Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
La mésaventure
d’Adiraban le marchand
LA MÉSAVENTURE
D’ADIRABAN
LE MARCHAND
Collection « Théâtres »
dirigée par Denis Pryen et Jérôme Martin
Déjà parus
LA MÉSAVENTURE
D’ADIRABAN
LE MARCHAND
Illustration : Sophie Donatien / Mise en page : TAG Sarl
© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-336-00872-1
EAN : 9782336008721
Du même auteur
Poésie
Anba fey. éditions Radio Mango, 1987
Pawol bwa sek. éditions Zandoli, 1992
Chiktay pawol. éditions Mabouya, 1994
Zizing pawol. éditions Mabouya, 1998
Mas. K. éditions, 2007
Prose
Pawol fonmi fol. éditions Mabouya, 2011
Traduction. Fables d’ésope in Zayann II, PLB éditions,
2002
Théâtre
Sous le titre générique de Chants pour hâter le temps
de la mort des Orphée
Trois poèmes dramatiques. éditions P.J Oswald, 1967.
Réédition L’Harmattan, 1993
Les voix de sirènes. Des voix dans une prison.
Orphée nègre
Les Négriers. édition P.J Oswald, 1971, réédition
L’Harmattan, 1993
Ventres pleins Ventres creux. éditions P.J Oswald 1971,
réédition L’Harmattan, 1993
Délivrans ! éditions L’Harmattan, 1995
La véridique histoire de Hourya. New Legend éditions
2001, réédition L’Harmattan, 2005
Es lakou dò ? ou Une petite lampe dans la nuit.
éditions L’Harmattan, 2005
Agoulouland suivi de Les 10 doigts des 2 mains.
éditions L’Harmattan, 2006
L’homme endormi ou Et de nouveau la Bête immonde.
K. éditions, 2007
Poulbwa ek bwabwa. K. éditions, 2008
Les Théâtreux suivi de Misié Agoulou ek Ti Sonson.
K. éditions, 2008
Orphée nègre suivi de Les voix de sirènes.
Réédition L’Harmattan, 2011
Liwa Lajan. éditions L’Harmattan, 2013
Divers
Bé a ba jou démaré. Manuel d’alphabétisation en créole
produit en collaboration avec Igo Drané, illustrations de
Conrad Caesar et Max Catayé, éditions Radio Mango,
1989
Maskoko, album de masques créés à partir d’écales
de coco. Textes d’accompagnement de Monchoachi,
photographies de Robert Charlotte. éditions Mabouya,
2003
Migannaj, mélanges poésie / prose en créole et en
français. éditions Mabouya, 2009
Kat zié kontré manti fini, pièce radiophonique.
éditions Mabouya, 2009
Cette comédie en 11 tableaux est
l’adaptation théâtrale d’un conte arabe publié
en français, à Alger, en avril 1965 dans
le journal Alger Républicain.
Premier tableau
Le Poète
Que sur toi, ton père, ta mère, ton frère, ta sœur,
ta femme, tes enfants, l’aurore déverse en flots la
félicité !
Adiraban
De même sur toi !… Mais puis-je te faire
remarquer pour la énième fois que je ne suis pas
marié, que mon père et ma mère ont quitté ce bas
monde, il y a belle lurette, qu’ils ne m’ont jamais
donné ni sœurs ni frères, poète de malheur !
Le Poète
Dans ton cœur
pleure
le vent mauvais.
Puisse pour toi un jour
pousser l’amour !
Adiraban
Que Dieu m’en préserve ! à mon âge, je ne suis
pas assez fou pour me livrer à quelque donzelle.
11
Le Poète
à vieilles dents fruits mûrs !
Adiraban
Va faire cliqueter ailleurs tes mots !
Le Poète
Je voulais une cithare.
Adiraban
Argent !
Le Poète
Mais… Bientôt, je serai ultra-riche… Mes
poèmes…
Adiraban
... Sont de la viande si pourrie qu’ils écœurent
même les mouches !... Hors d’ici, gratte-papier !
Le Poète
Honte à ceux qui puent l’argent !
Un homme
Que le Très-haut te bénisse !... Ô les belles
babouches !
12
Adiraban
Vingt dinars !
L’homme
Vingt dinars ?
Adiraban
Vingt dinars !
L’homme
Tu dis bien vingt dinars ?
Adiraban
Je dis bien vingt dinars !
L’homme
Pardieu ! Elles sont en or, ces babouches !
Il s’en va.
Adiraban
Allez va ! Ces babouches ne sont pas faites pour
tes pieds fourchus !
13
Rires... Entrée du conteur.
Le conteur
Depuis que le monde est monde
que tourne la machine ronde
la femme « complice » du serpent
est la cible de boniments
sans cesse ânonnés par l’homme
depuis l’histoire de la pomme
en mille versions répétée
par la gente perroquet.
Pour vous en donner témoignage
voici des proverbes sans âge
tenaces comme figuiers-maudits
fleurissant ailleurs comme ici.
Voix off
Petite anthologie de misogynie universelle.
14
Proverbe chinois : La femme infidèle a des
remords, la femme fidèle a des regrets.
Le conteur (au public)
La suite de l’histoire dira – ou ne dira pas –
si l’intelligence est le propre de l’homme, et de
la femme, la bêtise le fardeau.
15
Deuxième tableau
Zohra
Quel âne, cet Adiraban ! L’intelligence-est-le-
propre-de-l’homme-la-bêtise-est-le-fardeau-de-
la-femme !!
Hourya
Adiraban ne fait que dire tout haut ce que
beaucoup d’hommes disent tout bas.
Zohra
Hé là ! Doucement ! Tu ne vas tout de même pas
le défendre ! Adiraban est un âne, je le répète !
Fatima
Depuis qu’il a sorti sa pancarte, les femmes se
sont donné la consigne, et toutes, elles fuient sa
boutique comme un marécage.
Hourya
Allez savoir ce qu’il y a dans la tête d’un homme !
Zohra
Ce qu’il faudrait à ce marchand, c’est une bonne
leçon ! Les ânes ne comprennent que le langage
du bois vert !
17
Hourya
Une leçon comme celle-là me paraît difficile.
Zohra
Difficile ? Donnez-moi un bon gourdin, et une
nuit sans lune, vous verrez si cette bourrique en
turban ne fermera pas boutique pour cause…
d’accident !
Rires
Hourya
Je suis prête à te faire confiance, ô Hercule en
jupons, mais je ne crois pas que ce soit la bonne
méthode.
Fatima
Et si nous allions en délégation protester sous ses
fenêtres ?
Zohra
Pour qu’il nous verse de l’eau de vaisselle sur le
crâne !
Hourya
Trêve de plaisanterie ! Adiraban proclame que
nous, les femmes, nous sommes des imbéciles,
18
n’est-ce pas ? Eh bien, nous allons lui prouver le
contraire… Voilà mon plan ! Demain, au lever
du soleil, j’irai dans sa boutique et je lui dirai…
19
Troisième tableau
Hourya
Salut à toi, ô Adiraban !
Adiraban
Salut à toi ! (il lève les yeux) Hé là, femme, tu ne
sais pas lire ?
Adiraban
Que… que… que dois-je te servir ?
Hourya
Je voudrais du parfum de rose.
Adiraban
Je suis ton humble serviteur… Que désires-tu
encore ?
21
Hourya
Montre-moi tes foulards.
Hourya
Je prendrai ce bleu, ce vert... et ce jaune…
Combien te dois-je pour le tout ?
Adiraban
Seigneur tout-puissant, jamais au grand
jamais !... Prends avec ces foulards, ces bijoux,
ces parfums, et ce cœur que je dépose à tes pieds.
Hourya
Mais…
Adiraban
En deux mots quatre paroles, je veux t’épouser...
Dis-moi qui est ton père, où est sa maison... je
cours lui demander ta main.
22
t’avertir : mon père a pour moi un amour si tenace
qu’il tient à moi plus qu’aux prunelles de ses
yeux. Il a déjà éconduit plusieurs prétendants…
Cependant, puisque tu… me plais, je vais t’aider
à obtenir ma main... Lorsque tu lui demanderas
d’épouser sa fille, il te répondra que je suis la
plus horrible des créatures et par ma laideur et
par mon caractère exécrable… Réponds-lui que
tu m’acceptes pour épouse avec toutes mes tares
et défauts… Tu n’auras rien à regretter puisque,
regarde ! je suis, je crois assez… belle.
Hourya
Tout beau ! Tu sais maintenant ce qu’il te reste
à faire… Je te souhaite bonne chance et… à
bientôt !
Adiraban
à bientôt, mon amour !
Retour du poète.
23
Le Poète
Je viens chercher la cithare.
Adiraban
Trop tard ! Je suis amoureux ! Je ferme boutique.
Le Poète
Mais... j’ai de l’argent !
Adiraban
La fille du Vizir m’aime ! Je cours au palais
demander sa main.
Le Poète
Mais ma cithare…
Adiraban
Au diable, parasite !
Un homme
Mais, ma parole, notre marchand a le diable aux
trousses !
Le Poète
Il est fou furieux !
24
Un autre
Je le savais bien ! Avec tous ces chiens enragés
qui courent les rues !
Le Poète
Vous n’y êtes pas !
Un autre
Quelle guêpe l’a piqué alors ?
Le Poète
De son dard
Amour l’a transpercé !
Un autre
Amoureux, Adiraban ? Laissez-moi rire !
Un autre
Le Poète n’a pas précisé l’objet de son amour.
Un autre
Parions que c’est la lune.
Un vieillard
Ou une vache dans un pré !
Rires
25
Le Poète
Ni lune ni vache ! Mais – à ce qu’il dit – la fille
du Vizir est celle qu’il aime.
Un autre
Qui ça ?
Un homme
Le voilà !
Adiraban
« L’amour est enfant de bohême et n’a jamais
jamais connu de loi… »
Le Poète
Vous voyez : il est fou mais... de la plus suave
des folies.
Un autre
Et alors... l’écriteau ?
Le vieillard
Reste toujours valable ! Oui, mes frères, les
hommes sont supérieurs aux femmes par leur
force, leur bravoure et leur cerveau… Ne nous
26
laissons pas ensorceler, comme ce pauvre
Adiraban, par ces envoyées du diable !
Un homme
Bien parlé !
Un autre
Ta gueule, vieille momie !
Un autre
Il a raison !
Un autre
Il a tort !
Un gendarme
Circulez, circulez !
27
Quatrième tableau
Le Grand Chambellan
Adiraban, marchand de la ville !
Adiraban
Que Dieu te comble, toi et les tiens, de santé et
d’éternelle prospérité, ô flambeau de justice et
d’équité !
Le Vizir
Qu’il répande sur toi et sur ta famille les mêmes
bontés !
Que me vaut l’honneur de ta visite ?
Adiraban
Seigneur, j’aime ta fille Zoubida et je veux
l’épouser !
Le Vizir
Mais, marchand, sais-tu…
Adiraban
Je sais ! Je sais que Dame Nature fut cruelle
envers elle mais je l’aime, ô Vizir !
29
Le Vizir
Ma fille est borgne, malheureux !
Adiraban
Je l’aime, Seigneur !
Le Vizir
Ma fille est bancale !
Adiraban
Je l’aime, Seigneur !
Le Vizir
Elle est énorme… acariâtre-cruelle-bavarde-
menteuse !
Adiraban
Qu’importe, Seigneur, puisque je l’aime !
Le Vizir
En vérité, ton amour semble invincible... Je tenais
à t’avertir, mais puisque tu t’obstines à vouloir
devenir mon gendre, sache qu’en aucun cas, tu
ne pourras répudier ta femme, comme cela sera
stipulé dans le contrat de mariage… Réfléchis !
Il est encore temps de te ressaisir !
30
Adiraban
Inutile, Seigneur ! J’aime ta fille telle que Dieu
voulut qu’elle soit, et je veux l’épouser.
Le Vizir
Eh bien ! Je te donne ma fille… Les noces seront
célébrées, la lune prochaine.
31
Cinquième tableau
Un homme
Vous savez la nouvelle ?
Un autre
Non ! Qu’est-ce que c’est ?
Le vieillard
La guerre est déclarée ?
L’homme
Ne parle pas de malheur ! Adiraban épouse la
fille du Vizir !
Un autre
La fille du Vizir !!
L’homme
Ce n’est pas tout ! On dit que ce mariage sera tel
celui d’un prince.
Un mendiant
Les tables craqueront sous le poids de dindes
truffées de langues de tourterelles… Les fontaines
cracheront des cascades de vin !
33
Un autre
Mille musiciens assourdiront la nuit.
L’homme
Ce n’est pas tout ! Il paraît que le Vizir lui a
donné comme dot le poids en or de l’épousée.
Le mendiant
Pourvu que, dans son bonheur, il ne nous oublie
pas, nous les pauvres !
Le vieillard
Dormez sur vos deux oreilles : les riches sont
généreux !
Le mendiant
Généreux, les riches ! Ils nourrissent mieux leurs
chiens que nous, les pauvres !
Un autre
Alors, Adiraban épouse la fille du Vizir !!
Un autre
Qu’est-ce qui te prend ?
34
Le vieillard
Que je crêve de rire, ha ha ha ! Vous ne connaissez
pas la fille du Vizir ?
Un autre
Eh bien, comme toute grande dame de la ville,
elle a la taille fine, un teint de rose, des yeux de
biche, un cou de cygne, de jolis petits pieds, ses
cheveux ont la couleur du blé.
Le vieillard
La fille du Vizir, ha ha ha !! Un quart de crapaud,
deux de chauve-souris, le reste tient de la
chèvre… La belle bête, en vérité !
Un autre
Tu mens !
Le vieillard
C’est l’une des servantes du palais qui l’a raconté
à sa sœur qui l’a dit à ma cousine qui l’a confié à
ma femme qui me l’a dit !
Un autre
Mais alors… Adiraban ?
Un autre
A acheté chat en sac !
35
Un autre
Et quand il ouvrira le sac…
Le vieillard
... Y trouvera une… rate !
Tous
Ha ha ha !
36
Sixième tableau
Fatima
Ha ha ha !
Zohra
La fête finie, les musiciens rangent leurs
instruments… La mariée attend dans la chambre
nuptiale son époux… Celui-ci, tout amour, écarte
le rideau qui lui cachait sa bien-aimée… et, ô
stupeur ! il recule, horrifié, la mâchoire pendante
au-delà de sa ceinture ! Adiraban se rend compte de
son malheur : le Grand Vizir n’avait pas menti…
Sa fille Zoubida est là sur le lit, étalée comme
une pyramide d’égypte, plus horrible à regarder
que la plus horrible des harpies… Pendant deux
jours, pendant deux nuits, l’infortuné Adiraban
s’arracha les cheveux, se roula par terre, fou de
rage et de honte.
Fatima
Bravo ! Nous voilà vengées !
Hourya
Gageons que notre homme n’osera plus prétendre
que les femmes sont bêtes… N’était-ce pas là la
meilleure des leçons pour sa vanité d’homme ?
37
Zohra
Qui pis est, il devra traîner son fardeau d’épouse
jusqu’au bout ! Il ne peut même pas la répudier !
Fatima
Vous verrez ! Il quittera la ville sous peu. Jamais
il n’osera réouvrir sa boutique.
Zohra
Je souhaite que sa femme le fasse enrager du
lever au coucher du soleil !
Hourya
Mes sœurs, la leçon a porté ses fruits mais il
serait temps de réparer les torts que nous lui
avons causés.
Zohra
Il récolte ce qu’il a semé !
Fatima
Hourya a raison ! Qui nous dit qu’une fois
sa blessure d’orgueil cicatrisée, il ne va pas
retourner sa rage contre sa malheureuse épouse ?
Zohra
Mais... notre vengeance dans cette affaire ?
38
Hourya
C’est chose accomplie… Défaisons ce que nous
avons fait ! Voyez-vous, quand il s’agit de pareils
préjugés : l’intelligence est le propre de l’homme
comme la bêtise est de la femme le fardeau, le
pardon est la meilleure des ripostes... Voilà ce
que je vais faire...
39
Septième tableau
Hourya
Salut à toi, ô Adiraban, le bienheureux !
Adiraban
Ah ! Te voilà, misérable ! Démon femelle, tu es
satisfaite de ton exploit ?
Hourya
Que veux-tu dire ? Je ne comprends pas !
Adiraban
Tu ne comprends pas, perfide ! Hors d’ici avant
que je ne te brise les vertèbres, vipère !!
Hourya
Ah je vois ! Tu n’es pas satisfait de ton mariage ?
Adiraban
Tu parles !! Ah ! Maudites soient les femmes !
Hourya
La colère t’aveugle !... Ainsi, tu m’as crue sur
parole… Pourtant, je croyais qu’étant homme,
ton intelligence supérieure t’empêcherait de
41
tomber dans le piège de la sotte que voici,
puisque femme je suis, n’est-ce pas ?... Mais ta
douleur me fait pitié et je suis prête à te tirer de
ce mauvais pas.
Adiraban
Comment te croire après le tour que tu m’as
joué ?
Hourya
Il le faut pourtant… à moins que tu préfères
garder dans ta maison ta colombe ?
Adiraban
Oh non non non !... Si tu dis vrai et que tu
m’aides, je te donnerai mille écus et ma boutique
par-dessus le marché !
Hourya
Garde ton or, marchand, et puisses-tu,
simplement, après cette épreuve, rendre aux
femmes le respect qui leur est dû !
Adiraban
D’accord ! Parle, je t’écoute !
Hourya
Va chercher un âne … Fais-y grimper ton épouse,
attache-la solidement pour qu’elle ne tombe
42
pas… Puis conduis-la par les rues de la ville en
demandant la charité… Quand le Vizir apprendra
que tu te sers de sa fille pour mendier, il te fera
aussitôt convoquer...
Adiraban
... Et couper le cou, pendarde !
Hourya
Aie confiance et tu verras ! Quand tu seras au
palais, pour justifier ta conduite, tu diras au
Vizir…
43
Huitième tableau
Un courtisan
Quel scandale !
Un autre
La fille du Vizir sur un âne, tenant une écuelle !!
Le bouffon
Au fait, qui tenait l’écuelle : la fille ou l’âne ?
Un autre
L’heure n’est pas aux rires, bouffon !
Un autre
Le Vizir est pire qu’un lion furieux !
Un autre
Qu’on livre ce marchand au bourreau et clac ! On
n’en parle plus !
Un autre
Le Calife s’est opposé à cette formule… radicale
certes mais qui risque de provoquer la colère du
peuple !
45
Le bouffon
Que vous affamez, mes Seigneurs, et gare aux
chiens qui ont faim !
Un autre
Ta gueule !
Un autre
Nous avons essayé d’arrêter l’affaire afin que le
Vizir ignore tout.
Un autre
Hélas ! On peut dire du bien de quelqu’un des
années, sans qu’il le sache, mais il suffit qu’on en
dise du mal, une seule fois, pour qu’il l’apprenne.
Le bouffon
à bon entendeur, salut ! Les murs ont des
oreilles !
Un autre
Et les bouffons des têtes de mule !
Le bouffon
Je vous l’accorde ! Pour un homme, j’ai de bien
grandes oreilles, mais, vous, mon Seigneur, pour
une bourrique, vous en avez de bien petites !
46
L’autre
Tu me le paieras, avorton !
Il se met à poursuivre le bouffon, une babouche
à la main... Cohue générale. Entrée du Grand
Chambellan.
Le chahut cesse…
Musique : entrée du Vizir suivi d’un scribe.
47
Neuvième tableau
Le Vizir
Qu’on m’amène ce filou de marchand !... Ah !
Te voilà, bandit, charogne, chacal ! Traîner ainsi
dans la boue la chair de ma chair, ma Zoubida !
Ah canaille ! Que t’ai-je fait pour mériter un tel
affront ? (il s’assied) Pourquoi te sers-tu de ta
femme, ma fille, pour demander l’aumône ?
Adiraban (à genoux)
Grand et Puissant Vizir, je jure par Dieu que je
ne nourris aucune mauvaise intention ! C’est
uniquement pour la subsistance de votre fille,
mon épouse, que je suis obligé d’agir de la sorte.
Le Vizir
Parle plus clairement, coquin !
Le Vizir
Cela ne justifie pas pour autant ta conduite à
l’égard de mon sang !... Mais je veux bien me
montrer généreux... encore que si j’écoutais
49
mon cœur, je te ferais bastonner, puis couper
en rondelles !... Redonne-moi ma fille et n’en
parlons plus !
Adiraban
Mais, Seigneur, le contrat de mariage stipule
que la répudiation n’est pas permise.
Le Vizir
Ne t’occupe pas de cette partie ! Je sais comment
contourner la loi !
Adiraban
C’est que, puissant Vizir… c’est que… j’aime
ma femme, et malgré mes déboires, je ne peux
me résoudre à m’en séparer !
Le Vizir
Je te donnerai cent pièces d’or !
Adiraban
Je ne puis… fût-ce pour cent pièces d’or !
Le Vizir
Deux cents pièces d’or !
Adiraban
Non, bon Seigneur, je ne puis !
50
Le Vizir
Trois cents… quatre cents… cinq cents… ou !
Adiraban
Top là ! Grand Vizir, mon cœur se déchire à la
pensée de devoir quitter ma bien-aimée, mais,
pour son bonheur et le tien, j’y consens pour…
Combien as-tu dit ?
Le Vizir
Cinq cents écus, marchand de l’enfer !
Adiraban
Ta fille, ô généreux Vizir, te sera rendue avant
le coucher du soleil… Dieu vous bénisse, mon
Seigneur, Dieu vous bénisse !
51
Dixième tableau
Adiraban
Salut, ô lumière de l’esprit !
Hourya
Homme au jugement rectifié, l’opération a-t-elle
réussi ?
Adiraban
Grassement, et je t’en remercie.
Hourya
Tiens tiens ! Que dit cette pancarte ?
Adiraban
Ne m’accable pas ! (il déchire l’écriteau) Par
orgueil et… par bêtise, j’ai péché !
53
Noir progressif sur Adiraban tandis que Hourya
s’avance, ôte son voile et au public dit :
Hourya
La mésaventure d’Adiraban le marchand
fut pour notre homme précieux médicament
et la misogynie qui empestait son cœur
en lui interdisant tout accès au bonheur
d’aimer et d’être aimé
en toute liberté
cette haine que tant d’hommes éprouvent pour
les femmes
au point de les frapper jusqu’à ce qu’elles
rendent l’âme
cette inhumanité
vient d’être dénoncée
mais lorsque les projecteurs seront éteints
et que de cette pièce arrivera la fin
combien d’hommes
de leur corps expulseront
cet insidieux
démon ?
Noir final
54
Théâtre
aux éditions L’Harmattan
Dernières parutions
L'HARMATTAN HONGRIE
Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16
1053 Budapest
L’HARMATTAN GUINÉE
Almamya Rue KA 028, en face du restaurant Le Cèdre
OKB agency BP 3470 Conakry
(00224) 60 20 85 08
harmattanguinee@yahoo.fr
L’HARMATTAN CAMEROUN
BP 11486
Face à la SNI, immeuble Don Bosco
Yaoundé
(00237) 99 76 61 66
harmattancam@yahoo.fr
L’HARMATTAN MAURITANIE
Espace El Kettab du livre francophone
N° 472 avenue du Palais des Congrès
BP 316 Nouakchott
(00222) 63 25 980
L’HARMATTAN SÉNÉGAL
« Villa Rose », rue de Diourbel X G, Point E
BP 45034 Dakar FANN
(00221) 33 825 98 58 / 77 242 25 08
senharmattan@gmail.com
L’HARMATTAN TOGO
1771, Bd du 13 janvier
BP 414 Lomé
Tél : 00 228 2201792
gerry@taama.net
Achevé d’imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-sur-Noireau
N° d’Imprimeur : 95932 - Dépôt légal : mars 2013 - Imprimé en France
La mésaventure
d’Adiraban le marchand
ISBN : 978-2-336-00872-1
9,50 €