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« Quant à ce que vous me dites que les médecins paraissent n’y rien
comprendre, je n’en suis pas très surpris, car, d’une façon générale, je
n’ai jamais eu grande confiance dans la médecine moderne… »[27].
« Oui, comme vous le dites, tout est truqué aujourd’hui ; on veut obliger
les gens à vivre artificiellement pour les changer plus facilement en des
sortes de machines, et la médecine a sûrement un grand rôle à jouer
dans la réalisation de ce plan diabolique. Je regrette souvent de n’avoir
ni le temps ni la facilité d’examiner de plus près la dite médecine avec
toutes les précisions voulues ; il serait bien à souhaiter qu’il se trouve
quelqu’un qui puisse et ose entreprendre cette tâche »[32].
« [au sujet des médecins de leurs « tracasseries »]. Ces gens-là en sont
arrivés à s’emparer en quelque sorte du monde entier, et bientôt on
n’aura plus le droit de vivre sans leur permission »[33].
« L’inégalité est vraie de fait pour la seule raison qu’elle est vraie de
droit, elle est réelle pour la seule raison qu’elle est nécessaire. Ce que
l’idéologie égalitaire voudrait dépeindre comme un état de justice, serait
au contraire, d’un point de vue plus élevé et à l’abri des rhétoriques
humanitaires, un état d’injustice. C’est une chose qu’Aristote et Cicéron
avaient déjà reconnue. Imposer l’inégalité veut dire transcender la
quantité, veut dire admettre la qualité. C’est ici que se distinguent
nettement les concepts d’individu et de personne »[36].
« S’il devait être question d’une réaction de fond contre le système, ce qui
revient à dire contre les structures de la société et du monde moderne en
général, selon moi, il y a peu de perspectives […] Il ne s’agirait pas de
contester ou de polémiquer mais de tout faire sauter : ce qui, à ce jour, est
évidemment de l’ordre de la fantaisie ou de l’utopie, en laissant une
bonne place à l’anarchisme sporadique. La chose possible et importante
est l’action de défense intérieure individuelle, pour laquelle la formule
adaptée est : “Fais en sorte que ce sur quoi tu n’as pas prise, ne puisse
avoir de prise sur toi” »[40].
(4) Si les cas de possessions (qui exigent bien entendu des rites d’exorcisme)
sont devenus plus rares, c’est sans doute parce que les influences
démoniaques, n’étant plus « endiguées » comme jadis par le barrage de la
religion universellement adoptée, peuvent dès lors exercer leurs effets plus
librement, sous une forme « diluée » ». (Titus Burckhardt, Science moderne et
Sagesse traditionnelle, Chap. 4 : Psychologie moderne et sagesse
traditionnelle, éd. Archè, 1986, pp. 94-97).
René Guénon avait bien cerné les enjeux autour du satanisme, quand il écrivait
ceci : « Il est convenu qu’on ne peut parler du diable sans provoquer, de la part
de tous ceux qui se piquent d’être plus ou moins « modernes », c’est-à-dire
l’immense majorité de nos contemporains, des sourires dédaigneux ou des
haussements d’épaules plus ou moins méprisants encore ; et il est des gens
qui, tout en ayant certaines convictions religieuses, ne sont pas les derniers à
prendre une semblable attitude, peut-être par simple crainte de passer pour «
arriérés », peut-être aussi d’une façon plus sincère. Ceux-là, en effet sont bien
obligés d’admettre en principe l’existence du démon, mais ils seraient fort
embarrassés d’avoir à constater son action effective ; cela dérangerait par trop
le cercle restreint d’idées toutes faites dans lequel ils ont coutume de se
mouvoir. C’est là un exemple de ce « positivisme pratique » auquel nous avons
fait allusion précédemment : les conceptions religieuses sont une chose, la «
vie ordinaire » en est une autre, et, entre les deux, on a bien soin d’établir une
cloison aussi étanche que possible ; autant dire qu’on se comportera en fait
comme un véritable incroyant, avec la logique en moins ; mais quel moyen de
faire autrement, dans une société aussi « éclairée » et aussi « tolérante » que
la nôtre, sans se faire traiter à tout le moins d’ « halluciné » ? Sans doute, une
certaine prudence est souvent nécessaire, mais prudence ne veut pas dire
négation « à priori » et sans discernement (…) si ce n’est pas encore une ruse
du diable que de se faire nier, il faut convenir qu’il n’y a pas trop mal réussi (…)
Le diable n’est pas seulement terrible, il est souvent grotesque ; que chacun
prenne cela comme il l’entendra, suivant l’idée qu’il s’en fait ; mais que ceux qui
pourraient être tentés de s’étonner ou même de se scandaliser d’une telle
affirmation veuillent bien se reporter aux détails saugrenus que l’on trouve
inévitablement dans toute affaire de sorcellerie, et faire ensuite un
rapprochement avec toutes ces manifestations ineptes que les spirites ont
l’inconscience d’attribuer aux « désincarnés ».
En voici un échantillon pris entre mille : « On lit une prière aux esprits, et tout le
monde place ses mains, qui sur la table, qui sur le guéridon qui lui fait suite,
puis on fait l’obscurité… La table oscille quelque peu, et Mathurin, par ce fait
annonce sa présence (…) ».
Il serait difficile d’imaginer quelque chose de plus puéril ; pour croire que les
morts reviennent pour se livrer à ces facéties de mauvais goût, il faut
assurément plus que de la naïveté ; et que penser de cette « prière aux esprits
» par laquelle débute une telle séance ? Ce caractère grotesque est
évidemment la marque de quelque chose d’un ordre fort inférieur ; même
lorsque la source en est dans l’être humain (et nous comprenons dans ce cas
les « entités » formées artificiellement et plus ou moins persistantes), cela
provient des plus basses régions du « subconscient » ; et tout le spiritisme, en
y englobant pratiques et théories, est, à un degré plus ou moins accentué,
empreint de ce caractère. Nous ne faisons pas d’exception pour ce qu’il y a de
plus « élevé », au dire des spirites, dans les « communications » qu’ils
reçoivent : celles qui ont des prétentions à exprimer des idées sont absurdes,
ou inintelligibles, ou d’une banalité que des gens complètement incultes
peuvent seuls ne pas voir ; quant au reste, c’est de la sentimentalité la plus
ridicule.
Si le diable peut être bon théologien quand il y trouve avantage, il peut aussi, et
« à fortiori », être moraliste, ce qui ne demande point tant d’intelligence ; on
pourrait même admettre, avec quelque apparence de raison, que c’est là un
déguisement qu’il prend pour mieux tromper les hommes et leur faire accepter
des doctrines fausses. Ensuite, ces choses « consolantes » et « moralisantes »
sont précisément, à nos yeux, de l’ordre le plus inférieur, et il faut être aveuglé
par certains préjugés pour les trouver « élevées » et « sublimes » ; mettre la
morale au-dessus de tout, comme le font les protestants et les spirites, c’est
encore renverser l’ordre normal des choses ; cela même est donc « diabolique
», ce qui ne veut pas dire que tous ceux qui pensent ainsi soient pour cela en
communication effective avec le diable.
A ce propos, il y a encore une autre remarque à faire : c’est que les milieux où
l’on éprouve le besoin de prêcher la morale en toute circonstance sont souvent
les plus immoraux en pratique ; qu’on explique cela comme on voudra, mais
c’est un fait ; pour nous, l’explication est toute simple, c’est que tout ce qui
touche à ce domaine met en jeu inévitablement ce qu’il y a de plus bas dans la
nature humaine (…)
Nous n’avons voulu qu’apporter ici quelques faits, que chacun soit libre
d’apprécier à son gré ; les théologiens y verront probablement quelque chose
de plus et d’autre que pourraient y trouver de simples « moralistes ». En ce qui
nous concerne, nous ne voulons pas pousser les choses à l’extrême, et ce
n’est pas à nous qu’il appartient de poser la question d’une action directe et «
personnelle » de Satan ; mais peu importe, car, quand nous parlons de «
satanisme », ce n’est pas ainsi que nous l’entendons. Au fond les questions de
« personnification », si l’on peut s’exprimer ainsi, sont parfaitement indifférentes
à notre point de vue ; ce que nous voulons dire est tout à fait indépendant de
cette interprétation particulière aussi bien que de toute autre, et nous
n’entendons en exclure aucune, sous la seule condition qu’elle corresponde à
une possibilité. En tout cas, ce que nous voyons dans tout cela, et plus
généralement dans le spiritisme et les autres mouvements analogues, ce sont
des influences qui proviennent incontestablement de ce que certains appellent
la « sphère de l’Antéchrist » ; cette désignation peut encore être prise
symboliquement, mais cela ne change rien à la réalité et ne rend pas ces
influences moins néfastes. Assurément, ceux qui participent à de tels
mouvements, et même ceux qui croient les diriger, peuvent ne rien savoir de
ces choses ; c’est bien là qu’est le plus grand danger, car beaucoup d’entre
eux, très certainement, s’éloigneraient avec horreur s’ils pouvaient se rendre
compte qu’ils se font les serviteurs des « puissances des ténèbres » ; mais leur
aveuglement est souvent irrémédiable, et leur bonne foi même contribue à
attirer d’autres victimes ; cela n’autorise-t-il pas à dire que la suprême habileté
du diable, de quelque façon qu’on le conçoive, c’est de faire nier son
existence ? ». (René Guénon, L’erreur spirite ; chap.10 : La question du
satanisme, éd. Etudes Traditionnelles, 1991).
René Guénon avait encore une fois vu juste, lorsqu’il dit : « Un autre point qui est à
retenir, c’est que les Supérieurs Inconnus, de quelque ordre qu’ils soient, et quel que
soit le domaine dans lequel ils veulent agir, ne cherchent jamais à créer des «
mouvements », suivant une expression qui est fort à la mode aujourd’hui ; ils créent
seulement des « états d’esprit », ce qui est beaucoup plus efficace, mais peut-être un
peu moins à la portée de tout le monde. Il est incontestable, encore que certains se
déclarent incapables de le comprendre, que la mentalité des individus et des
collectivités peut être modifiée par un ensemble systématisé de suggestions
appropriées ; au fond, l’éducation elle-même n’est guère autre chose que cela, et il n’y
a là-dedans aucun « occultisme ». Du reste, on ne saurait douter que cette faculté de
suggestion puisse être exercée, à tous les degrés et dans tous les domaines, par des
hommes « en chair et en os », lorsqu’on voit, par exemple, une foule entière
illusionnée par un simple fakir, qui n’est cependant qu’un initié de l’ordre le plus
inférieur, et dont les pouvoirs sont assez comparables à ceux que pouvait posséder un
Gugomos ou un Schroepfer (1). Ce pouvoir de suggestion n’est dû, somme toute,
qu’au développement de certaines facultés spéciales, quand il s’applique seulement
au domaine social et s’exerce sur l’ « opinion », il est surtout affaire de psychologie :
un « état d’esprit » déterminé requiert des conditions favorables pour s’établir, et il faut
savoir, ou profiter de ces conditions si elles existent déjà, ou en provoquer soi-même la
réalisation. Le socialisme répond à certaines conditions actuelles, et c’est là ce qui fait
toutes ses chances de succès ; que les conditions viennent à changer pour une raison
ou pour une autre, et le socialisme, qui ne pourra jamais être qu’un simple moyen
d’action pour des Supérieurs Inconnus, aura vite fait de se transformer en autre chose
dont nous ne pouvons même pas prévoir le caractère. C’est peut-être là qu’est le
danger le plus grave, surtout si les Supérieurs Inconnus savent, comme il y a tout lieu
de l’admettre, modifier cette mentalité collective qu’on appelle l’ « opinion » ; c’est un
travail de ce genre qui s’effectua au cours du XVIIIème siècle et qui aboutit à la
Révolution, et, quand celle-ci éclata, les Supérieurs Inconnus n’avaient plus besoin
d’intervenir, l’action de leurs agents subalternes était pleinement suffisante. Il faut,
avant qu’il ne soit trop tard, empêcher que de pareils événements se renouvellent, et
c’est pourquoi, dirons-nous avec M. Copin-Albancelli, « il est fort important d’éclairer le
peuple sur la question maçonnique et ce qui se cache derrière » ». (René
Guénon, Réflexions à propos du « Pouvoir Occulte », 11 Juin 1914, La France
antimaçonnique).