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L’Ukraine vue du terrain : quelles perspectives deux ans après Minsk?


7 FÉVRIER 2017
 

Le 14 janvier dernier Amnesty International et Noria organisaient, en partenariat avec Classe Interna-
tionale, une conférence sur les perspectives du conflit en Ukraine, deux ans après les Accords de
Minsk.

1ère conférence : Quel bilan deux ans après les accords de


Minsk ? 
Les intervenants étaient Guillaume Herbaut, Olivier Talles, Alexandra Goujon et Ioulia Shukan.

Guillaume Herbaut est photographe. C’est en se rendant à Tchernobyl en 2001 qu’il découvre
l’Ukraine. Il couvre la « révolution orange » en 2004, raconte la vie des mineurs dans le Donbass, suit le
retour des Cosaques et du sentiment national. En 2008, il photographie les tensions intercommunau-
taires en Crimée et poursuit son long travail dans les zones contaminées de Tchernobyl, pour lequel il
sera récompensé en 2011 en recevant le Prix Niépce puis le prix France 24-RFI du web-documentaire.
Depuis 2013, il suit la crise ukrainienne. Il a reçu le Visa d’or 2014 Magazine pour sa série « Ukraine :
de Maïdan au Donbass  » et a sorti un livre du même nom. En 2016, il reçoit le Prix Bayeux-Calvados
des correspondants de guerre Catégorie web journalisme-Jury International pour son carnet de route
en Ukraine produit par Arte Info. Lors de la conférence, il a projeté une série de reportages vidéo réali-
sés dans le Donbass pour Arte Info. Ces reportages sont visibles ici.

Crédit photo : Arte

Le second intervenant, Olivier Talles, est adjoint au service monde pour La Croix. Il est chargé des pays
post-soviétiques depuis Octobre 2013. Il a couvert la révolution ukrainienne durant l’hiver 2013-
2014, l’annexion de la Crimée, et le début du conflit à l’Est de l’Ukraine. Voyageant souvent dans le
Donbass, il a effectué plusieurs reportages, notamment sur les victimes du conflit et les bénévoles. Il
s’est rendu dans l’Est de l’Ukraine avec le photographe James de Caupenne-Keogh, dont les photos
sont disponibles ici. Durant son intervention il a notamment souligné que deux ans après les accords
de Minsk, une guerre « de basse intensité » continue, avec une ligne de front traversant les régions de
Donetsk et de Louhansk relativement stable et près d’une dizaine de victimes chaque semaine depuis
la signature des accords. Ceux-ci se déclinent en treize points et aucun aspect du volet politique ni mi-
litaire n’a été mis en œuvre bien que les accords précisaient que leurs modalités devaient être entéri-
nées d’ici fin 2015. Faisant part dans son introduction d’une observation menée le 12 février 2015,
jour de la signature de la deuxième version des accords de Minsk, à Schastya, les témoignages re-
cueillis auprès des soldats mobilisés du côté ukrainien soulignaient l’impossibilité de la mise en place
du processus de démilitarisation notamment en raison des offensives régulières du côté prorusse. De-
puis leur signature, on assiste à des échanges de tirs quotidiens de part et d’autre de la ligne de front et
le retour de l’artillerie lourde contrairement aux accords.

Vous retrouverez ici le reportage-photo de l’une de nos contributrices, dans la ville de Schastya.

En juin 2015, il se rend dans les territoires tenus par les séparatistes prorusses, dans la « république
populaire de Donetsk ». Il décrit avoir rencontré « des pères de famille de trente ou quarante ans », se
disant tous volontaires bien qu’ils soient rémunérés. Il souligne l’existence d’une forme de « profes-
sionnalisation » des armées d’un côté comme de l’autre. Les « bataillons de volontaires » formés au dé-
but du conflit en 2014 du côté ukrainien furent intégrés à l’armée régulière, par la mise en place d’un
processus de contractualisation intervenu depuis la signature des accords de Minsk. Quatre mois
après la signature des accords, il constate une intensité moindre dans les combats, mais le cessez-le-
feu n’est toujours pas appliqué. Le point des accords de Minsk prévoyant le retrait des armes lourdes à
30 km de la ligne de front n’a pas été respecté, et les relations économiques entre l’Ukraine et les terri-
toires tenus par les séparatistes pro-russes n’ont pas repris. Il décrit s’être également rendu dans la
ville de Piskii, dans la banlieue de Donetsk, qui constitue un avant-poste des l’armée ukrainienne au-
jourd’hui en proie à de violents bombardements. Sous la coupe d’une interdiction d’ouvrir le feu par
l’Etat major, les soldats ukrainiens décrivent « une guerre de lâches », dont l’artillerie fait entre quatre
et sept blessés par jour du côté des forces ukrainiennes selon les informations officielles.

La troisième intervenante, Ioulia Shukan est chercheuse en sociologie politique et maître de confé-
rences à l’Université de Nanterre. Elle s’est rendue de nombreuses fois en Ukraine pendant la révolu-
tion, et est l’auteur du livre Génération Maidan sur l’implication des citoyens ordinaires dans la révolu-
tion de l’hiver 2013-2014. Elle parle d’une société bouleversée et fatiguée par un conflit armé, au lourd
bilan humain (plus de dix mille pertes civiles et militaires). La société ukrainienne s’est habituée à la
guerre, décrite, selon les termes employés par le gouvernement, comme une « opération anti-terro-
riste. » Selon Ioulia Shukan, la société est majoritairement contre la mise en place des accords de
Minsk dans leurs modalités actuelles :

– 50% de l’opinion publique est contre le statut spécifique du Donbass [1]

– 50,6% est contre des élections dans un contexte d’insécurité

18 6% soutiennent « l’opération antiterroriste » et parmi eux elle observe des militaires des anciens
– 18,6% soutiennent « l opération antiterroriste » et parmi eux, elle observe des militaires, des anciens
combattants, mais aussi des bénévoles, qui souhaitent une intransigeance face à la réconciliation.

Son travail décrit l’engagement des gens ordinaires qui avant le conflit n’étaient pas des activistes, mais
se retrouvent aujourd’hui touchés directement ou indirectement par le conflit. Dès le début du conflit,
durant l’été 2014, de nombreux citoyens ont mis en place des initiatives bénévoles de soutien aux vic-
times, aux militaires et aux déplacés. Ils bénéficient aujourd’hui d’une grande légitimité aux yeux de la
population (60% d’opinion favorable). Seuls les bataillons de volontaires intégrés ou non aux instances
gouvernementales bénéficient d’une telle légitimité et confiance de la part de la population. Ioulia Shu-
kan estime que le président et le parlement n’obtiennent quant-à-eux que 11% d’opinions favorables
dans les sondages.

Ioulia Shukan s’est ensuite attelée ensuite à déconstruire le phénomène du bénévolat. La première ac-
tivité, et la plus importante, est la solidarité envers l’armée. Il s’agit d’une prise en charge quasi totale
des besoins des militaires par des organisations de la société civile ou par des mouvements de béné-
voles civils : approvisionnement en nourriture ainsi qu’en produits d’hygiène et de première nécessité,
et approvisionnement militaire sur de l’équipement non létal (casques, gilets pare-balles). Les béné-
voles mettent en place des plateformes de collecte de fonds pour acheter l’équipement nécessaire. Un
autre aspect est l’assistance aux soldats blessés. Le bénévolat médical consiste en l’évacuation des
blessés, l’achat de médicaments, la réhabilitation sociale des combattants, voire l’échange de prison-
niers. La deuxième activité est l’aide au déplacement interne caractérisée par une aide aux civils qui
fuient les zones de conflit. On dénombre au moins 1,7 millions de personnes déplacées depuis le début
du conflit. Cette aide se traduit également par une aide à la réinstallation. La troisième activité est l’as-
sistance aux civils toujours présents dans les zones de conflits. Certains bénévoles sont financés par
des dons, principalement destinés à l’aide aux militaires, et par des organisations internationales telles
que l’UNICEF ou l’UNHCR (le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés), ainsi que des
ONG qui s’appuient sur les bénévoles ukrainiens pour la distribution de l’aide humanitaire. Certains
bénévoles sont donc devenus salariés de ces organisations.

Ioulia Shukan parle ensuite du rapport entre les bénévoles et l’État et s’interroge sur un remplacement
ou non des fonctions étatiques par ces initiatives au sein de la société civile. Il existe bien une coopéra-
tion sur le terrain, avec un appui sur les institutions étatiques, notamment pour les hôpitaux. Mais
cette coopération est ponctuelle. Pour la question des déplacés internes, il existe également un appui
ponctuel de l’État, mais les bénévoles exercent surtout un important lobbying afin de changer la loi.
Cela s’est notamment illustré par un grand nombre de bénévoles devenus fonctionnaires au sein du «
Bureau des Réformes » du Ministère de la défense. Cela leur permet notamment d’agir pour définir lé-
galement le périmètre économique de l’action des bénévoles. Elle remarque que l’implication des béné-
voles dans l’appareil étatique pourrait éventuellement permettre à la population d’avoir davantage
confiance en ces institutions.
Crédit photo : Libération.fr

La dernière intervenante, Alexandra Goujon, est une politologue française spécialiste de l’Ukraine et
de la Biélorussie. Elle est maître de conférence à l’université de Bourgogne ainsi qu’à Sciences Po. Ses
recherches récentes se concentrent sur les transformations politiques et sociales dans le Donbass et
notamment à Slaviansk.

Selon elle, la fuite de Ianoukovitch puis l’occupation par les séparatistes a provoqué un effondrement
politique local. Après la libération de la ville par l’armée ukrainienne, on assiste à une recomposition et
à une démocratisation de la vie politique, avec l’apparition de groupes dits d’opposition, entraînant un
pluralisme plus important qu’auparavant. Cependant, cette démocratisation est à nuancer avec un
faible renouvellement des élites, certains conseillers municipaux ayant simplement changé de bord po-
litique, ainsi que le maintien du clientélisme et une accointance entre le milieu des affaires et les élites
politiques, certains profitant de la recomposition politique post-Maïdan pour asseoir leur pouvoir poli-
tique et économique.

Si le pouvoir local s’est faiblement renouvelé, il s’adapte aussi à ce qui se passe à Kiev : le changement
de pouvoir n’a pas entraîné de changement de système, et l’administration reste corrompue. Les élites
locales sont loyales au pouvoir central à Kiev, mais la municipalité de Slaviansk reste entre les mains de
l’opposition au président Porochenko à travers la nouvelle alliance électorale, le Bloc d’opposition.

Son propos porte ensuite sur les transformations dans le domaine politique et dans le domaine de
l’aide humanitaire. 
Sur le plan politique, plusieurs groupes de militants ont récupéré les idées de Maï-
dan, telles que l’exercice d’un certain contrôle sur l’élite politique locale ou la lutte contre la corrup-
tion. Les militants assistent notamment au Conseil municipal, où ils peuvent exercer une pression sur
les dirigeants et leurs décisions. La pression passe aussi par la signature de pétitions en ligne, par l’or-
ganisation de manifestations ou de campagnes d’information afin d’alerter les citoyens sur les faibles
avancées en matière de transparence budgétaire ou en matière de prise de décision.

En ce qui concerne l’aide humanitaire, les citoyens mobilisés constituent une sorte d’« État dans l’État »,
en formant un très large réseau au niveau national comme au niveau local. Les autorités locales ren-
voient souvent vers des ONG du fait des faibles ressources administratives dont elles disposent. Les
citoyens se regroupent en comités ad hoc pour coordonner l’aide humanitaire entre les organisations
internationales et les autorités notamment lorsque Slaviansk a du accueillir de nombreux réfugiés
dans la deuxième moitié de l’année 2014. Alexandra Goujon cite en exemple le rôle des églises protes-
tantes, qui collaborent avec la mairie de Slaviansk mais qui mènent également une multitude d’actions
dans les villes et les villages proches du front, à Mironovsky par exemple : distribution de produits de
première nécessité, reconstruction de maisons ou d’appartements, spectacles pour enfants. Une orga-
nisation humanitaire tchèque, People in Need, mène une action similaire d’envergure ; elle a également
travaillé du côté séparatiste, en République populaire de Donetsk (DNR), mais s’est vu retirer son ac-
créditation par les autorités de cette république fin novembre 2016.

Questions

Est-ce que la société civile pourrait intégrer la politique pour réduire la corruption ?

Ioulia Shukan : La principale coopération entre la population civile et les institutions étatiques se fait au
niveau du Ministère de la Défense. Pour ce qui est des élections, la politique est discréditée aux yeux
de la population, et les bénévoles auraient peur de se discréditer à leur tour en intégrant la politique.
De plus, le pouvoir opère une récupération politique du bénévolat, provoquant une méfiance de la part
de ces derniers. Ce sont surtout des journalistes, une quinzaine, qui se sont engagés en politique, au
parlement, pour promouvoir les dossiers importants.

Quel est le rôle de la Russie dans le conflit ?

Olivier Talles : L’armée ukrainienne s’est reconstruite en deux ans, et on a aujourd’hui un équilibre des
forces, sans compter l’intervention russe. Mais la présence russe est très importante, car les retraites
et les salaires pour les militaires séparatistes sont versés en roubles. De plus, sans l’encadrement et
l’approvisionnement militaire, la DNR s’effondrerait.

Que pense la société civile de la reprise de Slaviansk après l’occupation ?

Alexandra Goujon : La population ukrainienne est relativement passive, contrairement à ce que Maïdan
a pu laisser penser. Il n’y a pas eu de mouvement de foule, ni d’adhésion massive au pouvoir séparatiste.
Mais la population n’est pas non plus favorable à Kiev, elle ne se battrait pas pour le pouvoir contre les
séparatistes, hormis quelques militants minoritaires très patriotiques.

Il faut faire la distinction entre les pro-russes et les pro-séparatistes, car la zone reste le lieu d’impor-
tants échanges avec la Russie.

Vous dites qu’il y a moins de bénévoles du fait de l’habitude à la guerre Quelle est l’importance de la
Vous dites qu il y a moins de bénévoles du fait de l habitude à la guerre. Quelle est l importance de la
diaspora aujourd’hui ?

Ioulia Shukan : les activités de la diaspora se sont principalement activées pendant Maïdan, avec de
l’aide humanitaire, un rapatriement des militaires blessés, l’envoi d’équipements médicaux. A l’étran-
ger, les principales activités de la diaspora sont surtout des initiatives d’information sur la situation en
Ukraine.U

Comment les bénévoles se définissent-ils ?

Ioulia Shukan : Selon le terme ukrainien, ils se définissent comme étant des « volontaires », ou béné-
voles. Ce sont des personnes éloignées de la politique, ils pratiquent leur exercice civique de la ci-
toyenneté, contre le gouvernement russe. Mais l’aspect politique est relégué au second plan, il s’agit
surtout d’une gestion logistique très concrète. Il existe une grande solidarité entre les groupes, sans
pour autant avoir une volonté d’agir ensemble, ni de concentrer leur action de façon collective. Ils pra-
tiquent des échanges entre eux (vêtements, médicaments, matériel médical).

Alexandra Goujon : L’action des bénévoles recouvre l’ensemble du territoire national, et permet essen-
tiellement de subvenir aux besoins de la population quand l’État ne le peut pas à travers des aides ali-
mentaire et matérielle. Au sein des mairies, un réseau informel d’aide entre les villes s’est également
mis en place.

Comment peut-on mesurer le soutien de la population dans les zones séparatistes ?

Ioulia Shukan : Il n’existe pas de sondages d’opinion dans la DNR, mais les soutiens à Kiev sont partis. La
population est principalement passive. Les retraités, qui perçoivent des pensions de la DNR sont
souvent nostalgiques de l’URSS. Le sentiment d’appartenance de la population dépend de la légitimité
que le gouvernement de Kiev a à ses yeux.

2ème conférence : Un conflit qui s’enlise : quelles conséquences


pour l’Ukraine ?
La première intervenante est Oleksandra Matviychuk, présidente du Centre des libertés civiles (CLL)
d’Ukraine. Ce centre a été créé en 2013 à la suite des violences policières contre les manifestants du «
Maïdan ». Son intervention portait sur “Un nouveau conflit gelé ? Les conditions de vie dans les terri-
toires occupés du Donbass”.

Selon Oleksandra Matviychuk, au moment où une transition démocratique aurait pu être possible en
Ukraine, et en particulier dans le Donbass, la Russie a enterré cette possibilité en entamant une guerre
hybride contre l’Ukraine. Ainsi, son organisation tente de documenter les crimes contre les droits de
l’Homme perpétrés à l’Est de l’Ukraine et en Crimée. Pour mieux comprendre la situation dans le Don-
bass, il faut comprendre comment tout a commencé. Elle soutient que l’acte fondateur de l’agression
russe est l’envoi de militaires sans insignes pour exécuter les dirigeants locaux (comme Volodymyr Ry-
bak, Président du Conseil suprême de 2012 à 2014 et membre du conseil local de Horlivka, retrouvé
assassiné à Slaviansk en avril 2014) et s’emparer du pouvoir local. Cette mission a été facilitée par la
fuite des représentants de l’Etat ukrainien au début de la guerre entraînant la vacance des fonctions
régaliennes dans la région.
g g

Dans le Donbass non-contrôlé par le gouvernement ukrainien, ce sont trois millions de personnes qui
vivent sous occupation militaire des groupes indépendantistes prorusses. Le CLL a auditionné sept-
cent personnes pour mettre en évidence un réseau secret de détention et de torture. Au fur et à me-
sure de l’étude, ils ont établi soixante dix-huit lieux de détention et torture, tous souterrains. Sur tous
les auditionnés, la moitié a été torturée, seize ont été témoins de l’exécution d’un autre détenu. 12%
des auditionnés sont des femmes. Le choix des victimes semble être aléatoire.

Pour illustrer ce qu’il se passe dans ces prisons secrètes, Oleksandra Matviychuk met en lumière le cas
d’une jeune femme auditionnée : elle a été enlevée chez elle en pleine nuit alors qu’elle était enceinte
de trois mois. Elle a passé une semaine et demie dans un sous-sol, à être régulièrement brutalisée, sans
nourriture et sans soin. Elle déclare que quand elle rappelait être enceinte, les gardes lui rétorquaient
que son enfant n’avait pas le droit de vivre étant donné qu’il serait pro-ukrainien.

Oleksandra Matviychuk explique qu’il est extrêmement difficile d’avoir une vision d’ensemble de ce
phénomène, et de l’occupation en général. Néanmoins, ils ont établi un certain nombre d’abus, comme
l’utilisation de combattants mineurs ou la généralisation des discriminations de genre.

Pour conclure, Oleksandra Matviychuk s’est exprimée sur le rôle de la Russie dans ce conflit. Alors que
le pays nie sa participation, elle rappelle que les premiers chefs de guerre séparatistes étaient des ci-
toyens russes. De plus, les territoires occupés dépendent, dans les accords de Minsk, de la Fédération
de Russie. Par ailleurs, elle relève que c’est ce même pays qui était intervenu en Tchétchénie et en
Géorgie. L’intervenante tire la sonnette d’alarme : justice ne peut être obtenue qu’en dénonçant les
crimes contre les droits de l’Homme commis par la Russie via le canal légal, en passant par la Cour pé-
nale internationale.

Le deuxième intervenant, Krasimir Yankov, est chercheur pour Amnesty International sur l’Ukraine.
Son intervention portait sur les “violations des droits humains et enquête en Crimée sous occupation
russe”. Il s’appuie sur un rapport qu’il a établi pour Amnesty International.

Il souhaite tout d’abord revenir sur ce qui a été dit sur le Donbass et apporter un autre angle d’analyse.
Pour lui, ces « entorses » aux Droits de l’Homme sont le fait des pourparlers de Minsk, et en particulier
de la clause sur les échanges de prisonniers. Les conditions de l’échange sont les suivantes : tous les
prisonniers d’un camp contre tous les prisonniers de l’autre. Le problème ici est qu’aucun des deux
camps ne sait de combien de prisonniers dispose l’autre camps, personne ne semble réellement le sa-
voir. De cette incertitude découle un constat : les prisonniers échangés n’ont souvent aucun lien avec
les organisations du camp auquel ils sont affiliés, mais ils sont enfermés du fait de leurs convictions.

Il rappelle que les services secrets ukrainiens ont aussi des prisons secrètes avec des histoires tout
aussi choquantes. Pour son rapport, il a entendu quatre personnes qui ont été torturées par ces ser-
vices secrets, et ont été contraintes de lire un texte face caméra, dans le but de convaincre les Russes
qu’ils pouvaient être échangés contre des prisonniers ukrainiens. Cependant, quand des officiels de la
République Populaire de Lougansk (LNR) et de la République Populaire de Donetsk (DNR) visionnaient
ces vidéos ils niaient tout lien avec ces personnes et refusaient de les accueillir Les personnes arrê
ces vidéos, ils niaient tout lien avec ces personnes, et refusaient de les accueillir. Les personnes arrê-
tées se sont alors retrouvées dans un vide juridique.

Ces travaux ont permis d’établir un rapport présenté aux autorités ukrainiennes en juillet dernier. Elles
ont refusé de le commenter et ont accusé l’organisation d’être pro-russe. Cependant, les dix-huit pri-
sonniers mentionnés dans le rapport ont été libérés deux semaines plus tard. A leur libération, les dé-
tenus racontaient tous la même histoire : ils avaient été torturés, puis les services secrets ont tenté de
les échanger en vain. Même si les autorités ukrainiennes refusent toujours de commenter ce rapport,
elles accusent des « bandes armées illégales » d’être à l’origine de ces emprisonnements.

Krasimir Yankov s’est ensuite exprimé sur la situation en Crimée. Il s’y est rendu pour la dernière fois
en septembre 2016, pour finaliser le rapport « Crimée dans l’obscurité ». Il estime que la péninsule a
désormais disparu de l’agenda international, et qu’il découle de cela un sentiment d’impunité des auto-
rités russes. L’annexion de la Crimée est en infraction totale avec le droit humanitaire international. Les
Russes y ont remplacé la législation ukrainienne par la leur, et ont mis en place un appareil fortement
répressif. Tout Criméen qui contredit l’autorité russe subit cette lourde répression. A la suite du réfé-
rendum illégal qui a servi à légitimer l’annexion, et qui a permis de chasser les dirigeants pro-ukrai-
niens les plus connus, les autorités russes se sont attaquées aux plus petites figures dirigeantes des
différentes communautés. Elles ont également interdit la liberté de la presse, elles ont bloqué internet
et les informations par satellite.

Ceux qui ont le plus souffert de l’appareil répressif sont les Tatars. C’est la communauté qui a le plus
fortement exprimé son désaccord avec le Kremlin depuis le début de l’occupation, et pour cela, tant ses
membres que ses institutions se sont vues réprimés. Leur assemblée parlementaire a par exemple été
supprimée. Les Tatars représentent deux-cents-cinquante mille personnes, soit environ 10% de la po-
pulation de Crimée. Avec la suppression de l’assemblée, ce sont mille cinq-cents à deux mille personnes
qui auraient été menacées, intimidés ou réprimées.

Yseult de Ferrière
Rémy Gendraud

[1] Le statut spécifique comprend une autonomie de la région du Donbass pour une période de trois
ans, un régime économique particulier, il confère à la langue russe un caractère officiel, et prévoit la
formation d’une milice locale sous le contrôle les autorités du Donbass.

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