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2008
RéSuMé
Cette étude porte sur l’élaboration et la validation de l’échelle de hardiesse-résilience
(EHR). Les données ont été recueillies auprès de 130 étudiants de psychoéducation. Les
résultats des analyses factorielles montrent la présence d’une structure dimensionnelle
composée de trois facteurs : le sentiment d’autoeficacité, la croissance et l’optimisme.
Les résultats suggèrent que cet instrument possède une structure conceptuelle
différente, mais tout de même cohérente avec la théorie. une analyse corrélationnelle
a également été effectuée avec la mesure de bien-être psychologique au travail. Les
résultats montrent une relation forte et positive entre ces deux variables.
1. caDrE théoriquE
Depuis quelques années, une augmentation importante des problèmes de santé psychologique au travail
a été remarquée. Au Canada, les coûts annuels directs et indirects liés à ce type de problèmes ont été
estimés à environ 14 milliards de dollars (Santé Canada, 2001). L’augmentation de l’importance des
problèmes de santé sur le plan humain et leur coût substantiel a poussé les chercheurs à s’intéresser
davantage à cette problématique en vue d’élaborer des méthodes d’interventions efficaces. Savoie
et ses collègues (2006) définissent la santé psychologique au travail comme étant « la capacité d’un
individu à satisfaire ses besoins fondamentaux dans une perspective de mieux-être et d’ajustement
et ce, grâce à des ressources personnelles et organisationnelles ». Cette recherche se consacre à la
résilience, l’une des trois ressources personnelles énoncées dans le modèle de santé psychologique
de Savoie et ses collaborateurs (2006). L’étude s’inscrit comme une première étape dans une étude
novatrice sur la santé psychologique. En effet, l’étude générale se veut une validation du modèle de
Savoie et ses collaborateurs (2006) aux fins d’identification des inducteurs de la santé psychologique
au travail. Comme la résilience se situe au cœur des inducteurs personnels, il s’avère nécessaire
d’avoir un instrument fidèle et valide pour la mesurer.
1.1. la résiliEncE
Traditionnellement, les chercheurs en sciences sociales ont étudié les psychopathologies de
certaines populations afin de mieux connaître leurs difficultés (Seligman et Csikszentmihalyi,
2000). Or, progressivement, des chercheurs se sont intéressés aux personnes à risque de problèmes
psychologiques qui déviaient de la norme et qui surmontaient l’adversité. Ces personnes furent
dites résilientes. Depuis quelques décennies plusieurs termes ont été utilisés afin de qualifier ces
individus : invincibles, invulnérables, « odds-defying », résistants aux stress, adaptés, résilients et
ego-résilients.
Trois catégories de phénomènes ont été liées à la résilience dans les écrits scientifiques
(Oglesby-Pitts, 2000). La première regroupe les personnes qui ne présentent pas les vulnérabilités
du contexte socioenvironnemental dans lequel ils ont vécu (p. ex., briser le cycle de la pauvreté).
La seconde correspond aux individus qui affichent un niveau d’ajustement optimal en dépit des
expériences traumatiques vécues (p. ex., abus physique). La troisième représente les personnes
qui s’adaptent face à des circonstances stressantes (p. ex., échéances, divorce, etc.). Cette étude
s’attardera particulièrement à ce dernier type de phénomène, le plus courant dans les environnements
de travail.
Plusieurs définitions subsistent aujourd’hui selon la spécialité dans laquelle le terme résilience
est utilisé (Colgate, 1995). Or, une certaine convergence entre les définitions permet de déduire que
la résilience serait une capacité de l’individu de faire face à l’adversité et de rebondir avec force.
Autrement dit, en contexte de travail, il s’agirait d’une tendance à se ressaisir après des événements
stressants et à reprendre ses activités avec plus de forces et de succès.
(Block et Block, 1980). Cet instrument a par contre été mis de côté compte tenu de problèmes liés
à l’aspect épistémologique du concept et compte tenu du faible pourcentage de variance expliqué
(26 %) des items de ce questionnaire lors d’une l’analyse factorielle de Gilbert et Savoie (2006). Par
ailleurs, des problèmes se sont aussi posés lors de l’analyse d’instruments anglophones existants
aux fins de traduction. En effet, soit l’instrument comportait des items ou des dimensions qui ne
correspondaient pas avec la définition de la résilience choisie antérieurement, soit une partie de
la définition ne semblait pas traitée dans le questionnaire ou le questionnaire ne semblait pouvoir
s’appliquer aux situations de stress vécues en milieu de travail (Exemple de tests rejetés : Jew,
Green et Kroger, 1995 ; Gowan, Solesbee et Zimmermann, 2000 ; Friborg, Hjemda, Rosenvinge
et Martinussen, 2003 ; Nowack, 1989 ; Kobasa, 1979). Pour donner suite à ces nombreux rejets, un
instrument sera donc créé.
Enfin, une quatrième composante fût ajoutée au questionnaire. Celle-ci correspond à la seconde
partie de la définition qui désigne la capacité d’un individu à rebondir avec force suite à un événement
stressant. Nous nommerons croissance cette quatrième composante de la résilience. En contexte de
travail, la croissance désignerait la tendance d’un individu à se sentir majoré ou à l’impression d’être
enrichi suite à un événement stressant (p. ex., sentir qu’il a plus de compétences).
3. MéthoDologiE
3.1. élaboration DE l’instruMEnt
La première étape du processus a été d’élaborer l’Échelle de hardiesse-résilience (EHR). Dix
questions furent élaborées en termes de résultats et de comportements pour chacune des quatre
composantes : engagement (exemple d’item : Continuer d’avancer malgré les embûches), contrôle
(exemple d’item : Prendre les choses en mains), optimisme (exemple d’item : Voir le côté positif du
problème) et croissance (exemple d’item : Ressortir plus fort). Ces questions devaient représenter
conformément les construits en plus d’être concises et simples.
La validation de contenu vise à s’assurer que l’instrument mesure exactement ce qu’il doit
mesurer. Ainsi, un groupe d’expert composé de trois professeurs universitaires et de trois étudiants au
doctorat en psychologie ont donné leur avis sur l’ensemble des questions afin d’en apprécier les aspects
qualitatifs. Les experts avaient à statuer sur la représentativité des items en lien avec le domaine de
référence, la précision des items, la compréhension sémantique, la grammaire et les apparences de
biais possibles. Les positions étaient quantifiées à l’aide de pourcentages de concordance dans le but
de vérifier l’accord inter-juges. Au cours de cette étape, un item d’engagement, un item de contrôle,
un item de défi et deux items de croissances ont été supprimés portant le questionnaire à 35 items.
La seconde étape du processus était d’adapter l’instrument au domaine du travail. Ainsi, le
même groupe d’expert s’est penché sur l’élaboration de la consigne générale donnée aux répondants
ainsi que sur une révision des items. La tâche donnée aux experts leur demandait aussi de conserver
le sens des items et de se fier à la théorie sous-jacente aux quatre composantes. Les experts ont
déterminé que deux consignes ou énoncés généraux seraient nécessaires afin de mieux rendre
compte de la différence entre la première et la seconde partie de la définition de la résilience
(capable de faire face et capable de rebondir). Un premier énoncé général a été formulé pour les
Élaboration et validation de l’échelle de hardiesse-résilience (EHR) 5
trois premières composantes : « Lorsque survient une grande difficulté (adversité, stress) au travail,
j’ai tendance à… » et un second énoncé général pour mesurer la croissance : « Suite à une grande
difficulté (adversité, stress), j’ai tendance à… ». En ce qui concerne l’échelle de réponse, celle-ci est
une échelle de fréquence en cinq échelons (de 1 = presque jamais à 5 = presque toujours).
3.2. critèrE
La validité de critère correspond à vérifier le degré d’accord entre la mesure d’intérêt (EHR) et un
critère existant. Puisque cette recherche s’inscrit comme une première étape dans une vaste étude
sur la santé psychologique au travail, le critère choisi est le bien-être. En effet, le bien-être semble
un choix judicieux étant donné que le but de cette prochaine étude sera de prédire le bien-être à
l’aide de la résilience et puisque plusieurs chercheurs ont trouvé des liens positifs entre ces deux
construits. Ainsi, Tugade et Fredrickson (2004) ont montré que la résilience était positivement liée
à une humeur positive et au bonheur. Dans la même lignée, Robitscheck et Kushubec (1999) ont
trouvé une corrélation de 0,68 entre la hardiesse et le bien-être. Un lien positif et significatif sera
donc attendu.
4. résultats
Les analyses statistiques se distribuent en quatre volets. D’abord, une analyse d’item est effectuée
afin de vérifier les aspects descriptifs des données et de s’assurer du respect des postulats pour
les analyses subséquentes. Ensuite, l’analyse factorielle exploratoire a permis de découvrir les
dimensions sous-jacentes aux données observées afin d’apporter un appui à la validité de construit.
Le troisième volet se caractérise par les coefficients de cohérence interne (alpha de Cronbach), la
corrélation des doubles-moitiés avec correction de Spearman-Brown et les corrélations bivariées
entre les facteurs. La quatrième partie montre la corrélation existant entre l’instrument de mesure et
le critère : le bien-être psychologique.
6 Comment transformons-nous l’univers du travail ?
tableau 1
structurE factoriEllE DE l’Ehr
Facteurs Communautés
1 2 3
Recodé - Me sentir impuissant devant la difficulté ,763 ,459
Croire que je peux faire avancer les choses ,730 ,581
Sentiment d’efficacité
tableau 2
intEr-corrélations Et coEfficiEnts DE cohérEncE intErnE
DEs factEurs DE l’Ehr
Dimensions 1 2 3
1 Sentiment d’efficacité (0,84)
2 Croissance ,515** (0,85)
3 Optimisme ,610** ,541** (0,83)
**p < ,01, Note : les coefficients de cohérence interne sont présentés sur la diagonale.
5. Discussion
La présente étude avait pour but d’élaborer et de valider un instrument de mesure de la résilience :
l’EHR. Les résultats psychométriques exposés précédemment permettent de penser que l’EHR serait
une mesure fidèle et valide. En effet, la première hypothèse s’avère partiellement confirmée. En effet,
alors que la théorie laissait présager quatre facteurs, les résultats n’en montrent que trois. Deux des
quatre facteurs théoriques ressortent des analyses (croissance et optimisme) alors que le troisième
facteur correspond à un mélange de deux facteurs de la hardiesse-résilience soit l’engagement et le
contrôle. Ce facteur complexe s’avère tout de même congruent avec la théorie en ce sens où il pourrait
être nommé « Sentiment d’efficacité » et être défini comme une implication active de l’individu dans
la résolution du problème et une croyance qu’il peut contrôler les événements. Une des explications
possibles à ce facteur englobant deux composantes de la hardiesse-résilience réside dans le fait
que ces deux composantes sont similaires et liées entre elles. En effet, il s’est avéré difficile lors de
l’élaboration de bien distinguer les items qui appartenaient à chacun. Cela se reflète donc dans les
résultats. La seconde hypothèse s’avère confirmée. En effet, une corrélation moyenne et positive
entre la hardiesse-résilience et son critère de bien-être psychologique est ressortie des analyses. Bien
qu’il n’y ait pas de causalité, cette corrélation confirme ce que Kobasa et ses collaborateurs (1982)
soulignaient, soit que plus la hardiesse-résilience est élevée et plus les individus semblent en santé
malgré les difficultés. Une corrélation moyenne de 0,49 signifie de plus que les deux construits sont
liés, mais bien distincts et qu’ils partagent 24 % de variance commune. Par ailleurs, la mesure de
l’instrument semble fidèle puisque tant les coefficients de cohérence interne que la corrélation des
doubles-moitiés s’avèrent tous satisfaisants (Nunally et Bernstein, 1994).
Or, la présente étude comporte aussi quelques failles. D’une part, la taille de l’échantillon
(N = 130), de même que ses caractéristiques sociodémographiques (étudiants universitaires) affectent
la validité externe des résultats obtenus. Ainsi, un échantillon de plus grande envergure ainsi qu’un
devis d’échantillonnage plus raffiné (p. ex., par strate) permettraient une meilleure généralisation des
résultats. D’autre part, bien que l’étude comportait une mesure critère, il aurait été à propos d’ajouter
Élaboration et validation de l’échelle de hardiesse-résilience (EHR) 9
d’autres mesures concomitantes et prédictives. De plus, bien qu’une corrélation des doubles-moitiés
ait été effectuée, la stabilité temporelle de l’instrument aurait pu être vérifiée en incorporant un
second temps de mesure à l’étude (fidélité test-retest).
Les recherches futures pourraient vérifier l’adéquation de la structure factorielle de l’EHR
par une analyse confirmatoire. Ainsi, la plausibilité du modèle serait confirmée par la modélisation
factorielle. Enfin, cette mesure de la résilience sera utilisée dans une recherche sur la santé
psychologique au travail visant à vérifier si le concept de hardiesse-résilience est un inducteur de
la santé. En effet, si tel est le cas, des mesures de prévention et d’intervention sur le concept de
hardiesse-résilience pourraient être élaborées afin de diminuer le sentiment de détresse psychologique
chez les travailleurs et d’augmenter leur bien-être au travail.
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Élaboration et validation de l’échelle de hardiesse-résilience (EHR) 11
12 Comment transformons-nous l’univers du travail ?