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Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Épilogue
Du même auteur en auto-édition
Bibliographie en maison d’édition
Nephilims
Virginie T.
© 2022. T. Virginie
Plus ou moins, oui. Et cela n’a pas été sans difficulté. J’ai même
dû parfois intervenir, comme avec Abaddon qui ne comprend
toujours pas comment sa femme a pu atteindre le toit du Sky. Je
souris de voir ces petits si libres et insouciants. Je souhaite qu’ils en
profitent tant qu’ils le peuvent encore. Le futur qui se prépare sera
malheureusement sombre. J’aurais voulu leur expliquer. J’aurais
aimé les guider dans leur formation. Néanmoins, cela serait contraire
à mes propres règles. Je ne suis déjà que trop intervenu.
Désormais, tout est entre leurs mains. L’avenir des humains dépend
d’eux.
Pas vraiment. Disons plutôt que je suis résigné sur mon sort et la
fin de mes anges, même si j’en ressens également un intense
regret. Ils ont été mes enfants durant des siècles. Comme tout
parent, bien que mon raisonnement soit absurde, j’espérais partir
avant eux. C’est idiot puisque nous sommes immortels. Pourtant,
nous pouvons être tués, tous autant que nous sommes.
— Tu leur as donné toutes les cartes pour faire leur vie, leur
propre choix. Tu n’es en rien responsable des erreurs qu’ils ont
commises.
– Et toi non plus. Tes anges ne sont pas sans faille.
— N’aie pas peur, mon frère. Si tout se passe comme prévu, tes
créations auront une longue et heureuse vie devant elles.
— Et si tu te trompes ?
— Toi ?
— Le grand Ange Ultime qui ne voit pas plus loin que sa petite
personne. Au lieu de passer ton temps sur ton promontoire à
observer ces êtres inférieurs, tu aurais dû te retourner pour analyser
ton propre royaume.
— Pourquoi ?
Son rire se fait plus perfide, plus démoniaque. Il glace mon sang
dans mes veines en une réaction épidermique.
— Angela !
— Tu en es sûr ?
— Frimeur…
— Jalouse.
Je ferme les yeux, laissant mon dos appuyer sur le mur derrière
moi.
Je suis jolie certes, mais d’une beauté classique qui n’a rien
d’extraordinaire.
— Donovan !
Nous nous observons tous les quatre tandis que cette voix
s’infiltre dans chacun de nos pores. Nos pères se précipitent à
l’extérieur, arme létale en main, prêts à faire un massacre, les ailes
déployées et leur pouvoir à la surface. D’un même mouvement, nous
tournons la tête vers Angela lorsque le ciel se zèbre d’éclairs dorés
d’une violence inouïe. Il y en a tellement que le ciel semble prendre
feu sous nos yeux ébahis. Raphaël est le premier à s’élancer en
avant pour protéger de son corps Angela, suivi une seconde par
tous les autres. Nous formons une cage autour de la personne la
plus précieuse au monde tandis que des forces étranges se
déchaînent au-dessus de nos têtes. Le bruit est assourdissant. Le
sol tremble sous nos pieds et Jaden ne peut rien faire pour nous
stabiliser malgré toutes ses tentatives.
Angela nous scrute à tour de rôle avec attention. Elle est ainsi,
prête à se sacrifier pour chacun d’entre nous sans distinction. Nous
hochons tous la tête afin de la tranquilliser alors que nos pères
courent vers nous.
Je vois…
Mes amis et leurs parents oscillent entre choc et… choc. Ils
ressemblent à des poissons hors de l’eau. Sauf Azazel. Lui, il est
plutôt un requin sur le point de me manger toute crue.
— Le ciel a pris feu ! Ce n’est pas bon signe. Nous devons nous
assurer que rien de grave n’est arrivé dans l’Autre Monde.
— Quelle importance ?
La voix du premier des déchus se fait gutturale. Par réflexe, les
nephilims viennent se positionner devant moi, en bouclier. Je ne
doute pas un instant qu’ils soient tous prêts à me défendre, sauf que
je refuse qu’ils se placent contre leurs pères. Il n’y a pas deux
camps, mais un seul, une seule famille avec des idées contraires
dont il faut discuter.
— Merci.
— Pas de quoi, ma belle.
— Impressionnant ?
Je n’aurais pas mieux dit. Là, le voile me fait plutôt penser à un
filet de pêche déchiré, usé par trop d’années de service.
— Je dirais plutôt que le voile s’est enflammé. C’est lui que nous
avons vu brûler.
– C’est impossible. Le voile est une barricade indestructible. Il est
une extension de l’Ange Ultime lui-même.
— Qu’est-ce que…
— Akon !
Je sens son malaise comme s’il était le mien tant il est palpable
dans l’air.
— Tu as la frousse, Donovan ?
— Notre place n’est pas ici. Nous n’avons rien à faire là.
Ma tension monte d’un cran tandis que je perçois la sienne. Son
regain de hargne m’exhorte à briser notre formation. Je me décale
sur le côté pour voir de quoi il retourne exactement.
— On dirait…
— L’Ange Ultime…
– Non. L’Ange Ultime est immortel. Il est le père des anges
gardiens. Personne n’aurait pu le tuer. Ce ne peut pas être lui.
Akon est encore jeune, avec un cœur innocent malgré les airs de
dur à cuire qu’il tente d’arborer. Il ne s’intéresse que peu aux
commisérations du monde. Il y a des humains abominables sur
Terre. Je ne vois pas comment l’un d’entre eux aurait pu atteindre ce
lieu. Néanmoins, je suis certain qu’Angela a raison : l’Ange Ultime
n’est plus. Il a rendu son dernier souffle, assorti d’un avertissement
nous concernant.
— C’est…
– C’est magnifique.
— De quoi ?
— L’Ange Ultime épiait les gens, les humains. Il veillait sur eux.
Et sur nous.
Elle pleure un ange qui a banni nos parents sans raison tout en
affirmant qu’il les aimait. Je ne m’attendais pas à ce que cette
journée prenne un tel tournant en me levant ce matin ! Je m’éloigne
un peu, ayant besoin d’évacuer l’agacement que je ressens sans
qu’Angela perçoive ma frustration grandissante face à mon
incompréhension. Je suis fou d’elle, jamais je ne le nierai. Jamais je
n’avouerai non plus que je me doute être responsable de son
absence de choix. Angela a trop de cœur et de compassion pour se
résoudre à décevoir qui que ce soit.
Ou ce qu’il en reste.
— Les anges !
Akon me presse contre lui, serrant un peu plus fort mon épaule.
– Non. Justement. Il n’y a aucun ange dans l’Autre Monde.
— Et ?
— Rentrons.
– Azazel le saura. Il lira dans notre esprit tout ce qu’il aura besoin
de connaître. En théorie.
Azazel serre les dents à s’en faire grincer les molaires avant
d’accepter de faire dévier son regard vers mon frère.
Azazel tente par tous les moyens de trouver une explication. Pas
pour nous contredire. Pas pour reprendre le contrôle de la situation.
Non. Je sens son inquiétude comme il entend mes pensées. Il
pressent que tout va changer et il se refuse à l’admettre.
— Les anges doivent être perdus sans l’Ange Ultime à leur tête.
Il était leur guide. C’est lui qui répartissait les missions de protection.
— Que font les déchus lors de leur première journée sur Terre ?
— Non.
S’ensuit le rouge.
– La colère.
– La haine.
Angela tourne alors les talons pour quitter cette pièce et cette
fois, personne ne l’en empêche ou ne la suit.
Akon et Angela sont très complices. Ils sont frère et sœur, les
seuls nephilims possédant un lien de parenté.
— Les enfants ont raison. Nous avons tous besoin d’une pause.
Jaden renchérit.
– Je pense que notre « amour » pour elle, si l’on peut réellement
le nommer ainsi, vient en grande partie de l’esprit de compétition qui
nous lie les uns aux autres. Nous avons été élevés tous ensemble.
Quelque part, nous désirons nous démarquer les uns des autres.
Ravir le cœur d’Angela serait un excellent moyen d’y parvenir.
Sans m’en rendre compte, me voilà rendue chez moi. J’ai sans
doute été imprudente, volant jusqu’à mon immeuble sans le pouvoir
des autres anges pour me dissimuler. Toutefois, il est tard, la nuit est
tombée et on ne peut pas dire que nous vivons dans une ville
grouillante lorsque le soleil se couche. Au contraire, il s’agit tout au
plus d’un petit centre avec toutes les commodités que les familles
recherchent, mais cela s’arrête là. Nous sommes loin de la grosse
pomme, fief d’origine des déchus. Ils ont choisi une vie plus retirée
du monde pour nous élever, sans parler du fait qu’ils sont immortels,
tout comme leur compagne. Ils ne vieillissent pas. C’est le genre de
chose qui ne passe pas inaperçu éternellement. Isabelle et Crystal
continuent de travailler avec les enfants, changeant régulièrement
de ville pour exercer grâce au transport en commun made in déchu.
Un déchu vole vite et loin, ce qui est pratique. Yekun tatoue
désormais à domicile, quant à Azazel, Cheyenne et Kezef, leur
agence de détectives privés fonctionne à plein régime. À la
différence des autres sociétés, ils ne s’occupent pas des époux
volages, mais plutôt d’enquêtes pour maltraitance, disparition
étrange, ce genre de choses. Bref, les déchus ont un travail, une
position dans ce monde et nous, les nephilims, ne faisons
strictement rien ! J’ai besoin de trouver ma place parmi les mortels,
d’avoir une utilité autre que leur distiller un peu d’espoir quand je
passe à proximité et que je perçois leur désarroi. Ce n’est pas
suffisant.
— Arrête, Angela.
— Arrêter quoi ?
— De ruminer. Tu as beau t’en défier. Azazel et toi vous
ressemblez beaucoup.
— Quoi ? N’importe quoi !
— Vous êtes aussi têtus l’un que l’autre, avec des convictions
profondes. Vous vous souciez des autres, sauf que tu t’intéresses à
tous les êtres vivants quand le premier déchu fera toujours des siens
sa priorité. Vous défendez farouchement ceux que vous aimez, quoi
qu’il vous en coûte.
— Je ne vois pas où tu veux en venir, Akon.
— Je pense qu’ils s’en doutent. Ils passent tout leur temps avec
toi, à t’observer, à analyser le moindre de tes gestes. Ils espèrent un
signe, une indication qui ne vient jamais. Quelque part, ton absence
de préférence maintient l’équilibre de l’équipe.
Il me coupe la parole.
– Aussi. Parfois.
— Il a raison, Angela.
— Tout le monde était un peu trop sur les nerfs. Il était préférable
de remettre à demain une conversation aussi épineuse.
Je fixe Akon comme s’il lui poussait une deuxième tête, ou une
seconde paire d’ailes.
— Ils sont très beaux mes pieds, je ne vois pas ce que tu leur
reproches.
M’asseyant sur mon pouf, je les regarde l’un après l’autre. Ces
hommes sont ma famille. Ils ont tous une place particulière dans
mon cœur. Ils sont tous différents, tous incroyables. J’ai tellement de
chance de les avoir.
— Angela ?
— Hum ?
— Quoi ? Lance-toi.
Ha…
Ainsi, elle n’est pas dupe. À quel point sent-elle les choses ?
Que sait-elle sur moi ? Trop sans doute… Je ne suis pas certain
d’apprécier qu’elle soit susceptible de me sonder en profondeur. Si
mon père est capable d’entendre nos pensées, il ne discerne que les
superficielles, celles en surface. Angela a bien plus de pouvoir en un
sens, car elle connaît tous nos sentiments. Sa perception est sans
limites. Elle sonde jusqu’au tréfonds de notre âme et il est
impossible de lui cacher quoi que ce soit. Malheureusement, la
réciproque n’est pas valable. Personnellement, je suis bien
incapable de savoir ce qu’il se passe dans sa tête et encore moins
dans son cœur. Peut-elle aimer quelqu’un comme moi ? Je
ressemble tellement à mon père. Plus que je ne veux bien
l’admettre. Si Angela et lui partagent un caractère fort, pour ma part,
j’ai hérité de son ambivalence de sentiments par rapport au monde.
Je me sens parfois si détaché, en dehors des considérations du
commun des mortels. Pour preuve, je me contrefiche de la mort de
l’Ange Ultime. Quant à la disparition des anges gardiens, je m’en
moque comme de la dernière plume que j’ai perdue. Quelle
importance pour moi ? Pour nous ? Le monde risque de partir à vau-
l'eau ? Et alors ? Qu’il aille au diable. Les humains peuvent bien
s’entretuer. La Terre ne se portera que mieux sans eux.
— Raphaël ?
— Quoi ?
L’air frais nocturne nous caresse les membres tandis que nous
déambulons dans les rues calmes de la ville, occupant toute la
largeur de la route. Akon chahute gentiment avec sa sœur, taquinant
Angela sur je ne sais quoi. Je suis trop loin d’eux pour entendre leur
chuchotement de connivence, et à la fois trop près, remarquant leur
complicité et en ressentant une pointe de jalousie. Angela ne laisse
aucun autre nephilim l’approcher d’aussi près. Elle a, en quelque
sorte, établi des barrières entre elle et nous. Je n’y ai jamais
vraiment prêté attention avant ce soir. Pourtant, à présent, ce
constat me saute aux yeux et me crispe les entrailles. Je leur envie
le lien qu’ils partagent. Un lien frère et sœur que je ne connaîtrai
jamais puisque mon père et ma mère sont incapables d’avoir un
autre enfant.
— Raphaël, calme-toi.
– Désolé.
Akon n’est jamais venu avec nous le soir. Les déchus sont ultras
protecteurs et le considèrent encore comme un enfant, l’empêchant
de sortir passer la nuit, ce qui s’avère de plus en plus laborieux.
Akon est désormais doué pour tenter de s’échapper de sa prison
dorée. Le problème ? Azazel est un spécialiste de la surveillance. Il
perçoit les projets d’Akon avant qu’il n’ait le temps de les mettre en
place. D’ailleurs, je profite du fait que nous sommes tous installés
autour de la table pour lui poser la question.
Il ricane avec fierté. Ce nephilim est un petit con avec une pointe
d’arrogance.
— OK…
— Cette…
— Et les autres, ce sont ses frères aussi ? Elle passe son temps
à minauder, les privant de trouver une véritable femme qui pourrait
les contenter tout autant.
— Angela ?
Akon ouvre la marche, sa sœur installée dans ses bras, suivi des
autres nephilims. Je ferme notre procession, veillant à ce qu’aucune
autre menace ne plane sur nous.
Chapitre 10
Angela
— Comment te sens-tu ?
— Tu souffres, Angela.
— Je n’ai pas plus mal que quand vous vous acharnez lors des
entraînements d’Azazel et que vous finissez brûlés au premier
degré.
— Ce n’est pas ma faute s’ils ne sont pas assez rapides pour les
éviter.
Je n’ai pas la force d’affronter une dispute. Pas avec lui, pas
aujourd’hui.
Je ferme mon esprit, contrant autant que possible les ondes qui
émanent de lui par vagues.
Ainsi, ces deux hommes qui comptent pour moi vont me fixer très
prochainement un ultimatum duquel je ne pourrais pas me défiler. Y
penser me donnerait presque envie de succomber. Je dis bien
presque, car au fond, j’aime trop la vie, ma famille et mes amis pour
me montrer aussi lâche.
— Y a-t-il un problème ?
Je pourrais, sauf que j’ai une envie folle de dormir. J’ai besoin de
fermer les yeux et d’oublier les dernières heures. Depuis que le ciel
s’est enflammé, ma vie a pris un sacré tournant. J’ai besoin de
souffler une minute. M’opposer à Azazel non pas une, mais deux
fois dans la même journée a mis mes nerfs à rude épreuve.
Observer l’Ange Ultime mort et ressentir ses derniers instants
jusqu’au fond de mon âme m’a complètement retournée, et pour
finir, je découvre que les humains vont devenir fous à très brève
échéance. J’ai besoin de mettre ma vie sur pause.
Mon ami est tout aussi grand que moi bien que légèrement moins
carré. Toutefois, lorsqu’il me surplombe tandis que je suis assis sur
un pouf au ras du sol, je me sens soudain petit.
— Que t’apprend-il ?
— Il affirme que nous ne vivons pas dans le vrai monde.
Il n’a pas tort. C’est d’ailleurs la raison qui nous a poussés à nous
installer en dehors de l’immense propriété familiale, à l’écart de nos
parents.
— Ce que je veux dire, c’est que mon père est persuadé que tôt
ou tard, nous subirons les épreuves de la vie. Le moment est peut-
être venu.
— Quelles seraient ces épreuves d’après toi ? Perdre Angela ?
— Peut-être pas physiquement, non…
Nos parents sont tout aussi perplexes. Pour les anges, il n’y a
pas cette hésitation, ce doute. Ils ne peuvent se lier qu’à une seule
femme. Ils ne sont séduits que par celle qui leur est destinée, sans
ambiguïté. Ils ne sont tout simplement pas attirés par une autre. Ils
ne le peuvent pas. Or, soit Raphaël soit moi sommes dans l’erreur. Il
ne peut en être autrement. Angela ne pourra pas être avec nous
deux.
— Tu penses qu’elle ne sait pas lequel de nous est fait pour elle.
– Non. Je crois au contraire qu’elle est plus lucide que vous
deux. Elle est empathe, Donovan. Elle est capable de démêler le
vrai du faux mieux que personne. Simplement, elle ne veut blesser
personne. Elle est certainement tout aussi malheureuse que vous,
bien qu’elle ne le montre jamais.
— Il y a bien des choses qu’elle nous cache.
— Dispersez-vous !
— Angela ?
— Ma chérie, réveille-toi.
— Dégagez tous les deux ! Allez prendre l’air. Je vais rester avec
elle.
— Salut.
— Tu nous as fait peur.
Alors là, je n’en reviens pas ! Le roi des déchus qui s’excuse pour
son comportement ? Je comprends qu’il ne souhaite pas de
spectateurs !
— Que s'est-il passé durant mon sommeil ? Il n’a pas été si long
que le monde s’est effondré !
— Tu es restée inconsciente durant un peu plus de deux jours.
Déjà, en soi, cela a été une expérience des plus désagréables.
— Je vais bien.
Par réflexe, je m’assieds sur mon lit pour passer ma main sur
mon ventre dont la peau est redevenue parfaitement homogène. Il
n’y a même pas une cicatrice pour rappeler ma blessure.
– Tant mieux. Nous allons avoir besoin de toi et de ton don hors
du commun.
J’en reste sans voix ! Depuis quand est-il devenu sage ? Non,
parce qu’en règle générale, c’est plutôt le genre de discours que l’on
pourrait entendre dans la bouche d’Abaddon ou de Kezef, mais
assurément pas dans celle d’Azazel…
J’ai mis toute mon énergie à ne pas être envahie par les
tourments de mes deux prétendants avant même d’ouvrir les
paupières, donc non. Cependant, je l’ai éprouvée avant de me faire
poignarder.
— La situation a empiré ?
— J’irais jusqu’à dire qu’elle devient incontrôlable. Il est devenu
dangereux de sortir seul. Même en groupe, il vaut mieux surveiller
ses arrières.
— C’est à cause du voile.
— Je ne comprends pas, et, oui, avant que tu te mettes à ricaner,
cela me met en rogne.
Effectivement.
— Par ailleurs, les anges semblent étrangement discrets depuis
la mort de l’Ange Ultime. Je me serais attendu à en trouver des
désorientés dans l’Autre Monde ou sur Terre. Sauf que, à ma
connaissance, personne n’en a croisé. À moins que cela ait changé
durant mon absence forcée.
— Je te laisse continuer.
— Bref.
— Tu devrais refermer ton esprit, Angela. Tu sais parfaitement
couper ta connexion avec les autres, n’est-ce pas ?
Ainsi donc, Angela doit nous diriger pour sauver les humains ?
Alors qu’une colère sourde monte en moi, le regard de la nephilim
de mes tourments pose ses yeux bleu glacier sur ma personne.
J’adore ses iris. Ils ont quelque chose de réconfortant. Peut-être leur
couleur froide justement, tellement proche de ma personnalité. Ces
deux derniers jours ont été difficiles pour une raison bien différente
de mes compagnons. Certes, j’étais inquiet pour Angela. La
constater si immobile, quasi sans vie, m’a retourné l’estomac au
point que j’ai eu envie de m’arracher les tripes avec les mains.
Toutefois, j’ai également dû me battre avec moi-même. Jamais je ne
m’étais senti aussi… Aussi démoniaque. Je ne vois pas comment
l’exprimer différemment. Je me sentais torturé de l’intérieur et j’ai dû
brider du mieux possible mes accès de violence, ce qui n’a pas été
évident. J’ai réalisé que mon équilibre mental était entièrement
rattaché à Angela, ce qui me place sur une corde raide, parce que
j’ignore quelle sera sa décision à la fin de cette histoire. Que
deviendrai-je si elle choisit Donovan ? Bien que nous ne soyons pas
des amis inséparables, il est un peu comme un frère pour moi. Nos
parents nous ont élevés ainsi, de manière à ce que nous soyons
soudés les uns avec les autres. Seulement, nous atteignons nos
limites. Nos pères n’ont pas eu ce souci, car il n’y a jamais de
femmes entre eux pour les mettre à l’épreuve. Étrangement, je
préférerais la savoir avec n’importe quel autre homme plus que lui.
Ou qu’un de mes amis nephilim d’ailleurs. En fait, notre amitié et
notre instinct de rivalité sont intimement liés. Je ne veux pas la
perdre à leur profit. Jamais je ne pourrai admettre que l’un d’eux a
trouvé grâce à ses yeux à ma place. Cette place qui me revient dans
son cœur, j’en suis persuadé. Elle doit être à moi !
— Bien sûr.
— Je n’en doute pas. Elle ne serait pas blonde aux yeux bleus
par hasard ?
Pourquoi irions-nous risquer nos vies pour des êtres qui nous
considèrent comme des monstres indignes d’être en leur compagnie
et qui n’ont que du mépris pour ceux qui nous ont mis au monde ?
— Raphaël ?
— Il y a autre chose ?
— Quelque chose qui ne va certainement pas te ravir.
— Dis-moi.
— Chaque nephilim aura un ange à protéger.
Ce qui implique que nous serons tous séparés.
— Angela ?
— Que t’arrive-t-il ?
— Je vais bien.
Une larme roule sur ma pommette tandis que mon amour pour lui
lutte avec mon cerveau. Donovan l’essuie du bout du pouce avec
une infinie douceur.
Mon frère est ambitieux. Il est puissant, mais mon don est
comme une fatalité. Peut-être suis-je maudite finalement. Les
déchus ont toujours affirmé que j’accomplirais de grandes choses
sans pouvoir m’en donner une explication valable. Aujourd’hui, je
connais mon devoir. Que je le veuille ou non, je dois guider les
nephilims. Seule.
— Angela…
Je n’aspire à rien de plus que me jeter dans ses bras pour m’y
sentir protégée. Sauf que l’on ne peut pas toujours avoir ce que l’on
désire.
Ou presque…
– Je suis désolée.
— Te sens-tu mieux ?
Il me fixe, tourmenté.
– Tu es perturbé.
— C’est compliqué…
Tandis que là, je ne me suis jamais senti plus seul ni plus perdu.
Si j’en discute avec ma mère, elle en sera perturbée, peut-être plus
que moi. Quant aux autres adultes, ils voudront rester neutres pour
n’influencer personne.
— Tout de suite !
Mon ami me retient par le bras avant que j’invoque mes éclairs.
– Elle est empathe. Je ne suis pas sûr qu’elle est pour le moment
en état de percevoir leur rage. Toutefois, quand ses propres
tourments se seront apaisés, elle sentira leur douleur. C’est ce que
tu souhaites ?
Non. Bien sûr que non. Malgré ce qu’elle vient de me faire subir,
je n’ai aucune envie de la faire souffrir, pas même de cette manière
détournée.
Un abat d’eau tombe sur la foule qui résiste bien qu’ils soient
rapidement trempés. Je dirais même que la pluie intensifie leur rage.
Ils se poussent, tapent des deux poings sur la vitre, quand ce n’est
pas directement avec des barres de fer ou des battes de baseball.
Nous nous serrons dans les bras l’un de l’autre et répétons d’une
seule voix.
— Que se passe-t-il ?
— Et ?
Il est manifestement mal à l’aise. Cependant, il n’y va pas par
quatre chemins. Il me connaît. Il sait que je déteste les mensonges
et les faux-semblants.
Merde ! Rien n’est plus important que la vie, quelle qu’elle soit. Je
n’ai pas plus de valeur qu’un humain. J’ignore ce qu’il se passe
réellement dans leur tête. Néanmoins, je suis certaine d’une chose :
ils ne sont plus maîtres d’eux-mêmes. S’ils étaient conscients de
leurs actes, ils ne seraient pas si violents. La plupart des humains
sont pacifiques, et heureusement.
— Il a raison, chérie.
– Quelques-unes.
— Parfait.
Il n’est pas dupe, pas plus que les autres. Il est conscient que je
tente d’éviter une bagarre entre lui et Raphaël. Il hoche la tête puis
quitte la pièce. Soudain, je respire plus librement. Il n’y aura pas de
combat aujourd’hui. Un jour de plus de gagné, mais jusqu’à quand ?
Chapitre 17
Raphaël
Son regard se promène sur moi avant qu’un sourire étire ses
lèvres carmin.
— Comment s’appelle-t-il ?
Hum, si je le savais…
– Oh non. Il est bien trop beau pour moi. Simplement, j’aime lui
apporter des pâtisseries de temps à autre.
Ouais, à d’autres. Elle veut lui offrir plus que des gâteaux aux
lumineux. Quel idiot ! Il aurait dû en profiter. Elle est plutôt mignonne
et l’Ange Ultime n’est plus là pour faire régner la terreur avec ses lois
débiles.
À moins bien sûr qu’il soit le meurtrier que l’on recherche, mais
j’ai dû mal à l’imaginer dans ce rôle avec sa bonté qui jaillit de lui par
vagues… Il m’en donne la nausée…
— Maintenant, suis-moi.
– Non. Je m’en sortirai seul.
Ma mère est toujours aussi belle avec ses longs cheveux noirs et
ses yeux en amande, dont j’ai eu le bonheur d’hériter. Elle
ressemble à une poupée.
— Je vais bien.
Il est vrai qu’il m’a bien fallu m’adapter à ce déchu fouineur qui
adore mettre son nez — ou son esprit — partout.
Je ferme les yeux aussi fort que je voudrais pouvoir fermer mon
cœur.
— J’adore mon fils, Angela. Avec Mal, il est ce que j’ai de plus
cher au monde. Cependant, je le connais. Probablement mieux qu’il
se connaît lui-même. Il est loin d’être aussi parfait qu’il veut nous le
faire croire et je suis certain que tu t’en es aussi rendu compte.
Je n’ai aucune envie de trahir Raphaël. Il n’est pas celui fait pour
moi, mais il reste un ami inestimable.
C’est probable. Sauf que cela ne serait pas juste de lui demander
d’être un autre pour me plaire. Moi-même, je ne changerai pas pour
convenir à qui que ce soit. Nous sommes ce que nous sommes. La
personne doit nous aimer pour nous, pas pour une représentation
idéale de nous.
— Angela ?
Tout d’un coup, j’ignore s’il me parle des anges ou de son fils.
— Les anges ne sont pas sans faille. N’oublie pas que l’un d’eux
a tué l’Ange Ultime. Il est forcément puissant et malin pour avoir
réussi à tromper le plus grand des anges.
Je hoche la tête puis vole vers la maison familiale pour retrouver
mon frère. Il a été convenu qu’Akon me serve de garde du corps en
attendant que la situation s’apaise avec les humains. Cela pourrait
être vexant si le coup de couteau dans le ventre ne m’avait pas tant
éprouvée. J’ai effectivement besoin de quelqu’un pour veiller sur
moi.
Mon frère et son ego ! Une grande histoire d’amour. Il n’a pas
besoin de copine tant qu’il a un miroir pour s’admirer.
Ha oui, j’oubliais. Les déchus sont des anges trop faibles pour
supporter la réalité de leur existence. Ils ont échoué dans leur
mission.
— Bien sûr.
— Comment sont-elles ?
— De quoi ?
— Ses ailes !
— En quoi ?
— Les ailes d’Angela sont tout aussi uniques qu’elle. Elles sont
blanches et or.
— C’est incroyable…
Il ne rajoute rien, battant des ailes sur le même rythme que moi.
Intéressant.
— Nous sommes des êtres à part, sauf que nous sommes faits
pour suivre les ordres, pas pour les donner.
— Je suppose que des anges n’étaient pas de cet avis.
— Quelques-uns… Beaucoup ont trépassé cependant.
Je parie que ce n’est pas le cas pour au moins l’un d’entre eux.
Toutefois, je préfère garder ma remarque pour moi pour le moment.
Chaque chose en son temps. Pour l’instant, je veux qu’il continue de
parler.
– Pardon. Pardon.
Tous les anges acquiescent alors que je ne sais plus quoi dire.
Remarque, ils ne semblent pas pressés de discuter. Ils se contentent
de m’observer, si bien que je n’ose plus bouger.
— Faire quoi ?
— Me contempler comme si j’étais la personne la plus importante
au monde.
Sauf qu’il l’est pour moi. C’est exactement la place qu’il occupe
dans mon cœur.
— Je dois aller sonder leurs émotions pour m’assurer que l’un
d’eux n’est pas l’ange que nous recherchons.
Par chance, aucun ne refuse cet entretien. J’ai besoin de les voir
individuellement pour cerner leur ressenti profond. Lorsqu’ils sont
tous ensemble, tout se mélange, rendant impossible la moindre
interprétation.
— Angela.
— Je m’appelle Angela.
— Je sais. Les autres ont parlé de toi. Je sais qui tu es.
— Merci.
— Merci à vous de m’avoir recueilli. C’est une chance que Jaden
ait perçu ma présence en volant au-dessus de moi.
Effectivement. Jaden volait vers l’immeuble avec Cahethal
lorsque ce dernier a senti la présence de l’un des siens. Grâce à lui,
ils n’ont mis que quelques minutes à le repérer dans la foule. Jaden
l’a enjoint à les suivre jusqu’à moi. Néanmoins, je ne suis pas une
grande fan des coïncidences, ce qui m’oblige à rester sur mes
gardes tout en sirotant mon café. Il n’a aucune raison de m’attaquer
ou quoi que ce soit du même acabit. Toutefois, j’ai le plus grand mal
à le cerner. Chaque fois que je le sonde, il me laisse une impression
étrange, comme si tout ce que je ressentais de lui était factice. Ça
n’a aucun sens.
— Comment ça ?
Ainsi, c’est lui qui a attisé la haine des humains de la ville à mon
encontre. Il m’a considérée comme une menace à abattre.
— Tu n’es…
— C’était ma solution de repli, sauf que ton cœur est déjà pris.
Tu caches très mal tes sentiments, petite nephilim. Je dois donc
t’éliminer du tableau. J’en suis désolé.
— J’en suis fier ! Mon père est le premier des déchus. Il a ouvert
la voie aux anges pour qu’ils vivent leur propre vie, sans contrainte !
— Nathanaël a un problème.
— Angela…
— Non !
Akon voit rouge tandis que notre dispute surpasse le bruit des
sanglots d’Angela.
Il la place dans ses bras sans qu’elle réagisse. Elle n’est plus
qu’une poupée de chiffon entre ses bras.
— Vous ne pourrez plus vous lier avec qui que ce soit d’autre.
Les anges se lient pour la vie. Quant aux nephilims, il est plus
difficile de savoir ce que cela donnera.
Les nephilims donnent alors leur assentiment les uns après les
autres.
— Où est Bethor ?
– Envolé.
— Tu le ressens aussi ?
— De quoi ?
– La haine.
— Où est-il ?
— Angela ?
— Fais-moi confiance.
— Toujours.
Je réalise alors qu’ils sont tous là, dans mon appartement, anges
et nephilims.
— Mes…
Je ne le supporterais pas.
— Jamais je ne plaisanterai sur un sujet si grave. N’aie aucune
crainte, ma chérie. Fais-moi confiance.
Son doigt longe le creux entre mes omoplates sans que cela
devienne douloureux.
— Attends.
— C’est incroyable.
— Tu ne te brûles pas ?
— Non… Et je le ressens.
— De quoi ?
— Ton amour pour moi. Je perçois tes sentiments pour moi, pour
ton frère, pour tous ceux qui ont aidé à te guérir.
J’ai l’envie brutale de lui faire ravaler son sourire. Akon présente
ses mains devant lui en signe de reddition.
Elle me fait une petite moue boudeuse tout à fait charmante qui
me donne envie de la dévorer.
— C’est plaisant.
— Quoi ?
— Il semblerait oui.
C’est exactement ce que je crois, oui. Même s’il n’avait pas prévu
les actions de Bethor, il a pressenti qu’une femme serait à même de
créer un pont entre nephilim, ange gardien et même déchu, car
jamais Angela ne tournera le dos à sa famille.
— Non.
L’ange pèse ses mots avec précaution. Il fait bien s’il ne désire
pas mettre en rogne tous les nephilims présents dans la pièce.
Angela s’avance puis fait glisser ses doigts sur sa joue sous la
surprise générale.
Cela n’a rien de surprenant. Ils vont risquer leur vie et se battre
contre leurs frères.
— Désolée.
— Nous y sommes.
— Calme-toi, Angela.
— Tu es magnifique, ma puce.
— Impossible !
Et lui, il omet que je ne suis pas une petite fille. Je suis… Hum,
difficile à définir. Invulnérable et décidée à mettre un terme à sa folie,
cela, j’en suis certaine.
Je n’ai certes pas d’armes, mais j’ai plus d’un tour dans mon
sac et un nombre de pouvoirs conséquents. Je ne suis pas certaine
de savoir m’en servir. Toutefois, je ne peux pas me blesser avec et je
ne risque pas d’atteindre quelqu’un en dehors de Bethor, donc il me
suffit de tenter et d’observer les résultats. Forte de cette conviction,
je déchaîne le vent et la pluie sur mon ennemi. Ou plutôt, sur tout le
promontoire et l’espace qui nous entoure, ce qui est bien aussi. Le
principal étant de ralentir Bethor. Je n’ai aucune envie de goûter à sa
lame, même de manière superficielle. Je décolle du sol pour être
plus libre de mes mouvements. Je serai plus rapide et efficace dans
les airs que sur mes jambes. Bethor, pour sa part, avance
doucement, se penchant pour contrer le vent tout en restant au sol. Il
est malin. Il ne sort pas ses ailes pour gagner en puissance, car il ne
souhaite pas se rendre vulnérable. Je ne vais pas lui laisser le choix.
Je monte plus haut, hors de sa portée. S’il veut m’atteindre, il va
devoir voler. Ou pas. Un éclair traverse sa lame pour me toucher en
pleine poitrine. Voilà pourquoi la décharge électrique de tout à
l’heure ne lui a fait ni chaud ni froid. Il s’agit de son pouvoir inné.
Pour ma part, je ressens un chatouillement, mais rien de méchant. Il
grogne en s’en rendant compte.
— Tu es merveilleuse, Angela.
Et lui me répugne.
— Il reviendra, Donovan.
Elle pose ses lèvres sur les miennes tout en se blottissant dans
mes bras.
Prochainement : rédemption
Du même auteur en auto-édition
Série Guardian Angels : Intégrale
Spin-off le conseil des Guardian : Lili
Opale
Lenny
Sous couverture
Le prince charmant n’existe pas… la princesse non plus
À crocs à mon sang
Un baiser sous le gui
Facebook : Virginie T.