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Colt M5 : évolution ou révolution ?

Evolution. Synthèse. Mais pas révolution.

Figure 1 - Colt M5 (CM556-14H-M5A)

En premier lieu, ça se manipule comme une carabine M4…mais ça tire beaucoup mieux qu’une
carabine M4. A 100m, avec des M855 LC17, le groupement faisait moins de 2cm, soit presque moitié
moins qu’avec une M4A1 ordinaire. La seule arme Colt qui, avec les mêmes munitions, faisait un
résultat similaire, est un LE6940. L’arme peut certainement faire encore mieux, je suis juste à la
limite de mes capacités de tireur, en particulier lors de cet essai où le temps était compté.

La série M5 représente une partie de 30 ans d’expérience acquise avec la famille M4. Cumul de ce
qui fut appris avec le programme M4, puis M4A1, puis M4A1 SOPMOD, ensuite SCAR, suivi du APC1,
concurrent mis en ligne par Colt pour le programme IC2.

L’arme fut officiellement présentée à Dubaï, en 2017, après avoir été exhibée « en privée » en 2016.
A l’époque, il n’était pas question de prendre la moindre photo. « Comprenez, rien n’est encore
revenu du bureau des brevets. » fut la réponse à la question des photos. Pour les Européens « du
continent », l’arme a été découverte cette année à l’Eurosatory. Pour d’autres, au DSEI.

Ça a donc la tête d’une carabine M4, et le look. Mais, de plus près, les différences sont évidentes.

Le Lower Receiver :

Le Lower Receiver a été grandement redessiné. Si la géométrie du mécanisme de détente est


conservée, le boitier offre des caractéristiques entièrement ambidextres pour les arrêtoirs de
chargeur et de verrou, ainsi que pour le sélecteur de tir.

1
Advanced Piston Carbine
2
Individual Carbine

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Pour améliorer l’ergonomie de l’arme,
Colt a utilisé un arrangement similaire à
celui retenu, pour l’arrêtoir de
chargeur, pour la plate-forme 901. Cet
arrêtoir présente, en lieu et place de la
traditionnelle section droite, une
section d’un curieux S. Cette disposition
originale permet de placer le bouton de
libération du chargeur plus bas du côté
droit de l’arme, et d’intégrer un second
bouton, cette fois du côté gauche,
devant le pontet. Ce bouton ne fait pas
saillie (à l’inverse de l’ignoble BAD
Lever), et ne devrait pas poser de risque
Figure 2 - Le nouveau Lower Receiver, montrant les commandes de déclenchement intempestif.
ambidextres sur le flanc gauche de l'arme
L’arrêtoir de culasse, s’il est
traditionnel du côté gauche de l’arme, peut-être activé du côté droit aussi. A remarquer qu’il existe
déjà un minimum de deux variantes de l’arrêtoir de culasse ambidextre : un modèle complètement
« plat », directement copié du modèle 901, et un autre faisant légèrement saillie. Ce dernier équipait
le modèle exposé au DSEI de Londres.

Figure 4 - Second modèle d'arrêtoir de culasse


ambidextre ; directement inspiré de celui de son
Figure 3 - Premier modèle d'arrêtoir de culasse ambidextre. A prédecesseur, le Colt 901
remarquer, la matière supplémentaire au niveau des perçages
des axes du mécanisme de détente

Le mécanisme de tir existe en plusieurs versions, dont le système automatique hérité du M16, mais
également celui à rafale de 3, provenant du M16A2, et celui limité au tir semi-automatique,
provenant de la gamme commerciale. Les différents composants du mécanisme de détente sont
identiques aux modèles « legacy », exception faites des axes, plus longs. Il est regrettable que Colt
n’ait pas conçu un mécanisme de détente plus agréable à l’emploi que la « tapette à souris » que
constitue la détente standard d’un AR-15. La détente Geissele Super Select Fire (SSF) aurait été un

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choix judicieux et largement apprécié des utilisateurs, pour un surcoût marginal. Mais un tel choix
peut-être encore posé après l’acquisition de l’arme.

Le boitier peut être obtenu avec une crosse pleine de type A2, ou avec une crosse réglable à 6
positions, avec un buffer H2. La crosse est d’origine l’habituelle crosse type-M4, tandis que la
classique poignée-pistolet A2 continue, bon gré mal gré, à équiper les armes de la firme au poulain.
A la demande d’un client, Colt peut équiper l’arme avec une crosse et/ou une poignée-pistolet
Magpul.

L’alliage d’aluminium est le 7075T63, anodisé noir. Comme initié avec le 901 (encore lui), une
excroissance de matière est visible autour des goupilles du mécanisme de détente. Cela permet
d’utiliser des goupilles plus longues, et de répartir les efforts sur une plus grande surface. Un des
principaux reproches que l’on peut faire aux AR-15, et plus particulièrement aux modèles en
9x19mm, est la tendance des perçages des axes de chien & détente à s’ovaliser avec l’usage,
condamnant ainsi le boitier à une
retraite parfois anticipée. En
augmentant la surface sur laquelle
peuvent travailler les goupilles, les
ingénieurs de Colt espèrent avoir résolu
le problème. La M5 étant proposée en
5.56, mais également en .300AAC
Blackout et 9x19mm, ce choix
technique prend son sens.

Figure 5 - Colt M5 9x19mm

Le Upper Receiver :

Il est au moins aussi innovant que le Lower, même si la majorité des innovations sont, en fait,
directement transposées du modèle 6940, sorti voici quelques années. Le 6940, qui représentait une
réelle avancée pour Colt, ne connut pas une très longue carrière commerciale, principalement causé
par les poursuites pour atteinte à la propriété
intellectuelle intentées (et gagnées) par LMT contre Colt.
En effet, LMT a déposé, plusieurs années avant Colt, un
brevet couvrant un Upper dit « monolithique » pour arme
de type AR (US 8234808 B2, du 07 Août 2012).

Le canon se fixe au Upper différemment des modèles


précédents. Là où, dans les modèles antérieurs, la noix de
canon se vissait sur le filetage du Upper Receiver, la noix
de canon s’insère à présent dans le Upper, ce qui
nécessite un outil de montage/démontage différent. Ce
montage n’est pas neuf chez Colt, le LE6940 ayant initié
l’emploi de ce montage. Un grand avantage de ce système
est un canon mieux soutenu par le Upper, grâce à une
surface de contact plus grande. Figure 6 - Le Barrel Extension type
6940/M5
Sur les modèles « ordinaires », le canon s’indexe par une
goupille pressée dans l’annexe de canon, cette goupille trouvant sa place dans une encoche fraisée

3
Les boitiers, tant Upper que Lower, sont réalisés à partir d’ébauches forgées en 7075T6

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dans le Upper à 12hr00. Sur les 6940, et maintenant sur les M5, le système est inversé : un rail est
fraisé dans l’annexe du canon, et une goupille est pressée dans le Upper, à 06hr00. Ce système est
différent de celui retenu par LMT, lequel utilise deux vis venant mécaniquement bloquer un Barrel
Extension propriétaire dans un Upper. Ces vis traversent le Upper de part en part, assurant un calage
correct du canon. A l’heure actuelle, il est difficile de définir la supériorité d’un système sur l’autre ;
aucune donnée n’existant sur un usage intensif. En termes de facilité, l’avantage va à LMT, l’outillage
nécessaire n’étant que d’une clef dynamométrique.

Outre cette annexe de canon4 particulière, la chambre et son cône d’entrée ont également connu
une évolution. La chambre est à présent légèrement différente, afin de favoriser le soutien de l’étui
au moment du tir et ce, grâce à un cône d’entrée de chambre moins prononcé. Les rampes
d’alimentation « M4 » continuent leur présence dans le Barrel Extension, ainsi que, par
prolongement, dans le
Upper Receiver. En 5.56,
l’arme est disponible
avec quatre longueurs de
canons, en calibre 5.56 :
10.3’’ (notamment pour
une version sub-
compacte, baptisée
SCW), 11.5’’ (M5
Commando, canon HB5),
14.5’’ (canon HB) et 20’’ Figure 8 - Schéma d'installation du canon, illustrant l'utilisation d'une rondelle (Washer)
(canon au profil en numéro 6
standard). Le canon
reçoit l’habituelle âme chromée, et un pas de rayure
de 1/7’’. Le bloc d’emprunt de gaz, de type Mk12, est
uniquement vissé au canon, et pas goupillé. Une
rondelle s’installe entre l’épaulement du canon et le
bloc d’emprunt de gaz. Cette rondelle a deux buts :
s’assurer du calage correct du bloc d’emprunt de gaz,
car le bloc Mk12 est un peu trop court que pour
s’installer directement sur l’épaule du canon sans
risquer un alignement incorrect de l’évent du canon et
du bloc ; et également jouer le rôle d’amortisseur, face
à la dilatation thermique de deux aciers différents,
tout en conservant les deux éléments correctement
alignés, même face aux cadences de tir les plus Figure 7 - Le nouveau cône d'entrée de chambre
soutenues. Le canon continue à employer le (en haut) comparé à l'ancien (en dessous)

maintenant vieux de 40 ans cache-flamme A2, mais


l’on remarque la disparition du tenon de baïonnette même si, comme l’assure un représentant Colt,
la possibilité d’installer une baïonnette type M9 peut être ajoutée à la demande d’un client.

4
Barrel Extension, pour les anglophiles :D
5
HB : Heavy Barrel, Canon Lourd

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Colt a fait un choix pragmatique en
choisissant de faire appel à la société
Geissele pour la production des garde-
mains ; et l’origine de ce garde-main, de
type M-LOK, est évidente, comme
l’atteste son système de montage.
Figure 9 - Colt M5 SCW. Autre geste pragmatique de Colt, l'utilisation Avantage favorisant la répétabilité de
de la crosse Maxim Defense, en lieu et place d'un onéreux et long
"développement maison".
l’arme en cible, le garde-main se fixe
directement au Upper, et pas à une noix
de canon6, elle-même rapportée au Upper Receiver. Autre avantage, un onglet anti-rotation fait son
apparition, verrouillant mécaniquement le garde-main dans une encoche pratiquée dans le rail MIL-
STD-1913 du Upper Receiver. Cela évite de voir le garde-main se désindexer par rapport au boitier
dans le cas où un
« important »
mouvement rotatif
est appliqué au
garde-main. Cette
caractéristique,
ajoutée à la décision
de rendre la fixation
du garde-main
solidaire du Upper,
permet de réaliser
un assemblage qui
est (presque) aussi
Figure 10 - Le nouveau Upper. A remarquer: le réceptacle du canon, se prolongeant fort vers
l'avant, et le siège de l'onglet anti-rotation du garde-main, immédiatement à la fin du rail MIL- solide et rigide que
STD-1913 "Picatinny" celui d’un ensemble
Upper Receiver-
garde-main fabriqué d’une seule pièce.

Le levier d’armement a connu une évolution et c’est maintenant un levier ambidextre, directement
inspiré de celui mis au point voici déjà plus de vingt ans par les ingénieurs de feu Diemaco
(aujourd’hui Colt Canada). Ce levier d’armement présente des surfaces plus larges, et crantées,
permettant ainsi une
manipulation plus simple,
même avec des mains
mouillées, ou avec des
gants.

Les pièces mobiles n’ont


connu aucune évolution et,
de l’aveu même de Colt, Figure 11 - Schéma d'assemblage du Upper Receiver Group M5, à canon de 20"
sont interchangeables avec
celles des M4/M4A1. Le O-Ring « SOPMOD » placé derrière le ressort de l’extracteur a

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Barrel Nut, les anglophones

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définitivement disparu, ceux-ci ayant été, depuis déjà plusieurs années, supprimés sur les carabines
M4A1 lors de l’introduction du ressort d’extracteur « renforcé », à 5 spires.

Conclusion :

Est-ce une révolution ?

Non. Absolument pas. L’arme n’apporte rien de réellement neuf, même chez Colt où tous les
éléments présents sur cette M5 existaient déjà, mais pas encore sur un seul et même modèle.

Est-ce une bonne synthèse de ce qui est possible avec la plate-forme M4 ? Oui, tout à fait.
Malheureusement pour Colt, cette commercialisation arrive avec plus d’une décennie de retard et
seul un énorme effort, tant sur le marché civil que militaire, peut permettre d’espérer un retour sur
l’investissement consenti à la mise en fabrication d’une arme utilisant un outillage, pour la plus
grande partie, entièrement neuf.

Certains points de l’arme, tels que la détente, auraient méritées un redéveloppement, ou d’accepter
une contribution extérieure, mais le progrès est réel. Des innovations-maisons (mécanisme de
détente, goupille de soutien d’extracteur) n’ont pas été retenu pour des raisons évidentes
d’économies et c’est regrettable, au vu des efforts consentis sur les autres points de l’arme.

L’opérateur (ou l’opératrice) droitier (ou droitière) ne verra que peu d’avantages aux nouveaux
boitiers7, sauf dans l’aspect extérieur, résolument moderne ; tandis que le gaucher sera ravi d’une
disposition plus agréable à utiliser, encore une fois de par un emplacement beaucoup plus naturel
de l’arrêtoir de chargeur, tandis que l’arrêtoir de culasse peut s’opérer aisément de la main
changeant le chargeur.

La précision de l’arme, si elle est comparée aux plateformes précédentes, est en réel progrès, tandis
que la fiabilité de l’arme reste très haute, aussi longtemps que les munitions employées
correspondent au cahier des charges définis pour la M855 US. A l’emploi avec la M855A1, un
chargeur Magpul est (quasiment) obligatoire, pour éviter une usure prématurée du Upper et de
l’annexe de canon ; mais cela est commun à bien d’autres armes aptes à l’emploi de cette munition.

Gabriel Kempeneers

7
Ergonomiquement, le déplacement vers le bas de l’arrêtoir de chargeur le rend beaucoup plus simple à
manipuler

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Sources :

1. Discussions & rencontres à DSEI, 2017


2. Brevets US 9823031, 9383164, 8505433
3. Manuel Colt M5 RND6
4. Manuel Colt CM118
5. IC Report – US DoD

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