Vous êtes sur la page 1sur 2

Correspondance avec

Vasile Lovinescu, René


Guénon, non publié, 1934-
1940
p. 1

Le Caire, 9 juillet 1934


(poste restante, bureau central)

 
     Monsieur,
 
     
 
     Je viens de recevoir votre lettre transmise par M. Chacornac ; la distance où je me trouve
vous expliquera ce retard.
 
     C’est
bien volontiers que je vous donnerais l’autorisation que vous me demandez ; mais
malheureusement ce n’est pas moi qui ai qualité pour le faire, mes contrats stipulant que les
questions de traduction ne peuvent
être traitées qu’entre les éditeurs. Il faut donc que votre
éditeur s’adresse au mien, et je pense que la chose ne fera pas de difficulté. Seulement, il y a
en ce moment, précisément en ce qui concerne la “Crise
du Monde moderne”, une petite
complication : ce livre était aux éditions Bossard, et celles-ci ont été déclarées en faillite il y
a quelques mois ; après de longues négociations, je viens d’être avisé qu’on est arrivé à faire
reprendre mes ouvrages pour le compte d’un autre éditeur, mais je n’ai pas encore de détails
précis. Le mieux est donc que votre éditeur adresse sa demande à “M. l’éditeur de la Crise
du
Monde moderne”, sans autre indication, et qu’il l’envoie à un de mes amis, M. A. Préau,
42, rue Étienne Marcel, Paris (2e), qui s’occupe de cette affaire et se chargera de transmettre
la demande à son
destinataire ; je le préviens d’ailleurs en même temps. – En ce qui me

concerne, il est seulement spécifié dans les contrats que les autorisations ne peuvent être
données qu’à la condition que les traductions me soient soumises avant leur envoi à
l’impression ; là se borne tout mon droit d’intervenir en ces affaires.
 
     Je
vous remercie de ce que vous voulez bien me dire au sujet de mes ouvrages, et de ce
  que vous faites pour les faire connaître. Je souhaite
bon succès à votre projet de revue ; 
quant à la publication du “Roi du Monde” dans les conditions que vous dites, je ne vois pas
très bien comment la chose pourrait se faire, et je dois dire que, en principe, je
suis assez
opposé à l’idée de publier un livre par chapitres détachés ;
j’ai même toujours refusé de
donner par avance à des revues des chapitres de mes livres quand ils étaient en cours
d’impression.
 
     Ce
que vous dites au sujet des contes roumains est intéressant ; je n’ai jamais eu
l’occasion de rien voir de spécial à cet égard, et je serai heureux d’avoir les renseignements
que vous voulez bien me promettre.
 
     Pour
votre question concernant Bô Yin Râ, il est à peine besoin de dire que je ne peux
aucunement admettre sa prétention d’être un envoyé de la “Grande Loge Blanche” (?) ; je
l’ai d’ailleurs déclaré nettement dans les notes additionnelles de la 2e édition du
“Théosophisme” (p. 329). Il semble seulement, d’après certains rapprochements que j’ai pu
faire, qu’il ait été en relations avec une organisation qui a son origine en Asie centrale, mais
dont le niveau n’est pas des plus élevés.
Quant à ses livres, ignorant presque entièrement
l’allemand, je n’ai pu
lire que ceux qui ont été traduits en français ; je n’y ai trouvé ni erreurs
caractérisées, ni marques d’une connaissance réelle d’ordre transcendant ; c’est quelque
chose de plutôt “neutre”, et qui paraît assez inoffensif en comparaison de la plupart des
autres productions du même genre. – Un autre personnage qui, plus récemment, s’est
proclamé aussi “légat de la Grande Loge Blanche”, Nicolas Roerich, me paraît être
plus
dangereux à bien des points de vue. – Bien entendu, s’il y a d’autres questions précises
auxquelles je puisse répondre à ce sujet, dites-le moi, et je le ferai avec plaisir.
 
     Croyez, je vous prie, Monsieur, à mes distingués sentiments.

René Guénon

Vous aimerez peut-être aussi