet »7. »
« Cent quarante-huit films sont tournés entre 1890 et septembre 1895 par Dickson et
William Heise à l'intérieur d'un studio construit à West Orange, le "Black Maria", une
structure montée sur rail, orientable selon le soleil 8. »
Mais l’illusion d’images en mouvement est donnée auparavant (début du XIX siècle)
e
par des jouets scientifiques qui utilisent des dessins représentant un sujet dans les
différentes phases d’un geste décomposé en une ou deux douzaines de vignettes
dont on regarde la succession par des fentes ou par le biais de miroirs en rotation.
Ces jouets optiques , ou « jouets de salon », qu’affectionnent un riche public, visent à
développer la curiosité scientifique dans l’esprit des enfants de bonne famille. Ce
sont notamment le Phénakistiscope du Belge Joseph Plateau, le Zootrope de
l’Anglais William George Horner, le Folioscope du Français Pierre-Hubert Desvignes,
qui est une adaptation du Flipbook de l'Anglais John Barnes Linnett, et
le Praxinoscope du Français Émile Reynaud. Sans oublier le Zoopraxiscope du
photographe britannique Eadweard Muybridge, mais il faut remarquer que Muybridge
et son célèbre équivalent français Étienne-Jules Marey et son assistant Georges
Demenÿ mettent au point diverses machines ou procédés optiques dans un but plus
scientifique que commercial, pour tenter de décomposer, et ainsi d'étudier, les
mouvements des êtres humains ou des animaux, et en général tout phénomène trop
rapide pour être analysé par le regard humain (exemples : chute d'une goutte d'eau,
explosions ou réactions chimiques).
Premiers films[modifier | modifier le code]
William Kennedy Laurie Dickson dans Dickson Greeting (1891). Les photogrammes des tout premiers films
du cinéma sont circulaires, d'un diamètre de 13 mm.
Dans l'un de ces films, William Heise filme Dickson qui salue d’un coup de chapeau
les futurs spectateurs. C’est en principe le premier film du cinéma, selon certains
historiens, mais pour d’autres, c’est encore un essai faisant partie du précinéma. Il
s’intitule Le Salut de Dickson (Dickson Greeting), qui dure moins d'une dizaine de
secondes, dont il ne subsiste que deux secondes. Il est présenté le 20
mai 1891 devant une assemblée de cent-cinquante militantes de la Federation of
Women’s Clubs. Le succès est au rendez-vous, les spectatrices, individuellement ou
deux par deux, se pressent autour des kinétoscopes et visionnent plusieurs fois
chacune Le Salut de Dickson, manifestant leur étonnement et leur satisfaction,
première représentation publique d'un film 12. Le cycle recherché de l'enregistrement
du mouvement et de sa restitution est enfin acquis 13, la date est certifiée par cette
présentation publique, les premiers films sont ceux d’Edison-Dickson.
En 1893, Edison et Dickson décident d'augmenter la surface des photogrammes en
débitant en deux rouleaux de 35 mm de large le support Eastman de 70 mm, qu'ils
dotent de 2 jeux de 4 perforations rectangulaires pour chaque photogramme et qui,
cette fois, défile à la verticale. Ils lancent ainsi ce qui va devenir vingt ans plus tard le
format standard international des prises de vues et des projections
cinématographiques. Ce format, le 35 mm, est encore utilisé aujourd'hui, bien que
rendu muséologique par les procédés numériques.
Premier appareil de visionnement d'images animées[modifier | modifier le code]
L'intérieur d'un kinétoscope, le film est en boucle continue (dessin de Louis Poyet).
À partir de 1893, Edison ouvre un peu partout sur le territoire américain, ou fait ouvrir
sous licence, des Kinetoscope Parlors, des salles où sont alignés plusieurs appareils
chargés de films différents qu’on peut visionner moyennant un droit d’entrée
forfaitaire de 25 cents. Ce sont les premières vraies recettes du cinéma, les
ancêtres, pourrait-on dire, des salles de cinéma. Laurie Dickson est chargé de diriger
les prises de vues des films nécessaires, il est ainsi le premier réalisateur de
l’histoire. Il fait construire le premier studio de cinéma, le Black Maria (surnom
populaire des fourgons de police, noirs et inconfortables), recouvert de papier
goudronné noir dont l’effet à l’intérieur est celui d’une serre surchauffée. Le petit
bâtiment à toit ouvrant est posé sur un rail circulaire et peut s’orienter en fonction de
la position du soleil, car la lumière du jour sera longtemps le seul éclairage utilisé
pour tourner des films. Chaque film est d'une durée maximale de 60 secondes,
composé d'une seule prise de vues, un unique plan dont le contenu, au début, relève
plutôt du music-hall et des attractions de foire. L'industriel refuse obstinément,
malgré les conseils pressants de Dickson, de développer la mise au point d'un
appareil de projection sur grand écran, ce qui n'aurait posé aucune impossibilité
technique, mais Edison pense que l'exploitation individuelle des films dans
les kinetoscope parlors est commercialement préférable à une exploitation devant un
public rassemblé. En 1895, le succès des films de Louis Lumière, tous tournés en
extérieurs naturels, oblige Edison à déserter le Black Maria. Il fait alléger
le kinétographe en supprimant le moteur électrique et il adopte la manivelle
qu'utilisent la caméra Cinématographe Lumière. Il rachète alors un appareil de
projection à un inventeur en faillite et lance le vitascope. En 1895-1896, un florilège
de machines de cinéma apparaissent presque simultanément à la présentation du
cinématographe Lumière, et même parfois avant, mais n'obtiennent pas le même
succès. En 1914, un incendie ravage à West Orange la filmothèque aux galettes de
films en nitrate de cellulose. Heureusement, Edison, en avance sur ses
contemporains, a institué un dépôt légal de ses productions filmées, auprès de
la Bibliothèque du Congrès, sous la seule forme autorisée : le support papier. Il a fait
tirer une copie des films sur une bande papier perforée de 35 mm de large enduite
d'émulsion photosensible développée puis fixée. Les films papier sont de qualité
médiocre mais, une fois banc-titrés, ils restituent aujourd'hui les œuvres détruites 17.
Premières projections animées[modifier | modifier le code]
En 1877, Émile Reynaud, professeur de sciences et photographe, crée son jouet
optique, le Praxinoscope, dont il dessine lui-même les vignettes, amusantes ou
poétiques. Le Praxinoscope rencontre tout de suite la faveur du public et le dernier
modèle permet même la projection des dessins sur un tout petit écran, car Reynaud
pense que son art ne peut atteindre son apogée qu’en reprenant l’effet magique des
lanternes lumineuses. Mais, comme pour tous les « jouets de salon », ses sujets
sont en boucle : le geste, la pirouette, la transformation, ne durent qu’une seconde.
En 1892, un an après les premiers films d’Edison, dont la durée n’est pas très longue
(20 à 30 secondes), Reynaud entreprend de fabriquer un projet ambitieux qui
l’obsède depuis quelque quinze années : une machine qui permettrait de projeter sur
un grand écran, en donnant l’illusion du mouvement, des dessins qui racontent une
vraie histoire d’une durée de deux à cinq minutes. Avec patience, il dessine et peint
plusieurs centaines de vignettes qui représentent les différentes attitudes de
personnages en mouvement, confrontés les uns aux autres, sur des carrés de
gélatine qu'il encadre de papier fort (comme le seront plus tard les diapositives) et
qu'il relie l'un à l'autre par des lamelles métalliques protégées par du tissu, le tout
d’une largeur de 70 mm. Sa technique est le début de ce que l’on appellera le dessin
animé, et le mouvement reconstitué classe bien son spectacle dans la catégorie des
films, donc du cinéma.
Charles-Émile Reynaud
Émile Reynaud projetant Pauvre Pierrot dans son Théâtre optique. Gravure de Louis Poyet.
Pauvre Pierrot, premier dessin animé de l'histoire (1892), première projection animée sur grand écran
devant un public payant rassemblé.
Durant l’automne 1894, lors d’un voyage à Paris, Antoine Lumière assiste à l’une des
projections animées du Théâtre optique d’Émile Reynaud au Musée Grévin, au no 10
du boulevard Montmartre. Puis il se rend à une démonstration du kinétoscope,
organisée à quelques centaines de mètres au no 20 du boulevard Poissonnière. Les
représentants d’Edison lui offrent un échantillon d’une trentaine de centimètres du
film de 35 mm perforé de l’industriel américain. « Émerveillé par le Kinétoscope
d'Edison »18, Antoine revient à Lyon, persuadé que le marché des machines
d’enregistrement et de représentation des vues photographiques en mouvement (le
mot anglais film, adopté pour la première fois par Thomas Edison en 1893 pour
désigner les pellicules impressionnées n'est pas encore connu) est à portée de main
et que ce marché est riche en promesses commerciales. Les projections du Théâtre
optique et les réactions du public l’ont convaincu aussi que l’avenir n’est pas dans
le kinétoscope, vu par un seul spectateur à la fois, mais dans une machine du type
de celle de Reynaud, projetant sur un écran des vues animées, devant un public
assemblé.
Le film souple est fabriqué par Eastman qui perçoit des droits industriels inclus dans
le prix de chaque métrage du support qu’il vend. Ce film lisse se doit d’être
transformé sur ses bordures pour que les griffes puissent s’engager dans des
perforations et assurer le passage précis d’un photogramme déjà impressionné à un
autre photogramme à impressionner. Mais les Lumière savent que les perforations
rectangulaires de type Edison ont fait l’objet de plusieurs brevets, et qu’elles sont une
réalité industrielle incontournable. Leur duplication serait un cas de contrefaçon de la
part des Lumière qu'Edison n'aurait pas hésité à poursuivre en justice. Pour éviter de
payer des droits à l’Américain, Louis Lumière dote leur film de perforations rondes,
disposées latéralement à raison d’une seule perforation de part et d’autre de chaque
photogramme19,16. Le film perforé Edison, plus performant, sera choisi mondialement
par les fabricants de pellicule comme format standard de prise de vues et de
projection dès 1903. À cette date, les Lumière se retireront de la course à la
production de films, car ils auront compris qu'un nouveau métier venait de naître, qui
nécessite des connaissances en dramaturgie, dont ils sont démunis. « Du reste,
l’exploitation du Cinématographe, comme spectacle animé, restait modeste
relativement à ce qu’elle sera lorsqu’elle réalisera une nouvelle forme du théâtre.
Une fois l’engouement de la nouveauté passé, du fait des représentations de la salle
du Grand Café, il ne resta sur les boulevards, à Paris, que trois ou quatre petites
exploitations, où leurs propriétaires faisaient de bonnes recettes, mais pas fortune
rapidement. En province, les grandes villes seules pouvaient avoir une salle de
cinéma, assurée de faire ses frais »20.
Fin 1895, les frères Lumière montent une série de projections payantes à Paris, dans
le Salon indien du Grand Café, au no 14 du boulevard des Capucines. Le premier
jour, 28 décembre 1895, seulement trente-trois spectateurs (dont deux journalistes)
viennent apprécier les diverses « vues »21,1. Le bouche à oreille aidant, en une
semaine la file d'attente atteint la rue Caumartin. Les projections se font à guichet
fermé et les séances sont doublées, le retentissement de ce succès qui, au fil des
mois, ne se dément pas, est mondial. Dix films, que Louis Lumière appelle des
« vues photographiques animées », constituent le spectacle, dont La Sortie de l'usine
Lumière à Lyon, La Place des Cordeliers à Lyon, Le Débarquement du congrès de
photographie à Lyon, Baignade en mer, des enfants plongeant dans les vagues, Les
Forgerons, à l’exemple d’Edison, mais avec de vrais forgerons et une vraie forge car
Dickson, pour les besoins du tournage, s’était contenté de reconstituer la forge avec
de simples figurants peu convaincants. Suivent deux scènes de famille avec un
bébé, la fille même d’Auguste Lumière, Le Repas de bébé et La Pêche aux poissons
rouges, puis deux « vues comiques », en fait des pitreries militaires, La Voltige et Le
Saut à la couverture, dans la tradition des comiques troupiers. La séance se termine
par le célèbre L'Arroseur arrosé (Le Jardinier), qui est en vérité la première fiction sur
pellicule photographique animée de l’histoire du cinéma, jouée par des comédiens
(les premières fictions du cinéma étant les pantomimes lumineuses dessinées
d’Émile Reynaud).
Thomas Edison comprend que la technique de projection sur grand écran
du cinématographe vient de sonner le glas de son kinétoscope. Son ingénieur Laurie
Dickson, dont il a repoussé les conseils, passe à la concurrence. Pressé par le
temps, Edison rachète à l’inventeur Francis Jenkins son appareil de projection sorti
en octobre 1895 sous le nom de Phantascope, qu’il adapte avec l’aide de
l’ingénieur Thomas Armat, et qu’il appelle le Vitascope. Edison peut alors projeter sur
grand écran les nombreux films qu’il a déjà fait enregistrer depuis 1893 avec
le kinétographe (148 titres)8. De son côté, Émile Reynaud maintient ses projections
au Musée Grévin. Il draine un demi-million de spectateurs, entre 1892 et 1900, ce qui
représente un beau succès pour une unique salle aux modestes dimensions.
Cependant, la concurrence toute proche du Grand Café l’atteint directement et il
réagit en essayant d’adapter à sa machine des bandes photographiques. Mais les
films Eastman sont en noir et blanc, et leur colorisation avec des vernis va à
l’encontre des teintes pastels des dessins délicats de Reynaud. À l’orée du XX siècle,
e
Émile Reynaud fait faillite. De désespoir, il détruit ses machines, revendues au poids
des matériaux. Quant aux bandes dessinées, il les jette dans la Seine. Une perte
irréparable… N’en réchappent que deux merveilles, Autour d'une cabine, et Pauvre
Pierrot22.
Naissance d'une industrie[modifier | modifier le code]
Pour varier les programmes, et surtout vendre leurs films et leur Cinématographe
(l'appareil même) aux riches particuliers, les frères Lumière alimentent leur fonds par
des « vues » que Louis fait tourner par des opérateurs envoyés dans le monde
entier. Les plus célèbres d’entre eux, Gabriel Veyre, Alexandre Promio, Francis
Doublier, Félix Mesguich enregistrent des bobineaux qui ne comptent qu’une unique
prise de vues, un seul plan. Exceptionnellement, ils arrêtent de « mouliner », afin
d'économiser la précieuse pellicule Eastman lors d’une scène qu’ils estiment
longuette, et ils reprennent un peu plus tard, créant ainsi deux plans dans le même
bobineau qui est ensuite coupé et recollé en éliminant les photogrammes surexposés
qui correspondent à l'arrêt et au redémarrage de la caméra. Prémices du montage ?
On peut affirmer que non, puisqu'il s'agit d'une simple réparation.
Georges Méliès
Alice Guy.
Après le refus poli d’Antoine Lumière, Georges Méliès ne s'avoue pas vaincu, ce
n'est pas son genre. Il se tourne vers ses amis anglais, Birt Acres et Robert William
Paul, inventeurs de la Kinetic camera qu'ils ont mise au point à peu près aux mêmes
dates que le cinématographe Lumière. Robert William Paul s'est fait une réputation
en fabriquant en Angleterre les contrefaçons du kinétoscope d'Edison. Cette fois, il
fournit à Méliès une caméra en modèle unique. Reste au Français à alimenter son
appareil avec de la pellicule, car Eastman n'approvisionne que très peu le marché
européen, et cela depuis la mise au point de la bande en celluloïd. « La pellicule était
rare à cette époque, elle nous était fournie en petites longueurs par la maison
Eastmann (sic) qui en chargeait ses kodaks et par Balagny, qui nous donnait des
bandes de collodion émulsionnées au gélatino-bromure, mais ne dépassant pas 1 m.
50 de longueur. Le nombre d’images obtenues était ainsi fort limité »23. Méliès réussit
à se procurer en Angleterre un stock de film Eastman 70 mm vierge et se lance dans
deux périlleuses opérations techniques qu'il mène lui-même, prestidigitation oblige ! Il
bricole une machine pour couper le précieux film en deux rubans de 35 mm. Puis,
avec une autre machine de sa fabrication, il crée une rangée de perforations
rectangulaires sur chaque bord de la pellicule. Son film est prêt à être impressionné.
Léon Gaumont, un industriel qui vend du matériel et des fournitures pour la
photographie, et qui a cru pour un temps au format 58 mm de Georges Demenÿ,
offre bientôt un catalogue foisonnant de bobineaux de cinéma 35 mm24. L'une de ses
employées, Alice Guy, a l'idée de créer des petits films promotionnels, et devient
ainsi la première femme cinéaste du monde25 : elle réalise elle-même des centaines
de bobineaux, dont une Passion (de Jésus) qui marque l'arrivée de la religion sur le
marché des salles obscures, et qui bénéficie d'un scénario célèbre et éprouvé :
le chemin de croix. Un nouveau venu arrive dans la course au succès : Charles
Pathé, un forain enrichi par ses présentations de films sur des kinétoscopes de
contrebande, qui décide d’envoyer des opérateurs à travers le monde, suivant
l’exemple de Louis Lumière, pour filmer des scènes typiques, toujours sous la forme
de bobineaux contenant une seule prise de vues 24. En peu de temps, avec l'aide de
son frère, sa société, Pathé-Cinéma, devient aussi puissante que les plus
importantes maisons de production américaines, que ce soit Edison
Studios ou Vitagraph Company. Son emblème triomphal est le coq gaulois, et l'est
encore aujourd'hui.
Un objectif, non pas marketing, mais macro-économique peut être également
poursuivi par les gouvernants d’un pays grâce au cinéma 26. Dans la préface de
l’ouvrage de Philippe d’Hugues, L’envahisseur américain. Hollywood contre
Billancourt, (1999), Hervé Lavenir de Buffon, Président du Centre d’études et
d’action européenne, considère que les Etats-Unis ont « la volonté de conquête
totale, non seulement du marché européen et mondial, mais - bien au-delà des
domaines du film, de la télévision, de la communication par l’image et le son – de
tout l’empire of mind que Winston Churchill désignait comme l’un des empires du
futur ».Cette volonté n’est pas nouvelle, elle remonte aux années vingt, époque au
cours de laquelle le Président Hoover déclarait : « Là où le film américain pénètre,
nous vendons davantage d’automobiles américaines, plus de casquettes, plus de
phonographes américains ».Que dire, pour finir, des films qui ne semblent pas a
priori véhiculer d’idéologie ? Jean-Loup Bourget 27semble considérer, dans un
chapitre entier qu’il consacre à l’idéologie, que tous les films en ont une part : « De
manière explicite ou sous-jacente, délibérément ou à leur insu, les films véhiculent
une idéologie, ils sont inscrits dans un contexte social et politique, national et
international, auquel ils ne sauraient entièrement échapper : faire un film d’évasion
est encore une façon de réagir à ce contexte, de même que l’ « apolitisme » est une
attitude politique parmi d’autres » (Bourget, 2002, p.149). Le contenu idéologique
n’est pas seulement le fait des cinéastes, il peut être également celui des
spectateurs, amateurs ou critiques, dès lors que ces derniers jugent qu’un film
propage, même de manière diffuse et implicite, certaines valeurs, par exemple
de l’American way of life, aux dépens d’autres valeurs, d’autres cultures (Bourget,
2002).
Naissance d’un langage[modifier | modifier le code]
Le studio de Méliès est entièrement vitré, le contraire de la Black Maria. À gauche : Méliès peignant un
élément de décor.