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Qualité de vie au travail

Chapter · January 2012

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QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL

P. BRUNAULT, E. FOUQUEREAU, N. GILLET

Le concept de Qualité de Vie au Travail (QVT) s’est progressivement développé au


début des années 1960 avec l’idée qu’une amélioration de la QVT des employés pourrait
permettre à la fois une amélioration de leur productivité et de leur bien-être, via notamment
une meilleure prise en compte de leur besoins (Laflamme, 1994). Selon Laflamme, la QVT
met l’accent sur les rapports entre les personnes et leur travail, en reconnaissant que le travail
est une activité qui possède un sens propre et que le milieu de travail n’est pas simplement un
système technique, mais également une organisation complexe dite sociale (Laflamme, 1994).
La notion de QVT évoque donc une façon de concevoir le travail et l’organisation du travail,
fondée sur des principes qui tiennent compte de la personne. Elle désigne un mode de vie
mettant en valeur l’être humain plutôt que les objets.
Dans le domaine des soins, si les chercheurs ont longtemps ciblé leurs analyses sur les
indicateurs négatifs de la santé au travail (e.g., stress, burnout, détresse émotionnelle) et leurs
conséquences néfastes (Gauci & Norman, 1997), quelques travaux récents ont souligné la
dimension limitée de ces approches, qui ne se focalisent que sur les soignants en difficulté, et
proposé une approche plus holistique de la santé au travail (Delmas, Escobar, & Duquette,
2001). Un certain nombre de recherches consacrées à l’étude des déterminants de la santé des
personnels s’inscrivent-elles désormais dans le champ plus global de la QVT, qui est un
construit distinct mais complémentaire des habituels indicateurs négatifs de la santé au travail
(e.g., stress, burnout, détresse émotionnelle). L’étude de la QVT et des facteurs permettant
son amélioration est importante, car elle peut favoriser le développement d’interventions
organisationnelles et/ou individuelles visant non seulement à améliorer le bien-être des
employés ou des soignants, mais également à limiter le turn-over des employés ou des
soignants, contribuant ainsi à améliorer l’efficacité de l’organisation.

I Définition

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la qualité de vie peut se définir comme « la


perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du
système de valeurs dans lesquelles il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses
normes et inquiétudes » (Organisation Mondiale de la Santé, 1993). Le concept de qualité de
vie est donc un concept à la fois perceptuel et subjectif, mais également multidimensionnel,
puisqu’il prend en compte les dimensions physiques, psychologiques, sociales et culturelles
de ces perceptions (Organisation Mondiale de la Santé, 1993).
Si Lawler constatait en 1975 l’absence de définition claire et largement admise de la
qualité de vie au travail (QVT) (Laflamme, 1994), de nombreuses définitions et instruments
de mesure ont pu être développés depuis (pour une revue de la littérature de ces définitions,
consulter les articles de Martel & Dupuis, 2006 et de Vagharseyyedin et al., 2011). Si toutes
les définitions de la qualité de vie reconnaissent l’existence de trois points consensuels (la
qualité de vie est un construit subjectif ; elle se doit d’intégrer des aspects organisationnels,
individuels et sociaux ; le travail a une influence sur les autres domaines de vie et fait partie
intégrante de la qualité de vie générale), il importe de bien préciser à quelle définition de la
QVT l’on fait référence lorsqu’on étudie ce construit (Martel & Dupuis, 2006). En effet, bien
que le concept de QVT se distingue des concepts de bien-être psychologique (Gillet et al., In
Press), de satisfaction au travail, de climat organisationnel, de stress au travail ou encore
d’engagement au travail, de nombreuses définitions et outils de mesure incluent ces variables
pour opérationnaliser ce construit (Vagharseyyedin et al., 2011). Avant d’étudier plus
précisément le concept de QVT, il convient de définir ces concepts proches mais néanmoins
distincts. Ainsi, le bien-être psychologique se définit comme une expérience subjective de
nature positive, à connotation principalement eudémonique (concept qui fait référence à la
fois aux notions de réalisation de son plein potentiel et d’autodétermination), qui se construit
tant à travers soi-même qu’à travers ses relations interpersonnelles au travail et l’interaction
avec son organisation (Ryan & Deci, 2001). La satisfaction au travail correspond quant à elle
à un état émotionnel positif ou plaisant de l’évaluation faite par une personne de son travail ou
de ses expériences de travail (Locke, 1976). Enfin, l’engagement au travail correspond à un
état d’esprit positif relatif au travail qui se caractérise par de la vigueur, du dévouement et le
fait d’être absorbé dans son travail. L’engagement fait référence à un état cognitif et affectif
généralisé et durable plutôt qu’à un état momentané et spécifique à un objet, un événement,
un individu ou un comportement (Schaufeli & Bakker, 2003).

De ce fait, nous nous limiterons dans la deuxième partie de ce chapitre à la description


de deux outils de mesure de QVT ayant défini celle-ci de manière précise (distinctement des
autres concepts mentionnés ci-dessus), à savoir l’échelle de QVT d’Elizur et Shye et
l’Inventaire Systémique de Qualité de Vie au Travail (Martel & Dupuis, 2006). Nous
décrirons par la suite quels sont les facteurs pouvant influencer la QVT. Enfin, nous
détaillerons quelles peuvent être les conséquences bénéfiques d’une bonne qualité de vie au
travail.

II Outils d’évaluation des composantes de la qualité de vie au travail


1) Échelle de QVT d’Elizur et Shye

L’échelle de QVT d’Elizur et Shye a été développée en 1990 (Elizur & Shye, 1990) et
traduite dans sa version française par Delmas et al., 2001. Selon l’approche développée par les
concepteurs de cet outil, la QVT correspond au niveau d’efficacité personnelle perçue par les
personnes dans quatre domaines de leur activité professionnelle : domaine physique,
psychologique, social et culturel.
La validation française de cette échelle en 16 items a été réalisée auprès d’infirmiers
travaillant en réanimation. Selon Delmas, la version française de l’outil possède des propriétés
psychométriques satisfaisantes, à savoir une bonne consistance interne (=0.91), une bonne
validité test-retest (0.90) et une structure factorielle conforme à celle de la version originale.
Ces bonnes propriétés psychométriques ont également été confirmées auprès d’infirmiers
travaillant en hémato-oncologie (Pronost et al., 2008, 2011) et en psychiatrie (Brunault et al.,
2012). Cet outil comporte 16 items évalués à l’aide d’une échelle de Likert allant de 1 « très
peu » à 6 « en très grande partie ». Cet outil permet le calcul d’un score de qualité de vie
global (score entre 16 et 96) et pour chacune de ses quatre dimensions (chacun variant entre 4
et 24).

2) L’Inventaire Systémique de Qualité de Vie au Travail (ISQVT)

L’Inventaire Systémique de Qualité de Vie au Travail (ISQVT) a été développé par Martel
& Dupuis (2006). Cet outil a pour but à la fois de fournir un diagnostic organisationnel
permettant de cibler les domaines problématiques, et de servir de base à l’élaboration d’un
plan d’intervention visant à résoudre ou prévenir les problèmes rencontrés. Le concept de
qualité de vie au travail auquel fait référence cet outil repose sur deux postulats de base : 1)
dans chaque domaine de vie au travail, le but ou l’objectif de nos actions est d’essayer d’être
heureux ; 2) par conséquent, nos comportements visent à réduire le plus possible l’écart entre
notre situation actuelle et les objectifs que l’on se fixe. Ainsi, l’ISQVT repose sur la définition
de la qualité de vie au travail suivante : « la qualité de vie au travail, à un temps donné,
correspond au niveau atteint par l’individu dans la poursuite dynamique de ses buts
hiérarchisés à l’intérieur des domaines de son travail où la réduction de l’écart séparant
l’individu de ses objectifs se traduit par un impact positif sur la qualité de vie générale de
l’individu, sur la performance organisationnelle et, par conséquent, sur le fonctionnement
global de la société ».
L’ISQVT consiste en 34 items pour lesquels le sujet doit indiquer à l’aide d’une échelle
visuelle analogique sa situation actuelle, sa situation désirée, ainsi que l’importance qu’il
accorde à chacun des 8 sous-domaines concernés (rémunération, cheminement professionnel,
horaire de travail, climat avec les collègues, climat avec les supérieurs, caractéristiques de
l’environnement physique, soutien apporté à l’employé, facteurs qui influencent
l’appréciation des tâches). Cet outil permet de comparer le score de chaque individu et pour
chaque sous-domaine à un score moyen obtenu à l’aide d’un échantillon de 3000 employés.
Cet outil permet également de calculer un score global de qualité de vie au travail. Cet outil
possède une bonne validité de contenu, une bonne validité de construit (comparativement à la
satisfaction au travail, la détresse psychologique, le stress au travail et la qualité de vie
générale), une bonne cohérence interne et une bonne validité discriminante (Martel & Dupuis,
2006).

III Facteurs pouvant influencer la qualité de vie au travail

Selon Gershon et al. (2007), trois types de facteurs influencent la qualité de vie au travail : les
caractéristiques individuelles des employés, les caractéristiques organisationnelles et les
conditions de travail.
1) Caractéristiques individuelles
Dans ce chapitre, nous nous focaliserons plus particulièrement sur certaines
caractéristiques socio-démographiques (âge, sexe, statut marital), mais également sur
certaines caractéristiques individuelles pouvant être modifiées via des interventions
spécifiques, telles que les stratégies d’ajustement (ou stratégies de coping) et la hardiesse.

a. Caractéristiques socio-démographiques des employés

Si l’impact du genre et du niveau éducatif sur la QVT reste discuté, le statut marital
semble avoir un impact bénéfique sur la QVT (Vagharseyyedin et al., 2011). Dans une étude
réalisée auprès d’infirmiers en psychiatrie, la QVT était significativement plus faible chez les
infirmiers plus jeunes et ayant une moindre ancienneté en psychiatrie (Brunault et al., 2012).

b. Coping

Le terme coping, issu de l’anglais « to cope » (signifiant littéralement « faire face »),
peut également être défini comme une (des) « stratégie(s) d’ajustement » (Bruchon-
Schweitzer, 2001). Selon Lazarus (1966), le coping désigne un ensemble de réactions et de
stratégies élaborées par les individus pour faire face à des situations stressantes. Le
coping a deux fonctions principales : il peut permettre de modifier le problème qui est à
l’origine du stress, il peut permettre de réguler les réponses émotionnelles associées à ce
problème (Bruchon-Schweitzer, 2001). Parmi les différentes stratégies de coping, il existe
trois stratégies de coping principales : le coping centré sur le problème (qui vise à réduire les
exigences de la situation et/ou augmenter ses propres ressources pour mieux y faire face), le
coping centré sur l’émotion (qui vise à gérer les réponses émotionnelles induites par la
situation) et le coping centré sur la recherche de soutien social (qui implique des efforts pour
solliciter et obtenir l’aide d’autrui).
D’après Pronost et al. (2008), les sujets ayant une bonne QVT développent plus
fréquemment des stratégies de coping centrées sur le problème et sur la recherche de soutien
social, et moins fréquemment des stratégies de coping centrées sur l’émotion.

c. Hardiesse

La hardiesse (« hardiness ») correspond à une ressource personnelle permettant aux


personnes de demeurer en bonne santé dans un univers pourvoyeur de nombreux stresseurs
(Maddi & Kobasa, 1984). La hardiesse est un concept multidimensionnel qui inclut à la fois le
fait de s’impliquer dans les actions entreprises ou les situations rencontrées (sens de
l’engagement), de voir le changement comme un défi (sens du défi) et d’avoir un contrôle sur
sa vie (sens de la maîtrise) (Maddi & Kobasa, 1984).
Delmas et al. (2004) ont démontré qu’un programme d’amélioration de la hardiesse en
population infirmière s’accompagnait d’une amélioration de leur QVT, d’une diminution de
l’intensité du stress perçu et d’une modification des stratégies de coping des soignants (plus
grande fréquence des stratégies centrées sur le problème et de recherche de soutien social,
moindre fréquence des stratégies d’évitement).

2) Caractéristiques organisationnelles
Du point de vue théorique, les modèles conceptuels de Lawler (1986) et de Wils et al.
(1998) suggèrent quatre processus ou grappes de pratiques susceptibles d’améliorer la QVT :
le partage de l’information, le développement des compétences, le partage du pouvoir et les
systèmes de reconnaissance. La qualité de la mise en œuvre de ces pratiques aurait un effet
déterminant sur la satisfaction et le niveau d’implication des salariés, affectant également la
QVT. Dans ce chapitre, nous développerons trois concepts qui sous tendent des pratiques
managériales et des caractéristiques organisationnelles susceptibles d’améliorer la QVT des
employés, à savoir les concepts de démarche participative, d’hôpitaux aimants et de style de
leadership.
Selon la circulaire de la DHOS de 2002 (DHOS, 2002), la démarche participative est
définie comme un modèle d’organisation de soins, impliquant trois éléments fondamentaux :
une formation interne au service, une démarche projet de service et des espaces de parole pour
les soignants. Ce modèle implique une collaboration et une participation de l’ensemble de
l’équipe médicale et paramédicale (médecins, infirmiers, aide soignants, cadre infirmiers,
psychologues) (Colombat et al., 2011). Plusieurs travaux se sont focalisés sur le lien entre
l’existence d’une démarche participative au sein d’un service et la QVT des soignants. Chez
des infirmiers travaillant en psychiatrie et en hémato-oncologie, il a été démontré qu’une
organisation de travail caractérisée par un niveau élevé de démarche participative (existence
d’une formation interne au service pour les soignants, d’une démarche projet de service et
d’espaces de paroles pour les soignants) était associée à des niveaux plus élevés de soutien
organisationnel perçu, de justice organisationnelle perçue et d’identification à l’équipe, ces
variables étant elles-mêmes associées à une meilleure QVT (Colombat et al., 2011 ; Pronost et
al., 2011 ; Brunault et al., 2012). En milieu industriel, Cotton et al. (1988) ont mis en évidence
l’impact bénéfique de la participation des employés à la prise de décision sur leur QVT. Par
ailleurs, l’existence d’une bonne coordination entre les soignants d’un service (mémoire
transactive) était associée à une bonne QVT (Brunault et al., 2012).
Pronost et al. (2008) a également démontré qu’une mauvaise QVT était associée à la
perception de plusieurs difficultés rencontrées dans le service par les soignants : manque de
temps, manque de collaboration, manque de reconnaissance, manque de formation, mauvaise
prise en compte des besoins des proches et des patients, absence de réunion interdisciplinaire
et manque de communication.
En milieu infirmier, le concept de « Magnet Hospital » (ou « hopitaux aimants ») a été
développé pendant les années 1980 pour décrire des structures capables de développer la QVT
de leurs employés, en attirant et en retenant le personnel infirmier en son sein. Il a été fait
l’hypothèse que ces structures possédaient des caractéristiques organisationnelles communes
comprenant des mesures spécifiques de gestion des ressources humaines (Kramer & Hafner,
1989). Ce mode d’organisation consiste en un style de leadership empathique favorisant une
plus grande autonomie des infirmiers (notamment dans le processus de prise de décision), une
plus grande collaboration entre professionnels de santé et une meilleure qualité de relations
entre infirmiers et médecins que dans les autres hôpitaux (Scott, Sochalski, & Aiken, 1999).
Au sein des « hôpitaux aimants », Aiken et al. (1994) ont mis en évidence une amélioration de
la qualité de prise en charge des patients par rapport aux autres hôpitaux, avec des scores de
mortalité plus faibles et une meilleure satisfaction des patients vis-à-vis des soins fournis.
Enfin, plusieurs travaux ont mis en évidence un fort lien entre la QVT des employés et
le style de leadership des managers (concept qui correspond à l’ensemble des comportements
habituels d’un supérieur hiérarchique dans ses relations avec ses employés). En milieu
infirmier, une bonne QVT était favorisée par un style de leadership favorisant la latitude
décisionnelle, l’autonomie, la réalisation de supervisions cliniques régulières, ainsi que la
reconnaissance et le respect mutuel (Vagharseyyedin et al., 2011). De même, un style de
leadership dit transformationnel est associé à une bonne QVT des employés (Kuoppala et al.,
2008). Dans ce style de leadership, le leader fait preuve d’une influence charismatique qui
incite les employés à s’identifier émotionnellement à lui en le voyant comme un modèle, un
exemple à suivre. En amenant les employés à dépasser leurs intérêts personnels pour le bien
de l’organisation, le leader suscite de l’enthousiasme collectif en partageant ses valeurs, ses
objectifs, et en transmettant une vision claire de la mission de l’organisation (Tremblay et al.,
2005). L’impact bénéfique de ce style de leadership a été démontré tant sur le plan de la QVT
des employés, de leur bien-être au travail, que du nombre d’arrêts maladie, d’arrêts de travail
que d’employés en invalidité (Kuoppala et al., 2008).
Si ces travaux soulignent le fort lien entre les caractéristiques organisationnelles d’une
organisation de travail et la QVT de ses employés, il n’existe à notre connaissance que peu
d’études longitudinales ayant évalué l’impact de ces interventions sur la QVT à moyen ou à
long terme. Des études complémentaires semblent donc nécessaires afin de mieux
comprendre quels sont les facteurs organisationnels pouvant avoir un impact bénéfique sur la
QVT. L’étude des caractéristiques organisationnelles associées à la QVT des employés ou des
soignants se justifie par le fait qu’il s’agit le plus souvent de facteurs potentiellement
modifiables via des interventions organisationnelles ciblées. De plus, ces interventions sont
susceptibles d’améliorer non seulement la QVT et le bien-être des soignants ou des employés,
mais elles peuvent également limiter le turn-over des employés ou des soignants, contribuant
ainsi à améliorer l’efficacité de l’organisation.
3) Conditions de travail
a. Charge de travail et stress au travail

Si le lien entre l’intensité du stress perçu et l’altération de la QVT est bien documenté
(Bragard et al., 2011), certains modèles théoriques cherchent à comprendre quelles sont plus
généralement les conditions de travail les plus fortement associées à une altération de la QVT
et à une majoration du stress perçu.
Pour expliquer l’apparition du stress au travail, Karasek a développé le modèle
« demande psychologique – latitude décisionnelle », qui postule que l’apparition d’un état de
stress est lié à la fois à l’intensité de la demande psychologique à laquelle le salarié est soumis
à la latitude décisionnelle (qui englobe à la fois la notion de contrôle que le sujet a sur son
travail et la possibilité d’utiliser ses compétences) et au soutien social qu’il reçoit (Karasek,
1979). Selon ce modèle, un employé ayant une demande psychologique de forte intensité, une
faible latitude décisionnelle et un faible soutien social sera soumis à un stress perçu important.
D’autres auteurs ont par la suite étudié le lien entre la demande psychologique, la
latitude décisionnelle et la QVT (Vagharseyyedin et al., 2011). Ainsi, en milieu soignant, il a
été démontré un lien entre une forte charge de travail, une faible latitude décisionnelle et une
faible QVT (Vagharseyyedin et al., 2011).

b. Horaires de travail ; relations avec les collègues

Les employés travaillant de nuit rapportent une QVT significativement plus basse que
les autres employés (Gurses et al., 2009). De plus, les employés ayant des horaires variables
(« shift working ») décrivent une QVT significativement plus faible que les employés ayant
des horaires de travail fixe (Vagharseyyedin et al., 2011). Par ailleurs, l’existence de bonnes
relations avec les collègues de travail est un prédicteur important de la QVT des employés.

c. Salaire et avantages sociaux

Le fait de percevoir son salaire comme insuffisamment important par rapport au travail
fourni est une des variables prédictives d’une faible QVT (Vagharseyyedin et al., 2011).

IV Quelles conséquences d’une bonne qualité de vie au travail ?

Si le développement d’une bonne QVT au sein des organisations de travail vise avant
tout à améliorer la perception subjective que les individus ont de leur travail, elle peut
également avoir pour objectif d’améliorer l’efficacité de l’organisation. Ainsi, plusieurs
études réalisées en milieu industriel ont mis en évidence des liens entre la QVT, la satisfaction
au travail et la performance au travail (Beh & Rose, 2007; Judge, Thoresen, Bono, & Patton,
2001). D’autres travaux ont pu retrouver un lien entre QVT et santé au travail, la QVT
constituant un facteur protecteur de la santé au travail (Court, 2003; Gowdy, 1988). En milieu
soignant, l’existence d’une bonne QVT est un des facteurs le plus fortement associé au fait de
continuer à travailler au sein de l’institution, ce qui est un des enjeux majeurs de santé
publique du fait de la pénurie en soignants à laquelle l’hôpital doit faire face actuellement (Lu
et al., 2005). Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l’amélioration de la QVT des
soignants doit également bénéficier aux patients. Or, à notre connaissance, il n’existe pas
d’étude ayant investigué de manière approfondie le lien entre la QVT des soignants et la
qualité de prise en charge des patients.
En conclusion, il apparaît que l’amélioration de la QVT au sein des différentes
organisations de travail est un défi majeur à la fois pour les salariés, les managers et les
gestionnaires. L’amélioration de la QVT nécessite la mise en place de stratégies qui doivent
impliquer la participation concertée de ces différents acteurs. Pour ce faire, il convient de
prendre en considération non seulement les caractéristiques individuelles des salariés et les
conditions de travail, mais également les caractéristiques organisationnelles au travail, la
dimension de management jouant un rôle primordial.

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