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LA MESURE DE LA SATISFACTION AU TRAVAIL

Chapter · January 2011

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Davy Castel Annick Durand-Delvigne


Université de Picardie Jules Verne Université de Lille
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Note : chapitre d'ouvrage publié dans :
Castel, D., Durand-Delvigne, A. & Lemoine, C. (2011). La mesure
de la satisfaction au travail. Dans : P. Desrumaux, A. M. Vonthron
& S. Pohl (Eds.), Qualité de vie, risques et santé au travail
(pp.160-171). L'Harmattan, Paris.

LA MESURE DE LA SATISFACTION AU TRAVAIL

CASTEL Davy*, DURAND-DELVIGNE Annick*,


LEMOINE Claude*
* Université Lille 3 Villeneuve d'Ascq,
davy.castel@univ-lille3.fr

Résumé : Nous traitons des forces et faiblesses des méthodes de


mesure de la satisfaction au travail. Les avantages et
inconvénients des questionnaires, par comparaison avec les
méthodes basées sur entretiens, sont présentés. Puis nous
examinons la validité des mesures quantitatives directes
(globales, composites et mixtes) au regard de deux critères :
l'exhaustivité des déterminants inclus dans le questionnaire et
leur pondération. Les mesures indirectes sont ensuite analysées,
et nous tentons de montrer que des insuffisances au niveau de
l'opérationnalisation permettent d'expliquer les limites
empiriques observées lors de leur utilisation. Enfin, nous
terminons par un exposé des mécanismes d'emprise à l'œuvre
lorsque des études de satisfaction au travail sont réalisées, et des
précautions à prendre pour en réduire les effets néfastes.

1
1. Introduction et fondements théoriques
La satisfaction au travail est généralement conceptualisée
comme la résultante de la congruence entre deux dimensions,
les attentes c'est-à-dire les représentations qu'a l'individu de ce
que doit ou devrait être son travail, et le travail vécu c'est-à-dire
les représentations qu'a l'individu de ce qu'est son travail
(Edwards, 1991 ; Ripon, 1983 ; Scarpello & Campbell, 1983).
Plus faible est la distance entre ces deux dimensions, plus il y a
congruence, et plus la satisfaction est importante. A l'inverse,
plus l'écart entre ces deux dimensions est grand, plus il y a
incongruence, et plus l'insatisfaction augmente.
Différents niveaux de satisfaction au travail peuvent être
distingués : la satisfaction globale, correspondant à la
satisfaction vis-à-vis du travail dans sa globalité mais aussi la
satisfaction vis-à-vis des différents déterminants, c'est-à-dire
des aspects qui composent le travail. Depuis la théorie bi-
factorielle d'Herzberg (1978), les déterminants sont
généralement classés en deux catégories : les facteurs
intrinsèques liés à l'activité de travail elle-même (ex : intérêt du
travail, autonomie), et les facteurs extrinsèques liés à
l'environnement dans lequel cette activité se réalise (ex : salaire,
conditions de travail).

2. Pourquoi mesurer la satisfaction au travail ?


L'analyse de la satisfaction au travail est un outil de
connaissance des effets du travail et de ses caractéristiques sur
le bien-être et la satisfaction des aspirations des salariés.
L'analyse des facteurs qui contribuent le plus à rendre satisfait
ou insatisfait est un point de départ pour permettre l'adaptation
du travail aux personnes. Cette démarche, et cela fait le lien
avec la question du comment mesurer la satisfaction /
insatisfaction, situe donc l'analyse au niveau des déterminants,
guidée par la recherche d'améliorations opérationnelles. En
d'autres termes et cela conditionnera le choix des outils,

2
l'analyse de la satisfaction au travail doit nous permettre de
répondre à la question : sur quoi agir prioritairement pour que le
travail convienne mieux aux aspirations de celles et ceux qui
l'exercent ?
On justifie généralement auprès des managers et chefs
d'entreprise le fait de chercher à augmenter la satisfaction /
diminuer l'insatisfaction par le fait que cela entraînera des
conséquences positives sur l'efficacité et la productivité au
travail. Effectivement, la satisfaction au travail diminue le turn-
over (Tett & Meyer, 1993) et l'absentéisme (Yates & Jones,
1998) mais ce n'est jamais le premier facteur explicatif : le turn-
over dépend d'abord des conditions économiques et de la
possibilité de retrouver un emploi, tandis que l'absentéisme est
d'abord conditionné par les normes subjectives, à quel point est-
il admissible ou non dans un collectif de travail donné d'être
absent. On peut faire le même constat sur le lien entre
satisfaction et performance qui est relativement faible dans la
plupart des études réalisées (Iaffaldano & Muchinsky, 1985).
Comment expliquer la faiblesse de ces liens ? Si la satisfaction
au travail favorise effectivement la performance, on a cependant
nombre d'exemples dans le monde du travail qui témoignent du
fait qu'il est possible d'obtenir la performance sans satisfaction
(les centres d'appels en sont peut-être l'exemple le plus
emblématique). Par conséquent, au delà de conséquences
positives éventuelles, c'est d'abord parce que l'analyse de la
satisfaction au travail doit s'inscrire dans les pratiques à mettre
en place par l'employeur pour répondre à l'obligation de résultat
en matière de santé au travail (article L4121-1 du Code du
Travail) qu'elle doit être mise en œuvre.

3
3. Comment mesurer la satisfaction au travail ?

3.1Entretiens ou questionnaires ?
Le premier choix à effectuer lorsque l'on a pour objectif
de mener une analyse de la satisfaction au travail, est celui entre
l'utilisation de questionnaires et l'utilisation d'entretiens (la
plupart du temps semi-directifs). L'analyse quantitative peut
s'avérer nécessaire pour plusieurs raisons (Aguinis, Henle &
Ostroff, 2001 ; Spector, 2001). Premièrement, pour avoir une
vue d'ensemble sur des échantillons de grande taille et pouvoir
s'adresser à l'ensemble de la population visée, l'entretien étant
nettement plus chronophage pour l'enquêteur comme pour les
individus au travail (King, 2004). Ensuite, pour quantifier plus
aisément les phénomènes observés (ce qui est souvent une
demande des entreprises). Enfin, et surtout, pour questionner
l'ensemble des aspects du travail des individus et réduire ainsi
les risques d'obtenir une vue partielle ou partiale. Lorsque l'on
procède par entretien peu directif, les éléments qui ressortent de
l'analyse sont ceux que la personne a à l'esprit à ce moment-là ;
il existe donc un risque important d'omission et une forte
dépendance aux évènements qui précèdent immédiatement
l'entretien (biais attentionnels). De plus, la personne peut
volontairement ne pas aborder certains aspects durant l'entretien
(biais motivationnels), tandis que dans le questionnaire on
demandera aux répondants de se positionner sur l'ensemble des
aspects de leur travail. Cela ne signifie pas pour autant que le
questionnaire est un outil parfait, notamment, parce qu'il oblige
à des réponses univoques, là où les attitudes sont souvent plus
polydoxes et nuancées que la simple réponse à des échelles
Likert ne le laisse penser (King, op.cit. ; Spector, op.cit.).
Si on fait le choix de l'utilisation de questionnaires,
plusieurs types de mesure sont à disposition. Nous traiterons
des mesures directes dans un premier temps puis des mesures
indirectes dans un second temps.

4
3.2 Mesures quantitatives directes de la satisfaction
au travail

3.2.1 Présentation des outils de mesure à


disposition
Il faut d'abord distinguer les mesures globales, qui
mesurent la satisfaction / insatisfaction vis-à-vis du travail en
général sans référence à des aspects particuliers, des mesures
composites ou mixtes qui mesurent la satisfaction sur différents
aspects qui composent le travail. La différence entre les mesures
composites et mixtes tient dans le fait que dans les mesures
composites on considère que la satisfaction globale est la
somme de la satisfaction sur les différents déterminants, tandis
que dans les mesures mixtes on associe mesures à facettes et
mesure globale. En ce qui concerne les outils validés les plus
fréquemment utilisés, on peut citer au niveau des mesures
globales la Job in General Scale (JGS – Ironson, Smith,
Brannick, Gibson & Paul, 1989) et l'échelle en un item de Van
de Ven & Ferry (1980). Au niveau des mesures composites on
peut citer l'Inventaire de Satisfaction Appliqué aux Cadres
(ISAC – Francès, 1983), l'Inventaire de Satisfaction au Travail
(IST – Larouche, 1975), ou le Minnesota Satisfaction
Questionnaire (MSQ – Weiss, Dawis, England & Lofquist, 1967
– traduction en langue française par Roussel, 1996). Enfin, au
niveau des mesures mixtes on peut citer le Job Diagnostic
Survey (JDS – Hackman & Oldham, 1975) et le Job Descriptive
Index (JDI – Smith, Kendall & Hulin, 1985 – traduction en
langue française par Mogenet, 1988) associé à la JGS. La
majorité de ces outils ont été construit dans les années 70 et 80,
peu de travaux ont depuis été menés sur la mesure de la
satisfaction au travail (Judge, Parker, Colbert, Heller & Ilies,
2001), qu'il s'agisse d'améliorer les outils existants, d'en créer de
nouveaux, ou de produire une synthèse de leurs avantages et
inconvénients respectifs. Deux critères permettent d'apprécier la

5
validité de contenu de ces outils de mesure (Aguinis & al,
2001): l'exhaustivité et la pondération des déterminants.

3.2.2 1er critère de choix des outils :


l'exhaustivité des déterminants
Le premier critère de choix parmi ces outils est l'exigence
d'exhaustivité des déterminants inclus dans le questionnaire.
Nous disions précédemment que l'analyse de la satisfaction au
travail doit nous permettre de répondre à la question : sur quoi
agir prioritairement pour changer le travail, afin qu'il
corresponde mieux aux attentes des salariés ? De ce point de
vue, les mesures globales se révèlent insuffisantes, ne
permettant pas de savoir à quoi attribuer le niveau global
observé ni sur quels leviers agir. Les informations obtenues
seront plus nombreuses en utilisant les mesures composites ou
mixtes les plus exhaustives quant aux aspects du travail
questionnés. Les aspects intrinsèques et extrinsèques du travail
susceptibles d'exercer une influence sur la satisfaction et
l'insatisfaction au travail sont nombreux. Ainsi, au niveau des
aspects intrinsèques il faudra intégrer dans le questionnaire des
items sur les responsabilités exercées, la considération obtenue,
l'intérêt pour le travail, l'autonomie et les possibilités
d'initiatives, l'utilisation des compétences, le sentiment
d'accomplissement, l'utilité du travail, la diversité des tâches ou
encore la charge de travail (Herzberg, 1978 ; Ritter & Anker,
2002 ; Spector, 1997). Au niveau des déterminants extrinsèques
on intègrera des items sur la culture d'entreprise, les conditions
de travail, les relations avec les collègues et les supérieurs, la
sécurité de l'emploi, le salaire, les possibilités d'évolution, le
temps de travail et les horaires, la sécurité au travail, le statut et
le rôle dans l'entreprise, le prestige de l'emploi, l'environnement
externe de l'entreprise (ex : stabilité économique), l'équilibre
entre la vie privée et professionnelle ou encore les possibilités
d'entraide au sein du collectif de travail (Herzberg, 1978 ; Ritter

6
& Anker, 2002 ; Spector, 1997). En intégrant ces déterminants,
on pourra obtenir un questionnaire de base commun à
l'ensemble des activités professionnelles. Cependant, il sera
également nécessaire d'adapter le questionnaire au métier
examiné pour être réellement exhaustif. Par exemple, si l'on
mène une analyse de la satisfaction au travail auprès des
enseignants du secondaire, il conviendra d'introduire des items
sur les relations avec les élèves et leur famille.

3.2.3 2nd critère de choix des outils : la


pondération des déterminants
Tous les déterminants n'ont pas la même importance pour
un individu, et d'un individu à l'autre. Non seulement un
individu peut considérer que son salaire a nettement plus
d'importance que sa charge de travail, mais son collègue peut
considérer que sa charge de travail a nettement plus
d'importance que son salaire. Or l'importance accordée à un
aspect du travail détermine l'impact de ce dernier sur le niveau
global de satisfaction ou d'insatisfaction. Ainsi, parce qu'elles
mettent tous les déterminants sur le même plan, les mesures
composites classiques ne permettent pas d'obtenir une mesure
valide du niveau de satisfaction globale (Ironson & al, 1989 ;
Castel, Durand-Delvigne & Lemoine, à paraître) : celle-ci ne
correspond pas à la somme de la satisfaction sur les différentes
facettes. Il faut donc prendre en compte l'importance accordée
aux déterminants. Dans ce but, on peut s'appuyer sur les
mesures mixtes, et étudier les corrélations entre la satisfaction
globale et la satisfaction sur les différentes facettes, en
considérant l'ampleur de ces corrélations comme un indicateur
de l'importance des facettes. Cependant, cette méthode présente
des limites sérieuses (les corrélations obtenues étant fort
proches les unes des autres et ne dépassant jamais .40), du fait
notamment de la variabilité inter-individuelle dans l'importance
accordée aux déterminants qui conduit à réduire fortement la

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validité de telles corrélations. Il sera donc préférable de mesurer
directement l'importance accordée aux déterminants par chaque
individu, en établissant des mesures composites pondérées.

3.2.4 Préconisations
La plupart des questionnaires de satisfaction validés
existant intègrent un nombre trop restreint de déterminants
(Parker & Wall, 2001). Pour obtenir une mesure exhaustive de
la satisfaction au travail on pourra utiliser la traduction
française du MSQ version courte (Roussel, 1996) et y ajouter
les items de l'IST (Larouche, 1975) qui ne s'y trouvent pas :
communication interne, participation aux décisions, équité
perçue, modalités d'évaluation du travail, etc.. On mènera
également des entretiens préparatoires avec des membres du
personnel de l'entreprise considérée pour identifier et intégrer
les aspects du travail spécifiques au métier examiné. Enfin, on
pourra également ajouter un cadre "remarques et suggestions"
pour compenser la perte d'information liée à l'utilisation
d'échelles Likert et permettre aux répondants d'apporter des
nuances. Pour établir la pondération des déterminants, on
introduira une mesure de l'importance accordée aux
déterminants portant sur les mêmes items que ceux du
questionnaire de satisfaction, mais posant cette fois-ci la
question de l'importance accordée à chaque aspect, de tout à fait
secondaire à tout à fait prioritaire. On pourra utiliser un indice
de pondération permettant d'augmenter la validité de la mesure
composite de satisfaction au travail. Cette méthode est
relativement coûteuse, à cause de la nécessaire adaptation au
métier examiné et du double-questionnaire (satisfaction +
importance), mais elle est nettement plus informative et a priori
plus valide (des études sont actuellement menées pour évaluer
le gain de validité concourante suite à l'introduction de la
pondération dans les mesures composites).

8
3.3 Mesures indirectes de la satisfaction au travail

3.3.1 Présentation des outils de mesure et


indices existants
Les outils de mesure indirects de la satisfaction au travail
visent à inférer le niveau de satisfaction / insatisfaction globale
à partir de la mesure de la congruence entre les deux
dimensions que sont les attentes et les perceptions du travail
vécu. Pour mesurer les attentes, les outils tels que le Minnesota
Importance Questionnaire (Gay, Weiss, Handel, Dawis &
Lofquist, 1971) mesurent l'importance accordée aux
déterminants par l'individu. Pour mesurer les perceptions du
travail, les outils tels que le Minnesota Job Descriptive
Questionnaire (Borgen, Weiss, Lofquist, Dawis & Tinsley,
1968) mesurent la place donnée à ces mêmes déterminants dans
l'activité. Plus la distance entre ces deux dimensions est faible,
plus il y a congruence, et plus la satisfaction est élevée. A
l'inverse, plus l'écart augmente, plus l'incongruence est grande
et plus l'insatisfaction est élevée. Plusieurs indices peuvent être
utilisés pour mesurer le niveau de congruence entre les deux
dimensions, la corrélation de Pearson ainsi que différentes
mesures de distance entre les réponses (somme des différences
algébriques, des différences absolues, des carrés des
différences, etc..).

3.3.2 Limites empiriques et tentatives


d'explications
On constate d'importantes limites empiriques lors de
l'utilisation des mesures indirectes, puisque les études montrent
des liens très modérés entre les indices de congruence et la
satisfaction au travail (Scarpello & Campbell, 1983). Ces
résultats empiriques peu probants signifient-ils l'inadéquation

9
du modèle théorique, ou proviennent-ils d'insuffisances au
niveau de l'opérationnalisation ?
On peut en effet faire plusieurs remarques au niveau de
l'opérationnalisation. D'abord il y a nécessité de distinguer les
différents types de congruence et d'incongruence, ce que ne font
pas la plupart des indices présentés ci-dessus. Car si la
congruence entre des attentes élevées et une perception positive
de la situation est effectivement vectrice de satisfaction, la
congruence entre des attentes faibles et une perception négative
de la situation n'entraîne pas de satisfaction : d'aucuns peuvent
considérer leur salaire secondaire, ne vont pas pour autant se
satisfaire de percevoir un mauvais salaire. De la même façon, si
l'incongruence entre des attentes élevées et une perception
négative de la situation est effectivement porteuse
d'insatisfaction, l'incongruence entre des attentes faibles et une
perception positive de la situation ne provoque pas
d'insatisfaction : d'aucuns peuvent considérer leur salaire
secondaire, ne vont pas pour autant être insatisfait de percevoir
un bon salaire. D'autres limites se situent au niveau de
l'opérationnalisation des deux dimensions elles-mêmes.
L'importance accordée aux déterminants ne correspond pas aux
attentes vis-à-vis de ce déterminant. Prenons une fois encore
l'exemple du salaire. Les attentes vis-à-vis du salaire
correspondent au montant que l'individu veut percevoir, qu'il va
comparer au montant qu'il perçoit effectivement, et déterminer
en fonction de l'écart s'il en est satisfait ou non. L'importance
accordée au salaire n'entre pas directement dans la comparaison,
mais détermine l'impact du niveau de congruence sur cet aspect
sur le niveau de satisfaction ou d'insatisfaction globale. La
formule mathématique exprimée par Ripon (1983) permet de se
représenter efficacement la différence entre les attentes (A) et la
valence (V), ou l'importance des déterminants : S = 1 - ∑ [(A –
O) * V]. Les outils tels que le MIQ ne mesurent pas (A – O) * V
mais (V – O). Des remarques similaires au niveau des
perceptions du travail vécu : pour pouvoir répondre vrai ou faux

10
à des items tels que "j'ai de bonnes conditions de travail" ou "je
trouve que mon travail est intéressant" (traductions d'items du
MJDQ), l'individu doit activer ses représentations, ses attentes
de ce qu'est pour lui un travail intéressant et les comparer à son
vécu de travail. Ces items ne constituent donc pas une simple
mesure des perceptions (O), mais déjà une mesure de
congruence subjective entre attendu et perçu (A – O). Une
preuve de ces défauts de construction est la très forte similarité
entre le MJDQ et le JDI, mesure directe de satisfaction au
travail. Une autre est que les mesures de perception du travail
seules sont au moins aussi prédictive de la satisfaction globale
(Jackson, Potter & Dale, 1998) que les indices de congruence.

3.4 Mode d'insertion du questionnement sur le


terrain

3.4.1 Mécanismes d'emprise


Nous ne pouvons terminer cet exposé sur les méthodes de
mesure de la satisfaction au travail sans aborder le sujet du
mode d'insertion du questionnaire sur le terrain d'étude, car le
meilleur des outils n'a aucune validité s'il est administré de
façon inadéquate. La situation de questionnement provoque
nécessairement une forme d'emprise sur les individus (Lemoine,
2007). A leur tour, les répondants peuvent y réagir par une
réaction de contre-emprise (Lemoine, op.cit.), de contre-
pouvoir qui va déterminer leurs stratégies de réponse : sincérité,
ou au contraire valorisation de soi, désirabilité sociale, rétention
d'information.. Stratégies de réponse qui vont notamment
dépendre des finalités perçues de l'étude et de l'utilisation qui
est faite des données recueillies. La contre-emprise n'est par
ailleurs pas le seul mécanisme à agir en situation de
questionnement. On constate également un phénomène d'auto-
emprise (Lemoine, op.cit.) caractérisé par le fait que l'individu

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porte son attention sur son comportement (les réponses qu'il
donne au questionnaire) et tente de le réguler ; auto-emprise qui
va notamment dépendre du niveau de contre-emprise activé.
Ces mécanismes peuvent-être à l'origine d'un écart entre la
satisfaction / insatisfaction déclarée, mesurée, et la satisfaction /
insatisfaction réellement ressentie.

3.4.2 Précautions et obligations en découlant


Les mécanismes d'emprise en situation de
questionnement contraignent à un certain nombre de
précautions. Il s'agit d'abord de diminuer l'emprise évaluative au
profit d'une emprise analytique (Lemoine, 2007) afin que les
personnes n'aient pas le sentiment d'être jugées. Il s'agit
également d'instaurer un climat de confiance ce qui signifie bien
évidemment de respecter l'anonymat ou la confidentialité mais
aussi le volontariat : l'accord des directions n'est pas suffisant
pour distribuer les questionnaires, il est évidemment nécessaire
de demander l'accord des participants eux-mêmes. Pouvoir
instaurer un rapport de confiance implique également de se
présenter aux participants, et de donner et récupérer directement
les questionnaires sans intermédiaires. Il est par ailleurs
nécessaire de favoriser un haut niveau d'implication de la part
des répondants (Lemoine, op.cit.) en développant l'utilité perçue
de la recherche (transmission du compte-rendu, suites à donner
au diagnostic, etc..), ce qui sera d'autant plus évident que celle-
ci répond à une demande de l'entreprise mais même dans le cas
contraire (visée de recherche) cet aspect est important, non
seulement d'un point de vue déontologique, mais aussi pour la
validité des réponses obtenues. Enfin, il s'agit de favoriser la
recherche d'informations sur soi, de façon à ce qu'elle
apparaisse comme une opportunité et non comme un danger
pour les participants (Lemoine, op.cit.). On pourra établir un
post-test pour vérifier les conditions d'emprise, où l'on demande
aux participants s'ils se sont sentis mis en confiance, en capacité

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de donner des réponses sincères, etc.. Mais bien évidemment, il
faudra interpréter avec prudence des mesures auto-rapportées
sur des questions de ce type (si les personnes n'ont pas répondu
en toute sincérité avant, il n'y a pas de raison qu'elles le fassent
au post-test). Les modalités de passation à éviter absolument
sont les passations en interne par le biais de la voie
hiérarchique, car dans ces conditions l'emprise et la contre-
emprise sont à leur paroxysme, et l'on ne pourra obtenir que des
réponses de façade. La passation hors l'entreprise (ex :
séminaires de cadres) peut diminuer la contre-emprise (Francès,
1983), mais peut également diminuer l'utilité perçue et
l'implication des répondants.

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