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LES AVENTURES D’UNE ÉDUCATION BARBARE

Par Alexandre Bénard

Revue et corrigé (Version 2.2)


Septembre 2008

(Version Original - Mars 2005)


TABLE DES MATIÈRES :

Acte I, Scène I ..................................3 Acte III, Scène I.............................. 23


Acte I, Scène II .................................3 Acte III, Scène II ............................ 24
Acte I, Scène III................................4 Acte III, Scène III ........................... 25
Acte I, Scène IV................................6 Acte III, Scène IV........................... 26
Acte I, Scène V.................................9 Acte III, Scène V ............................ 26
Acte I, Scène VI................................9 Acte III, Scène VI........................... 28
Acte I, Scène VII ............................11 Acte III, Scène VII ......................... 29
Acte III, Scène VIII ........................ 30
Acte II, Scène I ...............................12 Acte III, Scène IX........................... 30
Acte II, Scène II..............................13
Acte II, Scène III ............................14 Acte IV, Scène I ............................. 31
Acte II, Scène IV ............................15 Acte IV, Scène II ............................ 32
Acte II, Scène V..............................15 Acte IV, Scène III........................... 32
Acte II, Scène VI ............................16 Acte IV, Scène IV .......................... 33
Acte II, Scène VII ...........................17 Acte IV, Scène V............................ 33
Acte II, Scène VIII..........................18 Acte IV, Scène VI .......................... 34
Acte II, Scène IX ............................18 Acte IV, Scène VII ......................... 34
Acte II, Scène X..............................19 Acte IV, Scènes VIII ...................... 35
Acte II, Scène XI ............................21 Acte IV, Scène IX .......................... 37
Acte II, Scène XII ...........................22 Acte IV, Scène X............................ 38

PERSONNAGES :

Christopher: Le sans-abri

Jean-Charles Le professeur

Christine Fille de Jean-Charles

La mère Mère de Christopher

La policière Policière

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Acte I, Scène I

Jean-Charles

(L’acte se déroule dans un parc. Sur la scène se trouvent un banc de parc et


un arbre. Des chants d’oiseaux se font entendre.)

Jean-Charles : Un beau jour, moi, Jean-Charles, j’étais assis sur un joli banc de
parc et regardais les oiseaux se tirailler pour une miette de pain alors qu’il y avait
une tranche pleine à deux pouces d’eux. Et c’est à ce moment précis que je fis la
rencontre d’un jeune homme tout à fait… (Il réfléchit un instant.) Comment
dire…? Ha! Le voici justement qui arrive. (Il s’assoit sur le banc.)

Acte I, Scène II

Jean-Charles, Christopher

Christopher : Hé! Le vieux! T’aurais pas ça une cigarette?

Jean-Charles (se levant) : Diantre! Mais est-ce comme cela que tu parles aux plus
âgés que toi?

Christopher (abasourdi) : Comment tu parles sti? C’est quoi cet estie de langage
de fucké?

Jean-Charles (levant la tête d'un air hautain) : Ceci est du bon français, voyons!
Comme on en parlait autrefois au théâtre… Alors, que m’as-tu demandé déjà?

Christopher : Je t’ai demandé si t’avais une cigarette.

Jean-Charles : On dit : “ Bonjour, cher monsieur. Auriez-vous l’obligeance de me


fournir une cigarette? ”

Christopher : C’est pas la même criss d’affaire?

Jean-Charles : Comment te nommes-tu, mon cher ami?

Christopher : C’est quoi le rapport avec la cigarette?

Jean-Charles : simple curiosité.


Christopher (lassé) : Je m’appelle Christopher. Mais tout le monde m’appelle
Chris.

Jean-Charles : Alors Chris. Que fais-tu dans la vie?

Christopher (agacé) : Ça te regarde en quoi criss?

Jean-Charles : Je ne me nomme point Chris. C’est toi qui…

Christopher (exaspéré) : C’est quoi ton estie de problème?

Jean-Charles : Je n’ai point de problème. Et toi, en as-tu?

Christopher (découragé) : J’ai pas de cash, je vis dans la rue (Il monte le ton) pis
il y a un criss de fou qui me tape sur les nerfs.

Jean-Charles : Insolent que tu es!

Christopher : Criss de débile manqué!

Jean-Charles : inculte!

Christopher : vieux fou! (La policière entre en scène.)

Acte I, Scène III

Christopher, Jean-Charles, la policière

La policière : Hé! Hé! Hé! Calmez-vous un peu là!

Jean-Charles : Ha! Heureusement que vous êtes là. Cet impudent me harcelait,
voyez-vous. Si cela n’avait été de votre présence, je crois qu’il aurait reçu une
leçon… de savoir-vivre! D’ailleurs…

Christopher (parlant à Jean-Charles) : Ferme donc ta gueule!

La policière (regardant Christopher du coin de l’œil, parlant à Jean-Charles) :


Voulez-vous que je le fasse partir pour qu’il vous laisse tranquille?

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Jean-Charles : Non. Bien qu’il soit vulgaire et impoli, (se tournant vers Chris) je
le trouve… plutôt divertissant.

Christopher : Va te faire foutre!

Jean-Charles : Jeune homme, un peu de retenue, je te prie ! Nous sommes en


présence d'une jolie dame !

Christopher : Je m'en câlice-tu!

La policière : Si seulement tous les hommes pouvaient être aussi polis que vous, le
monde serait bien meilleur!

Jean-Charles : Je suis bien aise de vos compliments, mais cela est tout à fait naturel
pour un homme de qualité!

Christopher : Cris de snob! Estie qu'y est laid!

Jean-Charles : Je ne veux pas te contredire, mon cher, mais malgré mon léger
surplus de poids, on me considère un bel homme pour mon âge!

Christopher : Pis en plus de ça il se pense mieux que tout le monde!

Jean-Charles : Tes invectives me purgent les oreilles tels d’infects parasites!

Christopher : Tabarnak! T'es as les expressions! Estie, criss, tabarnak !

La policière : Qu'est-ce qu'on fait? Vous portez plainte pour grossièretés ou vous
vous amusez à l'impressionner?

Jean-Charles : Si vous le permettez, je me porte garant de ce jeune homme. Même


si, ma foi, il n'a rien d'un homme respectable, je crois qu'il mérite sa chance.

Jean-Charles (parlant à la policière) : Partez avant que je ne change d'idée!

La policière : Bon, je vais vous laisser discuter. Ça va lui faire du bien un peu de
morale! (Tournant les talons puis hésitant) Pis s’il vous énerve encore, lâchez un
cri; je ne serai pas loin! (Nos deux acolytes la regardent partir)

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Acte I, Scène IV

Christopher, Jean-Charles

Jean-Charles : Quelle femme ravissante!

Christopher (gêné) : Ouais… j’avoue…

Jean-Charles (le regardant tout en riant) : Donc! Revenons à notre leçon…

Christopher : T’as-tu une cigarette?

Jean-Charles : Je n’ai point de cigarette. Mais si tu veux, nous pouvons discuter…

Christopher (s’avouant vaincu) : OK, de quoi tu veux parler?

Jean-Charles : As-tu une jeune demoiselle dans ta vie?

Christopher : Pourquoi tu veux savoir ça?

Jean-Charles : Parce que la leçon portera sur la méthode à employer pour courtiser
les jolies dames.

Christopher (se tournant la tête, l’air intéressé) : Tu veux m'apprendre à cruiser?

Jean-Charles : Non! À courtiser les femmes.

Christopher : C'est quoi ces estie de mots fuckés? Coudon t'es pas capable de parler
comme du monde?

Jean-Charles : Tu sauras que mon français est excellent! C'est toi qui parles de
façon incorrecte!

Christopher : Mettons…

Jean-Charles : Donc comme tu l'as peut-être deviné tout seul, la première règle est
de bien parler.

Christopher : Qu’est-ce qu’il a mon parler estie? Y'est ben correct!

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Jean-Charles : Tu devrais écouter ce que tu dis ; ta prononciation est tout à fait
déplorable !

Christopher : Ça pas d'allure ton affaire! Criss j'parle comme du monde! Mais toi,
c'est crissement fucké ton affaire!

Jean-Charles : Ta façon de t'exprimer est sans aucun doute celle d'un mal éduqué!

Christopher : OK, monsieur l'estie de fancy, dites-moi dont ce qu'y a de mauvais


dans ma criss de façon de parler!

Jean-Charles : Hé bien, tu as un manque flagrant de vocabulaire et il est des plus


vulgaires que je connaisse. En résumé, ton parler est du genre… comment dire?…
(Réfléchissant un instant) … il manque de raffinement si on veut.

Christopher : Pis le tien il est pas mal trop… (Cherchant ses mots) raffiné comme
tu dis; un peu trop snob à mon goût!

Jean-Charles : Tu vois! Même ton attitude n’est pas du tout appropriée.

Christopher (s’emportant) : Heille! T’as-tu fini de me faire chier?

Jean-Charles (lui répondant calmement) : Mon cher Christopher, il ne faut point


s’emporter de la sorte. Ce que je tente avec toi c’est… c’est de t’apprendre à bien
parler, à bien te comporter et à bien te vêtir. Voilà notre but ultime : te rendre le
plus présentable possible aux jolies demoiselles que tu rencontreras.

Christopher (pas sûr de lui) : Tu penses vraiment que ça va changer de quoi?

Jean-Charles : Regarde-moi. Maintenant, imagine-moi accoutré comme tu l'es…

Christopher : Fuck! Man! J'veux être capable de dormir ce soir!

Jean-Charles : Si tu continues comme cela, je ne te dérangerai pas davantage! (Il


feint de se lever)

Christopher : OK. T'es peut-être un peu débile, mais j'aimerais ben savoir pourquoi
tu fais ça.

Jean-Charles : La bienveillance d'un homme se doit d'être franche!

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Christopher : Tabarnak ! T'as-tu fini avec tes phrases bâtardes?

Jean-Charles : Cela signifie que la bonté d'un homme doit être honnête; sans rien
demander en retour.

Christopher : Ça, ça veut dire que tu es prêt à me payer pour écouter tes conneries.
OK, combien tu payes?

Jean-Charles : Ce n'est pas la charité que je te donne, mais un service que je te


rends.

Christopher : Faque, j'y gagne quoi?

Jean-Charles : De la prestance!

Christopher : Arrête de te foutre de ma gueule ! Awèye ! Crache le motton!

Jean-Charles : Pardon?

Christopher : Criss! Dis-moi ce que tu attends de moi !

Jean-Charles : Pour le moment, tu auras un logis, quelque chose à manger et à te


mettre, le temps de te rendre présentable.

Christopher : Présentable à qui?

Jean-Charles : Allez! Viens chez moi, on va commencer par s’occuper de tes


vêtements. (Il se lève en tirant Christopher.)

Christopher (repoussant Jean-Charles) : Hé! WOW! Minute le fif! Si tu penses


que je vais te suivre comme ça!

Jean-Charles : De quoi as-tu peur? Je ne vais pas te manger tout de même!

Christopher : Ce qui m'inquiète, c'est que je sois obligé de TE manger!

Jean-Charles : Soit sans crainte, il n'y a aucune sorte de cannibalisme dans ma


maison!

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Christopher : T'es-tu attardé ou quoi?

Jean-Charles : Es-tu conscient que tu parles à un professeur de l'Université de


Montréal?

Christopher : Ha! C'est pour ça que t'as le trou du cul dans la face!

Jean-Charles : Cesse ces outrageantes paroles, nom de Dieu!

Christopher : Pis toi, arrête de faire des esties de phrases à coucher dehors!

Jean-Charles : Mais tu as un logis maintenant; tu n'auras plus à dormir sur un banc


de parc, tu dormiras sur un sofa!

Christopher : Bon, je pense que tu m'as assez niaisé comme ça! Je fous le camp! (Il
va pour partir. Jean-Charles le retient.)

Jean-Charles : Attends! Tu n'as pas à partir ainsi!

Christopher : T'as raison le vieux, c'est toi qui vas partir!

Jean-Charles : Très bien! Si tu ne veux pas de mon aide, je ne peux pas t'y
contraindre! Je repasserai demain au cas où tu changerais d'idée! (Il quitte la scène
tranquillement)

Acte I, Scène V

Christopher

Christopher : C'est ça le fou! Sacre ton camp! J'ai pas besoin de toi! Estie de vieux
fou! Y'a beau me promettre ben des affaires, ça l'air louche son affaire! Pis c'est
quoi c't'idée-là de vouloir me changer? C'est vraiment fucké…

Acte I, Scène VI

Christopher, La mère

La mère : Hé! Mon gars! C'était qui le malade qui vient de partir?

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Christopher : Un genre de professeur débile qui se pense meilleur que tout le
monde.

La mère : Quand est-ce que tu vas revenir à la maison? Tu sais qu'on s'ennuie tous
de toi?

Christopher : J'sais pas si tu fais de l'Alzheimer, mais j'suis parti parce que je
voulais plus vous voir la face!

La mère : Ben voyons! T'avais tout ce que tu voulais!

Christopher : À part de la drogue, le cash pis les putes, y'avait pas grand chose
d'attirant!

La mère : Peux-tu me dire qu'est-ce qu'y a de mieux que du bon stock comme on
a?

Christopher : Peut-être de l'amour!

La mère : Avec les putes de ton père, t'en avais de l'amour!

Christopher : R'garde, laisse-moi tranquille…

La mère : Pourquoi tu fais l'enfant? T'es un adulte maintenant!

Christopher : Justement! J'ai le droit de faire ce que je veux.

La mère : Je t'ai jamais obligé à faire quoi que ce soit!

Christopher : À part vendre de la drogue à l'école pour arrondir tes fins de mois!

La mère : Je t'ai donné une responsabilité! Pis ça servait enfin à quelque chose que
tu passes ton temps là-bas!
Christopher : Justement, ça me servait à quelque chose : apprendre!

La mère : À quoi ça sert les maths à part à compter l'argent pis peser les sacs?

Christopher : Laisse-moi tranquille…

La mère : À quoi ça sert de savoir que 23X/X=100?

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Christopher : Si t'étais allée à l'école pour autre chose que te prostituer, tu saurais
que ça se peut pas! (Elle lui claque la main dans la face et il feint lui donner un
coup de poing puis se contrôle) Fous le camp!

La mère : Qu'est-ce que tu vas faire si je reste? Me frapper? Vas-y! Frappe ta mère!
De toute façon, j't' habituée avec ton père!

Christopher : Décrisse avant que j'aille voir la popo ! Je suis sûr que si elle va faire
un petit tour à' maison qu'elle va trouver quelque chose de ben intéressant!

La mère : Tu le feras pas!

Christopher : Tu veux prendre le risque?

La mère (en quittant la scène) : Pauvre p'tit gars! Ha! Ha! Ha!

Acte I, Scène VII

Christopher, La policière

(Christopher tourne en rond en silence - la policière arrive tranquillement)

La policière : C'était ta mère? Ça ne va pas avec, c'est ça?

Christopher : Qu'est-ce que ça peut te faire? (Il s'assoit les mains au visage)

La policière (mettant une main sur l'épaule de Christopher) : Si tu ne veux pas


de mon aide, je peux comprendre. Mais si j'étais toi, j'irais retrouver Jean-Charles.
Malgré son excentricité, c'est quelqu'un de bien.

Christopher : C'est ça! C'est un fif! Une estie tapette qui veut se servir de moi.

La policière : Ne te fie pas à son apparence. C'est vraiment quelqu'un de bien, pis
tu pourrais en sortir plus gagnant que tu le penses!

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Christopher : Je savais qu'y'avait de quoi de louche!

La policière : Il n'a rien d'un arnaqueur, crois-moi.

Christopher : Comment tu sais ça? T'es sa pute?

La policière (S'emportant) : Quoi?

Christopher : J'veux dire sa maîtresse?

La policière : Ma sœur était sa femme, elle est morte, il y a quatre ans…

Christopher : Fuck!

La policière : Je dois retourner travailler. Si tu veux, je te montrerai où il habite.


C'est juste de l'autre côté de la rue.

Christopher : Ouain! J'ai pas grand chose à perdre de toute façon! (Il se lève et suit
la policière)
La policière : C'est par ici… (Ils quittent la scène)

Acte II, Scène I


(L’acte se déroule dans le salon de Jean-Charles. Une causeuse, une table et
une lampe forment le décor.)

Christine (seule)

Christine : J’espère que mon père ne me ramènera pas un autre débile. J’en ai assez
qu’il choisisse mes chums à ma place! Si seulement il pouvait trouver quelqu’un de
normal! Ou bien qu’il me laisse sortir et faire mes propres expériences. La dernière
fois, il m’a présenté un gars assez beau, mais il avait la langue un peu trop pincée à
mon goût. C’était un artiste, mais il aimait juste la musique classique. Il était
comme mon père : Obsédé de culture et la parole un peu trop fancy… Bref, il était
ennuyant. Il faut toujours qu'il… (Elle regarde par la fenêtre.) Bon! Il arrive
enfin!

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Acte II, Scène II

Christine, Jean-Charles

Jean-Charles : Bonjour ma fille !

Christine : Pour une fois, tu entres seul !

Jean-Charles : Pourquoi diantre dis-tu cela?

Christine : Parce qu'à chacune de vos entrées, vous me présentez un candidat.


Comme si votre seule préoccupation était de me voir mariée!

Jean-Charles : C'est pour ton bien et tu le sais!

Christine : Je sais très bien pourquoi vous faites ça et je vous avertis, je me


marierai le jour où je trouverai quelqu'un qui me respecte et qui ne me veut pas
pour l'argent!

Jean-Charles : Ne crois-tu pas que ton mariage mis en profit à cet argent est la
recette parfaite à notre bonheur? Ne crois-tu pas que nous pourrons être heureux
après cela? Pense donc à la volonté de ton grand-père! Il te veut heureuse… et
mariée!

Christine : Ce n'est à personne et surtout pas à un mort de décider de mon avenir!

Jean-Charles : Je t'ai toujours laissé le choix! Tu ne peux pas le nier!

Christine : Vous me laissez choisir parmi ceux que vous choisissez! Ça n'est pas
ça, la liberté! Vous ne faites que me montrer la porte sans jamais me permettre de
la passer! (On entend la sonnette)

Jean-Charles : On sonne à la porte! (Il ouvre la porte)

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Acte II, Scène III

Christine, Christopher, Jean-Charles, La policière

(La policière entre – Christopher, cache derrière elle, regarde du coin de l'oeil
Christine)

La policière : Je crois avoir quelqu'un qui désire vous parler. (Elle pousse
Christopher devant elle)

Christopher : Je… Je… J'suis désolé pour tantôt.

Jean-Charles : Je suis bien aise que tu ressentes de la culpabilité, pour ce, je te


pardonne. Mais sache que je suis un professeur sévère qui demande rigueur et
discipline!

Christopher : J'suis pas ici pour me faire dire quoi faire!

La policière : Un bon élève doit suivre les indications du professeur!

Jean-Charles : Votre droiture met en évidences vos fonctions,


mademoiselle !

Christopher : Estie de téteux!

Jean-Charles : Les belles paroles font les bons hommes!

Christopher : C'est ça, pis moi, j'm'appelle Alphonse!

Jean-Charles : Je croyais que ton nom était Christopher?

Christopher : Hé! Le twit! C'est une expression! Ça veut dire que j'te crois pas!

La policière (se retenant de rire) : Bon, je vous laisse discuter! Je crois que vous
avez beaucoup à apprendre mutuellement. Bonne chance et à la prochaine
Christopher! (Elle fait un pas en arrière - parlant à Jean-Charles) juste une
chose, Jean-Charles, ne soyez pas trop dur avec lui. Bonne journée! (Elle quitte la
scène)

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Acte II, Scène IV

Jean-Charles, Christine, Christopher

Jean-Charles : J'oubliais les présentations! Voici Christopher. Et ma fille…

Christopher (coupant Jean-Charles) : C’est votre fille? Elle est pas mal belle!

Christine (répondant timidement) : Merci.

Jean-Charles : À ce que je vois, tes bonnes manières se mettent en vue lorsque tu


vois une jolie fille. Bien. Je vais chercher des vêtements pour les circonstances. (Il
quitte la scène)
Acte II, Scène V

Christine, Christopher

Christopher : Il est toujours comme ça?

Christine : Ses cours de littérature lui ont monté à la tête. Comment t'appelles-tu
déjà?

Christopher : Christopher. Mais tu peux m’appeler Chris. Et toi?

Christine : Moi, c’est Christine.

Christopher : Christine… Christine…

Christine : Oui, mon nom c’est Christine.

Christopher : Christine…

Christine (exaspéré) : OK. Là! Reviens-en!

Christopher (secouant légèrement la tête) : Désolé…

Christine : Qu’est-ce que tu fais dans la vie?

Christopher (un peu honteux) : Ben… Je vis dans la rue… (Voyant Christine le
regarder avec pitié) mais tu sais… (Ils s'assoient) c’est pas si pire que ça a

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l’air… Tant que je fais pas de conneries, le monde me laisse tranquille. Si ça va
trop mal, je peux toujours aller chez un ami avec qui j’ai gardé contact. Pis pour la
bouffe, je connais une coupe de places où on peut manger gratuit.

Christine : Tu ne t’ennuies pas de ta famille, des fois?

Christopher : Je les croise des fois, mais j'essaie de les éviter. C’est à cause d’eux
autres que je suis parti. Ils passaient leur temps à me crier des bêtises et me
poussaient à faire des conneries. Maintenant, y’a plus personne qui me dit quoi
faire. Je suis libre de faire ce que je veux.

Christine : Moi, je n'ai aucune liberté! Comme tu es chanceux de


l'être ainsi!

Christopher : Je suis peut-être libre, mais (baissant la tête) je suis seul…

Acte II, Scène VI

Christine, Christopher, Jean-Charles

Jean-Charles (entre en scène): Me revoilà! Voici, donc, tes nouveaux habits.


(Christopher les regarde en faisant la moue.) Comment les trouves-tu? Ils sont
magnifiques, n’est-ce pas?

Christopher : C’est laid à chier!

Christine : Enfin quelqu’un qui a du goût!

Jean-Charles : Ce n’est pas une question de goût, mais une question de bien
paraître…

Christopher : Est-ce que tu peux m'expliquer comment je peux bien paraître avec
ça? On dirait que ça sort des années 30!

Jean-Charles : Le charme d'autrefois donne l'apparence de la noblesse!

Christopher : La noblesse c'est de la marde! C'est des apparences justement! Ça


change pas la personne qu'yé en dessous!

Christine : Vous voyez? Je ne suis pas seule à penser comme ça!

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Jean-Charles : Ne voyez-vous pas que ce sont les apparences qui dictent notre
société? Un pauvre n'est qu'une personne qui paraît mal. Avez-vous déjà vu un
pauvre bien habillé? Et avez-vous déjà vu un riche mal habillé?

Christopher : Ouais, juste devant moi! (Jean-Charles se tourne et voit sa fille


rire)

Jean-Charles (se retournant vers Christopher) : Bon! Maintenant, va te changer.


J’ai à parler avec ma fille.
(Christopher reste figé en contemplant les vêtements.)

Christopher (découragé) : C'est vraiment affreux! (Il feint de partir - Jean-


Charles se tourne vers sa fille et Christopher revient sur ses pas)

Jean-Charles (se retournant vers Christopher) : Allez!

Christopher : Comment tu veux que je me retrouve? Je connais pas la place!

Jean-Charles : Bon! Je vais te reconduire. (Pause) Suis-moi. (Dit-il en pointant


l’index. Ils quittent la scène.)

Acte II, Scène VII

Christine, Jean-Charles

Christine (seule): Il a l’air pas pire. Même s’il est un peu vulgaire, il vaut bien
mieux que ses prédécesseurs. (L’air attristé) Je crains malheureusement que mon
père n’ait pas en tête de nous lier. Nous verrons bien ce que l’avenir nous dira…
(S’empressant) sauf que je suis trop impatiente! Je voudrais tant rencontrer un
homme sensé. J’ai tellement besoin de me sentir aimée. (S’exaspérant) Mais non.
Tout ce qu’il veut c’est que je me marie pour ensuite toucher l’héritage de grand-
papa. Je ne comprends pas; on vit pourtant bien. Tout ce dont nous avons besoin,
en ce moment, c’est d’être heureux dans nos vies… (Se décourageant) comme
c’est dommage que, de nos jours, tout dépende de l’argent! J’aimerais tellement
vivre librement; (Christine s’emporte — Jean-Charles entre en scène.) Sans
contraintes stupides!

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Acte II, Scène VIII

Christine, Jean-Charles

Jean- Charles : Que trouves-tu de stupide?

Christine : Le fait de ne pouvoir vivre librement pour une simple question


d’héritage.
Jean- Charles : C’est la vie, ma fille! Aujourd’hui, sans argent, nous ne pouvons
percer. Je voudrais que tu aies la chance d’aller loin; de monter, tel un oiseau, dans
la société moderne.
Christine : Et moi, je voudrais voler de mes propres ailes; vivre ma vie librement!

Jean-Charles : L'argent n'achète pas le bonheur, comme on dit, mais il donne la


liberté de choisir !

Christine : Donc, si je suis votre raisonnement, je dois me restreindre pour être


libre après?

Jean-Charles : Ne joue pas à cela avec moi! Je t'ai toujours donné la liberté de
choisir! Combien de fois veux-tu que je te le dise?

Christine : vous le dites, mais vous le faites à moitié! Mais pour une fois, vous
avez trouvé un homme très différent des autres; lui au moins il est authentique!

(Ils se regardent, l’air fâché — un silence se fait ressentir.)

Jean-Charles : Ne te fais point d’illusions quant aux raisons qui m’ont poussé à
conduire ce jeune homme dans ma maison! (Christopher entre en scène.) Il n’est
ici que pour son éducation.

Acte II, Scène IX

Christine, Jean-Charles, Christopher

Christopher : Pis pour quelles autres raisons je devrais être ici?

(Christopher regarde d’un air interrogateur Christine, embarrassée — Jean-


Charles les regarde l’un après l’autre — on sent le malaise)

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Christine : Vous ne lui avez pas expliqué?

Christopher : Je savais que tu m'cachais de quoi! Awaye! Explique!

Jean-Charles : Il n'y a rien à expliquer!

Christine : Ha, que vous êtes hypocrite!

Jean-Charles : Bon! Ma fille, tu devrais aller réfléchir dans ta chambre pendant que
je continue les leçons de notre cher ami. Nous avons une montagne de travail
devant nous… ou devrais-je dire : « il a énormément d’ouvrage à accomplir ». Ha!
Ha! Ha! (Jean-Charles se calme; les deux autres sont exaspérés.) Trêve de
plaisanteries… Ma fille…

Christine : Je vous déteste!

Jean-Charles : Tu regretteras ces mots, un jour! (Jean-Charles fait signe à sa fille


de partir; elle part, fâchée.)

Acte II, Scène X

Christopher, Jean-Charles

Christopher : C’est quoi qui se passe au juste?

Jean-Charles : Que se passe-t-il ici? Aussi longtemps que tu ne parleras pas de


façon correcte, je ne répondrai à aucune de tes questions.

Christopher : Que se passe-t-il ici?

Jean-Charles : Je ne comprends pas la question.

Christopher : Arrête de tourner autour du pot. De quoi parliez-vous avec


Christine ?

Jean-Charles : Tu m’étonnes; tu as réussi à prononcer deux phrases complètes… et


correctement en plus!

Christopher (se fâche) : De quoi parliez-vous? Merde!

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Jean-Charles (découragé) : Je vais tout t’expliquer. Assieds-toi. (Ils s'assoient) Il
y a maintenant deux ans que mon père est mort. Il
nous a légué, à moi et ma fille, deux millions de dollars ainsi que sa demeure. Pour
l’instant, nous ne pouvons en toucher que dix mille tant et aussi longtemps que ma
fille n’est pas mariée.

Christopher : Ça fait que t’espères que je la séduise pis qu’après je l’épouse.

Jean-Charles : C’est plus compliqué que cela. Quand je t’ai vu débarquer comme
un fou, (Christopher est sur les nerfs) la première idée qui m’est venue à l’esprit
était de t’enseigner les bonnes manières. Avec tes façons, tu n’auras aucune chance
de réussir dans la vie. C’est pourquoi, en voyant le penchant que vous avez l’un
pour l’autre, j’ai décidé de te donner une chance. Mais pour ça, tu dois coopérer. Si
je ne vois aucune amélioration significative dans le jour qui vient, jamais plus tu ne
reverras ma fille.

Christopher (s’emportant): Du chantage? T'oses me faire du chantage! Je te fais


remarquer que t'as plus besoin de moi, que moi de toi. Ça fait trois ans que je vis
dans la rue; j’ai besoin de personne! (Pause) Pis à part de ça, tu te prends pour qui?
Hein! ? Il faudrait peut-être que vous vous réveilliez; on est au 21e siècle. Pis ça,
ça veut dire que tout homme ou femme a le droit de choisir avec qui il veut se
marier. Tu peux pas obliger ta fille à se marier avec n'importe qui.

Jean-Charles : Calme-toi, voyons! Sinon ta tête risque d’exploser! Je t’explique :


d’abord, je ne l’oblige pas, car elle a pleinement le droit de refuser. Par contre, je
choisis ses candidats. Et si cela peut te réconforter, tu es le premier du genre à
avoir cette chance.

Christopher (offensé) : C’est un compliment je suppose!

Jean-Charles : Si tu n’es pas content, pars!

Christopher : Va dont te faire foutre!

Jean-Charles : Tu as le droit d'être choqué par ce que je viens de t'annoncer, mais


je te demanderais de rester poli! Tu dois apprendre à contrôler tes émotions de
façon plus modérée!

Christopher : Au cas où t'aurais pas remarqué, c'est justement ça que je fais me


contrôler!

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Jean-Charles : Ce n'est pas l'impression que j'ai!

Christopher : Si je me contrôlais pas, je t'aurais fait manger de la terre y'a un


méchant bout!

Jean-Charles : Je suis d'accord avec toi sur les deux points. D'abord, obliger
quelqu'un à manger de la terre est très « méchant » comme tu le dis. Et ensuite, je
dois avouer que tu te contrôles, car j'ai comme impression que ce n'est pas ce que
tu avais l'intention de me faire subir. Est-ce que je me trompe?

Christopher : J'ai besoin de réfléchir. J'peux être seul un peu?

Jean-Charles : Très bien, je vais en profiter pour parler à ma fille.

Acte II, Scène XI

Christopher et voix de : Jean-Charles, Christine, la mère et la policière.

(Christopher s’installe sur le sofa - Jeux de lumière — Voix distordues.


Christopher rêve — il bouge beaucoup)
Jean-Charles : Inculte!

La mère : Pauvre p'tit gars! Ha! Ha! Ha!

Christopher : Foutez-moi la paix!

La policière : Si tu ne veux pas de mon aide, je peux comprendre.

Christopher : C'est quoi cette idée de vouloir me changer? Je suis libre de faire ce
que je veux!

Christine : Comme tu es chanceux!

Christopher : Maudit que je suis seul! Je suis seul, seul, seul…

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Acte II, Scène XII

Christopher, Christine

Christine (Écho) : Christopher… Christopher…

Christopher : Ouais. C’est mon nom.

Christine : Christopher…

Christopher : OK là! Reviens-en!

Christine : Hé! Réveille-toi!

Christopher (se réveillant en sursaut) : Qu’est-ce qui a? (Ils s’assoient sur la


causeuse.)

Christine : Je veux te parler.

Christopher : Ouais?

Christine : Tu es au courant à propos de l’héritage? (Christopher fait signe que


oui.) Est-ce que c’est pour ça que tu es revenu?

Christopher : J’ai pas l’intention de me marier avec toi… J’avais prévu de jouer le
jeu le plus longtemps possible. Ça te donnerait un break…

Christine : T’es sûr que c’est seulement pour ça que t’es revenu?

Christopher : Écoute! J’ai juste le goût de te connaître pis de refaire ma vie


normalement. C’est-tu un crime?

Christine : Pars tout de suite. (Christopher est surpris.) Mais… emmène-moi


avec toi. Je ne peux plus vivre comme ça. J’ai besoin de découvrir ce qu’est la vie.
Je serais plus à l’aise si je ne partais pas seule.

Christopher : Tu vas abandonner ton père, le confort et ton bien-être?

Christine : Quel bien-être?!!! Je ne peux jamais sortir. À quoi ça sert d’avoir de


l’argent si on est malheureux. C’est ça le problème aujourd’hui : le monde ne se

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rend pas compte que la vraie richesse c’est le bonheur. (Silence) en tout cas, si tu
ne veux pas venir avec moi, je vais y aller quand même. Mais tôt ou tard, tu devras
partir; il ne te gardera pas longtemps si je ne suis plus là.

Christopher : Je viens avec toi… T’es-tu prête à foncer, peu importe ce qui va
arriver?

Christine : Oui, je suis prête.

Christopher : Alors, allons-y! Ha! Tabarnak! Il faut y aller au plus criss. Ton père
déteint sur moi. (Ils quittent la scène. Le rideau tombe.)

Acte III, Scène I

Christopher, Christine

Christine : C'est ici que tu t'installes d'habitude?

Christopher : Ouais! Ça, c'est mon spot! Pas pire hein?

Christine : Oui, c'est bien, ça me semble tranquille…

Christopher : Quand ma mère vient pas me faire du trouble…

Christine : Je croyais que tu ne voulais pas voir ta famille?

Christopher : C'est pas parce que je ne veux pas que je ne les voie pas!

Christine : Alors, pourquoi restes-tu dans les parages?

Christopher : J'aime bien la place… C'est dans le quartier que j'ai grandi.

Christine : Mais je croyais que ta famille n'avait pas d'argent?

Christopher : C'est pas parce qu'y sont des tout croches qu'y ont pas d'argent! Le
crime, ça rapporte beaucoup…

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Acte III, Scène II

Christopher, Christine, la mère

La mère : Ha, tabarnak! Tu l'as payée comment la fille? Si c'est le fif qui te l'a
trouvé, y'a du goût!

Christine : C'est qui?

Christopher : Ma mère.

La mère : Ben, réponds! C'est qui qui te l'a fourni?

Christopher : C'est pas une pute, j'te fais remarquer!

Christine : Vous êtes vraiment déplorable, madame!

La mère : Criss qu'a parles bizarre! Ça doit être une pute de riche, ça!

Christopher : J'te l'ai dit : c'est pas une pute. C'est la fille du débile…

Christine : Mon père n'est pas débile!

Christopher : Désolé, c'est pas ce que je voulais dire…

La mère : Ha, ben, tabarnak ! C'est ta blonde?

Christopher : Ben…

La mère : Est-ce qu'a fourre ben? Parce que j'ai peut-être une petite job à lui
proposer…

Christine : Jamais, je ne me prostituerai!

La mère : Wow, la pitoune! Y'a rien de mal à se faire un peu d'argent avec son
corps! C'est tout ce qu'il y a de normal, le sexe!

Christopher : Bon! Maintenant, je vais te demander de nous laisser tranquilles.


J'aimerais ben que t'arrêtes de me faire du trouble! C'est pas tout le monde qui est
croche comme toi!

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La mère : Je sais pas ce que le vieux t'a fait prendre comme drogue, mais ça fait
vraiment dur! T'es vraiment en train de devenir fou! Si ça continue comme ça, tu
vas finir par te faire du trouble! L'monde va penser que t'es devenue un criss de
r'tardé !

Acte III, Scène III

Christopher, Christine, la mère, Jean-Charles

Jean-Charles : Pardonnez-moi, madame, mais il est de mon rang de vous suggérer


de vous accoutrer de manière plus convenable!

La mère : Ha, ben! Ha, ben! R'garde-moi dont c'est qui qui parle! C'est pas une
estie de face à claque comme toé qui va me dire quoi faire! Estie de gang de twits!
Vous savez quoi?

Jean-Charles : Non, dites-le-moi.

La mère : Ben, j'aimais ben mieux mon fils avant, parce qu'au moins, avant, y
restait les deux pieds sur terre. Maintenant que vous lui avez lavé le cerveau, y s'est
mis à espérer. Pis, ça, c'est la pire chose qui peut arriver à quelqu'un! Estie, vous
allez finir par le tuer, meque qu'y se rende compte qu'y avait pas pis qu'y auras
jamais d'avenir! Faque, laissez-le tranquille avec vos belles paroles! (Mettant sa
main sur l'épaule de son fils) Mon gars, fais attention à toi, parce que ces gens-là
vont te détruire.

Christine : Mon père est peut-être un peu excentrique, mais c'est tout de même un
bon père!

Jean-Charles : Ça c'est bien dit! Merci, ma fille!

La mère : Ça, c'est c'qu'a dit quand t'est là! T'aurais dû l'entendre tantôt…

Christine : C'est faux! Pourquoi mentez-vous comme ça? Ce n'est pas bien vous
savez?

Jean-Charles : Est-ce vrai?

Christopher : Non, elle essaie juste de faire du trouble.

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La mère : Ho, mon Dieu! Tu la défends? Pourquoi tu traites ta mère de menteuse?
C'est eux les menteurs, tu vois pas c'qu'ils essaient de faire? Y veulent te mettre
contre moi!

Christopher : M'man ! Là tu vas nous laisser tranquilles, pis foutre le camp tout de
suite!

La mère : C'est ça! Salut, Gang de cons! (Elle quitte la scène)

Acte III, Scène IV

Christopher, Christine, Jean-Charles

Jean-Charles : Ma foi! Elle est bien insolente, ta mère! Je comprends maintenant


pourquoi tu es ainsi!

Christine : Tu es un bon père, mais des fois tu penses juste à toi. Elle au moins elle
se préoccupe de son fils!

Jean-Charles : Ce n'est pas seulement pour l'argent que je fais ça, tu sauras! C'est
aussi parce que le mariage est la plus belle chose qu'une femme peut espérer de la
vie! Tu aurais dû voir ta mère quand nous nous sommes mariés. Elle était si
heureuse. Et à l'époque je n'avais pas plus d'argent que Christopher. Pourquoi
crois-tu que je veux tant l'aider?

Christopher : Fuck! C'est un estie de beau discourt, ça!

Christine : Je ne sais pas si tu es sincère, mais je vais y réfléchir. On


se revoit à la maison. (Elle quitte la scène - ils la regardent partir)

Acte III, Scène V

Christopher, Jean-Charles

Jean-Charles : Ha, que je l'aime!

Christopher : Moi aussi.

Jean-Charles : Vraiment?

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Christopher : Oui, mais je peux te poser une question?

Jean-Charles : Vas-y, je t'écoute.

Christopher : Si t'avais à choisir entre ta fille et l'héritage, qu'est-ce que tu


garderais?

Jean-Charles : Il n'y a pas de choix à faire! Je veux les deux!

Christopher : Alors, t'auras rien! Parce qu'elle voudra pas se marier, pis elle va finir
par t'haïr. Ça a déjà commencé. C'est pour ça qu'elle est partie.

Jean-Charles : Qui es-tu pour me faire la morale? Tu n'es qu'un paumé, un moins
que rien! Sans mon aide, tu n'iras nulle part! Sans moi, tu n'auras jamais la chance
de devenir quelqu'un!

Christopher : J'aime mieux être ce que je suis plutôt que devenir un immoral
comme toi!

Jean-Charles : Si tu veux mon aide, tu devrais arrêter de me parler sur ce ton! Ce


n'est pas à l'élève de faire la morale à son professeur! Bon, assez de bavardage;
commençons l’apprentissage! Premièrement, le vocabulaire. Que dis-tu lorsque tu
enrages?

Christopher : Je sais pas, moi! Ça sort tout seul.

Jean-Charles : Alors… Tu es un inculte, un vaurien et un pauvre sans tête!

Christopher : Si tu dis ça pour me mettre en rogne ça marchera pas!

Jean-Charles (prenant sa tête entre ses mains) : Il faut vraiment que je sois
désemparé pour faire cela : m’abaisser afin d’aider un pauvre attardé sans cervelle!

Christopher : Veux-tu m’aider ou tu vas continuer à me faire chier bien longtemps?

Jean-Charles : Enfin! Bon, prenons comme exemple ce que tu viens de me dire. La


bonne manière de le verbaliser poliment tout en prenant soin de bien atteindre la
personne désignée, qui dans le cas présent, veut dire moi-même…

Christopher : Tabarnak! Accouche qu’on baptise!

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Jean-Charles : Tu vois? Tu fais des progrès. Était-ce une manière de dire que je
parlais comme une femme?

Christopher : Non. C’était pour que tu te fermes la gueule pis que tu en viennes au
fait.

Jean-Charles : Ce n’est point logique. Tu veux que je me taise et tu me proposes de


te fournir des réponses.

Christopher (s’adressant au public) : Je commence à me demander si je suis trop


intelligent ou si c’est lui qui est un peu trop débile pour comprendre.

Jean-Charles : Fais attention à ce que tu dis, jeune homme!

Christopher : Regarde-moi c'est qui qui parle!

Jean-Charles : Si au moins tu faisais tes allusions de façon correcte, cela me


dérangerait moins!

Christopher : Une insulte c'est pas fait pour être plaisant!

Jean-Charles : Mais il faut le faire de la bonne façon!

Christopher : Criss de snob!

Jean-Charles : Malotru!

Christopher : Estie de vieux débris!

Jean-Charles : impudent!

Christopher : Va te faire foutre!

Acte III, Scène VI

Christopher, Jean-Charles, la policière

La policière : Bon, bon, bon! Qu’est-ce qui se passe encore?

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Christopher (faisant l’innocent et se lève à son tour.) : Rien. Juste un petit
différend entre (regarde Jean-Charles - il insiste sur le mot) Monsieur et moi.

La policière : J’ai vu ça! On vous entend crier dans tout le parc. Puisque vous
troublez le calme du parc, je vais vous demander de quitter les lieux ou de prendre
un ton plus modéré.

Jean-Charles : Désolé mademoiselle, mais ce jeune homme m'exacerbe


véritablement…

Christopher : Pis lui, il me fait chier!

La policière : Mais alors pourquoi vous insistez autant?

Christopher : À bien y penser. J'sais pas…

Jean-Charles : Pour ma part, ce jeune homme a besoin de mon aide et le gentil


homme que je suis ne peut l'ignorer !
Christopher : Criss d'hypocrite!

Jean-Charles : Ignorant!

Christopher : Estie de trou de cul!

Jean-Charles : Mal élevé!

La policière : Vous ne me donnez pas le choix! L'un de vous deux doit partir.

Jean-Charles : Si c’est comme ça… Sur ce, je te quitte. Si cela te convient, rejoins-
moi à la maison pour continuer la leçon. (Il fait une courbette.) Mademoiselle…
Passez une belle journée. (Jean-Charles quitte la scène.)

Acte III, Scène VII

Christopher, la policière

La policière (ils s’assoient) : Alors, il vous a fait son offre?

Christopher : Quelle offre?

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La policière : Celle qui concerne sa fille et l’héritage de son père…

Christopher (D’un air maussade) : Ouais! Si on peut appeler ça une offre! Il m’a
dit que si je voulais revoir sa fille, il faudrait que je change mon comportement.

La policière : Ça ne ferait pas de tort.

Christopher (offusqué): Pourquoi vous êtes tous contre moi? Hein? Pourquoi?

La policière : On essaie juste de t’aider. Mais c’est à toi de décider ce que tu vas
faire : continuer de vagabonder sans argent, sans logis et sans famille ou refaire ta
vie; rebâtir à neuf.

Christopher : T’oublies l’héritage. Je veux pas qu’elle pense que c’est la seule
raison qui me pousse à continuer.

La policière : Je peux te conseiller du mieux que je peux, mais c’est à toi de


trouver les réponses à tes questions. (Ils se lèvent.) C’est
ben beau tout ça, mais je dois retourner travailler. Bonne chance! (Elle lui serre la
main.)

Christopher : Merci. (Il la regarde partir.)

Acte III, Scène VIII

Christopher

Christopher (tournant en rond.) : Je sais plus quoi faire. Je veux pas qu’elle croie
que je veux l’argent plus qu’elle. Avec les méthodes de ce vieux schnock, il y a de
quoi me rendre fou. L’argent ou la fille? L’œuf ou la poule? Ha! Pis de la marde!
Ça sert à quoi de me casser la tête. (Un éclair se voit dans ses yeux.) Je sais ce
que je vais faire; il veut jouer, on va jouer… (Il a un air de malice.) On va ben
voir ce qu’il a dans le crâne! (Il arrête sec.) Wow! (Il est étourdi.)

Acte III, Scène IX

Christopher, la mère

La mère : Ça c'est mon gars ! Dans les vapes, comme avant ! C'est bien que tu te
sois remis à la drogue ; Ça montre que t'assumes ton rôle d'homme ! Tu sais on

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parle beaucoup de toi depuis ce matin; voir un minable fréquenter la haute société,
ça fait jaser…

Christopher : Ben, c’est que…

La mère : Moi pis ton père, on est fiers de toi. Entrer dans les affaires c’est ce que
tu pouvais faire de mieux. Mais je te donne un avertissement : les autres seront pas
contents si tu leur voles leur marché. Fais gaffe à ton cul, mon gars!
Christopher : C’est pas tout à fait ça…

La mère : Tu devrais être fier, tu sais? Peut-être qu'on te verra un jour sur la
couverture du journal. Je vois déjà les gros titres : Christopher, le ti-criss arrêté
pour trafic de drogue…
Christopher : Tabarnak! Tu vas-tu finir par m'écouter?

La mère : Hé! Wow! Calme-toi le pompon, mon gars. Y'a pas de quoi avoir honte
de son métier!

Christopher : Je vends pas, pis j'ai pas consommé.

La mère : Il me semblait que c’était trop beau aussi. (Elle s’arrête un instant en
regardant attentivement Christopher d’un air ébahi.) Pis, c’est quoi ces
vêtements-là? T’as décidé de devenir missionnaire ou quoi?

Christopher : Excuse-moi, Mam’ mais j’ai une nouvelle vie à bâtir; j’ai d’autres
choses à faire que faire des crimes!

La mère : Tu changeras jamais, hein? T'es né trou de cul, tu va mourir trou du cul !
J’espère juste que tu comprennes un jour le vrai sens de la vie : l’argent! C'est le
seul vrai conseil qu'une mère peut donner à son enfant! (Elle quitte la scène)

Christopher : Y faut que je parle à Jean-Charles… (Il quitte la scène)

Acte IV, Scène I

Jean-Charles

Jean-Charles : Que dire sur les derniers événements ayant troublé ma conscience?
Peu de choses, car l'histoire n'est pas terminée! Tant de choses restent à venir et

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pourtant cela finira bientôt. Ho! je ne vous dirai pas la suite… Ho, que non! Mais
voilà que les choses ont changé tout en restant les mêmes. Impossible, dites-vous?
Attendez, vous verrez…

Acte IV, Scène II

Jean-Charles, Christine

Christine : Bonjour, père. (Dit-elle d’un ton hypocrite.) Vous parlez seul
maintenant? Êtes-vous souffrant? Ou peut-être n’êtes-vous plus sain d’esprit. À
moins que…

Jean-Charles (s’emportant) : Cesse de te jouer de moi. Que veux-tu à la fin?

Christine : Qu’avez-vous dit à Christopher? Pourquoi n’est-il pas revenu avec


vous?

Jean-Charles : Je lui ai conseillé de réfléchir sur son comportement.

Christine : Vous ne faites que ça, dire aux autres de réfléchir! Mais vous? Est-ce
que cela vous arrive de réfléchir sur ce que vous faites?

Jean-Charles : Calme-toi, insolente! Je ne t’ai donc pas enseigné les bonnes


manières et le respect?

Christine : Le respect c’est de donner à tous un pouvoir sur leur destin, de ne pas
les contrôler. Le respect c’est de laisser vivre le monde.

Jean-Charles : Dans la vie, il faut parfois se sacrifier et tirer profit de certaines


situations afin d’arriver à des résultats satisfaisants. (On entend la sonnette.) Ne
bouge pas. Je reviens. (Il quitte la scène.)

Acte IV, Scène III

Christine

Christine : Je le hais des fois… Il pense tout savoir, il a toujours raison… La vie
n’est pas si compliquée qu’il le prétend… S’il me laissait vivre, peut-être que
j’arriverais à savoir ce qu’est la vie.

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Acte IV, Scène IV

Jean-Charles, Christopher, Christine

Jean-Charles : Alors toi aussi.

Christine : Quoi? Moi, aussi quoi?

Jean-Charles : Alors toi aussi, tu parles seule. Es-tu toujours saine d’esprit, ma
fille?

Christine (irrité par sa remarque) : Moi au moins, je n’essaie pas de manipuler


les autres.

Christopher : Je pense que je suis pas arrivé au bon moment! Je vais revenir plus
tard. (Il tourne les talons, Jean-Charles le retient par le collet.)

Jean-Charles : Non toi tu restes ici! (Christopher tombe à la renverse en


s’accrochant au soulier de Jean-Charles.) Mais toi… (Il pointe le doigt sur sa
fille.) Toi, tu montes dans ta chambre. Je viendrai te voir plus tard. (Elle part en
colère. On entend ses pas résonner dans la salle.)

Acte IV, Scène V

Jean-Charles, Christopher

Jean-Charles : Mais que fais-tu sur le plancher?

Christopher : C’est parce que… (Christopher se relève) tu m’as fait tomber.


Qu’est-ce que tu penses?

Jean-Charles : Un homme doit savoir se tenir sur ses deux jambes!

Christopher : Pis y'est pas supposé jeter quelqu'un par terre!

Jean-Charles : En effet.

Christopher : Faque, qu'est-ce que tu fais pour l'héritage?

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Jean-Charles : Chaque chose en son temps. Maintenant que tu t'exprimes un brin
plus convenablement, il est temps de t'enseigner les bonnes manières…

Christopher (soupirant) : Ouain…

Jean-Charles : Donc! Je vais faire appel à ma fille pour voir comment tu te


comportes avec les femmes. Ensuite, je te donnerai mes commentaires. Alors pour
plus d'authenticité je me cacherai. Christine!

Acte IV, Scène VI

Christopher, Christine, Jean-Charles

Christine : Oui, père?

Jean-Charles : Je crois que notre cher Christopher désire te parler seul à seul…

Christine : Ha! Rien de mal, j'espère.

Christopher : Non, non!

Jean-Charles : Alors, je vous laisse seuls… (Se retirant tranquillement)

Acte IV, Scène VII

Christopher, Christine, Jean-Charles (caché)

Christine : Tu sembles nerveux…

Christopher : Un peu…

Christine : Alors, de quoi voulais-tu me parler?

Christopher : J'aimerais te marier…

Christine : Non pour l'héritage, j'espère!

Christopher : Oui et non.

Christine : Pourquoi oui et non?

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Christopher : Parce que je crois que je t'aime et qu'avec ta part de l'héritage, on
pourrait se trouver un appartement, être chacun libre et ayant les moyens de
commencer une nouvelle vie…

Christine : Dis-moi ce que tu aimes de moi et j'y penserai.

Christopher : D'abord, tu es brillante et respectueuse…

Christine : Continue…

Christopher : Ensuite parce que tu as de bonnes valeurs que ton père n'a pas…

Christine : Continue…

Christopher : Et tu es si belle que je peux pas passer devant une si belle occasion.
(Christine embrasse Christopher)

Acte IV, Scènes VIII

Christine, Christopher, Jean-Charles

Jean-Charles : Mon Dieu ! Vous m'épatez! Jamais je n'aurais cru que les choses
pouvaient si bien se présenter !

Christine : Vous nous espionniez? Christopher, étaient-elles véritables tes


courtoisies?

Christopher : Mais, oui. Pourquoi? Tu en doutes?

Christine : Comprends-tu que les manigances de mon père m'ont poussée à devenir
méfiante ?

Jean-Charles : Ma fille! Ce que Christopher a dit est tout aussi véritable que mon
amour pour toi!

Christine : Ça ne me rassure pas vraiment ce que vous venez de me dire!

Jean-Charles : Suis ton cœur, si cela est ce que tu désires!

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Christine : À vous entendre parler, j'ai de la difficulté à vous croire!

Christopher : Pense au futur que pourrait nous donner le mariage!

Christine : Vous me poussez trop! J'ai besoin de réfléchir!

Christopher : M'aimes-tu? C'est ce que j'ai compris quand tu m'as embrassé…

Christine : Les choses ne sont pas si simples…

Jean-Charles : Au contraire! C'est l'héritage qui en vient à nous détruire!

Christine : Alors, oublions-le!

Christopher : Mais pourquoi?

Christine : Pour une fois, je croyais avoir trouvé quelqu'un de bien!

Jean-Charles : Mais Christopher est très bien, tu sauras! Il m'a fait réaliser à quel
point je me suis trompé, dans mes démarches immorales!

Christine : Ai-je bien entendu?

Jean-Charles : Oui, ma fille. Notre destin est désormais entre tes mains. (Elle se
précipite dans les bras de son père)

Christine : Je ne pensais pas dire ça un jour, mais je t'aime papa! (Elle l'embrasse
sur la joue)

Jean-Charles : Alors, à quand le mariage?

Christine : Jamais!

Christopher : Mais pourquoi?

Christine : Ce n'est pas parce que je t'apprécie et que l'héritage pourrait nous
donner stabilité et confort que je l'approuve!

Jean-Charles : Alors, oublions-le! (Elle songe quelques instants) alors?

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Christine : Non. Finalement, je crois bien que je suis en mesure de me faire à la
richesse…

Jean-Charles : Alors, je pars pour l'église! Je vous laisse seuls, vous avez sûrement
besoin d'un peu d'intimités… (Il quitte la scène)

Acte IV, Scène IX

Christopher, Christine

Christopher : Est-ce que t'étais sérieuse quand t'as dit qu'on va se marier?

Christine : N'avais-je pas l'air sincère?

Christopher : C'est pas ça. C'est que tout ça me rend un peu fou! Ce qu'on va faire
c'est tout ce qu'il y a de plus légal, mais j'ai pas l'impression que c'est correct…

Christine : Tu m’aimes?

Christopher : Oui.

Christine : Tu veux l'argent?

Christopher : Oui.

Christine : Mais quel est le problème alors?

Christopher : Je comprends pas pourquoi t'as changé d'idée aussi vite.

Christine : Toi aussi, tu as changé. N'as-tu pas remarqué?

Christopher : T'as raison. Allons-y !

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Acte IV, Scène X

Jean-Charles

Jean-Charles : Un héritage, un mariage, deux bonnes raisons pour célébrer en


grand! Il n'y a pas de fin plus belle ! Au détriment d'une fortune, j'ai presque perdu
ma fille que j'aime tant. Ce qui m'a surpris le plus, c'est que ce jeune homme m'a
appris bien des choses. Moi qui croyais être au-dessus de lui, je me rends compte
que je n'étais rien… rien qu'un figurant dans ma propre vie. Mais dorénavant, je
suis un homme transformé. Transformé par un jeune sans éducation dite correcte.
Même un savant peut apprendre d'un ignorant.

FIN

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