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BRUNO NAZARET
Une série numérique est, lorsque c’est possible, un objet qui consiste à faire la
somme d’un nombre infini de quantités très petites. Ce concept intervient fortement
dans le cadre des probabilités discrètes. Comme nous le verrons par la suite, ça
n’est mathématiquement qu’un cas particulier de suites réelles. A priori, on peut
se demander pourquoi consacrer un traitement particulier à cet objet. Il s’avère
pourtant que l’étude de ces séries est relativement différent de celle des suites.
1. Premières définitions
Soit (un )n∈N une suite à valeurs réelles ou complexes. On définit la suite des
sommes partielles associée à la suite (un ) comme étant la suite (Sn ) donnée par
n
X
∀n ∈ N, Sn = un .
k=0
Définition
P 1.1. On dit que la série de terme général (un ), notée formellement
un , est convergente si et seulement si la suite des somme partielles associée (Sn )
admet une limite finie. Dans ce cas, cette limite est appelée somme de la série et
est notée
X+∞
un
n=0
Dans le cas contraire, on dit que la série est divergente.
Exemples: Les premiers exemples que nous donnons sont des cas (rares!) où la
suite des sommes partielles peut être calculée explicitement.
(1) (Séries géométriques) un = r n , avec r > 0.
On sait qu’alors, pour tout n entier,
1 − r n+1
Sn = si r 6= 1,
1 − r
n + 1 si r = 1.
1
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P n
On en déduit que la série r est convergente si et seulement si r < 1 et
dans ce cas,
+∞
X 1
rn = .
n=0
1 − r
(2) Exercice. Faire l’étude avec un = (n + 1)r n . (Pour calculer la suite des
sommes partielles, on pourra dériver par rapport à r la somme partielle de
l’exemple précédent).
(3) (Séries téléscopiques) Soit (vn ) une suite de nombres réels ou complexes con-
vergeant vers v∞ . On pose alors
un = vn+1 − vn .
P
Etudions la série un . Pour cela, on calcule la suite des sommes partielles
et on remarque que, pour tout entier n,
Xn
Sn = (vk+1 − vk ) = vn+1 − v0 .
k=0
P
On en déduit ainsi que la série un est convergente et que
+∞
X
un = lim Sn = v∞ − v0 .
n→+∞
n=0
(4) (Série harmonique) On étudie ici un exemple qui sera important par la suite.
Dans le cas présent, il ne sera pas possible de calculer explicitement la suite
des sommes partielles. Posons
1
∀n ≥ 1, un = .
n
P
Nous allons montrer que la série un est divergente. En effet, supposons la
convergente et regardons S2n − Sn , où (Sn ) est la suite des sommes partielles
associée. Puisque la série est supposée convergente, on doit avoir
lim (S2n − Sn ) = 0.
n→+∞
Néanmoins, on a
2n
X 1
S2n − Sn = .
k=n+1
k
La suite (un ) étant décroissante, chacun des termes de la somme précédente
1
est supérieure au dernier, c’est-à-dire 2n . On en déduit que
1 1 1
S2n − Sn ≥ × (nb de termes) = ×n= ,
2n 2n 2
CHAP. 1 - SÉRIES NUMÉRIQUES 3
et une contradiction.
Si on l’excepte les 3 premiers exemples, étudier la convergence d’une série revient
certes à étudier une suite, mais sans avoir le plus souvent accès à la forme explicite
de celle-ci. Par exemple, on peut citer le cas classique des séries dites de Riemann
X 1
, α > 0,
nα
dont on vient de voir un cas particulier, et qui revêtiront une grande importance par
la suite. Toujours est-il que dans ces cas, on a besoin de critères théoriques portant
sur le terme général lui-même. Avant d’aborder ces critères, on donne une condition
nécessaire de convergence (ce qui signifie qu’elle ne suffit donc pas !!), qui
peut servir parfois pour montrer qu’une série diverge.
P
Proposition 1.2. Soit (un ) une suite numérique telle que la série un soit con-
vergente. Alors,
lim un = 0.
n→+∞
signifie que
un
∀ε > 0, ∃Nε ∈ N; ∀n ≥ Nε , − λ ≤ ε.
vn
λ
Prenons ε = 2
> 0. On a alors, pour tout n ≥ N λ ,
2
λ 3λ
vn ≤ un ≤ vn .
2 2
Pour obtenir le résultat, il suffit alors d’appliquer le (1).
Evidemment, ce théorème n’a d’utilité que si l’on dispose d’un certain nombre de
séries de référence dont on connait la nature. En plus des exemples vus au début,
on donne ici la nature des séries classiques de Riemann.
Théorème 2.5. La série
X 1
, (α > 0)
nα
est convergente si et seulement si α > 1.
6 BRUNO NAZARET
Preuve. En fait, ce résultat est une conséquence d’un théorème que nous démontrerons
au chapitre suivant. Néanmoins, nous allons ici traiter les cas α ≤ 1 et α ≥ 2 pour
illustrer le théorème précédent.
Commençons par le cas α ≤ 1. Nous avons vu que la série harmonique
X1
n
était divergente. Or, si α ≤ 1, on a, pour tout n ≥ 1,
1 1
≤ α.
n n
P 1
Il s’ensuit que dans ce cas, la série nα
diverge.
Supposons maintenant que α ≥ 2. Tout d’abord, on a
n2
lim =1
n→+∞ n(n + 1)
signifie que
un+1
(2.1) ∀ε > 0, ∃Nε ∈ N; ∀n ≥ Nε , λ−ε≤ ≤ λ + ε.
un
Si λ < 1, alors, il existe ε < 0 tel que µ = λ + ε < 1. On en déduit que, ce ε étant
fixé, pour tout n ≥ Nε ,
un+1 ≤ µun .
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(Pour
P ce dernier résultat, faire un développement limité). On en déduit que la série
un converge pour x < 0, et diverge dans le cas où x > 0. On ne peut pas conclure
dans le cas x = 0 avec ce critère (voir la remarque qui suit). Néanmoins, on P peut
remarquer que si x = 0, la suite un est identiquement égale à 1, et donc un
diverge.
Remarque 2.8. Ces deux critères sont d’une grande utilité en pratique. Faisons
toutefois deux remarques.
(1) Dans les deux théorèmes qui précèdent, il est impossible de conclure si λ vaut
exactement 1. C’est d’ailleurs précisément le cas rencontré avec les séries
de Riemann.
(2) Bien que le critère de Cauchy soit à strictement parler plus fort que celui de
d’Alembert, ils sont quasiment équivalents. De ce fait, l’utilisation de l’un
plutôt que l’autre dépendra essentiellement de la forme de la suite (un ).
Pour conclure cette partie, mentionnons qu’il existe dans la littérature une multi-
tude de critères pour donner la nature d’une série. Néanmoins, il sont tous (à part
l’un d’entre eux qui ne sera disponible qu’avec l’étude des intégrales généralisées)
quasiment des conséquences immédiates des 3 théorèmes précédents.
4. Séries semi-convergentes
On termine ce chapitre par le cas Poù toutes les méthodes précédentes ont echoué.
On se retrouve donc avec une série un telle que
X
|un |
diverge. Dans le cas où elle serait convergente, nous dirons qu’elle est semi-convergente,
même si la terminologie semble malheureuse ici, vu qu’une série semi-convergente
n’est certainement pas à moitié convergente. On ne saurait donc en vouloir à per-
sonne de ne pas utiliser ce terme.
Il n’existe essentiellement pour de telle séries qu’un seul critère, dû à Abel. Les
hypothèses en sont assez techniques et nous n’en utiliseront principalement que le
corollaire portant sur les séries alternées et trigonométriques.
Théorème 4.1 (Critère d’Abel). Soient (an ) une suite à valeurs réelles et (bn ) une
suite à valeurs réelles ou complexes. On suppose que
(1) (an ) est décroissante et
lim an = 0.
n→+∞
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de sorte que, pour tout entier n ≥ 1, bn = Tn − Tn−1 . Soit maintenant (Sn ) la suite
des sommes partielles associée à (an bn ). On écrit
n
X n
X
Sn = ak bk = a0 b0 + ak (Tk − Tk−1 ),
k=0 k=1
n
X n
X
= a0 b0 + ak Tk − ak Tk− ,
k=1 k=1
n
X n−1
X
= a0 b0 + ak Tk − ak+1 Tk ,
k=1 k=0
n−1
X
= an Tn + (a0 − a1 )b0 + (ak − ak+1 )Tk ,
k=1
n−1
X
= an Tn + (ak − ak+1 )Tk .
k=0
Notons un = (an − an+1 )Tn et (Un ) la suite des sommes partielles associées. On a
ainsi
(4.2) Sn = an Tn + Un−1 .
P
Montrons tout d’abord que (Un ) admet P une limite, c’est-à-dire que un converge.
Pour cela, nous allons montrer que un est absolument convergente. Rappelons
que par hypothèse, la suite (Tn ) est bornée (mettons par une constante M > 0). On
a donc
Xn X
|ak − ak+1 ||Tk | ≤ M |ak − ak+1 |.
k=0 0≤k≤n
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