Vous êtes sur la page 1sur 25

L’UE et sa politique de voisinage 

: une puissance régionale dans une zone instable,


voire conflictuelle

Marge : n’est pas un terme précis, assez approximatif. Désigne les pays proches géographiquement :
périphérie extérieure. La notion de marge évolue avec le temps. Les marges ont évolué.

Voisinage : périmètre de proximité, de frontières communes (terrestres, peut-être même maritimes).

Politique de voisinage (appliquée à l’UE) : renvoie au processus de Barcelone lancé en 1995 à


l’initiative de l’UE et qui, comme son nom l’indique s’adresse aux Etats des rives méridionale et
orientale de la Méditerranée. Ce processus est élargi en 2004 avec le lancement officiel par l’UE de ce
qu’elle appelle la politique de voisinage. Ce projet s’adresse à tous les projets frontaliers de l’UE qui
n’ont en général pas vocation à intégrer l’UE (ce n’est pas une pré-adhésion, c’était une façon de ne
pas les faire entrer dans l’UE). L’objectif explicite de l’UE, en lançant cette politique de voisinage, est
de créer un espace de paix, de stabilité et de prospérité en entretenant des partenariats privilégiés
avec les pays voisins. Pour reprendre l’expression de Romano Prodi, il s’agit de constituer un «  ring
of friends ». concrètement, la politique européenne de voisinage repose sur des principes communs
à tous les partenaires mais comporte deux volets distincts :

- L’UE négocie individuellement des accords bilatéraux avec les pays du voisinage, ce qui
permet de mettre en place des relations différenciées avec chacun de ces pays.
- S’ajoute à cela trois enceintes de coopération multilatérale 
 L’Union pour la Méditerranée
 Un partenariat Oriental
 La Synergie de la mer Noire 

La politique européenne de voisinage concernait 16 pays, du Maroc à la Biélorussie. Certains en sont


sortis : Syrie et Libye. Les négociations sont complètement arrêtées dans ces pays et la Biélorussie a
été sortie du jeu pour cause de défaut de démocratie. Cette politique de voisinage de l’UE met donc
en évidence la volonté de l’Europe de sécuriser ses marges, de jouer le rôle de puissance
stabilisatrice (on touche là à la notion de puissance régionale). Derrière se cachent aussi des enjeux
de sécurité politique mais aussi économiques. D’un point de vue politique pour l’Europe, c’est aussi
l’objectif de diffuser des valeurs considérées comme universelles et humanistes. En réalité, cette
politique de voisinage est un projet ambitieux dans des contextes complexes d’autant plus que des
puissances tierces cherchent de plus en plus à gagner en influence dans cette zone. Si ce projet
d’ensemble est commun, les problématiques sont différentes.

1
I. L’Europe et les aléas de sa politique de voisinage en Méditerranée.

A. Processus de Barcelone : union pour la Méditerranée

C’est le nom officiel que l’UE donne à sa politique de voisinage en Med. En 2007, Nicolas Sarkozy
souhaite lancer un projet ambitieux d’Union pour la Med.

Pratiquement dès ses origines, la CEE a signé des accords d’association avec des pays Med. Ce sont
des accords bilatéraux (UE/pays tiers). Ces accords sont toujours ambiguës : ils sont commerciaux
avec des buts et visées politiques. L’exemple type : partenariat avec la Turquie dès 1963. En 1969,
des accords bilatéraux sont signés avec le Maroc et la Tunisie. En 1970, d’autres sont signés avec
Malte et Israël. La CEE a signé des accords bilatéraux avec des pays de la région.

De plus, la CEE collabore étroitement avec le Plan d’Action pour la Med lancé par l’ONU en 1975.
Très tôt, la CEE voit dans le développement et la stabilité de cette zone méditerranéenne un atout,
voire une condition pour sa propre sécurité.

C’est dans cette optique que sont lancés en 1990 la politique méditerranéenne rénovée : ce sont des
projets de partenariat assez ciblés : il y a un projet Med-URBS qui consiste à rapprocher des villes
entre elles. De même, le système Med-CAMPUS a permis de nombreux échanges universitaires.

La conférence de Barcelone de 1995 qui marque les prémices de la politique de voisinage sont
destinés à relancer une fois de plus la politique de coopération qui reste très peu active pour
différentes raisons qui ont été mises en valeur à l’époque  manque de confiance entre les partenaires
de part et d’autre de la Med, manque de moyens. Cette conférence a eu le mérite de réunir à la
même table les représentants des pays arabes méditerranéens et ceux d’Israël. Elle aboutit au
processus de Barcelone :

- Construire un espace de paix, sécurité et prospérités partagés


- Construire une coopération active étendue dans toutes sortes de domaines.
- Contribuer à une meilleure compréhension mutuelle des différents pays de la Med.
 Tout cela revient plus ou moins au même.

D’autres projets ont été menés, contre la pollution de la mer par exemple.

Est même évoquée la possibilité de constituer une zone de libre-échange comprenant toute la
Méditerranée à l’horizon 2010.

Ces objectifs sont repris en 2003-2004 lorsque la politique de voisinage de l’UE est établie.

 En 2003, le caractère conditionnel du soutien européen est totalement réaffirmé : aux aides
qu’elle apporte, l’UE pose des conditions politiques. Respect des droits de l’homme et des
principes démocratiques notamment. Pour l’UE, ce sont des principes universels
incontournables : ce caractère n’est pourtant pas universellement reconnue.

On voit bien le message porté par l’UE : toute la philosophie des Lumières est mise en œuvre à
travers ses conditions.

Alors l’Europe, via la BEI (détenue uniquement par des membres de l’UE) consacre des budgets à ces
projets d’Union pour la Med (autour d’une vingtaine de milliards pour des tranches de 5-6 ans) en
théorie conditionnés au respect de certains principes. Ce caractère conditionnel est renforcé en 2011
et accompagné d’une aide renforcée.

2
En réalité, beaucoup de partenariats bilatéraux ont été signés et ils fonctionnent pour la plupart. Le
projet d’ensemble est complètement stagnant. Beaucoup de raisons peuvent expliquer cet échec du
projet global : ces pays ne s’entendent pas entre eux (les pays et entités sont parfois ennemies) ; il y
a une sorte de suspicion sur les intentions de l’UE qui s’est renforcée avec les printemps arabes.

La politique de voisinage de l’UE en Méditerranée qui est pourtant conditionnée au respect des DH et
de la démocratie et l’Europe a soutenu des régimes non démocratiques dans les faits (Ben Ali,
Mubarak, Kadhafi). Ils contrôlaient de fait la montée de courants souterrains dangereux. Cela a
conduit certains à dire que l’Europe achetait sa tranquillité à travers ces aides. On accuse souvent
l’Europe de naïveté. Le soutien que l’E apporte à ces pays est loin d’être gratuit. Dans quelle mesure
est-ce au dépens des pays qui acceptent l’aide ? telle est la question.

En 2015, après que le printemps arabes s’est bien engagé et a mal tourné dans un bon nombre de
pays, l’E a modifié sa politique de voisinage. Il lui fallait prendre en compte une réalité plus complexe.

- L’UE a été obligée de prendre en compte les bouleversements régionaux. Dans un premier
temps, le printemps arabe a soulevé énormément d’espoirs chez les européens : ils ont
vraiment cru que c’était enfin l’avènement de régimes plus démocratiques et respectueux
des DH. Ils ont mis en place le principe du « more for more » : plus les pays allaient vers le
respect de la démocratie, plus les pays allaient être aidés par les Européens.
 L’UE cherche à peser pour que ces pays s’inscrivent dans une trajectoire plus démocratique.
- Entre temps (2015), les choses ont mal tourné dans de nombreux pays : les espoirs
démocratiques ont été écrasés et déçus si bien que les européens ont été obligés de prendre
acte de ces mutations. Ce qui devait être ce fameux « ring of friends » est devenu un « ring of
fire ».

A partir de là, l’Europe gagne en pragmatisme. On comprend bien que ce n’est pas avec un soutien
financier que l’on poussera des pays vers la démocratie.

- Elle cesse donc les coopérations avec les Etats faillis (Syrie, Libye).
- Elle comprend aussi que l’universalisme de ses valeurs ne doit pas l’empêcher d’aider et de
rechercher des intérêts. L’œuvre de pacification démocratique quitte peu à peu le projet.
- Elle est aussi obligée de s’assouplir : elle n’est plus le seul partenaire dans les pays. Ni les
monarchies du Golfe ni la Chine ne posent de conditions à l’octroi d’aides.
- Désormais, l’Europe dans la zone méditerranéenne favorise la coopération bilatérale. On est
loin de l’esprit de Barcelone.

Un des facteurs qui rend difficile cette politique est le caractère très asymétrique des relations et des
structures des pays : il n’y a dans les faits que peu d’intérêts réciproques.

3
B. Des relations asymétriques

Incontournable : cette asymétrie des relations est en partie un héritage de la colonisation qui, par
définition, établit des relations asymétriques dominant/dominé.

La plupart des pays du pourtour méditerranéen, une fois l’indépendance acquise, ont cherché à
affirmer leur souveraineté en se détachant de l’Occident. L’Egypte et la Syrie se sont tournées vers le
panarabisme. L’Algérie s’est tournée vers le socialisme et le tiers-mondisme. Pour des raisons
politiques et économiques, le passé colonial reste extrêmement vivace et présent : il est à prendre en
compte dans les relations de ces pays avec les pays de l’UE et avec leur ancienne métropole. Le fait
que le passé colonial reste aussi présent est parfois qualifié d’ « hypermnésie coloniale » (Alain
Besançon).

L’asymétrie de ces relations est aussi liée au fossé économique qui sépare le Nord et le Sud de la
Méditerranée, que certains attribuent au passé colonial, voire post-colonial. De fait, un net écart de
développement subsiste entre les rives Sud et Nord de la Med.

D’un point de vue démographique, on retrouve ce clivage Nord-Sud dans l’avancement de la


transition démographique. Une tendance à la convergence s’esquisse : on a vu les taux de fécondité
chuter beaucoup plus vite que le démographe ne l’avait prévu. Il y a des exceptions : la fécondité
reste très élevée dans les territoires palestiniens, comme dans de nombreux territoires en guerre.

 Il est compris entre 2 (Tunisie) et 2,5 avec un phénomène récent, remarqué en Egypte, la
contre-transition démographique : le taux de fécondité a eu tendance à remonter dans
certains pays, notamment l’Egypte.

En résumé : on assiste tout de même à une décélération de l’accroissement démographique dans ces
pays (sauf pour le cas égyptien) ; le taux de mortalité infantile était à plus de 100 pour 1000
naissances dans les A60, il est aujourd’hui entre 14 et 30 pour 1000 selon les pays. De même,
l’espérance de vie a beaucoup progressé. La population est globalement jeune : cette croissance
démographique est problématique dans des pays dans lesquels le marché de l’emploi est très
dégradé, notamment pour les jeunes. S’esquissent alors les premières causes des flux migratoires.

Ces tendances se retrouvent dans l’IDH : l’écart se resserre toutefois, mais cette tendance reste à
confirmer.

Un pays se détache totalement : Israël, qui réunit toutes les caractéristiques d’un pays développé.

Derrière ces relations se cache la gestion des flux migratoires : l’UE est un pôle migratoire important,
attractif. Schengen, du point de vue européen est fait pour créer un espace de libre circulation. Il est
devenu, du point de vue des pays du Sud, un moyen de filtrer et de contrôler les flux migratoires.

 La politique de visa de l’UE est intéressante : fixer des conditions différentes, c’est se rendre
plus ou moins accessibles selon les pays. Les ressortissants d’un certain nombre de pays
développés sont exemptés de visa pour rentrer dans l’ES (ainsi que l’Argentine par exemple,
les Turcs en sont aussi en grande partie exonéré). Les pays du pourtour méditerranéen n’en
sont pas exemptés. Il y a des barrières de fait. C’est bien une relation asymétrique avec une
Europe qui tente de réguler les flux migratoires.

Une politique de voisinage de l’UE en Med est donc intéressée. C’est normal. Le fait est que l’Europe
se comporte comme une puissance régionale qui fixe elle-même les cadres de la coopération. La

4
contrepartie c’est que l’Europe fournit plus de la moitié de l’APD perçue par la région : ce sont des
pourvoyeurs de fonds d’aide au développement. Dans le fond, cette aide pourrait lui permettre de
peser sur ce voisinage, notamment à travers l’aide conditionnelle. Pourtant, cette politique semble
peu progresser. Au-delà même des bouleversements régionaux naissants, l’influence européenne
semble plutôt en recul dans la zone.

C. Vers le recul de l’influence européenne (UE). 

Une des façons de mesurer la faible influence de l’UE : voir à quel point l’UE est impuissante face aux
conflits régionaux. Ce qu’elle souhaite, c’est une pacification : la non-pacification apparaît comme un
marqueur de son impuissance. Les limites de la puissance régionale

Un certain nombre de conflits sont ancrés dans l’histoire de la région et face auxquels l’Union est
impuissante. Il faut relativiser l’argument : ça n’est pas une démonstration imparable de la faiblesse
de l’UE (toutes les puissances sont en réalité impuissantes dans le conflit israélo-palestinien) :

- Israélo-arabe : devenu un point de cristallisation et dont on ne voit pas une résolution à


brève échéance. Dans un sens, Israël apparaît comme une puissance occidentale ce qui
discrédite aux yeux de certains pays les autres puissances occidentales. Rien que ce conflit
compromet complètement la possibilité d’une pacification et d’une entente avec le voisinage
méditerranéen.
- Maroc et Algérie : le Sahara Occidental est un territoire de quelques 260k km2 bordé par
l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie. C’est une ancienne colonie d’Espagnols : ils sont partis en
1976. Ces territoires n’ont toujours pas de statut : l’ONU considère le SO comme un territoire
non autonome depuis 1963. La définition de l’ONU : territoire dont les populations ne
s’administrent pas totalement elles-mêmes. Il est au cœur d’un conflit qui oppose d’une part
les indépendantistes sahraouis regroupés dans le Front Polisario lui-même soutenu par
l’Algérie. Ces sahraouis revendiquent leur souveraineté. Au moment du départ des Espagnols
qui quittent leur colonie, le FP proclame la République Arabe Sahraouie Démocratique
(RASD). S’ensuit un conflit armé aboutit 16 ans après en 1991 à un cessez-le-feu (très
différent d’un traité de paix, pas de solution pérenne apportée) ; dès lors, le Maroc contrôle
et administre près de 80% du territoire, le FP à peu près 20%. Les marocains ont construit un
mur pour séparer les deux parties. Le Maroc dénonce la politique algérienne qui consiste à
soutenir le FP pour le déstabiliser et pour avoir accès aux ressources (phosphate, pêche). Les
autorités marocaines dénoncent les liens avérés entre les chefs sahraouis et les responsables
djihadistes d’AQMI (d’origine algérienne et affiliée à AQ, sanctionnée par le CS de l’ONU). Le
FP et l’Algérie font valoir un argument : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Depuis
2020, le cessez-le-feu conclu entre les différentes entités n’a pas été respecté. Remarque
critique sur la carte : présente les territoires comme le « territoire contrôlé » et non pas
comme la République autoproclamée. La Mauritanie : cherche une stabilisation de la région
et une possibilité de commercer. Elle était engagée dans la guerre mais s’est très vite retirée.
Depuis, elle est en relation avec les sahraouis mais affiche haut et fort sa neutralité. Son
intérêt est une stabilisation ou une pérennisation de la situation. Retour à la situation : en
novembre 2020, l’armée marocaine a mené une opération dans une zone tampon à
l’extrême sud à Guerguerat pour précisément rétablir le trafic routier avec la M. Pourquoi
l’armée Marocaine ? la route avait été coupée par des indépendantistes sahraouis. En
réaction à l’intervention marocaine, le FP a déclaré l’état de guerre. C’est un conflit gelé
depuis longtemps et qui se détériore. Suite à cet épisode, la tension est montée d’un cran
quand le Maroc a obtenu de Trump la souveraineté sur le Sahara Occidental : DT a

5
officiellement reconnu la souveraineté du M sur le SO. En l’échange de cette
reconnaissance, le M a normalisé ses relations avec Israël. Ce rapprochement ente le M et
Israël a été très mal perçue par l’Algérie qui a rompu ses relations diplomatiques avec le M.
Elle a accusé le M de soutenir le mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, c’est un
peu une façon de rétablir l’équilibre. Troisième élément : l’Algérie a coupé le gaz au Maroc,
qui couvre 97% des besoins marocains. Il se trouve que depuis 1996, l’Algérie, pour vendre
son gaz à l’Espagne et au Portugal utilise un gazoduc qui passe par le Maroc (GME, Gaz-
Maghreb-Europe). Il y a un droit de transit pour le Maroc : à titre de droit de transit, le Maroc
recevait environ 1md de m3 de gaz naturel. L’Algérie a choisi une autre voie d’accès. Dernier
épisode en date : il y a eu des escarmouches. Suite à une intervention armée marocaine, 3
camionneurs algériens ont été tués, ce qui a fait réagir l’Algérie qui parle de « terrorisme
d’Etat ». + crise migratoire dans les enclaves espagnoles. Dernier point et remise en
perspective : l’accord entre le Maroc et Israël rentre dans le cadre plus général des Accords
Abraham qui sont un processus de normalisation des relations entre Israël et les pays arabes,
processus porté par l’administration Trump. Dans ce cadre-là, il y a eu plusieurs accords : cela
peut changer la configuration des relations dans la région. Un premier accord est signé entre
Israël et les EAU (à la Maison Blanche). En 2020, Israël et Bahreïn (organisé par les US) puis
Maroc/Israël et Soudan/Israël. Suite à ces incidents diplomatiques, les I et les M ont conclu
un partenariat militaire : le ministre de la défense israélienne (B. Gantz) s’est rendu au M. Un
accord signé entre une firme israélienne (Ration Petroleum) porte sur l’exploitation
pétrolière et l’Etat marocain : donne la possibilité à RP d’explorer le large de Dakhla.
Deuxième type d’accord : il serait question de vente de drones armés par I ainsi que du
partage de certaines technologies comme le logiciel espion Pegasus. Ce rapprochement
entre le M et I est en train de se traduire concrètement.

Les limites de la puissance européenne se lisent aussi dans les suites des printemps arabes : ont mis à
jour des régimes très corrompus avec lesquels l’UE avait signé des accords de partenariats dans le
cadre de sa politique de voisinage. L’Europe s’est retrouvée discréditée : dans un premier temps, ces
révolutions qui ont fait tomber des dictateurs enracinés de longue date ont suscité un certain espoir,
celui d’un chemin tracé vers des régimes plus démocratiques et respectueux des DH. C’est dans la
plupart des cas un espoir déçu sur fond de montée de la radicalisation à la fois religieuse et politique
qui se sont traduits dans des élections. Est arrivé précisément ce que les européens voulaient éviter
en pactisant avec des régimes dont on savait qu’ils n’étaient pas démocratiques : on a vu la montée
de l’islamisme politique. De toute évidence l’union UE-Med ne peut que être fragilisée. Beaucoup de
capitales européennes ont subi des attentas (Londres, Madrid, Paris) qui ont creusé un fossé
géopolitique entre les différents pays.

Ce repli de l’influence européenne peut aussi se voir en termes économiques et culturels. Il est aussi
lié au fait que d’autres puissances cherchent à s’affirmer dans la région (Chine, Iran, Turquie, Russie)
qui cherchent à évincer l’influence européenne.

- L’Afrique du Nord n’occupe pas une place importante dans le commerce extérieur ni les IDE
chinois mais, de fait, la Chine occupe une place de plus en plus importante dans l’économie
de ces pays et s’y affirme depuis une vingtaine d’années.
 L’Algérie. Les liens sont anciens. C’est le premier pays à reconnaître le gouvernement
provisoire algérien en 1958. S’en sont suivies des relations d’amitié et de coopération entre
l’Algérie et la Chine qui les rapprochent dès l’indépendance algérienne. Elle arrange bien l’A
pour son positionnement politique. Ce cadre coopératif permet aux entreprises chinoises
d’être très tôt présentes en A. Dès les A80, la Chine est présente dans beaucoup de secteurs :

6
construction d’infrastructure (barrages), l’immobilier. Cette présence s’est beaucoup
accentuée depuis les A90. Quelques exemples concrets : exploration et exploitation
pétrolière avec SINOPEC. Grande entreprise chinoise du secteur pétrochimique qui a signé un
accord avec les autorités algériennes pour la prospection et l’exploitation des gisements de
Zarzaitine dans le Sud du pays. Les entreprises chinoises sont très présentes dans le BTP
algérien : c’est l’Etat algérien qui fait ces choix dans la mesure où il est le plus présent dans
ce domaine. Quelques exemples de contrats spectaculaires signés entre des entreprises
d’Etat chinoises et l’Etat algérien : un projet qui date de 2004. Construction de la ville de Sidi
Abdellah près d’Alger. L’idée est d’en faire une grande cité dynamique d’un point de vue
économique. Le contrat a été signé avec la CSCEC, une grande entreprise du BTP chinoise.
C’est gros projet avec un gros budget. C’est un échec urbanistique mais la ville a vu le jour.
Deuxième exemple : construction de la Grande Mosquée d’Alger achevée en 2019. Les
détracteurs l’ont appelée Mosquée Bouteflika. Le contrat a été décroché en 2011 par cette
même société chinoise. Il a été décroché alors même que cette entreprise été blacklistée par
la BM jusqu’en 2015 pour des faits de fraude et de corruption avérés aux Philippines et au
Vietnam.

Cette présence chinoise est aussi présente au Maroc, souvent présentée comme un pré-carré
européen. On est sur un champ économique mais aussi très politique.

- Les IDE chinois au M se sont considérablement développés dans les A2010. On part de bas
mais entre 2011 et 2015, ils ont augmenté de 195%. Plusieurs partenariats ont été signés :
M6 s’est rendu en Chine en 2016. Les deux pays annoncent la signature à venir d’un
partenariat stratégique Maroc/Chine suivi d’un certain nombre d’initiatives : l’exemption de
visas pour les touristes chinois se rendant au M ( la politique de visas est très forte
symboliquement), des partenariats industriels dans le chemin de fer, l’automobile, les
énergies renouvelables. C’est, là encore, la construction d’une véritable ville près de Tanger
qualité de Cité M6-Tanger Tech. Projet dont la réalisation est en très grande partie confiée à
des entreprises chinoises dont la firme BYD (Build Your Dream). Ce projet de ville a été
relancé récemment après deux ans de panne. Il y a eu des conflits entre les autorités
marocaines et des entreprises chinoises. Il a été relancé en 2019, uniquement avec BYD. Ce
projet doit, à terme développer une ville industrielle qui devrait accueillir 200 entreprises
chinoises dans les secteurs automobile, aéronautique et textile. Ce qui est prévu, ce sont des
investissements de 10Mds de dollars de la Chine sur 10 ans dans cette cité industrielle et
technologique. Ce qui est prévu aussi, c’est l’implantation d’une très grande usine de
voitures électriques chinoises. Des zones franches ont été ouvertes dans les A2000. Renault y
est implantée depuis 2012, PSA depuis 2015 avec des usines d’assemblage et de gros
investissements. C’est évidemment des concurrents que les marocains font entrer. Tous les
acteurs jouent leur jeu.

Partenariat stratégique : libellé officiel. C’est une question d’affichage. Un partenariat stratégique est
économique et politique. L’affichage consiste à annoncer la dynamique de rapprochement politique,
économique et diplomatique. Souvent, les partenariats ne contiennent pas grand-chose d’autre que
l’affichage

- Dans le cadre du Partenariat stratégique, la firme Huawei s’est beaucoup développé au


Maroc, à tel point que H, bien implantée au M mène une politique dynamique. En 2018, H a
lancé un nouveau programme Seeds for Future qui consiste à sélectionner une délégation
parmi l’élite des étudiants. Cette élite sélectionnée peut voyager en Chine, y suivre des

7
formations. Au-delà des projets technologiques, c’est la création de réseau avec l’élite du
pays, la volonté de faire des leaders de demain sinophiles.

Cette montée en puissance de la Chine est à relativiser : les IDE chinois depuis 2019 sont très peu
élevés. Ce qu’il faut mettre en avant, c’est que concernant le M par exemple, d’un point de vue
commercial, les européens restent particulièrement présents, même si la Chine est montée très
rapidement en puissance en tant que fournisseur. Elle a gagné des parts de marché sur les produits
européens. L’Espagne est le premier partenaire commercial du Maroc. Pour l’Algérie, la situation est
un peu différente : la Chine est de très loin le premier fournisseur (la France bien loin en 2e) alors que
les clients de l’Algérie sont principalement des européens (Chine au 12e rang). Le pays voit son déficit
commercial se creuser avec la Chine.

En résumé, le M n’est manifestement plus une chasse gardée pour la France ni l’Europe. D’autant
plus que d’autres acteurs sont présents : on ne peut pas ne pas signaler la présence étatsunienne
ancrée, active, notamment sur un plan politique et géopolitique.

 Les US ont de très solides alliés dans la région. La proximité I/US n’a pas toujours facilités les
relations entre les US et les autres pays de la région. Ils soutiennent pourtant
économiquement et politiquement la Jordanie. Les US ont d’ailleurs signé des accords de LE
avec les deux pays (M/A), sans cesse renouvelés, Jordanie dans les A2000.

La présence américaine en zone méditerranéenne reste très forte bien qu’ils n’aient plus besoin du
pétrole de la zone (gaz de schiste). La VIe flotte sillonne la Méditerranée avec de nombreuses bases
et des points d’appui partout dans la région.

- En 2004, les US lancent un partenariat pour le Progrès et un avenir commun avec l’Afrique
du Nord et un Moyen-Orient élargi. Il s’agit officiellement de favoriser le développement
économique, d’instaurer des régimes démocratiques dans une vaste zone que les US
appellent le Greater Middle-East s’étendant de la Mauritanie au Pakistan. Il était entendu
que les US apporteraient une aide au développement conséquente. Officiellement, l’UE est
contente mais officieusement, les européens sont piqués : les US cherchent à les évincer de
leur zone d’influence et de leur voisinage. Cette initiative, même si elle est approuvée,
contrarie le projet euro-méditerranéen lui-même perçu par les US comme un projet
européen pour évincer l’influence américaine. Ce projet n’aboutit pas : a soulevé très peu
d’enthousiasme chez les pays à qui il s’adressait. Les américains sont intervenus en Irak et
cette intervention à été très mal perçue par beaucoup de pays de la région. Les printemps
arabes font voler ce qui restait du projet en éclats.

En résumé : l’influence européenne dans ces régions reste forte. Globalement (politiquement,
économiquement, diplomatiquement) tend à s’éroder et ce malgré la politique de voisinage qui reste
assez impuissante et l’aide au développement. La Chine monte en puissance économiquement,
politiquement, diplomatiquement et les US restent la grande puissance militaire, même s’ils sont
dans une logique de retrait pour réinvestir leurs forces vers l’Asie. Plusieurs puissances régionales
sont par ailleurs en concurrence les unes par rapport aux autres : Iran, Turquie, Arabie Saoudite.

L’environnement méditerranéen est instable. On pourrait dire la même chose de l’Est

8
II. Repli russe et attractivité européenne à la fin de la guerre froide 

A. La perte d’influence de la Russie.

Quelques rappels :

Un certain nombre de facteurs ont contribué à l’implosion de l’URSS. Entre autres, la sclérose de
l’économie soviétique qui n’est pas nouvelle et qui remonte aux A60-70 avec un secteur agricole très
peu performant, une sorte de stagnation générale de l’économie de longue durée qui pointe
l’inefficacité d’un système qui n’est jamais parvenu à se réformer. Le deuxième est lié à l’intervention
ratée en Afghanistan : l’AR s’est enferrée à partir de 1979 et aboutit à l’évacuation humiliante en
1989. En A, les soviétiques se sont opposés aux moudjahidines soutenus par la CIA, cf fiche. Dernier
point, incapacité à relever le défi de l’IDS de RR.

En 1991, l’URSS finit par imploser à la suite de l’échec des tentatives de réformes (Glasnost,
Perestroïka) de G menées entre 1985 et 1991. Après la chute de G, Eltsine arrive au pouvoir jusqu’en
1999. Depuis, c’est Poutine (de 2008 à 2012, c’est Medvedev pour respecter la constitution mais
Poutine s’est octroyé le pouvoir jusqu’en 2036). On ne peut rien comprendre à la popularité de
Poutine, qui existe tout de même ni à la politique qu’il a mené si on n’a pas en tête la catastrophe
qu’a été la chute de l’URSS.

 La Russie a perdu ¼ de son territoire, ½ de sa population. La démographie est très peu


dynamique. L’espérance de vie est passée de 72 ans à 59 ans en quelques années : les
chiffres soviétiques étaient certainement faux mais la thérapie de choc du passage à
l’économie de marché a été terrible pour la population. C’est une humiliation.

La chute du mur, l’implosion de l’URSS ouvre à nouveau la question des frontières dans toute
l’Europe orientale et pose la question des limites géographiques de la sphère d’influence de la
nouvelle Russie. Tout de suite, les PECO se tournent vers l’Ouest et s’éloignent de l’URSS, y compris
les pays baltes qui faisaient partie intégrante de l’URSS. Plus à l’Est, la Russie lance en pleine tempête
la CEI, une entité intergouvernementale qui n’a pas de personnalité juridique et qui regroupe 11 des
15 anciennes républiques soviétiques. C’est une façon pour les Russes de dire aux Républiques
eurasiatiques qu’ils maintiennent leur influence. C’est dans ce cadre que s’est formée l’OTSC
(Organisation du Traité de Sécurité Collective), un traité d’Alliance Militaire qui lie la Russie aux
autres pays sans les PB (on y retrouve la Biélorussie, le Kazakhstan, l’Arménie).

La réaction russe a aussi été d’esquisser des contre-projets à l’UE :

- Communauté Economique Eurasiatique remplacée en 2015 par l’Union Economique


Eurasiatique, sauf que ces projets ne fonctionnent pas de fait.

Un certain nombre de pays ont cherché à prendre leurs distances avec la Russie :

- Formation du GUAM en 1997 : c’est une organisation régionale destinée à faire contrepoids à
la puissance russe. Elle regroupe la Géorgie, l’Ukraine, la Moldavie, l’Azerbaïdjan, initiative
soutenue par l’UE. Elle dit quelque chose de la difficulté des russes à maintenir leur zone
d’influence.

Une vision un peu plus large : la perte d’influence de la Russie est très nette en Europe : cf carte avec
OTAN.

9
Cette perte d’influence ne se limite pas à l’Europe.

- A l’exception de Cuba, de la Syrie (alliée de longue date de l’URSS depuis les A50 ; a été
consolidé par l’arrivée d’Hafez el-Assad en 1975 et dont le fils s’est inscrit dans la continuité
politique de son père. Le soutien puissant de la Russie à BeA s’inscrit donc dans une histoire
de longue date), on peut dire que l’URSS a perdu, avec la nouvelle Russie, l’essentiel de sa
sphère d’influence.
- Elle ne date pas de l’implosion soviétique cependant : rapprochement d’el Sadate avec Israël
sous l’égide des US, évacuation de l’A.
- Elle est inscrite dans les faits lors de la première guerre du Golfe où les US réunissent une
coalition internationale sous l’égide de l’ONU : la Russie est spectatrice. Recul russe avec
l’éclatement de la Yougoslavie avec la création du Kosovo : la Serbie, allié cher de la R perd
son berceau historique avec la naissance du Kosovo qui a obtenu son indépendance en 2008.
- La chute du régime de Kadhafi marque la perte d’un allié.

L’UE apparaît comme attractive pendant cette période.

B. L’attractivité de l’UE

Existait déjà pendant la période communiste, au moins chez certaines populations de l’Ouest de
l’URSS. Elle représentait un rêve de liberté. Très rapidement à la chute du mur, les pays de l’Est se
tournent de fait vers l’UE et l’OTAN pour essayer de construire une certaine sécurité. Les européens
ont été très pro-actifs à travers le projet PHARE notamment. Il a été décliné avec d’autres libellés :
programme CARD pour les Balkans par exemple. Toujours cette forme de proactivité : projet TACIS
programme présenté comme une forme de solidarité qui comprend des aides financières, une
assistance techniques destinées aux pays de la CEI pour les faciliter la transition vers une économie
de marché et favoriser la démocratisation des régimes.

A rapprocher avec le cours précédent et à associer à l’extension et aux transformations de l’OTAN.

Cette redéfinition des sphères d’influence a généré des tensions qui sont toujours très présentes
aujourd’hui. Il n’empêche que UE comme Russie sont amenées à coopérer. Ces coopérations sont
toujours très difficile.

Les deux révolutions ukrainienne et géorgienne sont à replacer ici.

C. Une nécessaire coopération UE/Russie

Cette coopération, même limitée, existait déjà avant la chute de l’URSS sous forme de CSCE quid
devient à partir de 1995 OSCE.

 La Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe a été créée en 1973 en pleine


guerre froide et a pour but de maintenir un dialogue minimal entre l’est et l’ouest de
l’Europe. C’est le seul organisme de discussion entre les deux blocs. Elle accueille les Etats ex-
membres de l’URSS. Les US et le Canada ont un statut d’observateur. En 1973, il s’inscrivait
dans le processus d’Helsinki (qui ont abouti en 1975 au accords d’Helsinki : les pays
européens reconnaissent l’intangibilité des frontières issues de la WWII et l’URSS s’engage à
respecter les droits de l’homme. Ceci a fini par miner le régime soviétique, les européens
s’en sont servis en permanence pour défendre les grands opposants). Aujourd’hui, cette
organisme devenu OSCE garde une sorte de rôle de médiateur lorsqu’il y a des différends.

10
Cela reste une instance de dialogue. Les accords de Minsk ont été signés pour essayer
d’établir un cessez-le-feu en Ukraine sous l’égide de l’OSCE qui s’y est impliquée.

Parallèlement, un partenariat stratégique a été envisagé entre l’UE et la Russie.

- Pour la Russie, il est inenvisageable d’être compris dans la politique de voisinage de l’UE, elle
ne se voit pas devenir une périphérie de l’UE (refus d’aide au développement): il a fallu
trouver une solution pour essayer de renouer des liens d’autant plus qu’au départ, l’Europe
espérait une grande réconciliation générale. Elle a signé des accords bilatéraux. L’accord de
Partenariat et de Coopération a été vaguement complété par la suite. Il reste assez général,
évoque des coopérations dans différents domaines, la consolidation de l’Etat de droit… il est
flou et il n’y a pas grand-chose dedans. Plus qu’un partenariat, c’est un signe positif adressé à
la Russie. C’est la même chose lorsqu’en 2005, les deux entités signent un partenariat avec à
terme l’ambition de créer une zone de libre-échange. Le projet de partenariat stratégique
destiné à succéder aux accords de 1997 n’a jamais été signé. C’est une situation révélatrice
des relations UE/Russie : ils ont besoin l’un de l’autre mais les désaccords sont si violents
qu’ils ne peuvent signer.

Toutes cette zone est émaillée de conflits impliquant la Russie à l’encontre de pays qui cherchent le
soutien de l’UE. On est très loin de la « maison commune européenne » que G appelait de ses vœux à
la fin des A80. C’était une façon d’entrevoir une perspective pacifique, des retrouvailles avec
l’Europe.

III. Des relents de Guerre Froide

A. Des reconquêtes russes dans un climat de guerre froide

Poutine voit dans la chute de l’URSS non pas une possibilité de pacification mais, au vu de la façon
dont elle s’est produite et ses conséquences, la « plus grande catastrophe géopolitique du XXe
siècle » : d’où sa volonté d’effacer ce drame géopolitique. Surmonter cette catastrophe, c’est essayer
de rétablir l’aire d’influence russe. De fait, lorsqu’il arrive au pouvoir (brièvement premier ministre,
puis président), les Russes sont meurtris par le déclassement, toute une succession de crises,
notamment la faillite russe de 1998. Le prestige de Poutine est totalement associé à une idée de
restauration de la puissance russe. D’emblée, il s’appuie sur un nationalisme meurtri donc fort qui le
soutient dans sa volonté de restauration de puissance.

 Ce soutien a permis à P d’engager une politique offensive : un commentaire sur le titre (Des


relents de guerre froide ?). Quelques caractéristiques de la GF à reprendre en compte : partir
de l’idée de guerre par pays interposés ; la course à l’espace qui semble se relancer, etc. Il y a
quelque chose de dérangeant avec ce titre.

Le contexte idéologique a complètement changé : il y a un conflit entre zones d’influences entre un


régime autoritaire d’une part et un ensemble de démocraties que les russes semblent percevoir
comme une sorte de bloc occidental militairement soudé à l’OTAN.

Depuis les A2000, la logique de confrontation semble prévaloir, on peut considérer qu’on est encore
dans les soubresauts de la chute de l’URSS : cela concerne majoritairement l’Europe centrale et
orientale, on retrouve les terres de sang de Sneider. [La Russie n’a aujourd’hui pas les moyens d’une
guerre].

Les relents de guerre froide : beaucoup d’acteurs sont des produits de la GF.

11
 Nazarbayev : homme du sérail soviétique qui est resté président du K de 1990 à 2019, date à
laquelle il a démissionné en gardant des pouvoirs considérables en plaçant ses proches
partout dans les institutions.
 Poutine : pur produit du système soviétique. Né à Leningrad (St Pétersbourg). Il a commencé
sa carrière au KGB et était chargé de contrôler les dissidents. Sa carrière évolue, il est nommé
en RDA où il a la même mission de surveillance politique. Il occupe ensuite un poste clé en
1998 : il est nommé à la tête du FSB, le nouveau KGB. C’est le service fédéral de sécurité, un
poste absolument clé. L’année suivante, il est appelé par Eltsine pour prendre la tête du
gouvernement russe. Il se fait remarquer par la façon dont il aborde, traite la question
tchétchène : un langage guerrier « buter les tchéchènes », c’est exactement qu’il fait. Après
la démission d’E, P accède à la tête de la Fédération de Russie, d’abord par intérim puis par
élections. Il veut restaurer la puissance russe. Cela commence par maintenir l’intégrité
territoriale de ce qui reste russe. C’est-à-dire éviter que la décomposition n’aille plus en loin.
Or en 1991, les tchétchènes ont proclamé leur indépendance, suivis par l’Ingouchie. Ces
demandes sont irrecevables pour les autorités russe.

La région du Caucase est très spécifique. Elle est d’abord morcelée, peuplée de minorités religieuses
mais aussi ethnolinguistiques. Ces populations sont musulmanes dans un pays athée (comme l’était
l’URSS), et beaucoup de ces populations sont en état de révolte contre l’Etat central. Pourquoi cette
volonté de garder ces régions alors qu’ils se sont résignés à l’indépendance d’autres Républiques :
c’est la crainte d’un effet domino. Ces régions sont assez stratégiques en ce qu’elles confèrent à un
accès à la mer Noire.

 Alors qu’E est au pouvoir, il décide d’intervenir militairement pour reprendre le contrôle de
la T : c’est la première guerre de T (1995-96) lancée par E pour « rétablir l’ordre
constitutionnel ». il considère les demandes autonomistes tchétchènes comme
fondamentalement irrecevables. S’ensuit une guerre extrêmement violente qui tourne
autour de la capitale de Grozny ; lorsqu’un cessez le feu est signé en 1996, les T ont
momentanément sauvé leur indépendance à ceci près que Mazkadov, le T président de cette
république autoproclamée non reconnue par M n’arrive jamais à pacifier la T, déchirée par
des factions rivales parfois radicales. C’est devenu une sorte de foyer de grand banditisme. La
T a en commun de vouloir son indépendance mais est complètement déchirée.

Le conflit n’est donc pas réglé et P, lorsqu’il arrive au pouvoir, s’appuie sur le fait que des T ont fait
des attentats en Russie (certains ont été perpétrés, d’autres attribués aux T).

 Lorsque P déclenche les attaques en 1999, il le fait en réponse à ces attaques terroristes. On
ne parle plus d’indépendance, mais de mater un Etat terroriste islamiste. Les attentats du
9.11 apportent une sorte de légitimité à la guerre que mène Poutine. Guerre
particulièrement violente : les T sont trop divisés pour faire face à la puissance militaire. Ils
ont commis deux attentats très marquants : prise d’otage dans un théâtre de Moscou en
2002 (900 personnes, les services russes ont lancé l’assaut et on compte 128 morts) puis une
prise d’otage en 2004 à Beslan (l’armée russe intervient violemment aussi et le bilan est
terrible : 344 morts). Ces attentats ont été instrumentalisés par Poutine pour mener une
politique cruelle contre les T.

Cet épisode T a conforté le pouvoir de Poutine. En 2009, les Russes déclarent la fin de la lutte
antiterroriste en T : P considère la question T réglée. Des milliers de soldats russes restent stationnés,

12
le calme n’a jamais été rétabli. Cela reste une guerre de basse intensité. Il y a des vagues de
répression encore aujourd’hui

 En 2019, répressions extrêmement violentes à l’égard des homosexuels tchétchènes. On a


parlé de génocide. La R est ne tolère pas l’homosexualité d’un point de vue légal. C’est mal
considéré dans la culture tchétchène. En 2019, ils ont été pourchassés, et cela a sûrement
aussi été un prétexte pour les Russes pour plus de contrôle.

Une fois l’intégrité territoriale russe sauvegardée, P va chercher à restaurer en partie la puissance
russe. Les deux pays ont connu des révolutions en 2003-2004.

- La Géorgie. La révolution des roses. Révolution pacifique qui a amené le président géorgien
Edouard Chevarnadze à démissionner. C’est l’ex MAE de l’URSS de 1985 à 1990 : on retrouve
des apparatchiks. En 2003 se tiennent des élections législatives qui opposent d’une part le
parti de EC, homme lige de Moscou et d’autre part Michael Saakachvili, pro-européen. EC est
déclaré vainqueur mais il y a eu des fraudes avérés. Il y a des manifestations. Sous cette
pression, la Cour Suprême annule le résultat de l’élection. S’ensuivent deux nouvelles
élections remportées par MS, suivies immédiatement d’élections présidentielles qui portent
MS au pouvoir. MS a été formé dans les universités américaines, c’est un pro-occidental
déclaré et toute sa campagne repose là-dessus. C’est une énorme défaite pour la Russie.
Depuis, la G manifeste de façon constante sa volonté d’intégrer l’OTAN et pourquoi pas l’UE.
Une femme est présidente de la Géorgie : Zourabichvili. Elle est française, ambassadrice en
Géorgie et qui a acquis la nationalité géorgienne. Elle est appelée par MS en 2004 qui l’incite
à revenir en G. Elle se fait naturaliser géorgienne à ce moment-là : cela démontre l’ancrage
occidental. L’histoire ne s’arrête pas là. A partir du moment où MS arrive au pouvoir et
cherche à multiplier les liens avec les pays occidentaux, des mouvements indépendantistes
gagnent fortement en intensité dans le pays, particulièrement l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie.
Ces mouvements particulièrement actifs dans ces deux régions gagnent encore en intensité
en 2008, moment où la G entame un processus d’adhésion à l’OTAN. Pour Moscou, c’est une
provocation. Ces mouvements indépendantistes finissent par déstabiliser la G et en 2008, les
troupes russes interviennent, repoussent les géorgiens stationnées en Ossétie du Sud et en
Abkhazie et les deux régions s’autoproclament indépendantes. Les minorités qui ont
déstabilisé la région ont été financées par Moscou, formées par Moscou : cela permet de
démanteler en partie la G officiellement, cela reste le territoire géorgien mais cela échappe
au contrôle du gouvernement dans les faits. Quelques pays ont reconnu l’indépendance :
Russie, Nicaragua, Venezuela. La République de Nauru a reconnu ces deux Etats : petite île
d’Océanie (13K habitants), microscopique Etat insulaire qui aurait reconnu ces Etats
moyennant financement russe (c’est un paradis fiscal). La G dénonce l’annexion de ces
provinces par la Russie. Elle est largement soutenue par la communauté internationale et se
sent donc menacée dans son existence même. Le résultat : la G se rapproche de pep des pays
occidentaux, particulièrement de l’OTAN. Il est très difficile de faire adhérer la G à l’OTAN :
casus belli pour la Russie. La G est presque dans l’OTAN, mais n’y est pas. Cela signifie entre
autres que l’OTAN a beaucoup aidé au réarmement géorgien, à la formation des troupes
géorgiennes. La G participe à de grandes manœuvres militaires de l’OTAN à tel point qu’en
2015, un centre d’entraînement de l’OTAN a été ouvert en Géorgie. La G fait partie du PPP
(Partenariat Pour la Paix) : c’est une structure d’association bilatérale entre l’OTAN et des
Etats. Même la Russie en fait partie. L’autre élément à signaler : partenariat actif signé avec
l’UE, avec qui la G développe une véritable coopération. L’autre exemple : Moldavie (cf
Transnistrie).

13
- L’Ukraine, autre exemple incontournable. La révolution orange a lieu en 2004. Cette fois-ci, il
s’agit d’élections présidentielles. L’U est dès le départ écartelée entre son tropisme russe et
son tropisme occidental. En 2004, des élections présidentielles sont organisées. Un candidat
est porté par Moscou, notamment par le Donetsk, région russophone. Ce candidat, c’est
Viktor Ianoukovitch, très clairement soutenu par Moscou et qui s’oppose à V. Ioutchenko.
C’est exactement la même configuration que la révolution des roses. Ianoukovitch est
considéré comme vainqueur, l’élection est contestée, des foules considérables sont
mobilisées, à Kiev notamment. Sous la pression de ces manifestations, la CS annule le scrutin
et organise de nouvelles élections gagnée par Ioutchenko. Il cherche immédiatement à se
rapprocher de l’OTAN et de l’UE. C’est clairement une défaite pour la Russie et l’histoire ne
s’arrête pas là. Contrairement à la G, où une certaine constance dans le positionnement est
présente, il y a vraiment deux pôles qui s’opposent sur fond de corruption. La vie politique
est heurtée, compliquée jusqu’au moment où Ianoukovitch revient au pouvoir en 2010.
L’Ukraine est alors en faillite financière et à un moment où l’U avait engagée des
négociations très poussées avec l’UE pour signer un partenariat sur le point d’entrer en
vigueur. Au dernier moment, Ianoukovitch casse l’accord avec l’UE et se tourne vers l’UEE
(Union Economique Eurasiatique). C’est une coquille vide : dans les faits, il se tourne vers la
Russie. C’est en 2013. En 2014, alors que les JO de Sotchi se déroulent (on a parlé de « Jeux
Poutine »), suite au revirement de Ianoukovitch, de grandes manifestations se déroulent jour
après jour à Kiev, notamment sur la place Maïdan. Elles sont de plus en plus massives et les
gens crient leur volonté d’entrer dans l’UE. I s’inquiète, fait tirer dans la foule et les
manifestations continuent. La répression a officiellement fait 100 morts. La situation de I est
tout de même fragilisée : il a fait tirer dans la foule, il est confondu par une situation de
corruption à grande échelle. Le pays est divisé : les pro-occidentaux ont le soutien des
européens et des américains, et les pro-russes des russes. L’armée russe dispose de base à
Odessa et à Sébastopol, deux ports ukrainiens. C’est dans ce contexte qu’un référendum est
organisé en Crimée. A plus de 96%, les électeurs votent pour le retour de la Crimée au sein
de la Fédération Russe : quasiment le lendemain, la Douma ratifie le rattachement de la
Crimée à la Russie. Pourquoi un retour ? la Crimée a été conquise par la Russie tsariste à la
fin du XVIIe mais en 1954, Khrouchtchev a décidé de rattacher la Crimée à l’Ukraine. La
Crimée est très russophone, c’est un point très stratégique pour les Russes. Aux yeux de
l’ONU, ce passage n’est rien d’autre qu’une annexion pure et simple au dépens de l’Ukraine
qui s’en trouve amputée. Cette annexion, ce coup de force a été condamné par le CS de
l’ONU à l’unanimité – 1. Alors que l’Ukraine est pratiquement en guerre civile et dépossédée
d’une région stratégique, les élections ukrainiennes qui suivent permettent à Porochenko
d’accéder au pouvoir. C’est un homme d’affaires pro-occidental. Il arrive dans une situation
de guerre civile intenable. Alors que l’UE a décidé de sanctions économiques à l’encontre de
la Russie, le crash d’un avion, le vol MH17 de la Malaisia Airlines (2014, Amsterdam-Kuala
Lumpur) est abattu par un missile tiré du Donetsk. Une enquête menée par des autorités
internationales ont démontré que ces missiles étaient russes, avaient été transportés de
Russie dans le Donbass. La responsabilité, russe ou séparatiste a toujours été niée. Suite à ce
crash, les sanctions économiques ont été renforcées. La situation est telle, sans perspective,
sans réelle issue que des négociations entre les séparatistes et les autorités donnent
naissance à Minsk I : sous l’égide de l’OSCE, signés par des représentants de l’Ukraine, des
Russes et des représentants de la République du Donetsk Autoproclamée. Il n’a absolument
pas fonctionné. D’où les accords de Minsk II, toujours sous l’égide de l’OSCE. Les participants

14
ne sont plus les mêmes : négociés par des dirigeants ukrainiens, russes, français, allemands.
Les négociations aboutissent à un cessez le feu dans le Donbass, qui, dans le fond, fige les
situations avec d’un côté la République de Donetsk autoproclamée et l’Ukraine : les russes
sont présents. L’Ukraine est en voie de démantèlement. Le cessez le feu n’est pas respecté.
C’est un conflit gelé de plus, plus de 13k morts, 1M de réfugiés, 2M de déplacés (différence :
déplacés au sein d’un même pays mais réfugiés dans différents pays). Une véritable
catastrophe qui reste sans réelle solution. Depuis, l’Ukraine n’a cessé de chercher de se
rapprocher de l’UE. De son côté, la Russie a consolidé l’annexion de la Crimée avec la
construction d’un pont, le pont de Kertch qui relie directement la Crimée à la Russie. Il fait 18
kilomètres, inauguré en très grande pompe en 2018 par Poutine lui-même. Désormais, les
russes ont accès à la Crimée sans passer par l’Ukraine. Le pays reste en très grande difficultés
économiques et se sent menacée par la Russie qui se sent elle aussi menacée par l’OTAN. En
2019, un humoriste est porté au pouvoir : Zelenski. Il se présente comme pro-européen. Des
enquêtes ont montré qu’il avait beaucoup d’affaires en cours en Russie. Depuis qu’il est au
pouvoir, tous les mouvements pro-européens lui reprochent de pactiser avec la Russie : ce
sont des reproches d’opposants qu’il faut relativiser. Son objectif était de mettre un terme au
conflit et de lutter contre la corruption.
 Aujourd’hui, les accords de MII sont toujours pas respectés : on a repéré 100 000 hommes
russes autour de la frontière. Lors du conseil interministériel, il y a u un dialogue compliqué
entre Blinken en Lavrov. Les américains ont beaucoup armé les ukrainiens de leur côté. C’est
en réalité un non-dialogue, la situation est très tendue.
- Le Haut-Karabakh. Les conflits opposent l’Arménie et l’Azerbaïdjan. L’histoire remonte aux
années 20. En 1921, les soviétiques rattachent le HK à l’Ab alors même que le HK est
majoritairement peuplé d’arméniens. Cela a toujours été une source de frictions. Arrive la fin
de l’ère soviétique. Ces pays réclament et obtiennent leur indépendance. A ce moment
éclate une guerre entre les deux pays : l’objet de la guerre est le contrôle du HK. Les
arméniens veulent le récupérer, les habitants veulent être rattachés. Il a duré de 1991 à 1994
et se termine par un cessez le feu. Le vainqueur est l’Arménie qui occupe une partie du
territoire de l’A, 15-20%. Le HK s’autoproclame indépendant mais est très lié à l’Arménie.
C’est un Etat non reconnu à l’international. Cette guerre a fait plus de 30k morts. La situation
est restée non réglée, un lieu de tensions avec des moments de conflits. En 2016, l’Ab lance
une offensive contre l’Arménie, ce qui lui permet de récupérer quelques terres mais a le
dessus : le rapport de force semble avoir évolué en sa faveur (l’Ab est soutenu par la
Turquie). Quel est le point de vue Russe ? cela se déroule dans leur sphère d’influence, mais
ils sont ambigus. L’Arménie est un allié historique. Les équipements militaires arméniens
sont fournis par les Russes. L’Arménie participe à tous les projets économiques de la Russie
(UEE). L’Ab est beaucoup plus distant de la Russie et a développé une forte proximité
linguistique et culturelle avec la Turquie. Ces dernières années, la R s’est rapprochée de l’Ab.
Tout laisse à penser que la R joue sur les deux tableaux : que veut la Russie ? (diploweb, HK).
Pour beaucoup d’auteurs, ils veulent que le conflit ne se règle pas et font tout pour. Le
comble est que la R joue le rôle de médiateur. Ils sont médiateurs entre deux Etats qu’ils
arment. Il s’agit d’asseoir son contrôle. En 2020, l’Azerbaïdjan a lancé une offensive. Il y a eu
toutes sortes de médiations tentées (russes, groupe de Minsk, US) et inopérantes. Lors de
cette deuxième guerre, très vite, les troupes azéries ont avancé face aux troupes
arméniennes dépassées. Elles ont demandé un cessez le feu. C’est une défaite cuisante pour
l’Arménie qui perd les terrains occupés par l’Ab mais qui devrait en récupérer d’autres. C’est
aussi une victoire russe : des forces de pais russes sont déployées sur place. Les turcs qui
étaient très présents ont été neutralisés par les russes dans les accords de paix. Le statut du

15
KH (-1/3 de son territoire) est en suspens. Cela s’est traduit par des secousses politiques en
Arménie. Au total, un conflit pas réglé, des tensions toujours présentes.

Tous ces conflits non réglés disent quelques chose d’une très forte instabilité. A travers ces quelques
exemples, on s’aperçoit que la Russie est très offensive .

B. Les ambitions russes, une menace pour l’UE ?

Quelques éléments utiles pour différents sujets.

Poutine applique un certain nombre de principes internationaux. Sa ligne diplomatique est fondée
sur un triptyque : autonomie stratégique de la Russie, souverainisme dans son propre pays et peut
être sa zone d’influence et, d’un point de vue international, il défend le principe de multipolarité.

 Il défend l’idée d’un monde polycentrique. C’est la fameuse phrase de Medvedev : « le
monde ne peut être gouverné par une seule capitale ».

Cela laisse à la Russie la possibilité d’être l’un des pôles. Suite à la plus grande catastrophe
géopolitique a beaucoup perdu d’aura internationale. C’était l’un des pôles de la GF mais elle a
disparu des radars. Elle a retrouvé un rôle international et une grande visibilité à l’occasion de la
guerre de Syrie : elle s’impose alors comme l’un des grands acteurs de la scène internationale ou au
moins sur une scène régionale. Pourquoi cette affirmation et cette visibilité regagnée ?

 Cela procède d’abord du retrait d’autres puissances : le « monde post-ligne rouge. La Russie
est l’alliée traditionnelle des dirigeants syriens. Lorsque les US se dérobent, Poutine propose
ses services et la destruction des armes chimiques sous contrôle de l’ONU. Il obtient la
promesse de BeA la promesse de destruction des armes chimiques. La Russie devient une
sorte de médiateur international. Elle intervient militairement dans le conflit de 2015,
officiellement pour lutter contre l’EI, c’est pour aider BeA à maintenir sa position dans les
faits. Elle a mené son jeu : pilonnage de positions kurdes. Elle dispose de bases aériennes
(Lattaquié) et navales (Tartous). Ce retour de la Russie sur la scène internationale est une
grande victoire diplomatique de Poutine. Au-delà de ça, le maintien de BeA est une victoire
et une défaite des pays occidentaux, qui avaient posé comme condition de négociations le
départ de BeA.

La défense du régime syrien n’est pas contradictoire avec les principes internationaux défendus par
P. le souverainisme qui fait que P défend le principe de non-ingérence ne va pas à l’encontre du
soutien de BeA : l’intervention cherchait à contrecarrer les ingérences d’autres pays. A travers cette
guerre syrienne, les problèmes et la solution passent pas Poutine.

Deuxième élément : le positionnement eurasiatique de la Russie. L’ancrage européen de la Russie


existe. Les liens économiques entre la Russie et l’UE sont forts. L’UE dépend de la Russie pour son
gaz, mais la Russie dépend de l’UE pour vendre son gaz : l’économie russe est primarisée. Les
relations se sont tendues entre l’Europe occidentale et la Russie. Elle subit des sanctions depuis 2014,
d’où l’idée d’un déplacement de son centre de gravité ou d’un « inversion de polarité » vers l’Asie.
Elle serait très tentée de se réorienter vers une intensification de ses liens avec la Chine et l’Asie. Ça
n’est pas une nouveauté que cette tentation-là, avec tout de même des contraintes géographiques.
La plupart de la production de m1 se fait à l’Est (gaz, pétrole, or, diamant). L’essentiel de l’activité
économique, le cœur économique est à l’Ouest, du côté occidental.

 L’espace peut aussi être une faiblesse. Il a fallu attendre 2010 pour qu’il y ait un premier
ruban routier asphalté entre Moscou et Vladivostok (Il y avait un chemin de fer)

16
La Russie se tourne de plus en plus vers son côté asiatique, naissance d’une Union eurasiatique. Pour
ce faire, la R se heurte à certains principes de la réalité : climat, relief qui rendent la mise en valeur
de l’Est du territoire complexe et compliquée. Dans le cas de la R, le territoire est peu maîtrisé (cas
de la route).
 Cette volonté s’est traduite dans une intensification des relations commerciales avec la
Chine. En 1995, la Chine représentait 2,5% des importations russes. En 2020, c’est près de
24%. Ces chiffres sont surement faux mais donnent un ordre de grandeur de l’augmentation.

De même, en 2020, l’UE reste le principal client des russes : près de 41% des exportations russes se
font à destination de l’UE. En 2014, c’étaient plus de 50%. L’UE comme client reste prédominant mais
moins qu’avant. Elle achète principalement des matières premières (hydrocarbures, bois). Les
importations russes proviennent à 35% de l’UE (2020) : c’était 42,5% en 2013. En résumé, l’UE reste
un fournisseur et un client majeur de la R. Son poids tend à diminuer comparativement à celui de la
Chine qui augmente.

Le fait est que depuis le début des années 2000, deux secteur particuliers sont concernés par
l’intensification des échanges commerciaux :

- l’énergie, avec en particulier l’accord Prêt contre pétrole de 2009 (Chine/Russie). Comme son
nom l’indique, la Chine accorde à la Russie un prêt (25Mds de dollars) en contrepartie d’une
garantie d’approvisionnement sur 20 ans (gaz et pétrole). Cet accords comprend aussi la
construction de gazoducs et oléoducs. Notamment, un gazoduc, le Force de Sibérie et qui a
été pour sa plus grande partie inauguré en 2019. C’est le premier vrai gazoduc sino-russe qui
relie la Sibérie pétrolifère à la Chine (Shangaï). c’est un gazoduc de plus de 2000 km : il ne
fonctionne actuellement qu’en partie car le tronçon chinois n’est pas totalement terminé.
Deuxième axe : les armes.
- Au début des A2000, la Chine représente 40% des exportations russes d’armes. Aujourd’hui,
la situation a bien changé : la C est devenue productrice et concurrence la R sur ses marchés.

La relation Sino-russe est ambiguë, ambivalente. Il y a un lourd passif :

- toute l’expansion russe vers la Sibérie au XVIIe siècle avec un certain nombre de traités
(jusqu’au XIXe) qui ont conduit à l’annexion de vastes territoires chinois par la Russie. Le
traité d’Aigoun en 1858 ou la convention de Pékin (1860) conduisent à de telles annexions.
Cette source d’opposition sur les frontières joue ensuite dans les conflits. Les traités inégaux.
L’empire tsariste a participé au dépeçage de la Chine au XIXe (« breaking of China »). Les
Russes ont été une force occupante. Cette période d’humiliation reste encore très présente
dans les mémoires et joue dans les relations entre les deux pays.
- Plus tard, les relations entre l’URSS et la RPC ont évolué entre fraternité socialiste et guerre
fratricide plus tard, notamment pour des questions de frontières (officiellement des
problèmes idéologiques).

Depuis l’arrivée au pouvoir de DXP et G, les relations se sont apaisées. Poutine et XP affichent une
très grande proximité : de sommets en sommets ils se déclarent meilleurs amis mutuels. Ils se sont
rencontrés une trentaine de fois. Il y a une vraie proximité. On en est au stade d’une quasi-alliance
pour Poutine. En effet, il n’y a pas de réelle formalisation : la C comme la R souhaite garder sa totale
souveraineté et sa marge de manœuvre diplomatique. Il y a une sorte d’aversion sur des traités
engageants.

17
Les liens sont aussi d’ordre politique : les deux pays sont à l’origine de la création de l’OCS en 2001.
Elle fait suite à ce que l’on appelait le Groupe de Shangaï. A l’origine, il s’agissait, après les grands
bouleversements liés l’effondrement de l’URSS de stabiliser la région. C’était un accord sur
l’intangibilité des frontières. C’est devenu, avec l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï), une
organisation intergouvernementale mais de plus en plus à visée sécuritaire et militaire. Font partie
de l’OCS la Russie et la Chine, un certain nombre de Républiques d’Asie centrale. En 2017, deux
nouveaux pays ont fait leur entrée : l’Inde et le Pakistan. En 2021, l’Iran est entrée. C’est devenu une
forme de rapprochement géostratégique. Les troupes ont fait de très grandes manœuvres. On a vu
l’armée russe et celle chinoise coopérer ensemble.

Une relation de proximité mais toujours très ambiguë. la Russie est très dérangée par la BRI : elle
cible particulièrement les Républiques d’Asie centrale, considérées comme la zone d’influence de la
R. la Russie se trouve en infériorité : elle se fait concurrencer sur les armes. La Russie n’exporte que
des matières premières et n’importe que des produits manufacturés. Ce qui ressort, c’est que la
Russie a plus besoin de la Chine qu’inversement. Cela met toutefois la Chine en position de force par
rapport aux US.

Dans le fond, la R occupe une place singulière sur la scène internationale. Elle est membre
permanent du CS. C’est une puissance nucléaire membre du G20 un temps membre du G8 devenu
G7. Membre de l’OCS. Elle a les attributs de grande puissance, mais de grande puissance déclassée,
d’où l’intérêt, pour la Russie, d’être intégrée dans les BRICS. Cela a quelque chose d’humiliant, en
tant que grande puissance passée mais cela porte aussi un message fort. Appartenir au BRICS est
totalement en cohérence avec la volonté de participer à un monde polycentrique. Finalement, c’est
une façon d’effacer le statut de puissance dynamique en se replaçant dans une dynamique de
montée en puissance et de critiquer l’occident sans le faire frontalement.

La Russie se place donc comme une grande puissance européenne, c’est certain, mais difficilement à
l’échelle mondiale.

A-t-elle les moyens de sa puissance ?

 En 2020, le PIB russe correspondait à la moitié de celui français et était nettement inférieur à
celui italien.

C’est un pays en crise démographique profonde : un pays vieillissant en cours de


dépeuplement. Le taux de fécondité tourne autour de 1,5. En 2001 et 2017, la Russie a perdu près de
7M d’actifs (sur une population de 144M).

Pire, la R assiste à une véritable fuite des cerveaux, notamment dans la R&D et le nombre de
chercheurs diminue actuellement en R. Les investissements sont actuellement faibles et récemment,
les Russes ont baissé leur crédit militaire. Cela est à mettre en perspective avec les ambitions
actuelles : a-t-elle les moyens de mener une guerre ? cette faiblesse russe est aussi une forme
d’immobilisme économique : très peu a été fait depuis les 12 grands projets de 2018 (lors de la
campagne présidentielle). Les prix du gaz vont profiter à la Russie. La faiblesse des investissements se
ressent aussi dans les infrastructures (le pont avec la Crimée, les I pour la CM de 2018, très peu de
grands projets depuis).

Poutine s’est fait réélire en 2018. Il a été amené à prendre des mesures impopulaires pour
rétablir les comptes : augmentation de a pression fiscale via la TVA, recul de l’âge de la retraite. Des
mouvements de contestation et de mécontentement se sont manifestés : Tchétchénie et Hindouchi.

18
C’est aussi des manifestations récurrentes à Moscou pour des élections libres, manifestations qui
ameutent de plus en plus de monde. jusqu’à 50 000 personnes ont protesté.

Cette protestation met en cause un pouvoir de plus en plus vertical et autoritaire. En 2019, un
sondage (les instituts de sondage sont très contrôlés) annonce que 70% de la population disait avoir
une opinion positive de Staline.

Une Russie qui a des points faibles, mais l’UE en a aussi.

C. Un face-à-face entre l’UE et la Russie à travers la question énergétique

L’UE a 27 est le troisième plus gros consommateur d’énergie au monde derrière la Chine et les US.
Cela s’explique par le nombre d’habitants en Europe, le niveau de développement.

Prise globalement, l’UE est dépendante à près de 61% de ses importations pour son énergie. Elle est
donc dépendante de ses fournisseurs, notamment de la Russie et du MO. Le degré de dépendance
des pays de l’UE varie cependant fortement d’un pays à l’autre.

Plusieurs remarques sur les cartes : l’Estonie est dépendante pour moins de 5% de l’énergie qu’elle
consomme. Malte, Chypre et Luxembourg sont dépendants à plus de 90% de l’étranger pour leurs
ressources énergétiques. La France est beaucoup moins dépendante que l’Allemagne.

 L’uranium est importé, cela n’est peut être pas pris en compte dans le taux de dépendance
énergétique. Nucléaire français = +70% mix électrique mais pas énergétique.

Le cas de chaque pays de l’UE est spécifique. Les situations sont diverses. Cette diversité des
situations explique probablement la difficulté qu’ont les européens à mener une politique commune
de l’énergie qui leur permettrait de mieux gérer collectivement leur dépendance. Ces situations très
contrastées résultent de situations nationales différenciées et de politique énergétiques nationales
divergentes.

- Le charbon : la France a fermé toutes ses mines de charbon en 2004, comme beaucoup
d’autres pays (Italie, Allemagne, qui en importe en provenance d’Océanie, d’Afrique et des
US). Certains pays produisent et ont une économie charbonnière (Pologne : plus de 80% de
l’électricité, 80 000 emplois, c’est un secteur économique à part entière). C’est encore 54%
du me en RT et 43% en Allemagne. Les pays ont des stratégies différentes.
- C’est peut-être encore plus vrai pour le nucléaire, à l’origine d’encore plus de débats. 13 pays
n’utilisent plus de nucléaire : l’Autriche qui avait construit une centrale qui n’a jamais été
mise en service car, entre-temps, les autrichiens ont inscrit dans leur constitution
l’interdiction de production d’énergie nucléaire en 1999. D’autres pays sont très hésitants, et
les hésitations fluctuent en fonction des évènements. En 1986, Tchernobyl : un certain
nombre de pays décide de renoncer au nucléaire. Les centrales ne sont pas remplacées, les
risques apparaissent comme trop grands. Si ces pays décident de les laisser vieillir, ils
cherchent à s’orienter vers d’autres sources (Suède, Espagne, Belgique, Allemagne). En 2008-
2009, le prix du pétrole atteint des prix astronomiques (jusqu’à 150$/baril) : certains pays
décident de reculer la fermeture de leurs centrales nucléaires (Espagne, Allemagne) tandis
que d’autres décident de relancer un programme nucléaire (Belgique, Italie). 2011 :
Fukushima. Pousse un certain nombre de pays à décider l’arrêt du nucléaire (en 2022). Les
pays de l’Est sont dans une situation très particulière : économie charbonnière poussée,
dépendance vis-à-vis de la Russie, y compris du point de vue des infrastructures. Ils ont le
nucléaire qu’ils ont développé et très peu sécurisé : en Lituanie, l’UE a imposé la fermeture
d’une centrale (Ignalina) jugée trop dangereuse en 2009. Pour ces pays, la priorité est de

19
sortir de la dépendance russe : beaucoup ont misé sur le nucléaire ou utilisent encore du
charbon.

Le débat sur le mix énergétique est totalement lié à la question du RC et de l’émission de GES.
Quelques éléments de la politique de l’UE dans ce domaine.

- Par le protocole de Kyoto de 1997, l’UE en tant qu’institution s’engage à réduire ses GES de
8% par rapport à 1990 à l’horizon 2012. Dans cette perspective, l’UE engage ses membres à
faire converger leur fiscalité sur les produits pétroliers vers le haut, l’UE préconise le
maintien de l’électricité nucléaire car peu productrice de CO2. Elle incite ses membres à
développer les énergies renouvelables.
- En 2008, face à des prix du pétrole montants, l’UE pose les bases de nouvelles ambitions : le
Paquet Energie-Climat adopté par l’UE. Ce sont de nouveaux objectifs. Ils sont appelés les
3x20. Il s’agit, à l’horizon 2020, dé réduire les GES de 20% (//1990), faire augmenter la part
du renouvelable de 20% et améliorer l’efficacité énergétique de 20%.
- Recherche de développement d’une politique énergétique européenne qui vise la sécurité de
l’approvisionnement, l’interconnexion des réseaux énergétiques, qui consiste à faire en sorte
que les réseaux d’approvisionnement énergétiques européenne communiquent entre eux
pour pallier les manques en énergie d’un membre. Cela a été des travaux impressionnants.
- De nouvelles ambitions affichées dans les énergies renouvelables. En 2018, un objectif
contraignant : chaque pays doit, à l’horizon 2030, s’assurer que son me est composé à 30
d’énergies renouvelables. C’est un engagement sous peine de sanctions. Elle a fixé des
objectifs indicatifs : efficacité énergétique de 32%.
- Enfin, la Commission Van der Leyen a annoncé avoir pour but la neutralité climatique en
2050. Elle a révisé à la hausse la part du renouvelable : l’objectif est de 40% du me européen
en 2030.

Le renouvelable a beaucoup progressé dans les pays de l’UE. En 2020, il a assuré près de 39%, du mix
électrique de l’Union. Pour la première fois en 2020, le renouvelable occupe plus de place que
l’électricité produite à partir d’énergie fossile.

Il semble impossible aujourd’hui de ne pas parler d’une Union énergétique, d’où la difficulté de se
mettre d’accord. Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe a permis au différents réseaux
énergétiques de communiquer entre eux, ce qui permet d’appliquer la solidarité énergétique
européenne : si un pays est en difficulté d’approvisionnement, les autres le fourniront. Il existe des
« corridors énergétiques » qui permettent de faire circuler le gaz et le pétrole notamment.

Toujours sous la houlette de l’UE, l’idée étant de moins dépendre des mêmes fournisseurs :
l’encouragement de l’utilisation de gaz liquéfié, dont un des grands producteurs est les US. Entre
2018 et 2019, les importations en GNL ont augmenté de 300%.

 C’est une façon de limiter le pouvoir de marché russe.

L’UE est très dépendante de ses importations pour son énergie : à près de 41% du gaz russe. 30%
de son pétrole provient de Russie. Même pour le charbon, il y a une forte dépendance. Problème :
d’un pays à l’autre, cette dépendance n’est pas la même. Certain pays en sont très peu dépendants

20
(Portugal, Luxembourg). Les achats bilatéraux sont vraiment un problème. La France a proposé que
l’UE se groupe pour plus de pouvoir de marché, cela n’a pas été accepté pour le moment. Il y a aussi
des positionnements différents. Les pays de l’Est rêvent de s’affranchir totalement de la Russie, qui a
de son côté besoin de l’UE pour écouler ses hydrocarbures et son gaz.

De fait, Poutine, dans les paroles tout du moins, ne cesse de rassurer les européens sur la pérennité
de l’approvisionnement. Il rappelle et a rappelé à plusieurs reprises que même aux pires moments de
la GF, l’URSS n’avait pas fait défaut dans ses approvisionnements en gaz. Les actes sont tout de
même moins rassurants. Depuis 2000, l’armé gazière est utilisée pour exercer des pressions
politiques.

- 2006 : oléoduc de la Fraternité ou de l’Amitié. Une branche de cet oléoduc (Nord) s’orientait
vers la Lettonie et alimentait un terminal, un port letton de Ventspils avec un grand terminal
pétrolier sur la mer Baltique. A partir de ce port, des tankers chargeaient du pétrole et
alimentaient l’Europe occidentale. Les pays baltes étaient partie intégrante de l’URSS. Ils
restent complètement dépendants de la Russie pour leur alimentation en énergie. En 2006,
sans préavis, les Russes ferment cet oléoduc qui desservait la Lettonie et, de-là, une partie de
l’Europe occidentale. C’est une double sanction politique : le pétrole ne circule plus, ils
perdent les droits de transit. L’activité du port du terminal est très affectée et
l’approvisionnement en pétrole de la Lettonie devient beaucoup plus cher.
- 2007 : les Russes veulent faire pression sur le Biélorussie qui refuse deux choses. Elle refuse
l’augmentation du prix du pétrole que les Russes veulent imposer. De même, ils refusent de
voir baisser les taxes de transit pour les oléoducs qui traversent leur territoire. Or celui qui
passe en B, le Yamal, alimente l’Europe occidentale. Officiellement pour faire pression sur la
B, les Russes coupent l’approvisionnement de pétrole du jour ou lendemain : de la
Biélorussie, certes, mais aussi d’une grande partie de l’UE. Cela a des conséquences
immédiates : l’Europe manque de pétrole, les raffineries polonaises sont à l’arrêt, et on
pourrait multiplier les exemples.
- Suite à la révolution orange, qui a lieu en Ukraine et qui permet à Ioutchenko d’arriver au
pouvoir et de se rapprocher de l’OTAN et de l’UE, la Russe se met à exercer d’énormes
pressions sur l’Ukraine pour augmenter le prix du pétrole qu’elle lui vend. A deux reprises,
elle coupe unilatéralement le gaz : en 2006 puis à nouveau en 2009 ( ce sont des coupures
d’une quinzaine de jours qui bloquent totalement l’économie). Le gazoduc qui traverse
l’Ukraine alimente l’UE, d’où des pénuries de gaz. En 2009, l’économie allemande est très
durement touchée et l’UE finit par intervenir dans les négociations pour que les deux acteurs
trouvent un point d’entente.

La Russie a donc clairement des moyens de pressions et elle n’hésite pas à les utiliser. Dans le
fond, la B et l’Ukraine ne sont pas des membres de l’UE, même si l’U cherche à s’en rapprocher. Les
pays Baltes le sont : l’UE n’a pas su réagir lorsque la Lettonie s’est fait sanctionner. Les Russes savent
sans l’ombre d’un doute que lorsqu’ils coupent le gaz, ils influent sur l’UE directement. C’est vrai
pour l’Ukraine : c’est une sorte d’avertissement.

Les pays européens ont été incapables de réagir collectivement, et c’est assez logique : tous
n’ont pas le même positionnement sur la Russie. Les pays de l’Est ont été d’une grande fermeté
tandis que l’Allemagne semblait vouloir dialoguer et temporiser. Pour des raisons bien

21
compréhensibles, les agissements russes et le pouvoir énergétique qu’ils détiennent inquiètent les
européens à des degrés divers. Les Russes se justifient et temporisent : l’explication fournie dans les
A2000 est que les pays de transit posent problème. L’U est pointée du doigt. La Russie propose des
solutions : puisque les pays sont problématiques, la Russie propose de les contourner via d’autres
infrastructures.

 La guerre des tubes.

C’est ainsi qu’elle propose deux nouveaux réseaux de gazoducs, on rentre dans la guerre des tubes :

- North Stream 1 qui doit relier directement la Russie à l’Allemagne par la mer Baltique en
contournant l’Ukraine et les pays Baltes. C’est une initiative russo-allemande dans laquelle
d’autres groupes se sont engagés (GDF a une participation minoritaire). Initiative russe
soutenue depuis le début par les autorités allemandes, notamment par le chancelier G.
Schröder. AM est dans la continuité et Scholz aussi. Lorsque Schröder quitte le pouvoir, il
prend la tête du consortium NS1 : proximité forte entre les autorités allemandes et le projet
gazier. Le projet a un avantage sur les autres : engagé plus tôt, il est en avance en termes de
réalisation. Il va de St-Pétersbourg à l’Allemagne. Cela élimine toutes les questions des pays
de transit mais cela maintient l’A dans la dépendance russe : dans quelle mesure cela
interfère-t-il dans les positions de l’A au sein de l’UE ?
- South Stream qui est une initiative russo-italienne destinée à acheminer le gaz vers l’E via la
mer Noire. Ils cherchent à torpiller le projet Nabucco, projet de l’UE. Projet plutôt soutenu
par les italiens aux coûts absolument exorbitants. Concurrencé par un autre projet : Nabucco
qui consistait à relier les républiques d’Asie centrale pour atteindre les pays européens. Ce
qui est intéressant : NS et SS sont des initiatives russes tandis que N est un projet européen
soutenu par les US. C’est une « priorité stratégique » pour la Commission. Il affaiblissait la
position russe qui se trouvait contournée. En revanche, des pays comme la
Bulgarie/Roumanie y étaient très favorables : droits de transit. Cela donne un certain
pouvoir. Les deux n’ont jamais vu le jour.
 C’est cette concurrence entre projets que l’on a appelé la guerre des tubes. C’est révélateur
de la difficulté des européens à gérer collectivement les enjeux stratégiques. Les projets sont
concurrents et non pas complémentaires. Ils sont contre-productifs et donc onéreux. Des
tronçons ont été réalisés, l’ensemble n’étant pas achevé. De plus, ils étaient supposés
transiter par des pays extrêmement instables.

NS1 est finalement inauguré en 2012. Le TANAP puis le TAAP relient les républiques d’AC à la Grèce
via la Turquie. De ce fait, la T devient une sorte de hub gazier. Ces changements de projet ont fait des
gagnants et des perdants. Les perdants : pays de l’Est qui perdent les droits de transit. La perdante
est tout de même l’UE qui a montré sa désunion. Les gagnants sont aussi les russes, notamment via
NS1.

Les allemands ont décidé unilatéralement pour NS1 et des pays comme la Pologne se sentent lésés
par ces nouvelles infrastructures. Les pays Baltes se retrouvent assez isolés dans cette situation. Les
polonais ont très vivement dénoncé les engagements allemands. Les autorités polonaises ont

22
dénoncé le « pacte germano-russe ». Ils ont proposé en 2006 une organisation atlantique de la
sécurité énergétique qui, dans l’esprit des Polonais, aurait associé l’UE, les US et la Turquie.

 Le Russes ont tout fait pour attiser les rivalités et tensions entre l’UE. Un autre exemple : les
russes négocient les contrats de gaz unilatéralement, ce qui est une façon explicite de jouer
sur les divisions. Gazprom est très proche du pouvoir.

La France était embarrassée : elle s’est retrouvée dans une position diplomatique très difficile. Elle a
proposé une Central Européenne pour l’achat du gaz pour donner un pouvoir de marché. On voit là
un exemple : la dépendance énergétique de l’UE est entretenue voire aggravée par le manque
d’intégration des européens.

Un point sur NS2 :

- Les travaux ont été lancés il y a 3 ans. Il consiste à doubler NS1, c’est pratiquement le même
tracé et cela permettrait d’exporter plus de gaz. +1200km de canalisations passant sous la
mer. Gazprom exploite NS2 en partenariat avec des entreprises européennes, dont Engie. Les
travaux sont donc achevés mais le gaz ne parvient pas en Allemagne : le projet ne fonctionne
pas pour des raisons administratives. Les européens ont imposé des règles administratives
contraignantes qui ne sont pas remplies actuellement : la certification de l’UE n’est pas
délivrée. Les raisons administratives sont éminemment politiques. Ce projet, comme le
premier, est un projet très controversé pour des raisons économiques, géopolitiques et
écologiques. Les détracteurs font valoir que le projet ne fait qu’accroître la dépendance de
l’UE à la Russie d’autant plus qu’il n’y a plus de droits de transit : le gaz russe est d’autant
plus compétitif. Lorsque le gaz circulait sur son territoire, l’U percevait près d’1,5Mds de
$/an. L’UE a pour objectif la neutralité climatique à l’horizon 2050 or l’Allemagne mise sur le
gaz pour limiter sa consommation de charbon. Cela risque de ralentir le temps de la
transition. Pour l’Allemagne, c’est tout bénéfice : elle devient un hub gazier et peut
redistribuer à ses partenaires européens, elle gagne en poids géopolitique. L’U, quelque soit
le gouvernement, est vent debout contre ce projet, a l’impression que l’UE l’abandonne. Les
US y étaient très défavorables : Trump a pris des sanctions contres les entreprises
européennes impliquées dans le projet. L’opposition est géopolitique mais aussi
économique : ils pensaient vendre de plus en plus de GNL à l’E, qui n’est plus compétitif face
au gaz russe( droits de transit). Suite aux mesures de T, les travaux sont arrêtés pour
plusieurs mois. JB, assouplissant ses sanctions, rend possible la finalisation du projet avec
une UE clivée, la P, PB, Slo, RT y sont opposés. Il a fait signer un accords à l’All par lequel elle
s’engage, en cas d’agression russe de l’U, à couper l’arrivée du gaz russe, les occidentaux
cherchent à conserver une forme de pouvoir. Si les partis au pouvoir étaient très favorables
au pouvoir, les Verts y sont très opposés. Pour AB, le projet rend un bien mauvais service à
l’Allemagne et ne profite qu’à Poutine. Il y a eu des tensions très fortes  lorsque Navalny a
été empoisonné. Le Parlement européen a, à plusieurs reprises, voté des résolutions
exigeant l’abandon de NS2. C’est un désaveu supplémentaire. Sachant que cela finirait par
se faire, les européens ont voté des directives de nouvelles règles du marché européen qui
s’imposent aux gazoducs issus de pays situés hors-UE : bloque aujourd’hui.
 Actuellement, les Russes ont massé des troupes nombreuses à la frontières ukrainienne. JB,
face à cette situation, a annoncé qu’il utiliserait des moyens de rétorsion et de pression
jamais utilisés jusque-là. Deux pistes sont envisagées : l’une a été développée par le
conseiller pour la sécurité nationale de JB, Sullivan. Il s’agit du NS2 : comme il ne fonctionne

23
pas encore, c’est un moyen de pression des occidentaux pour les russes (et inversement
lorsqu’il sera en fonction). Ils envisagent de bloquer le fonctionnement du gazoduc. Le
deuxième moyen utilisé : moyen financier hyperpuissant. Il s’agirait de couper la Russie du
système Swift. C’est un système de paiement interbancaire, de virements créé en 1973
auquel toutes les banques mondiales ont recours. Ce système autorise ou pas les virements.
Sortir les russes de ce système, c’est les neutraliser financièrement. La Russie sera coupée
financièrement. La Chine a cherché à mettre en place son propre système de financement.
C’est un marqueur de puissance incroyable. Ils ont la capacité d’ostraciser et d’asphyxier des
pays.

L’UE a mep un partenariat oriental : trois pays ont signé des accords très engageants avec l’UE depuis
2014. Géorgie, Moldavie, Ukraine. Ce sont des « zones de libre-échange approfondies » avec un
alignement des normes, une réduction massive des obstacles au commerce. L’Arménie louvoie : a fini
par signer un accord de partenariat en 2017 sans pour autant que soit établie une ZLE et l’AZ et
toujours en négociations. L’AZ a signé un « partenariat énergétique stratégique » avec l’UE.

En 2021, un nouveau programme est en développement pour le partenariat oriental.

D. Un autre acteur cherche à s’implanter et à jouer un rôle en Europe 

Elle cherche aussi à jouer des divisions de l’UE. En 2012, lancement d’un groupe de coopération, le
groupe 16+1. C’est un cadre coopératif entre 16 pays européens et la Chine.

Cela comprend 11 pays de l’UE (cf carte).

17+1 car la Grèce a rejoint l’initiative. La Lituanie a claqué la porte en incitant les autres membres de
l’UE à en faire autant en 2021 : « il est plus que temps que les membres de l’UE abandonnent ce
format qui nous divise ». Les lituaniens proposent un projet 27+1.

 Le départ de la L s’ajoute à un grand malaise qui affaiblit la structure mise en place par la C,
lié au mode de fonctionnement chinois. L’aide chinoise est sous forme de prêts : la C propose
de financer des projets qui l’intéressent sans être toutefois les plus bénéfiques pour ceux qui
l’acceptent. Certains finissent par être très endettés : le Monténégro. S’est vu offrir un prêt
de 1Md de dollars pour construire une autoroute pour moderniser le projet. 6 ans de travaux
menés par un groupe chinois pour un constat catastrophique : 41 km de construits qui ne
mènent nulle part. L’argent prêté a été dépensé et le M ne peut pas. Il est question de
remboursement avec des terres ou des infrastructures. Une défiance à l’égard des procédés
chinois s’est développée. Cette structure qui semblait très dynamique semble avoir du plomb
dans l’aile.

Ce rapprochement avec l’Europe orientale et balkanique s’intègre dans la BRI. Elle octroie des crédits
pour réaliser un certain nombre de projets : autoroutes, parcs industriels, réseau de fibres optiques.
Quelques projets symboliques ont été réalisés :

- construction d’une ligne de train à GV entre Athènes et Budapest qui passe par la Macédoine
et la Serbie ; inauguration d’un nouveau pont sur le Danube à Belgrade (premier grand projet
d’infrastructure réalisé en Europe par la Chine) ;
- tendance à s’approprier des projets qu’elle n’a pas financé, le pont de Peljesac en Croatie,
particulièrement ciblée par exemple. C’est un ouvrage colossal (2,5km) destiné à corriger une
aberration géographique liée au découpage de l’ex-Yougoslavie : la C est coupée en deux

24
dans sa partie méridionale pour laisser un couloir d’accès à l’Adriatique à la BH. Le corridor
bosniaque est ainsi contourné et le territoire croate est beaucoup plus cohérent et
fonctionnel. La C entre dans l’UE en 2013. En 2017, l’UE décide de financer le projet à 85%
(tunnels d’accès, voies d’arrivée). Suite à un appel d’offre (un groupe chinois remporte le
marché, CRBC, China Bridge and Road Corporation), les chinois s’approprient le projet. L’UE
communique très peu sur ce genre de projets et s’est en quelque sorte fait voler le projet.

Un sommet a été organisé en vidéoconférence en février dernier : XJ participait en personne et parmi


les 17 devenus 16, beaucoup de chefs d’Etat ont refusé d’y participer. XJ s’est retrouvé à discuter
avec des ministres : c’est un décalage diplomatique qui a résulté en une forme d’humiliation. La date
du prochain sommet n’a pas encore été fixée.

Conclusion :

L’Europe telle qu’elle est organisée est assez désarmée pour faire face à des pouvoirs forts, eux-
mêmes hermétiques aux valeurs que défend l’Europe. Les pays cherchent finalement à prouver la
faiblesse du régime démocratique (Russie), dont l’Europe est malheureusement un exemple. Les
marges de l’Europe sont terriblement instables et conflictuelles. Rien n’est stabilisé, ni au Sud ni à
l’Est. Se pose la question de savoir si l’Europe telle qu’elle fonctionne aujourd’hui est apte à faire face
à cette situation. Peut-elle le faire si elle ne s’oriente pas vers l’élaboration d’une Europe politique ?
ce serait une erreur de sous-estimer la capacité d’agie de l’UE.

25

Vous aimerez peut-être aussi