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MARKETING DE LA CULTURE EN EUROPE

Mécénat culturel,
marketing &
transfert des savoirs
ROGER BENNETT
Professeur de marketing
Directeur, Centre for Research in Marketing,
London Metropolitan University
Les opérations de mécénat et autres formes de (r.bennett@londonmet.ac.uk)

partenariat sont aussi l’occasion, pour les entre- R E H N U M A A L I - C H O U D H U RY


Assistant de recherche
prises qui soutiennent financièrement les organisations Centre for Research in Marketing,
London Metropolitan University
culturelles, de leur transmettre des savoirs, notam- (r.alichoudhury@londonmet.ac.uk)

ment dans le domaine du marketing. L’étude des W E N DY M O U S L E Y


Assistant de recherche
modes de transfert de ces savoirs, ainsi que des Education Research Group,
Department of Business and Service Sector
freins à ce processus, montre que les marges de Management,
London Metropolitan University
progression en la matière sont importantes. (w.mousley@londonmet.ac.uk)

L
es partenariats entre entre- tions croisées, les joint ventures(2)… Dans ce contexte, il est souvent
prises et organisations cultu- Pour que chacune des deux parties de l’intérêt de l’entreprise de don-
relles et artistiques à but non puisse tirer avantage d’un partena- ner des conseils et de fournir une
lucratif n’ont cessé de se dévelop- riat, celui-ci doit être accompagné assistance marketing à son parte-
per au cours des dernières décen- d’un marketing efficace. Ainsi, par naire culturel. Ce soutien peut se
nies(1). De multiples formes de par- exemple, pour que les deux parte- concrétiser par la mise en œuvre
tenariat ont vu le jour parmi naires bénéficient pleinement du d’opérations spécifiques (études
lesquels on peut citer le mécénat, parrainage par une entreprise d’un marketing, conception d’une cam-
les programmes de responsabilité opéra ou d’une exposition, celui-ci pagne de publicité, programmation
sociale, le co-branding, les promo- doit être promu efficacement. d’un plan de promotion, etc.), voire

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TRANSFERT DES SAVOIRS MARKETING DES ENTREPRISES VERS LES ORGANISATIONS CULTURELLES

(1)
par la prise en charge la quasi-tota- œuvre. C’est pourquoi le savoir – Derrick CHONG,“Revisiting business and the
lité d’une fonction marketing de tacite est difficile à appréhender et arts”, Journal of Nonprofit and Public Sector
Marketing, vol. 11, n° 1, 2003, pp. 151-165.
l’organisation culturelle. à communiquer. Il est éphémère, – Walter WYMER et Sridhar SAMU,“Dimensions of
Malgré leur importance, les ques- rarement écrit, et se transmet pas business and nonprofit collaborative
relationships”, Journal of Nonprofit and Public Sector
tions liées aux mécanismes de trans- des échanges sur le vif. Le savoir Marketing, vol. 11, n° 1, 2003, pp. 3-22.
fert des savoirs dans le cadre d’un explicite, à l’inverse, est factuel, – Hollis Sponsorship and Donations Yearbook 2005,
Hollis Publications Ltd, 2005.
partenariat entre une entreprise et objectif. En principe, il est donc à (2)
une organisation culturelle, ainsi même d’être codifié et transcrit dans Voir, pour plus d’exemples :
– Roger BENNETT et Helen GABRIEL,“Charity
que leur portée, n’ont pas fait l’ob- des manuels opératoires ou des affiliation as a determinant of product purchase
jet d’études poussées. Cet article guides d’utilisation, ou encore d’être decisions”, Journal of Product and Brand
Management, vol. 9, n° 4, 2000, pp. 255-270.
tente de combler ce manque en intégré à des bases de données. – Walter WYMER et Sridhar SAMU, op. cit., 2003.
communiquant les résultats d’une Un certain nombre d’études ont (3)
étude réalisée sur la base d’inter- conclu qu’une grande partie des Ikujiro NONAKA et Hirotaka TAKEUCHI, The
Knowledge Creating Company, Oxford University
views de quatorze entreprises enga- savoirs marketing étaient tacites, liés Press, 1995, page 17.
gées dans un partenariat avec des à des personnes et que, en consé- (4)
organisations artistiques et cultu- quence, ils étaient difficiles à trans- Pour plus de détails voir :
– Roger BENNETT,“First insights into the transfer
relles à but non lucratif. L’étude a férer(4). of marketing know-how from western firms to
tenté de répondre aux questions sui- enterprises in Central and East Europe.A
qualitative study”, Journal for East European
vantes : LES MODES Management Studies,Vol. 3, n° 1, 1998, pp. 7-25.
– quels facteurs déterminent l’im- DE TRANSFERT DES SAVOIRS – Bernard SIMONIN,“Transfer of marketing know-
how in international strategic alliances.An
portance du transfert des savoirs empirical investigation of the role and
marketing entre une entreprise et Les savoirs marketing peuvent antecedents of knowledge ambiguity”, Journal of
International Business Studies,Vol. 30, n° 3, 1999, pp.
son partenaire organisation cultu- être transmis de multiples façons : 463-490.
relle ? – l’organisation de rencontres et – Daniele ARCHIBUGI et Carlo PIETROBELLI,“The
globalisation of technology and its implications
– quelles méthodes sont les plus fré- d’échanges en face à face ; for developing countries.Windows of
quemment utilisées pour transférer – la fourniture de bases de données opportunity or further burden”, Technological
Forecasting and Social Change, vol. 70, n° 9, 2003,
des savoirs marketing ? ou de documents (par exemple des pp. 861-883.
– à quels domaines du marketing guides, des rapports, des manuels – Bodo SCHLEGELMILCH et Tina CHINI,“Knowledge
transfer between marketing functions in
correspondent généralement les d’instructions et de procédures)(5) ; multinational companies.A conceptual model”,
savoirs transmis (techniques, orga- – le détachement de cadres d’une International Business Review, vol. 12, n° 2, 2003,
pp. 215-232.
nisation et procédures,stratégie) ? entreprise, qui peuvent aller tra- (5)
– quels sont les facteurs qui condi- vailler temporairement au sein de Milan ZELENY, Robert CORNET et James STONER,
tionnent l’efficacité du transfert des l’organisation culturelle (6). Des “Moving from the age of specialisation to the era
of integration”, Human Systems Management,
savoirs entre une entreprise et son équipes réunissant des personnels vol. 9, n° 2, 1990, pp. 153-157.
partenaire organisation culturelle ? provenant des deux partenaires (6)
– David WRAGG, The Effective Use of Sponsorship,
En matière de transfert des peuvent alors être constituées(7) ; Kogan-Page, 1994.
savoirs, une notion fondamentale – l’emploi de médiateurs(8) ; – Margarida FONTES,“The process of
transformation of scientific and technological
est celle de la distinction entre savoir – la participation du personnel de knowledge into economic value conducted by
tacite et savoir explicite. Le savoir l’organisation culturelle à des stages biotechnology spin-offs”, Technovation, vol. 25, n°
3, 2005, p. 339-347.
tacite est fondé sur l’expérience per- de formation en marketing organi-
(7)
sonnelle et sur l’observation. Il se sés par l’entreprise. La formation Shona BROWN et Kathleen EISENHARDT,“Product
construit essentiellement à partir des (qu’elle soit systémique ou ad hoc) development. Past research, present findings and
future directions”, Academy of Management
difficultés rencontrées et des erreurs doit permettre aux membres de l’or- Review, vol. 20, n° 3, 1995, pp. 343-378.
commises, fréquemment à partir ganisation culturelle de comprendre (8)
d’anecdotes qui relatent la façon le langage marketing, ainsi que les Ravi JAIN et Henry TRIANDIS, Management of
Research and Development Organisations. Managing
dont d’autres ont géré tel ou tel pro- objectifs, les priorités et les pers- the Unmanageable,
blème. Souvent, ces savoirs sont le pectives de son partenaire com- Wiley and Son, 1990.
(9)
fruit d’“une perspicacité intangible, mercial(9). Elliot MALTZ et Ajay KOHLI,“Reducing marketing’s
de convictions, de pressentiments et Rencontres et échanges directs. Un conflict with other functions.The differential
effects of integrating mechanisms”, Journal of the
d’intuitions(3)” qui se manifestent certain nombre d’enquêtes mon- Academy of Marketing Science, vol 28, n° 4, 2000,
uniquement dans leur mise en trent que, en matière de méthodes pp. 479-492.

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MARKETING DE LA CULTURE EN EUROPE

opérationnelles, les deux tiers des le transfert des savoirs s’effectue Utilisation de médiateurs. Le
savoirs et informations acquis par avec succès. Les savoirs transmis de transfert des savoirs entre organi-
un cadre en entreprise proviennent cette manière correspondent exac- sations peut, selon Gabriel
de rencontres informelles (contre tement, et instantanément, aux Szulanski(18), être “laborieux, long
seulement un tiers provenant de besoins et objectifs de celui qui les et difficile”. Une solution pragma-
documents) (10). Le transfert des reçoit. De nombreuses études ont tique peut donc passer par le
savoirs d’une personne à une autre révélé que, plus les échanges directs contrôle par une seule personne de
au sein de réseaux informels se pro- sont nombreux, plus ils participent toutes les actions et ressources enga-
duit naturellement. à “la création de références parta- gées dans de partenariat, cette per-
Selon Vicky Dougherty (11), les gées et d’un contexte commun qui sonne imposant ses décisions. David
échanges sont essentiels pour que facilitent le processus de transfert Wragg (19) a remarqué que les
de savoirs(12)”. mécènes déléguaient parfois un
(10) Transmission d’informations sous cadre supérieur au conseil d’admi-
Thomas DAVENPORT,“Saving IT’s soul. Human
centred information management”, Harvard forme écrite. Une entreprise peut nistration de l’organisation à but
Business Review, vol. 72, 1994, pp.119-131. donner à son partenaire culturel des non lucratif qu’ils parrainaient afin
(11)
Vicky DOUGHERTY,“Knowledge is about people,
informations écrites sur ses procé- qu’il puisse apporter le savoir-faire
not databases”, Industrial and commercial training, dures marketing (manuels, rap- nécessaire à l’avancée du projet
vol. 31, n° 7, 1999, p. 262-266.
ports, logiciels, bases de données, commun. Un médiateur est à même
(12)
Saonee SARKER,“Knowledge transfer and etc.). Celui-ci peut ensuite les utili- d’assurer la liaison entre les parte-
Collaboration in Distributed US-Thai Teams”, ser pour ses propres besoins, en sui- naires, de définir avec précision les
Journal of Computer Mediated Communication, vol.
10, n° 4, 2005, pp. 1-21. vant l’exemple de l’entreprise par- savoirs marketing requis, puis de
(13) tenaire(13). Malheureusement, les programmer la diffusion des infor-
Andrzej HUCZYNSKI, Encyclopedia of Management procédures transmises peuvent ne mations adaptées(20).
Methods, Gower, 1983.
(14)
pas convenir aux besoins d’une
David CARSON,“Some exploratory models for organisation à but non lucratif (par- LES FACTEURS INFLUANT
assessing small firms. Marketing performance, a ticulièrement si elle est de petite SUR LE TRANSFERT DES SAVOIRS
qualitative approach”, European Journal of
Marketing, vol. 24, n° 11, 1990, pp. 8-51. taille), avec pour conséquence pos-
(15) sible que le destinataire mette en Quel que soit le mode de trans-
Gabriel SZULANSKI,“The process of knowledge
transfer.A diachronic analysis of stickiness”,
œuvre des procédures marketing fert utilisé, l’objectif est de faciliter
Organisation Behaviour and Human Decision inadaptées(14). Pour que le transfert la transfert effectif des savoirs, c’est-
Processes, vol. 82, n° 1, 2000, pp. 9-27.
de procédures sous forme écrite soit à-dire un transfert qui, première-
(16)
Pour plus de détails corroborant cette théorie, un succès, les deux partenaires doi- ment, aboutit à l’assimilation des
voir : vent être prêts à y consacrer pas mal nouveaux savoirs par l’organisa-
– I. KERSSENS-VAN DRONGLEN, P. WEERD-NEDERHOF
et O. FISSCHER,“Describing the issues of de temps et de ressources(15), notam- tion destinataire, ainsi que sa trans-
knowledge management in R&D.Towards a ment afin que les procédures trans- formation en compétences accrues
communication and knowledge tool”, R&D
Management, vol. 26, n° 2, 1996, pp. 213-230. mises soient adaptées aux besoins et qui, deuxièmement, se traduit
– Roger BENNETT, op. cit., 1998. spécifiques du destinataire. par la mise en pratique des savoirs
(17) Création d’équipes communes. De acquis(21). Bodo Schlegelmilch et
– D. Lee,“Social ties, task-related communication
and first job performance of young engineers”, nombreux ouvrages de manage- Tina Chini(22) citent deux autres
Journal of Engineering and Technology Management, ment assurent que la mise en place indicateurs traduisant un transfert
vol. 11, n° 2, 1994, pp. 203-208.
– Roger BENNETT, op. cit., 1998. d’équipes composées de personnels effectif des savoirs : le destinataire
(18) des deux partenaires, se partageant reconnaît les bénéfices de l’utilisa-
Gabriel SZULANSKI, op. cit., 2000.
les tâches et responsabilités, pro- tion des savoirs transmis, et il en
(19)
David WRAGG, op. cit., 1994. duit généralement des échanges est satisfait.
(20) riches et significatifs(16). Ces équipes Les travaux de recherche consa-
Ravi JAIN et Henry TRIANDIS, op. cit., 1990. se révèlent particulièrement utiles crés au partage des savoirs, que ce
(21) pour formaliser le savoir tacite et soit en matière de management ou,
Peter BUCKLEY et Martin CARTER,“Managing
cross-border complementary knowledge”, pour le présenter sous forme de plus généralement, en matière de
International Studies of Management Organisation, documents codifiés, qui peuvent technologies, suggèrent que certains
vol. 29, n° 1, 1999, pp. 80-104.
(22) ensuite être transmis et partagés par facteurs permettent soit de stimu-
Bodo SCHLEGELMILCH et Tina CHINI, op. cit., 2003. beaucoup d’utilisateurs(17). ler, soit d’accélérer, le transfert des

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TRANSFERT DES SAVOIRS MARKETING DES ENTREPRISES VERS LES ORGANISATIONS CULTURELLES

savoirs entre partenaires. Ainsi, managériales et marketing requises est plus à l’aise avec la forme et le
quatre facteurs principaux concou- pour faire avancer le projet com- contenu des savoirs marketing qu’il
rent à un transfert effectif des mun sont proches de celles utili- reçoit de l’entreprise commerciale.
savoirs : la crédibilité de la source sées habituellement par l’organi- Les obstacles au transfert des
d’information, la spécificité des sation culturelle(27). savoirs entre organisations, quant à
savoirs, la complexité du projet, La complexité du projet. Selon eux, sont de quatre ordres : l’échec
l’expérience de l’associé en matière Bernard Simonin(28), une situation de l’émetteur à comprendre les
de partenariat. complexe de marketing est une besoins du destinataire ; la faible
La crédibilité de la source d’in- situation qui, pour être gérée effi- capacité d’assimilation de l’orga-
formation. Avant que le savoir cacement, requiert que soient sol- nisation destinataire ; la distance
transféré ne soit véritablement licités un grand nombre de modes culturelle ; la distance organisa-
exploité, sa pertinence et sa crédi- d’organisation interdépendants, tionnelle. En ce qui concerne plus
bilité sont généralement évaluées ainsi que des ressources marketing précisément le transfert de savoirs
par le destinataire(23). Si la source diversifiées. Dans ce cas, il faut s’at- entre entreprises et organisations à
est perçue comme experte, réputée tendre à ce qu’un grand volume but non lucratif, un autre obstacle
et digne de confiance, le destina- d’information soit transmis depuis potentiel mérite d’être étudié, qui
taire est plus enclin à accepter ce l’entreprise vers l’organisation par- est la possibilité qu’il existe des pré-
savoir(24). Cependant, les critères tenaire, car le personnel de l’orga- jugés anti-marketing au sein des
qui font que la source est recon- nisation culturelle aura du mal à équipes de certaines organisations
nue digne de confiance peuvent se appréhender précisément les diffé- à but non lucratif.
révéler très subjectifs et sont gran- rentes composantes de l’ensemble L’échec de l’émetteur à com-
dement influencés par les a priori des tâches marketing à mettre en prendre les besoins du destinataire.
du destinataire sur la réputation œuvre. Les informations provien- Roger Bennett(32) montre que le fait
de l’émetteur. À l’inverse, une dront alors des différents services
confiance aveugle en la source peut de l’entreprise. Un haut niveau de
mener à une “dépendance en difficulté peut donc inciter l’entre- (23)
matière d’information”, c’est-à- prise à chercher à contrôler les Rudy MOENAERT, Dirk DESCHOOLMEESTER,Arnoud
DE MEYER et William SOUDER,“Information styles
dire à une acceptation sans réserves aspects marketing du partenariat of marketing and R&D personnel during
des suggestions de l’émetteur, due de façon plus poussée que dans le technological product innovation projects”, R&D
Management, vol. 22, n° 1, 1992, pp. 1-23.
à l’idée préconçue (qui peut être cas de situations marketing plus
(24)
fausse) que l’émetteur est un spé- simples(29). Gabriel SZULANSKI, op. cit., 2000.
cialiste dans tous les aspects du L’expérience du partenaire en (25)
David CHERRINGTON, Organisational Behaviour:The
sujet. Cela peut mener à l’applica- matière de partenariat. Une entre- Management of Individual and Organisational
tion de méthodes inadaptées(25). prise ayant une grande expérience Performance,
Allyn and Bacon, 1989.
La spécificité des savoirs. Il peut en matière de partenariat avec des
(26)
arriver que les actions marketing organisations culturelles est mieux Bernard SIMONIN, op. cit., 1999.
requises dans le cadre du partena- à même de déceler et de com- (27)
riat nécessitent des savoirs spéci- prendre les besoins et les moyens Roger BENNETT et Helen GABRIEL, op. cit., 2000.
(28)
fiques et spécialisés, des savoir- financiers de son partenaire, de Bernard SIMONIN, op. cit. 1999.
faire, des formations, de réunir et d’interpréter les informa- (29)
l’expérience, des contacts profes- tions pertinentes, puis de trans- Roger BENNETT,“Foreign marketing control
decisions of firms engaged in West-East
sionnels, que le partenaire com- mettre les savoirs de façon adap- technology transfer.A test of the transactions
mercial est le seul à maîtriser. Dans tée, tant dans la forme que dans les cost hypothesis”, International Journal of Technology
Management, vol. 17, n° 4, 1999, pp. 402-420.
ce cas de figure, on peut supposer contenus(30). De la même façon, une
(30)
que l’entreprise désire transmettre organisation à but non lucratif Bernard SIMONIN, op. cit., 1999.
une quantité non négligeable de ayant déjà collaboré avec des entre- (31)
savoirs marketing, et l’on peut s’at- prises bénéficie plus pleinement Walter POWELL, Kenneth KOPUT et Laurel DOERR,
“Interorganisational collaboration and the locus
tendre à ce que le partenaire soit d’un transfert de savoirs qu’une of innovation. Networks of learning in
désireux de les recevoir(26). Le cas organisation qui débute dans le par- biotechnology”, Administrative Science Quarterly,
vol. 41, n° 2, 1996, pp. 116-145.
contraire peut se présenter égale- tenariat avec les entreprises(31). Un (32)
ment, lorsque les compétences partenaire expérimenté, en effet, Roger BENNETT, op. cit., 1998.

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MARKETING DE LA CULTURE EN EUROPE

de négliger l’analyse des besoins tées. Si cette démarche n’est pas tion ont tendance soit à faciliter,
du destinataire en termes de respectée, le risque est grand que soit à freiner, le partage de savoirs
savoirs marketing, préalablement les mauvais savoirs soient trans- marketing(39). Bernard Simonin(40)
au transfert des savoirs, constituait mis de façon inadaptée, au mau- utilise l’expression “distance orga-
un obstacle non négligeable à sa vais moment(33). nisationnelle” pour définir les dif-
réussite. Dans l’idéal, l’émetteur Faible capacité d’assimilation de férences entre les structures internes
devrait tout d’abord identifier les l’organisation destinataire. La capa- de management, les pratiques com-
besoins du destinataire, lister les cité d’une organisation à acquérir merciales et les méthodes de tra-
moyens permettant de lui venir en les savoirs qui lui sont transmis vail des deux organisations. Un
aide, puis déterminer avec lui les dépend de sa capacité à : utiliser degré élevé de distance organisa-
méthodes de transfert le plus adap- les savoirs ; reconnaître la valeur tionnelle se traduit, selon Bernard
des nouvelles informations ; assi- Simonin (41), par des disparités
miler les savoirs ; mettre en œuvre criantes en matière de processus de
(33)
Idem. les nouveaux savoirs pour déve- décision, d’attitudes en matière de
(34) Bodo SCHLEGELMILCH et Tina CHINI, lopper de nouvelles compé- marketing et de style de manage-
op. cit., 2003. tences(34). Un partenaire ayant une ment. La distance organisationnelle
(35)
Daniele ARCHIBUGI et Carlo PIETROBELLI,
bonne capacité d’acquisition sera a pour effet de réduire le niveau de
op. cit., 2003. à même d’apprendre rapidement compréhension entre les parties,
(36) comment utiliser les savoirs reçus notamment en matière de marke-
Bernard SIMONIN, op. cit., 1999, p. 466.
et, élément est très important, d’en ting(42). Elle peut conduire les cadres
(37)
Jonathan SWIFT,“Cultural closeness as a facet of comprendre les éléments tacites(35). à ne pas être pleinement conscients
cultural affinity”, International Marketing Review, Cela étant, le développement de la des besoins spécifiques du parte-
vol. 16, n° 3, 1998, pp. 182-201.
(38)
faculté d’acquisition peut nécessi- naire en matière de savoirs(43). Un
Tony CONWAY et Jonathan SWIFT,“International ter un effort et un investissement autre exemple de distance organi-
relationship marketing.The importance of psychic
distance”, European Journal of Marketing,
considérables de la part de l’orga- sationnelle est la grande différence
vol. 34, n° 11/12, 2000, pp. 1391-1413. nisation qui les reçoit. que l’on constate parfois dans les
(39) La distance culturelle. Un trans- compétences de base en matière de
Bodo SCHLEGELMILCH et Tina CHINI,
op. cit., 2003. fert effectif des savoirs implique marketing des cadres de chacune
(40) que les personnes qui les reçoivent des organisations partenaires(44).
Bernard SIMONIN, op. cit., 1999. leur donnent le même sens que les L’existence possible de préjugés
(41) Idem. personnes qui les leur transmet- anti-marketing dans les organisa-
(42) Ibidem.
tent. Cela peut s’avérer difficile s’il tions à but non lucratif. Des préju-
(43)
Donald SIEGEL, David WALDMAN, Leanne ATWATER existe, entre les deux partenaires, gés “anti-marketing” ont pu être
et Albert LINK,“Toward a model of the effective des différences de “règles contex- observés dans un certain nombre
transfer of scientific knowledge from
academicians to practitioners. Qualitative tuelles” : structures sociales, sys- d’organisations à but non lucratif
evidence from the commercialisation of tèmes de valeurs et conventions(36). du Royaume-Uni (45). Bien sou-
university technologies”, Journal of Engineering
Technology Management, vol. 21, n° 2, 2004, Si la distance culturelle ne crée pas vent,un grand nombre de per-
pp. 115-142. de sentiment d’antipathie(37), elle a sonnes très différentes sont impli-
(44) néanmoins pour conséquence que quées dans ces organisations (les
– Fernand AMESSE et Patrick COHENDET,
“Technology transfer revisited from the les individus se sentent moins à bénéficiaires, les donateurs, les
perspective of the knowledge-based economy”, l’aise avec ceux qu’ils perçoivent bénévoles, les agences gouverne-
Research Policy, vol. 30, n° 7, 2001,
pp. 1459-1478. comme différents. Ainsi, plus la mentales, les hommes politiques,
– Margarida FONTES, op. cit., 2005. distance culturelle est grande, plus les administrateurs, les managers
(45)
– Ken BURNETT, Advertising by Charities, Directory of
l’effort requis pour comprendre et de programmes, les employés,
Social Change, 1986. communiquer de façon efficace etc.). Certaines d’entre elles sont
– David CLUTTERBUCK et Des DEARLOVE, The
Charity as a Business. Managing in the Public Sector,
avec l’autre, donc pour créer des convaincues qu’une organisation
Learning from the Private Sector, Directory of Social relations de travail étroites, est à but non lucratif devrait se consa-
Change, 1996.
– Roger BENNETT,“Marketing orientation among
important(38). crer exclusivement à son activité
small to medium Sized UK charitable La distance organisationnelle. Il première, et ne devrait certaine-
organisations. Implications for fundraising
performance”, Journal of Nonprofit and Public
est admis que certains éléments ment pas donner dans le marke-
Sector Marketing, vol. 6, n° 1, 1998, pp. 31-45. structurels au sein d’une organisa- ting et les relations publiques. Les

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TRANSFERT DES SAVOIRS MARKETING DES ENTREPRISES VERS LES ORGANISATIONS CULTURELLES

opérations marketing (publicités ANALYSE COMPARÉE Cinq des entreprises étaient impli-
sur papier glacé, campagnes de D’OPÉRATIONS DE PARRAINAGE quées dans un mécénat direct, cinq
promotion et coups médiatiques) dans l’organisation de manifesta-
peuvent alors être perçues par leurs Nous avons étudié les partena- tions, quatre dans d’autres formes
détracteurs comme une dépense riats entre entreprises et organisa- de partenariat (par exemple, la pro-
inutile (et non comme une source tions culturelles à but non lucratif duction de spectacles).
de valeur) qui grève le budget des par le biais d’une analyse compa- La plupart des entreprises enquê-
actions opérationnelles et ralentit rée d’opérations de parrainage réa- tées sont de taille relativement
l’avancée des projets de l’organi- lisées par quatorze entreprises dif- importantes (au regard du nombre
sation. férentes (cf. encadré). d’employés), alors que leur contri-
bution financière aux organisations
associées sont modestes (la médiane
étant de 50 000 livres sterling, soit
74 000 euros). Nous avons
Méthodologie d’étude demandé aux personnes interrogées
de classer leurs partenaires dans
L’étude des partenariats entre entreprises et organisations culturelles à but l’une des catégories suivantes : très
non lucratif a été faite via une analyse comparée de quatorze entreprises. grand (plus de 1 000 employés),
Celles-ci ont été sélectionnées dans le Hollis Sponsorship and Donations Yearbook grand (de 501 à 1 000 employés),
2005, qui recense 180 entreprise consacrant une part de leur budget marketing moyen (de 101 à 500 employés),
à soutenir les arts (théâtres, musées, galeries de peinture, expositions, chœurs, très petit (moins de 20 employés).
opéras, danse, festivals, etc.). Des pages ont été sélectionnées aléatoirement On constate une grande diversité
dans la rubrique arts ; dans chacune de ces pages ont été retenues les entre- dans la taille des partenaires (cf.
prises dont le siège social était à Londres, lieu de domiciliation des cher- tableau 1).
cheurs. Le guide mentionne le nom et les coordonnées du cadre chargé du Deux des personnes interrogées
mécénat dans l’entreprise. Nous avons contacté ces personnes par téléphone (les entreprises n° 2 et n° 5) ont
et leur avons proposé de participer à l’étude, jusqu’à ce que nous obtenions affirmé que leurs entreprises avaient
quatorze volontaires. effectué elles-mêmes l’essentiel du
Un protocole d’interviews a été élaboré en utilisant la méthode “Parlez-moi travail de marketing requis par le
de…” Cette méthode(1) permet aux personnes interrogées d’exprimer à leur partenariat ; une personne (l’entre-
manière la vision qu’elles ont de leur travail, comment elles le font, pourquoi, prise n° 13) a signalé que le parte-
où et à quelle fréquence. naire avait fait la majeure partie du
Il a été demandé à chacun des interviewés de parler du partenariat le plus travail ; les autres ont indiqué que le
récent et le plus significatif auquel il (ou elle) avait participé et de le com- travail avait été réparti de façon
menter. Lorsque nous leur avons posé des questions sur les stimulus ou les équitable. Dans les deux cas où l’en-
obstacles potentiels au transfert de savoirs, nous leur avons demandé de pré- treprise a effectué l’essentiel du tra-
ciser dans quelle mesure chacun des facteurs avait influé sur la quantité et vail marketing, c’est, nous a-t-il été
la nature des savoirs transmis. dit, parce ce que l’organisation à
Nous les avons également interrogés sur les méthodes de communication but non lucratif ne possédait pas de
et leur fréquence. Les réponses étaient répertoriées dans les rubriques cor- service marketing et avait trop peu
respondant aux principaux thèmes de recherche de l’étude. Certaines cita- de connaissances en la matière.
tions ont été retranscrites fidèlement, lorsqu’elles étaient susceptibles d’ac- Dans la grande majorité des cas,
croître la qualité des résultats de l’enquête. Nous avons analysé les les savoirs marketing ont été trans-
commentaires des interviewés en utilisant une procédure en deux étapes : férés lors de rencontres entre une
d’abord l’étude des caractéristiques et du comportement de chaque entre- ou deux personnes de chaque orga-
prise d’un point de vue interne, suivie d’une contre-étude, avec la prise en nisation. Seulement trois des entre-
compte de certaines informations. prises (les n° 5, 11 et 14) ont trans-
mis des documents ou des fichiers
(1) David CARSON, Audrey GILMORE, Chad PERRY, and Kjell GRONHAUG, Qualitative Marketing électroniques sur des procédures ou
Research, Sage Publications Ltd, 2001.
des modèles marketing standards.
Aucune des entreprises n’a offert

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MARKETING DE LA CULTURE EN EUROPE

de formations au personnel du par- Il est intéressant de remarquer, à échange à des niveaux inférieurs.
tenaire à but non lucratif (que cette la lumière de travaux de recherche Les justifications qui nous ont été
formation soit formelle ou infor- dans ce domaine, qu’aucun des par- fournies sur le manque de travail
melle), et aucune n’a employé de tenariats n’a induit la constitution en équipe et la mise à l’écart des
médiateur (par exemple, un expert d’une équipe pour partager les acti- cadres moyens sont liées à l’absence
conseil) pour faciliter le transfert vités et responsabilités en lien, soit de besoin de former des équipes ou
des savoirs. Les échanges entre par- avec le transfert des savoirs, soit d’impliquer le personnel à un degré
tenaires ont eu lieu environ une fois avec les tâches marketing néces- moindre.
par mois dans huit cas sur quatorze, saires au projet. Dans les quatorze Le directeur du management
de façon hebdomadaire dans trois cas, le transfert des savoirs marke- d’une des entreprises l’a formulé
cas, et moins d’une fois tous les ting s’est fait lors de rencontres ainsi : “Quel est l’intérêt de créer
quatre mois dans trois des cas par- entre cadres supérieurs des deux une équipe une fois que nous leur
tenariats. organisations. Il n’y a eu aucun avons montré quoi faire ?”

Tableau 1 Caractéristiques des entreprises interrogées


Secteur Nombre Taille Type de Montant de la Fonction de la personne
d’employés estimée du partenariat contribution interrogée au sein
partenaire financière de l’entreprise
1. Services 3 000 Petite Mécénat d’un théâtre 50 000 £ Senior marketing
financiers (74 000 euros) manager
2. Chemin de fer 10 000 Moyenne Mécénat d’un festival 50 000 £ Community
de musique (74 000 euros) affairs manager
3. Société 155 Petite Organisation d’un concours 10 000 £ Managing
d’avocats de photographie et exposition (15 000 euros) partner
4. Presse 2 000 Grande Organisation et participation 70 000 £ Community
financière à un festival de cinéma (104 000 euros) relations partner
5. Industrie Plus de Grande Mécénat d’une exposition dans un 60 000 £ Sponsorship
100 000 musée des sciences (89 000 euros) manager
6. Services 14 000 Petite Partenariat avec une galerie de 25 000 £ Sponsorship
financiers peinture (37 000 euros) manager
7. Boissons 3 000 Petite Production d’une pièce de théâtre et 40 000 £ Managing
alcoolisées tournée (59 000 euros) director
8. Diamantaire 150 Moyenne Production d’un spectacle de danse 20 000 £ Managing
moderne (30 000 euros) director
9. Services 2 350 Grande Mécénat 75 000 £ Sponsorship
financiers d’une chorale de jeunes (110 000 euros) manager
10. Fabricant 2 000 Grande Production d’un opéra 60 000 £ Senior marketing
de matériel et organisation de (89 000 euros) manager
de sport la tournée
11. Énergie 3 300 Petite Organisation d’un 20 000 £ Community
festival de danse (30 000 euros) affairs manager
12. Fabricant 260 Grande Organisation d’une exposition de 5 000 £ Managing
d’équipements peinture dans une prison pour (7 000 euros) director
de jardin femmes
13. Fournisseur 1 900 Très petite Mécénat d’une 5 000 £ Managing
de services exposition de (7 000 euros) director
automobiles photographie
14. Industrie 22 000 Moyenne Co branding d’articles vendus dans la 100 000 £ Sponsorship
du vêtement boutique d’un musée (149 000 euros) manager

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TRANSFERT DES SAVOIRS MARKETING DES ENTREPRISES VERS LES ORGANISATIONS CULTURELLES

Une autre des personnes interro- requièrent un savoir hautement spé- sonnes possédant des savoirs mar-
gées est d’avis que : “tout ce que cialisé et cela est bien trop difficile keting étaient “rares, sinon inexis-
nous avons à faire c’est de leur don- pour les novices.” tantes,” dans les organisations à but
ner des pistes ; ensuite cela dépend Un grand nombre de personnes non lucratif, et que ces organisa-
d’eux.” L’échange via des rencontres interrogées ont souligné (sans qu’on tions avaient rarement une expé-
entre partenaires a été favorisé car, les y incite) que certaines procédures rience en marketing.
d’après un interviewé : “nous avons associées aux contrats de mécénat Cependant, malgré ce manque
un département de marketing global étaient complexes et exigeaient donc apparent de connaissances, tous les
avec des personnes qui connaissent de disposer des contacts et réseaux interviewés ont assuré que leurs par-
leur boulot à fond. Ils savent vrai- spécialisés nécessaires. tenaires avaient accueilli avec plai-
ment comment régler les problèmes Seules deux des personnes inter- sir les savoirs marketing qui leur
et communiquent mieux de per- rogées ont mentionné que le volume étaient apportés, qu’ils assimilaient
sonne à personne”. Le sponsorship financier impliqué dans le partena- rapidement ces savoirs et les inté-
manager d’une très grosse entreprise riat avait incité à un transfert des graient à leurs propres opérations
de l’échantillon avance que : “le savoirs marketing. Dans le premier et que, enfin, ils étaient satisfaits des
face à face est rapide, pratique et cas (l’entreprise n° 14), le montant savoirs transmis. Ce sentiment était
sûr. Il n’y a pas de perte de temps consacré au projet était très sub- partagé par la majorité des per-
et d’énergie. Nous leur montrons stantiel (100 000 livres sterling, soit sonnes interrogées. Les membres
les outils : ils font le boulot.” 140 000 euros), et comme il s’agis- des organisations à but non lucratif
Pour expliquer que ce soient les sait de co branding, le partenariat ont été perçus comme très désireux
échanges au niveau des cadres supé- avait des implications significatives d’exploiter les savoirs qui leur
rieurs qui aient été privilégiés, le pour l’image de l’entreprise. Dans étaient transmis ; ils voulaient déve-
“besoin que les choses se fassent” l’autre cas (l’entreprise n° 4), il a été lopper leurs propres opérations de
a été fréquemment invoqué. Des dit que “ce n’est pas seulement marketing et étaient, “de toute évi-
commentaires à ce sujet révèlent l’apport financier qui importe, mais dence, prêts à dépenser de l’argent
que : “il n’y a que les personnes au tout le labeur, le temps et les efforts pour développer les méthodes mar-
sommet qui peuvent s’assurer que consentis pour faire aboutir le keting rendues nécessaires dans le
les moyens sont mis à disposition projet”. cadre d’un mécénat.”
et, si l’on n’avait pas affaire au direc- Les différences de niveau de Un point négatif, ressorti de huit
teur, on ne serait pas sûr que les connaissances en marketing des des interviews (2, 3, 4, 7, 10, 13,
choses se fassent.” deux partenaires ont influencé les 14), est probablement que les orga-
Le schéma 1 analyse les facteurs décisions de transfert dans six cas, nisations culturelles sont apparues
qui ont influé sur le degré de trans- cinq impliquant des petites ou très comme étant en situation de dépen-
fert des savoirs selon les interviewés. petites organisations culturelles, et dance face à l’information qui leur
On peut y constater que la spécifi- un cas impliquant une organisation était fournie par les entreprises. “Les
cité des savoirs et la complexité du de taille moyenne. À ce sujet, les organisations ont toujours consi-
projet ont été déterminants pour personnes interrogées ont mis en déré que ce que nous leur disions
encourager les entreprises à trans- évidence que beaucoup des ques- serait utile”, affirme le responsable
mettre à leurs partenaires des savoirs tions posées par les personnes de marketing d’une entreprise de ser-
marketing. Comme un interviewé l’organisation partenaire étaient vices financiers. Un interviewé tra-
l’a fait remarquer : “Ces boulots “simplistes et naïves”, que les per- vaillant chez un grand fabricant de

Schéma 1 Facteurs ayant une influence sur le transfert des savoirs


FACTEURS LIÉS AU PARTENAIRE FACTEURS LIÉS AU PROJET
• Asymétrie dans les savoirs de base (1, 6, 7, 11, 13, 14) Influences sur • Spécificité substantielle des savoirs
• Distance organisationnelle (1, 2, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 13, 14) ➞ la portée du ➞ (1, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 14)
• Distance culturelle (1, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 14) transfert des • Complexité du projet
• Volonté du partenaire d’accepter le transfert savoirs (2, 3, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14)
• Importance financière du partenariat (4, 14)

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MARKETING DE LA CULTURE EN EUROPE

produits manufacturés a fait remar- décrites généralement de la façon similation. En général, les transferts
quer que, pas un instant, les per- suivante : les organisations cultu- se sont opérés de personne à per-
sonnes de l’organisation partenaire relles ont “des valeurs complète- sonne et ont concerné uniquement
n’ont envisagé de remettre en ques- ment différentes”, des “conceptions quelques cadres supérieurs. Il n’a
tion la pertinence des savoirs trans- de la vie” autres, et vivent “dans un pas été jugé nécessaire de constituer
mis. monde différent”, laissant “des des équipes. Les entreprises de
Un autre point négatif est que très questions de morale influencer gran- l’échantillon ne semblent pas avoir
peu d’entreprises (les n° 5, 6 et 14 dement ce qu’elles font”. véritablement cherché à identifier
– toutes de grosses entreprises) ont Quant aux savoirs marketing spé- les besoins de leurs partenaires en
pris la peine de mettre en œuvre des cifiques transmis, les quatorze inter- matière de savoirs marketing.
actions permettant de déterminer viewés ont affirmé que le contenu Le fait que les échanges se soient
les besoins du récepteur en matière des transferts concernait l’applica- produits essentiellement lors de ren-
de savoirs marketing avant d’effec- tion pratique de procédures et tech- contres entre cadres supérieurs
tuer ce transfert. Quand nous avons niques marketing. Neuf sur qua- révèle peut-être le caractère tacite
soulevé la question, nous nous torze ont fait référence à la gestion des savoirs marketing. Néanmoins,
sommes vus répondre que personne marketing en général, et huit à cer- la confiance aveugle dont les orga-
dans l’entreprise n’y avait songé tains aspects de la stratégie marke- nisations ont fait preuve à l’égard
et/ou que cela impliquait trop de ting. Les techniques spécifiques des savoirs transmis par les entre-
travail. mentionnées comprennent la ges- prises, ainsi que l’absence de travail
Seule une des personnes inter- tion de bases de données, les études d’équipe, sont problématiques
viewées parmi les quatorze a signalé de marché et la commercialisation quand on sait que le travail d’équipe
la présence de préjugés anti-mar- de billets pour une exposition (suivi est la première méthode de trans-
keting au sein de l’organisation par- des recettes et circuits de distribu- fert des savoirs préconisée par la lit-
tenaire (la question a été posée à tion). térature managériale.
toutes les personnes interrogées). * * On peut penser que le travail en
De tels préjugés n’ont pas donc pas équipe pourrait aider à réduire la
été perçus comme un problème épi- Des études précédentes dans des distance culturelle (et organisation-
neux pour la majeure partie des entreprises du secteur commercial nelle) entre les parties lors des trans-
entreprises de l’échantillon. ont révélé qu’un certain nombre de ferts de savoirs, et qu’il permettrait
À l’inverse, l’existence d’une dis- facteurs affectaient les transferts de notamment d’identifier précisément
tance organisationnelle entre les savoirs marketing. Ces facteurs sem- les besoins en marketing de l’orga-
deux parties a été mentionnée par blent également influencer la façon nisation culturelle.
dix des interviewés, et la distance dont sont transmis les savoirs dans Certaines des entreprises de
culturelle par neuf d’entre eux. les quatorze cas examinés dans la l’échantillon sont importantes et
Aucun lien entre ces variables et les présente étude. En particulier, les comptent de nombreux employés.
caractéristiques de l’entreprise, ou distances culturelle et organisa- Pourtant, aucune d’entre elles n’a
entre ces variables et l’organisation tionnelle, la spécificité du savoir, la offert de formation sur les méthodes
à but non lucratif, n’a pu être éta- complexité du projet et le niveau de management et de marketing au
bli. La distance organisationnelle initial de connaissances marketing personnel employé par l’organisa-
était caractérisée, selon les personnes de l’organisation à but non lucratif tion partenaire. Ouvrir aux per-
interrogées, par : ont eu, dans les cas étudiés, un sonnes de l’organisation culturelle
– de gros écarts dans la façon dont impact sur l’importance des savoirs les sessions de formation interne de
le marketing était mis en œuvre transférés et sur les moyens utilisés. l’entreprise sur le marketing per-
dans les entreprises et les organisa- Rien ne permet d’affirmer que les mettrait peut-être de réduire de
tions à but non lucratif ; entreprises ont perçu l’existence de façon significative les écarts culturels
– l’absence, dans les organisations préjugés anti-marketing dans les et organisationnels entre les parte-
culturelles, de service marketing et organisations culturelles qui étaient naires. Cela pourrait permettre éga-
de personnels dédiés ; leurs partenaires. Les destinataires lement donner des référents à l’or-
– la disparité des moyens affectés des savoirs semblent avoir bien ganisation culturelle, lui permettant
au marketing. accueilli les savoirs et avoir fait de juger les préconisations marke-
Ces différences culturelles étaient preuve d’une bonne capacité d’as- ting qui lui sont faites. ■

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