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Comment faire fortune

aujourd'hui : la science de la
richesse / R. Becker

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Becker, R.. Auteur du texte. Comment faire fortune aujourd'hui :
la science de la richesse / R. Becker. 1912.

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LA SCIENCE DE LA RICHESSE

COMMENT

FAIRE FORTUNE AUJOURD'HUI


Tous droits de reproduction et de traduction
réservés en tous pays, y compris la Suède, la Norvège
le Danemark et la Hollande

Published the 30 December 4912.


Privilège of copyright in the United States reserved
under the Acl approved March 3, 4908,
by Reinhard Decker.
La Science de la Richesse

Comment
faire Fortune
aujourd'hui

LIBRAIRIE DES SCIENCES MODERNES


185bis, rue Ordener, Paris (18)
TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE I. — DR LA CHANCE.

I. «
Frappe, mais écoute I » 0
II. «
Est-il chanceux, celui-là l » 12
III. Cultivez voire cerveau 14
IV. Nous parlons à tous 17
V. Les trois cariatides 18
VI. Voici notre plan 19

CHAPITRE II, — L'ÉDUCATION


INTELLECTUELLE.

I. De la volonté 21
II. De Vattention 24
III. De la mémoire 26
IV. De- Vimitalion nuisible 27
V. La police des pensées 28

VI. «Connais-toi toi-même ! » 29


VII. L'économie des forces '. 31
VIII. La lecture et Vêlude 34
_6—

CHAPITRE III. — L'ÉDUCATION


MORALE.

I. Soyez confiants l 37
II. Soyez influents/ 40
III. Soyez sympathiques/ 42
IV. Écoutez les autres/ 45
V. Ne vous livrez pas/ 47
VI. Ayez du tact/ 49
VII. La modestie virile 52

CHAPITRE IV. — L'ÉDUCATION


PHYSIQUE.

I. Votre premier outil 55


II. Du costume GO

III. De la tenue 62

CHAPITRE V. — LE TRAVAIL.

I. La méthode 69
II. Vamour de ce qiCon fait 73
III. Vart de prendre pied 75
IV. Vous travaillez pour vous 77
V. Le rythme du travail ou Le four et la nuit 80
VI. Les changements nécessaires 84
_7 -
CHAPITRE VI. — UNE GERBE DE CONSEILS. 87
. .

CHAPITRE VII. — PETIT MANUEL DU COMMERÇANT 103

CHAPITRE VIII. — LA MEILLEURE PUBLICITÉ. 115


.

I. Les voies ferrées 124


II. Les métropolitains 125
III. Les livres 126
IV. Tramways et autobus 127

CHAPITRE IX. — CONCLUSION SYNTHÉTIQUE. 129


. .
CHAPITRE I

DE LA CHANCE

I
— «
Frappe, mais écoute 1
»

Nous allons répondre, dans co livre, d'une manière


irréfutable et péremptoire, à tous ceux qui se demandent
s'il est possible, dans notre monde moderne, de devenir
riche sans capitaux en portefeuille. Nous leur indique-
rons à mesure, et dans un ordre logique, les seuls moyens
pratiques pour acquérir un or légitime.
Mais, pour entendre notre réponse nette et afïïrma-
tive, ils devront nous écouter très attentivement. Et
comme notre voix n'est qu'une parole écrite, nous leur
demandons d'être sourds, pendant tout le temps qu'ils
nous liront, à tous les préjugés, à tous les avis contraires,
à leur imagination, à leurs désirs, car lire fortement o'est
faire abstraction complète du monde extérieur, Seule-
ment à ce prix, la lcoture porto ses fruits. Et nous leur
rappellerons, à ce propos, le mot du héros grec à col ni
qui le condamnait témérairement sans vouloir l'en"
— 10 -
tendre : Frappe l mais écoute l Révoltez-vous, même
violemment, si cela vous plaît, devant certaines pen-
sées qui choquent vos habitudes, donnez libre jeu aux
mouvements réflexes de l'usage et des traditions suran-
nées, mais écoutez nos avis, pesez-les, comparez-les à
d'autres conseils, et enfin réfléchissez sérieusement et
loyalement.
Une inattention habituelle qui vous empêcherait de
prêter l'oreille à notre voix sincère serait une déplo-
rable preuve qu'en effet vous n'avez pas besoin de
nous consulter, car une paresse maladive est la consé-
quence de la dispersion de l'esprit.
La raison pour laquelle relativement peu de per-
sonnes réussissent dans la vie et deviennent riches, c'est
parce qu'elles sont encore trop esclaves de vieilles cou-
tumes, transmises par nos aïeux et surannées aujour-
d'hui. Il faut être de son temps.
Autrefois, on croyait généralement que les personnes
pauvres devaient mourir pauvres. On se contentait
alors de sa situation et l'on regardait comme des dieux
ou des phénomènes les quelques rares personnes sorties
de leur rang et devenues riches. L'âge moderne dit de
celui qui réussit : il a été énergique et habile !
Autrefois la possibilité d'acquérir une grande for-
tune était moindre que maintenant, car les moyens de
locomotion étaient non seulement fort restreints, mais
aussi bien-plus lents. De même, la technique industrielle
était beaucoup moins développée.
Ceux qui dénigrent les temps modernes ne sont d'ail-
leurs jamais logiques avec eux-mêmes. Ils sont les pre-
miers à profiter du rapide, de l'automobile, de la poste,
du téléphone et du télégraphe. Leur esprit marche en
patache tandis que leur corps prend place dans le train.
Ce BOiit des mauvais plaisants.
— Il —

A ceux qui, déjà, à ce préambule, s'intéressent à notre


travail, nous rappellerons cette réclame illustrée qui
•s'étalait dans les journaux : une main énorme au bout
d'un bras musclé, armée d'un gros marteau, enfonçait
un clou dans le crâne d'un monsieur souriant, et la
main disait par son geste : Enfoncez-vous bien cela dans
la tête / Notre main solide, avec le marteau forgé par
l'expérience, va vous loger dans les cases du cerveau
les idées saines, simples et utiles qui vous rendront
vainqueurs au combat de la vie! Vous connaîtrez les
ruses de cette guerre pacifique et vous aurez un esprit
solide en un corps de fer.
— 12 -

II (( Hst=il chanceux, celui=là I »


Cette phrase exclamative, prononcée si souvent, est


une phrase particulièrement fausse. La roue de la For-
tune, comme toutes les roues, a demandé pour être
construite les efforts et l'art d'un charron. Cet artisan,
c'est l'homme fortuné, c'est le Crésus moderne ou le
Roi de l'or qui, sciemment ou inconsciemment, a mis
en oeuvre les principes exposés ici.
Le riche présent est souvent un pauvre passé qui
justement a su discipliner et canaliser ce hasard et
cette chance, ombres métaphysiques, dont on parle
sans les avoir vues, pour excuser en somme sa fai-
blesse et son inertie. Et quand on s'écrie : Le destin élève
les uns et abaisse les autres ! on réédite le pont-aux-
ânes des esprits légers qui n'ont pas su éviter la tem-
pête en se construisant un port d'abri pour leur
barque et qui firent naufrage sur les récifs de la pro-
digalité.
Ces fatalistes naïfs ne voient pas qu'une fortune
dans un berceau, à l'orée de la vie, est un terrible
danger si l'on ne possède pas des trésors d'énergie
pour l'empêcher de s'envoler à tous les vents. C'est
un nid où la mère de tous les vices, l'oisiveté,
couve les vipères de la tentation. Et, quand on est
observateur lucide, on voit bien que des débuts diffi-
ciles, par des sentiers durs, ont conduit des hommes
maîtres do leur destinée jusqu'aux sommets de la plus
haute richesse, tandis que le sourire do l'or conduisait
- -13

des gens débiles dans les chemins à précipices de la


molle volupté. Ce n'est donc pas un paradoxe que de
vous dire fermement : Allez au combat les mains vides,
vous ne serez pas encombré, et vous pourrez serrer les
poings pour abattre tous les obstacles /
Si l'ombre de la chance avait l'air, pour une fois,
de prendre corps, méfiez-vous, elle serait semblable à ces
mirages du désert qui annoncent des sources claires
et des arbres verts. Quand on arrive, il n'y a plus que
du sable, des os desséchés et un ciel de feu. Compter
sur la chance, c'est lâcher la proie pour l'ombre !
- 14

III
— Cultivez votre Cerveau 1

Mais si la chance n'existe point, et si, au fond de toute


réussite, on peut voir la trace de l'effort, il est une condi-
tion primordiale pour la conquête de la fortune : c'est
de ne point laisser en friche le champ fertile du cerveau.
Tous les individus, en venant au monde, ont les mêmes
droits au bonheur. Ils possèdent tous, à peu de choses
près, les mêmes aptitudes pour réussir plus tard. Mais,
qu'ils soient braves et audacieux comme des lions,
qu'ils soient astucieux comme l'Ulysse de l'Odyssée,
conquérants ou guetteurs, prospecteurs ou patients,
leurs facultés et leurs aptitudes augmenteront ou dimi-
nueront dans la proportion où ils auront cultivé leur
cerveau.
Cette éducation intellectuelle, qui est en réalité la
seule chance existante, n'est pas seulement l'éducation
de l'enfant à l'école, bien qu'une bonne éducation soit
pour l'esprit une richesse et un capital, mais aussi et
surtout l'essentielle éducation de soi-même par soi-
même, au moment où l'homme entre dans la vie pour
conquérir sa place au soleil. Son cerveau, voilà ses armes 1

S'il est bien fourbi, s'il est bien clair, il sera générateur
de pensées, et son corps le suivra docilement, car c'est
l'auxiliaire souple et précieux de l'exécution rapide.
Vous connaissez la fable des Membres et de VEstomac,
où ceux-ci veulent se révolter contre lui, mais sont,
— 15 -
en fin de compte, contraints de subir sa loi inévitable.
Le cerveau, lui, est, si l'on peut risquer cela, Vestomac
des affaires, il les ingère, il les digère, il les rumine même
et porte enfin aux centres de la vie le sang de la fortune
acquise.
Faisons donc l'entraînement de nos facultés intel-
lectuelles. De même qu'un sujet malingre parvient à
se développer en pratiquant des exercices de culture
physique d'après des règles éprouvées et qu'il devient
robuste et fort, capable de vaincre des adversaires
négligents, de même tout lecteur de ce livre qui, d'après
nos conseils d'expérience, saura cultiver son cerveau,
sera certain de vaincre les ignorants trop dédaigneux
de cette lecture indispensable.
Car la présomption est un vice capital, et il faut
écouter ceux qui ont vécu avec intelligence. La preuve
en est dans ce? jeunes gens qui sont des aigles au collège,
des forts en thème, et qui se trouvent décontenancés et
désemparés au premier heurt avec la vie réelle et tan-
gible. Pourquoi cette chute? Et pourquoi, au con-
traire, la victoire échoit-elle souvent à ceux qui étaient
médiocres ou même nuls sur les bancs de l'école, dès
le moment où ils mettent le pied dehors? Pourquoi ont-
ils cette vue nette de la vie pratique qui courbe dans
l'admiration leurs anciens condisciples?
C'est que les premiers étaient des présomptueux,
grisés par des succès enfantins et scripturaires, qui
tâtonnent ensuite et restent en panne lorsque la plume
d'oie leur tombe de l'oreille, tandis que les seconds,
piqués par l'aiguillon de la nécessité, tâtent le terrain,
scrutent l'avenir et prennent leur vol La présomption
1

met en sommeil des capacités réelles. L'âpre nécessité


de devenir quelqu'un incite au sport do l'esprit, à
raffinement, à la méthode, à l'énergie.
Nous citerons ici l'exomple de Tolstoï. Ce fut en
- -16

effet un écolier bien peu studieux que ce génie, qu'au-


réole après sa mort un nimbe de gloire. Il se montrait
des moins assidus au travail et ses professeurs s'en
plaignaient beaucoup. Ses certificats scolaires en font
foi. Il n'en devint pas moins une célébrité littéraire
mondiale. Et de tels exemples sont 6Ï abondants que
le choix serait difficile, et que nous conseillons au lec-
teur de jeter un regard attentif autour de lui, dans le
cercle de sa vie et de ses relations. Il y trouvera certai-
nement des preuves vivantes à l'appui de notre dire.
Toutes nos affirmations sont vérifiées par les faits.
Évidemment, nous ne prétendons pas que tous les
enfants supérieurs au allège ou à l'école deviennent
des nullités dans la vi< ctive. Loin de nous cette pen-
sée absurde. Nous ne disons pas non plus que tous les
gens qui ont eu de mauvaises notes de leurs professeurs
se muent infailliblement, plus tard, en génies. Nous
affirmons, en toute simplicité, et seulement cela, que
ni les succès, ni les revers de collège ne doivent être
considérés comme un atout ou comme un obstacle dans
la lutte pour la plus grande vie.
— 17 -

IV

Nous parlons à tous

C'est pourquoi nous nous adressons à tous, dans cet


ouvrage, sans distinction de culture, et de préférence
à ceux qui ont foi dans l'expérience acquise et dans
l'énergie décuplée.
Nous parlons à toutes les catégories d'aspirants à la
richesse, car il n'est pas de modeste situation d'où l'on
ne puisse sortir en nous lisant et en nous écoutant.
Nous sommes à une époque où le simple employé peut
devenir patron d'immenses usines et où le camelot du
coin de la rue commandera demain à une armée d'affi-
cheurs ou deviendra à son tour un important journa-
liste. Le dédain n'est pas de mise lorsqu'on écrit un
livre sur l'art moderne de faire fortune, et nous serons
heureux si un jour nous voyons notre oeuvre entre les
mains d'un simple ouvrier dont nos conseils vivifieront
la volonté de sortir de l'ornière.
— 18 —

V

Les Trois Cariatides

Si l'on devait faire une nouvelle et moderne allégorie


de la Fortune, il faudrait bien se garder de la montrer,
comme le fit le peintre ou le fabuliste d'autan, assise au
bord d'un puits, les yeux bandés, les mains sur la roue
de la chance. L'artiste serait tenu de nous faire voir
cette bonne Déesse maniant le sceptre noueux de l'éner-
gie, assise sur trois cariatides, sur trois solides colonnes,
la cariatide au visage fin et subtil de l'Éducation intel-
lectuelle, la cariatide au noble profil bien accusé de
l'Éducation morale, la cariatide aux muscles d'acier
de l'Éducation physique. Ce sont elles aussi qui sont
les assises de l'ouvrage que nous écrivons pour vous.
Nous vous indiquerons les modes nouveaux d'acqui-
sition de ces forces, puis leur utilisation complexe dans
la vie pratique. Vous verrez que, modernes Sphynx,
leurs yeux devinent les embûches et prévoient les dan-
gers. Et si vous écoutez leurs voix .savantes, votre but
de richesse, qui vous apparaît lointain comme une Terre
promi.50, vous l'aurez bientôt à portée de votre main,
fruit délicieux que l'on cueille en sa maturité.
— 19 -

VI

Voici notre Plan

Si donc, lecteur, vous voulez nous suivre, vous pouvez


tout de suite vous renseigner sur les méandres de notre
chemin. Il ne sera ni abrupt, ni sablonneux, ni malaisé.
Nous tâcherons d'en faire une route propre, ombragée
des arbres sains de notre expérience. D'habitude on
met les tables des matières à la fin des livres. Nous ne
sommes point de cet avis pour une oeuvre de cette sorte.
Une table est un fil d'Ariane dans le labyrinthe de
l'ouvrage. Tout le monde doit l'avoir en main, dès
l'abord, pour se guider, et nous l'avons placée en
sommaire au début de ce chapitre.
Voyez la nôtre. Il est bon de la lire sans omission, car
un chapitre porte l'autre en lui-même, et Vintellec-
tualité, la morale et la santé sont trois soeurs jumelles
inséparables, que dirige leur père : le Travail 1
CHAPITRE II

L'ÉDUCATION INTELLECTUELLE

I De la Volonté

La volonté n'est qu'un mot, si le sens de ce mot ne


se résume pas* dans cet aphorisme : Il faut savoir
vouloir et vouloir fortement. Les faibles de volonté
sont des vaincus-nés si, peu à peu, ils ne se contraignent
point à faire Vêducation de leur vouloir. Un proverbe
populaire dit avec une sorte de raison : Vouloir, c'est
pouvoir. Une haute sagesse est contenue dans ce simple
dicton, car il est bien évident que si la volonté inflexible
projette une lumière sur les obstacles qui environnent
son but, ce but devient plus clair, les chemins qui y
conduisent sont nets, et rien n'est plus capable de
vous empêcher d'aboutir si vous avez projeté avec
certitude.
Or, l'intelligence peut guérir l'atrophie de la volonté
chez celui qui désire parvenir. L'intelligence, ayant
- -22

conçu qu'il est nécessaire de bien vouloir pour être


fort, peut créer, pas à pas, les habitudes quotidiennes
qui chassent l'indécision. L'habitude est une seconde
nature. On a vu des gens extirper ainsi en eux les
germes malsains qui auraient donné naissance à une
paresse chronique. Un moyen excellent do développer
cette qualité intellectuelle primordiale, c'est do rédi-
ger un programme progressif do travail qui vous en-
traîne vers le but que vous vous proposez avec douceur
mais fermeté. Ce programme, c'est Pétai de votre
cerveau fragile. Un jour, vous pourrez l'enlever, car
il pourra, raffermi, se passer de tout soutien arti-
ficiel.
Si, au contraire, vous êtes né essentiellement volon-
taire, si cette force naturelle n'a fait que grandir en
vous avec l'âge, il ne s'agira plus que de la maintenir
et de la discipliner par le concours de l'intelligence
pure. Il faudra seulement prendre garde à ce qu'elle
ne dépasse pas le but, car l'orgueil est quelquefois
l'écueil de la volonté et il est bon de mesurer l'état
et l'ampleur de ses forces avant d'entrer dans l'arène
de la vie. Ce n'est pas là un conseil de modération,
mais de prudence sans peur, et dans le seul cas d'une
volonté vibrante et vraiment hors de pair.
Ceux qui veulent faire fortune par l'énergie moderne
devront donc mettre en épigraphe de leur éducation
intellectuelle : Je veux / Et ils réussiront d'autant
mieux à mettre en pratique cette affirmation qu'on
n'aura pas étouffé en eux, lorsqu'ils étaient enfants,
les prémices naissantes de cette belle vertu.
La volonté est, en effet, une fleur de l'intelligence
qui naît à notre premier vagissement, à notre premier
désir. Une bonne éducation est celle qui n'arrache
point cette fleur, qui ne la prive ni d'eau, ni de soleil,
mais qui la cultive avec amour et piété.
-23 -
Tous les grands hommes ont eu des paronts d'une
volonté de fer et qui n'ont pas voulu ou n'ont pas pu
ébranler celle de leurs fils. Parfois ils n'ont pas connu
leurs parents, et alors leur volonté fut uno magnifiquo
planto sauvage, poussée à l'air vif do la liberté, que
les douces mains de la Fortune polirent ensuite et
quo, au préalable, les malheurs ou l'expérience avaient
émondé sainement.
21

II
- De l'Attention

Quand vous sortez d'une pièce, si vous ne pouvez


me dire la couleur de la tapisserie, vous n'êtes pas un
homme attentif. Ainsi parlait, pour les poètes, Théo-
phile Gautier. Cela est vrai aussi pour tous ceux qui
veulent faire fortune, dans un autre sens. Ils ne seront
pas attentifs pour composer un livre avec les maté-
riaux recueillis par leur attention, mais ils doivent
l'être au suprême degré pour classer tout ce qu'ils
voient, tout ce qu'ils entendent et pour concentrer
leur regard sur ce qu'ils font.
Comment juger, et par conséquent se décider, si
l'on n'a pas en mains toutes les pièces du procès ? Or,
la vie est une perpétuelle procédure, et l'homme est,
la plupart du temps, juge et partie dans son litige.
L'attention perpétuelle lo sauvera. Hors de cette vertu,
pas de salut pour lui.
L'attention consiste d'abord et surtout à savoir
regarder. Que de gens qui ont des yeux pour ne point
voir, des oreilles pour ne point entendre et des mains
pour ne pas toucher, et qui ne sont ni des aveu-
gles, ni des sourds, ni des manchots. Mais ce sont des
distraits, des légers, des inconséquents, des futiles ou,
race plus fréquente et qui se croit travailleuse, des
dispersés, qui font mille et un travaux inutiles qui
se contredisent.
Quelques aphorismes nous feront plus clairement com-
prendre, à ce sujet :
-25 -
Faites attention à vous-même, car ainsi vous vous
connaîtrez mieux, et vous apercevrez votre vraie per'
sonnalité.
Faites attention aux autres, car c'est le seul moyen de
discerner leurs points faibles de leurs points forts.
Faites attention aux choses qui environnent les
autres, car elles sont le complément de leur physionomie.
Faites attention à ce qu'on vous dit car, selon. une
expression vive, « au coin d'un mot se cache la vérité ».
Unifiez et concentrez votre attention. Elle est la fille
légitime de votre volonté et elle éclairera votre activité.
Si vous la laissez se distraire, vous pouvez être blessé ou
tué dans la lutte pour la fortune.
Efforcez-vous de donner le plus grand développement
possible à votre rayon visuel, c'est-à-dire parvenez à per-
cevoir le plus grand nombre d'objets par le même coup
d'oeil, en même temps et à la fois. Comme exercice pra-
tique, nous vous recommandons de passer devant une
vitrine, d'y jeter les yeux, et, en poursuivant votre route,
d'essayer dénumérer tous les articles aperçus, de vous
souvenir de leur position respective. En répétant
plusieurs fois cet exercice, votre capacité de voir, de dis-
tinguer, et enfin de retenir, se développera d'une façon
surprenante.
Il faut toujours avoir la bienveillance polie de savoir
écouter les propos d'autrui, même si l'ennui doit en naître.
« Les Moulins à Parole » aiment qu'on voie tourner les
ailes de leur verbiage, et souvent un esprit attentif saura
tirer une bonne mouture de blé de ce qui ne paraissait, au
premier abord, que de l'ivraie ou du mauvais grain.
On doit surtout écouter respectueusement les gens qui vous
sont supérieurs par la fortune et le talent. Beaucoup
d'hommes ont dû leur réussite à cet art très difficile, mais
qu'on peut acquérir, de prêter l'oreille...
26 -

III De la Mémoire

L'attention trouvera de grandes facilités dans une


forte et souple mémoire. L'oubli est une distraction tout
à fait déplorable de l'esprit. Il faut se souvenir des
faits pour savoir prévenir les faits. Les affaires souvent
s'enchaînent. Donc, si l'on laisse se briser ou se rouiller
un anneau de cette chaîne, on risque d'être longtemps
sans pouvoir le ressouder.
Il faut avoir ou acquérir la mémoire des noms, des
dates, des événements les plus minimes de sa vie, car
une hésitation qui ne permet pas la décision urgente
et nécessaire est un malheur irréparable.
Bien entendu, il ne s'agit pas de devenir inutilement
un Pic de la Mirandole, un omniscient, il faut simple-
ment savoir ce qui est utile, ce qui est pratique, afin
de ne pas confondre et de pas errer. Il faut faire
mentir le proverbe latin qui dit que se tromper est
humain. Oui, cela est permis au commun des hommes,
mais non pas à celui qui recherche l'or par son travail.
- 27 ~.

IV
- De l'Imitation nuisible

Être soi-même, voilà uno des plus nobles résul-


tantes de la volonté cultivée. L'imitation des autres
et de leurs procédés n'est loisible qu'après étude et
réflexion. Chaque personnalité d'homme énergique
et moderne a son rythme propre. Des moyens qui font
réussir une affaire à celui-ci la feraient manquer à celui-
là. C'est que ces moyens suivent la courbe des forces
et des possibilités particulières. Il y a une éducation
générale, que nous exposons ici, qui convient à tout
le monde. Mais chacun ensuite doit se construire sa
citadelb originale et, pour vaincre, avoir des armes
personnelles.
L'Imitation est nuisible lorsqu'elle devient ce que
certains philosophes ont appelé du mimétisme, dans
lequel mot se trouve du mépris pour le sot imitateur,
le singe qui reproduit des gestes sans en comprendre
la signification profonde.
Imitons sans doute, quelquefois, mais ne plagions
pas, car la vie est une oeuvre qui se sculpte et nous
n'aurons la gloire et l'argent que si nous sommes des
sculpteurs originaux.
-28 -

V

La Police des Pensées

Soyez, si l'on peut dire : le gardien de la paix de


vos pensées, car les pensées ont une puissance beau-
coup plus grande qu'on ne se l'imagine. Elles naissent,
vivent et meurent comme des êtres vivants. Elles sont
un aimant ou un repoussoir, un bélier ou une cire
molle.
N'ayez dono jamais de pensées de crainte, de haine
ou de colère envers vos semblables, car elles engendre-
raient des pensées pareilles chez eux, qui se retourne-
raient contre vous.
Descartes disait : Je pensi-, donc je suis / Nous
dirons aussi justement : Je suis ce que je pense / •—
Car si vous ne laissez pas pénétrer dans votre cerveau
des idées de paresse, de luxure, d'intempérance, vous
ferez, en somme, la police sanitaire de cet organe,
vo balayerez les habitudes nocives, les vices naissants,
les bourgeons empoisonnés, et, tous les matins, vous
vous réveillerez lucide, prêt au travail, car vos yeux inté-
rieurs contempleront les belles avenues de votre santé
intellectuelle.
La pensée commande Pacte. Il faut que la pensée
soit pure pour que l'acte soit bon. C'est un axiome.
- 29 —

VI
— «
Connais-toi toi-même »

D'une attention soutenue naît seule la connais-


sance approfondie de soi-même, qui est la première
science de l'homme ambitieux. Il doit mettre en pratique
l'adage des Grecs : Connais-toi toi-même. Car alors
il parvient à juger les autres. Si les opinions diffèrent
parmi les hommes, les sentiments et les mobiles sont
presque toujours pareils, ce qui fait que se scruter
soi-même c'est scruter autrui, c'est démêler ses inten-
tions.
Une bonne méthode pour aboutir à se connaître,
à se prévoir, à se deviner, c'est de réfléchir après
chaque pensée, c'est, avant de parler, de tourner sept
fois sa langue dans sa bouche, comme dit un dicton po-
pulaire d'une façon très expressive. Ainsi pourra-t-on
corriger toutes ses fautes, tous ses écarts, son intempé-
rance de pensée et de langage.
Il n'y a pas de grand écrivain qui ne soit en même
temps grand critique de ses propres oeuvres et qui
souvent, ne les remanie. La Fontaine refaisait jusqu'à
quatorze fois la même petite fable. Balzac retournait et
malaxait plus de vingt fois le même roman, Hugo ne
cessait de polir et de repolir. L'homme qui veut parve-
nir à la fortune devra suivre ces illustres exemples, et
cela lui sera facile s'il s'apprécie parfaitement, s'il
chasse la fausse honte ou le faux orgueil.
- -
30

Dans les salles d'attente des gares modornes, on


trouve une balance automatique sur laquelle sont
écrits ces mots : Qui souvent se pèse, bien se connaît.
Qui bien se connaît, bien se porte. Cela est aussi vrai
pour l'intellect que pour le corps. Pesez vos moyens
intellectuels, vous connaîtrez bien vos limites et vos
possibilités. Lorsque vous les aurez appréciées, alors
vous irez gaiement sur la route de votre avenir.
Et cette méthode n'exclut pas la confiance en soi
dont nous parlerons plus loin ; elle est une mesure
préventive ; elle empêche ensuite une confiance désor-
donnée et disproportionnée aux moyens réels.
Connais-toi toi-même signifie Connais ta force et ton
énergie, pour que tu puisses en faire un faisceau indes-
tructible, un instrument de lutte et de conquête !
- -31

VII L'Économie des Forces


En lisant attentivement le tableau de la société,


moulée pour ainsi dire sur le vif, avec tout son bien et tout
son ?nal, il en résulte cet enseignement que si la pensée,
ou la passion qui comprend la pensée et le sentiment, est
l'élément social, elle est aussi l'élément destructeur. En
ceci, la vie sociale ressemble à la vie humaine. On ne
donne aux peuples de longévité qu'en mesurant leur
action vitale.
Cette pensée du grand Balzac démontre qu'il faut vivre
en économisant à la fois, et dans un rapport constant,
ses forces intellectuelles, sa force physique et Bon ar-
gent. Cette économie raisonnée et prolongée est la
pierre angulaire du héros énergique qui deviendra
capitaliste. La fortune est la fille de l'économie des
forces vitales.
C'est l'insouciance stu ki et la prodigalité des forces
qui crée le prolétariat. L est triste do voir des jeunes
gens vivre sans se soucier du lendemain, jouant aux
cartes ou s'oubliaht aux lieux de débauche ; ils ne
sortent pas de leur misère, ils vivent comme des bêtes,
au jour le jour, et chaque soleil levant réchauffe
leur chagrin de la veille, leur rappelle une perte, une
dette, un déboire. Ensuite, ils deviennent bassement
envieux, ils jalousent les autres qu'ils prétendent
privilégiés et favorisés par la chance, et ne veulent
-32 -
convenir, niant jusqu'à l'évidence, ni de leur intel-
ligence productive, ni de leur travail fécond, ni de leur
ingéniosité admirable.
Et si, par hasard, ces imprévoyants gagnent à la
loterie ou héritent, ce gain ou cet héritage no feront
pas long feu entre leurs mains ouvertes. Quand on
n'a pas su économiser cinq francs on ne sait pas écono-
miser un million..
L'Economie des forces sera un fruit de l'intelligenco
et de la volonté, si vous n'en comprenez pas, a priori,
l'urgente nécessité. Il vous suffira de regarder autour
de vous quels sont ceux qui ont pignon sur rue ou
fonds en banque et de leur demander le secret de leur
réussite. Ensuite, pratiquement et logiquement, vous
concluerez et vous vous déciderez. La vie et l'or écono-
misés se ramassent, pour ainsi dire, se décuplent, se
concentrent et permettent ensuite un élan plus vigou-
reux.
Cette, modération prévoyante n'exclut pas, d'ail-
leurs, une sage audace consécutive. Elle la permet,
bien au contraire, à ceux qui ont su amasser assez de
munitions.
Les paysans français ont un mot très juste : Celui-là
voit venir de loin / pour caractériser un homme rempli
de prévoyance. Que ceux qui nous lisent ne croient
guère aux coups de foudre de la Fortune. Elle ne
ressemble pas à l'Amour. Ou, plutôt, elle ressemble à
la véritable amitié. Elle demande à être cultivée comme
un beau et bon jardin potager. On doit prévoir, pour
elle, les intempéries, les coups de soleil, les orages, les
tempêtes. Il faut la surveiller à toute heure quand on
l'a, et la guetter très attentivement quand on veut
l'avoir.
Un fabuliste a dit faussement que la Fortune entrait
chez l'homme qui l'attendait dans son lit. Certes,
- 33 —

maints projets productifs ont été élaborés dans le repos


(lu lit, entre la veille et le sommeil, et il est bon de
dormir pour économiser ses forces vitales. Mais il faut
sauter du lit de bon matin pour acquérir l'or, et pour
être au premier rang dans la phalange des compéti-
teurs.
- -34

VIII
- La Lecture et l'Étude

L'Education intellectuelle ne peut être complète


•et parfaite sans la lecture et sans l'étude.
La lecture, qui doit être lente de façon à bien saisir
tout le sens des mots, doit être aussi méthodique et
intelligente. On écartera tous les ouvrages futiles,
légers ou obscènes. Us détruisent le sérieux et la pondé-
ration de l'esprit, ils incitent à des idées paresseuses
et éveillent des pensées voluptueuses. Ce sont des
endormeurs d'énergie. Ils sont à la fois engour-
dissants et excitants, mais cette excitation est artifi-
cielle et détruit le cerveau.
Lisez, si vous voulez parvenir, les livres qui aug-
menteront votre compétence, qui étendront vos con-
naissances dans la branche d'affaires que vous culti-
vez, qui sont remplis de phrases saines et pleines, et
qui ouvrent des horizons infinis à l'esprit attentif.
La lecture éveille, en outre, la méditation et la
réflexion. Quand on a lu, on annote, on compare, on
réfléchit longuement. On recompose, pour ainsi dire,
le livre utile, on le digère pour en avoir la substance
nutritive. Un ancien disait : Je crains l'homme d'un
seul livre. Et il est évident, par exemple, que cette
oeuvre d'énergie que nous composons pour vous, si vous
la comprenez bien, si vous vous l'assimilez entièrement,
vous rendra forts et expérimentés, et que vos concur-
rents devront vous craindre.
-35-
Beaucoup de personnes, par malheur, lisent 6ans
fruit parce qu'elles lisont sans attention et sans volonté.
Il faut se corriger de ce gros défaut, et il no faut pas
regretter que souvent les livres demandent à être dé-
coupés, car cela met un temps d'arrêt et de repos
entre les paragraphes qui aboutit à une lecture plus
lente. En un mot, il ne faut pas lire du bout des yeux
ni sauter les passages qui ont l'air rébarbatifs. C'est
souvent en eux que se cache le sens de plusieurs pages
et que l'on trouve une conclusion à de précédents
avis.
Une erreur à dissiper est celle qui consiste à croire
qu'on ne doit lire que dans sa jeunesse. Caton appre-
nait le grec à quatre-vingt-dix années. On peut tou-
jours apprendre quelque chose de nouveau, d'utile,
de pratique, et à tout âge. On lit avec d'autant plus
de profit qu'on a plus d'ans et d'expérience acquise.
L'Etude éclaire tout ce que nous voulons entre-
prendre. C'est le flambeau qui guidera votre marche
vers la fortune. Car on ne reste pas inculte sans
danger, eût-on par ailleurs de solides qualités d'ordre
natif, d'économie instinctive et de force naturelle.
Il faut étudier, et étudier sans trêve.
Si l'on a pris l'habitude du travail, et nous verrons
cela plus loin, l'étude deviendra un véritable plaisir,
une joie saine et pure.
L'étude raffermit le cerveau, évite à l'homme toute
distraction, le gare des sentiers du vice et de la paresse,
et la santé intellectuelle chez chacun dépend de son
amour de l'étude. Celui qui n'étudie pas est un oisif.
D'ailleurs, toute affaire, tout projet demande une
étude approfondie et très minutieuse, une division
sévère et une synthèse finale. Les lettres qu'on reçoit,
les actes qu'on signe, les rapports qu'on rédige, les
plans qu'on élabore, demandent à être tout à fait soi-
- -
3(i

gneusement étudiés. Si l'on veut les faire concis, pro-


bants, contondants, des heures d'étude ne sont jamais
inutiles.
La plupart des inattentifs et des paresseux man-
quent le coche, ou plutôt l'automobile de la réussite,
parce qu'ils ont rédigé à la légère, lu en chantant, écrit
en songeant à la lune. Il leur manque le goût sacré
du fini, La Bruyère comparait le métier d'écrivain
au métier d'horloger, à cause do leur commune finesse.
Toutes les professions ont leur horlogerie, leurs grandes
et fines pièces qu'il faut déboîter et remettre en place.
L'étude est un instrument do précision qui permet de
ranger avec ordre tout ce qui parait, à preinièro vue,
confus et désordonné.
L'intuition se complète par l'étude. Celle-là se con-
tentait d'aperc^ ;oir. Celle-ci transforme l'aperçu en
plan définitif. Les médecins et les ingénieurs ont
un diagnostic, le diagnostic médical qui découvre la
maladie, le diagnostic industriel qui ausculte une
machine ou un terrain de mine. Mais ils passent ce
diagnostic au laminoir de l'étude et ne so résolvent à
un traitement, à une réparation ou à une affirmation
qu'après mûre réflexion sur les faits et les symptômes.
Si vous êtes un autodidacte, ne vous effrayez
point, faites-vous vous-même. Votre instinct devinera
les lectures qui vous sont indispensables et vous
dirigera vers les études qui vous sont nécessaires. Rien
n'est impossible à l'homme moderne, énergique, qui
veut devenir riche. S'il n'est pas instruit, il s'instruit
sans professeurs. S'il est débile d'intellect, il répare
son cerveau par l'Education intellectuelle.
CHAPITRE III

L'ÉDUCATION MORALE

I
— Soyez confiants!

Vous ne réussirez que si vous avez une foi ardente


dans la réussite. La confiance est le sac de vivres de
celui qui s'avance sur la longue routo de la Fortune.
Elle nourrit l'homme sainement ambitieux.
Beaucoup do gens, parce qu'ils ne voient pas assez
vite apparaître le port qu'ils veulent atteindre, se
désespèrent sottement et se figurent que la malchance
les poursuit. Ce sont des faibles et des pressés, que la
première étape décourage.
Si parfois le but paraît se dérober, il faut penser seu-
lement qu'un nuage le cache, et que les nuages so
dissipent au gré des vents. Les plus heureux ont des
revers. Mais lorsqu'un malheur fond sur nous, il est
bon de se dire qu'il sera sans doute suivi d'un bonheur,
car la vie est variée et diverse.
- -38

Soyez confiants / Telle est la maxime maîtresse de


votre Éducation morale, et ne croyez nullement ceux
qui vous appelleront des présomptueux ou des orgueil-
leux. Être persuadé de la victoire finale, être sur de
vaincre les difficultés, c'est une vertu énergique dont
l'absence rend débile. La foi en soi-même soulève des
montagnes.
Certes, cette foi moderne doit être, pour ainsi dire,
scientifique. Elle ne doit pas avoir des allures aveugles.
Mais son existence est nécessaire pour donner à l'homme
énergique la première impulsion et pour le relever
ensuite, s'il a besoin de son secours réconfortant.
Le doute sera chassé par vous comme un oiseau de
mauvais présage. Ne dites pas surtout : Je doute /
Je ne suis pas sûr / Votre mot vous serait fatal, car
il ancrerait dans votre cerveau une idée mauvaise qui
n'y passait, auparavant, qu'ainsi qu'une ombre impor-
tune.
Vous avez examiné vos devoirs et vos droits, vous avez
supputé les facilités et les dangers de votre entreprise.
Partez alors sans détourner la tête, brisez les obstacles
ou tournez-les habilement. N'écoutez plus les Sirènes
du doute.
Ce qui fait que beaucoup d'hommes, même très intel-
ligents, restent dans les rangs inférieurs de la société,
c'est qu'ils n'ont pas eu foi en eux-mêmes et qu'ils n'ont
pas su inculquer, par une affirmation solide, celte foi
aux autres. C'est le mot du poète comique : Si tu
veux me faire rire, ris d'abord toi-même, Si vous voulez
qu'on croie en vous, croyez-y d'abord vous-même !
La crainte et parfois l'horreur des responsabilités ont
souvent arrêté des hommes très compétents. Il n'y a
cependant rien de plus noble et de plus beau qu'une
confiance ardente prenant bravement son parti d'une
dure responsabilité,
— 39 -
D'autres, enfin, sont trop prévoyants, trop timides,
trop timorés dans leurs projets. Ils voient et comptent
à l'avance toutes les embûches. Alors, ayant réfléchi
sous l'empire de la peur, ils reculent. Ils auraient besoin
do se retremper dans un bain de confiance, et il serait
heureux qu'ils aient à cette heure auprès d'eux des
amis d'un autre caractère, pleins d'espoir et de décision.
Tous les Crésus modernes, tous les gens parvenus par
la force de l'énergie, ont reconnu cette importance de la
foi en son destin. C'est une qualité morale qui, quoi
qu'on en dise, se peut aussi acquérir. Pour cela, il faut
le concours uni de ces deux primordiales, qualités intel-
lectuelles : l'intelligence et la volonté. Elles peuvent
créer, après réflexion, un état d'énergie qui chassera les
doutes malsains et qui fera refleurir la. rose trémière de
l'Espoir.
— 40 —

II
— Soyez influents 1

Si vous êtes confiants, vous serez influents. Car vous


n'aurez pas de vains conseils à demander et votre regard
très énergique en imposera à tous
Un des meilleurs moyens d'influence gît dans les
yeux. Par les yeux, on peut attirer sur soi l'attentiou
de la personne à laquelle on parle. Le pouvoir des yeux
où luit uno pensée forte est pareil à celui d'un aimant.
Si vous avez une demande à faire à quelqu'un, regar-
dez-le d'une façon franche et ferme, sans toutefois le
fixer désagréablement. Au moment opportun et déci-
sif, mettez vos yeux dans ses yeux, comme si vous vouliez
imprégner son cerveau de vos propres pensées. Sou-
tenez son regard, à votre tour, de sorte qu'au point
culminant de la conversation il ne regarde pas ailleurs,
et qu'ainsi il ne puisse pas se dérober à votre influence.
Par contre, si quelqu'un vous adresse la parole et
cherche à vous influencer, regardez ailleurs sans impo-
litesse, comme si vous vouliez réfléchir à ses paroles.
Ne considérez jamais le mot non comme une réponse
véritable. Essayez de nouveau, directement ou indirec-
tement, d'influencer en votre faveur la personne à qui
vous parlez. La ténacité habile engendre le succès.
Tous les grands hommes avaient, à un haut degré,
le pouvoir d'influencer leurs semblables. Us ont tous
été des héros influents. Napoléon, par exemple, atteignit
- 41 —

à des résultats tout à fait extraordinaires. Il exerçait, en


effet, sur les autres une domination sans bornes. Et
c'est surtout parce qu'il était sûr de lui-même et qu'il
avait une foi invincible en son étoile.
La faiblesse vis-à-vis des autres peut se changer en
force par cette Éducation morale de la confiance que
nous vous indiquons. On n'arrive pas du premier coup,
à moins d'être un génie, à influencer son proohain.
Il y faut, comme toujours, de l'étude, de la culture, de
la persévérance.
C'est aussi une question de bonne san^é physique.
Mais comme le moral influe à chaque instant sur le
physique, celui qui a la foi au fond des yeux vaincra
certainement celui dont les yeux sont brouillés par la
peur.
- -42

III
— Soyez sympathiquesl

Influencer ne suffît pas pour réussir. Il faut plaire.


Il faut intéresser. Il faut captiver. Enfin, il faut séduire.
Nous parlerons, dans l'Education physique, des moyens-
physiques de séduction et de la tenue. Ici, causons un
pou des moyens moraux.
Si vous voulez intéresser les autres, votre ton doit
être aimable et agréable, vos manières aisées et cor-
rectes. Réglez votre voix sur la voix de votre interlo-
cuteur. N'essayez jamais de vouloir faire taire, en par-
lant plus fort qu'elle, une personne qui hausse le ton.
Baissez-le vous-même alors, et vous aurez la satisfac-
tion de constater que cette personne suivra forcément
l'exemple de votre modération. Exercez-vous, en outro
et si possible, à acquérir un timbre de voix expressif et
doux.
Soyez toujours en état de bonne humeur morale.
C'est par la bonne humeur que l'on s'attire la sym-
pathie des gens, car les éternels critiqueurs, les sempi-
ternels renfrognés sont toujours, et avec raison, laissés
à l'écart, dons le coin sombre do leur bouderie.
Ne soyez pas susceptible, et si l'on vou3 blesse par
des railleries ou des insultes, faites semblant do no rien
entendre. Si vous ne pouvez pas être dédaigneux,
tournez aloi's, avec un sourire, l'injure en ridicule. On
ne doit jamais se mettre en colère pour une insulte,
— 43 -
car on fait ainsi le jeu de son adversaire et on perd sa
réputation d'homme aimable. Se montrer coléreux
devant des tiers est une faiblesse peu sympathique.
En somme, par tous les moyens, il faut s'efforcer d'être
toujours en bons termes avec tout le monde.
Si quelqu'un vous soumet une opinion à laquelle vous
ne pouvez pas souscrire, no dites pas que vous êtes d'un
autre avis. Répondez avec amabilité et de façon à ce
qu'il ne puisse pas savoir si vous lui donnez tort ou
raison. Contredire une opinion est chose très délicate.
C'est par des contradictions violentes qu'on se rend
tout à fait antipathique.
Ne flattez pas trop, ne vous abaissez pas, mais tâchez
de toujours produire excellente impression. Elle sera
d'autant meilleure que vous conserverez votre empire
sur vous-même et que vous ferez montre d'un tempé-
rament tranquille. Car plus on a d'empire sur soi même
plus on a de chances de réussir dans ce que l'on traite.
Se contenir, c'est plaire par son attitude, même à des
ennemis.
Il ne faut pas s'effacer, bien entendu, ni surtout se
laisser engloutir dans l'indifférence de la masse. Attirer
l'attention sur soi, et savoir inspirer à votre entourage
une bonne opinion en votre faveur, voilà le secret du
succès par la sympathie, sans fatuité ni impertinence.
La politesse et la raison vous commandent de ne point
considérer les autres comme moins intelligents que vous-
même. Vous vous tromperiez souvent. Il est de bonne
politique de voir des égaux dans ses concurrents.
Si l'on est né maussade ou de tempérament violent,
il sera assez facile de corriger ces mauvaises disposi-
tions par un entraînement moral rationnel. A chaque
crise do bouderie, on se fera une réprimande intérieure
très sévère, on s'appliquera à savoir sourire aimable-
ment ; et lorsqu'on .sentira monter en soi uno colère
- -44

injustifiée, il faudra trouver dans son intelligence et


sa volonté des arguments frappants pour chasser cette
bourrasque intempestive.
Soyez sympathiques / C'est un capital, car l'or
ne vient
pas se placer dans une main qui se ferme rageusement.
— 45 —

IV Écoutez les autres!


Une science dans laquelle on doit chorchov à exceller,


et qui a beaucoup de rapports avec l'attention, est celle
qui consiste à savoir écouter patiemment ceuv qui vous
parlent. Cette science demande une grande foi. morale.
Sa pratique conquiert toutes les sympathies.
Tous ceux qui vous parlent vous sauront gré de
n'avoir pas été interrompus, car ils aiment, pour la
plupart, à s'entendre causer, mais non pas à entendre
causer les autres. C'est pour cela que l'on peut dire,
sans le prendre au sens figuré, que le silence est d'or,
Sourire ou approuver, aux bons endroits d'un discours
d'autrui, vous vaudra une amitié indéfectible. Il n'y
a pas d'ailleurs de flatterie dans cette bienveillante atti-
tude. Si vous écoutez ainsi, vous apprendrez à connaître
les intentions les plus profondes de celui qui vous parle,
à saisir sous ses diverses faces l'affaire qu'il vous expose,
et, en plus, vous aurez le bénéfice de son admiration.
Vous lui plairez cent fois plus que si vous aviez parlé
vous-même.
Que do gens se sont perdus par leur impertinente
volubilité envers des supérieurs ou des inférieurs. Us
n'ont pas su tenir leur langue, comme on dit dans le
peuple. Un patron est toujours offusqué, avec raison,
de l'inattention de l'employé auquel il parle et des mots
inutiles que celui-ci lui répond. Un employé est désa-
- 46 —

gréablement affecté par des ordres non concis, et qui


perdent ainsi toute leu* clarté.
Ceux qui sont nés avec une trop grande propension
au babillage devront apprendro à châtier leur langage
et s'imposeront le bon supplice du silence devant un
homme qui peut les instruire ou qui doit les servir.
Cette éducation morale du dit coureur intempestif sera
rationnelle et progressive. Certes, il n'arrivera pas, du
premier coup, à se modérer et à se discipliner. Mais il
n'a qu'à réfléchir avant de parler si ce qu'il va dire a
été bien pensé, si ce qu'il va énoncer sera productif.
S'il n'en voit pas le sérieux ou l'utilité, qu'il se taise
volontairement.
Tous ceux qui ont réussi ont été des silencieux. Ils
n'étaient pas muets pour cela. Ils parlaient quand c'était
le lieu et le moment.
Ils n'avaient pas la détestable habitude de pousser
des cris d'interruption, de toucher en parlant les vête-
ments de leur auditeur, de lui prendre le revers de son
pardessus en croyant mieux attirer son attention, et
de l'indisposer ainsi à jamais.
On accuse parfois ceux qui savent écouter d'être des
intrigants ou des hypocrites. Ce sont les pauvres argu-
ments de ceux qui n'ont pas su corriger les vices do
1
eur nature fruste. On n'est pas intrigant parce qu'on
a l'astuce de plaire en écoutant avec douceur. On n'est
pas hypocrite parce qu'on ne va pas hurler son opinion
à la face du premier venu.
Une bonne santé morale et physique donne d'ailleurs
une telle pondération, qu'il serait impossible à l'homme
qui en est doté de se tromper, do s'aliéner une confiance
par un langago trop nerveux. Il se possède sans y prêter
grando attention. Son énergie l'empêche, d'instinct, de
commettre la faute primordiale : faire rentrer dans la
gorge à"autrui le discours auquel il tient par dessus tout.
_ 47
-

V

Ne vous livrez pas!

Il no faut pas livrer sa citadelle intérieure, et remettre


bénévolement les clefs de sa vie à ceux qui vous inter-
rogent. Ne parlez jamais de vos chagrins à des tiers,
car cela ne vous servirait que fort peu, et exciter la
pitié c'est faire figure de vaincu. Vous seriez considéré
comme un importun et un ennuyeux. On chercherait
alors à vous fausser compagnie, car on pourrait prévoir
que vous deviendrez quémandeur.
Masquez-vous aimablement d'un rire qui dissimule
votre mauvaise humeur. Des médecins célèbres ont
guéri des neurasthéniques par une souveraine cure de
rire. Il chasse les chagrins et les dissipe peu à peu.
Sache? que celui qui a pénétré tous vos secrets peut
vous nuire d'une manière abominable, s'il n'est pas
un honnête homme. C'est pourquoi environnez-vous
d'un mur de discrétion.
Il ne s'agit pas pour cela de devenir mystérieux et de
se faire appeler impénétrable, On obtiendrait ainsi de
mauvais résultats, car il y a une mesure dans la retenue
des propos et dans les secrets à garder.
D'autre part, un homme qui ne livre pas les secrets
à lui confiés est un homme toujours estimé par ses sem-
blables et confidents. Il acquiert une renommée de sage
plein d'expérience et la confiance de tous l'auréole.
Certains hommes désireux d'acquérir la fortune sont
— 48 —

arrêtés par la difficulté de ne pas savoir se taire sur


eux-mêmes. Ce sont souvent les mêmes qui ne savent pas
écouter les autres.
Qu'ils apprennent à acquérir un quant à soi, à se cons-
truire une demeure intérieure personnelle. Au moment
où ils vont révéler un de leurs secrets, qu'ils réfléchissent
très sérieusement aux conséquences funestes do cette
révélation. Il y a des gens qui voient dans ce silence
sur soi-même une sorte de manque de franchise. La fran-
chise n'a rien de commun avec la naïveté. On ne doit
rien dire et rien révéler sans en calculer à l'avance les
répercussions.
Cache ta vie, a dit le philosophe ancien. Nous ajou-
terons ceci : L'homme moderne doit montrer ses vertus, sa
force et son énergie, mais il doit dissimuler ses faiblesses,
ses hésitations et ses malheurs /
-49-

VI — Ayez du tact !

Le tact dans les relations est réellement le marche-


pied de la réussite. C'est d'ailleurs une fort belle qualité
morale. Elle découle d'une politesse intelligente.
On doit avoir du tact dans sa tenue, dans sa parole,
dans ses gestes, dans sa physionomie même.
Rien n'est plus désagréable que de voir un homme,
quand bien même il serait le plus intelligent et le plus
capable du monde, avec une figure morne, sombre ou
indifférente. Ce Chevalier de la triste figure, pareil au
grotesque héros de Cervantes, écarte toutes les bonnes
volontés et fait peur à la fortune qui s'enfuit.
Une physionomie calme et souriante, des propos ave-
nants qui ne blessent pas plus la vanité masculine que
la vanité féminine, sont les indices d'un tact parfait.
Il apparaît aussi dans la bonne opinion que nous
devons exprimer sur autrui, car on considère comme des
ennemis personnels les gens qui ont toujours des
reproches à énumérer, tandis que ceux qui nous adressent
des phrases sympathiques sont nos amis.
Mais le tact élémentaire veut qu'on ignore les faiblesses
et les défauts des autres. On ne doit jamais tourner
quelqu'un en ridicule par des saillies plus ou moins spi-
rituelles, car les personnes qui ont l'habitude de faire
de l'esprit aux dépens do leur prochain sont toujours
détestées, et souvent suscitent des haines implaoables,
— 50 —

Faire allusion à un passage difficile dans l'existence


do quelqu'un et lui rappeler des choses désagréables
de son passé constitue une faute capitale. Les intéressés
vous sauront gré de ne jamais toucher à ces points
délicats. Le pavé de l'ours vous retomberait parfois
sur le nez.
On ne doit jamais dire à quelqu'un, et ceci est du
tact charitable, qu'il a mauvaise mine ou paraît avoir
vieilli, surtout à un malade qui déjà no se sent pas bien.
C'est un acte très nocif et criminel que de déprimer
ainsi un être déjà affaibli. L'homme énergique doit,
au contraire, savoir réconforter les faibles.
Le tact produit des fruits inespérés. Il permet de
réussir sans presque avoir besoin d'y toucher, car tout
le monde aime à aider celui qui est aimable et poli.
Il est de très mauvais goût, lorsque quelqu'un raconte
une anecdote ou des histoires, de l'interrompre sous
prétexte qu'on les connaît. Il est, en outre, d'un pire
mauvais goût de vouloir continuer, de son propre chef,
la narration de l'histoire commencée par un autre. On
doit feindre jusqu'au bout de ne pas connaître le sujet
raconté, même s'il est traduit infidèlement.
Et si l'on est appelé à donner son opinion, dans un
endroit public, sur une personne désignée, il faut
apporter, si l'on ne peut se dérober, beaucoup de pru-
dence et d'indulgence dans son jugement. On doit
garder par devers soi son opinion véritable, et n'émettre
qu'un avis très vague ne pouvant lui nuire. Il faut avoir
deux opinions : une pour soi-même et une pour les
autres. La réserve sur autrui est toujours appréciée,
et pour cause, par autrui.
D'aucuns sont habiles qui manquent de tact. Hélas,
cette habileté sans la politesse ne vaut qu'une pièce
d'argent, au cours de la réussite, tandis que leur union
sonne comme un louis d'or.
-51 —
Bien que le tact soit souvent uno qualité morale
native, ceux qui en manquent peuvent l'acquérir par
une éducation prolongée. Certaines erreurs, certains
résultats cuisants do manque do goût leur serviront
do leçons.
Tous les riches à force d'énergie ont eu du tact au début
et dans le cours de leur carrière. Le succès des brutaux
est une légende. Souvent, sous une enveloppe d'appa-
rence un peu grossière, un homme cache une exquise
et raffinée politesse, un savoir-vivre de premier ordre.
On pourra accuser ceux qui ont du tact de minutie
outrée. Qu'ils laissent dire ! La bonne et vraie politesse
ne peut pas être confondue avec le maniérisme et la
préciosité. C'est une arme légère dans le combat de la
vie. Si l'attention est parfois un bouclier, lu tact est un
stylet brillant qui tranche les noeuds gordiens des rela-
tions difficiles.
Ayez du tact, sans vaine mollesse, sans platitude, avec
cette gaieté de bon aloi qui fait reculer les grincheux
et les importuns.
— 52

VII La Modestie virile


Une trop grande modestie est un très grand défaut.


Soyez modeste sans être timide. Ayez une modestie
virile.
Lorsque l'on a affaire à des supérieurs, il faut les
traiter avec déférence et respect, et attendre, dans une
attitude digne, qu'ils vous adressent la parole.
Les jeunes gens, qui n'ont pas encore subi le feu de
l'expérience, doivent être réservés dans leurs opinions,
et c'est un devoir pour eux que d'être toujours polis,
même envers l'homme le plus pauvre.
Une élégante flatterie, sans modestie inutile, vis-
à-vis des femmes, peut vous conduire très haut. Un
grand nombre d'hommes ont réussi parce qu'ils ont
su s'attirer la bienveillance des femmes de leurs supé-
rieurs. Mais il y faut du tact et de la dignité.
Cette question de la modestie est très complexe, car
cette vertu, à notre époque, devient presqu'un vice pour
celui qui veut réussir.
Si vous êtes né trop modeste et timide, l'Éducation
morale vous sera d'un grand secours, et vous devrez
vous appliquer à ne pas voir dans les autres toujours
des vainqueurs probables, mais au contraire des gens
avec qui l'on peut lutter sans danger irrémédiable.
Si vous êtes né trop orgueilleux, le traitement con-
traire vous sera utile, et il sera bon que vous vous per-
-*53 -
suadioz que l'intelligence, la volonté et l'énergie ne sont
pas votre domaino propre et votro apanage particulier.
La modestie virile, ces deux mots résument bien notre
pensée. Leur alliage est nécessité par les temps modernes»
où le mot de modestie tout court risque de signifier
simplement faiblesse et veulerie.
CHAPITRE IV

L'ÉDUCATION PHYSIQUE

I

Votre premier Outil

C'est le grand Franklin, qui l'a dit : Conserve ta.


santé, c'est ton premier outil ! Et, comme on dit parfois'
en géométrie» cette vérité est un axiome. Sans une bonne
' santé préalable, pas d'éducation intellectuelle et morale
possible. La. gaîne de l'esprit, le corps, une fois détério-
rée,, il n'y a plus qu'à désespérer. Mais la faiblesse ou la
débilité se corrigent facilement. Et c'est pour cela que
nous parlons de l'Education physique.
Nous allons vous émimérer une série de préceptes
qui vous rendront immanquablement forts, énergique»
et endurants, et grâce auxquels vous parviendrez sans
doute à cette fortune légitime que vous désirez. Nous
vous les donnons sous forme de Commandements pour
votre santé, de manière à ce que votre cerveau les retienne
pour que votre volonté les applique 11 ne suffît pas de
1
— 56 -
les lire d'un coup d'oeil, il faut les recopier, les méditer
et s'en imprégner de telle façon que rien no puisse vous
les faire oublier :

Levez-vous de bonne heure, de très grand matin en


été et de bon matin en hiver. L'aurore préside aux travaux
les meilleurs. Elle les éclaire et les purifie. Si vous êtes
normal, cela augmentera votre équilibre physique. Si vous
êtes nerveux, le calme et la lumière du matin agiront sur
vous comme une douche rafraîchissante et calmante.
La fortune sourit à ceux qui se lèvent de bonne heure.
Du point culminant de l'aube naissante ils voient, d'un
coup d'oeil, toute la longue journée, et peuvent distribuer
sans omissioïi tous les travaux qui la rempliront. Une
journée bien remplie ne commence pas après le lever du
soleil.

L'hygiène élémentaire recommande les ablutions


matinales et, s'il se peut, quelque sport aimé qui distende
les muscles et les nerfs, afin « d'être bien en forme »
pour accomplir la besogne entreprise.
A la manière des Anglais, on fera bien d'adopter
la méthode « du repas solide dès la première heure »,
car le corps est comme une locomotive, et une locomotive
ne se met jamais en route sans sa provision de combus-
tible.

Le surmenage a comme conséquence la maladie.


Aussitôt que vous vous sentez fatigué, vous devez vous
arrêter et vous reposer. Ainsi, « vous vous économiserez
vous-même ».

Le tabac est un poison lent et sâr. Il enfume le cer-


veau, durcitles artères, abolit la mémoire, liquéfie lesconcep-
-57 -
tions. Celui qui fume est un candidat à « l'artèrio-sclé*
rose », qui se suicide peu à peu.

L'alcool est réellement, pour parler par image « un


diable » moderne. Il est la cause de la décadence irré-
médiable des individus comme de la déchéance des peuples.
Il remplit de ses créatures les asiles d'aliénés.
La morphine et l'éther sont aussi d'épouvantables
poisons dont on doit fuir l'usage avec horreur si l'on veut
demeurer « un être humain ».

Le café et le thé, eux-mêmes, sont des stimulants


trompeurs et nocifs. Le grand Balzac dit en mourant :
« Je meurs de mes tasses de café / ».

Une certaine sobriété est nécessaire à l'homme ambi-


tieux qui ne doit pas se laisser alourdir par des excès.
Il doit être entraîné et lucide, car c'est un « athlète de la
fortune ».

Pratiquez modérément les sports. Ils sont salutaires,


à dose modique. Mais si vous exagérez, ils deviennent un
vice et la santé est détruite par ce qui devait la fortifier.

Si vous êtes « un sédentaire intellectuel », vous


devez interrompre de temps à autre votre travail pour
vous dégourdir et faire circuler votre sang. Sortez égale-
ment à l'air frais et pur, afin d'amener à vos poumons
un peu d'oxygène.
Si vous avez pris la funeste habitude de vous lever
tard, votre volonté est engourdie. Dégourdissez-la progres-
sivement en vous levant chaque jour dix minutes plus
tôt. Ces minutes deviendront à la fin l'heure assignée par
— 58 -
vous à votre travail normal. La transition entre l'ancienne
et la nouvelle habitude sera presque insensible.

On vous dira peut-être que le sommeil après le


déjeuner, la sieste, est comme une bougie brûlant en plein
jour. Nous ne sommes point de cet avis. Dormez, si tou-
tefois votre tempérament n'y est pas opposé, quelques
minutes après déjeuner. C'est là « une oasis de repos » sur
le dur chemin du labeur. Après avoir mangé, chaque être
vivant ressent une lassitude qui est tout à fait naturelle
et compréhensible. On peut faire la remarque que chaque
animal se repose après son repas. Selon l'âge et le genre
de travail, ce repos doit être plus ou moins prolongé.
Mais on le rattrape largement, par un regain d'activité,
dans l'après-midi et la soirée. Faites donc halte pour
mieux repartir.

Comme conseil pratiquey ne vous étendez pas tout


habillé. Il est au moins nécessaire de défaire son col, de
retirer son vêtement et ses chaussures. Ainsi seulement
le sang circulera, et l'on se lèvera léger et dispos.

Les personnes qui travaillent « tout d'une traite »,


et mangent par conséquent sans repos consécutif, se sentent
lasses vers la fin de la journée. Suivez notre conseil, et les
heures les plus avancées vous trouveront aussi énergiques
que les heures de l'aurore.

Couchez-vous, si possibleT de bonne heure, La nuit


est faite pour dormir, et si vous vous couchez tard vous
vous lèverez tard. Rien n'est plus déprimant pour l'homme
qu'une vie factice de plaisirs nocturnes.

Ayez soin de boire h moins possible pendant les repas,


et même, pas du tout si vous le pouvez. Ne buvez qu'après
- 59 —

avoir mangé. Et ne vous chargez pas l'estomac le soir,


d'abord pour le corps auquel nul travail n'est demandé
durant la nuit où il se reposera au contraire, ensuite pour
l'estomac qui ne doit pas être obligé de fonctionner durant
les heures consacrées à son loisir. Ce conseil est primor-
dial pour la bonne santé.
La santé, «premier outil », ne se conserve pas sans
ce
vigilance. Veillez à prendre toutes les précautions médi-
cales contre les épidémies. Surveillez vos fréquentations.
Surveillez-vous vous-même et n'abusez d'aucun plaisir.

Lisez la vie d'un Tolstoï ou celle d'uti Mistra}, et


vous verrez qu'ils ont appliqué ces règles d'hygiène et de
conduite. Nous pouvons aussi vous citer le grand ento-
mologiste Fabre, vieillard dont l'existence est un modèle
de sagesse.

-
Les milliardaires américains ont, eux aussi, suivi
ces bonnes règles. On pourrait, si la place ne faisait défaut,
invoquer leur illustre témoignage. Vous serez peut-être
un jour à leur rang si vous nous écoutez et si vous nous
suivez /
-60 -

II Du Costume

Il est une question consécutive à celle do la santé,


à celle du corps, dans l'Education physique. C'est celle
du costume dont on revêtira ce corps. L'habit ne fait
pas le moine, mais il contribue fortement à son appa-
rence* Or, on ne voit pas notre esprit, mais on voit
notro corps.
La vue d'une personne d'un extérieur sans soins est
souverainement déplaisante. Dans les affaires, une des
premières conditions de réussite est un extérieur avenant,
net, plaisant à l'oeil.
Tout le monde, certes, n'est pas beau comme Adonis
ou proportionné comme une statue grecque, mais tout
le monde peut, par l'intelligence et la volonté, se donner
cet air comme il faut essentiel quand on se présente
quelque part. On n'oserait remettre à personne un paquet
mal ficelé. On n'osera pas plus se présenter soi-même
sans apprêts.
Il ne s'agit pas, pour cela, de changer de costume
ou de cravate tous les jours. On laisse cette manie aux
désoeuvrés. Il s'agit, à force d'habileté, de donner l'im-
pression d'une excellente tenue et d'une grande propreté.
Les soins les plus extrêmes ne sont pas à négliger.
Mais que l'on soit simple, et que le costume n'ait rien
d'affecté. Nous ne sommes plus au temps des dandys
et des lions. L'activité moderne réclame la simpli-
cité et la légèreté du costume et de la coiffure, la solidité
durable des chaussures. Que soient bannis les longs che-
— 61 -
veux et les larges pantalons I Rectitude, bon goût,
allégement pratique, sont les trois critériums du cos-
tume contemporain.
Ceux qui voulent énergiquement faire fortune doivent
avoir un costume qui ne tranche pas et qui, en même
temps, ne désoblige pas. Beaucoup de jeunes gens
se sont vus fermer la route de leur avenir par de sottes
excentricités de vêtement.
Personne ne voudra vous présenter à un homme impor-
tant et influent si votre costume pèche par la saleté,
par un usage trop long, ou aussi par le ridicule. Il est
ennuyeux de sortir avec quelqu'un que l'on remarque
à tous les coins de rue. Vêtez-vous comme tous les gens
intelligents et propres.
Il est très important de savoir revêtir le costume
de la circonstance, et, lorsqu'on débute, il ne faut pas
hésiter à faire des sacrifices pour paraître avec tous
ses avantages. Si l'on vous classe parmi les incorrects,
toute votre vie cette épithète vous suivra, tunique de
Nessus qui paralysera vos mouvements vers la réussite.
Conformez votre costume à la place que vous occupez,
au rang que vous avez, à l'âge que vous portez.
Certains tailleurs, dans leurs gravures de publicité,
insèrent ces mots très significatifs : L'habit fait
l'homme, vous pouvez vous présenter partout avec
nos costumes. C'est une réclame qui contient une
grande vérité. Nous ne saurions trop insister à ce sujet.
On a vu des hommes d'un puissant mérite personnel
rester dans l'ombre et dans la pauvreté à cause de leur
habit toujours déchiré ou de leur chapeau tout à fait
ridicule. Et l'on songeait avec douleur, en les voyant
passer, qu'une simple affaire de vêtement ferait appa-
raître et mettrait en valeur et leur travail et leur talent.
Comme dit le proverbe : Pour un point, Martin per-
dit son âne /
.- 62 -

III — De la Tenue

Il ne suffit pas d'avoir le costume, il faut avoir la


tenue qui met en valeur le costume.
Et d'abord, il faut avoir le sourire. C'est le soleil,
c'est le beau temps de la physionomie. Il éclaire les
traits les plus durs et les plus ingrats. Il facilite les rela-
tions et parvient à dérider les gens les plus moroses,
ce qui constitue déjà une victoire.
D'aucuns prétendent qu'il est bon de se créer un
type. Cela est exagéré. Votre type se sculpte lui-même
sous l'effort de la vie que vous menez, et votre
amour du travail, de même que votre intelligence décu-
plée, se reflètent sur votre visage.
Portez la barbe, ayez la moustache, soyez rasé, peu
importe, si cela convient à votre physionomie et si cela
répond à votre allure.
Votre allure doit être aisée, libre, sans forfanterie,
virilement modeste.
Votre manière de vous présenter sera sobre, élégante,
avec de la considération visible pour les autres et du
respect pour vous-même. Si votre allure est défectueuse,
corrigez-la, car vous offusqueriez ceux que vous voulez
approcher par un sans-gêne trop grossier ou par une
roideur glaciale, deux écueils sur lesquels on échoue.
La franchise et l'aisance des manières sont deux qua-
lités nécessaires. Tout le monde les apprécie.
- -63

Montrez, en parlant, le plus grand sérieux. Cela vous


vaudra une attention soutenue do la part de vos interlo-
cuteurs. Vous leur suggérerez ainsi les pensées que vous
désirez leur mettre dans la tête. Votre parole sera
d'argent vif, au lieu qu'elle se changerait en cuivre si
l'on vous écoutait distraitement.
Serrez la main aux autres avec une sympathie virile.
La mollesse hésitante d'une poignéo de mains res-
semble parfois à une restriction et à un mensonge. Au
contraire, la poignée de mains vigoureuse et pleine
donne l'impression qu'on va traiter ou causer avec un
homme ouvert, franc, loyal et sainement joyeux. Elle
est déjà une sorte de prologue au dialogue ou au duel
qui va commencer. Et cela est très important.
Le magnétisme du regard doit suivre la poignée de
mrin. Il attire à la fois et il subjugue.
Uno âme droite a un regard c roit. Une âme fourbe a
un regard brisé. De me me que la ligne droite est le plus
court chemin d'un point à un autre point, de même le
regard droit est le plus court chemin pour aller jusqu'à
l'âme de celui auquel on s'adresse.
Si vous avez une demande à exprimer, un emploi à
solliciter, mettez, sans fausse modestie, les yeux dans les
yeux de votre interlocuteur, et pensez très fortement
que vous ne voulez pas qu'il vous refuse. C'est un moyen
qui donne des résultats.
Les plus minimes soins personnels ne sont nullement
à négliger. Ils relèvent souvent jusqu'à l'élégance la
modestie du costume.
Soyez toujours rasé de frais, que vos mains et vos
ongles soient d'une propreté stricte, vos souliers brillants
comme des miroirs, vos habits méthodiquement brossés.
Ainsi vous pourrez apparaître partout et si l'on peut
deviner que vous êtes pauvre et ambitieux pour le
moment, on ne doutera pas que vous ne deveniez riche.
- -64

Les soins précis à donner aux cheveux et aux dents


sont indiqués par les manuels d'hygiène et nous n'en
parlerons pas dans cette étude.
L'écriture elle-même doit avoir sa tenue. Elle peut
être plus ou moins belle, plus ou moins régulière. FUe
n'a pas le droit d'être déplaisante ou illisible. Les gens
qui prendraient trop de peine pour déchiffrer vos lettres,
pattes de mouche ou hiéroglyphes, ne pourraient pas

ensuite prendre l'intérêt nécessaire à ce que contiennent
ces lettres. Celui qui tient à être lu ne doit pas infliger
à son lecteur un supplice chinois.
Tous ces précoptes de tenue sont faits pour vous faire
acquérir, par l'éducation physique, la maîtrise do vous-
même. Une bonne santé favorise une bonne tenue,
et l'allure se ressent toujours de l'état de l'estomac,
du coeur et des nerfs. Digérez bien, soyez calme, soyez
régulier, et vous donnerez l'impression d'un parfait
gentleman. Votre volonté puissante animera et anoblira
votre attitude physique.
La tenue veut de même que l'on no montre point ses
douleurs et ses chagrins. C'est d'ailleurs un moyen de les
diminuer, car on souffre souvent d'autant plus que l'on
croit souffrir, ou qu'on fait une trop grande attontion
à sa souffrance.
Il y a une tenue devant la vie. Il faut l'accepter
telle qu'elle est, sans bouderie, et lui présenter le même
visage qu'à ceux dont on veut obtenir quelque chose.
La vie sourit à ceux qui lui sourient. La vie boude à ceux
qui lui boudent,
Les maladroits sans tenue qui crient, qui mau-
dissent, qui vitupèrent les uns et les autres, sont simple-
ment des prédestinés à un échec certain et lamentable.
Il ne faudrait cependant pas confondre la gaieté
et la bonne humeur avec le tempérament trop expan*
-65 -
sif qui fait naître la mauvaise plaisanterie. Ce sont
deux choses bien différentes et tout à fait contra-
dictoires. La mauvaise ou la bruyante plaisanterie
révèle un manque absolu de tenuo ou de savoir-vivre.
Elle crée des ennemis mortels.
Le secret d'une gaieté de bonne tenue nous empêche,
en outre, de causer au prochain l'ennui de nous voir de
mauvaise mine, si nous avons eu quelque déboire.
Dans le malheur ou dans le bonheur, il faut toujours
se montrer gai, affable, avenant envers ses supérieurs.
C'est le moyen d'obtenir de l'avancement, de monter
en grade, et do conquérir le poste qu'on convoite.
Dans le malheur ou dans le bonheur, il faut toujours
faire bonne mine à ses inférieurs, car ainsi on obtiendra
d'eux des services plus considérables et plus volontaires.
Rien n'est si décourageant qu'uno mine renfrognée
ou des paroles empreintes d'amertume.
D'autres nomment la tenue de l'urbanité. L'urba-
nité est une résultante de la tenue. Ello est faite d'un
sourire indulgent, d'un conseil complaisant, d'un
renseignement poli... L'urbanité est une vertu délicate
cultivéo dans le jardin de la politesse.
Tous les grands hommes ont eu do la tenuo ; tous les
hommes qui sont devenus riches ont développé en eux
les qualités de politesse. Tout le monde sait combien
Victor Hugo était affable, combien Franklin savait
trouver les justes réparties, combien Pasteur avait le
sourire facile.
Il faut suivre ces illustres exemples, et s'inquiéter
toujours de l'opinion do ses voisins ou de ses relations.
On doit commander, dans co but, jusqu'à son moindre
geste.
Cela n'exclut pas l'énergie de savoir se défendre en cas
d'une attaque traltresso ou directe. Il faut chasser le3
- -66

impolis notoires et so montrer glacial vis-à-vis des


brutaux.
On doit imposer, envers et contre toutes les tentatives,
le respect de soi-même aux autres, le respect de son intel-
ligence, le respect de sa moralité, le respect de sa santé,
le respect de sa force. Les faibles polis sont des vaincus
d'avance.
Que nos lecteurs ne se figurent pas qu'une éducation,
pour être poli et plein de tenue, est absolument
nécessaire dès les premières années. Comme tout le reste,
grâce à une énergique volonté, cette vertu peut s'appren-
dre à tous les âges.
Quand on est demeuré longtemps fruste, la tenue
demande plus d'application. Mais on l'acquiert tout de
même.
Un bon système, pour cette culture, c'est de se
mettre soi-même en observation, do noter ses fautes
de tenue, ses manques d'urbanité, et de les corriger
au fur et à mesure. C'est aussi, ensuite, do calculer
leurs conséquences dans la vie pratique. On sera
tellement effrayé, que la peur de ne pas réussir, quelque-
fois à cause d'une simple et bête impolitesse, incitera
à se guérir rapidement.
La tenue est l'aboutissement do notro éducation
physique et son couronnement logique.
Prouvons-le. Premièrement, vous cherchez, par des
mesures d'hygiène, en vous levant matin, en vous cou-
chant tôt, en mangeant rationnellement, en vous repo-
sant, en faisant do l'exercice, en vous abstenant d'alcool
et de tabac, à acquérir une santé do fer et d'acier.
Deuxièmement, cette santé uno fois établie, votre corps
souple, robuste et nerveux demande à être moulé dans
un costumo solide et pratique.
- -67

Et c'est alors que la tenue s'impose, car la santé


de votre physique et la commodité de votre costume
ne sont pas un luxe vain. Ils vous permettent les gestes
gracieux, les gestes autoritaires, les gestes sympathiques
et les gestes énergiques dont la synthèse forme le geste
d'appel auquel répond le plus volontiers cette dame
amoureuse de politesse : La Fortune,
CHAPITRE V

LE TRAVAIL

I
- La Méthode

Les trois Éducations dont nous venons de vous


parler no porteraient pas do fruits sans le moteur
incomparable qui stimule tout et fait tout aboutir :
le Travail î
Les fortunes durables sont celles qui ont été édi-
fiées par le Travail. Celles qui sont le produit du jeu,
do la loterie ou de l'héritage, sont des édifices fragiles,
des châteaux de cartes qu'éparpille et renverse un
coup de vent du destin.
Travaillez méthodiquement et assidûment, dirons-
nous aux énergiques modernes, et sans vous Boucier
même d'être rétribué en conséquence, Cela vient tou-
jours par surcroît.
Mais il ne suffit pas d'êtro actif, il faut l'être à bon
escient. Ayez une méthode solide et indéracinable,
— 70 -
Le Travail, c'est la santé. Or, pour votre santé,
vous vous levez de bonne heure. Vous travaillerez
par suite, dès que vous serez debout, et vous verrez
comme vos conceptions seront claires, comme votre
cerveau et votre main vous obéiront alertement. Le
labeur du matin est le plus productif. C'est le départ
do la journée. Il faut qu'il soit rapide.
Lo classemont de vos projets et la division logique
de vo3 efforts sont une conséquence naturelle de cette
méthode. Vous ne pouvez, si vous voulez réussir,
butiner de côté et d'autre comme un papillon volage.
Il faut vous fixer sur la tâche entreprise et ne passer
à la tâche suivante qu'après achèvement de la pre-
mière.
Selon les travaux et les professions, les détails mé-
thodiques pratiques diffèrent, mais, en règle générale,
il ne faut pas faire deux choses à la fois. Un proverbe
dit avec raison et de manière expressive : Qui trop
embrasse mal êtreint.
L'homme qui no travaille pas est une non-valeur
sociale, Il tombe, rapidement, de l'indolence dans,
l'oisiveté absolue, do l'oisiveté absolue dons l'ennui
profond, et à la fin devient uno loque qui n'a de nom
dans aucune langue.
L'absence de méthode est presquo aussi nuisible
que l'absence de travail. Elle mêle, elle embrouille
l'écheveau des besognes. Elle est semblable à une
roue d'usine qui tournerait toujours sans enrouler les
courroies qui la doivent relier aux autres roues et qui
empêcherait ainsi de fonctionner lo tout.
La méthode a cet avantage très grand do faire aper-
cevoir, peu à peu, lo but. Par elle on s'achemine vers
.la fin de la journée par des chemins bien tracés, qui
np dissimulent ni escarpements, ni précipices.
- 71 —

Elle ne doit pas être cependant draconienne et


absolument tyrannique. Comme pour les règles d'hy- .

giène, nous conseillons de la proportionner à votre


tempérament.
Et ce travail ainsi compris sera le meilleur tonique
pour lo corps. Il fera naître la joie, la certitude d'être
utile. On se sentira équilibré, sûr de soi, plein d'ardeur.
Si vous réglez votre vie, cette vie ne sera plus aride
et desséchée. Elle prendra de la couleur et de la beauté.
Elle vaudra la peine d'être vécue. Et quelle supério-
rité vous aurez sur ceux qui vont au hasard, commo des
âmes en peine, indécis, troublés et incertains. Vous
aurez sur eux, vous, les coureurs de la Fortune, une
avance magnifique de plusieurs kilomètres, et soyez
bien sûr qu'ils ne vous disputeront pas le poteau d'ar-
rivée.
Travaillez méthodiquement et les intérêts accumulés
de votre travail deviendront les fondements inébran-
lables de votre futur capital !
Prenons, pour en finir avec la méthode, l'exemple
du romancier Marcel Prévost. Un roman est une oeuvre
d'art méthodique, un travail do pensée et d'ordon-
nance. Voici comment il s'y prend pour composer
les siens. Une revue nous lo révélait *out dernière-
ment.
Il compose d'abord un plan très détaillé de son
sujet, paragraphe par paragraphe, sans se contenter
d'indiquer les chapitres. C'est déjà presque un petit
roman qu'il écrit. Puis il reprend par le commence-
ment, et développant à mesure chaque paragraphe,
il construit l'oeuvre commo un maçon construit une
maison ! fondements, rez-de-chaussée, premier étage,
etc. Il procède avec une hâte lente si l'on peut dire,
et sa demeure romanesque est toujours solide.
- -72

Hâtez-vous lentement, c'est le conseil


que nous vous
donnerons ici, Sous son air légèrement paradoxal,
il contient une vérité de premier ordre. Il
ne faut pas
être pressé, quand on s'attelle à la besogne, mais il faut
ne
pas non plus s'arrêter à tour les carrefours de la distrac-
tion. Il y a une harmonie du labeur
comme il y a
une harmonie physique.
— 73 -

II
— L'Amour de ce qu'on fait

^Mais il n'y a pas de méthode possible, si vous n'aimez


pas ce que vous faites. Il faut adorer sa profession
pour élaborer les règles sévères du travail quotidien.
Ensuite, si l'on aime sa profession, cela no doit pas
être en général, il faut en goûter tous les détails,
même les plus humbles ; il faut aimer la ligne qu'on
écrit si l'on est écrivain, l'embryon d'affaire qui s'ébau-
che si l'on s'occupe d'affaires, la galerie de mines qu'on
édifie si l'on est ingénieur. Car ce sont ces petites
sympathies successives qui constituent l'amour de ce
qu'on fait.
Si l'on est indifférent, si l'on devient une machine,
on pourra avoir les avantages restreints do la machine,
mais ce qui fait lo prix des oeuvres de l'intelligence
humaine manquera à uno oeuvre dédaignée.
Tous ceux qui sont devenus riches ont eu un ardent
amour do leur oeuvre. Cet amour a vivifié ohaque
partie de cette oeuvre, il est commo lo sang généreux qui
animo le corps humain. Un labeur sans amour est un
labour d'automate. C'est l'amour qui produit la fécon-
dité et la richesse.
D'ailleurs, comment peut-il se faire qu'on puisso no
pas aimer lo travail, puisquo lo travail est un bonheur,
uno joio inestimable ? Il porto en lui l'idée do lutte,
de conquête, de résultat, do victoire. Celui qui compte
.-*•
74-
sur lui comme jouissance ne sera jamais déçu. Les autres
plaisirs ont leurs revers, leur satiété. On en a vito fait
le tour. Lo travail seul est toujours nouveau, Il donne
toujours des satisfactions inespérées.
Si cet amour se développe, grandit et devient pas-
sion, il donne naissance aux hautes destinées et aux
colossales fortunes modernes. Cette passion s'enra-
cine même au coeur de ceux qui sont parvenus au point
qu'au faîte des honneurs ils ne peuvent s'empêcher
de travailler encore. Elle devient « leur vie » et ils péri-
raient s'ils no travallaient plus.
Pour défendre ses intérêts, il faut aimer ses intérêts.
Un défenseur qui n'est pas passionné est vaincu avant
mémo d'avoir combattu. Non pas qu'il faille manquor
de sang-froid. Mais le sang-froid n'existe justement
pas chez les indifférents. Us fuient, ils se dérobent
devant le premier obstacle.
Aimez ce que vous faites et vous en aurez tout lo
prix.
— 75 -

III
— L'Art de prendre pied

Si vous ne remettez jamais au lendemain ce que vous


pouvez faire lo jour même, et si vous ne mettez jamais
un travail do côté sans l'avoir, au préalable, achevé,
vous connaissez jusqu'à l'évidence, l'art de prendre
pied dans votre profession.
Votre travail régulier vous permettra de faire des
économies, ces économies vous constitueront peu à
peu votre premier petit capital. Ce capital, soigneuse-
ment mis de côté, vous donnera la sécurité, la tran»
quillité nécessaire pour affronter d'autres entreprises.
Ce qui fait que beaucoup do personnes ont l'air
de tourner autour de leur vie commo un choval de
cirque tourne autour d'une piste, sans faire de chemin,
sans avancer, c'est qu'elles ont négligé ce premier
travail productif.
Si vous songiez uno minute à quelle sommo énorme
s'élèveraient les centimes inutiles que vous avez
dépensés pour des futilités, vous feriez gravement
attention avant do vous risquer à uno dépense. Les
Anglais disent : « Lo temps c'est de l'argent I » Disons
aussi : « L'argent c'est du temps I » et nous n'aurons
pas tort.
Si vous calculiez aussi toutes les minutes inemployées
ou mal employées de votre existence humaine relati-
- -76

vement courte, vous auriez un gesto d'effroi devant le


résultat do votre calcul.
L'art de prendre pied dans la vie, de dovenir un
homme énergique résolu à la fortune, c'est l'art d'éco-
nomiser l'argent, d'économiser le temps, et par ce
faisceau d'économies, de conquérir alors de l'argent et
du temps.
Il faut savoir aussi profiter des occasions favorables
ou inespérées. L'occasion passe comme un éclair. Il
faut capter cet éclair.
Tous les grands hommes et tous les hommes for-
tunés ont sauté au bon moment sur le cheval de la
richesse. Us ont mis, à l'heure voulue, le pied à l'étrier.
Ce n'est pas eux qui auraient, comme on dit à Paris,
gaffé. Ils ont su mener leur barque à l'abri des cou-
rants dangereux, tendre leur voile au zéphyr favo-
rable.
Suivez leur exemple, sentez venir le vent au baro-
mètre de votre destinée.
— 77 -

IV Vous travaillez pour vous


Mettez-vous bien dans la tête que vous travaillez


pour vous, mémo quand vous avez l'air de travailler
pour les autres. C'est pourquoi tout labeur sera accom-
pli par vos soins en vous souvenant de la maxime du
Christ : Ne fais pas à autrui ce que tu ne ferais pas à
toi-même. Ne gâchez jamais le travail d'un patron.
C'est lo pire des crimes sociaux.
Lorsque vous travaillez dans une maison, ce qui est
utile à cette maison deviendra utile à vous-même,
attendu que le chef augmentera le salaire de ceux qui
montreront do l'intérêt à son entreprise.
Tout hommo aura, dans uno maison, l'occasion do
donner des preuves de ses capacités, et co sont seu-
lement ceux qui auront fourni ces preuves qui devien-
dront par la suite des associés dans la maison où ils
travaillent.
Cette association lour donnera l'indépondance, et
combien de riches Américains ont commencé leur car-
rière en débutant par des emplois très modestes dans
l'exercice desquels ils ont montré toute leur valeur !
En Amérique, la plupart des grandes inventions
ne proviennent pas d'ingénieurs ou d'industriels, mais
bien de simples ouvriers ; co sont eux qui deviennent
—78 -
plus tard des propriétaires d'uanes. Ils ont travaillé
pour eux.
Ces inventeurs, qui débutent dans la vie aux postes
les plus modestes et arrivent ensuite aux plus hautes
situations, fournissent la meilleure preuve qu'une ferme
volonté doublée d'une habileté active conduit de la
vie la plus pénible au bien-être le plus grand.
Seul, l'homme habile qui travaille pour les autres
comme pour lui conquiert le monde.
Si toutefois vous aviez choisi, à tort d'ailleurs, une
occupation qui vous déplaise, il ne faudrait pas vous en
chagriner, mais au contrairo chercher à en découvrir
le côté le plus intéressant et la respecter tout de même,
car chaque occupation, la plus plaisante ou la plus
dure, a ses bons et mauvais côtés.
Les grincheux qui ne veulent voir partout que
peine et que déplaisir sont des candidats à l'échec
fatal. Il faut un bon coup de soleil pour amener le
beau temps.
Lo faux égoïsme, l'égoïsme certainement très mal
compris, et auquel La Rochefoucault n'aurait pas
souscrit, croit très habile de faire le moins de travail
possible pour les autres.
C'est un raisonnement tout à fait stupido do petit
fonctionnaire qui veut demeurer éternellement assis
sur le même rond de cuir. Les hommes d'énergie
modernes no lo tiennent jamais. Co no sont, à aucun
moment, des immobiles, Ils ne prennent leur retraite que
contraints par la maladie ou par l'âge.
La hardiesse et l'activité ne permettent d'ailleurs
pas de penser si l'on travaille pour soi ou pour
autrui. Ces raisonnements sont des chicanes de pares-
seux ou des querelles d'incapables. Un patron intel-
ligent, qui entend do pareils propos dans la boucho do
- -79

ses employés, doit à la prospérité de son entreprise de


les remercier vivement.
A toutes les tâches on peut donner une forme per-
sonnelle. Certes, c'est la même terre glaise qui sert à
tous les sculpteurs, mais, sous leurs doigts divers,
elle se mue, harmonieuse, en cent images différentes
et belles 1
- -80

V Le Rythme du Travail

ou " le Jour et la Nuit "

Le Travail, éducateur excellent do la volonté, doit


avoir uno sorte do rythme. Car lo travail est la poésie
de la journée et cette journée doit être bien remplie.
Le matin, nous vous l'avons déjà dit, mais cela peut
se répéter, est très favorable au travail, car les heures
dorées de l'aurore éclairent le labeur mental.
Si vous voulez être normal et no pas contrarier, à
vos dépens, la loi naturelle, .adoptez comme principe
de no jamais travailler pendant le temps qui doit être
employé au repos de votre corps. Effort lo jour, et
repos la nuit.
Surtout ne travaillez pas immédiatement après avoir
mangé. C'est plus qu'une faute, c'est uno imprudence
grave, car votre digestion serait contrariée et vous
auriez des lourdeurs de tête. Le travail intellectuel
no commence qu'après la sieste. C'est uno règle à no
pas enfreindre.
Changez de travail do temps en temps, rythmique-
ment, de cotte façon la fatigue sera insensible et l'esprit
sera sainement diverti.
La nuit use l'homme qui veut l'employer à sa besogne.
Elle est le moment lo plus mauvais pour les travaux
intellectuels, car le corps et le cerveau ont besoin d'un
-81 -
repos absolu, et si vous leur ravissez ce repos néces-
saire, ils ne pourront remplir leurs fonctions durant
la journée suivante.
Lt, surmenage, o'est comme le galop inutile des
chevaux fourbus. Il mine votre santé et vous conduit
infailliblement à la maladie.
De même, il ne faut jamais s'adonner à des travaux
fatigants après avoir Bubi une maladie, si le corps est
encore en convalescence et s'il n'a pas enfin reconquis
toute sa vigueur et toute sa force.
Quand on est sujet ou exposé à des fatigues physiques,
il faut éviter de se sui mener intellectuellement. Aussi-
tôt que l'on so sent la<*, il faut s'arrêter et se reposer.
On reprendra ensuite plus gaiement la besogno sus-
pendue. « Ne forcez pas votre talent, a dit lo poète, vous
ne feriez rien avec grâce »
1

Si vous êtes surchargé de besogno et si, pour une


raison quelconque, vous ne savez où donner de la tête,
prenez tout d'abord ce qui vous tracasse le plus, faites
en sorte de bien étudier la question ot do lui donner la
solution convcnablo, après y avoir mûrement réfléchi.
C'est seulement après ce travail éliminatoire quo vous
vous occuperez d'en solutionner un autre, par ordre
d'importance, et ainsi de suite.
Allégez votre cerveau de toutes autres questions
pendantes, commo si nulle autro choso n'existait au
mondo quo vous-même et la question à solutionner
d'urgence.
Le calme et la réflexion donnent au travail son
rythme normal.
Les personnes qui sont très occupées devraient noter
la veille au soir tout co qu'elles doivent exécuter lo
lendemain. D'abord, la mémoire et l'esprit seront sou-
lagés d'un poids inutile et pesant. Car il est fastidieux
de toujours so demander co qui reste à accomplir.
-82-
Ensuite, on sera étonné de voir combien on vient faci-
lement à bout de sa tâche si l'on résout une par uno
r
les questions que l'on- s'est proposé d'examiner et
dont on a pris bonne note. Qu'on prenne donc, tous
les: soirs, le temps nécessaire pour réfléchir au labeur
du lendemain et inscrire la portion à exécuter. Et que
cette note soit écrite telle qu'elle se présente à votre
esprit. Soyez précis dans l'annotation et exact dans
l'exécution.
Si vous ajournez trop de choses au lendemain, vous
trouverez ce lendemain tout chargé et tout rempli des
affaires qui le concernent ou des affaires survenues.
C'est la désagréable surprise qui attend les paresseux.
Si vous préparez consciencieusement votre devoir
du lendemain, vous n'aurez pas besoin de vous préoc-
cuper à l'avance de l'emploi des jours suivants. Leur
plan se tracera de lui-même à son heure.
Ne vous laissez jamais détourner de votre travail.
Moins il s'écoulera de temps entre son élaboration et
son exécution, plus il aura de chances d'être parfaite-
ment et strictement exécuté. L'acte doit suivre le
geste.
La plupart des personnes qui occupent une situation
importante, et dont les occupations sont fort nombreu-
ses, ne laissent jamais voir qu'elles n'ont pas do temps
libre pour elles. Lo rythme de leur travail «ait avoir des
temps de repos et des heures d'accueil. Au contraire,
elles s'occupent très volontiers et d'une façon très at ten-
fîvo, comme si elles n'avaient rien d'autre à faîre,des
personnes et des questions qui leur sont présentées.
C'est justement là que glt lo secret du succès. Elles
ont réussi, ces personnes habiles, par cette attention
lucide et bienveillante. Quo d'occasions manquées,
si elles avaient toujours répondu que leur temps était
— 83 -
pris Que de gens à tort méconnus qui seraient allé por-
1

ter leurs affaires à d'autres I


Le temps de travail qu'on emploie à écouter les au-
tres est loin d'être du temps perdu. Il rapporto du
cent pour cent. Si nous pouvions recevoir dix personnes
à la fois, chaque jour, notre fortune serait faite.
Ne croyez pas, pour cela, quo nous vous incitons
à écouter longuement certains importuns ou certains
quémandeurs. Il est toujours bon, toutefois, de voir
ce que les gens désirent.
Pour éviter toute surprise et toute perte inutile de
temps, une psychologie naturelle sera un auxiliaire
puissant. Si vous avez l'esprit clair et déductif, vous
aurez vite vu à qui vous allez avoir à faire. Un habit,
une parole, un geste, une exclamation, vous auront
vite renseigné sur la personne et sur les intentions de
votre interlocuteur. Et ce sera lo moment de montrer
votre perspicacité.
Evitez, autant que possible, de recevoir les gens
la nuit. La lumière du plein jour donne tout leur relief
aux physionomies et on ne lit bien dans les yeux que
dans la clarté n'aturelle. Mais ceci est un simple conseil
qui n'a pas l'importance des quelques réflexions ci-
dessus émises et auxquelles vous penserez.
-84-

VI — Les Changements nécessaires

Si l'on veut énergiquement faire fortune, il ne faut


pas travailler sans espoir de résultat certain. Beaucoup
de gens, veules et timides, préfèrent demeurer dans une
situation médiocre et toucher de maigres salaires,
éternellement maigres, plutôt que d'avoir l'audace de
changer de travail. Us attendent, placidement, un
changement miraculeux qui no surviendra jamais.
Si une profession ne vous donne vraiment pas satis-
faction ou ne vous procure pas une rémunération suf-
fisante, il faut l'abandonner et se chercher une profes-
sion mieux rétribuée avec, devant soi, l'horizon de la
fortune future.
Il ne faut pas brusquer les choses et changer de
profession comme de chemise, sous de vains prétextes.
On doit peser le pour et le contre et tâcher do n'aban-
donner un posto que lorsqu'on est sûr d'occuper rapi-
dement un autre posto.
En Amérique, par exemple, on n'hésite pas à changer
de situation autant que les circonstances l'exigent.
On croit avec raison quo l'état statique est nuisible
à la réussite. Il faut courir habilement après la Fortune.
Tous les milliardaires américains ont réussi en
changeant toujours et méthodiquement de profession,
jusqu'à ce qu'ils aient trouvé cello qui permettait
l'emploi de leurs connaissances et lo développement
- -85

de leurs capacités. Il leur fallait à tout prix une situa-


tion contenant la plus grande chance de succès.
Mais partout, dans une situation humble comme dans
un poste très élevé, une règle fondamentale domine
les hommes modernes encore plus que les anciens,
et cette règle de vie inéluctable c'est :
LE TRAVAIL
CHAPITRIi VI

UNE QERBE DE CONSEILS

Nous allons lier pour vous une gerbo de pensées et de


conseils, cueillis au jardin de notre expérience. Ces
conseils disparates n'ont pu trouver place dans nos
précédents chapitres. Ce sont les glanes, après la mois-
son. Écoutez-les très attentivement et faites-en votre
profit.

Une pensée qui n'est pas le fruit de l'expérience et


qui n'est pas « un conseil » est une pensée stérile.

C'est votre travail qui doit plaider en votre faveur et


non vos propres paroles. Les paroles s'envolent, mais tes
actes restent.

Garfield a dit : <t N*attendez pas qu'une occasion se


présente. Allez mi-devanl ocelle et créez-vous vous-même
une occasion ».
Savoir parler, c'est bien, Savoir écouter, c%est mieux»
-88-
Si vous êtes obligé de parler de vous, ne forcez pas
l'admiration de vos auditeurs. Votre éloge n'est pas néces-
sairement au fond de leur pensée.

Ne fréquentez jamais la mauvaise société, car le


proverbe dit avec raison : « Dis-moi qui tu hantes et je te
dirai qui tu es / »

Evitez les gens qui se donnent un vernis léger de


bonne société. On vous croirait superficiel.

Ne discutez jamais avec des gens doués de senti»


ments vils. Vous seriez toujours dans une situation défa-
vorable. On ne discute qu'entre honnêtes gens.

La première impression est souvent la bonne, car


elle provient de l'instinct. Chacun a son « flair » per-
sonnel.

L'homme change difficilement de caractère au cours


des ans. Si l'on arrive à découvrir un défaut chez quel-
qu'un, il faut toujours compter avec ce défaut.

Ne pénétrez pas dans l'intimité d'autrui, et qu'autrui


respecte votre intimité.

Ne vous abaissez pas jusqu'à un monde inférieur au


oôtre, Si vous voulez monter, regardez en haut et fré-
quentez les personnes d'un rang supérieur.

Vous ne devez jamais prêter de Vargent à un ami,


car de celte façon vous lui rendrez le plus grand service.
Vous garderez son amitié qui, sans cela, en souffrirait et
se romprait sans doute.
-89 -
On ne doit famais entrer dans une chambre sans
frapper, même dans celle de son ami intime.

Il ne faut famais lire les lettres ou la correspon-


dance de tierces personnes, car il existe dans la vie des
situations qui doivent être ignorées de tous.

L'ennemi le plus redoutable, c'est l'ancien ami. C'est


pourquoi il est très dangereux de se confier à un autre
sans restriction.
L'amitié demande une connaissance approfondie,
et ce n'est point l'affaire d'un jour» Encore moins d'une
heure.

N'acceptez jamais les cadeaux que vous ne pourrez


pas rendre directement ou indirectement.
La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne.
Un service modeste, mais discret, est plus apprécié qu'un
grand service rendu avec insolence.

Le plaisir de recevoir est double lorsqu'on sait que


le donateur ne s'est pas dérangé au-dessus de ses forces
et n'a pas dépensé au-dessus de ses moyens.

Celui qui ne sait pas faire de « concessions » ne


trouvera jamais de bonnes occasions, La « concession »
habile attire l'or.

Ne négligez pas la fréquentation des dames. Leur


sourire a beaucoup de puissance sur la Fortune.

Beaucoup de gens n'ont réussi que grâce à l'influence


des dames. C'est même le grand nombre.
— 90-
Veillez àce que la première impression que vous
produirez sur une dame soii la meilleure. Car les dames
ont un oeil plus exercé que les hommes, et vous serez
jugé de prime abord, car leur jugement est instinctif.

On ne doit jamais parler d'affaires avec les femmes.


Ce n'est pas le lieu.

Il ne faut pas non plus perdre son temps en d'inu-


tiles fleurettes. Il faut les intéresser et les captiver.

La raison pour laquelle relativement peu de per-


sonnes réussissent dans la vie et deviennent riches, c'est
parce qu'elles sont encore trop esclaves de vieilles coutumes,
transmises par nos aïeux et surannées aujourd'hui. Il
faut être de son temps.
Autrefois, on croyait généralement que les personnes
pauvres devaient mourir pauvres. On se contentait alors
de sa situation et Von regardait comme des dieux ou des
phénomènes les quelques rares personnes sorties de leur
rang et devenues riches. Vâge moderne dit de celui qui
réussit : il a été énergique et habile /
Tout homme raisonnable devrait prendre comme
exemple les Rockjeller et les Carnegie qui, ainsi que dit
l'Anglais, sont des « self made men », c'est-à-dire « des
constructeurs d'eux-mêmes »- On doit se mettre en tête
qu'on peut faire ce qu'Us ont fait. Leur vie n'est pas un
miracle ni une chance. C'est un fait provoqué par des
actes,
La peur paralyse tente entreprise, Ayez du courage
et vous réussirez,
La crainte de la concurrence n'est pas du tout le
commencement de la sagesse. C'est le signe certain d'une
- -91

faiblesse innée. Quand on est capable on ne craint pas


la capacité des autres.

Il faut être moderne avant tout. Que vos pensées


n'aillent pas en diligence quand les pensées des autres
vont en automobile.

En général cen'est pas le fortuné natif qui arrive


à la richesse, mais bien le pauvre qui doit travailler et
lutter pour gagner son pain.

Les plus grands savants et les plus célèbres inven-


teurs, ainsi que les négociants et les industriels les plus
ricfies, sont fils de parents pauvres.

Celui qui ne dépend que de soi-même et doit lutter a


les plus grandes chances de succès.

Un très bon moyen de réaliser des économies, c'est


d'annoter, pendant un certain temps, toutes les dépenses,
même les plus minimes, et d'examiner ensuite leur néces-
sité ou leur superfluitê. On fera alors des constatations tout
à fait surprenantes et l'on se corrigera.'

Si vous changez d'emploi on si vous le perdez, ayez,


pour demeurer assis, le bon fauteuil de vos économies,
Pour saisir au vol une circonstance, il suffît quel-
quefois d'un mince filet d'argent.

On ne fait sa vie qu'à l'âge oà on la connaît bien


Expérience vaut mieux que jeune science.

La spéculation est un leurre. Elle rfélève que pour


mieux abaisser.
- -92

Qui ne risque rien n'a rien. Un petit capital bien


risqué devient la base d'une fortune.

L'assimilation est le complément des capacités.


Etre probe et habile ne suffit pas. Il faut butiner so?i miel
sur toutes les fleurs.
Pour arriver à bien savoir quelque chose il faut
faire semblant de l'ignorer.

Tenez compte que la vanité et l'ambition comman-


dent les actes des hommes.

C'est la vanité qui incite à devenir poli et attentif


vis-à-vis des femmes auxquelles on déplaît et des hommes
que Von méprise. Et cette attitude est dictée pas l'espoir
de conquérir leur sympathie.

Si vous êtes deux à désirer la sympathie d'un troi-


sième, voici la tactique à suivre : soyez extrêmement poli
avec votre concurrent, agissez comme s'il était votre meilleur
ami. Une assurance certaine naîtra pour vous de cette
manière d'agir.

Avoir de l'empire sur soi-même, c'est être capable


de grandes affaires.

Ne faites pas ressortir les défauts des ,:ulres, car


ils pourraient bien faire ressortir les vôtres.

On a souvent besoin d'un plus petit que soi, c'est ce


qui fait que l'on doit être poli envers tout le monde.

Laissez naître chez les autres l'espérance que vous


pourrez leur être utile, sans toutefois, et d'un seul coup,
-93-
leur donner entière satisfaction. Au contraire, persuadez-
les qu'ils auront toujours besoin de vous.

La cordialité est le baume des séparations néces-


saires. La brusquerie crée de mortels ennemis.

La haine est un sentiment vil qui engendre l'insuccès.

La vue de Vénervement tue la confiance. L'homme


énervé peut être zélé, on aura toujours peur de ses dé-
faillances.

On a confiance dans les personnes qui vous donnent


l'impression de la tranquillité et de l'assurance. On leur
demande conseil. Les hommes se rassemblent le plus
volontiers autour des chefs qui sont le plus de sang-froid
dans les moments critiques.

Il est extraordinaire combien certaines habitudes et


certaines particularités insignifiantes, auxquelles on n'at-
tache aucune importance, exercent une influence pré-
pondérante sur le caractère et l'esprit des gens. Par
exemple, toujours porter en se promenant un objet qui
ne vous est pas indispensable est une habitude dont on
doit se débarrasser. La canne surtout est une mode ancienne,
du temps des marquis à perruque, oà la lutte pour la
vie était moins difficile qu'aujourd'hui. On a besoin, à
l'heure actuelle, de ses deux poings.

Si insignifiante que vous paraisse cette coutume, au


premier abord, et malgré qu'il ne semble guère exister de
rapport entre le fait du port de la canne et Vesprit ou le
caractère de quelqu'un, en y regardant de plus près, cette
particularité vous prouve d'abord qu'il a la liberté de
ses deux bras. Cette liberté lui procure en se promenant
— i)-t —

une sensation de sécurité et de confiance qui se reflète


dans sa physionomie. Or, la démarche influe sur l'être
physique, et l'être physique sur l'être moral.
Remarquez bien que les personnes qui ne sont pas
sûres d'elles-mêmes, les timorés, les timides et les hou-
leux, et auxquelles, en un mot, manque le sentiment de
leur sécurité, ont 'a manie d'occuper leurs mains en
touchant un objet quelconque ou une partie de leur vête-
ment. Remarquez, au contraire, que les gens pondérés cl
de sang-froid ne dissimulent ni leurs mains ni leurs
gestes. Ils se meuvent librement et leur allure est har-
monieuse.
Balzac reconnaissait, dans la rue, la profession des
passants. Cela est très naturel. Vous pouvez reconnaître
l'emploi des gens à leur physionomie, parce que les mou-
vements journaliers du corps et la manière habituelle
de penser impriment à l'allure son rythme particulier.
Ce n'est point un vain conseil que nous vous donnons
lorsque nous vous disons d'avoir « les mains libres ».
Car moins un membre est chargé, moins l'est également
la partie correspondante du cerveau ; il est prouvé, sauf
de rares exceptions, que les personnes ne se servant pas
exclusivement de la main droite pour leur travail et leurs
occupations journalières, mais se servant des deux mains,
témoignent d'une très grande supériorité sur les autres.
« Les bimanuels » surpassent les « unimanuels », si
jwus pouvons risquer ce néologisme. Par le fait de ne se
servir seulement que de la main droite, certaines parties
du cerveau sont surmenées, tandis que celles qui corres-
pondent à la main gauche restent inertes et sans grand
développement.
On peut constater aussi que les personnes utilisant
leur main gauche sont douées d'une bonne mémoire et
95 —

d'une grande facilité de compréhension. Elles ont un sur-


plus d'intelligence et d'énergie. En un mot, elles ont des
capacités supérieures. Par exemple, il est avéré que les
garçons d'hôtel et de restaurant qui, par la nature de
leur métier, sont forcément obligés de se servir simulta-
nément de teurs deux mains, possèdent une mémoire
extraordinaire et apprennent les langues étrangères avec
une facilité surprenante. Cependant, leur séjour en pays
étranger est souvent moins olonge que celui des autres
t
personnes, mais ces dernières sont bien plus longtemps
à arriver à la même perfection. Leur circonvolution fron-
tale gauche, siège de la mémoire, n'est point aussi déve-
loppée.

Chacun reconnaîtra que si l'on se servait d'une seule


jambe ou d'un seul ceil, il e:i résulterait un préjudice
énorme pour tout le xtrps. Servez-vous dune le plus pos-
sible de. la main gauche, car vous vous servirez quand
même assez souvent de la main droite sans y penser et
sans craindre un préjudice quelconque.
Si quelqu'un est sympathique à tous, dites-vous bien
que cette sympathie n'est point née spontanément. Cher-
chez-en les raisons, découvrez les mobiles, et imitez cet
homme.

Il faut surtout savoir bie?i s'adapter au milieu et


aux gc/is. César, le fameux conquérant des Gaules, ne
fut victorieux que par sa compréhension du caractère et
des moeurs du peuple qu'il ,'oulait vaincre. Ses îneilleurs
conseillers furent toujours ses ennemis.

Ne vous laissez jamais endormir dans les « délices


de Capoue » d'une sécurité passagère. Vous pourriez
être réveillé par l'assaut imprévu d'un plus fort ou d'un
plus hardi que vous.
-96-
Une vie sans action et sans mouvement est une vie
« larvaire ». Le corps, dans l'enfance, est une chrysa-
lide d'où l'activité intelligente de toutes les cellules fera
sortir un magnifique papillon.
«Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire », a dit
Nicolas Boileau. Et cela est parfaitement vrai pour le
commerce et l'industrie. Les longueurs dans les lettres
alourdissent le sens et compromettent le succès.

«
Hâtez-vous lentement et sans perdre courage », a dit
le même critique. C'est un conseil excellent, car il pré-
conise un juste milieu entre la hâte et la lenteur, ces deux
défauts, et exalte la volonté, ce vrai courage.
Les plaisirs ne sont pas défendus à celui qui tra-
vaille, mais il faut qu'ils soient pris à dose modérée, car
leur abus tuerait le goût du travail sans lequel rien ne
se construit de durable et de solide. Les plaisirs sont la
récréation du sage, mais non pas ses tyrans.
Le rire est le propre de l'homme, mais le gros rire
épais des mauvais plaisants déforme la figure et rompt
les bonnes relations.

La jouissance que procure le travail ne se peut com-


parer à aucune autre. C'est une jouissance continue qui
augmente avec l'habitude, tout au contraire des autres
jouissances.

L'esprit qui se cultive noblement acquiert une force


de conception qui se traduit en actes producteurs.

Dénombrez vos travaux et classez-les, en vous impo-


sant une tâche quotidienne, et vous vous créerez ainsi
« le point d'honneur » de les finir à l'heure.
- -97

On travaille toujours à « intérêts composés » car,


insensiblement, on parvient à s'entraîner de telle sorte
qu'au bout de l'an les résultats sont décuplés.
Il en est qui se vantent de « travailler sans repos »,
de « jour et de nuit ». Demandez-leur donc des nouvelles
sincères de leur santé.
On doit lutter contre toute maladie, car la dépres-
sion morale entraîne la dépression physique. On voit
souvent « des âmes de fer » dans des corps malingres
et la volonté de vivre fait, la plupart du temps, que Von
vit /

Si vous voulez réussir, gardez-vous des frivolités


galantes. Les hautes conceptions ne naissent pas sur les
terrains desséchés par les jeux de l'amour.
Si vous avez des soucis réels, écartez-les tout de même
de votre pensée pendant le temps nécessaire à une ten-
tative, car vous échoueriez par distraction ou par hési-
tation.
Un travail normal entraîne un sommeil normal con-
sécutif

N'érigez pas toujours en règles géfiérales vos règles


particulières. Il y a les lois de la vie, mais il y a aussi
« les décrets » personnels et originaux.

Le désir de « la renommée » est un parfait désir,


s'il ne tourne pas en vice et si vous ne recherchez pas,
de façon malsaine, « une publicité à tout prix ».

Employez toutes les ressources nouvelles que vous


offre le génie moderne. Il ne fqp pas bouder aux inven-
/'. —;'''^\ ' »
-98 -
tions, car elles simplifient souvent le travail, le rendent
plus propre, plus rapide, et n'usent pas les minutes par
des complications surannées.

a Les misonéistes » ou ennemis du progrès sont des


gens qui ne réussiront jamais, car ils seront toujours dis-
tancés par des concurrents plus hardiment novateurs.
Ne vous considérez jamais connue vaincu, et vous
aurez des chances de ramener la victoire.

«
Etre ou ne pas être », c'est la loi de la vie que pro-
fère cet indécis de Hamlet. Il faut « être » d'abord pour
« mieux être » ensuite.

Il faut se surmonter » pour pouvoir « monter


« ».
Et quand on est en haut, il fie faut pas se griser.
Il est des hommes qui vivent dans « les nuages »
et qu'on ne parvient pas à ramener jusqu'au « terre à
terre » des réalités. Aussi rencontrent-ils des précipices
sous leurs pas.
Il est d'autres hommes qui ne sont attachés qu'aux
plus basses et aux plus viles réalités, et qui ne lèvent
jamais la tête. Aussi le ciel des idées lumineuses leur est-
il toujours fermé.
Soyez des « idéalistes pratiques ». Ne croyez pas
vouée à l'insuccès une conception hardie ou risquée.
Rendez-vous compte des chances très réelles qu'elle com-
porte et ne vous abandonnez à elle qu'à bon escient. Mais
surtout fie restez pas immobiles, figés dans une attitude
de dédcin ou de mépris.

Les avares ne sont jamais des milliardaires et les


milliardaires ne sont jamais avares.
-99 -
Etre prodigue, c'est être déjà pauvre.

Dans une pièce d'or on doit lire à la jois la valeur


d'économie de cette pièce et sa « valeur de risque ». Ce
sont les deux pôles de la fortune.

Agir sans expérience, c'est agir à l'aveuglette. L'expé-


rience est la lumière des affaires et c'est pour cela que
Von dit : « la maturité de la vie », car dans la force de
l'âge cette lumière donne toute sa chaleur et mûrit tous
nos projets.
L'expérience est une richesse qui s'accumule comme
Vautre, avec cette différence qu'il ne faut pas en être éco-
nome envers soi-même.

«Parler avec sincérité » n'est pas toujours possible.


Il faut dire la vérité quand on parle, mais ne pas dire
« les vérités ».

« Fais ce que dois, advienne que dit une


pourra »,
royale maxime, mais il n'advient guère que des résultats
heureux quand on a fait ce qu'on a du. L'homme d'éner-
gie fait tout son devoir sans se préoccuper du malheur.

Quand vous aurez réussi, soyez aimables envers ceux


qui veulent réussir comme vous. Il faut sourire aux gens
de bonne et d'énergique volonté.

N'ayez jamais peur de la mort. La hantise de la


mort empêche tous les projets et paralyse tous les désirs.
Soyez confiants dans la vie.

« La fortune sourit aux audacieux disaient les


»,
Romains d'autrefois. Elle sourit aussi à ceux qui sou-
rient à l'existence.
- 100-
N'enviez pas ceux qui sont devenus riches. Imitez
leurs procédés, et vous serez contraint à l'admiration
par les résultats obtenus.
Il se peut que, dans ce livre, nous nous répétions
quelquefois. Mais c'est à dessein, car ainsi on se fait
mieux comprendre, et Napoléon disait que « la répéti-
tion est la meilleure et la plus utile des figures de rhéto-
rique ». La répétition provoque et maintient l'attention.

Ne détruisez pas les ambitions précoces des enfants.


Etudiez leur valeur, et favorisez-les si cette valeur est
réelle. Que de germes on a tué, dans les âmes enfantines,
par le découragement non justifié l
D'aucuns voilent leur paresse invétérée sous le titre
de « fantaisie ». La « fantaisie » est un divin men-
songe qu'adorent les amateurs d'heures perdues.

La fécondité de la vie est en proportion de la soli-


dité du cerveau et les « stériles » sont ceux qui Vont
engourdi par des stupéfiants ou des excitants.
Une vie absurde et désoeuvrée peuple les nuits de
cauchemars horribles. C'est le Goya des fantômes noc-
turnes, ces reproches de la hideuse paresse.

Nous vous recommandons la lecture de tous les


livres incitant à l'énergie. On ne saurait croire combien
« une idée » parfaitement assimilée peut produire, par
la suite, de résultats pratiques.
Demeurer correct et calme devant une injustice, c'est
déjà se défendre, et cela n'implique nullement un manque
d'énergie. Les meilleures raisons données dans l'empor-
tement de la colère ont un aspect de fausseté.
— 101 -
Forcez à se démasquer, par le sang-froid, celui qui
vous veut du mal.

Hommes d'énergie modernes, désireux de conquérir


la fortune, méditez ces conseils et ces avis, et, confiants
dans « votre étoile », mettez-vous en marche avec cette
nourriture intellectuelle et morale dans votre sac de vivres.
Votre réussite sera certaine, car vous éviterez ainsi les
famines possibles et les déceptions probables /
CHAPll'Itlî VII

PETIT MANUEL DU COMMERÇANT

Vous trouverez, dans ce chapitre, des conseils pra-


tiques groupés sous le titre qui les rolie le mieux :
Petit manuel du commerçant. Le commerce est une
voie excellente pour aboutir à la Fortune. Encore, ne
faut-il pas se tromper de chemin et s'égarer par impru-
dence...
Ne racontez jamais à d'autres personnes vos affaires
pécuniaires et ne les renseignez jamais sur votre manière
de traiter les affaires. Sur ces deux points soyez là
« discrétion même ».

Travaillez, autant que possible, tout seul et p, .,iez


vos décisions de même.

Etudiez les besoins des personnes qui vous entourent


et, après cette étude préalable, ne fabriquez et ne vendez
que les objets ou les articles que ces mêmes personnes
seront susceptibles de vous acheter.
- - 104

Ne faites jamais de spéculations à la Bourse, à moins


d'être un spécialiste de la partie et un fin connaisseur
de ces sortes d'affaires. Et même si vous Vêtes, n'agissez
qu'avec une extrême prudence, car beaucoup de commer-
çants ont perdu à la Bourse en quelques jours le produit
de longues années d'efforts et de labeur.

Rockfeller, Carnegie, Morgan et Harryman ont


amassé des centaines de millions de dollars, malgré qu'ils
n'aient pas été toujours favorisés par la chance, Ils doivent
leur fortune gigantesque exclusivement à leur instinct des
affaires.

Toute personne qui désire faire fortune doit, par consé-


quent, développer cet instinct des affaires, cette base pri-
mordiale du commerce.

Le développement de cet instinct n'est d'ailleurs


possible qu'en allégeant, tout d'abord, Sun esprit de toutes
les facultés reconnues comme étant inutiles et improduc-
tives.

Si l'on ouvre une boutique ou si l'on fonde une mai-


son, il semble que l'on ait à lutter contre beaucoup de
concurrents, c'est-à-dire contre toute personne entrepre-
nant le même commerce ou un commerce similaire. Cepen-
dant, lorsqu'on s'occupe bien de son entreprise, que l'on
sait acquérir et conserver des clients par de la bonne mar-
chandise, cette obsession de la concurrence disparaît
d'elle-même. On pourrait tout aumplus devenir son propre
concurrent en dépréciant ses qualités personnelles ainsi
que l'excellence de ses produits.

La concurrence doit être un stimulant, un adjuvant,


et doit créer une noble émulation. Sans la concurrence,
— 105 —

:l n'y aurait pas de « supériorités sociales » et tout s'éga-


liserait sous le rouleau de la médiocrité.

Un frofd serein devant le concurrent et une politesse


exquise envers lui, voilà l'un des secrets les plus parti-
culièrement importants de ceux qui ont fait de grandes
fortunes dans le commorce ou dans l'industrie.

La concurrence fut la mère tout à fait incontestable


des grandes civilisations modernes. Les Etats-Unis lui
doivent l'énergie de leurs citoyens et la forte prépondé-
dérance de leurs milliardaires.

Celui qui recule devant la concurrence est un lâche


au même litre que le soldat qui recule devant l'ennemi,
il a en moins l'excuse de la peur de la mort.

L'établissement de la concurrence, chez les peuples


primitifs, coïncide toujours avec l'établissement de leur
première civilisation.

L'amélioration des produits est un fruit de la concur-


rence, ainsi que leur diversité. Le repos quiet ne produit
rien qui vaille.

Autrefois la possibilité d'acquérir une grande for-


tune était moindre que maintenant, car les moyens de loco-
motion étaient non seulement fort restreints, mais aussi
bien plus lents. De même, la technique industrielle était
beaucoup moins développée.

Aux personnes qui se figurent qu'autrefois il était


bien plus facile de s'enrichir dans les affaires et d'acqué-
rir une grande fortune, nous ne citerons qu'un exemple
bien simple mais probant : — Jusqu'en 1830, époque
- 106 —

où commencèrent à fonctionner publiquement les chemins


de fer, il fallait un temps considérable pour n'importe
quel déplacement, tant pour le transport des voyageurs que
pour celui des marchandises ; les premiers étaient trans-
portés par la diligence, et les autres par les lentes message-
ries et les charriots à traction animale ; des semaines et
des mois étaient parfois nécessaires pour parvenir à des
destinations qui, actuellement, sont atteintes en quelques
heures, au plus en un ou deux jours. Donc, un négociant
qui, à cette époque, était obligé de se déplacer pour traiter
des affaires, se voyait forcé de n'en conclure qu'un nombre
bien limité, étant donné la lenteur de son voyage. Et, cepen-
dant, il arrivait à faire une fortune. Que Von conclue !
Or, actuellement, avec les moyens de locomotion dont
nous disposons, trains rapides, navires transatlantiques,
automobiles, locomobiles de traction, chemins de fer
métropolitains, ascenseurs et funiculaires, un homme
d'affaires peut, en une journée, en profitant pratiquement
de ces moyens de locomotion rapides dont tout le monde
dispose, traiter le même nombre d'affaires que l'on traitait
autrefois en un mois. Ce qui fait qu'un homme moderne,
à trente ans, s'est déjà donné autant de mouvement, dafis
la vie commerciale ou industrielle, qu'un homme de
l'ancien temps arrivé à l'âge de soixante années. Et encore
nous sommes au-dessous de la vérité. Il en est de même
pour les marchandises et les correspondances.
Ceux qui dénigrent les temps modernes ne sont d'ail-
leurs jamais logiques avec eux-mêmes. Ils sont les pre-
miers à profiter du rapide, de l'automobile, de la poste,
du téléphone et du télégraphe. Leur esprit marche en patache
tandis que leur corps prend place dans le train. Ce sont
des mauvais plaisants.
Pour le négociant, la connaissance des pays étrangers
— 107 —

est un grand avantage, sans qu'il ait toutefois été obligé


d'y voyager lui-même.
Chaque contrée ou région parcourue par les Européens
est, pour la plupart d'entre eux, d'une très grande impor-
tance, car elle constitue un débouché pour leurs produits.

La connaissance des langues étrangères présente


également des avantages supérieurs. Le commerce doit
parler toutes les langues, ou du moins celles qui sont de
son ressort.
Il ne faut pas, non plus, se marier trop jeune, car
c'est là quelquefois un obstacle au développement de l'entre-
prise. Il vaut mieux savoir attendre que vos affaires aient
une certaine ampleur et un certain mouvement, et que vous
puissiez, sans danger, consacrer une partie de votre temps
à votre famille.
Le commerce, en même temps qu'une science, est ufi
art véritable. Or, vous remarquerez que tous les grands
artistes ou sont restés célibataires, ou ont pris femme assez
tard! Une ou deux exceptions confirment cette règle. Il
ne faut pas amollir l'énergie des débuts.

Vous devez toujours avoir comme principe de servir


vos clients le mieux possible. Les contenter, c'est les conser-
ver.

Il faut que les clients sachent que le chef de la maison


est toujours là et qu'ils peuvent s'adresser à lui directe-
ment. C'est le vieil adage d'Homère, toujours vrai et nou-
veau : « Un seul chef ! »
Tout ce qui se fait dans une maison doit être, liquidé
le plus vite possible, pour que le travail ne s'accumule pas
— 108 -
pour le lendemain. Ni « presse » ni « retard », voilà
une bonne maxime à savoir observer.
Il convient de répondre le plus vite possible aux
lettres qui vous sont parvenues. Une lettre ne doit pas
pouvoir dire comme Louis XIV : « J'ai failli attendre ! »
La politesse et l'intérêt exigent que le courrier soit à jour.

« Exactitude et précision » sont les deux qualités maî-


tresses qui font le commerçant modèle. Hors de là, il n'y a
que langueur, dépérissement et faillite.
Contrôlez tout, en votre maison, et recontrâlez sans
cesse. C'est par une fissure imperceptible que parfois de
grands fleuves s'enfouissent tout entiers sous la terre.
Ne vous laissez famais « surprendre ».

Soyez assidu au travail et exigez alors, avec l'autorité


que donne un bel exemple, une assiduité pareille de la part
de vos employés. Vous l'obtiendrez en persévérant.

La persévérance dans l'énergique travail du com-


merce amène seule la réussite. Il est prouvé que le; grandes
fortunes ont été édifiées grâce à elle et grâce au labeur.

Rockfeller, par exemple, travaillait dès les premières


heures du matin jusqu'à une heure avancée de h soirée,
dans ses bureaux, et la somme de son travail dépassait
celle de ses employés les plus zélés.

Notre définition de la persévérance est celle-ci : « Ne


jamais se laisser détourner du but que l'on se propose
d'atteindre et de la tâche que l'on a entrepris d'accomplir ».
Tous les moyens sont excellents et toutes les forces
de l'esprit doivent être mises en jeu, pour arriver à faire
— 109 -
exécuter aux gens ce que nous désirons qu'ils fassent.
L'exécution par les autres de nos projets dépend beaucoup
de notre autorité réelle et légitime. L'ordre parfait ne
comporte pas de faiblesses ni de contre-ordre.

« L'à-propos commercial », que l'on appelle aussi


a le sens commercial », n'est point une vertu secondaire.
Un commerçant ne doit jamais laisser sortir un client
de son magasin sans lui offrir, au cas oà il ne posséderait
pas l'article demandé, tout au moins l'article similaire
et de préférence l'article supérieur, et le lui faire acheter.
L'art parfait consistera à l'amener même à acheter toute
autre chose. Celui qui ne sait pas ainsi « diriger » le
désir du client devrait faire toute autre chose que du com-
merce.
On donnera, par conséquent, ses soins les plus vigi-
lants à l'approvisionnement de ses magasins. C'est une
véritable honte et un vrai désastre que d'être mal ou. tardi-
vement pourvu du nécessaire.
Il est déjà très dangereux, pour n'importe quelle
personne, de se lancer dans les spéculations, mais pour
un commerçant le danger est bien autrement grave, car les
soucis virulents du jeu détournera son attention des affaires
qui, de ce fait, déclinent. En outre, il perdra peu à peu la
confiance de ses amis, il verra baisser, comme de juste,
ses crédits, car on ne peut faire fonds sur un joueur.
Celui qui veut s'élever dam la vie ne doit pas s'avan-
cer sur la corde raide de la spéculation. Il doit se tracer
une route solide avec les mocllofis de ses économies progres-
sives. C'est le seul moyen de solidifier un commerce nais-
sant et fragile.
Tous les grands industriels ou les gratids commerçants,
en vivant d'une façon modeste, en ne « coupant pas leur
— 110 -
blé en herbe ont ainsi amassé un pécule, pièce •'> lièce,
»,
jusqu'au moment voulu où leur situation leur a permis de
vivre largement.

Il faut être discret sur sa situation sans jeter de « la


poudre aux yeux » car c'est souvent de « la poudre d'or »
qui coûte trop cher.
Quand on suit l'enrichissement progressif d'un com-
merçant qui a réussi, on constate toujours que, quelle que
soit la branche à laquelle il appartenait, il était très affairé
et s'attirait les clients par tous les moyens logiques.

Vous devez avoir, par habileté, dans votre bazar ou


datis votre magasin, des spécialités à meilleur marché
que les voisins. C'est le fait d'une intelligente concurrence
qui attire une clientèle solide.
L'art de cesspécialités » a même été poussé très
«
loin dans certaines villes. C'est à vous de vous enquérir
de ce qui vous convient le /.lieux.

Il faut savoir lutter contre chaque concurrent, soit


par une meilleure exécution du travail, soit par la supé-
riorité incontestable de la marchandise, soit par la modi-
cité des prix, soit aussi par une très grande affabilité.
Aucun moyen ne doit rebuter pour s'emparer d'une faveur
légitime.

On doit baser le taux de son bénéfice sur la masse ou sur


la quantité.
Le baser sur chaque article est une erreur à éviter.

La timidité dans le commerce, vite apparue aux yeux


de tous, détourne la clientèle. On ne suit volontiers que les
gens énergiques et sûrs d'eux-mêmes.
— in -
Celui qui « manque le but » est le plus faible ou le
moins bien doué pour la lutte. Il n'accusera pas vainement
un concurrent vainqueur. Qu'il s'en prenne donc à lui-
même et à sa propre faiblesse. Il est bien commode d'accu-
ser et le sort, et la chance, et l'infortune ! Ce sont les
« alibis »
des maladroits.

C'est Goethe qui a dit : « On peut tenter bien des


choses, excepté de vivre au hasard ». Certes, on peut tout
entreprendre, excepté de « commercer » au hasard.

Etudier ses aptitudes et les moyetis de ses concurrents,


soit moraux, soit matériels, est une loi primordiale avant
d'ouvrir un magasin.
Toutes les indications que nous avons données,
dans les chapitres précédents, sont applicables aux com-
merçant moderne. Il nous lira tout entier avec le plus
grand profit.
Les commerçants, toujours très occupés, n'ont pas
beaucoup de temps pour lire toutes sortes d'ouvrages. Aussi
leur conseillons nous de lire spécialement ceux qui con-
cernent « leur spécialité ». Aujourd'hui les bibliothèques
commerciales ou industrielles ont pris un très grand déve-
loppement. Il n'est pas permis à quelqu'un d'avisé de les
ignorer. Personne n'a Vinstinct du commerce assez fort
et assez délié pour se fier entièrement à lui-même et pour
se passer de renseignements indispensables. Un concur-
rent qui « en sait plus que vous » vous est supérieur en
affaires.

Dans le commerce plus que partout ailleurs, on doit


apporter tous ses soins au recrutement et au choix du
personnel. C'est une condition absolue de réussite. La
quantité ne supplée pas, ici, à la qualité.
- 112 —

Un très grand avantage que doit offrir un magasin


ouvert, c'est d'avoir des vendeuses qui soient jolies. Car,
en dehors du fait que tout le monde préférera se faire ser-
vir plutôt par des vendeuses jolies que par des laides,
beaucoup de personnes fréquentent un magasin parce
qu'elles savent y trouver de charmantes vendeuses, et plus
d'une entreprise doit son succès à son personnel gracieux
et affable. C'est « l'esthétique » commerciale moderne.
Cela aurait pu se déduire de nos conseils sur « la'tenue ».
Un magasin est comme une personne. Il doit plaire aux
yeux, et bien des spectacles soi-disant artistiques ne valent
pas celui d'une haute salle claire où évoluent, parmi de
chatoyants objets, un essaim harmonieux de jeunes filles
ou dames qui vous lient votre achat avec un sourire ou
qui s'informent de ce que vous désirez, le devinant d'un
coup d'oeil expérimenté.
Cette remarque s'applique plus spécialement aux
magasins oà l'on vend des comestibles. Si Von a reçu, un
produit de la main sale d'une employée laide et peu soi-
gneuse, malgré soi on s'imagineque ce produit est mauvais
et malodorant. On ne retourne plus dans ce magasin oà
les yeux et le goût sont choqués. Par contre, si le même pro-
duit vous est vendu par une jeune fille sympathique,
soigneuse, et très élégante, il vous semble cent fois meil-
leur et délectable. Vous revenez souvent dans ce magasin.
Est-il nécessaire de vous recommander la propreté ?
Ce devrait être superflu, car elle s'impose d'elle-même.
Que tout, dans votre magasin, soit net, luisant, brillant.
Le client y trouvera une marque d'estime. C'est une atten-
tion à son égard que ce décorum parfait. Si vous y manquez
il croira, à juste titre, à une impolitesse de votre part
et ne reviendra plus. Faites-le aussi par respect pour
vous-même et dans h but fort louable et fort légitime
d'augmenter votre crédit.
- 113 —

Quand on ouvre un magasin, il faut faire en sorte


nn'il ne ressemble en rien à celui d'un concurrent. Il
faut l'installer d'une façon plus fiouvelle, plus originale
et plus attrayante, afin d'éveiller l'attention des passants.

Dans tout commerce, l'ordre matériel est le facteur


principal du succès.

Le commerçant possédant une boutique doit apporter


tous ses soins à l'étalage. Si vous n'êtes pas assez initié
pour pourvoir vous-même à l'arrangement et à la décora-
tion de votre étalage, faites donc les frais d'un spécialiste
expérimenté. Que dans chaque vitrine soient disposés
des objets de nature homogène, c'est-à-dire exposez le moins
possible des « disparates », si vous le pouvez, et ne mon-
trez qu'un seul article à la fois, car l'oeil et l'attention
seront bien plus attirés par « l'unité » artistique que par
« la disparité » qui les disperserait. On ne saurait plus,
on ne retiendrait plus finalement ce qu'on aurait vu.
Autant que possible, mettez dans votre vitrine le prix
de chaque article exposé. Un grand nombre de personnes
ne viendront pas chez vous, dans l'ignorance de vos prix,
et par crainte de leur élévation. De plus, parce que personne
ne tient à avouer que tel ou tel prix est trop cher. On redoute
enfin d'être tarifé, en entrant, selon son apparence.

Si vous avez l'intention de vendre un article 3 francs,


il vaut mieux le marquer 2 fr. 90 ou 4 fr. 90 pour 5 francs,
car la perte momentanée de 0 fr. 10 sera vite récupérée
par un plus grand nombre de ventes, attendu que le prix
de 2 fr. 90 ou 4 fr. 90 produit sur l'esprit de n'importe
qui un autre effet que 3 francs ou 5 francs. Et ceci parce
que le prix de 2 fr. 90 a l'air de faire encore partie de la
somme de 2 francs, alors qu'en réalité il la dépasse ; de
même celui de 4 fr. 90 a l'air d'appartenir à 4 francs,
— 114 -
alors qu'en réalité il ne lui manque que 0 fr. 10 pour être
5 francs. Mais c'est une bonne « illusion d'optique »
qui attire le client.

L'éclairage doit signaler très brillamment l'extérieur


et l'intérieur de votre magasin. L'économiser, c'est réduire
ses chances d'affaires. On rentre avec plaisir dans une
boutique illuminée, mais on sort avec plaisir d'une bou-
tique sombre. Quand on éclaire parfaitement les objets
en vente, c'est qu'on ne veut en dissimuler aucunement
la bonne ou la mauvaise qualité. L'éclairage est une sorte
de franchise commerciale.

Ne laissez jamais les mêmes articles séjourner trop


longtemps à l'étalage. Au contraire, changez-les le plus
souvent possible. Les passants doivent savoir que vous
avez toujours du nouveau à votre étalage et la curiosité
doit les pousser, avant d'arriver devant votre magasin,
à se demander ce que vous pouvez avoir de nouveau. Par
conséquent, changez ces articles, en principe, toutes les
semaines. Ce que nous avons dit pour l'étalage est égale-
ment exoct pour l'intérieur. Il faut que les clients d'aujour-
d'hui soient surpris et charmés à leur prochaine visite.
C'est tout un art.

Ayez toujours « un article » absolument meilleur


marché que partout ailleurs. Alors les clients viendront
souvent chez vous, au moins pour profiter de cette aubaine.
Votre sacrifice sera d'ailleurs compensé largement par les
autres articles que vous leur vendrez. L'essentiel, dans
le commerce, est de savoir « attirer ». Tout le reste vous
sera donné par surcroît.
Et cette pensée termine très dignement nos conseils
à tous les commerçants.
CHAPITRE VIII

LA MEILLEURE PUBLICITE

On a dit que l'argent était le nerf de la guerre. On


peut dire de la publicité qu'elle est le nerf du commerce,
et son support essentiel.
Mais la publicité maladroite et improductive vient
s'ajouter sans résu'' t à vos frais généraux. Aussi nous
voulons vous indiquer ici les moyens les plus logiques
et les plus pratiques de vous faire connaître, vous et vos
produits.
C'est le corollaire de ces vérités commerciales que
nous venons d'énoncer précédemment. Il n'y a pas
plus de commerce sans publicité que de vie sans nour-
riture. Elle est le pain des affaires.
Si certains arriérés rechignent devant les frais néces-
sités par elle, ils sont vite balayés par leurs concur-
rents.
Plus ou moins consciente, la publicité exista tou-
jours, mais la civilisation lui a donné son plein et ma-
gnifique développement. Elle éclaire la nuit do nos
villes, elle court en lettres de feu sur nos murs, elle
— 116 —
s'affiche en images triomphales, elle remplit les colonnes
des journaux. C'est une reine moderne.
L'ouverture de votre magasin n'est pas un fait banal
Ce doit être le beau et bon début de vos efforts de
publicité. Il faut bien partir pour bien arriver.
Faites en sorte que le jour de votre inauguration,
un grand nombre de personnes se trouvent à l'intérieur
et à l'extérieur. Ce moyen de réclame très habile est
obtenu en invitant tous ses amis et toutes ses connais-
sances, et à la rigueur en louant des personnes pour
la circonstance qui feront des achats factices et rap-
porteront le lendemain les marchandises achetées le
jour de l'ouverture devant la foule et les badauds.
Le but de cette très ingénieuse combinaison est
d'obtenir un grand rassemblement devant le magasin,
d'en imposer tout de suite et sans retard, de donner
une impression de force et de succès. En voyant un
aussi grand nombre de personnes en train d'acheter,
par un instinct humain d'imitation les clients véri-
tables seront attirés et achèteront réellement. La curio-
sité de cette foule survenue attirera d'abord beau-
coup de monde. On voudra se rendre compte et savoir.
De cette façon, le propriétaire du magasin aura l'occa-
sion de montrer ses marchandises à un grand nombre
de gens qui, dans le cas d'une ouverture banale, seraient
passés sans prêter aucune attention à cette nouveauté.
Sur cette grande quantité d'entiants, plusieurs achète-
ront certainement. Et si la qualité répond à la publicité,
uno clientèle so créera dès la première journée.
Le système consistant à donner des bons-primes
pour chaque achat produit do très bons résultats.
Parmi le grand nombre des combinaisons existantes,
la suivante est la meilleure :
Le montant de l'achat se trouve inscrit sur chaque
billet ou carton remis au client. Lorsque le total drun
- - 117

certain nombre de ces billets ou bons-primes aura atteint


une somme déterminée, soit 20, 30 ou 40 francs, selon
les articles ou le genre de commerce que Von exerce, le
client sera remboursé d'une somme également déterminée,
5 à 10 pour cent, ou bien alors, au lieu de rembourser
le client en espèces, on peut lui remettre des cadeaux en
échange du nombre de bons contenu. Il faut l'intéresser
d'une manière continue, avec perspicacité. Ce système
a pour but d'obliger le public à revenir vers le même magasin.
Il entrera là de préférence pour acquérir les mêmes mar-
chandises qu'ailleurs, il les paiera le même prix, parce
qu'en revenant il aura la pensée du bénéfice qu'il va
réaliser. Il collectionnera ces bons, en ne réfléchissant
pas que le sacrifice du commerçant est très largement
récupéré par la répétition constante des achats. Le système
des bons peut s'appeler : un abonnement à vos marchan-
dises !
La réussite dans le commerce provient d'un fort
courant d'affaires qui a sa source dans les débuts de
l'établissement. Que vos bons soient établis dès le
premier jour et que les nouveaux acheteurs emportent
tous le leur. C'est lo moyen de leur mettre dans la tête
et votre nom, et votre place, et votre spécialité. La
réclame sur les bons par inscriptions typiques et
originales n'est pas à dédaigner. Une image ou quelques
mots significatifs inscrits sur votre carton-prime ra-
fraîchira la mémoire à un client qui aurait l'intention
d'aller se servir autre part.
Lord Macaulay a dit que la publicté est, pour une
entreprise, ce que la vapeur est pour une machine,
c'est-à-dire la puissance qui la met en mouvement.
Vouloir réussir sans publicité, équivaudrait à vouloir
faire avancer un navire sans vapeur, sans voiles et
sans hélice. Il se pourrait que ce navire avançât de
lui-même, entraîné par lo courant, mais il lui manquerait
— 118 —

la puissance impulsive et réfléchie, la direction raison-


née qui conduit au but prescrit.
Il n'existe pas d'industrie ni de commerce, quel
qu'en soit le genre ou la branche, il n'existe pas un
homme, quelle que soit sa profession, qui ne puisse
tii parti de la publicité et de la réclame si elle est
faite d'une façon intelligente.
Le monde est immense et les gens sont nombreux.
Il s'agit de se distinguer, de paraître, de se faire
valoir. Comment voulez-vous que d'autres personnes
sachent qui vous êtes et quels sont les articles que vous
avez à vendre, si vous ne l'annoncez pas ? Rien ne sert
de bien faire, si l'on se cache, si l'on se dissimule à tous
les yeux.
La meilleure preuve du grand succès qu'assure une
savante publicité, c'est l'essor et l'extension colossale
qu'ont pris les annonces dans les journaux de tous
les pays du monde. Ces annonces sont presque une
image totale de l'offre et de la demande dans le com-
merce universel.
L'Amérique et l'Angleterre sont à la tête de ce mou-
vement et peuvent servir de modèles et d'indicateurs
très pratiques en ce qui concerne l'art de la publicité.
Elles ont fait le tour de toutes les méthodes et appro-
fondi tous les moyens rationnels.
Beaucoup de commerçants croient que, pour eux,
la publicité est superflue, que leur maison est connue
par elle-même, que leur clientèle est acquise et ne peut
point varier. C'est une grosse erreur et une conception
surannée. Souvent la clientèle varie et change. Elle suit
le progrès. A ussi de vieilles maisons connues commen-
cent à comprendre que si elles veulent marcher avec
leur temps, il leur faut absolument faire de la réclame.
Si elles la négligeaient, par une vaine présomption,
- 119 —

tôt ou tard des concurrents plus modernes supplan-


teraient ces entreprises enlizées dans l'oubli mortel.
Les fortunes immenses qui ont été acquises dans ces
derniers temps, et qui se gagnent encore actuellement,
ont été exclusivement obtenues grâce à une savante*
publicité établie sur une grande échelle. Qui dit :
pauvre dit : inconnu !
Autrefois, un développement aussi rapide et aussi
considérable d'une industrie quelconque était absolu-
ment impossible, car la vente de tel ou tel article était
limitée exclusivement aux acheteurs de telle ou telle
contrée, c'est-à-dire à des clients connaissant déjà la
maison, ou venant à passer devant celle-ci, ou encore
visitée par des voyageurs. Si l'on réfléchit à combien
de millions de personnes on peut aujourd'hui offrir ses.
marchandises et auxquelles on peut annoncer ^a pro-
fession, on reconnaît alors combien est vaste le champ
moderne accessible à la publicité. Elle court, maintenant,
dans les fils du télégraphe ou du téléphone, des millions.
de crieurs de journaux l'annoncent bruyamment,
des agences expédient et collent, pour elle, des milliers
d'affiches, les postes sont en mouvement pour sa gloire»
elle traverse les fleuves et les mers, on la lit dans les
nuages, elle se dissimule sous un article alléchant,
dans un livre, ou derrièro le mur de votre maison.
Il existe trois sortes distinctes de publicité :
1° Les annonces et réclames diverses dans les jour-
naux.
2° La réclame directe par la poste qui consiste en
circulaires, prospectus, lettres, catalogues, etc.
3° La réclame par voie d'affiches de toutes sortes.
Si l'on nous demande laquelle est la meilleure de ces
trois manières, nous répondrons que cela dépend, d'abord
des moyens dont on dispose, ensuite du commerce que
l'on fait, enfin des articles que l'on vend. Et nous deman-
- -120

derons, à notro tour, quel est l'endroit où l'on veut


faire cotte publicité ? Alors nous répondrons ration-
nellement.
C'est encore la publicité' par voie d'annonces dans
les journaux qui, pratiquée avec justesse, revient le
meilleur marché et, en outre, exige moins de travail
et moins de préparation que les autres modes. A moins
qu'il n'existe uno autre raison pour l'écarter, la publi-
cité par la voie de la presse est conseillée partout où
il s'agit do toucher et d'émouvoir là grande masse du
public. Tout le monde lit un ou plusieurs quotidiens.
Lorsqu'il s'agit d'offrir un produit à des gens qui
appartiennent à une certaine catégorie, à une cer-
taine classe, ou encore à une certaine profession, il
faut utiliser les journaux spéciaux relatifs à ces classes,
ou à ces professions. Il existe des milliers d'organes
professionnels. Mais si, par hasard, ils manquent il est
préférable de faire de la publicité directe, c'est-à-dire
par la poste.
Occupons-nous, tout d'abord, de la publicité dans
les journaux. On en parle souvent avec légèreté et
on la fait sans méthode solide.
Quand on voudra la tenter, il faudra toujours se
poser cette question : Quel est le journal dans lequel
je dois faire paraître mon annonce? La solution de
la question dépend de plusieurs circonstances.
Si votre article doit être acquis exclusivement par
les habitants de la ville ou des environs, ou bien si votre
profession a ses clients dans la ville, il est évident que
l'on doit prendre en considération et comme porte-
parole les journaux locaux et régionaux. Dans ce cas,
le choix n'est pas très difficile, et on peut, sans hésita-
tion, faire paraître une annonce dans le journal le
plus lu.
Si, par contre, on veut et peut faire de la publicité
- -121

sur une plus grande échelle, c'est-à-dire si l'on veut se


procurer des débouchés plus lointains et plus étendus,
le choix d'un journal est déjà plus délicat, et nous trou-
vons préférable de recommander instamment alors
un bon bureau d'annonces, maison en relations avec-
tous les journaux du monde, qui s'occupe exclusive-
ment du placement des annonces, sur lesquelles ces
journaux lui consentent un léger bénéfice. On fera
ainsi une économie de temps et d'argent. Le hasard
et le choix inconsidéré discréditent toute réclame.
Ne perdez pas inutilement votre temps à demander à
chaque journal son tirage et ses prix. Cette maison
sérieuse possède tous les renseignements voulus, elle
connaît la puissance de chaque organe, ses tarifs ordi-
naires, ses tarifs spéciaux par nombre d'annonces,
le public sur lequel il porte, etc. Elle centralise et prend
à sa charge la correspondance nécessaire et vous y
recevrez tous conseils utiles, sans payer pour cela plus
cher que dans les journaux eux-mêmes. Cet intermé-
diaire moderne est essentiel pour- manoeuvrer justement.
Il existe à votre disposition, selon les régions, les
départements, les provinces, ou les pays où vous voulez
faire connaître vos produite ou vos marchandises, des
journaux qui circulent dans telle ou telle partie de
la population ou qui sont lus par tous indistinctement ;
il y a, en outre, des publications et des livres qui sont
lus par telle ou telle classe sociale, par tels ou tels pro-
fessionnels. C'est à vous d'indiquer à l'agence les points
culminants de votre réclame.
Si vous êtes fixé sur le choix de votre journal, vous
devez en premier lieu vous occuper de la confection
et de la rédaction de l'annonce. C'est là que gît la dif-
ficulté.
Avant tout, n'essayez pas de faire des économies
mal à propos et n'escomptez pas un grand succès
— 122 -
d'une petite annonce de quelques lignes. La même
annonce qui, étant petite, passera inaperçue et par
conséquent n'aura pas de succès, aura, étant plus impor-
tante, de plus grandes chances de réussite, et cela en
raison directe de son importance. De même, la répé-
tition faisant tout lo succès des annonces, il faut savoir
attendre et ne pas compter voir un résultat à la pre-
(iifre. Il faut, pour se faire entendre, se répéter mille
ci uva fois...
Admettons que vous aviez dépensé dix francs pour
la première annonce, qui ne vous amènera que dix
clients. Il ne faut pas vous imaginer que la même an-
nonce, bien plus grande et vous coûtant cent francs,
ne vous rapportera que dix fois plus, c'est-à-dire cent
clients; elle vous en procurera bien davantage certai-
nement et le succès en sera proportionnellement bien
plus grand. Ceci est confirmé par l'expérience.
On comprendra qu'une annonce ne doit pas être
cherchée. A première vue, on doit l'apercevoir. Elle doit
se faire lire. La petite dimension d'une annonce
la noie parmi les autres. Une rédaction maladroite
altère ses résultats. Ce sont là les constatations du
bon sens.
Faites donc en sorte que votre annonce, en dehors
d'une dimension raisonnable, ait aussi un texte et
un aspect parfaits. Prenez toujours comme principes
de rédaction :
1° D'attirer, en caractères gras, l'attention du lec-
teur par un mot ou par une phrase très significatifs.
2° D'être, dans votre texte, bref, concis et d'une
netteté frappante.
3° De ne pas fatiguer le lecteur par un changement
fréquent de rédaction. Une annonce n'est ni un roman,
ni un feuilleton. C'est une réalité commerciale.
Il n'est pas absolument nécessaire que le mot pour
— 123 -
impressionner le public se rapporte exactement à
l'article vendu, à moins qu'il ne s'agisso d'un nom
donné par vous à un produit destiné à supplanter tous
les produits similaires ou concurrents. Inspirez-vous
des circonstances pour faire pénétrer ce nom dans la
mémoire du public.
Voilà le grand art de la bonne publicité : Imposer
un nom, une marque ! D'aucuns y ont mis du génie.
Certaines marques, lues une fois, s'impriment à jamais
dans le cerveau. Elles vous poursuivent de leur obses-
sion. Elles sont une volonté, un désir, un ordre
d'acheter. Les temps anciens n'ont pas connu ces an-
nonces impératives qui sont une conquête de la psycho-
logie moderne. Il faut bien connaître les hommes de
son temps pour les influencer par son adroite réclame»
Lorsque vous regardez une page d'annonces, vous
ne voyez ordinairement que des lettres noires et vous
ne savez où fixer votre regard. Très peu d'annonces,
ou peut-être une seule, vous sauteront aux yeux*
Faites en sorte que vos annonces appartiennent à la
catégorie de celles qui frappent Voeih
Le meilleur moyen pour attirer l'attention, c'est,
dans la foule des annonces où le noir domine, de faire
insérer la vôtre au milieu d'un carré blanc de la plus
grande dimension possible. Le contraste provoque l'at-
tention.
La loi des contrastes est tout à fait importante en
publicité. Elle s'allie volontiers à la loi de la sur-
prise et de Vétonnement. Une petite énigme peut très
bien réussir. Le rire est efficace, comme l'émotion pour
certaines réclames.
Maintenant étu'."..nr.. pour terminer, certains moyens
très modernes de publicité, avantageux pour ceux
qui ont les moyens de les employer. Notons-les sous
ces diverses rubriques :
- -124

I Les Voies ferrées


On utilise les voies ferrées, pour la réclame moderne,


et certaines agences spéciales vous louent, chez les
propriétaires des terrains devant lesquels passent les
convois, des emplacements où vous pouvez, en grosses
lettres écrites sur des panneaux de bois, offrir vos pro-
duits et donner votre adresse à tous les voyageurs
qui regardent par la portière. Ces agences ont même
beaucoup de terrains qui leur appartiennent en propre.
Cette réclame, assez coûteuse, a de grands avantages,
car elle profite de l'attention accordée au paysage
devant lequel elle est placée. Elle s'attache, désagréa-
blement pour l'artiste, mais agréablement pour le
commerçant, au souvenir de ce même paysage. C'est un
aide-mémoire que ce pays qu'on a vu, et qui vous rap-
pelle une excellente marque.
Bien des gens ont usé de ce procédé et aucune grande
et prospère entreprise ne saurait le négliger. On a cal-
oulé qu'il était d'un bon rapport.
— 125-

II Les Métropolitains

Les annonces sur les murs des métropolitains, soit


électriques, soit en couleurs, ont un certain succès qui
tient justement au caractère de ce moyen de locomo-
tion.
L'attention, dans le métropolitain, n'est distraite
que par les annonces lumineuses du trajet. On est
vraiment forcé de les voir et de les lire, et ce n'est pas là
un petit mérite pour ce genre de publicité.
Le tunnei comme la station leur est propice.
A la station, c'est un défilé continuel du public
toujours renouvelé devant les affiches qu'on lit pour
tromper l'ennui de l'attente.
Dans le tunnel," le blanc de l'annonce ressort très
bien sur l'ombre générale.
Il est bien évident que ce conseil d'annonce n'est
valable que pour les grandes villes qui possèdent un
métropolitain et dans lesquelles la réclame doit porter
ses fruits.
— 126 —

III Les Livres


Plus particulièrement pour le commerce de la librai-


rie, on utilise le dos des livres, leurs dernières pages,
ou les pages d'annonces des revues.
Ces dernières même insèrent des réclames indus-
trielles ou commerciales d'un autre ordre qui portent
tout à fait bien, quand elles sont faites avec art.
Il est évident que le public gui lit, malgré les
on-dit, est de plus en plus nombreux. Le livre est meil-
leur marché qu'autrefois, on l'emporte en voyage, il va
de mains en mains.
La réclame y trouve son avantage et le lecteur, après
la lecture de l'étude ou du roman dans sa revue favo-
rite, sera satisfait de trouvor des renseignements sur
un achat qu'il voulait faire ou l'adresse d'une maison
qu'il ne connaissait pas.
Nous ne sommes plus au temps des Incunables
et de Gutemberg. L'industrie et le commerce se com-
promettent volontiers avec les belles-lettres sans les
faire déroger.
— 127 —

IV Tramways et Autobus

La traction automobile donne lieu à des modes effi-


caces de réclame. A la place des chevaux, sur le devant
d'un tramway ou d'un autobus, on peut lire en grosses
lettres le nom d'une maison.
On utilise d'ailleurs aussi les côtés et l'intérieur.
Une bonne réclame sera celle qui sollicitera l'attention
du voyageur assis qui n'aura qu'à lever la tête pour
l'apercevoir au-dessous des indications de direction.
Tout moyen moderne de locomotion, à la ville et à
la campagne, à la mer et à la montagne, comporte sa
publicité appropriée.
Il ne s'agit, pas, naturellement, de ne pas choisir
son véhicule réclamiste à bon escient. Un autobus de
Paris ne doit pas contenir des réclames pour Buenos-
Ayres, sauf de rares exceptions.
Les diligences d'antan ne pouvaient guère servir à
cet usage, et nos antiques fiacres n'ont pas beaucoup de
places pour les annonces.
Nous ne mentionnerons que pour mémoire, car tout
le monde les connaît, les réclames électriques à trans-
formation des balcons et des devantures, les réclames
sur les rideaux des théâtres, les réclames sur les tables
et les buvards des cafés, les réclames sur les billets de
spectacle, les hommes-sandwichs, les crieurs pour
articles spéciaux, les mimes qui désignent du doigt une
- -128

affiche ou un magasin, les réclames noires sur les murs


crépis qui sont excellentes, les réclames sur les chaises
de jardin, les réclames sur les cahiers d'écoliers, les
réclames sur tout ce que la vie moderne produit de
complexe, d'amusant ou de beau.
C'est tout un livre que postulerait le sujet de La
Réclame. D'autres l'ont fait, mais on peut dire du
nouveau.
Dans ce chapitre, nous nous contentons de dire aux
hommes d'énergie modernes qui veulent conquérir la
fortune :
La Réclame est indispensable pour capter et retenir
le succès l
CHAPITRE IX

CONCLUSION SYNTHÉTIQUE

Ce livre d'activité énergique et pratique mérite une


conclusion rationnelle. Nous allons la lui donner sous
la forme d'un examen des matières traitées et d'une
synthèse des chapitres. Ainsi se gravera dans votre
mémoire l'ordre de vos devoirs et les raisons de nos
conseils.
Nous vous avons, tout d'abord, entretenu de ce
mythe, de ce nuage, de cette buée des imaginations :
la Chance, et nous vous avons montré que la possibi-
lité d'une endure exemplaire de votre cerveau était
la seule chance qui put vous échoir.
Nous parlons à tous, avons-nous ajouté. Et nous
le répétons, car il n'est pas d'homme, si pauvre soit-
il, qui ne puisse retirer un grand profit des règles énon»
cées en ces pages. Un préjugé vivace est celui qui met
l'or à la base de toutes les fortunes. Il faut le détruire,
car c'est une monstrueuse et une funeste erreur. .Seules,
les trois vertus, que nous nommions des cariatides,
à cause de leur force marmoréenne, la vertu intek
- 130 —

lectuelle, la vertu morale, la vertu physique, peuvent


soutenir l'édifice do la richesse dont elles furent les
architectes. Et, reprenant ici notre plan, nous vous
disons :
Soyez volontaires ; la volonté est le palladium de la
vie humaine. Elle protégera contre toutes les atteintes
vos autres vertus et vos autres qualités. Elle est le
privilège des forts qui ont su la cultiver avec amour
et avec dilcction. C'est une arm«;. Test un bouclier.
Elle redresse la tête, rend vivant b égard, se ressent
dans le discours et dans la pojgnée de mains. Si cette
page fut écrite, si cette visite fut faite, si cet acte néces-
saire fut accompli, c'est à elle qu'on en est redevable.
Les anciens Grecs de Sparte avaient composé un hymne
à la volonté. Autrefois, elle fut, en effet, spécialement une
vertu guerrière. Aujourd'hui elle est l'armature moderne
du commerce et de l'industrie, ces guerres pacifiques.
Si on en manque longtemps, on est perdu pour jamais.
Vous, les faibles, qu'un concurrent fait trembler,
exercez-vous à cultiver votre volonté instinctive.
N'ayez point peur. Comme les autres, vous avez en
vous les rudiments de l'énergie, mais si vous ne savez
pas les découvrir, les déterrer sous l'humus de la timi-
dité, vous demeurerez dans l'inconnu, dans la pauvreté
et dans la détresse. Soyez volontaires pour être des
hommes !
Soyez attentifs, et vous le serez si vous êtes déjà
volontaires. L'attention est, pour celui qui veut réussir,
une qualité de premier ordre. Sans elle on ne voit rien,
t>n n'entend rien, on ne distingue rien. Le philosophe
Bergson nous dit que la plupart des hommes ne voient
pas les objets eux-mêmes, mais le^ étiquettes qui
désignent ces objets. L'attention enlève les étiquette?
menteuses ou véridiques pour dévoiler les visages, pour
démasquer les intentions, et pour élucider les affaires.
131 —

Ceux qui parviennent sont ceux qui savent différencier
un homme d'un autre homme, qui, sur un signe, sur
un geste, concluent ou rejettent une affaire, réalisent
ou remettent un projet. Il y a Valtention, mais il y a
aussi la vaine curiosité. Elle se distingue de celle-ci,
en ce qu'elle choisit Vobjet à examiner et à étudier. Il
y a des gens qui regardent tout sans regarder rien.
Soyez de ceux qui prêtent attention sérieuse à ce qui
est utile et pratique. Rien ne vous servira mieux dans
la vie où les aveugles moraux sont plus à plaindre que
les aveugle: physiques. Soyez attentifs, et vous vivrez
des jours centuplés bénis par la Fortune.
Cultivez et développez votre mémoire, méthodique-
ment et activement ; cet exercice vous donnera des
résultats miraculeux. La mémoire est le Bottinde l'esprit.
Elle classe les noms et les faits, et elle est supérieure,
par sa vélocité naturelle, à tous les moyens matériels
que le progrès met cependant à sa disposition. Elle
empêche et prévient ce déplorable esprit de Vescalier qui
fait que l'on se souvient, une heure après, de la chose
qu'on devait dire une heure avant. Elle ne peimet pas
les confusions.de faits et les confusions de personnes
qui vous font subitement un ennemi de quelqu'un de
bien disposé. Sans elle, pas de coordination de pensées,
pas d'élaboration possible de projets logiques, mais un
désordre et une anarchie inexprimables. La bonne
mémoire remplit les fonctions de chef de Vusine intel-
lectuelle. Elle est l'organisatrice et la dispensatrice des
travaux, elle débrouille les très compliqués échevaux
du souvenir. Et la preuve de la nécessité vitale qu'il
y a à l'avoir claire et nette, c'est qu'elle est un poids
au cerveau, avant son enfantement, et qu'ensuite
elle devient une délivrance !
Prenez exemple, mais n'imitez pas servilement, car
cette imitation deviendrait nuisible. Il est, en effet,.
-* 132 —

une imitation qui produit la banalité, et celle-ci est


l'écueil des fortunes naissantes. Qu'on vous voie et
qu'on vous remarque, sinon vous passerez inaperçu dans
la troupe des hommes l Le singe imite comme un ani-
mal, mais l'homme regarde ot cherche à faire mieux
que son voisin. Cette qualité le fait homme. Il serait
toujours demeuré dans la barbarie s'il avait fait comme
le singe. Beaucoup d'hommes restent pauvres et igno-
rés, parce qu'ils ne veulent ou ne peuvent s'abstraire
du commun et du banal. Ce qui ne veut pas dire qu'il
faille, comme Alcibiade, couper la queue à son chien,
ou, comme les rapins paresseux, laisser tomber ses
cheveux sur ses épaules. Il faut se distinguer avec
mesure et selon le rythme de sa profession. Autrement,
on choquera sans inspirer de respect. En somme, il
s'agit de s'assimiler l'intelligence et les procédés d'autrui
sans devenir autrui, en ajoutant à cette somme d'acqui-
sitions le levain de ses lumières propres. C'est ainsi
qu'on obtient le bon pain de la fortune rapide.
Faites la police de vos pensées ; elles vous créeront
ce que vous serez. Ne soyez pas le bourreau de vous-
même en vous intoxiquant de pensées mauvaises, malen-
contreuses, vicieuses ou désordonnées. Elles seraient
les harpies de votre vie morale et viendraient prendre
votre cerveau dans leurs griffes, jusque dans votre
sommeil. Elles attireraient le malheur par l'obsession
du malheur. Ayez, au contraire, des pensées saines de
joie limpide, couleur de foi et couleur d'espérance.
Ayez le soleil au coeur et Vâme en fête. Alors, votre vie
de travailleur sera toujours dans une période printa-
nière, c'est-à-dire de sève et de création. Les malheu-
reux qui toujours se lamenteront dans la géhenne de
la pauvreté, ont appelé eux-mêmes cette pauvreté par
une sorte de lamentation intérieure permanente. Les
neurasthéniques s'embourbent dans toutes les fon-
— 133 —

driêres, et meurent à toutes les embuscades de la vie.


Ils sont comme des soldats qui partent pour la bataille
hantés à l'avance par l'idée de la défaite certaine et de
la mort. Ces soldats sont battus avant tout combat.
Pensez à votre fortune future, et déjà vous la verrez
vous sourire à l'horizon.
Prenez connaissance et conscience de vous-même.
Celui qui s'ignore ignore tout. Il n'est pas de science
plus urgente et plus indispensable. Le connais-toi
toi-même de Socrate, est une des plus vieilles maximes
des hommes, applicable aujourd'hui plus quo jamais.
Celui qui, à l'heure moderne, s'en va à l'aventure, sans
avoir consulté le baromètre de son esprit, et le thermo-
mètre de ses forces, sera brisé par la tempête qui brise
tous les navires sans gouvernail. Le héros de Corneille
s'écrie : Je suis maître de moi comme de Vunivers /
Pour être son maître, il faut avoir été son propre élève.
Il faut s'être regardé étudier, agir, se décider. L'analyse
de son moi doit être l'étude préventive de tout homme
d'affaires, de tout commerçant, de tout industriel,
C'est seulement à ce prix qu'il saura dominer ses senti-
ments, cacher sa colère, dissimuler son anxiété, réduire
l'expression d'une joie inconsidérée, opposer un front
d'airain aux malheurs passagers, être un sphynx devant
les questionneurs, réaliser enfin le type sublime de
l'homme énergique qui se connaît aussi profondément
que s'il était son propre créateur.
Économisez vos forces ; c'est en assurer la dépense
plus intelligente. L'économie seule permet une résis-
tance solide, lorsque celle-ci devient nécessaire. Ceux
qui ne savent pas se modérer, vivre avec sagesse et len-
teur, ne réaliseront, jamais de grandes choses. Les
héros, dans tous les ordres, furent rarement des. pro-
digues, malgré quelques apparences. Si vous dépensez
d'une manière inconsidérée votre dose de vie, vous ne
— 134 —
deviendrez ni vieux ni riche. Imitez plutôt, dans votre
existence, le cours de ces fleuves qui s'avancent, on
dirait, avec prudence et sagesse, qui sont tout d'abord
fragiles et minces filets d'eau, qui deviennent ensuite
larges rivières, qui prennent des forces à travers plaines
et monts, et qu'enfin les ponts des cités peuvent ^
peine contenir tant ils sont puissants, riches et beaux.
Un centime de vie économisé chaque jour vous donnera
plus tard un intérêt d'or. Le génie est une longue patience.
Oui, c'est de la vie, du temps, et de l'intelligence écono-
misés et capitalisés. Rien ne sert de courir, il faut
partir à point, recommande le fabuliste, et son avis
est précieux, car, on voit la tortue économe de ses pas,
dépasser le lièvre essoufflé qui tombe avant le but,
d'épuisement.
Étudiez et lisez. Les progrès de l'imprimerie et de la
librairie rendraient notre ignorance inexcusable. Les
matières les plus savantes, les plus abstraites et les
plus délicates, ont trouvé, do nos jours, des vulgarisa-
teurs extrêmement habiles qui vous facilitent l'acces-
sion à toutes les connaissances du génie humain. Les
pauvres peuvent s'instruire, aujourd'hui, avec une bien
plus grande facilité. Le prix des ouvrages est à la portée
de tous, surtout pour les éléments. Et on doit, si l'on
veut parvenir, économiser sur le budget de ses plaisirs
pour acheter des livres utiles. Il ne faut jamais dire :
« Je n'ai pas le temps de lire ! » En outre qu'on a tou-
jours du temps, si l'on veut bien on trouver, il oxiste
des ouvrages qui vous indiquent les livres à lire, qui
font un choix à votre place, par exemple celui du savant
Henri Mazcl, du Mercure de France, intitulé : Ce quHl
faut lire dans sa vie. — Mais il vaut mieux choisir soi-
même ses lectures. On connaît mieux ses besoins que
quiconque. Et rien ne vaut un effort personnel de
recherche et d'étude.Lisezdoncet étudiez ce que vous lisez*
~ 135 -
Soyez confiants, mais ne soyez pas naïfs. La confiance
est la vertu des forts qui sont 3Ûrs d'eux-mêmes. Elle
est d'abord spontanée, et ensuite raisonnée. Elle per-
met de ne pas voir certaines difficultés qui retarderaient
l'exécution et la feraient échouer. C'est la mèie des
conceptions rapides et des réalisations immédiates. EUe
chasse la peur et donne du courage. Elle guérit la timi-
dité des faibles. Elle abolit la paresse et permet un
élan plus fort. C'est la forme moderne de la foi. Comment
agir si l'on ne croit pas aux fins de l'action? La défiance
est un suicide mo^al ; elle fait surgii les fantômes de
l'imagination maladive, elle est comme une sorte de
verre grossissant qui augmente la taille et la force des
dangers réels. Elle va jusqu'à créer des dangers imagi-
naires. Quand on se connaît bien, il n'est pas néces-
saire de se tâter à chaque instant. Avoir confiance en
soi et en son succès final, c'est avoir fait la moitié du
chemin vers la victoire. Lisez les proclamations de
Napoléon, et vous verrez que tous ses termes indiquent
et suscitent et provoquent la suprême vertu des com-
bats : la confiance I
Influencez les autres, lorsque vous vous posséderez
bien vous-même. Il n'y a pas de domination sans
influence. On a composé beaucoup d'ouvrages sur le
magnétisme personnel. Mais il n'est pas besoin de pré-
ceptes scientifiques pour diriger et caoter l'attention
et la bienveillance d'autrui. Il y faut une éducation
morale parfaite. Vous serez influents si vous êtes con-
sidérés. Il n'est pas douteux que certains moyens phy-
siques sont nécessaires pour acquérir du pouvoir, mais
ils ne sont pas la base de cette acquisition qui réside
dans ce feu du regard qui se nomme l'intelligence. César,
l'auteur, aux deux sens du mot, de la guerre des
Gaules, avait une magnifique influence sur ses légions,
influence qui résidait dans la froideur concentrée de
- 136

.ses yeux et dans la brièveté de ses formules. Les


Césars modernes, qui sont les milliardaires, ont eu une
grosse influence, lorsqu'ils étaient simples employés,
sur l'esprit de leurs patrons. C'est ainsi qu'ils sont
devenus les associés, puis les maîtres, puis les vain-
queurs. Ils pourraient écrire, et d'aucuns ont écrit
les Commentaires de la Guerre à la Fortune.
Attirez-vous la sympathie des autres. Les sauvages
ou les dédaigneux ne font pas fortune. Puisqu'il s'agit
de tirer du feu votre épingle d'or, il faut vous montrer
beau et sympathique joueur. Les autres possèdent, à
eux tous, les éléments de cette richesse que vous vou-
lez obtenir. Si vous méprisez les autres, comment voulez
vous devenir riches? Utilisez-les plutôt, avec intelli-
gence et discernement. Souvent des nommes assez
médiocres sont montés très haut par le simple don qu'ils
avaient de savoir s'entourer de compétences et de
talents. Ils savaient faire converger vers eux et leurs
oeuvres toutes les sympathies. Ces hommes connais-
saient Vart de plaire. Il en est, au contraire, qui ont
Vart de déplaire et de décevoir. Ils invoqueront, plus
tard, après échec, la malchance qui les poursuivit, ne
comprenant pas qu'elle consistait principalement dans
l'antipathie d'autrui, dans les obstacles créés par cette
antipathie, dans le mur de haines qui les encerclait par
leur faute. Soyez sympathiques, et votre force recevra
les affluents de toutes les forces d'autrui qui viendront
la grossir.
"
Écoutez les autres, sans vous livrer. C'est Pythagore,
le calculateur, qui voulait être appelé : le fils du silence !
Il savait que l'on ne profite bien do la parole des autres
qu'en l'écoutant silencieusement et, pourrait-on dire,
religieusement. Que de richesses on laisse dans l'ombre
de l'inconscient, lorsqu'on interrompt, de malencon-
treuse façon, un interlocuteur savant ou expérimenté I
— 137 —

C'est comme si l'on brisait le corps de marbre d'une


belle statue. Un tronçon de discours ne vaudra jamais
un discours plein de sens et bien ordonné. Écoutez
donc les autres et, pendant ce temps, vous n'aurez pas
le loisir de parler avec imprudence. L'imprudence des
paroles constitue une trahison envers vous-même et
envers vos oeuvres. Elle vous livre parfois, corps et
biens, à un ennemi attentif. Soyez souriants et secrets,
et vous plairez à tous par le fait même, car peu de
gens ont cette force de caractère, et aiment à parler
d'eux à tout venant. Les anciens Gaulois durent leur
perte à une pareille intempérance de langage. L'histo-
rien Michelet nous apprend que les Romains conqué-
rants savaient tous les secrets de leurs ennemis par
les bavardages et indiscrétions de ces mêmes ennemis.
Le tact est, pour ainsi dire, le summum, la réunion par
un fil léger, de toutes vos qualités intellectuelles et
morales. Les princes de la fortune l'ont tous possédé.
Rien ne le viendra remplacer si vous ne l'avez point.
Il « situe » un homme dans la société comme un jet de
lumière « situe » un personnage important au milieu de
comparses dans un tableau de maître. Il faut avoir le
tact de votro force et do votre intelligence, celui de
votre énergie et de votro influence. Ces vertus en tire-
ront une valeur décuplée, car alors elles s'harmoniseront
en un tout charmant de politesse virile. Le tact dans
les relations fait partie du flair des affaires. Avoir du
tact, c'est savoir glisser sans appuyer lourdement, o'est
savoir faire allusion avec une exquise délicatesse, c'est
montrer la pointe de son esprit, mais bien mouchetée
comme la lamo d'un fleuret, c'est riro aimablement,
c'est s'affliger avec noblesse, c'est faire apparaître, en
toute occasion difficile ou épineuse, son savoir-vivre et
son savoir-faire. Vous devez savoir par coeur le code du
tact, pour arriver.
— 138 -
Lorsque vous avez rempli votre devoir physique,
c'est-à-dire soigné et entretenu votre santé, il faut songer
sérieusement à votre costume et à votre tenue. Le phi-
losophe Carlyle a écrit tout un livré de rapports moraux,
à l'occasion des modes et des costumes. Il n'est pas
inutile à lire pour ceux qui veulent parvenir, malgré
ses digressions. Le costume fait l'apparence de l'homme,
et la tenue discipline cette apparence. Nous ne revien-
drons pas, dans ces pages de conclusion, sur les diffé-
rents conseils donnés plus haut ; nous nous contente-
rons d'ajouter que, de plus en plus, le costume tend à
s'unifier pour devenir de plus en plus commode et pra-
tique, sobre et léger. C'est pourquoi, de plus en plus, il
faudra soigner sa tenue, puisqu'on ne pourra guère,
à moins d'extravagance, se distinguer par le costume.
Ce qui no pourra jamais s'unifier ni se banaliser, c'est
l'élégance des gestes, la sobriété et l'allure noble des
mouvements, la droiture du corps, le rythme général
d'une créature humaine supérieure promise ou parvenue
à de hautes destinées.
Il n'est pas superflu de vous répéter, encore une fois,
de travaille* r'>^">nent et sans perdre courage. C'est
la vertu f< ;e, c'est la pierre de tout l'édifice,
c'est le eim st le mortier. Le travail devra être
votre vie, très ex.n ^ment. Du moment où vous con-
cevrez la vie autrement quo par le travail, vous n'êtes
plus dans la norme et dans lu règle, Vous voii3 mettez
hors de la loi commune à tous les hommes. Vous êtes
un parasite en marge do la société organisée. Le travail
assurera d'ailleurs votre équilibre mental. La paresse
et l'alcoolisme peuplent les maisons de santé. Travaillez,
et votro sang circulera mieux, vos nerfs s'apaiseront,
vous aurez bon appétit et un sommeil reposant, que
l'on a appelé, à juste raison le sommeil du juste ! Ces
résultats ne sont pas les seuls. On a constaté que les
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grands travailleurs, s'ils réussissent le mieux, par-'
viennent aussi au plus grand âge. Ils ne sont pas sujets-
à ces débilités prématurées qui accablent ceux dont les
membres sont restés très longtemps inactifs. Le tra-
vail, c'est la santé et la longévité !
Notre petit manuel pour les commerçants vous a
donné sans doute quelques avis utiles. Voulez-vous que
nous en ajoutions quelques autres, qui nous viennent
à la pensée :
Le commerçant qui sourit à sa clientèle, et dont les
vendeuses imitent Vexemple, attire les acheteurs comme le
pipeau de Voiseleur attire sa proie.
Si vous trouvez un nouveau procédé de commerce,
hâtez-vous de Vappliquer, car les idées ont des ailes et
se posent sur tous les cerveaux.
Ouvrez un magasin à la bonne époque, selon le genre
de vente, înais ne Vouvrez famais en plein été, sous la
canicule et dans le désert.
Ne négligez point les étalages spéciaux, pour les fêtes
annuelles. Ce sont les bons moments oà les gens regardent
le mieux vos vitrines.

Si votre commerce périclite, n'hésitez pas, tentez de


le relever par une baisse dans vos prix ou par un acha-
landage nouveau.
Ayez soin d'avoir toujours des amis qui disent du
bien de votre entreprise. Qu'un « choeur » de chaudes
sympathies environne votre ascension vers la fortune.
Malheur au commerçant solitaire /
La publicité n'est pas, comme disait Voltaire, ce
qu'un vain peuple pense. C'est un art aux cent modes
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divers, et dont la scène est l'univers. Il serait inutile
de nous répéter à ce sujet. Mais qu'on nous permette
de blâmer ceux qui ne croient pas à la publicité efficace.
Il y en a encore plusieurs. Certes, avec le temps et
l'usage, il a fallu la varier'et la diversifier. Mais, si on
sait la manier, elle frappe juste. Nous dirons même
qu'elle joue un grand rôle civilisateur. A mesure que
les peuples communiquaient entre eux, que les moyens
de locomotion se faisaient plus rapides, elle est devenue
le lien de connaissance des industries et des commerces
internationaux. Elle permettait, avec l'aide des voya-
geurs, la création fructueuse des succursales. Elle por-
tait aux confins du monde la renommée d'un article
ou d'une marque. Mépriser la publicité, c'est mépriser
le progrès moderne, c'est aller contre toute vie active
et contre toute civilisation. La publicité est un élément
d'énergie et de rapidité dans la réussite.

Avant d'écrire le mot fin au bas de ces conseils d'éner-


gie moderne pour faire fortune, nous répéterons aux
lecteurs bienveillants cet avis inclus dans les pages
qu'il vient de lire et qu'il retiendra :
Volonté crée intelligence qui fructifie par travail et se
maintient par énergie virile; l
.

;FIN

17189,— Imprimerie A. Cherouvrler et C'«, Colombe3.

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