Comprendre l’ethno-politique au Cameroun

Par
Faustin ETOUKE,
Épistémologue, Moniteur de Sciences Politiques,
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques – Université de Yaoundé II Soa
 C’est vrai que c’est toujours à contrecœur, que nous nous résolvons à citer
des auteurs non-africains, mais il y a malheureusement des idées, qui n’ont pas
vraiment germé, en dehors de l’environnement épistémologique européen…
Dans son ouvrage PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA PERCEPTION, publié en
1945, le philosophe Merleau-Ponty développe une idée aussi intéressante que
déroutante. Il dit que tous les comportements, qui apparaissent comme étant
"naturels" pour le commun des mortels, ne sont en réalité que des constructions
culturelles…
Ainsi par exemple, à l’intérieur d’une société lambda donnée, exprimer sa colère
par le fait de crier, ou bien encore, exprimer son amour pour quelqu’un en
l’embrassant, NE SONT QUE DES INSTITUTIONS CULTURELLES créées et
entretenues de toutes pièces…
À partir du moment où on réussit à digérer cette vérité dérangeante, et à
intégrer le fait que tous les comportements humains dérivent d’une invention
culturelle, ON POURRA TRÈS BIEN ESSAYER DE COMPRENDRE LE
COMPORTEMENT DES CAMEROUNAIS, car il se murmure que si on vous explique
le Cameroun, et que vous comprenez, c’est qu’on ne vous a pas bien expliqué…
Le comportement contemporain des Camerounais, s’explique en 2018, par le
fait qu’il y a une trentaine d’années, au début des années 1990, des apprentis-
sorciers en situation d’influencer le devenir collectif camerounais, ONT INVENTÉ
UN SCHÉMA CULTUREL susceptible, à l’échelle d’une vie humaine, de les
maintenir indéfiniment aux affaires publiques…
En effet, depuis le début des années 1990, avec le retour du multipartisme dans
notre pays le Cameroun, les barons du RDPC ont habilement créé un MÉCANISME
CULTUREL, qu’il convient d’appeler "ethno-politique camerounaise", et qui
aujourd’hui, agit entre les citoyens camerounais, avec une redoutable efficacité…
Ce mécanisme culturel, qu’il convient d’appeler ethno-politique, a été mis en
œuvre par les deux (02) activités ci-dessous :
LIMITER, DANS UN CADRE GÉOGRAPHIQUE ETHNIQUE RÉDUIT,
LES AMBITIONS DES CAMEROUNAIS QUI S’INTÉRESSENT À LA
POLITIQUE ;
Ici, on va déployer beaucoup de subterfuges pour encourager les
Camerounais à s’intéresser prioritairement au développement de leur village ou de
leur région d’origine. On va encourager le respect de l’endogamie, c’est-à-dire
qu’on va inciter les jeunes à épouser un conjoint de la même ethnie. Tous les
camerounais sont bien conscients que quand on nomme quelqu’un, c’est la fête
dans son village, et donc il y a un cercle vicieux qui se crée, car en même temps
que l’heureux élu devient une élite, en même temps, il devient moralement
responsable de l’essor ou du déclin des gens de chez lui…

COMBATTRE LES CITOYENS CAMEROUNAIS, QUI PAR LEURS

ACTES, COMMENCENT À S’INSCRIRE DANS UNE PERSPECTIVE
NATIONALE ;
Ici, il s’agit de combattre et de discréditer, les citoyens camerounais qui
commencent à avoir une visibilité nationale, car le but de l’ethno-politique, c’est de
faire en sorte que la seule figure nationale soit la figure du Chef de l’État.
Ici, on va inciter les populations dites autochtones, à développer et entretenir de la
suspicion vis-à-vis des populations dites allogènes…
Il faut d’ailleurs mentionner ici, qu’en termes de populations dites autochtones, et
de populations dites allogènes, ce sont majoritairement les ressortissants de la
Région de l’Ouest, qui font les frais des brimades allogéniques…
DE CE QUI PRÉCÈDE…
Il faut comprendre que l’ethno-politique camerounaise, ce MÉCANISME
CULTUREL habilement créé, il y a une trentaine d’années, par les barons du
RDPC, fonctionne actuelle à merveille au Cameroun, et cela fonctionne d’autant
plus que les gens n’en sont pas vraiment conscients…
Et ce qui est vraiment génial avec cette ethno-politique, c’est que C’EST LE
MODE DE PENSÉE NATUREL de tous ces jeunes qui ont moins de trente (30)
ans, car étant nés dans ce mécanisme culturel, ils ne connaissent pas vraiment
d’autres expériences sociétales…
Dit autrement…
Le Citoyen Paul Biya, n’est donc pas tout à fait seulement le Président du
Cameroun, mais il est davantage un PATRIARCHE, et puisque dans la plupart des
coutumes négro-africaines, un patriarche n’est pas fondamentalement appelé à
aller se reposer, il faut donc comprendre que Paul Biya, et le successeur qu’il
désignera, quand et comme il voudra, demeureront toujours à la gestion des
affaires publiques camerounaises…
Le jour où la jeunesse camerounaise souhaitera avoir un autre PRÉSIDENT
DE LA RÉPUBLIQUE, elle devra d’abord s’attaquer, à cette ethno-politique
camerounaise, que nous venons de décrire en peu de mots…

Achevé et Publié à Soa, le 09 octobre 2018