S... personnages, point de jeu de réle.
Mais quel dommage de les réduite & de simples
ribouillis sur des feuilles de papiet macul
es de caf
Ht pourtant, Ia fatigue (et Ia patesse) aidant,
est souvent le cas.
Voici, sous 1a plume de Denis Getfavd,
quelques Féflexions
de Pépaisseut.
Le prenx,
le barde et la donzelle
Dans la plaine luisante de la rosée du petit
‘matin, trois personages galopent de concert
un preux chevalier & Tarmure étincelante et a
visage buriné par les 6preuves, un barde véné-
rable a la barbe argentée, portant un luth en
bandouliére, et une gente demoiselle & la
longue chevelure dorée. La scéne se situe au
Pays des Aventures, cesta-dire de l'autre
ccoté du miroir... Fort bien, mais de ce cOté-l
‘que voyons-nous en réalité?
Point de plaine au petit matin, rien qu'une
table encombrée de feuilles de papier, de dés
et de crayons, parmi les tasses de café et les
cendriers pleins, Le chevalier est en bras de
‘chemise, les yeux rougis par le manque de
sommeil, gé de dix-sept ans et parlant une
voix de fausset, le barde n'a rien de véné-
rable; quant a la jeune fille ~ peut-on le ero
? ~ c'est un quadragénalre bedonnant au
pour vous aider & leur donner
rine luisant de calvitie... Cependant, les
trois héros continuent fiérement de galoper
dans la plaine.
Le jeu de role étant un jeu d'imagination, on
peut se demander oi est le probleme. La
vérité est que si chacun a une idée claire de
aspect de son personnage, cette idée reste
dans sa téte, il ne lexprime généralement
pas. De ce fait, quand le chevalier ensom-
meillé regarde ses compagnons de table, it hui
faut faire un effort de mémoire pour se sou
venir que 'un est un vieillard chenu et que
Tautre a de longs cheveux blonds. Effort réc-
proque, et que Fon fait malgré tout rarement
Le jeu n'y gagnerait-til pas cependant si le
Took des personages était constamment mis,
en lumiere?
Pour ce faire, i faut tenlr compte de deux él&-
ments, Le premier conceme apparence phy-
sique” du personnage (taille, cheveux, yeux,
etc.) qui en principe ne varie pas; le second
‘concere son équipement (armes, vétements,
fete.) qui varie trés souvent.
solution matérielle
Crest la solution traditionnelle qui consiste &
utiliser des figurines pour visualiser chacun,
‘des personnages. Les figurines sont dispo-
sées sur un plan des lieux leur échelle, plan
de sol en carton découpé ou dessiné sur un
tableau a effagage a sec. Cette méthode est
bonne pour mémoriser la position respective
des personages, mais elle apporte peu sur
Jeur aspect. Il est en effet difficile de trouver
tune figurine qui corresponde exactement &
son personnage, & moins de le créer d'apr’s
lle et non inverse, et quand bien méme, on
ne peut en faire varier I’équipement. Estil
yraisemblable que le chevalier brandisse
‘constamment son épée, méme quand il dort?
Par ailleurs, le visage d'une figurine est si
petit qu’on ne le voit bien qu’a la loupe. Tl
faudrait quelque chose de plus grand et de
plus détaill
De fait, nombre de joueurs possédent le por
trait de leurs personnages, soit quils alent
dessiné eux-mémes, soit, le plus souvent,
‘quils Paient tiré, deja fat, d'une revue. ly a
éme des jeux de role qul prévolent un espa-
ce a cet effet sur la feuille de personnage.
Mais tout ceci reste tristement confidentiel. Le
dessin sur la feullle de personnage n’est des~
tine qu’a son propriéiaire ~ comme s'il en
avait besoin pour se rappeler qui il est censé€tre!—et quand il s'agit d'un dessin séparé, le
joueur le dissimule le plus souvent comme
sic’était un secret, Pourquol ne pas en faire
profiter tout le monde?
Ii suffirait de prévoir un portrait assez grand
(format Af par exemple) dessiné ou collé sur
un carton, et de le disposer verticalement
devant soi, face tournée vers les autres jou-
‘eurs. Meme principe que les plaques portant
lenom de chaque orateur autour d'une table
de conférence. Ainsi, quand le chevalier
sadresse & la jeune fille, son regard peut tout
autant se porter sur les cheveux blonds du
portrait que sur la calvitie du joueur, et le
personnage y gagne en présence.
Pour rester util, un tel portrait doit se conten-
ter du visage, c'estadire de ce qui ne varie
pas. On peut certes imaginer un dessin en
pled, mais on se retrouve avec le méme incon-
venient qu'avec les figurines: c'est toujours
le méme équipement, les mémes vétements.
Comme ilest hors de question que les joueurs
se déguisent (autant faire alors du grandeur-
nature), le deuxiéme aspect ne peut étre rés0-
lu que par le jeu de role lukméme. Cela deman-
de évidemment que chacun en fasse leffor.
Solution jen de vile
Le principe de base est le méme que celui
au'utilise un romancier pour décrire ses per-
sonnages et faire en sorte que le lecteur les
Voie toujours. La premiére fois qu'un per-
sonnage appara, il en fat une description
complete; puls, dans le cours ultérieur du
+écitilen donne des rappel par petites tou
ches «Alors la jeune fille détourma son regard
bleu...» Il pourrait se contenter, pour l'ac-
tion, de dire qu'elle détourne les yeux, I fait
plus et nous en redonne la couleur. Plus tard,
il fera de méme avec ses cheveu, sa talle
‘ou tel autre aspect de son physique. De cette
fagon, nous en conservons Timage tout au
long du récit - image qui serait sinon vite
‘oubliée & moins avoir une mémoire phéno-
ménale
On pourait appliquer le méme procédé au
jeu de role. Au début d'une parte, les jou-
eurs décrivent généralement leurs person-
hages, mais ensuite plus ren ls se contentent
de déerire leurs actions, faisant confiance &
leurs camarades pour avoir mémorisé le res-
te, Quelques rappels, glissés ga et li, ne
feraient pas de mal, Reste a savoir quand et
comment.
Le menenr de jen
est évidemment pour le meneur que c'est le
plus facile. Chaque fols qu'il décrit l'action
d'un PNJ, il Jul est possible de souligner un
détail de description: «La servante au nez
rouge se dirige vers votre table... Le garde
aux mains poilues devient trés soupgon-
neux... AT'écoute de votre récit, létonne-
‘ment se lit dans les grands yeux verts de la
princesse...» Et alnsi de suite
Mais il peut également le faire en ce qui conc
ne les personnages des joueurs (il est censé
avoir des notes et la description de chacun).
Sadressant au chevalier, au lieu de dire: *Le
bandit fonce vers toi V'épée a la main...», il
peut ajouter: «... pas impressionné par ton
‘visage buriné.» C'est une évidence, puisque le
bandit fonce, mais cela permet de re-visuali-
ser le personnagejoueur, Une séquence type
consiste en une demande (intention de la
part du meneur de jeu, de la réponse du jour
‘eur, d'un éventuel jet de dés, puis de la des-
cription du résultat. Cette dernigre peut ser-
vir a repréciser le personage. Supposons
{que la jeune fille demande & savoir si on les
poursuit et que son jet de dés échoue. Le
‘meneur de jeu peut se borner a répondre:
«Tu ne distingues pas trés bien», ou mieux,
Inventer un prétexte qui n’engage a rien
‘Dans le vent de ta course, tes longs cheveux
blonds te balaient le visage. » Bon sang! pen-
sent alors les autres joueurs, mais c'est pour-
tant bien sir qu’elle est blonde! Tout cela
demande assurément une certaine rapidité
de réaction, mals cela ne devrait pas man-
{quer & tout bon meneur de jeu.
Les joneurs
Les joueurs ont moins c'oceasions naturelles,
de se décrire, du moins en ce qui concerne le
feu de action, d’ou lutilité d'afficher leur
portrait. Par contre, il pourrait étre tout & fait
plausible, pour ne pas dire judicieux, qu'ls le
refassent chaque fols qu'ils se retrouvent
aprés avoir été momentanément séparés. Les
occasions ne manquent pas: le matin, au
révell, quand on se retrouve tous ensemble;
le soir, aprés que chacun soit allé enquéter de
son cdté ou vaquer & n'importe quelle occu-
pation; apres plusieurs jours de séparation;
pratiquement, & chaque fols qu'il ya eu inter-
ruption dimage prolongée. Chacun redéerit la
fagon dont il est vétu et équipé (et qui a pu
changer depuis la dernigre fois) et peut en
profiter pour ajouter une remarque sur son
aspect personnel. Pas question d'une des-
cription complete, ce qui serait lourd et pren-
drait trop de temps, mais une petite touche,
cen la variant & chaque fois, facon fomancier.
Un exemple, Les trois cavaliers sont arrivés &
‘une auberge. Tandis qu'on s‘occupe de leurs
chevaux, chacun prend possession d'une
chambre. Plus tard, ils se retrouvent dans la
salle pour diner. Loccasion est bonne pour se
redécrire brievement.
Le chevalier: «Je porte toujours ma grosse
armure, C'est encombrant, mais je suis cos-
aud.» (Rappel du fait qu'il est grand et fort.)
Le barde: « Vous pouvez voir que fai air fat
qué. Ces longues chevauchées ne sont plus de
Tage de mes cheveux blancs, » (Rappel de son
physique et de son age.)
La Jeune fille: «.'al mis ma robe rouge. Elle
est chiffonnée d’étre restée au fond de mon
sac, mais elle met en valeur mes cheveux
blonds.» (Rappel de son physique et de sa
coquetterie.)
‘Avos looks! Pratiquement, en tant que joueur,
‘une palette restreinte peut sulfire a montrer
votre personnage. Pensez-y lorsque vous allez
lecréer. Si vous décidez qu'il est moyen par-
tout, taille moyenne, nez moyen, bouche
moyenne, et., vous n'aurez évidemment pas
srand-chose a décrire.Inversement, pensez &
un ou deux détails significatifs afin de lui don-
ner une réclle étoffe visuelle: trés grand ou
tres petit, tr8s gros ou trés maigre, chauve,
barbu, balafré, sourcils broussailleux, por-
tant des lunettes, etc. Nexagérez pas non
plus sous peine de n’obtenir qu'une carica-
ture, Notez que la beauté se passe générale-
‘ment de commentaire, On est beau, i n'y a
ren a rajouter. Inversement, les défauts sont
beaucoup plus accrocheurs : bossu, borgne,
gros nez, bouchetordue, édentée, oreilles
décollées, ete
Certains traits peuvent permettre une des-
cription dans le cours de action. Un person-
nage trés grand peut Je montrer en indiquant
4quil baisse la tte pour parler aux autres, et
inversement sil est petit, Une barbe peut étre
utile pour se la gratter en cas dindécision,
cet done la montrer. Les personnages dotés de
longs cheveux, principalement les femmes,
peuvent les coiffer dlféremment (nattes, cato-
¢gans, chignons,flotant lbrement, etc). Quand
les personages se retrouvent aprés une sépa-
ration, un changement de coiffure peut per-
mettre de préciser & nouveau la couleur des
cheveux. Les personnages {éminins ont en
outre l'avantage du maquillage pour souli-
ggner tel détal de leur visage.
Tout dans les mains
Plus important encore est 'équipement por-
, A commencer par ce qu’on tlent en mains.
I arrive trés souvent dans le cours de ac-
tion que 'on ne se souvienne plus précisé-
‘ment de qui tient quoi, a commencer par le
‘meneur de Jeu. Qui est armé? Qui ne est
pas? Qui tient une lampe pour éclairer la pro-
‘gression du groupe? Chaque fois qu'un joueur
annonce son action, il peut indiquer ce qu'il
tient: «Je m’avance vers la porte, déclare le
chevalier, jai mon boucller au bras gauche
‘et mon épée 8 la main droite.» Si, plus tard, it
range ses armes, il peut ne pas se contenter
de le mentionner a ce seul moment, et lors
une action ultérieure redire qu'lla les mains
vides. Une telle précision systématique per-
met en outre c’éviter certalnes incohérences
dans le cours de action, quand par exemple
le meneur de jeu réalise soudain que le per-
sonnage qui déclare étre en train de crocheter
la serrure est également censé porter son
bouelier, son épée, brandir son arc et tenir
lalanterne.
Tous meneurs de jen
Toutes ces descriptions en cours de jeu peu-
vent paraitre lourdes et négliger lessentiel
action, le role. Il est un moyen de les faire
passer plus aisément: en changeant rangle de
‘yue de la caméra, diraiton en termes de ciné-
‘ma, Or c'est bien de cela quils'agit, puisqu'il
est question de mieux volr.
Puisque, comme nous lavons dit, c’est le
‘meneur de jeu qui est le plus & méme de décri-
re, une autre solution consisterait & ce que
chacun soit en quelque sorte le meneur de,jeu de son personnage. Cela suppose une ds-
tanclation vis-vis de celubc, un certain recul,
tune facon de jouer différente de celle qui est
pratiquée communément. Au lieu de deman-
der au joueur du chevalier: «Que fais-tu?», le
‘meneur de jeu lui demande: «Que falt le che-
valier?» Bt au lieu de répondre: «Je me dirige
vers la porte», ce dernier répond: vLe che-
valier se dirige vers la porte.» Il utilise
au lieu de sje», Exactement comme fait le
‘meneur de jeu avec ses PNJ, sauf que le jou-
‘eur n'a qu'un seul personnage a gérer: le sien.
Cela étant, il devient beaucoup plus alsé de
glisser ca et un détal de description, pulsque
Te joueur se met dans une position oi il voit
n personage au lieu d’étre complétement
‘intérieur de celui.
Notez que cela ne change rien aux dialogues,
qui continuent &étre en style direct, a la pre-
mire personne. Quand le meneur de jeu fait
Intervenir un PNJ, il Ie décrit de Vextérieur
(ne dit pas «je») en revanche, quand celuk
ci parle, le meneur de jeu parle effectivement
par sa bouche, Par exemple, ayant décrit Pau
bergiste: Je peux vous proposer mes trois
plus belles chambres», dit. Aux joueurs
dappliquer le méme procédé avec leur
tunique personnage. lls le décrivent de Tex-
térieur, mais en continuant & dialoguer not-
‘malement,
Loin d’appauvrir le role, cette facon de jouer
re peut que lenrichir, Car le principe du jeu
de role est en effet que 'on joue un persor
nage différent de sol. Quand on s'identifie
lui, en disant: «Je donne un coup d’épée
alors qu'on ne fait en réalité que jeter des
dés, le personage finit par s’effacer et
n’étre qu'une projection de so-méme, une
copie transposée. Quel que soit le jeu de
role pratiqué, on joue toujours le meme per-
sonnage.
Alors qu’en prenant du recul, on est mieux
méme d’en faire un individu distinet, avec sa
psychologie propre, ses forces, ses faiblesses,
Cest-idire tous les éléments d'un vrai role,
Surtout, on va se demander: » Comment réagi-
rait ce personage?» Ce qui se passe autour
de la table ne peut qu'y gagner en force et
en vérité ~ et les deux cotés du miroir de se
confondre: véritables personages, parlaite-
‘ment visualisés, Peu importe alors le joueur
‘aux yeux fatigués, adolescent en Tshirt et la
calvitie du quadragénaire, ce ne sont plus
eux qui sont en scéne, prétendant galoper
‘dans la plaine. Ce sont eux qu s‘effacent, qui
n'existent plus. Des deux cOtés du miroir, vol
i réellement le chevalier, le vieux barde et la
demoiselle
On peut certes objecter que dans certains
Jeux dits d'ambiance, notamment d'horreur, le
fin du fin du meneur de jeu consiste juste-
ment & influencer émotionnellement les jou
‘eurs, Cette autre facon de jouer rédulrat évi
‘demment de tels efforts a néant.
Accessoirement, pratique ans, le eu de role
priverait d'arguments les radotages média
tiques qui font de tous les rolistes en général
des sortes de schizophrénes en mal (ident
fication - bref de la graine de potence.
Denis Gerfaud
illustration: Yann Monfrére
Joner d la troisieme
personne ?
Seite son personnage en disant «il» an len
idaje> ? Jem vols parm vous qui sont dnbiatif
‘Nesoyez pas si conservatenrs et regandez
cthextraie d'une partie de « Star Wars »
At André (Arno le mécanicien)
BsBernard : (Beor le contrebandier)
Christine (Cheg le pilote)
DéDanielle(Dwid la foresttve)
Md; Jean-Marc le Menenr de Jen
(Cans les PNJ : Oona UEwok, Pstal Cespion
det Alliance rebelle)
Md: Vous progressezdiffclement
dans la fret. Pstal vous denne Uinpression
de se déconrager, marche avec le dos vont
ct parle sans 5 advesser i personne
en particulier: «Et 2nt {je ne suis plas
oh fab posé ce fchn vaisseat
‘Oneva mettre des jours ile retronver...»
: heg s approche de Pstal, ise ratte
Ga barbe «Tu sts, si avate plus pres
enemal caché, les soldats de Empire anraient
vemargué, Fant (temps de lecronve.»
Md: Pstal fait des grands gestes avec les mains
«Mais o's, le toms >
D Dwid prend wr fase ar furiens.
Elle passe devant les dence antresem trols bonds
bles menace de Uindex::«Hé vous 1S idit
ae avaisformellement identifé les fenilles
gue sal avait ramenées avec lud
du point datterissage, et qu je suis shre
se ces végétansc me poussent qu’ acendelt
précis dans un rayon de 30m. Alors om attend
tre sur place pour cider dre optimiste
on defaiiste, oh ?» Etelle les defied hant
de ses1,00m!
Md: Ces flagrant, Uintervention de Dwid
a revigos Pstal, 1 sourit en coin, (nd aterape
ne miche de chevens et lui lance
«ok, Camazone > avec un vegardappuye
Pus ise remet en marche.
A: Arno est ala train. Usonffle
comme un phogus, sEponge front, chaque
fais quit le pet, se rote la jambe...
Bz eHé views, tas dt mal asnivre?»
AsaHé je te rappelle que je sais bless
ek anssi mécanicien, pas forestier comme Cantre
Mlondinette.» En fit, Arn vile pour qu'on
eplaigne, mas il acelere le pas
MJ: Arno remargue gue Oona, LEwek
est mis devant Ini, e lu indiqne les trons
les obstacles en fasant « Yopyop».
A: Hlse magne delat?
Md: Jen aipas dis a. Et d'sillenrs son visage
est impénitrable.
‘A: Bo, Arno fait une grimace, mals ile sui,
et cesse de sonffler et gent.
Alors, est-ce que ga nest pas st dfferemment
laméme chose?