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MINES ET CARRIERES

EN AFRIQUE DU NORD
(De l’Antiquité à nos jours)
MINES ET CARRIÈRES
EN AFRIQUE DU NORD
(De l’Antiquité à nos jours)

Actes du colloque
Réunis et publiés sous la direction de :

Samira SEHILI

Centre de Publication © Laboratoire de recherche :


Universitaire Patrimoine Histoire et Société:
Tunisie/Maghreb/Méditerranée

2002
Toutes les opinions émises dans cet ouvrage n'engagent que l'auteur.

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.


© Centre de Publication Universitaire, Tunis, 2020.
Campus universitaire La Manouba 2010 - TUNISIE
Tél: (216) 71 600 025 Fax: (216) 71 601 266
E-mail: cpu@cpu.rnu.tn
SOMMAIRE
Préface (Partie en langue française) ............................................... 11

THÈME I : Cadres naturel, juridique et historique ..................... 15


Faouzi Dhaha : Patrimoine géologique et minéralogique de la Tunisie.. 17
Béchir Yazidi : La législation minière en Tunisie durant la période
coloniale ............................................................................................. 33
Amel Tekki : Mines et carrières en Tunisie antique.......................... 45

THÈME II : Etudes monographiques ............................................ 65


Samira Sehili : Hr El Goussa : Mine antique de Jebel Lajred, Sud de
Thala, Tunisie ..................................................................................... 67
Moheddine Chaouali : Comprendre les carrières de marbre numidique
de Simitthus ........................................................................................ 89
Mourad Araar : Nouveaux éclairages sur la mine d’Al-‘Urbus .... 107
Rached hamdi & Walid Ammouri : A propos des carrières antiques
de J. Fkirine ...................................................................................... 129

THÈME III : Carrières de réemploi, pierre usinée, pigments


minéraux et métal ........................................................................... 155
Faouzi Mahfoudh : Carrières de marbre et réemploi en Ifriqiya
médiévale.......................................................................................... 157
Skander Souissi : Meulières de l’Afrique proconsulaire ............... 177
Naceur Ayed : Les pigments archéologiques en Tunisie ................ 205
Abdelhamid Fenina : Mines, métaux et frappe monétaire à Dar al-
Sikka de Tunis sous les Husaynites .................................................. 225
Zakia Ben Hadj Naceur-Loum : Métal Monnayé en Afrique à
l’époque romaine .............................................................................. 245
Rim Ben Ali : Les objets métalliques dans le fonds Poinssot ......... 263
THÈME IV : Patrimonialisation et mise en valeur ..................... 301
Ridha Shili : Richesses minières : de la ressource à la
patrimonialisation ............................................................................. 303
Dajla Beltaief : Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie ...... 333
Hammamet Hôtel Chichkhan Avril 2018
COMITÉ SCIENTIFIQUE

Samira SEHILI : directrice du LR Patrimoine Histoire et Société


Tunisie/Afrique du Nord/Méditerranée
Mohamed GRIRA : Responsable axe « Histoire ancienne et
archéologie » LR Patrimoine Histoire et Société Tunisie/Afrique du
Nord/Méditerranée

Coordination, suivi et reunion des textes


Samira SEHILI
Béchir YAZIDI
Mohamed GRIRA

Avec le concours
du Ministère des affaires culturelles
Université de la Manouba
AMVPPC
INP
Publié par
Centre de Publication Universitaire

Photos de la couverture : (de gauche à droite)


Carrières antiques de « Port aux Princes »
Laverie de la mine d’Ain Nouba
Haut fourneau vertical de la mine de Jbel Ressas
Carrières de marbre de Chemtou
Préface
L’organisation de cette rencontre est le fruit d’une initiative au sein
du département d’histoire de la FLAH Manouba. Les témoins et indices
archéologiques en rapport avec l’exploitation des mines et carrières
depuis l’Antiqité sont souvent observés et relevés par des archéologues
(S SEHILI, M Grira, etc.) lors des prospections, et ont conduit à des
débats avec les collègues qui ont travaillé sur la question (R SHILI, B
Yazidi, A. FNINA, M Araar, M Chaouali, etc.). De ces débats est née
l’idée de faire appel à des spécialistes àfin d’approfndir les discussions
à la lumière des résultats de la recherche dans la rive nord de la
méditerranée. Pour l'Antiquité, les recherches sur le sujet sont encore à
leur début, exception faite pour les carrières de Marbre numidique de
Chemtou qui continuent encore à fournir des problématiques nouvelles.
La permanence de l’exploitation a entrainé la destruction des traces des
exploitations antiques et médiévales ce qui complique la tache des
chercheurs.
Témoins d’une économie en passe de devenir proto-numérique,
l’activité minière et l’exploitation des carrières ont été longtemps
l’œuvre du génie technique pour la plupart des civilisations. La pierre
et la métallurgie ont accompagné l’Homme dans sa quête de la
nourriture (chasse, agriculture, etc.), ses déplacements (moyens de
transport, etc.), ses guerres et son pouvoir (armes, etc.) et aujourd’hui
encore dans l’édification des grandes puissances industrielles. La
maîtrise de ces deux éléments consacre la suprématie.d’une nation ou
une autre.
Depuis l’aube des temps historiques, les peuples n’ont point cessé de
parfaire leur connaissance de ces deux éléments de la nature. Les
sources anciennes nous ont livré une matière qui n’arrête pas de
subjuguer les historiens et d’attiser leur curiosité. A chaque fois qu’une
fouille archéologique nous livre des résultats nouveaux, de nouvelles
problématiques viennent élargir le champ de la recherche. en histoire
économique et sociale. Les Rois numides, Carthage, derrière eux Rome,
les Byzantins, les Arabes, les royaumes Berbères et les Ottomans, ont
prospecté et exploité beaucoup de carrières de pierre et plusieurs
gisements de plomb, de fer, de cuivre et d’argent pour subvenir à leurs
besoins en divers domaines. Depuis la fin du XIXe siècle et avec
l’expansion du capitalisme industriel, l’exploitation des carrières et
surtout des mines a pris une dimension jamais égalée par le passé. Le
renouveau minier a permis dans beaucoup de concessions de relever les
traces d’une exploitation ancienne qu’elle soit antique ou médiévale.
Le Maghreb et plus particulièrement sa terminaison est-atlasique, a
fait l’objet de beaucoup de curiosité dans le domaine minier. A aucune
période de l’histoire la pierre et les métaux n’ont perdu de leur intérêt,
comme démontré par les études monographiques des présents actes. Au
point que leur épuisement accéléré depuis la deuxième moitié du siècle
dernier a commencé à poser des problèmes nouveaux de gestion du
devenir de ce secteur devenu par l’héritage qu’il nous lègue,
encombrant et en contre-courant d’une tendance irréversible
d’économies de substitution alternatives, environnementales et
écologiques. Arrimée à une demnade en ressources naturelles d’un
passé glorieux proche, cette activité a accumulé de génération en
génération un patrimoine industriel considérable témoin du génie
technique et fécond et d’une symbolique multiple.
Dans le monde et notamment en Europe, et depuis une dizaine
d’années, les recherches historiques sur les mines et les carrières, ont
connu un développement considérable (travaux de C. Domergue, J.
Andreau, G Hérail, Hopkins, etc.). On commence à peine à percevoir
l’intérêt stratégique de telles ressources.
Toutefois, dans nos contrées, très peu d’études, si ce n’est pas un total
défaut, se sont intéressées à l’histoire de ce secteur. L’intérêt historique
tarde à rejoindre l’intérêt économique. C’est la raison pour laquelle
nous ne savons quoi faire de ce legs. À la limite de deux époques, une
pondéreuse et polluante en voie de s’éteindre et l’autre numérique et
virtuelle en passe de s’universaliser, un patrimoine qui peut être tout
autant toxique que bénéfique, est en train de se former, celui de
l’industrie minière Pour être à même de saisir la nature de ce passage
post-minier et de se préparer à toute éventualité, l’interrogation de
l’histoire reste opportune à plus d’un égard.
- Susciter la curiosité scientifique en vue d’élargir le champ de la
recherche historique par le renouvellement des problématiques
et l’appropriation de nouvelles méthodes d’investigation et
compétences jusque-là, monopolisées par les sciences dites
exactes.
- Dégager les vestiges anciens, par le moyen de programmes
archéologiques en vue de délimiter les contours des sites et faire
émerger les éléments susceptibles de faire l’objet d’une
valorisation culturelle et touristique
- Essayer de comprendre les mécanismes de la forùation d’un
système qui va devenir brutalement le moteur d’insertion du
Maghreb dans un système mondial polarisé et extraverti
entrainant de profondes et irr&versibles mutations socio-
économiques.
- Substituer progressivement aux friches polluantes et
encombrantes, une alternative fondée sur la conversion positive
et la patrimonialisation.
- Inclure dans la recherche sur le monde rural un secteur
économique souvent méconnu qui fait la jointure entre les terres
cultivées et les forêts et montagnes. C’est l’un des modes
d’occupation de la montagne le moins étudié par les historiens.
C’est à partir de ces questionnements, qu’on s’est assigné
l’ambition modeste de jeter les jalons d’une réflexion autour de la
problématique des mines et des carrières dans un cadre et une optique
historiques, mais aussi par une approche patrimoniale qui s’accroche
aux évolutions récentes.
Malheureusement, deux volets aussi importants que les axes qui
ont meublé les présents actes, n’ont pas trouvé la place qui leur revient
naturellement, car ils représentent à eux seuls une matière considérable
pour faire l’objet de rencontres futures.
- La dimension humaine et sociale : Le travail sous toutes ses
formes, les dirigeants, les mouvements sociaux les lieux de
mémoire et le déclassement social qui a suivi les fermetures des
mines, tous autant d’aspects auxquels les historiens auront à
s’attacher.
- La dimension économique et financière : Les questions
foncières, les modes de propriété, les formes d’investissement,
le profit et son évolution, le commerce international des
matières premières, les accords internationaux et les questions
liées aux souverainetés nationales en la matière, etc., autant
d’aspects tout aussi importants pour l’historien.
Ce dossier reste ainsi inachevé et imparfait pour laisser la place à
d’autres rencontres initiatives.
THÉME I
Cadres naturel, juridique et historique
Faouzi DHAHA : Patrimoine géologique et minéralogique de la
Tunisie
Béchir YAZIDI : La législation minière en Tunisie durant la période
coloniale
Amel TEKKI : Mines et carrières en Tunisie antique
PATRIMOINE GEOLOGIQUE ET MINERALOGIQUE DE LA
TUNISIE

Faouzi DHAHA
Ingénieur en chef (géologue)
Directeur à l’Office National des Mines

Résumé
Le secteur minier est un des leviers les plus stratégiques de la Tunisie.
L’exploitation des minerais complexes est très ancienne et entrainé un épuisement
progressif des ressources. Par chance, la découverte des phosphates dans le sud-ouest
du pays (Metlaoui-Oum Laraies-Mdhilla), ainsi que dans le Centre-ouest, et la
découverte plus tard des hydrocarbures et du gaz, ont donné un nouveau souffle à
l’exploitation des ressources naturelles. La Tunisie est-elle toutefois un pays riche en
matières premières. Ce n’est que la géologie qui peut en donner la réponse.
Mots-clés
Géologie de la Tunisie, rcichesses minières, phosphates, office national des mines,
minéralisation de la Tunisie

Présentation générale
Le secteur minier constitue un noyau très important dans le
développement économique et social du pays :
Il participle par 3% dans PNB
Il représente 10% des exportations nationales :
Les phosphates et dérivés sont les principaux produits exportés
Historique des exploitations minières en Tunisie
A partir de 1896, date de création de la « Compagnie des phosphate
et de chemin de fer de Gafsa », une nouvelle activité industrielle des
phosphates vit le jour dans le pays. Les premières excavations
commencèrent dans la région de Metlaoui et vers 1900, la production
de phosphate marchand atteignit un niveau de 200.000 tonnes.
Des mines voient successivement le jour à Metlaoui (1899), Kalâat
Khasba et Redeyef (1903), Moularès (1904).
18 Faouzi DHAHA

Concession de Djebba a été concédée, en 1873, à la Société des


Batignolles, qui avait également le chemin de fer de la Medjerda et qui
a cédé ses droits à la Compagnie Bône-Guelma
Concession du [Djebel-Reças ou Ressas La concession actuelle date
de 1877 ; elle appartient à la Societa metallurgica italiana. Le gisement
renferme à la fois du plomb et du zinc ; les premiers travaux avaient
surtout pour objet le plomb ; postérieurement, on exploita le zinc.
Concession du Mokta-el-Hadid La Compagnie algérienne de Mokta-
el-Hadid a obtenu en 1884 la concession de divers gisements
ferrugineux, situés le long du littoral nord de la Tunisie, entre Tabarka
et le cap Negro.
Concession de Kanguet-kef-Tout : Cette mine a été concédée à M.
Faure par décret du 6 février 1889 ; elle est située à une trentaine de
kilomètres au nord de Béja sur la route qui reliera cette ville à Tabarka
et qui est actuellement terminée entre Béja et la mine. Le périmètre, de
la concession embrasse 1.086 hectares.
Concession de Sidi-Ahmet Cette concession a été accordée par
décret du 27 août 1892 à la Compagnie royale
Concession de Fedj-el-Adoum*: Cette concession, comportant une
surface de 336 hectares, a été accordée à M. Faure par décret du 14 mai
1894.
Concession de Zaghouan : Cette concession, accordée par décret du
13 décembre 1894Cette concession, accordée par décret du 13
décembre 1894, à la Société anonyme des mines de Zaghouan.
Concession d'El-Akhouat : Cette mine, située à environ 32
kilomètres au sud-ouest de Teboursouk, a été concédée à M. de
Montgolfier par décret en date du 3 juin 1896.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Patrimoine géologique et minéralogique de la Tunisie 19

La direction de la mine de Djebel Djerissa (Société de Djebel Djerissa)


Les principales sociétés du secteur minier
La Compagnie des Phosphates de Gafsa : CPG
Le Groupe Chimique de Tunisie : GCT
L’Office National des Mines : ONM
Société Djebel Djerissa.

Le carreau de la mine en 1905 Le concasseur de la mine de


Source : ENAU-Klich (2015 Djerissa Source : Hamdane
(2014).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


20 Faouzi DHAHA

Coupe-façade longitudinale schématique des installations et engins du carreau de la


mine de Djerissa
Source : ENAU- Klich & Farhani (2015).
Toute minéralisation est liée à un contexte géologique
Contexte et minéralisation
La lithologie : encaissant, niveau porteur, réceptacle, piège, etc.
La tectonique : faille, drain, etc.
Minéralisations polymétalliques : (Or, Platinoïdes, Ag, Hg, Sb,
Cu, etc.).
En relation avec des intrusions plutoniques et des activités
tectoniques, généralement au niveau des zones de rencontre des
plaques. Origine profonde.
Minéralisations Pb, Zn, Fe, Ba, F, Sr (sous-produits : Cu, Ag, Hg).
En relation avec des failles importantes, des montées diapiriques,
généralement de faibles à moyennes température et pression
(épithermale à hydrothermale).
Minéralisations sédimentaires : Phosphates, gypses, sels,… etc.
Minéralisations « industrielles » les sels récupérés dans les bassins
d’évaporation des eaux de mer.
La géologie générale de la Tunisie
La Tunisie est un pays sédimentaire avec quelques affleurements
exceptionnels de roches volcaniques comme c’est le cas du basalte
(Sejnane et Nefza) ou de la granodiorite, rhyolite et rhyo-dacite (Oued
Belif, Haddada) et dacite (Ras Rajel).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Patrimoine géologique et minéralogique de la Tunisie 21

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


22 Faouzi DHAHA

Pb-Zn-Ba fer Cu Hg

On distingue quatre provinces :


Extrême Nord Tunisien
Les minéralisations polymétalliques (Pb, Zn, Cu, Hg et Fe) en
relation avec le volcanisme miocène). L’ancienne mine (Zn-Pb) de Bou
Aouane était la plus importante (900 milles tonnes métal) et la mine
(Fer) de Tamera en activité (70 milles tonnes/an)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Patrimoine géologique et minéralogique de la Tunisie 23

Zone des dômes


Les minéralisations sont essentiellement (Pb, Zn, Ba, F et Fe) en
relation avec les corps triasiques). L’ancienne mine (Zn-Pb) de Bou
Grine était la plus importante (8 millions de tonnes à 9% Zn-Pb)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


24 Faouzi DHAHA

La zone des dômes renferme plusieurs gisements de Pb-Zn, Fer et F-


Ba. dont on peut citer :
• le gisement de fej Lahdoum (2 millions de tonnes à 12% Pb-Zn)
• La mine de fer de Djerissa (production 180 milles tonnes),
• La mine de F, Ba, Pb, Zn de Bou Jabeur à la frontière tuniso-
algérienne avec des réserves de 6,5 millions de tonnes Ba-F, Pb-
Zn (15% F, 25% Ba, 3% Pb-Zn)
Province fluorée
Les minéralisations sont essentiellement (F, Ba) en relation avec la
discordance du Crétacé supérieur sur le Jurassique terminal
L’ancienne mine (F) de Zriba était la plus importante (6 millions
tonnes de Caf2)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Patrimoine géologique et minéralogique de la Tunisie 25

La province fluorée renferme d’autres gisements de fluorine de


moindre importance dont on cite la mine de Guebli avec des réserves
géologiques de 4 millions de tonnes
Plate forme carbonatée (Tunisie centrale)
Les minéralisations sont (Pb, Zn et Ba) encaissées essentiellement
dans les carbonates de l’Aptien et secondairement dans les carbonates
du Jurassique.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


26 Faouzi DHAHA

Les minéralisations de Pb-Zn connues en Tunisie centrale sont de


types karstiques et filoniens
Plusieurs mines ont été exploitées, la plus importante est la mine de
Trozza

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Patrimoine géologique et minéralogique de la Tunisie 27

Les phosphates

 Les phosphates tunisiens sont d’âge Eocène,


 Les principaux gisements de phosphates en Tunisie se trouvent
dans la région de Gafsa, de Tozeur et au Nord dans la région
du Kef.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


28 Faouzi DHAHA

 La compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) exploite les


carrières de la région de Gafsa,
 Les phosphates de Sra Ouertane (Kef) : un projet de valorisation
par une société qui regroupe :
 CPG + CGT (95%)
 Groupes de sociétés (4%)
 STB (1%)
 Les phosphates de Nafta-Tozeur (projet en cours de
valorisation)
Les phosphates de la région de Gafsa

Les phosphates de Sra Ouertane


 Les phosphates de Sra Ouertane se trouvent dans la région d’El
Ksour à environ 40 km au Sud de la ville du Kef.
 Les réserves probables du gisement des phosphates de Sra
Ouertane sont de l’ordre de 2,5 milliards de tonnes
 Le projet de Sra Ouertane : exploitation et transformation des
phosphates en Acide phosphorique, et engrais chimiques
 Capacité : 4 millions de tonnes par an

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Patrimoine géologique et minéralogique de la Tunisie 29

Production : 1 million de tonnes d’acide phosphorique

Les phosphates de Nafta-Tozeur


 Les études réalisées par la Compagnie des phosphates de Gafsa
(CPG) sur le gisement des phosphates de Nafta –Tozeur
permettent à ce stade d’avancer les paramètres suivant :
 Phosphates sous couverture (profondeur moyenne de 20m).
 Réserves probables 303 millions de tonnes.
 Réserves certaines 107 millions de tonnes.
 Les études de valorisation des phosphates de Nafta-Tozeur sont
en cours par la compagnie des phosphates de Gafsa

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


30 Faouzi DHAHA

Les sels
 La production des sels en Tunisie est très ancienne.
 Les principaux gisements de sels se trouvent dans les sebkhas
du Sud tunisien (Région de Zarzis)
 La Tunisie produit environ 1,165 millions de tonnes de sels

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Patrimoine géologique et minéralogique de la Tunisie 31

Sud tunisien

Conclusion
 Le secteur minier représente un noyau très important de
développement économique et social, en effet, la Tunisie a
produit en 2010.
 8 millions de tonnes de phosphates, dont 1,4 millions sont
exportés et 6,6 millions de tonnes sont transformés localement
en acides phosphoriques et engrais chimiques par le GCT
comme suit :
 1,3 millions de tonnes d’acides phosphoriques.
 1,3 millions de tonnes DAP.
 0,9 millions de tonnes TSP.
 0,33 millions de tonnes AN.
 0,12 millions de tonnes DCP.
 La Tunisie produit environ 1,165 millions de tonnes de sels
 La Tunisie produit 250 milles tonnes de fer

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


32 Faouzi DHAHA

Bibliographie sommaire

1- Eugène de Fages de Latour (ingénieur des ponts et chaussées à Tunis),


« L’industrie minière en Tunisie (1892-1937), état actuel de
l’exploitation des mines et des carrières en Tunisie », (Extrait de la Revue
générale des sciences), L’Écho des mines et de la métallurgie, 17 janvier
1897.
2- L’écho des mines et de la métallurgie, 23 avril 1908 -1936
3- Louis BERTHON, L'industrie minérale de la Tunisie, Edité par Direction
générale des travaux publics, [1922]
4- J, LEPIDI, Les mines en Tunisie, Tunis 1949
5- M. Paul REUFFLET, L'évolution de l'industrie minérale en Tunisie entre
les années 1922 et 1930
6- EXPLOITATIONS MINIÈRES EN TUNISIE créées par Eugène
Fournier, et Eugène Ginier 1 (Les Archives commerciales de la France,
21 mai 1926) PARIS. — Formation. — Soc. anon. dite
EXPLOITATIONS MINIÈRES EN TUNISIE, 73, bd Clichy. — 50 ans
— 15 avril 1926. — Petites Affiches.
7- Les archives de la direction générale des mines
8- Carte géologique 1/500 000 ONM

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


LA LEGISLATION MINIERE EN TUNISIE DURANT LA
PERIODE COLONIALE

Béchir YAZIDI
Professeur IHCT,
Université de La Manouba

Résumé
S’il y a un domaine où l’action française s’est faite sentir depuis l’établissement
du protectorat en Tunisie, c’est bien la législation. Cette action soutenait la politique
coloniale pour la mise en valeur des richesses du pays.
Les mines et les carrières étaient les domaines où le législateur s’est
particulièrement activé.
Le foisonnement des textes depuis les premières années du protectorat témoigne
de l’importance de ces secteurs pour l’économie libérale et pour l’attrait des
capitalistes français et autres européens.
Toutes les dispositions législatives traduisent la volonté de soumettre le pays aux
exigences de cette politique coloniale.
Mots-clés
Colonisation française, législation, mines, carrières, concession.
Il est vrai que l’établissement du protectorat français sur la Tunisie
est officiellement reconnu par le traité du 12 mai 1881, mais le point de
départ d’une nouvelle époque est l’année 1883 quand la France proposa
au bey une convention additionnelle au traité. Une convention qui
devait aider à lever les obstacles à l’action de la France en Tunisie, tout
en veillant aux restrictions des pouvoirs des Consul.
Cette convention est signée à la Marsa le 8 juin 1883 par Ali bey et
Paul Cambon.
Le gouvernement tunisien n’est plus que l’instrument de celui du
« protectorat ». S’il est admis que la régence n’est pas assimilée à une
colonie, il n’empêche que « l’action de la France se fait sentir partout
et en tout »1.
1
Louis Foucher, De l’évolution du protectorat de la France sur la Tunisie, thèse de
doctorat, Paris 1897, p. 137
34 Béchir YAZIDI

Un des domaines où la France s’est activée d’une manière


remarquable est la législation. Pour un des plus grands juristes de
l’époque, Milliot, « il s’agit d’implanter une législation française
moderne adaptée aux besoins locaux, qui épouse les besoins locaux au
fur et à mesure de leur évolution »2.
Le rôle de la législation était d’autant plus important qu’elle
soutienne l’action coloniale afin de concilier l’esprit des traités et les
visées réelles de la France.
La législation française était à la base de toute action visant la
réalisation d’un objectif colonial, à tel point qu’on pourrait dire que
l’arsenal juridique était plus utilisé que la force militaire.
Les textes de loi permettaient dans « la logique coloniale » aux
Français la mise en valeur des richesses du pays.
Tout devenait possible et accessible grâce à un « coup de décret »,
avec la bénédiction de la souveraineté locale. En effet, un des
particularismes de la législation tunisienne, c’est que les décrets
beylicaux, pour être appliqués, doivent être signés par le bey, mais
surtout visés par le résident général.
Les mines et les carrières étaient les domaines où le législateur avait
excellé pour les mettre à la disposition de l’empire économique
français.
La législation minière
Pour mieux appréhender ce domaine, le recours à l’ensemble des
textes de lois et des décrets est plus que nécessaire. En effet, ils
constituent un corpus de base qui permet d’aborder cette question pour
mieux saisir les objectifs de la politique coloniale en Tunisie.
Ce corpus est une source abondante dont l’interprétation reflète le
fonctionnement de ce secteur.
Il est plus qu’opportun de regrouper ces textes, étudier leurs
contenus, leur évolution. Mais aussi comparer, croiser avec ce que les
coloniaux ont écrit à leur propos, comme les thèses, les comptes rendus,

2
Louis Milliot, Cours de législation algérienne, marocaine et tunisienne, donné à la
faculté de droit d’Alger en 1927/1928, p. XIX

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Législation minière en Tunisie durant la période coloniale 35

les rapports, les textes administratifs, les procès-verbaux des débats à la


Conférence Consultative, aux conseils des régions, en plus des écrits
des acteurs etc…
Donc il y a toute une littérature qui pourrait être exploitée et fournir
ainsi des informations concernant cette question.
Qu’est ce que la législation minière ?
Elle s’intéresse à la propriété et aux droits sur les mines. Elle fixe les
règles de recherche et d’exploitation, détermine les relations entre les
explorateurs, les exploitants et les propriétaires des terrains
(superficies). Elle assure la surveillance et le suivi de l’exploitation en
tant que puissance publique, car elle intègre les droits de l’Etat sur un
domaine d’utilité publique.
Il faut rappeler qu’à la veille du protectorat, il y avait une législation
qui s’intéresse à l’industrie extractive mais elle était très sommaire.
C’était une législation qui se résumait en des actes beylicaux, concluant
des accords de fermage à des explorateurs ou des exploitants. On s’est
peu préoccupé de cette question, à savoir le statut des terres à exploiter
(melk, habous)3
L’évolution de cette législation
«C'est une chose aujourd'hui bien connue que les mines de Tunisie
ont pris un étonnant essor. Mais il faut dire hautement qu'il ne suffit pas
qu'un pays ait des mines riches dans son sol pour qu'elles se développent
rapidement. C’est surtout une question d'administration »4.
L’auteur de ces lignes laisse entendre que l’évolution de cette
législation est concomitante au contexte colonial, un contexte qui a su
adapter le statut juridique des mines aux intérêts coloniaux. Une
législation libérale qui présente des particularismes propres à ce
contexte et aux objectifs tracés par l’Etat français. Ces particularismes
viennent du génie du législateur qui a su combiner le droit positif,
moderne avec les spécificités locales5.

3
Voir la thèse de Marouane Lajili, La législation coloniale française en matière de
domaine de l’Etat en Tunisie (1881-1956), Université de la Manouba, ISHMN, 2010
4
Francis Laur, Les mines en Tunisie, in l’Echo des mines et de la métallurgie, 9 janvier
1905 (www.entreprises-coloniales)
5
Marouane Lajili, op.cit, p. 9

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


36 Béchir YAZIDI

C’est un contexte qui est marqué par l’emprise d’un capitalisme


triomphant dont ont bénéficié les sociétés privées6. Un des points
marqués par cette législation est le principe de la « domanialité des
mines », un principe consacré par les arrêtés ministériels du 1er
décembre 1881 et du 27 décembre 1881 interdisant aux notaires de
passer des actes de concession ou d’exploitation sans l’autorisation du
gouvernement.
Ce droit de l’Etat va s’amplifier peu à peu par des règlementations
pour organiser la recherche et l’exploitation des gîtes naturels de
substances minérales. Les particuliers ne peuvent jouir que du droit
d’exploiter, dans le cadre d’une concession, et l’Etat perçoit une
redevance durant toute la durée de cette concession. C’est une
redevance en nature équivalente à 10 % des minerais extraits et exerce
un contrôle sur les conditions d’exécution et d’exploitation.
A la fin de la concession, le gîte retourne à l’Etat, libre de toutes
charges. Cependant, les concessions peuvent être cessibles sur
déclaration moyennant un prélèvement de 1 % sur le prix et l’Etat
pouvait exercer un droit de préemption7.
Les premières concessions ont été faites selon les dispositions de
l’arrêté de 1881, ayant force de loi et sous le contrôle du Service des
Mines dépendant de la direction générale des travaux publics instituée
par un premier décret le 3 septembre 1882 et un deuxième daté du 25
juillet 18838.
Mais les premiers efforts restent limités et de nombreux problèmes
rendent l’exploitation difficile.
Il a fallu attendre le décret du 10 mai 1893 concernant les travaux de
recherches des mines9 pour assainir le secteur.

6
Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce, A.
Michel, Paris, 1984.
7
Voir Archives Quai d’Orsay, carton 241, microfilm déposé à l’ISHTC sous le
numéro 158.
8
Régence de Tunis, direction générale des travaux publics. Décrets sur les mines
9
Idem

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Législation minière en Tunisie durant la période coloniale 37

Le décret du 10 mai 1893


Ce texte reproduit la législation française qui consacre la séparation
de la propriété du sol des mines. Il est admis en général que les mines
sont séparées de la propriété du sol. D’ailleurs le texte est bien clair
concernant ce sujet : « Nul permis de recherche ou d’exploitation, nulle
concession de mines ne donne droit d’occuper des terrains … »10.
Le premier soin de la législation de 1893 est de partager les gîtes en
deux classes : les mines et les carrières11.
Aux termes du décret du 10 mai 1893, Les carrières appartiennent,
en Tunisie, aux propriétaires du sol. En l'absence de toute législation,
l'État n'aurait en rien à intervenir dans leur exploitation, s'il n'était, en
raison de la vaste étendue des terrains domaniaux dans la régence, le
propriétaire de la plupart des carrières existantes ou à ouvrir. C'est, en
effet, dans les terrains arides et montagneux, qui, n'étant guère
susceptibles de culture, n'ont pas été appropriés, et sont restés
possessions du Souverain, que se rencontrent le plus grand, nombre des
gisements de toute nature susceptibles d'être exploités comme carrières.
C'est notamment à titre de propriétaire du sol que l'État a pu concéder
les importants gisements de phosphates de Gafsa.
C'est encore à titre de propriétaire que l'État reçoit un certain nombre
de demandes d'autorisation pour effectuer des recherches de carrières.
Ces autorisations sont instruites et accordées dans des formes à peu près
semblables à celles des permis de recherches de mines, dont elles
diffèrent cependant essentiellement dans leur principe. Pour les mines,
elles sont également propriétés domaniales.
Donc ce décret a le mérite de consacrer la domanialité des mines et
le droit de l’Etat de disposer librement des gîtes. Les autorités du
protectorat ont les mains libres en matière de concession minière.
Ce texte qui règlemente l’exploitation minière fixe la redevance à
5% sur le produit brut et la concession peut rester éternelle12.

10
Idem, p. 66.
11
Marouane Lajili, op.cit, page 168 et 169.
12
Noureddine Dougui, « Sociétés capitalistes et investissements coloniaux en Tunisie
(1881-1920). Quelques éléments d’approche », in Cahiers de Tunisie, 131/132, 1985,
p. 79.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


38 Béchir YAZIDI

Ces conditions libérales ont eu le mérité d’attirer un bon nombre


d’intéressés. « Les premiers groupes financiers qui ont manifesté leur
intérêts pour les mines sont des institutions déjà solidement implantées
en Algérie et connaissent parfaitement les affaires coloniales »13. Nous
citons le cas de la Cie de Mokta al Hadid14. Mais il faut compter aussi
avec les Belges (Cie royale asturienne).
Cette première législation ne posait pas de problèmes, la plupart des
concessions demandées ont été en grande partie accordées.
« Antérieurement au protectorat, il n'existait ni législation, ni
entreprises minières en Tunisie. Inexplorés, insoupçonnés même avant
l'occupation, la recherche de l’exploitation des minerais de plomb, zinc,
fer, manganèse, lignite et surtout phosphate, témoigne depuis 1892,
d'un remarquable essor. »15. Et toujours d’après le même témoignage,
c’est « grâce à une législation minière bien comprise, prévoyante, et les
permis de recherches, et les concessions rapidement obtenues, et les
permis d'exploitation qui ont eu pour conséquence la mise en valeur de
quantité de petites mines »16
De telles assertions ne peuvent être prises à la lettre. Il faut rappeler,
justement, que la première concession a été accordée avant
l’établissement du protectorat, mais à une époque où l’influence
française se faisait déjà sentir. Il s’agit de Jebel Ressas et le jebel
Jebba17. Depuis les choses ont rapidement évolué. Le tableau ci-contre
montre l’état des concessions accordées de 1876 jusqu’à 1904 :18

13
Idem
14
La Compagnie algérienne de Mokta-el-Hadid a obtenu en 1884 la concession de
divers gisements ferrugineux, situés le long du littoral nord de la Tunisie, entre
Tabarka et le cap Negro. Les premiers de ces gisements sont situés à 12 kilomètres,
les derniers à une quarantaine de kilomètres de Tabarka. (www. Entreprises-
coloniales. fr)
15
La Tunisie minière. Coup d'oeil général et perspectives par un mineur tunisien,
(L’Écho des mines et de la métallurgie, 4 octobre 1909).
16
La Tunisie minière depuis le protectorat, (L’écho des mines et de la métallurgie, 10
octobre 1922).
17
N. Dougui, op. cit, « Concession de Djebba : Cette mine a été concédée, en 1873,
à la Société des Batignolles, qui avait également le chemin de fer de la Medjerda et
qui a cédé ses droits à la Compagnie Bône-Guelma ».
18
Francis Laur, op.cit

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Législation minière en Tunisie durant la période coloniale 39

Dates Superficie Gare ou port


Nom Objets Nom concessionnaires
attribution (hect.) voisins
6-5-1876
Djebba Zn, Pb Vieille-Montagne, Liège 615 Souk el Khémis
27-1-1890
24-4-1877
Jebel Ressas Pb, Zn Soc. Des mines Jebel Ressas, Paris 3407 La Laverie
27-1-1900
Ras errajel
Boulanegue
fer Soc. De Mokta el Hadid 7-5-1884 3407 Bizerte
Jebel Bellif
Ganara
Tamera
7-5-1884
Bourchiba Fer S.A. mines de fer des Nefzas, Paris 2030 Bizerte
30-10-1898
Oued Bouzenna
Khanguet Kef
6-2-1889
Tout Zn, Pb Soc. Minière de Khanguet , Paris 1086 Béja
16-12-1894
27-8-1894
Sidi Ahmed Zn, Pb Cie royale Asturienne, Bruxelles 1875 Béja
27-1-1902
Fej el Adhoum Zn, Pb M. Joseph Faure, Paris 14-5-1894 456 Mejez el Bab

Zaghouan Zn, Pb Sté des mines de Zaghouan, Lyon 13-12-1894 2717 Mogran

Jebel Lakhouat Zn, Pb De Montgolfière, Paris 25-6-1896 840 Gaafour

Jebel Boujeber Zn, Pb Sté de Boujeber, Paris 13-4-1897 630 Clairefontaine

Jebel Hamera Zn, Pb Sté. Minière de Fej Assene, Paris 1-9-1898 1255 Tebessa

Sidi Youssef Zn, Pb Cie minière à Corphalie, Belgique 27-11-1898 660 Souk Ahras

Fej Assene Zn, Pb Sté minière Fej Assene 25-6-1899 1467 Ghardimaou
Jebel Ben
Zn, Pb Jebel Ben Ammar, Tunis 27- 1-1900 176 Béja
Ammar
Jebel Azezd Zn, Pb Cie Royale Asturienne, Bruxelles 11-5-1901 1600 Tebessa
Fer, Ligne en
Jebel Jerissa Sté du Boujaber,Paris 26-1-1901 1138
manganèse construction
Kef Lastar Zn, Pb Lorenzo Bugeia, Tunis 10-9-1901 858 Mejez el Bab

Bechateur Zn, Pb, Cie Royale Asturienne, Bruxelles 14-1-1902 2380 Bizerte
Sté minière du nord de l’Afrique, St
Jebel el Ghriffa Zn, Pb 25-2-1902 693 Mateur
Etienne
ie
Jebel el Grefa Pb C Royale Asturienne, Bruxelles 25-2-1902 971 Mateur

Jebel Touiref Zn, Pb S.A. des mines de Touiref, Belgique 13-3-1902 591 Oued Mliz
MM Vivian & Sons (Ang.), M. Mac
Jebel Kohol Zn, Pb 14-6-1902 298 Mogran
Inerny (Tunis)
Ain Khamouda Zn, Pb Sté française des mines, Tebessa 22-11-1902 680 Tebessa

Salsaf Pb Sté civile des mines,2-12-1902 545 Mateur

Oued Kohol Zn, Pb M. Bellot, Tunis 14-12-1902 650 Souk el Arba


M. Poublon (sté des mines de Bazina)
Bazina Zn, Pb 25-1-1903 Mateur, Béja
Tunis 897
J. Charra Zn, Pb M ;Pinard, Mining Cy Ltd, Tunis 18-6-1903 820 Béja

J. Diss Zn, Pb M. Picard, La Calloise; Tunis 16-11-1903 549 Souk El Arba

J. Touila Zn, PB M. Auzepy, sté des mines de Touiref 21-4-1904 360 Kairoun

Ain Allega Zn, Pb Laperoussaz, Tabarka 3-9-1904 427 Tabarka


Cie des phosphates et du ch . de fer de
Metlaoui Phosphate 20-8-1896 __ __
Gafsa
ie
Kalaat EsSenam Phosphate C des phosphates du Dyr 7-2-1901 __ __

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


40 Béchir YAZIDI

Les facilités prescrites par la législation minière libérale instituée par


la direction des travaux publics en faveur des concessionnaires
expliquent la réussite des entreprises minières. Elles étaient en effet,
considérées comme des sociétés privilégiées jouissant d’une grande
aisance matérielle, d’avantages juridiques, faiblesse des risques, facilité
de recrutement de la main d’œuvre et un rendement régulier. Mais, c’est
surtout l’importance des profits réalisés et la possibilité de transférer les
dividendes sans restriction19.
Mais l’évolution rapide de ce secteur, et surtout en ce qui concerne
les carrières, a nécessité de revoir et compléter ce texte. Ceci sera traduit
par la promulgation d’un nouveau texte le 29 décembre 1913 et repris
en 1914.
L’évolution de la législation minière :
Bien que la législation de 1893 ait pu assainir le domaine minier,
l’essor qu’avait pris ce secteur a nécessité de revoir le texte et on est
arrivé à promulguer le décret du 29 décembre 1913. Ses dispositions
resteront pour longtemps comme référence en matière de
règlementation en procédant, cependant, à quelques amendements.
Dans ce nouveau texte, on procède par classer les gîtes naturels de
substances minérales relativement à leur régime légal.
Sont classés comme mines les cinq groupes suivants :

- Les gîtes de graphite, houille, lignite, et autres combustibles


fossiles
- Les gîtes de bitume, asphalte, pétrole, et autres hydrocarbures
- Les gîtes de substances métalliques
- Les gîtes d’aluns, borates et autres sels associés dans les mêmes
gisements
- Les gîtes de nitrates (sel gemme)
Tous les autres gîtes de substances minérales qui ne sont pas classés
dans les mines sont considérés comme des carrières20.
19
N. Dougui, op. cit
20
Le régime des carrières se distingue des mines par leur statut juridique et leurs
conditions d’exploitation. Régis par le décret du I° novembre 1897, les carrières sont

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Législation minière en Tunisie durant la période coloniale 41

Selon cette nouvelle législation, les mines restent propriétés de


l’Etat. Donc le droit d’exploiter une mine ne peut être acquis qu’après
obtention d’un permis exclusif de recherche (art. 5) et en vertu soit d’un
permis d’exploitation soit d’une concession. En outre le directeur des
travaux publics peut désigner des régions dans lesquelles les mines du
3ème groupe ne pourront être acquises que par voie d’adjudication
publique sous réserve des droits antérieurs possédés par les
concessionnaires des mines et les titulaires de permis de recherche ou
d’exploitation. Pour les mines du 5ème groupe, elles sont réservées au
gouvernement tunisien par arrêté.
Selon l’article 8, le permis d’exploitation ou de concession donne
droit d’exploiter tous les gîtes de substances dénommées dans le groupe
à l’intérieur de la surface verticale passant par le périmètre et de faire
tous les travaux jugés utiles pour cet objet.
Les résultats des dispositions prises par ce décret ne se sont pas fait
attendre. Le pays a été ouvert à la prospection minière21.
Mines et concessions :
Selon l’article 5 du décret du 29 décembre 1913, les gisements
miniers sont propriétés domaniale. Cependant l’Etat peut les concéder
pour une durée indéterminée mais sous certaines conditions que le
décret précise. En effet, le concessionnaire tout en ayant des droits, doit
aussi se soumettre à certaines obligations. Il doit, entre autres, exploiter
le gisement sans interruption sous peine de déchéance et surtout il doit
payer à l’Etat des redevances. Justement et à ce propos, on a longtemps
loué les avantages de la loi de 1893 comme étant une disposition
libérale responsable de l’essor de ce secteur. Alors que la nouvelle
législation a « écrasé » les concessionnaires sous le poids de la
fiscalité22.

considérées comme non séparées de la propriété du sol, l’exploitant pourrait être le


propriétaire lui-même, un locataire ou adjudicateur. La plupart de ces terrains sont
situés dans le sud du pays donc sur des terrains considérés comme domaniaux et donc
appartenant à l’Etat.
21
De 1893 à 1938, le service des mines a enregistré presque 14.000 demandes de
permis de recherche. Ajili Marouane, op. cit.
22
Echos des mines et de la métallurgie, 1 octobre 1922

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


42 Béchir YAZIDI

Il semblerait que la législation s’est assouplie et a favorisé le


développement du domaine minier. Mais cet essor est dû aussi « à la
hardiesse des prospecteurs et à l’habileté des ingénieurs ». Ainsi, la
concession confère au bénéficiaire un véritable droit réel sur la mine.
Le statut juridique des concessions minières était consacré par le
décret du 13 décembre 1948 mais il sera modifié par le texte du 1er
janvier 1953. Ainsi, l’initiative privée dans l’exploitation des mines va
se préciser dans la législation minière codifiée par ce dernier décret23.
Mais ce nouveau texte confirme la propriété de l’Etat et fixe les
conditions de la concession. On retient que cette législation encourage
l’initiative privée, l’Etat dans ce cas, et comme l’affirme Jacques
Marseille, n’est que la « béquille du capitalisme » qui renforce les
intérêts coloniaux en Tunisie. « Le régime minier a choisi le procédé
des concessions comme moyen d’exploitation des richesses du sous-
sol, un procédé qui a fait fortune à cette époque dans le reste des
colonies et dans des secteurs autres que les mines. Il présentait de
nombreux avantages : il permet de ménager les finances publiques ;
d’encourager la colonisation par les capitaux et par-dessus tout de
garder le colonisé dans un état de dépendance »24
Conclusion
La législation minière tunisienne s'est inspirée, certes des principes
généraux de la législation française, notamment en ce qui concerne la
domanialité des mines dont l'exploitation ne peut être entreprise
qu'après un acte administratif l'autorisant. Mais une particularité de
cette législation a trait aux permis de recherches et permis
d'exploitation. Le permis de recherches qui, en France, n’a pas
d'équivalent, sauf en matière de recherches de pétrole, est accordé à la
priorité de la demande régulière, et donne le droit exclusif de faire des
travaux dans le périmètre autorisé, et d'obtenir ensuite un permis
d'exploitation ou une concession. Il est valable pour trois ans et peut
être renouvelé. Le permis d'exploitation est accordé au titulaire du
permis de recherche lorsque les travaux faits par lui ont démontré la
présence d'un gisement exploitable. Il est valable cinq ans et peut être
renouvelé ou transformé en concession. L'obtention des permis de

23
Voir JOT du 6 janvier 1953
24
Marouane Lajili, op.cit, page 309.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Législation minière en Tunisie durant la période coloniale 43

recherches et d'exploitation se fait pratiquement au moyen d'une


procédure administrative très simplifiée de sorte que les demandes
présentées sont très rapidement satisfaites.
Cette législation minière, est parfaitement adaptée à la Tunisie, pays
où les gisements sont nombreux, mais disséminés et souvent peu
importants.
L'existence du permis de recherches qui sauvegarde les droits du
premier prospecteur en lui permettant de travailler pendant trois ans
exclusivement sur son périmètre, et du permis d'exploitation qui lui
permet de tirer parti d'un gisement sans avoir recours à la procédure
compliquée de la concession ont été les principales causes du
développement de l'industrie minière dans la régence. Leur
inconvénient est de donner lieu à des spéculations parfois exagérées sur
les achats et ventes de permis, mais cet inconvénient est largement,
compensé par les avantages considérables qui en résultent pour la
facilité des prospections.
« À ce point de vue, la législation tunisienne semble supérieure à la
législation française. »25
Finalement, les dispositions législatives dans le domaine minier font
partie de cet ensemble de mécanismes utilisés et mis en application par
l’entité coloniale dans plusieurs secteurs et qui traduisent la volonté de
soumettre le pays aux exigences de sa politique.

25
L’Écho des mines et de la métallurgie, 20 décembre 1927.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


44 Béchir YAZIDI

Bibliographie
Sources :
- Archives Quai d’Orsay, carton 241, microfilm déposé à l’ISHTC
sous le numéro 158
- Régence de Tunis, direction générale des travaux publics. Décrets
sur les mines.
- (www.entreprises-coloniales): Journal L’Écho des mines et de la
métallurgie, les numéros :
9 janvier 1905 ; 4 octobre 1909 ; 1 octobre 1922 ; 10 octobre 1922 ;
10 décembre 1927
- JOT du 6 janvier 1953.
Ouvrages et articles :
- Marouane Lajili, La législation coloniale française en matière de
domaine de l’Etat en Tunisie (1881-1956), Université de la
Manouba, ISHMN, 2010
- Noureddine Dougui, « Sociétés capitalistes et investissements
coloniaux en Tunisie (1881-1920). Quelques éléments d’approche »,
in Cahiers de Tunisie, 131/132, 1985
- Louis Foucher, De l’évolution du protectorat de la France sur la
Tunisie, thèse de doctorat, Paris 1897
- Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire
d’un divorce, A. Michel, Paris, 1984
- Louis Milliot, Cours de législation algérienne, marocaine et
tunisienne, donné à la faculté de droit d’Alger en 1927/1928, p. XIX

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


MINES ET CARRIERES EN TUNISIE ANTIQUE

Amel TEKKI
Maître-assistante, Institut Supérieur des Sciences
Humaines de Tunis, Université Tunis El Manar

Résumé :
Les mines antiques en Afrique du Nord et tout particulièrement celles de Tunisie
représentent un dossier de recherche complexe et épineux. La documentation relative
à ce sujet est succincte, disparate et manque souvent de précision. Dans cette article
nous avons essayé de rassembler une partie de cette documentation. Nous avons tenté
de la confronter, de la comparer et de la réorganisation afin de pouvoir mettre en avant
les informations importantes. Dans un travail qui reste préliminaire, nous avons dressé
une carte des mines antiques où les témoignages d’une exploitation antique se sont
avérés possibles.
Introduction
L’une des phases importantes en métallurgie est l’élaboration du
métal dont l’extraction minière est fondamentale. Cette dernière
retiendra tout particulièrement notre attention. Nous nous intéressons à
la question de l’exploitation minière en Afrique du Nord pendant la
période antique : Quelles sont les mines locales exploitées dans
l’Antiquité ? Quel est leur potentiel ? Quel type d’exploitation ? Quelles
sont les techniques d’extraction ? Le savoir-faire de métallurgistes ?
L’Afrique du Nord antique n’était certainement pas un eldorado des
mines tels sont les cas de Chypre et de la péninsule ibérique. Cependant,
il n’en manque pas moins de richesse.
Plusieurs études ont été consacrées au sujet des mines antiques,
surtout depuis quelques années qui renseignent sur les statuts des
districts, sur leurs techniques d’exploitation et sur leur production 1.

01
C. Domergue, Les mines antiques. La production des métaux aux époques grecques
et romaine, Paris, Picard, 2008 ; L. Long, Ch. Rico et Cl. Domergue, « Les épaves
antiques de Camargue et le commerce maritime du fer en Méditerranée nord-
occidentale (Ier siècle av. J.-C. – I.er siècle après J.-C.) », in L’Africa Romana. Lo
spazio maritimo del Mediterraneo occidentale : geografia storiaca ed economia ; Atti
del XIV convegno di studio Sassari, 7-10 dic. 2000, Rome, p. 161-188 ; J. Andreau,
« Recherches récentes sur les mines à l’époque romaine », in RN, 31, 1989, p. 86-
46 Amel TEKKI

Toutefois, toutes ces recherches ignorent presque les provinces de


l’Afrique du Nord mis à part la mention de quelques gisements au
Maroc. Cette absence s’explique essentiellement par le manque de
travaux consacrés aux domaines miniers dans cette région. Quand on
évoque l’économie romaine dans les provinces d’Afrique, le rôle des
mines est souvent négligé et parfois complètement absent. Si on se
penche sur ce sujet, on pourrait certainement relever certaines
exploitations non négligeables. Les témoignages littéraires ne
manquent pas bien qu’ils soient infimes et succinctes. Les témoignages
archéologiques sont nombreux : fours, une grande quantité de scorie,
etc.
Les témoignages les plus importants et qui sont d’une grande valeur
reste ceux des géologues et surtout ceux des ingénieurs des mines
d’époque coloniale. On recense une grande variété de témoignages sur
différents districts et gisements antiques.
I. Les sources de nos connaissances
I.1. Les auteurs anciens
En effet, Strabon2 relate l’existence de mines de cuivre dans le pays
des Masaesyles, c'est-à-dire dans le Tell de l’Algérie centrale et
occidentale. D’après Stéphane Gsell, ces mines pouvaient être celles de
la région de Ténès, qui auraient encore été exploitées sous les rois
numides3. Des traces d’anciennes exploitations et de réduction du
minerai sont attestées dans cette région à Kef Oum Teboul (région de
Cala) et à Cavallo entre Jijel (Iguilguili) et Bougie (Saldae) 4. En
évoquant toujours les mines de cuivre en Afrique du Nord, Polybe
pense que Polystor se trompait à propos de la ville de Khalkeia
(Chalchée) qu’il classe parmi les villes d’Afrique. D’après Polybe, il
s’agit plutôt d’une mine d’airain (cuivre). Il le critique ainsi : « Il se
trompe encore gravement au sujet des Khalkeia : ce n’est pas une ville,

112 ; ibid, 1990, 32, p. 85-108 ; Cl. Domergue, Les mines de la péninsule Ibérique
dans l’antiquité romaine, Rome : EFR, 1990.
02
Strabon, XVII, 3, 11 : « On a constaté quelque part dans ce même pays la présence
d’une source d’asphalte et celle de mines de cuivre ».
03
S. Gsell 1927, p. 4.
04
Toubal 1995, p. 59.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 47

ce sont des mines d’airain » 5. En revanche, Stéphane Gsell en déduit


qu’il pouvait bien s’agir d’une ville qui s’appelait « la ville du cuivre »6
et qui correspondrait, peut-être, à la ville de Ténès où il y a de riches
mines de cuivre7. Les anciennes exploitations dans cette mine se situent
au Nord-Est, au Sud et surtout à Bou Khandek8. Ces exploitations
remontent probablement à la période phénicienne et punique. Ténès
aurait été le marché et le port du métal selon Stéphane Gsell9.
Par ailleurs, les récits des auteurs antiques peuvent être complétés
par un ensemble d’inscriptions évoquant l’artisanat de la métallurgie
chez les Phéniciens et les Carthaginois. Nous disposons également d’un
texte qui remonte à l’époque chrétienne qui décrit l’exil des confesseurs
en Numidie dans des mines10. Ce sont des correspondances entre Saint
Cyprien et ses amis exilés dans la mine dite de Sigus. D’après Stéphane
Gsell, il s’agissait sans doute d’une mine de cuivre. Il fonde son
argumentation sur le toponyme d’une localité proche de Sigus : Aïn
Nehas qu’il traduit par la fontaine du cuivre11. Henri Fournel12 pense
que les condamnés chrétiens ne furent pas tous exilés dans la même
mine. D’après lui, il s’agit au moins de trois mines13 de cuivre qui se
trouvent au pied du Jebel-Sidi-Rgheïs14 au Nord-ouest d’Aïn-Beïda, à
l’Est de Bagaï (Bâŕâï) et la mine de Sigus. La localisation de cette
dernière mine demeure incertaine. Henri Fournel pense qu’il faut
notamment chercher cette mine entre la localité d’Aîn Nehas (Bîr-St’al)
et la ville de Gouça (Sigus).

05
Polybe, XII, 1, 5.
06
S. Gsell 1928, p. 3.
07
S. Gsell 1911, feuille, n° 21 et n° 41.
08
S. Gsell 1928, p. 4 ; Gsell 1911, feuille12 (Orléansville), n° 20 et 41.
09
S. Gsell 1928, p. 4.
10
Saint Cyprien, Lettre LXXVI.
11
C’est un toponyme arabe que nous traduirons plutôt par « La source du cuivre ou la
source cuivreuses ? » ; S. Gsell 1928, p. 13.
12
Ingénieur en chef des mines de l’Algérie pendant les années 1843-1846. L’auteur
de La richesse minérale de l’Algérie accompagnée d’éclaircissements historiques et
géographiques sur cette partie de l’Afrique septentrionale, Paris, 1849.
13
P. Fournel 1849, p. 271.
14
P. Fournel 1849, p. 271 : « Quant à la mine de Sigus, si vraisemblablement, malgré
les doutes que j’ai émis pages 258, le nom de Aïn-Neh’âs vient, comme le veut la
tradition, du voisinage de mines de cuivre, et il faudrait en rechercher avec soin les
traces de cette mine entre cette localité et la ville de Gouça (Sigus) ».

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


48 Amel TEKKI

Quant à la mine de cuivre de Jebel Sidi-Rgheïs dans la province de


Constantine15, Charles Tissot remonte sa datation à l’époque romaine16.
Une description des galeries de cette mine a été fournie par Henri
Fournel, à ce sujet il note : « On trouve là des fouilles, des galeries
obstruées, une halde assez considérable, en un mot, tous les témoins
d’une exploitation qui a eu de la durée et de l’importance. Le grès dans
lequel ont été ouvertes les galeries est tellement dur qu’on s’explique à
peine comment les Romains, avec les moyens dont ils disposaient,
pouvaient entreprendre de pareilles exploitations »17.
I.2. L’épigraphie
L’épigraphie a fourni un nombre important de témoignages
concernant l’artisanat métallurgique dans le monde punique,
notamment à Carthage18. Les inscriptions phénico-puniques
mentionnent le nom de différents métaux utilisés autrefois tels que l’or
(HRS), l’argent (KSP), l’étain (BSL), le plomb (‘PRT) et le fer (BRZL).
Certaines inscriptions de Carthage évoquent le métier de métallurgiste
du cuivre ou du bronze et du fer : NSK HBRZL (« fondeur de fer »19) ;
NSK HNHŠT (« fondeur de bronze »20) ; NSK HNSKT (« fondeur de
métal coulé »21) ; NSK HHRS (« fondeur d’or »22). Ces métiers
pouvaient être en rapport avec la phase post-extraction minière : la
réduction du minerai (transformation du minerai en métal).
Quelques métiers de métallurgiste sont mentionnés sur certaines
stèles funéraires romaines23 d’Algérie sans faire allusion au travail

15
Pour la présence punique à Constantine voir A. Berthier et R. Charles, Le sanctuaire
punique d’El-Hofra à Constantine, Paris, 1955 ; A. Berthier, Un habitat punique à
Constantine, in AntAfr, t. 16, 1980, p. 13-26 ; F. Bertrandy et M. Sznycer, Les stèles
puniques de Constantine, Paris, 1987. La stèle n° 57 de ce catalogue mentionne un
fondeur. Voir ibid., p. 33 et 83; Y. Aïbeche, De Cirta à Constantine : repères et
histoire, in Cl. Briand-Ponsart (dir.), Identités et cultures dans l’Algérie antique,
Rouen, 2005, p. 22-34.
16
Ch. Tissot 1884, p. 257.
17
P. Fournel 1849, p. 263.
18
Ben Younès-Krandel 1986, p. 7-9; Ferjaoui 1991, p. 74-75 ; Sznycer 1995, p. 18.
19
CIS, 67 ; 3014 ; 5943.
20
CIS, 330, 331.
21
CIS, 3275.
22
CIS, 327, 328, 329.
23
R. Amraoui 2016, p. 64 ; p. 71 ; p. 75.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 49

minier, ni à celui du traitement du minerai. Seuls les métiers liés aux


objets manufacturés figurent sur ces stèles. Un dépouillement plus
profond du Corpus des inscriptions latines d’Afrique du Nord pourrait
nous apporter plus de détail sur les métiers de cette phase.
I.3. La documentation de la période coloniale
Les rapports des géologues et des ingénieurs de mines français
rendus dans le cadre d’une prospection géologique afin de mettre en
place des concessions minières au profit du colon, offrent des
renseignements précieux sur les mines antiques. En effet, les vestiges
d’anciennes exploitations découverts dans divers gisements d’Afrique
du Nord sont nombreux. Cette documentation est certes la plus riche
car outre les informations mentionnées, elle signale souvent les anciens
travaux sur le plan de la concession exploitée. Toutefois, leur datation
n’est pas souvent précise : on parle généralement d’une exploitation
ancienne ; travaux anciens ; travaux romains sans autre précision. A
titre d’exemple, on cite ceux qui sont relatifs aux mines de la Tunisie :
l’étude de Louis Berthon sur l’industrie minérale en Tunisie24 et celle
de Paul Saintfeld25 consacré aux mines de plomb et de zinc.
C’est dans ce contexte colonial qu’on voit d’ores et déjà paraître
certaines études historiques liées à la question de l’exploitation minière
dans l’antiquité. En 1849, Henri Fournel, ingénieur des mines français
et fondateur du service des mines de l’Algérie, dans le premier chapitre
de son livre sur la richesse minérale de l’Algérie, présente un aperçu
historique et géographique de toutes les mines de l’Algérie. Vers 1928,
Stéphane Gsell traite ce sujet dans son article paru dans Hesperis
1928 dont la problématique tourne autour de l’exploitation minière en
Afrique du Nord dans l’antiquité.
La confrontation de toutes ces données notamment géologiques et
archéologiques permet de mesurer la richesse minière locale. A partir
de cette documentation, nous avons tenté d’identifier un certain nombre
d’anciennes exploitations antiques locales et à les reporter sur une carte.

24
Louis Berthon, L’industrie minérale en Tunisie, Tunis, 1922. Paul Saintfeld, Les
gîtes plombo-zincifères de Tunisie, Annales des mines et de la géologie, 9, Tunis,
1952.
25
P. Saintfeld, Les gîtes plombo-zincifères de Tunisie, Annales des mines et de la
géologie, 9, Tunis, 1952.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


50 Amel TEKKI

Cette dernière reste cependant préliminaire car la documentation est


malheureusement assez dispersée, disparate et difficile à utiliser. Elle
est inégale d’une mine à l’autre. La chronologie relative à chaque mine
n’est pas précise. Dans tous les rapports, les mines sont souvent datées
« par défaut » d’époque romaine ou d’époque médiévale. Rappelons
également que dans le cadre de cette étude, il ne sera question que des
mines antiques de la Tunisie. L’ensemble des mines de l’Afrique du
Nord nécessite une étude encore plus large et approfondie.
II. Inventaire des mines antiques
II.1. Les gîtes métallifères du cuivre (pl. I)
Bien que le cuivre soit un minerai rare en Tunisie, il fut signalé dans
divers lieux de la région septentrionale : Aïn el Bey, Koudiat Sidi Sabi,
Jebel Ahmar, Jebel Oust, Jebel Chouichia, Jebel Herrach, Oued Zergua.
C’est un cuivre qui se présente sous forme de carbonates bleus et verts
et plus généralement, à l’état sulfuré : cuivre gris et chalcopyrite26.
Le Jebel Chouichia n° 1 se trouve au Nord-Ouest de la Tunisie dans
la région de Ghardimaou27. Des travaux antiques ont été identifiés dans
cette mine par les ingénieurs des mines au cours de la première moitié
du XXe siècle (figure n° 1). Le cuivre apparaît essentiellement en
profondeur aux bordures est et sud du gîte de fer.28

26
L. Berthon 1922, p. 48.
27
Carte IGN « Ghardimaou » à l’échelle 1/50 000.
28
L. Berthon 1922, p. 108.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 51

Figure 1 : Plan schématique du gîte de cuivre de Chouichia


(Berthon 1922)
Le gîte de Koudiat Sidi Sabi n°2 a révélé des vestiges d’anciens
travaux. Ce gisement se situe au sud-est du Jebel Harraba dans la région
du Kef. L’ensemble de cette formation est sillonné par de nombreuses
cassures dont le remplissage est constitué d’hématite, de calcaire et de
minerais de cuivre oxydés et sulfurés. Ces cassures ont donné lieu à des
travaux d’extraction antiques29. Il est difficile de dater cette exploitation
en l’absence de témoignages directs à savoir le matériel archéologique.
Dans le gîte de Kef el Agab n° 3, qui s’étend du Koudiat el Kadra
jusqu’aux ruines de Bulla Regia, des exploitations anciennes ont été
mentionnées. Cette masse montagneuse est composée uniquement de
calcaire. La minéralisation se caractérise par des remplissages
ferrugineux aux affleurements avec réseaux de veinules de minerais de
cuivre oxydés riches, et en quelques points, des placages de pyrite de
cuivre30. Louis Berthon note que les affleurements sont transpercés de
travaux antiques31 (figure n°2). Il s’agit probablement d’une

29
L. Berthon 1922, p. 108.
30
L. Berthon 1922, p. 114.
31
L. Berthon 1922, p. 114.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


52 Amel TEKKI

exploitation romaine. Louis Carton décrit dans ces mines des galeries
antiques où furent découverts des outils en bon état de conservation32.

Figure 2 : Coupe d’une ancienne excavation romaine (?) à Kef El Agab


(Berthon 1922)
Un autre gisement qui fut exploité dans l’Antiquité mais ne figure
pas sur « la carte des gîtes minéraux de la Tunisie »33. Il est probable
qu’il fut abandonné parce qu’il n’est plus rentable aujourd’hui à
l’échelle industrielle. Cette mine a été identifiée lors d’une prospection
effectuée dans la région de La Moyenne Vallée de l’Oued Tine. C’est
la mine dite Koudiat-Damous-En-Nehas34. C’est une mine établie au
sommet d’une colline de roches éruptives vertes. D’après les
informations de Jean Peyras qui a prospecté dans cette mine, la
céramique commune dispersée à l’entrée des galeries ne permet pas

32
S. Gsell 1928, p. 14 ; Dr. Carton 1891, p. 229 : « A 1500 mètres au nord, dans la
montagne, nombreuses galeries d’une grande profondeur (une d’entre elles descend à
30 mètres) ayant servi aux Romains pour l’extraction du minerai de fer et de cuivre,
dont on voit nombreux échantillons. La profondeur de ces souterrains et les grands tas
de scories qui se trouvent à l’entrée, témoignent de l’activité qui a dû avoir cette
exploitation. Depuis leur abandon il s’y est accumulé une épaisse couche de guano
qui a été extraite en partie dernièrement. On y aurait trouvé plusieurs instruments en
bon état de conservation. »
33
J. Peyras 1991, p. 404.
34
Koudiat Damous-en-Nehas est un toponyme arabe qu’on peut le traduire par la
colline de la galerie du cuivre.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 53

d’affirmer qu’on est en présence d’une exploitation romaine. Mais il


s’agit bien d’une mine antique ou médiévale35. Le filon semble peu
abondant aujourd’hui et uniquement en surface. Les galeries étaient
assez profondes36.
Les prospections dans la région de Jebel-Serj ont permis d’identifier
d’anciennes exploitations de cuivre. Un outil de mineur37, ainsi qu’une
lampe38 furent mis au jour dans cette mine. Il pouvait s’agir d’une
ancienne mine dans la région de Jebel-Serj où la carte IGN de cette
région à l’échelle 1/50 000 signale un lieu dit « Mont de la mine » à
côté de Jebel Bellouta. A Jebel-Serj, une mine de plomb fut exploitée
au cours du siècle dernier39.
Stéphane Gsell mentionne, en outre, des vestiges d’une ancienne
exploitation de cuivre dans la mine de Jebel-Jerissa au Sud-Sud-Ouest
du Kef40. Mais, il est fort possible qu’il s’agisse d’une exploitation de
fer et non de cuivre. En fait, les géologues n’évoquent aucun type de
minéralisation de cuivre dans ce gîte41. C’est une mine de fer sous forme
d’hématite. Louis Hilaire, qui est la source d’information de Stéphane
Gsell, a certainement confondu les scories de fer avec celles de cuivre.
Enfin, il est intéressant de signaler, également, le gîte de cuivre de
Jebel Ahmar près de Tunis bien qu’on n’y ait pas signalé des travaux
anciens. Ce gîte est le plus proche de Carthage où on y a mis au jour
des vestiges de réduction de cuivre. Cela nous permet de supposer une
éventuelle relation entre ce gisement et les ateliers de réduction en
question. Dans ce gîte, le cuivre se présente sous forme de petits
affleurements42.

35
M. Solignac qui a visité la mine confirme l’ancienneté de son exploitation. Peyras
1991, p. 127.
36
J. Peyras 1991, p. 127.
37
S. Gsell 1929, t. I, p. 214, note 3 ; CMA 1910, I, p. 364, n° 289.
38
P. Gauckler 1902b, p. CXVII-CXVIII.
39
Carte des gîtes minéraux de la Tunisie 1/500 000, dressée en 1966.
40
S. Gsell 1928, p. 14 ; L. Hilaire 1897, p. 84.
41
Aissaoui-Adjali et al. 1988, p. 358-359.
42
L. Berthon 1922, p. 114 : « Au Djebel Ahmar, près de Tunis, on a compté une
vingtaine de petits affleurements cuivreux, donnant, en échantillons, toute une gamme
de minerais sulfurés et oxydés, qui se rencontrent dans un complexe marno-calcaire
et quartziteux du Nécomien, non loin d’un pointement triasique ».

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


54 Amel TEKKI

Les mines de cuivre sont assez limitées en Tunisie, néanmoins la


plupart ont fait l’objet d’une exploitation ancienne d’après les travaux
des ingénieurs des mines. Certaines des ces exploitations telles que
celles de Jebel Serj et Koudiat Damous Nehas ont livré un matériel
archéologique relatif au travail de l’extraction minière à savoir : outil
de mineur et lampes antiques.
II.2. Les mines de fer (pl. I)
Les gisements de fer sont assez nombreux sur l’ensemble du
territoire tunisien avec une certaine concentration dans la région du
Haut Tell. Plusieurs mines de fer ont livré des vestiges attestant une
ancienne exploitation. La région de Nefza, à l’Est de Tabarca dispose
d’importants gisements de fer exploités en grande partie à ciel ouvert43
(figure n° 3). Ils se présentent sous la forme de lentilles très
irrégulières. Les minerais sont formés d’un mélange d’hématite brune
et d’hématite rouge manganésifères. Dans cette région on recense trois
gisements important de fer : à Ras er-Rajel (n°1), à Tamera (n° 2) et
à Douaria44 (n° 3).

Figure 3 : Carte des mines de la région de Nefza à Tabarka


(Launay 1903)
43
L. de Launay 1903, p. 188.
44
S. Gsell 1928, p. 11.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 55

Une grande partie des gisements exploités dans l’Antiquité se situent


dans la région occidentale avoisinant la frontière algéro-tunisienne, de
part et d’autre de l’oued Mellègue. A Douar Douamès (n° 4), au Nord
de Béjà une mine de fer a été anciennement exploitée45. Le gîte de
l’oued Zerga (n°5) situé au sud-est de la station de l’oued Zarga, à
l’Ouest de Mejez el Bab, a révélé des traces d’anciennes exploitations.
La minéralisation en hématite brune et rouge se présente avec des
épaisseurs variables46. Louis Berthon pense que les affleurements
imprégnés de cuivre oxydé furent également exploités dans l’Antiquité.
Il mentionne, également, sur les pentes de Jebel Tamrhoura des scories
cuivreuses provenant vraisemblablement d’anciennes fonderies47.
Divers gisements de fer dans la région du Kef ont révélé des vestiges
d’anciennes exploitations : à Nebeur (n° 6), à Oued Kohol (n° 7) au
Nord-Est et au Sud-Ouest de Jebel-Jerissa48 (n°8). Dans la région de
Nabeur, les gîtes de fer se répartissent en deux groupes. Un premier
groupe au Nord qui regroupe les gîtes du Koudiat es-Souda et du
Koudiat el-Halfa. Un deuxième groupe au Sud qui regroupe les gîtes de
l’Hadida, du Bélouache, du Diar Zlass et du Berkouchia49. La
minéralisation est généralement de l’hématite. Malheureusement, nous
ne savons pas exactement quels furent les gîtes exploités pendant
l’Antiquité50.
La mine de Jebel Jerissa se situe sur la route Carthage-Théveste,
dans la ville de Jérissa. C’est un important gîte d’hématite brune et
d’hématite rouge. Louis Hilaire y mentionne des puits et des galeries
antiques. Dans cette zone, on a identifié également des installations
hydrauliques (bassins et réservoirs) qui auraient vraisemblablement été
aménagées pour le lavage des minerais extraits de cette mine51.

45
S. Gsell 1928, p. 11. Atlas Archéologique de la Tunisie, feuille Béjà, n° 61.
46
L. Berthon 1922, p. 129.
47
L. Berthon 1922, p. 129.
48
S. Gsell 1928, p. 11.
49
Cf. L. Berthon 1922, p. 129-133.
50
S. Gsell et L. Berthon se contentent de noter que les gisements de fer de la région
de Nabeur ont été exploités dans l’Antiquité sans préciser les noms des gîtes.
51
A propos de cette mine Louis Hilaire note : « J’ai retrouvé, sur un petit mamelon, à
150 mètres au nord-est de la source S, quelques puits et galeries, huit en tout. Ces
travaux que le temps a probablement en partie remblayés, ont peu de profondeur. Des
Arabes m’ont montré des scories, paraissant renfermer du cuivre, qu’ils avaient

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


56 Amel TEKKI

Dans la mine de fer de Jebel Slata (n° 9) des travaux romains ont
été identifiés (figure n° 4). Une centaine de puits et de galeries antiques
ont été observés dans cette mine, dont quelques-uns atteignent à peu
près 150 mètres de profondeur52. Le gisement se trouve à l’extrémité
ouest de la montagne dans laquelle les minerais se présentent sous
forme d’amas ferrugineux à contours informes53. L’hématite est
également le minerai principal dans cette mine.

Figure 4 : Plan de la mine de fer du Jebel Slata


(Berthon 1922)
II.3.Les mines de plomb (pl. I)
L’ancienne exploitation des mines de plomb du Jebel Ressas (n° 1)
(« la montagne du Plomb ») est située à 30 kilomètres au Sud-est de
Tunis54. Cette montagne est l’avant dernier massif de la dorsale
tunisienne. La minéralisation du plomb est localisée principalement sur

trouvées dans une excavation située au pied de ce mamelon, au nord-ouest ; c’est peut-
être l’emplacement où les Romains traitaient le minerai. Le réservoir B répondait-il
aux besoins des ouvriers employés à ces mines ? » L. Hilaire 1897, p. 78.
52
L. Hilaire 1897, p. 78.
53
L. Berthon 1922, p. 139.
54
S. Gsell 1928, p. 12; Cagnat 1896, p. 1054-1055.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 57

le flanc ouest du massif55 (figure n° 5). Cette mine aurait été exploitée
depuis l’époque punique56. L’exploitation aurait été effectuée à ciel
ouvert57. D’après Sainfeld, les travaux antiques se localisaient pour la
plupart dans ce qu’il appelait la zone du « Grand Ressas » en particulier
dans le gîte de la colonne V (figure n° 5). Dans ce dernier, il parle plutôt
d’une exploitation en galerie.

Figure 5 : Massif du Djebel Ressas d’après J. Morer.

55
P. Sainfeld 1952, p. 184.
56
Selon M. Haupt (ingénieur des mines à Florence du XIXème siècle), les travaux
dans la mine de jebel-er-Reças remontent à l’époque punique. Il s’agissait
probablement d’une large exploitation, la quantité des scories étant estimée à 67.7
tonnes. Ch. Tissot 1884, p. 256, note n° 3. Nous n’avons pas eu la possibilité de
consulter l’étude publiée par M. Haupt cité par Charles Tissot.
57
Atlas Archéologique de la Tunisie, feuille Grombalia, n° 27.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


58 Amel TEKKI

Deux autres mines de plomb ont révélé des traces d’exploitation


anciennes : un autre Jebel Ressass58 (n° 2) et à Khanguet Kef Tout
(n° 3), au Nord-Ouest de Béjà59. Dans la mine de Khanguet Kef Tout
on exploite actuellement aussi du zinc. Il s’agit de deux filons de
directions nord-sud et est-ouest. La minéralisation est composée
essentiellement de galène avec traces de blende et de pyrite de fer.
Alfred Merlin, qui a visité cette mine, la décrit ainsi : « Les Romains
ont exploité la mine de plomb et de zinc située au Khanguet-Kef-Tout,
dans la région au Nord de Béja, en ne s’occupant toutefois que du plomb
; aujourd’hui encore on utilise leurs débris pour en extraire le zinc qu’ils
ont négligé. Près de trois cents puits de sondage, datant de l’époque
romaine, sont visibles à la surface du sol, et de nombreuses galeries
antiques, où des lampes chrétiennes ont été recueillies en abondance,
existent dans la montagne. Le minerai était trié à la main dans les
galeries mêmes ; on y a rencontré un de ces ateliers de triage avec des
tas distincts de minerai brut et de minerai trié, ce qui tend à faire croire
que la mine a été abandonnée subitement »60. Ces travaux anciens ont
été attestés également lors de la prospection de Jean Peyras dans cette
région61. La mine fut largement exploitée depuis l’Antiquité,
vraisemblablement à ciel ouvert, et l’est encore actuellement62.
Jebel Hallouf (n° 4) et Sidi Bou Aouane (n° 5) sont deux gîtes qui
furent exploités par les Romains63. Ils se situent à 12 kilomètres de Souk
58
Atlas Archéologique de la Tunisie, feuille Zaouiet Medienn, n° 69 ; n° 89 :
« Khanguet-Kef-Tout. Mine exploitée à l’époque romaine : puits, tranchées, galeries,
en partie utilisés par les ouvriers de la mine actuelle. La chaîne de collines situées
entre cette mine et son annexe d’Aïn-Roumi (6 km au Sud) porte la trace de nombreux
puits : ceux d’Aïn-Roumi sur le jebel Ressass sont particulièrement profonds (ils
varient entre 15 et 50 mètres)».
59
Atlas Archéologique de la Tunisie, feuille Zaouiet Medienn, n° 89; Peyras 1991, p.
53.
60
A. Merlin, 1912, p. CLXXX.
61
J. Peyras 1991, p. 53.
62
L. Berthon 1922, p. 60.
63
L. Berthon 1922, p. 30 et p. 67 : « Au puits Attilio Près, une quinzaine de cassures
recoupées par travers-blancs aux niveaux 50, 75 et 100, par rapport à l’orifice du puits
sont actuellement prospectées ou exploitées pat des allongements nord-ouest dont les
plus développés mesurent 6 à 700 mètres de longueur. Ces cassures, dont la puissance
minéralisée atteint en certains points 5 à 6 mètres, ont donné lieu, à l’époque romaine,
à des travaux extrêmement développés qui ont pénétré jusqu’au niveau
hydrostatique … Dans la région ouest de la concession criblée d’excavations

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 59

el Khemis. La minéralisation dans la mine de Jebel Hallouf est


constituée principalement par de la cérusite friable dans une gangue de
calcaire enrobant parfois des boules de galène ou de carbonate64.
Concernant la mine de Jebel Sidi-Aouane, nous ne disposons pas des
renseignements précis sur son exploitation pendant l’Antiquité.
La mine de Jebba (n° 6), à l’ouest de Téboursouk, a révélé des traces
d’anciennes exploitations65. Elle se trouve sur le flanc nord-nord-est du
Jebel Ghorra, sur la rive droite de la Medjerda. La minéralisation est
composée surtout de galène accompagnée de calcite et de filets de sulfures
complexes, principalement de blende et galène66. Le filon de plomb est de
direction nord-ouest-sud-est. Actuellement, le zinc est également exploité
dans ce gisement67.
Dans le gîte de plomb de Fej el Hadoum (n° 7), à une douzaine de
kilomètres au Sud-Ouest de Dougga, Louis Carton mentionne des
anciens travaux68. La minéralisation de ce gîte se présente sous la forme
de lentilles informes constituées de galène et de calamine69.
Au Jebel Serdj, au Nord-Est de Maktar, se trouve une mine de zinc
exploitée dans l’Antiquité pour extraire du plomb et du cuivre70. Cette
montagne constitue un élément de la Dorsale Tunisienne.
Dans la région du kef plusieurs mines furent exploitées pendant
l’Antiquité71. A Koudiat el Hamra (n° 8), Louis Berthon mentionne
des anciens travaux romains : « Du nord-est au sud-ouest, les gîtes
prospectés ou exploités sont signalés en plusieurs points par
d’importants travaux romains poursuivis jusqu’à 50 ou 60 mètres de

superficielles effectuées anciennement, un deuxième réseau de cassures est en voie


d’exploitation par les travaux du puits de l’ouest. ». Des filons ont également été
exploités dans cette mine, probablement à l’époque romaine.
64
L. Berthon 1922, p. 66.
65
Atlas Archéologique de la Tunisie, feuille (Souk el Arba), n° 20 ; Tissot 1884, p.
256.
66
L. Berthon 1922, p. 74.
67
Carte des gîtes minéraux de la Tunisie 1/500 000.
68
Carton 1895, p. 236.
69
L. Berthon 1922, p. 75.
70
P. Gauckler 1902b, p. CXVII. On y avait retrouvé un outil en pierre et des lampes
antiques dont la datation n’est pas déterminée.
71
Toussaint 1898, p. 197 ; Atlas Archéologique de l’Algérie, feuille 19 (El Kef), n°
141 ; Berthon 1922, p. 30.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


60 Amel TEKKI

profondeur et ayant donné lieu à de vastes accumulations de déblais


légèrement minéralisés en galène et calamine »72. La minéralisation est
principalement de galène et un peu de calamine. La mine de plomb de
Sidi Amor ben Salem (n° 9), gîte stratiforme coupé par un filon dont
la direction est Nord-ouest Sud-est, se situe au Nord de Kalaet Es
Senam. A propos de cette mine Louis Berthon a écrit : « Ce gîte puissant
est dirigé nord 15 degrés est ; son pendage oscille légèrement autour de
la verticale. Il est marqué par un large affleurement de barytine peu
minéralisée en surface et percé d’excavations romaines profondes, dans
lesquelles on a rencontré de vastes chambres d’anciennes
exploitations »73. Il s’agit probablement d’un gisement largement
exploité dans l’Antiquité. L’extraction du minerai était effectuée sous
forme de galeries. Louis Berthon date ces exploitations d’époque
romaine sans présenter d’arguments permettant de justifier leur
datation. En revanche, il fournit une description du type de cette
exploitation et de sa longueur74 ainsi qu’un plan schématique de ces
gisements (figure n° 6).

Figure 6 : Plan des gisements de plomb de Sidi Amor Ben Salem au Jbel
Slata
(Berthon 1922).

72
L. Berthon 1922, p. 87.
73
L. Berthon 1922, p. 87-88.
74
A ce propos, il note : « Les affleurements de la plupart de ces fractures sont criblés
de travaux romains qui s’échelonnent depuis le gîte de contact jusqu’à 800 mètres
d’altitude, soit sur une hauteur verticale de 150 à 200 mètres, suivant les déclivités du
flanc est de la montagne », L. Berthon 1922, p. 91.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 61

Henchir Ressass (n° 10) est situé à 30 kilomètres environ au Sud-


Ouest du Kef75. Les données archéologiques concernant les anciennes
exploitations dans cette mine ne sont pas très explicites. Des traces de
travaux anciens, probablement romains, ont été signalées dans la mine
de Sakiet Sidi-Youssef 76 (n° 11). Il s’agit d’un filon de direction Nord-
Sud. La galène qui se présente en filets ou en petites poches est
dominante dans ce gîte77.
Les mines de Jebel Bou-Jaber (n° 12) sur la frontière tuniso-
algérienne au Sud de la région du Kef ont montré des traces d’anciennes
exploitations78 (figure n° 7). Le minerai est de la calamine et de la
galène79. En outre, des installations hydrauliques mentionnées aux
environs de la mine auraient pu servi pour les travaux miniers80.

Figure 7 : Plan schématique du Jebel Bou Jaber (Berthon 1922).

75
Un sanctuaire punique a été découvert à Henchir Ressass. L. Hillaire 1898, p. 177.
76
En plus du plomb, on exploite aujourd’hui du zinc dans ce gisement ; S. Gsell 1928,
p. 13 ; L. Berthon 1922,
p. 81.
77
L. Berthon 1922, p. 81.
78
Bosredon 1876-1877, p. 413; Renaud 1877, p. 21-22; L. Hilaire 1897, p. 84 ; L.
Berthon 1922, p. 92. En ce qui concerne cette mine il faut noter qu’il s’agit d’une
exploitation de plomb et non de fer comme l’a signalé Hilaire.
79
L. Berthon 1922, p. 92.
80
L. Hilaire 1897, p. 84.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


62 Amel TEKKI

Conclusion
La richesse minière de la Tunisie antique est certainement plus
importante que celle citée dans le présent inventaire. Ce dernier
regroupe seulement les mines qui ont révélé des traces d’exploitations
anciennes. Leur nombre est relativement important. Les anciennes
exploitations de plomb et de fer ne sont pas négligeables. Le plomb
semble être largement exploité pendant l’antiquité bien que la carte
géologique montre beaucoup plus de gisements que ceux anciennement
exploitées. Autrement dit, le nombre de gisements de plomb
actuellement connus et exploités est beaucoup plus important que celui
de l’Antiquité.
Carte des anciennes mines de Tunisie Pl. I

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines et carrières en Tunisie antique 63

Bibliographie

Aissaoui-Adjali et al. 1988 : S. Aissaoui-Adjali, H. Mahjoubi, S. Tlig, Origine


épigénétique commune de la minéralisation en fer (sédérite) de deux types
de gisements associés : stratiforme et karstique. Le cas du Jebel Jérissa
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5, p. 357-360.
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Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


64 Amel TEKKI

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comparée de la province romaine d’Afrique, t. I, Paris, 1884.
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Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


THÈME II
Études monographiques

Samira Sehili : Hr El Goussa : Mine antique de Jebel Lajred, Sud de


Thala, Tunisie
Moheddine Chaoualli : Comprendre les carrières de marbre
numidique de Simitthus
Mourad Araar : Nouveaux éclairages sur la mine d’Al-‘Urbus
Walid Ammouri et Rached hamdi : A propos des carrières antiques
de J. Fkirine
Partie en langue arabe
Ahmed El Bahi : Le sel et les carrières de sel en Ifriqyia à l’époque
médiévale

‫ مقاربة اولية‬: ‫ الملح ومقاطع الملح بإفريقية في العصر الوسيط‬: ‫أحمد الباهي‬
Zaïneb Mejri : les mines des combustibles en Tunisie à l’époque
coloniale

‫ مناجم المحروقات في تونس زمن االستعمار الفرنسي‬: ‫زينب الماجري‬


Zaineb Mejri : Les explorations pétrolifères en Tunisie à l’époque
coloniale.

‫ البحوث البترولية في تونس زمن االستعمار الفرنسي‬: ‫زينب الماجري‬


HR EL GOUSSA
MINE ANTIQUE DE JEBEL LAJRED, SUD DE THALA,
TUNISIE

Samira SEHILI
Professeure Faculté de Lettres, arts et humanités de la
Manouba
Chercheur Institut National du Patrimoine
Université de La Manouba

Résumé :
L’Afrique dans l’Antiquité n’était pas considérée comme une province minière,
connue par sa richesse agricole et artisanale, le secteur de l’extraction des minerais
était très secondaire, pourtant quelques gisements étaient bien exploités comme
l’attestent les sources littéraires et archéologiques. Le cas de Hr El Goussa situé à
J.Lajred en Tunisie centrale est un site minier exploité dans l’Antiquité pour la
production du cuivre et du plomb. Son exploitation pour les minerais du zinc et du
plomb a repris à l’époque coloniale. Ce site renferme les traces de toutes les étapes de
l’exploitation minière, de l’extraction à la transformation du minerai en métal prêt à
l’utilisation. La datation de cette activité dans ce site s’inscrit dans une fourchette qui
s’étend de la fin du IIIe s au VIes ce qui pose le problème de la conjoncture
économique à l’échelle de l’Empire romain. Cette communication propose d’étudier
le cas de ce site et de l’inscrire dans son contexte politico-économique.
Mots-clés : Jebel Lajred, Hr El Goussa, Thala, mines antiques

Présentation géographique
Situé dans la région du centre Ouest tunisien, au nord de la plaine de
Foussana, le massif de Lajered fait partie de la Dorsale tunisienne et fait
corps avec Jebel Bireno. Il culmine à 1385m. (fig 1)
68 Samira SEHILI

Fig1 Localisation de Henchir El Goussa

Le Jebel Lajred est un demi-dôme aptien de l’ère secondaire, crétacé,


(125millions d’années) traversé par une faille NW-SE. L’Aptien est
composé de formations marno-calcaires où sont agglomérés des amas
minéralisés sous des formes composites : principalement de la galène
qui donne des sulfures de plomb avec des traces de zinc, de cuivre et
d’argent.
Présentation historique
Le Jbel abrite une mine exploitée à l’époque coloniale en tant que
mine de plomb. Aucune mention dans la documentation disponible
n’indique la présence d’une exploitation minière à l’époque antique. En
revanche la présence d’un site archéologique assez important a attiré
notre attention en tant que site agricole.
En effet le site de Hr El Goussa, est décrit par les Brigades
Topographiques comme étant un site assez important probablement un
centre domanial 1; (fig., 2).

1
Brigades topographiques, Archives de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres,
feuille topographique au 1/50000 de J. Birino, n°75, Institut de France, Paris

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 69

Fig.,2 ; Relevé des Brigades topographiques, feuille J. Birino


1/50000, archives de l’Académie des Inscriptions et Belles
Lettres, Institut de France
En menant l’enquête de terrain, nous avons pu y reconnaître des
vestiges qui évoquent la présence d’un site minier qui ne figure
toutefois sur aucune liste ou étude sur les mines antiques, à l’exception
d’une mention par le géologue Sainfeld2, le signalant rapidement en
1947 dans son ouvrage sur les mines, publié en 1952. Le site a été repris
en 2003 par le géologue M Layeb et une équipe de l’Office National
des Mines dans une étude sur les mines antiques en Tunisie3.

2
P. Sainfeld, 1952, P.77.
3
M. El Ayeb et alii, 2003, 41-54.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


70 Samira SEHILI

Les sites miniers en Afrique ne sont pas de l’importance de ceux des


autres provinces romaines notamment l’Espagne4. L’Afrique n’était pas
célèbre par ses gisements miniers qui se caractérisent par leur
éparpillement, leur faible teneur et surtout les difficultés d’y accéder et
d’exploiter les affleurements minéralisés. La pauvreté de la
documentation littéraire et épigraphique corrobore la faiblesse des
mines de l’Afrique.
La reconnaissance archéologique
L’enquête archéologique que nous avons menée aux environs du massif
de Lajred en 2017 a permis de reconnaître des vestiges d’une mine
antique au voisinage de laquelle une mine coloniale s’est implantée
avec une exploitation s’étendant sur les deux versants opposés du
massif (fig. 3).

04
Cl. Domergue, 1990.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 71

Figure 3 La mine coloniale

La mine antique s’est installée sous forme d’une exploitation à ciel


ouvert sur le versant sud et ouest. Quant à celle de l’époque coloniale,
l’exploitation s’est faite par le biais de galeries s’enfonçant dans les
profondeurs du flanc est de Jbel Lajred.
Les rapports de la période coloniale indiquent que le gîte de lajred
est d’une qualité médiocre et même pauvre en comparaison avec
d’autres gisements, en particulier ceux du Nord-Ouest.et de l’ensemble
géologique des dômes de la Dorsale Les estimations sont en deçà des
espérances : La teneur en cuivre est proche de 0.4 %, probablement à
cause de l’exploitation antique qui a épuisé nombreux filons, celle du
plomb est à peine supérieure à 5%, de même pour le zinc. Sainfeld
précise que la teneur globale en calamine n’est que de 33%, ce qui en
fait un site à pauvre minéralisation5.
La concession de la mine de J. Lajred, mentionnée dans les rapports
sous la dénomination de « Azered », a été accordée à la compagnie
royale asturienne des mines de Bruxelles en 1901 pour l’exploitation
des minerais du zinc et du plomb. La superficie concédée était de
1600ha.
Sainfeld précise qu’en 1948, la compagnie a commencé le traitement
des haldes qui datent de l’exploitation antique de Hr el Goussa, ce qui
a permis de produire 170 tonnes de minerai marchand à 60% de plomb.

5
P. Sainfeld, 1952, p.210

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


72 Samira SEHILI

Ceci suppose que le minerai recherché dans l’Antiquité était autre chose
que le plomb.
Dans sa description, Sainfeld signale la présence d’un four de 2m de
diamètre et une laverie que le géologue a qualifiée de « très curieuse »6.
En menant notre enquête archéologique nous avons pu reconnaitre
les éléments suivants :( Fig 4)

Fig.,4
- Le centre agricole :
Un quartier nord : composé d’un arc caractéristique qui n’est pas
sans rappeler celui de plusieurs sites ruraux dont le plus remarquable
est celui du saltus Massipianus7. L’arc, est à moitié effondré et ne
comporte pas d’inscription comme c’est le cas pour le Massipianus. Il
faisait probablement fonction d’une porte d’accès à un édifice qui reste
à identifier et dont la structure monumentale construite en opus
quadratum, encore partiellement debout, en faisait partie (Fig.5).

6
Ibid, 1952, p.209
7
S. Ben Baaziz, 2005, feuille de Thala 067, site n° 073, ensuite fut repris par L.
Naddari , 2007, V.1, p.219-220

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 73

Fig., 5 ; Les vestiges de Hr el Goussa, l’arc et le bâtiment agricole

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


74 Samira SEHILI

Il s’agirait d’un bâtiment agricole en rapport avec une activité


probablement oléicole comme l’indiquent les nombreux objets lithiques
éparpillés dans les environs : plusieurs contrepoids et fragments de
jumelles, seuils et montants de porte, pierre d’ancrage avec une
mortaise en queue d’aronde ; Ces vestiges, d’une importance
appréciable, indiquent la présence d’une occupation humaine assez
dense dans un centre qui pourrait correspondre à une ferme antique ou
à un centre domanial et dont l’activité était essentiellement agricole à
dominante oléicole (fig.6).

Fig.6 ; Les objets lithiques oléicoles de Hr


El Goussa

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 75

Le site minier : Au sud-ouest du centre agricole, se situe le site minier


qui s’étend de part et d’autre du cours d’eau. Il est composé de deux
parties, la première s’étend sur 17,5 ha et se situe à l’ouest du site. Elle
est riche en pierrailles rougeâtres, beaucoup de céramique commune et
sigillée africaine, des pierres marneuses, et du vrac tout venant. Ce
matériel indique la présence d’une activité d’extraction d’un minerai, et
confirme ainsi la présence d’une mine antique à ciel ouvert
probablement exploitée à l’époque romaine (voir la datation de la
céramique). Dans cette zone on n’a pas relevé de galeries ni de puits.
La grande étendue couverte de pierrailles charriées résidus de
l’opération d’extraction indique que l’exploitation était à ciel ouvert
(probablement par grattage des filons en affleurement). Ce quartier
correspond à la zone d’extraction,(Fig.7).

Fig.7 Localisation des quartiers d’extraction et de transformation

Au Sud se situe la deuxième partie du site qui couvre une superficie


assez appréciable de 20,5ha, et qui correspond au quartier de
transformation (Fig.8-9).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


76 Samira SEHILI

Fig.8, zone d’extraction : 17,5ha Fig.9, zone de traitement : 20,5 ha

Cette zone est très riche en informations et nous avons pu y


reconnaitre un quartier de transformation métallurgique qui se compose
d’un four déjà signalé par Sainfeld et d’au moins un fourneau, le tout
en très mauvais état de conservation.
À proximité du four, se trouve une pierre parallélépipédique de 80
cm de largeur et épaisse d’une trentaine de cm. La longueur est difficile
à préciser puisqu’elle est partiellement enfouie. Elle présente la
particularité d’être de forme concave au centre, ce qui suppose une
usure suite à un martellement et utilisation de longue durée. Elle est
enfoncée dans les haldes antiques du site, signalées par Sainfeld et qui
renferment selon ce prospecteur du plomb en quantité suffisante pour
justifier leur exploitation à l’époque coloniale (Fig. 10-11).
Cette plateforme pourrait correspondre à un support ayant servi pour
le concassage des pierres renfermant le minerai natif avant cuisson,
pour réduire leur taille et en dégager les impuretés

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 77

Fig.11, Plateforme de concassage, détail

Fig.10, Plateforme de concassage

D’ailleurs cette première étape de transformation du minerai en


métal est corroborée par la présence sur le chantier de traitement de
deux amas. Le premier est peu minéralisé, selon une étude du géologue
H Layeb8. La teneur avancée est de 5.12% de plomb et 0.41% de cuivre
en moyenne. Le deuxième est formé de stérile (Fig.12).

Fig.12, Minerais natifs


Ceci montre que l’opération de tri se faisait manuellement et sur
place et que les minerais exploités étaient multiples (cuivre et plomb).
Le four : En très mauvais état de conservation, le four est caractérisé
par sa forme cylindrique, et par la partie enterrée. Son diamètre atteint
plus de 3 m9. Ce four est comblé par une terre mélangée à une grande
concentration de cendre noirâtre. Ses parois sont enduites d’un mortier

8
M. Layeb, 2003, p.49.
9
P. Sainfeld, 1952, donne 2m comme diamètre, p.209.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


78 Samira SEHILI

à base de céramique concassée qui forme un enduit rougeâtre semblable


à celui des structures hydrauliques. La paroi est épaisse de 50cm
environ (Fig.13-14).
Fig.14, Four, cendre, céramique et
revêtement rougeâtre

Fig.13 Four métallurgique


H. El Goussa
Ce revêtement était nécessaire pour préserver la chaleur à l’intérieur
du four. Une grande concentration de cendre est relevée au cœur du
four. Elle est d’origine végétale mêlée à des débris carbonisés qui
supposent l’utilisation de bois probablement celui du pin d’Alep qui
fournit le meilleur combustible avec un pouvoir calorifique important.
Ce bois se trouve en abondance dans ces régions montagneuses et
forestières. Il s’agit là d’un four rudimentaire très proche de la
«Tabouna» et désignerait probablement le lieu de la fonderie
métallurgique.
Une grande densité de terre couleur noirâtre : formée de la cendre
mélangée aux carbones et aux carbonates et mêlée à des débris
carbonisés et une grande quantité de céramique de divers types et des
glands de métal (Fig. 15-16).

Fig.15, Minerai à l’état natif près du four Fig.16, Échantillon de mattes près du four

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 79

Il est à relever que l’opération de fonte laisse nécessairement des


débris de céramique ayant servi comme creusets, moules cruches et
autres ustensiles, ce qui expliquerait la grande densité des tessons de
céramique noirâtre dans cette partie du site.
L’existence de fonderies indique que la transformation des minerais
en métaux se faisait sur place et que le produit écoulé était le métal pur
prêt à être transformé, plusieurs travaux étaient effectués sur un site
minier comme l’indique la table de bronze d'Aljuslrel10.
Contrairement à la mine coloniale de J. Lajred, qui était exploitée
pour l’extraction du minerai de zinc et du plomb11, celle de l’époque
antique servait essentiellement à l’extraction du minerai du cuivre.
Dans sa description de la mine, le géologue Sainfeld précisait que les
colons français ont traité les haldes romaines et en ont extrait du plomb,
ce qui signifie que ce minerai, d’ailleurs plus difficile à extraire, était
exploité pour un autre métal. L’examen chimique des minerais
sélectionnés sur place confirme l’exploitation du cuivre, la teneur en
minerai dans les amas in situ, est de 5,12% de plomb et 0,41% de
cuivre12.

Fig.17 La zone d’extraction

Fig. 18, Minerai précuit zone du


fourneau, avant concassage

10
R. Cagnat,1906, p. 328-331
11
De Farges, 1897, p.40 ; Laur, 1905, p. 3
12
M. Layeb et alii, p. 49

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


80 Samira SEHILI

- Le fourneau : nécessaire pour la cuisson des pierres riches en


minerais, reconnaissable grâce à sa forme et à la grande concentration
de terres et de pierres rougeâtres, il est de forme cylindrique. Un trou y
est aménagé afin de recevoir le « tout venant » composé de roches
minéralisées et de combustibles. La couleur rougeâtre qui domine est la
conséquence de la présence des oxydes, libérés lors de la cuisson.
L’opération consiste à brûler le « tout venant » à une température élevée
pour décomposer la roche minéralisée, libérer le métal.et le séparer des
résidus. Une fois le métal libéré, il subit une phase de refroidissement
suivi par l’opération de martelage. Près du fourneau on a relevé la
présence d’amas de minerais.
L’examen de ces résidus ainsi que du four a permis de reconnaitre
deux minerais exploités : le cuivre et le plomb. À l’intérieur du four
plusieurs niveaux de cendre indiquent que plusieurs étapes de chauffe
étaient effectuées. À l’intérieur desquels on a pu relever des résidus de
cuivre et de plomb. Il faut signaler que la fonte du cuivre nécessite des
températures très élevées dépassant 1400°C alors que le plomb, malgré
les difficultés de manipulation, fond à une température plus réduite
estimée à 900°C (Fig.18). C’est ce qui explique la présence du plomb
dans les haldes issues de l’exploitation antique. Au-delà de 900°, le
minerai de plomb devient volatile et échappe à la minéralisation,
l’exploitant antique cherchait un pouvoir calorifique très élevé
favorisant l’extraction du cuivre et sacrifiant le plomb.
Le problème de la datation : Si les études des carrières antiques ont
beaucoup progressé ces dernières années, il n’en est pas de même pour
celles qui concernent les mines. Les enquêtes archéologiques sont
encore très timides et se limitent dans la totalité des cas à des enquêtes
de prospection ou bien des enquêtes d’inventorisation comme c’est le
cas de la carte archéologique ou bien thématiques afin d’étudier en
particulier l’occupation du sol, et par conséquent les propositions de
datation sont quasi absentes. Les rapports des géologues du début du
XXes soutenus par les témoignages littéraires et épigraphiques anciens,
ont permis de présenter des essais de cartes des principales exploitations
antiques des minerais, elles mettent en relief la région de la Tunisie
septentrionale et quelques gites du Nord-Est. Ces essais d’identification
même les plus probables, souffrent d’une carence majeure, celle de la
datation. Souvent il est indiqué mine antique, ou romaine dans les

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 81

meilleurs des cas13. En l’absence de l’étude du matériel céramologique


in situ, le problème de la datation reste posé.
Quant à la mine de Hr Goussa l’étude de la céramique de surface
indique une fourchette chronologique de l’occupation du site qui s’étale
du IIes ap.J.-C, au VIIe s ap.J.-C.

Etude chronologique du matériel récolté le 20/10/2016


N° Classe Forme Type Datation
Sigillée Claire J.W.Hayes, 1927. Forme
001 Bord de Plat 500/580
Africaine D 104 A
Sigillée Claire J.W.Hayes, 1927. Forme
002 Bord de Plat 550/625
Africaine D 104 C
Sigillée Claire J.W.Hayes, 1927. Forme 61 325-
003 Bord de Plat
Africaine D A 400/420
Sigillée Claire J.W.Hayes, 1927. Forme 61 325-
004 Bord de Plat
Africaine D A 400/420
Sigillée Claire J.W.Hayes, 1927. Forme 61 325-
005 Bord de Plat
Africaine D A 400/420
Sigillée Claire J.W.Hayes, 1927. Forme 61 325-
006 Bord de Plat
Africaine D A 400/420
Sigillée Claire
007 Bord de Plat J.W.Hayes, 1927. Forme 68 370/425
Africaine D
Sigillée Claire
008 Bord de Plat J.W.Hayes, 1927. Forme 68 370/425
Africaine D
Sigillée Claire
009 Bord de Plat J.W.Hayes, 1927. Forme 62 350/425
Africaine D
Sigillée Claire
010 Bord de Plat J.W.Hayes, 1927. Forme 62 350/425
Africaine D
Paroi guillochée des deux
Sigillée Claire J.W.Hayes, 1927. Forme 82
011 faces appartenant à un 430/575
Africaine D A
plat
Sigillée Claire Pied annulaire bas J.W.Hayes, 1927. Forme 72
012 400/420
Africaine D appartenant à un bol. A
Bonifay, 2004. Fig
Commune
013 Bol à Listel 138.Commune Type 12. B. 550/600
africaine
4
Bonifay, 2004. Fig 138.
Commune
014 Bol à Listel Commune Type 12. Fig 525/550
africaine
138A. 2
Céramique Bonifay, 2004. . Fig 125.
015 Fond de marmite 200/250
culinaire Culinaire Type 25.4
Céramique Bonifay, 2004. . Fig 124.
016 Bord de marmite 100/200
culinaire Culinaire Type 20. 1

13
P. Sainfeld, 1952 ; Layeb carte des principales mines de plomb, de fer et de cuivre
de la Tunisie antique p. 43 ; S. Gsell, 1928, n’a pas réussi à identifier la mine nommée
« le metallum Siguense » qui figure dans la correspondance de saint Cyprien et dont
l’exploitation était attestée au IIIe s ap.J ;-C.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


82 Samira SEHILI

Une grande concentration de la céramique datant des IV et Ve siècles


ap.J.-C se dégage de l’étude de la céramique sélectionnée sur place et
présentée dans le tableau ci-dessous. Une baisse de cette concentration
commence à se faire sentir au VIe s et se poursuit au VIIe s qui marque
l’arrêt de l’occupation du site. Des résidus remontent à la fin du IIe et
IIIe siècles ap.J.-C.
Cette datation correspond parfaitement à l’occupation et à l’essor de
cette région de la Tunisie dans l’Antiquité due à la production de l’huile
d’olive comme l’ont montré les nombreux travaux effectués ces
dernières années sur les Hautes Steppes14. D’ailleurs, le site de Hr El
Goussa était un centre de production d’huile d’olive comme le montrent
les vestiges d’huileries et appartient à cette région qui était spécialisée
dans l’oléiculture à haute production et qui renferme les plus grandes
manufactures d’huiles dans l’Antiquité et dont l’huile était destinée à
l’exportation.
Étant donnée la double fonction du site de Hr El Goussa en tant
qu’exploitation minière et en tant que centre agricole oléicole, deux
questions méritent d’être soulevées : d’abord le problème du transport
des produits en l’occurrence miniers, ensuite la nature du statut
juridique de ce site.
Il serait envisageable de reprendre ce schéma pour l’Antiquité et de
supposer que c’est vers la cité de Theveste que les produits étaient
acheminés surtout que cette grande civitas camp de la IIIe Légion
Auguste, était un centre de gestion des biens impériaux. Theveste était
le centre d’un grand tractus qui gérait probablement toute la région du
centre ouest tunisien15, elle se situe à quelques 60km de Hr El Goussa
et les routes qui la desservent sont nombreuses et bien entretenues. Une
récente étude d’archéologie et d’épigraphie de L. Naddari16 sur La voie
ex castris hibernis-Tacapes, Le tronçon Ammaedara-Thelepte, a
montré que plusieurs bornes milliaires ont été érigées au bord de la
route qui se dirige d’Ammaedara, (Haidra) vers Khanguet el Slougui et
qui longe le massif de Lajred du côté ouest. Elles datent pour la plupart
du règne de Caracalla. Le tronçon qui dessert la région de notre étude a

14
S. Sehili 2009.
15
M. Christol,2006, p. 219-246, surtoutt 223 et sv.
16
L. Naddari, 2014, p. 6-12

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 83

été restauré et entretenu à plusieurs reprises comme l’attestent au moins


quatre bornes datant du début du IIIe siècle ap.J.-C et jalonnant les onze
milles vers les grands centres urbains. Ces bornes ont été retrouvées sur
une piste qui traverse une épaisse forêt de pin d’Alep, plusieurs
tronçons de cette route sont encore visibles sur le terrain en particulier
au niveau de deux ravins très proches de la mine de Lajred (environ une
centaine de m) et où fut retrouvée le 9e milliaire datant du règne de
Caracalla. Ce souci constant d’entretenir les voies de cette région,
dénote d’un immense intérêt porté à sa desserte, qui s’explique en
grande partie, par son importance économique et le transfert des
produits agricoles et miniers.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


84 Samira SEHILI

Fig. 19, les bornes de restauration du réseau routier dans le tronçon


Ammaedara_Thelepte, d’après Naddari, 2014, p. 5

Le statut juridique : Quant au statut juridique de ce site qui s’étend


sur plus de 40 ha, et étant donné son caractère minier, il devrait
correspondre à un centre d’un domaine appartenant à l’empereur, Il

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 85

assurait un double rôle, celui d’un centre de gestion de l’exploitation


agricole et celui de l’exploitation de la mine de cuivre et de plomb La
question de la main d’œuvre et de l’organisation du travail ne peut être
abordée dans cette étude faute de documentation conséquente ;
néanmoins, dans une publication datant de 1990, Andreau a soulevé
plusieurs questions relevant de l’exploitation des gisements miniers et
de la nature de la main d’œuvre employée17.
Venons maintenant à la dernière question que pose l’exploitation
d’une mine de cuivre à partir du IIIe siècle dans la province de la
Byzacène ?
La conjoncture et le contexte : La mine de Lajred est de petite
envergure, à teneur réduite en cuivre et en plomb. C’est aussi le cas pour
cette mine durant la période coloniale et pour le minerai de zinc et de
plomb. Son exploitation et sa gestion nécessitaient de gros
investissements et des frais considérables d’établissement qui ne
pouvaient pas être justifiés sans un rendement appréciable. Comment
donc expliquer cette aventure minière dans cette région à l’époque
romaine ?

Sesterce 193-218 218-238 238-249 249-260


Poids moyen 24,69 gr 21,46 gr 20,00 gr 18,00 gr
L’exploitation de ce gisement est à mettre en rapport avec le contexte
de crise financière de l’Etat romain et du besoin pressant en métaux en
particulier ceux qui servaient à la frappe de la monnaie. Le déclin des
mines d’Espagne qui étaient les grandes pourvoyeuses en métaux de
toutes sortes a compliqué la situation et a mis l’État romain dans le
besoin. Dans son étude sur les mines de la Péninsule Ibérique,
Domergue18 a bien démontré l’effondrement de l’activité minière dans
cette province, la mieux dotée de l’empire. Le nombre des mines
exploitées était passé de 173 sous le Haut Empire à, à peine 21
exploitations au III et au IVes ap.J.-C. Cette restriction dans le nombre
des exploitations était accompagnée de l’éparpillement des gisements
ce qui limitait les profits qui en étaient tirés. Cette situation s’est
répercutée sur le commerce qui a connu une chute considérable à partir

17
J. Andreau, 1990, p.85-108.
18
C. Domergue, 1990, p. 219-221

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


86 Samira SEHILI

du IIIe siècle ap.J.-C. Le niveau des exportations s’est limité à ses plus
bas niveaux, voire même il s’est complètement effondré, et la
production était consommée sur place. Cette crise de la production des
minerais d’Espagne a porté un coup rude aux besoins de l’État romain
qui était presque totalement dépendant de cette province dans un
contexte marqué par une grave crise financière. Le seul recours qu’avait
l’État, était de se rabattre sur les autres provinces et d’exploiter les
gisements quel que soit leur teneur en minerais et leurs rendements.
Les métaux étaient nécessaires pour la frappe de la monnaie,
particulièrement le cuivre qui servait à équilibrer une monnaie de faible
aloi19.
L’exploitation de la mine de Lajred s’inscrit dans ce contexte. Elle a
joué le rôle d’une mine d’appoint pour la production du cuivre et dans
une moindre mesure du plomb. La datation établie à partir de la
céramique de surface confirme la correspondance entre la crise qui s’est
déclarée au IIIe et l’exploitation du gisement minier qui arrive à son
optimum au IVes siècle ap.J.-C. Cette dynamique minière en rapport
avec l’extraction du cuivre, s’est développée tardivement dans cette
région et a accompagné une activité déjà florissante celle de
l’oléiculture. L’entretien continu et permanent du réseau routier est la
preuve d’une utilisation fréquente voire même vitale. De futures
enquêtes archéologiques permettraient sans doute d’étoffer le dossier
des mines antiques en Tunisie, d’affiner la chronologie et d’éclairer le
rôle de cette province dans la résolution des crises de l’État romain.

19
En effet suite à la réforme d’Aurélien en 274, l’Antoninien, qui est une monnaie en
cuivre recouvert d’argent fut crée, son poids est de 3, 90gr avec indication XXI 1
partie argent (4,8% et 20 parts de cuivre), avec l’empereur Dioclétien, 1aureus= 25
argentei=100 nummi ou sesterces. Avec allègement pondéral, cf D. Hollard, 1995. p.
1053 ; A. Alföldi, 1938.p. 5-18.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Hr - El - Goussa, mine antique de Jebel Lajred, au Sud de Thala. Tunisie 87

Bibliographie
G. Alföldi, 1938, « La grande crise du monde romain au IIIe siècle »,
L'antiquité classique, Tome 7, fasc. 1, P. 5-18 ;
J.Andreau, 1990, « Recherches récentes sur les mines romaines », Revue
numismatique, 6e série - Tome 32, année, p.85-108.
S. Ben Baaziz, 2005, Carte Nationale des Sites Archéologiques et des
Monuments Historiques, Thala 067, Tunis.
R. Cagnat, 1906, « Table de bronze portant une inscription latine découverte
dans la mine de cuivre d'Aljustrel (Portugal) », Comptes rendus des
séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 50ᵉ année, N. 5,
p. 328-331.
M.Christol, 2006, « L’administration et la gestion des ressources de la
province d’Afrique à la transition du Haut Empire et du Bas Empire »,
cahiers du centre Gustave Glotz, XVII, p. 219-246.
E. de Fages, « l’industrie minière en Tunisie (1892-1937) extrait de la revue
générale des sciences, l’écho des mines et de la métallurgie, 17 janvier
1897 », Mise en ligne : 9 oct 2015, WWW. Entreprises-coloniales.fr.
Domergue, 1990, les mines de la Péninsule Ibérique dans l’Antiquité romaine,
Ecole Française de Rome, n°127.
S. Gsell, 1928, « Vieilles exploitations minières dans l’Afrique du Nord »,
Hesperis, T.VIII,
D. Hollard, 1995, « La crise de la monnaie dans l'Empire romain au IIIe siècle
après J.-C. Synthèse des recherches et résultats nouveaux », Annales.
Histoire, Sciences Sociales. 50ᵉ année, N. 5,. p. 1045-1078.
F. Laur, 1905, « Les mines en Tunisie, l’écho des mines et de la métallurgie,
9 janvier 1905 ». Mise en ligne, 10 oct 2015, WWW. Entreprises-
coloniales.fr.
M. Layeb, A.Mansouri, N. Shimi-Slim, A. Ben Said, N. Megdiche et W.
Khalfalli, 2003, « les mines métalliques de la Tunisie antique : caractères
des exploitations et des traitements des minerais », Annales des Mines et
de la Géologie n°41, actes du 2e colloque National du Patrimoine
Géologique, Tunis du 24-27 avril.
L. Naddari, 2007, la Haute et Moyenne vallée de l’Oued Sarrat dans
l’Antiquité, Tunis, V 1.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


88 Samira SEHILI

L. Naddari, 2014, « La voie ex castris hibernis-Tacapes. Le tronçon


Ammaedara-Thelepte, étude d’archéologie et d’épigraphie », Centres de
pouvoir et organisation de l’espace, actes du Xe colloque international sur
l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord préhistorique, antique et
médiévale, Caen , 25-28 mai 2009,Caen, p. 3-30-220
P.Sainfeld, 1952, les gîtes plombo-zincifères de Tunisie, Ann. Min. et Géol.,
S. Sehili, 2009, Huileries antiques de Jebel Semmama, Kasserine, Tunisie,
Tunis.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


COMPRENDRE LES CARRIERES DE MARBRE
NUMIDIQUE DE SIMITTHUS

Moheddine CHAOUALI
Chargé de recherches archéologiques et historiques
Institut National du Patrimoine Tunis

Résumé
Les travaux de terrain effectués ces dernières années dans le site archéologique de
Simitthus (Chimtou) apportent de nouveaux documents et permettent de mieux
connaitre les carrières de marbre numidique. Le progrès des connaissances et le
croisement des données littéraires, archéologiques et épigraphiques permettent de
retracer l’histoire de ce prestigieux marbre. De surcroît, la bonne qualité du marbre et
l’organisation administrative (civile et militaire) rigoureuse dans les diverses officinae
ont favorisé le succès
méditerranéen de ce produit
africain.
Le travail ici présenté
ambitionne non pas de
faire une étude globale sur
le marbre de Simitthus
parce que ceci dépasse
largement le cadre de cette
rencontre mais plutôt
d’esquisser certains
aspects de son histoire, les
principaux apports de son
épigraphie dans le cadre
d’un renouveau des
recherches sur le succès
méditerranéen de ce
matériau. Je m’intéresse
plus bas aux axes suivants :
le marbre numidique dans
les sources littéraires, l’importance de la documentation épigraphique
pour une bonne compréhension des carrières de marbre, les diverses
90 Moheddine CHAOUALI

officinae, le personnel civil et militaire des carrières et leur évolution


historique. Mais, avant tout cela, Je commence par un aperçu historique.
La ville de Simitthus (l’actuel Chimtou) qui était presque ignorée par
les auteurs anciens était mieux connue essentiellement pour son
précieux marbre (Fig. 2). Grace aux travaux archéologiques menés par
des équipes tuniso-allemandes, nous connaissons mieux le passé
numide de la ville1. Un oppidum ciuium Romanorum y était établi si
l’on croyait le témoignage de Pline l’Ancien2 et des vétérans y furent
installés par Auguste dès 27 av. J.-C. C’est à cette date très exactement
que la ville était déduite colonie sous le nom officiel de Colonia Iulia
Augusta Numidica Simitthus3. En 411 lors de la conférence de
Carthage4, un évêque catholique qui s’appelle Benanatus est attesté5.
Grâce aux nouvelles découvertes faites dans les carrières de marbre,
nous connaissons mieux les temples de la « colline sacrée », le camp
prison, et les techniques d’extraction dans les carrières.
Le marbre extrait des carrières voisines de Simitthus était relaté par
beaucoup d’auteurs gréco-latins. Nous savons déjà qu’il représentait
l’un des matériaux de luxe les plus prisés pour la décoration des
monuments publics et des demeures patriciennes à Rome à cause de son
coloris d’une grande richesse qui varie du blanc crémeux au jaune
orange uniforme et rose pâle avec de nombreuses graduations de
brèche. Cette variété fut utilisée très tôt dans les pauimenta poenica à
l’époque de Caton, c’est-à-dire, vers le milieu du IIe siècle av. J.-C6,
puis il fut introduit à Rome dès le début du Ier siècle avant J.-C. et ce
malgré la réprobation des moralistes qui considérèrent son usage
comme un honteux étalage de luxe comme le rapporte Pline l'Ancien en
relatant que M. Emelius Lepidus (consul en 78 av. J.-C.) employa ce
marbre pour faire faire le seuil de sa demeure7. Quelques décennies plus

1
A.A.T., f. XXXIII, 70.
2
N. H., V, 29.
3
Une inscription datant probablement de l’époque sévérienne mentionne la ville
comme étant une Colonia Iulia Augusta Numidica. Voir : CIL, VIII, 1261 = 10594 =
14612.
4
Lancel 1991, p. 1464.
5
Benanatus, episcopus plebis Simittensis.
6
Fest.-Paul., 348 P.-L.
7
Pline, His, Nat, XXXVI, VIII.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Comprendre les carrières de marbre numidique de Simitthus 91

tard, d’après un témoignage de Suétone, le marbre numidique fut utilisé


pour ériger une colonne monolithe sur le forum de Rome en l’honneur
de César après son assassinat le 15 mars 44 av. J.-C.8. Le terme solidam
colamnam dont se sert l’auteur prouve que cette variété de marbre était
à cette époque très rare. Pline l’Ancien donna encore d’autres
témoignages de ce marbre puisqu’il nous renseigne que la Numidie ne
produisit rien de remarquable si ce n’est le marbre auquel elle avait
donné son nom et les bêtes féroces qu’elle exportait9. Le poète Stace,
en décrivant les bains de Claudius Etruscius, dit qu’on y voit briller que
le marbre pourpre et jaune, extrait des carrières de Numidie10. Solin le
qualifia d’eximum (exceptionnel)11 et Juvénal le cita dans ses œuvres
poétiques12. Prudentius l’appela l’or en roche13. Au temps de Sénèque,
c’était un luxe de le mélanger sous forme d’incrustations aux marbres
d’Alexandrie14. Pline l’Ancien15, rapporta encore que Murmurra, un
ami de Jules César, décora les murs de sa demeure de revêtements en
panneaux de marbre numidique. À l’époque de Néron, on commença à
le moucheter de taches ovales16. Au début du VIIe s. Isidore de Seville
précisa qu'il fut exporté de Numidie, et qu'il présenta des veines de la
couleur du safran17.Les sources littéraires nous apprennent de même
que ce marbre ne fut pas uniquement exporté en Méditerranée
occidentale mais aussi orientale. Pausanias relata que l’empereur
Hadrien (117-138 ap. J.-C) offrit à la ville d’Athènes 100 colonnes de
marbre numidique pour orner son gymnase18. Vers la fin du IIe s. ap. J.-
C, l'architecte Hippias construisit en Orient des thermes ornés de
marbre de Numidie19. Un poète grec du Bas-Empire romain, Paul
Silentiarius, faisant l’énumération des marbres employés à la

8
Suétone, Diu. Iul. LXXXV.
9
Pline, Hist. Nat. V, 22.
10
Stace, Sylves, I, v. 36.
11
Solin, XVIII, voir aussi Juvénal, Sat. VII, V. 182.
12
Juvénal, Sat. VII, V. 182.
13
Apud. Barth., h. 1.
14
Sénèque, Lettres à Lucilius, XI, 86, 6.
15
N.H, XXXVI, 48.
16
Hist. Nat., XXXV, I.
17
Isidore de Séville, Etym., XVI, v, 16.
18
Pausanias, I, 18, 9.
19
Lucien, Hippias ou le bain, 6.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


92 Moheddine CHAOUALI

décoration de l’église de Saint-Sophie, à Constantinople, dit que sa


couleur est d’or ou de safran20.
Cette variété de marbre très recherchée par les Anciens fut employée
aussi bien pour les éléments d’architecture : piliers, seuils, colonnes que
pour les panneaux, tesselles, etc. Ces données littéraires sur
l’importance du marbre numidique de Simitthus sont confirmées par les
inscriptions découvertes dans les carrières.
Après avoir ainsi précisé ce que les textes littéraires nous renseignent
sur le marbre numidique de Simitthus, il nous faut maintenant voir ce
que nous révèlent les inscriptions des carrières. Il est intéressant de
savoir qu’elles ont déjà attisé la curiosité des voyageurs, explorateurs et
archéologues qui ont sillonné le site depuis le XIXe siècle. En 1965,
avec la reprise des recherches par des équipes tuniso-allemandes, elles
ont fait l’objet de recherches scientifiques rapidement publiées dans
différentes revues. Jusqu’aux années 1990, les inscriptions des carrières
sont publiées par : CIL21, Bruzza, P.22, Delattre, P. et Héron de
Villefosse, M.23. Cagnat, R.24, Toutain, J.25, Kraus, Th.26, Khanoussi, M
27
ont été gravées sur les blocs des inscriptions riches en renseignements
comportant les noms de l’empereur régnant, propriétaire de la carrière,
les noms du ou des consuls en fonction (date consulaire indiquant
l’époque à laquelle le bloc a été extrait), le nom de la zone de la carrière,
le nom de l’administrateur responsable, le numéro d’extraction du bloc
qui indique le chiffre de la production annuelle pour telle partie de la
carrière.

20
In ecphrasi sanctae Sophiae templi.
21
CIL, VIII, 1451-1452, 14560-14600…
22
Bruzza 1870, p. 220-236.
23
Delattre et Héron de Villefosse 1881, p. 20 et suiv.
24
Cagnat 1887, p. 97-105.
25
Toutain 1893, p. 433-436, n’14-34 et 57.
26
Kraus 1993, p. 55-64.
27
Khanoussi 1991, p. 825-839 ; Khanoussi 1997, p. 375-377.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Comprendre les carrières de marbre numidique de Simitthus 93

Fig. 2 : les carrières de marbre numidique de Simitthus.

Les blocs extraits portent des numéros et des noms des diverses
officinae. En ce qui concerne la numérotation des blocs, elles
s’échelonnent entre le règne de Trajan et celui de Septime Sévère dont
voici des exemples :
Règne de Trajan : n° 613 : CIL, VIII, 14560 (année 107) (Fig. 6)28 ;
n° 102 : CIL, VIII, 25641 (année 107 ?) ; n° 102 : CIL, VIII,
14563 (année 110) ; n° 53 : CIL, VIII, 14561 (année 110) ; n° 99 : CIL,
VIII, 14562 (année 110) ; n° 510 : CIL, VIII, 25673 (année 110) ; n°
444 : CIL, VIII, 25639 (année 110 ?) ; n° 413 : CIL, VIII, 25693 (année
110 ?)
Règne d’Hadrien : n° 263 : CIL, VIII, 14586 (année 128) ; n° 123 :
CIL, VIII, 14569 (année : 117-138)
Règne d’Antonin le Pieux : n° 525 : CIL, VIII, 14571 (année 141) ;
n° 64 : CIL, VIII, 14577 (année 141) ; n° 751 : CIL, VIII, 25636 :

28
Le n° du bloc 1129 est le plus élevé jamais attesté sur une inscription des
carrières.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


94 Moheddine CHAOUALI

(années 139-140) ; n° 606 : CIL, VIII, 14578 (année 149) ; n° 343 : CIL,
VIII, 14579 : (année 150) ; n° 517 : CIL, VIII, 14581 (année 150) ; n°
139 : CIL, VIII, 14583 (année 151) ; n° 130 : CIL, VIII, 14586 (année
157) ; n° 60 : CIL, VIII, 14585 : (année 161) ; n° 18 : CIL, VIII,
14587 (année 167), n° 8 (texte inédit)
Règne de Commode : n° 305 : CIL, VIII, 14588 : (année 183)
Règne de Septime sévère : n° - - -]3 : CIL, VIII, 14589 (année 199) ;
n° 13 : Kraus 1993, p. 57 (année 199) ; n° 23 : Kraus 1993, p. 57 (année
201) …
Date indéterminée : n° 414 : Chaouali 2011, p. 305-309 : (IIe ou
début IIIe siècle)
Les noms des officinae datables elles aussi entre les règnes de Trajan
et celui de Septime Sévère figurent dans le tableau suivant :
Tableau 1 : les officinae des carrières de Simitthus :
N° Références (principalement CIL et
Nom de l’officina Date
AE)
1 Al[ ?] CIL, VIII, 14577. IIe siècle ap. J.-C.
2 Cael(estis) AE, 1994, 1861. IIe siècle ap. J.-C.
3 Noua Cael(estis) AE, 1994, 1874. Début du IIe siècle.
4 Telluris CIL, VIII, 14560 (Fig. 6). 107 ap. J.-C.
5 Certi CIL, VIII, 14563. 110 ap. J.-C.
CIL, VIII, 14571.
6 Cal[listi ?] CIL, VIII, 14565. 134 ap. J.-C.
7 Age[noris ?] CIL, VIII, 25693. 134 ap. J.-C.
8 Regia CIL, VIII, 14578. 149-151 ap. J.-C.
CIL, VIII, 14579. 149-151. ap. J.-C
CIL, VIII, 14583. 149-151 ap. J.-C.
9 Agrippae CIL, VIII, 14580. 150 ap. J.-C.
CIL, VIII, 14582. 150 ap. J.-C.
10 Iun[ioris ?] CIL, VIII, 14584. 157 ap. J.-C.
ILPBardo, 214.
11 noua Augustea CIL, VIII, 14587. 167 ap. J.-C.
12 Genii Montis CIL, VIII, 14588. 183 ap. J.-C.
13 Of(ficina) noua CIL, VIII, 14589. 199 ap. J.-C.
Aureli[iana] ILPBardo, 216. (L’atelier fut établi entre 161-
169 ap. J.-C.).
14 inuenta a Diotimo CIL, VIII, 14600. IVe siècle ap. J.-C.

Tirant profit de ce tableau, on peut dire que ces officinae portent


divers noms. Elles sont désignées : soit par le nom de

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Comprendre les carrières de marbre numidique de Simitthus 95

l’empereur comme l’Officina Aureliana (n° 13) ; soit par le nom d’une
divinité comme l’Officina Genii montis (n° 12), l’officina Caelestis (n°
2), l’officina Noua Caelestis (n° 3) et l’officina Telluris (n° 4) ; soit par
le nom d’un personnage, fonctionnaire de la carrière comme l’officina
Certi (n° 5) ; soit par le nom de celui qui avait découvert un filon ou
inauguré l’exploitation du chantier comme l’officina inuenta a Diotimo
(n° 14).
Les recherches les plus récentes font connaitre une hiérarchie
administrative bien structurée qui veille au bon déroulement des travaux
et l’exécution des directives dans ces officinae composée
essentiellement d’un personnel civil et d’un contingent militaire. De ce
point de vue, la documentation épigraphique est bien fournie.
Commençons par l’administration civile à la tête de laquelle se trouve
un directeur d'exploitation nommé procurator, souvent affranchi de
l'empereur. De cette catégorie, neuf sont déjà connus en voici la liste :
1. Alceta (CIL, VIII, 25692 ; AE, 1894, 82 ; 1913, 165 ; Kraus 1993, p.
59 ; AE, 1994, 1878 (Fig. 3)).

Fig. 3 : AE, 1994, 1878.


Amyrus (Kraus 1993, p. 60 ; AE, 1994, 1879 (Fig. 4)).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


96 Moheddine CHAOUALI

Fig. 4: AE, 1994, 1879.

2. Tertullus (Kraus 1993, p. 60 ; AE, 1994, 1881 ; Khanoussi 1998, p.


1011).
3. Pientius (Khanoussi 1994, p. 40-41 ; AE, 1994, 1885).
4. Athenodorus (CIL, VIII, 14589; Kraus 1993, p. 57; Khanoussi
1998, p. 1001).
5. Iulianus (Khanoussi 1998, p. 1007).
6. Maximus (CIL, VIII, 14588 ; Khanoussi 1998, p. 1008).
7. Primus (CIL, VIII, 15662 ; Khanoussi 1998, p. 1010).
8. Agatha (Khanoussi 1998, p. 999 ; Kraus 1993, p 58 ; AE, 1994,
1868 ; 1871 ; CIL, VIII, 14571 ; 14572 ; 14573 ; 14574 ; 14575 ;
14576 ; 14577 ; 25634 ; 25636).
Dans l’état actuel des connaissances un seul fonctionnaire ait pu
exercer la fonction de dispensator29. Il porte le nom Galata qui fut

29
Khannoussi 1988, p. 208-211 ; Khannoussi 1993, p. 69 ; Khanoussi 1998, p. 997-
1016 AE, 1991, 1681 = 1994, 1883

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Comprendre les carrières de marbre numidique de Simitthus 97

précisément : disp (ensator) m (armorum) n (umidicorum), donc


responsable de la caisse des carrières de marbre. Le poste fut selon toute
vraisemblance l’un des plus importants. Il devait occuper la deuxième
position dans la hiérarchie administrative juste après le procurator.
Figurent aussi divers employés des carrières avec le titre de leurs
fonctions. Voici les formules de ces titres :
1. Sub cura : ces fonctionnaires, toujours des affranchis de
l'empereur, étaient sans doute préposés à la surveillance
spéciale d'un chantier. Quatre sont connus :
- Agatha (CIL, VIII, 14571 ; 14572 ; 14573 ; 14574 ; 14575 ;
14576 ; 14577 ; 25634 ; 25636 ; Kraus 1993, p. 58 ; AE, 1994,
1868 ; 1871) dont nous retrouvons le nom parmi les
procurateurs
- Iulianus (Khanoussi 1998, p. 1007) dont nous retrouvons le nom
parmi les procurateurs.
- Iulius Gallus (CIL, VIII, 14566 ; Kraus 1993, p. 58 ; AE, 1994,
1866 ; Khanoussi 1998, p. 1006).
- Iphicrate (texte inédit).
2. Ex ratione : ces fonctionnaires étaient probablement des
employés chargés du service de la comptabilité. On a déjà
recensé 9 :
- Laetus (Khanoussi 1998, p. 1008 (année 64)).
- Felix (Khanoussi 1998, p. 1004-1005 (années 80-92)).
- Felix (CIL, VIII, 14560 (Fig. 6) ; Kraus 1993, p. 57 ; Khanoussi
1998, p. 1004-1005 (année 107) (Fig. 6)).
- Agentius (Kraus 1993, p. 56 ; CIL, VIII, 25639 ; AE, 1994,
1853 ; Khanoussi 1998, p. 1000 (année 110)).
- Callistus (CIL, VIII, 25640 ; Kraus 1993, p. 59 ; AE, 1994,
1877a ; 1852 ; Khanoussi 1998, p. 1002 (année 110)).
- Felix (Kraus 1993, p. 59 ; AE, 1994, 1874 ; Khanoussi 1998, p.
1004-1005 (année 111)) (Fig. 5).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


98 Moheddine CHAOUALI

- Plurianus (Kraus 1993, p. 57 ; AE, 1994, 1855 ; Khanoussi 1998,


p. 1009 (année 134)).
- Puteo (Kraus 1993, p. 57 ; AE, 1994, 1858 ; Khanoussi 1998, p.
1010 (année : ?)).
- Salutaris (Kraus 1993, p. 57 ; AE, 1994, 1859 ; Khanoussi 1998,
p. 1011 (année : ?)).
Certains rationales sont des esclaves comme Laetus et les deux
premiers Felix de la liste alors que d’autres sont des affranchis
impériaux comme Callistus, Felix, Plurianus et Puteo. Nous ne
connaissons pas le statut d’Agentius et de Salutarius à cause du mauvais
état de conservation des inscriptions qui lui sont relatifs30.

Fig.5: AE, 1994, 1874.

30
Khanoussi 1998, p. 1013.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Comprendre les carrières de marbre numidique de Simitthus 99

Fig. 6 : CIL, VIII, 14560


3. Caesura : ce mot précédait le nom de l'ingénieur, un
affranchi, qui surveillait la taille du marbre. Trois de ces
ingénieurs sont mentionnés :
- Athenodorus (CIL, VIII, 14589 ; ILPBardo, 216 ; Kraus
1993, p. 57 ; AE, 1994, 1861 ; Kraus 1993, p. 57 ; AE, 1994,
1860 ; Khanoussi 1998, p. 1001).
- Maximus (CIL, VIII, 14588 ; Kraus 1993, p. 56 ;
Khanoussi 1998, p. 1008) dont nous retrouvons le nom parmi
les procurateurs.
- Puteolanus (CIL, VIII, 14593 = ILPBardo, 217 ; Kraus
1993, p. 56 = AE, 1994, 1854 ; Khanoussi 1998, p. 1007).
4. Agens in rebus. — Ce titre, qui figure sur une seule
inscription, d'époque chrétienne, porté par un certain Diotimus
(CIL, VIII, 14600), était peut-être le titre du probator chargé
d'examiner les blocs de marbre, de les accepter ou de les refuser.
Venons maintenant aux tâches relatives au maintien de l’ordre dans
les carrières de marbre numidique, elles étaient assurées par un
contingent militaire installé sur place. Là aussi, l’épigraphie est bien
fournie en faisant connaître des vétérans, soldats, centurions, et préfets.
En voici les listes :

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


100 Moheddine CHAOUALI

 Les vétérans :
1. Sex. Veturius, vétéran de l’ala Siliana (CIL, VIII, 25646 ;
ILTun, 1257)
2. L. Silicius Optatus (CIL, VIII, 14608 ; ILPBardo, 219 ; ILS,
2470).
3. Les ueterani morantes Simittu (CIL, VIII, 14608 ; ILS, 2470 ;
ILPBardo, 219).
4. C. Rasin[ius] Faus[tinu]s (texte inédit).
5. P. Papirius Saturninus, vétéran de leg III Aug (CIL, VIII,
14607).
6. C. Fabuleius Victor, vétéran de leg III Aug (CIL, VIII, 10590 ;
14602).
7. C. Iulius Modianus, vétéran de la leg II Adiutrix (CIL, VIII,
14605).
8. [.] Namphamo, vétéran de leg III Aug (CIL, VIII, 14606).
9. Agrius Zopantus (CIL, VIII, 14601).
10. T. Flau[ius…], vétéran de leg III Aug (CIL, VIII, 14604 ;
25645).
11. Iulius Tzitza (texte inédit).
 Les soldats :
1. L. Flaminius, soldat de la
Leg III Aug, Tué par
l’ennemi lors d’un combat
après 19 ans de service (P.
Délattre, RA, 1881, II, p.
26 texte 43 ; CIL, VIII, Fig. 7: AE, 1992, 1821
14603).
2. L. Venidius Repostus,
soldat de la Leg III
Aug (Khanoussi 1991, p.
827-830 ; AE, 1992, 1820).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Comprendre les carrières de marbre numidique de Simitthus 101

3. C. Claudius Virilis, soldat de la Leg VII G F (Khanoussi 2006, p.


40-41 ; AE, 2006, 1683).
4. Anonyme, soldat de la Leg VII G F (Khanoussi 2006, p. 40-41 ;
AE, 2006, 1683).
5. C. Sulpic[ius], soldat de la Leg VII G F (Khanoussi 2006, p. 41 ;
AE, 2006, 1684).
6. G. Cornelius Mate[r]nus, soldat de la Leg VII G
F (Khanoussi 2006, p. 41 ; AE, 2006, 1684).
7. Cassius (I) Scoesius Valens, soldat de Coh II Fl eq. (Khanoussi
1991, p. 830-831 ; AE, 1992, 1821) (Fig. 7).
8. Anicius Celer Andronicus, soldat de Coh II Fl eq., commilito et
contibernalis Cassius (I)Scoesius Valens (Khanoussi 1991, p.
830-831 ; AE, 1992, 1821).
9. (I)Soadrius Ingenus, soldat de la Leg III Aug P F (texte inédit).
 Les centurions :
1. Iulius Longus, centurion de la Leg III Aug (Délattre, P. RA, 1881,
II, p. 26 texte 43 ; CIL, VIII, 14603).
2. Flavius Castus, centurion de la Leg VII G F (Khanoussi 2006, p.
41 ; AE 2006, 1684).
3. Antonius Clemens, centurion de la Leg III Aug (Khanoussi 1991,
p. 827-830 ; AE, 1992, 1820).
 Les préfets :
1. Anonyme : Caesura praefecti (Khanoussi 1991, p. 837 ;
Khanoussi 1994, p. 68 ; AE, 1992, 1824 ; 1994, 1864).
2. Anonyme : praefectus Coh II Fl eq. (Khanoussi 1991, p. 831-
833 ; AE, 1992, 1822 = 1994, 1882).
L’armée à Simitthus était donc représentée par un détachement
légionnaire ou par une unité auxiliaire ou par une vexillation mixte.
Cette présence de soldats dans les carrières de marbre numidique
s’explique notamment par la participation active à la sécurité lors des

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


102 Moheddine CHAOUALI

travaux d’extraction31. Ceci est confirmé par les récents travaux


archéologiques mettant en évidence toute une infrastructure
(ergastulum) située à l’est des carrières permettant d’accueillir tour à
tour des détachements successifs.
Il me reste maintenant à dire un mot sur l’évolution historique de ces
carrières de marbre. L’examen approfondi de la documentation
présentée permet de mettre en exergue une ligne de conduite qu’on peut
situer chronologiquement. Nous pouvons dire que nous connaissons
assez bien ce marbre, notamment sa diffusion, son organisation et son
administration grâce aux sources littéraires et inscriptions latines. La
documentation archéologique apporte elle aussi une contribution non
négligeable pour mieux appréhender et suivre le parcours historique de
ces carrières allant de la période numide jusqu’à l’antiquité tardive.
Grace aux travaux de Fr. Rakob, nous savons que ce marbre a été
utilisé pour la première fois vers la deuxième moitié du deuxième siècle
av. J.-C., lorsque le successeur de Massinissa, Micipsa, fit ériger sur le
plus haut des trois sommets32 du Jebel Chimtou un sanctuaire dédié à la
mémoire de son père33. Ces données sont confirmées par les nouvelles
découvertes épigraphiques. Or, nous savons par des inscriptions bien
datées entre 149-151 que les carrières étaient entre les mains de rois
numides puisqu’elles étaient appelées officina regia34.
Les premiers temps de l’époque romaine à Simitthus sont attestés
par des inscriptions qui mentionnent le nom d’Agrippa, gendre de
l’empereur Octave Auguste35. À cette date, les carrières sont passées de
propriété royale numide à une propriété romaine. Les carrières
devenues tout d’abord propriétés d’Agrippa sont ensuite passées au
patrimonium Caesaris et devenues des possessions de l’empereur
Auguste et de ses successeurs comme en témoigne notamment une
inscription attestant une officina Augustea36. Quelques décennies plus

31
On la voit aussi participer à Simitthus aux travaux de génie civil comme pour la
construction en 112 ap. J.-C d'un pont nouus sur le fleuve Bagrada : CIL, VIII, 10117.
32
Rakob 1979, p. 120-132.
33
Rakob 1979, p. 1-38 ; Rakob 1995, p. 65.
34
CIL, VIII, 14578-14579 ; 14583.
35
CIL, VIII, 14564, 14580, 14581.
36
CIL, VIII, 14587.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Comprendre les carrières de marbre numidique de Simitthus 103

tard, l’administration impériale a installé une infrastructure veillant à la


bonne gestion administrative des carrières. Le contrôle militaire était
lui aussi nécessaire pour éviter d’éventuels échauffourées comme celle
dans laquelle périt L. Flaminius au milieu du Ier siècle ap. J.-C37. Au
deuxième siècle ap. J.-C. les carrières de marbre ont été massivement
exploitées puisque la plupart des inscriptions qui y furent découvertes
sont datables de cette même période. D’ailleurs, l’un des blocs sur
lequel était gravé le numéro MCXXVIIII (1129) laisse penser que des
milliers étaient extraits annuellement38. Cette précieuse information
permet de se faire une idée sur la cadence d’extraction du marbre
numidique, particulièrement au cours du IIe siècle ap. J.-C.
Cependant, aucun bloc ne porte une inscription postérieure au règne
de Septime Sévère39. Les données fournies par l’archéologie ont permis
de prouver que, si l’exploitation devint peut-être moins intense à partir
du IIIe siècle, les carrières ne furent pas totalement abandonnées. Pour
continuer l’extraction, on devait abandonner les galeries épuisées et se
mettre à la recherche de gisements nouveaux. Au IVe siècle, on
exploitait encore la carrière ; une longue galerie souterraine qui traverse
la montagne, et à l’entrée de laquelle était gravée une inscription, fut
ouverte alors40.
Les modifications de l’organisation administrative des carrières
impériales, le mutisme des inscriptions postérieures à partir du règne de
Septime Sévère indiquent la fin de l’organisation impériale des
carrières, la fin du contrôle militaire et la passation probable de
l’extraction à des gérants privés. Après le milieu du IIIe siècle, lorsque
les services impériaux ont arrêté l’exploitation directe des carrières, et
après le départ de l’armée et l’abandon du camp, l’ancien ergastulum
présent à l’intérieur du camp confirme ce changement41. On installa à
l’intérieur du bâtiment abritant la caserne une fabrica qui fonctionna
jusqu’à l’abandon définitif de cette zone survenu dans les années 28042.
L’exploitation des carrières ne s’est donc pas interrompue avec le

37
CIL, VIII, 14603.
38
CIL, VIII, 14560 (Fig. 6).
39
Kraus 1993, p. 57.
40
CIL, VIII, 14600 ; ILTun, 1254.
41
Rakob 1994, p. 66-139.
42
Vegas 1994, p. 141-245 ; Rakob 1994, p. 66-139 ; Rakob 1995, p. 69.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


104 Moheddine CHAOUALI

milieu du IIIe siècle, moment où l’usine de Simitthus s’effondra, peut-


être à la suite d’un tremblement de terre.
Grâce au croisement des données disponibles, aussi riches que
variées, une histoire du marbre numidique de Simitthus est en mesure
de se redessiner. Elles confirment bien que la bonne qualité de ce
précieux matériau et l’administration rigoureuse étaient à l’origine du
succès méditerranéen qu’a connu ce marbre de la Tunisie antique.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Comprendre les carrières de marbre numidique de Simitthus 105

Abréviations :
AE : (L’) Année Épigraphique.
CIL : Corpus Inscriptionum Latinarum.
ILTun : Inscriptions Latines de Tunisie.
ILPBardo : Z. Ben Abdallah : Catalogue des Inscriptions Latines du
Musée du Bardo, EFR, Rome, 1986.
ILS : Inscriptiones Latinae Selectae.
Bibliographie :
Bruzza 1870 : P. Bruzza : Inscrizioni dei marmi grezzi, Annali
dell’Instituto di corr. Arch. di Roma, t XLII, p. 220-236.
Cagnat 1887 : R. Cagnat : Explorations en Tunisie, Paris, 1887, p. 97-
105.
Chaouali 2013 : M. Chaouali « Une nouvelle inscription des carrières
de marbre de Simitthus », Zeitschrift für Papyrologie und
Epigraphik, 187, p. 305-309.
Delattre et Héron de Villefosse 1881 : P. Delattre et M. Héron de
Villefosse : Rev. Arch., 1881, 2ème sem., p. 20 et suiv
Khanoussi 1988 : M. Khannoussi « Disp(ensator) M(armorum)
N(umidicorum) », Africa, X, p. 208-211.
Khanoussi 1991 : M. Khanoussi « Nouveaux documents sur la présence
militaire dans la colonie julienne augustéenne de Simitthus
(Chemtou, Tunisie) », CRAI, p. 825-839.
Khanoussi 1993 : M. Khannoussi « Disp(ensator) M(armorum)
N(umidicorum) », Simitthus I. Die Steinbrüche und die antike Stadt,
Deutsche Archäologisches Institut – Institut National du Patrimoine,
Tunis, Mainz am Rhein, p. 69.
Khanoussi 1997 : M. Khanoussi « Le saltus Philomusianus et les
carrières de marbre numidique », Römischen Mitteilungen, 105, p.
375-377.
Khanoussi 1998 : M. Khanoussi, « Les officiales marmorum
numidicorum », L’Africa Romana XII, 1996, p. 997-1016.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


106 Moheddine CHAOUALI

Khanoussi 2006 : M. Khanoussi « Un détachement de la Legio VII


Gemina Felix à Simitthus (Chimtou), en Afrique proconsulaire »,
Actes du 4ème colloque international sur l’histoire des steppes
tunisiennes, Sbeitla, session 2003, textes réunis par F. Béjaoui,
Tunis, p. 39-50.
Kraus 1993 : Th. Kraus « steinbruch- und blockinschriften », Simitthus
I, Die Steinbrüche und die antike Stadt, Deutsches Archäologisches
Institut – Institut National du Patrimoine, Tunis, Mainz am Rhein, p.
55-64.
Rakob 1979: Fr. Rakob « Numidische Königsarchitektur in
Nordafrica », in Die Numider, Bonn, p. 119-171.
Rakob 1994: Fr. Rakob « Das römische Steinbruchlager (Praesidium)
in Simitthus », Simitthus II. Der Tempelberg und das Römische
Lager, Deutsches Archäologisches Institut – Institut National du
Patrimoine, Tunis, Mainz am Rhein, p. 66-139.
Rakob 1995 : Fr. Rakob, « Carrières antiques en Tunisie », Les dossiers
de l’archéologie, 200, Janvier-Février, p. 62-69.
Toutain 1893 : J. Toutain : « Inscriptions de Tunisie », MEFRA, t XIII,
p. 419-549.
Vegas 1994 : M. Vegas « La céramique du ‘camp’ à Simitthus »,
Simitthus II. Der Tempelberg und das Römische Lager, Deutsches
Archäologisches Institut – Institut National du Patrimoine, Tunis,
Mainz am Rhein, p. 141-2 45.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


NOUVEAUX ECLAIRAGES SUR LA MINE DE FER
D’AL‘URBUS

Mourad ARAAR
Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Kairouan
Département archéologie, Université de Kairouan

Résumé :
Située au centre du Haut-Tell tunisien, à une distance d’environ 25 km au sud-est
de la ville de Shākbānariya (actuel Le Kef), la ville d’al’Urbus fut connue au Haut
Moyen Âge par l’existence d’un gisement de minerai de fer. Mentionnées uniquement
par certains géographes arabes, leurs indications ne nous permettaient pas de localiser
cette mine avec exactitude et par conséquent aucune étude exhaustive ne lui a été
consacrée. La confrontation des données livresques et géologiques nous a permis
enfin de localiser cette mine.
Mots clés
Al’Urbus, Djebel al-’Urbus, mine de fer, gites, scories, archéologie des mines,
extraction minière, itinéraires miniers, guerre.

Introduction
Dans une communication autour de « La mine de fer d’al-’Urbus :
approches de localisation et essai sur les techniques d’extraction »1, j’ai
essayé, en premier lieu, sur la base de la documentation livresque, les
données géologiques et les résultats de la prospection archéologique de
localiser cette mine à travers les approches géo-historique, géologique
et archéologique. En second lieu, les vestiges matériels retrouvés ont
servi pour la présentation d’un essai sur les techniques d’extraction
utilisées à l’époque médiévale.

1
Elle a été présenté dans Culture matérielle, savoir-faire et techniques en
méditerranée occidentale antique et médiévale, Actes du colloque international,
Kairouan 6 - 9 mars 2003. Ces Actes n’ont pas fait l’objet d’une publication.
108 Mourad ARAAR

Les vestiges d’une exploitation des gîtes de Blād ed-Doghra 2 et


Djebel al-’Urbus 3 qui remontent à l’époque coloniale, n’occultent pas,
à notre avis, une exploitation des mêmes gisements au cours de la
période médiévale que les textes littéraires confirment explicitement.
Les installations de traitement des minerais sont situées
généralement aussi près que possible des lieux d’extraction. Les scories
de fer éparpillées un peu partout sur le site d’al-’Urbus, laissent croire
en l’existence d’un centre métallurgique. Oued al-’Urbus et les sources
d’eau pourraient servir comme laverie puisque le traitement du minerai
se faisait généralement dans l’eau. (Photos n°1-5)
En l’occurrence, j’ai conclu qu’une prospection intensive et un
travail pluridisciplinaire des archéologues, géologues et minéralogistes
seront en mesure d’affiner nos connaissances à propos de la localisation
de ce minerai, ainsi que sur les techniques d’extraction.
De son coté, N. Touati4 avait écrit : « Les déchets d’une métallurgie
du fer sont visibles essentiellement sur le flanc nord-ouest du Djebel,
faisant face au site d’al-Urbus. Plusieurs scories ont été retrouvées près
de restes d’un four », présentant ainsi une nouvelle localisation, pensant
que l’atelier de fabrication se trouvait sur le site.
Deux raisons justifient notre retour sur cette question. La première
est que ni mon hypothèse, ni celle de N. Touati ne semblent adéquates
suite aux nouvelles découvertes que j’ai faites. La deuxième consiste à
étudier le rapport entre les guerres et les mines et plus particulièrement
le rapport entre la guerre de 296 / 909 qui a mis en face les Fatimides et
les Aghlabides et la mine de fer d’al-’Urbus.

2
Sainfield (P.), Les gîtes plombo-zinzifières de Tunisie, Tunis, 1952, p. 135. Les gîtes
de Blād ed-Doghra ont été exploités depuis 1907 et abandonnées en 1930 suite à la
baisse de la quantité de métal (plomb et zinc) extrait.
3
Ibid, p. 162. Les gîtes d’al-’Urbus ont été découverts depuis 1907 et abandonnés en
1929. Quant à Koudiat Guenaoua, les travaux ont eu lieu de 1901 à 1930.
4
Touati (N.), « Mines et peuplement en Ifriqiya : état de la question et résultats
préliminaires d’une prospection archéologiques dans le Haut Tell tunisien (Djebel al-
’Urbus) », dans Terroirs d’al-Andalus et du Maghreb, pp, 132-134.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 109

Photos n° 01 et 02 : Vestiges de la mine coloniale et gite à Blād Doghra

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


110 Mourad ARAAR

Photos n° 03 et 04 : Vestiges de la mine coloniale et gite à Djebel al-’Urbus


I- La mine à travers les sources littéraires : problèmes de
localisation et de datation
Étant le premier qui a mentionné l’existence d’une mine de fer à al-
’Urbus, Ibn Ḥawḳal nous disait «Al-‘Urbus avait un gisement de
minerai de fer»5. La même information, si ambiguë et ne précisant avec
exactitude sa situation, nous a été rapportée, par deux autres géographes
qui n’ont pas visité le pays à savoir al-Idrīsī 6 et Yāḳūt al- Ḥamawī7.

Photo n° 5 : scories de fer


(Recueillies du site archéologique al-’Urbus)

5
Ibn Hawḳal, Ṣuraṭ al-arḍ, 2ème éd, Leiden, 1927, p. 87.
6
al-Idrīsī, Le maghrib au 12è siècle ap. J-C (6è siècle de l’Hégire.), texte établi et
traduit en français d’après nuzhat al-mustaq par Mahamad Hadj Sadok , Paris, 1983,
p. 142.
7
al- Ḥamawī, Mucdjam al- buldān, éd. Critique de Farid abd el- Aziz al-Jundi, Maison
arabe du savoir, première édition, Beyrout, 1990, t. I, p. 165.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 111

Ainsi, comment on peut expliquer cette ambiguïté de nos sources


géographiques et savoir s’il s’agissait d’une mine ancienne ou
médiévale ?
1- Le problème d’ambiguïté des sources géographiques
S’intéressant généralement à la description des grands centres
urbains situés sur les grandes routes parcourues, c’est très rarement que
les géographes arabes nous transmettaient quelques informations à
propos des localités situées en dehors. Il nous semble ainsi, qu’Ibn
Ḥawḳal, notre source fondamentale à propos de l’existence de la mine,
bien qu’il ait visité l’Ifriqiya entre 336 – 340 / 947 – 951 et plus
précisément la ville d’al-’Urbus, n’avait pas visité la mine et que
l’information lui a été rapportée oralement par les habitants8. Ainsi
donc, nous sommes en mesure de supposer que la mine se situait un peu
plus loin de la ville ce qui l’a empêché de nous donner une description
plus détaillée.
Pour ce qui est d’al-Idrīsī (mort en 560 / 1166), le problème réside
dans le fait qu’il n’a pas visité l’Ifriqiya et qu’il avait beaucoup copié
Ibn Ḥawḳal. De son côté, Yāḳūt (mort en 626 / 1226) n’a pas visité le
pays et il avait utilisé pour la rédaction de son ouvrage certaines sources
connues telles que l’ouvrage d’Ibn Ḥawḳal.
2- La question de la continuité de l’exploitation entre l’Antiquité
et le Moyen Âge
Les gîtes de fer en Tunisie, qui ne sont plus tous exploitables
aujourd’hui, offrent un tracé presque régulier tout au long de l’Ouest
dont la majorité d’entre eux y est située9. Cependant, ceux de la région
du Kef se particularisaient par leur exploitation depuis l’Antiquité10. En
effet, si les textes se taisent, le terrain parle de nombreux vestiges
d’exploitations antiques. Ch. Tissot évoque Djebel Djerīṣsa et Mérīdj11.

8
D’ailleurs, il mentionnait dans l’introduction de son ouvrage (op. cit, p. 61.) que la
tradition orale avait une part importante dans son élaboration surtout pour le maghrib.
9
Essaadi (F.), « Recherches sur l’histoire et l’archéologie du fer en Tunisie », dans
Actes du IIIè congrès international des études phéniciennes et Puniques, Tunis, 11 -
16 novembre, 1991, Volume I, Tunis, 1995, p. 418.
10
Ibid., p. 420.
11
Tissot (Ch.), Géographie comparée de la province romaine d’Afrique, Paris, 1884,
t. I, p. 255.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


112 Mourad ARAAR

S. Gsell mentionne divers lieux de vieilles exploitations de fer dans la


région du Kef qui sont Nebeur et Oued Koḥol au nord-est, Djebel Slāṭa
au sud-ouest et Djebel Djerīṣsa au sud / sud -ouest12. Donc, ils
n’évoquent en aucun cas al-’Urbus.
Nous savons par ailleurs que Saint Cyprien, l’évêque de Carthage,
adressa pendent son exil à Curibis (257 – 258 ap. J.C.), une lettre à un
certain nombre de chrétiens condamnés aux durs travaux des metella.
L’une des trois réponses que les condamnés firent tenir à l’évêque,
faisait mention d’un metella appelé metallum siguense que les
historiens ne se sont pas mis d’accord à propos de son emplacement. La
plupart l’ont placé près de Sigus, lieu situé à peu près une quarantaine
de kilomètres au sud / sud - est de Constantine, d’Autres près de Siga,
ville mauritanienne voisine de la mer et de l’embouchure de la Tafna.
S. Gsell, qui pour lui le mot metallum signifiait pour les Latins à la
fois la mine et la carrière, fait placer le metallum siguense, en se basant
sur les distances de la Table de Peutinger, à un lieu situé sur la route de
Carthage à Sicca Vénéria (actuel Le Kef), entre cette dernière ville et
Thacia (actuel Bordj Messaoudī), appelé Siguese13.
Mais la distance entre Siguese (Henchir Bahra) et Sicca, évaluée à
trente milles selon la Table de Peutinger, est altérée et n’est guère que
douze milles (dix-huit kilomètres) selon Ch. Tissot14. Ainsi donc,
Siguese était, selon S. Gsell, dans le voisinage de Sicca, à l’est ou au
nord - est15. Cette hypothèse a permis à Ch. Monchicourt de localiser
Siguese à la mine de Keboush, à l’endroit dit le Pont romain16 que S.
Gsell semble avoir accepté17.
Quelle que soit l’hypothèse de S. Gsell et de Ch. Monchicourt, il faut
noter tout d’abord que la production de plomb prédomine à la mine de

12
Gsell (S.), « Vieilles exploitations minières dans l'Afrique du Nord », dans Hespéris,
tome VIII, p. 12.
13
Gsell (S.), « Metallum Siguense », dans Société archéologique de Sousse, Tome I,
1903, p. 135 – 139 ; Id, « vielles exploitations … » op. cit, p. 9 – 10.
14
Tissot (Ch.), op. cit, t. II, p. 374.
15
Gsell (S.), « Metallum … » op. cit, p. 139.
16
Monchicourt (Ch.), La région du Haut Tell en Tunisie, essai de monographie
géographique (Le Kef, Téboursouk, Mactar, Thala), Paris, 1913, p. 437, n°4.
17
Gsell (S.), « Vielles exploitations … » op. cit, p. 10.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 113

Keboush 18, par contre le fer ne présente qu’un pourcentage très faible
(environ 2 %)19. Ensuite, si nous admettons que ce metallum Siguese en
question produisait du fer depuis l’Antiquité20, il convient de se
demander s’il pouvait correspondre au gisement de fer d’al-’Urbus
mentionné par certains géographes arabes.
Pourtant que Blād Bahra, comme nous l’avons déjà montré21 et
l’avait confirmé M. Hassan22, faisait partie du district d’al-’Urbus tout
au long du Moyen Âge, il paraît peu probable que le metallum Siguense,
encore non identifié avec exactitude et même non signalé sur la carte de
localisation des témoignages de l’archéologie de fer23, coïncide avec le
gisement de fer d’al-’Urbus qui semble, très probablement, débuter
avec les musulmans.
Par ailleurs, E. F. Gautier a écrit : « La mine est une des infériorités
les plus curieuses de l’Islam »24. S. Gsell, voyant que ce jugement est à
réviser pour l’Afrique septentrionale du moins pour le Moyen Âge,
avant d’entrer en décadence jusqu’à la domination française, croyait
que le Moyen Âge a été l’époque la plus active de l’industrie minière
en Berberie. En effet, il avait montré que les romains, qui se procuraient
leurs besoins d’autres contrées à coût moins élevé et plus facilement,
n’avaient pas trop exploité les mines africaines qui étaient pour la
plupart médiocres et destinées essentiellement aux besoins du pays. En
contrepartie, de nombreux facteurs ont permis à l’industrie minière en
Berberie, comme pour le reste du monde musulman, de connaître un
grand épanouissement à savoir les conflits entre l’Islam et la Chrétienté,

18
Id, Ibid., p. 10.
19
Selon les ingénieurs et les géologues de la Société Minière de Būḳrīne
(BREAKWATER) qui va bientôt exploiter cette mine de Keboush.
20
Ch. Tissot (op. cit, t. I, p. 258.) suppose, d ‘après un passage de la lettre de Saint
Cyprien, que le metallum Sigense contenait de l’or et de l’argent.
21
Araar (M.), Al-’Urbus et sa région jusqu’au VIè siècle de l’hégire / XIIè ap. J.C,
DEA, Tunis, 1999, p. 38 - 41 et carte p. 42. (En arabe)
22
Hassan (M.), « L’urbanisation et l’espace agricole dans la région d’al-’Urbus aux
temps des Hafsides », dans Mélanges d’histoire, d’épigraphie et d’archéologie offerts
à Slimane Mustapha Zbiss, INP, Tunis, 2001, p. 112 -119 et carte de localisation. (En
arabe)
23
Essaadi (F.), « Recherches … », op. cit, p. 419.
24
Gautier (E. F.), L’Algérie et la métropole, Paris, 1920, p. 124.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


114 Mourad ARAAR

la rareté de leurs relations commerciales et la décadence de l’industrie


minière en Europe25.
Mais, pour ce qui est des facteurs concernant proprement le monde
musulman, il faut signaler qu’après le démembrement du Califat
Abbasside et la genèse d’Emirats et d’Etats indépendants, souvent en
conflits surtout dans la côté occidentale, la production minière semble
devenir insuffisante d’où la recherche d’autres gîtes à exploiter pour la
fabrication de divers ustensiles et outils tels que les armes26. Il nous
semble ainsi que dans ce cadre fut exploitée une mine de fer à al-’Urbus.
Quoiqu’il en soit du problème de la datation, les données des sources
ne permettaient pas de localiser cette mine. Par ailleurs, nous savons
que les gisements miniers sont en rapport étroit avec les structures
géologiques.

25
- Gsell (S.), « Vielles exploitations … » op. cit, p. 1 – 21.
26
- Encyclopédie de l’Islam, nouvelle édition, Paris, 1986, t. V, p. 968 – 970. Dans le
Coran, Dieu disait : « ... et nous avons fait descendre le fer qui contient danger
terrible et utilité pour les hommes …», Sourate le fer, verset n° 65. Cf. Régis (B.), Le
Coran, traduction selon un essai de reclassement des sourates, CNRS, Paris, 1951,
n° 101, sourate LVII, le fer, 25. Selon Ibn Kathir (Explication du Coran le
magnifique, éd. Commenté par Mohamed Ibrahim al-Banna, afrikia info diffusion, 1ère
éd, 1998, t. VIII, p. 3442. (En arabe)), la parole de Dieu « et nous avons fait descendre
le fer qui contient danger terrible » voulait dire nous avons créé le fer pour réprimer
tous ceux qui s’opposent à cette religion et la rejettent surtout après avoir écouté les
explications et les arguments fournis par le prophète. C’est pour cela que Mohamet
est resté treize ans après la prophétie à la Mecque où Dieu lui inspira les Sourates
Mekkoises, qui étaient toutes une polémique avec les polythéistes, déclaration et
éclaircissement du monothéisme, démonstration et argumentation. Et quand la preuve
a été fournie aux athées, Dieu a ordonné l’Hégire et le recours aux armes (les épées)
pour combattre les opposants, les récalcitrants et les mécréants. C’est pour cette
raison que Dieu a proclamé « qui contient danger terrible », c’est à dire les armes
comme les épées, les baïonnettes et les boucliers, « et utilité pour les hommes », c’est
à dire pour leur subsistance comme le soc, la cognée, le scie, le grattoir, la pelle et les
outils aidant au labour, le tissage, la cuisson, la fournée et de tout ce qui est nécessaire
pour leur subsistance.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 115

II- La géologique et les gisements de fer


1- Généralités
Etant donné qu’Ibn Ḥawḳal n’avait pas indiqué avec précision la
situation de la mine d’al-’Urbus27, Ch. Monchicourt a indiqué qu’elle
devait se trouver dans l’un des dômes aptiens de la région du moyen
Mellègue28. Mais, même si cette région est particulièrement favorisée,
tant en Tunisie qu’en Algérie, à des gisements de fer qui sont en relation
avec des failles aptiennes et sénoniennes sur la lèvre desquelles rit le
trias29, il nous semble qu’elle ne pouvait pas correspondre à la
localisation exacte étant donné que les scories de fer, trop éparpillés à
travers les ruines de la ville, reflètent un endroit plus proche des gîtes.
On pourrait conclure aussi que l’atelier de fabrication se trouvait dans
la ville alors que les gîtes se dispersaient, fort probablement, non loin
d’elle. Les données géologiques consolident cette hypothèse.
En effet, comme l’avait déjà signalé L. Pervinquière, il y avait une
relation étroite entre le Trias et les gîtes métallifères. Ceux - ci sont
toujours situés au contact du trias étant donné que les failles qui les
limitent habituellement, ont livré des passages aux eaux chargées de
principes minéralisateurs30.
De son côté, Ch. Monchicourt a démontré que le trias est, en Tunisie,
le plus riche en mines. Ce terrain qui est le plus souvent limité par des
failles qui ont laissé fuser vers la surface des vapeurs métallifères, laisse
les noms des métaux des termes normaux de la toponymie
triasique comme Djebel-Ḥadīda, près de Nebeur (de ḥadīd fer), Henchir
Rṣāṣ, du côté de Mellègue et de Ḳarn-al-Ḥalfāya (de rṣāṣ plomb), Oued-
el-Koḥol, près de Djebel-Ṣaddīne (de Koḥol antimoine)31.
Ainsi, Il existe une relation étroite entre corps minéralisé et le Trias.
Et généralement, dans le Nord de la Tunisie, le Trias qui s’étend suivant

27
- Ibn Ḥawḳal, op. cit, p. 87.
28
- Monchicourt (Ch.), op. cit, p. 437.
29
- Id, Ibid., p. 442.
30
- Pervinquière (L), Etudes géologiques de la Tunisie centrale, Paris, 1903, p. 19.
31
- Monchicourt (Ch.), op. cit, p. 54, 422.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


116 Mourad ARAAR

un axe NE / SW est doté de nombreuses minéralisations à savoir le


plomb, le zink et le fer32.
2- Spécificités de la région d’al-’Urbus
Aux environs de la ville d’al-’Urbus, le terrain triasique domine deux
régions principales à savoir Blād ed- Doghra et Djebel al-’Urbus .
2-1 / Blād ed-Doghra
L. Pervinquière a montré que les coupes de Blād ed-Doghra
montrent également deux petits dômes triasiques partiellement
recouverts par le sénonien33. P. Sainfield a écrit « Le petit district de
Doghra est en bordure de jalons triasiques minimes, marquant le
premier alignement de la sous –zone des dômes entre le Keboush, à une
vingtaine de kilomètres au nord-est, et le Ḳarn al-Ḥalfāya, à une
trentaine de kilomètres au sud-ouest »34. Il a aussi remarqué que Kodiat
Baghela, située à Blād ed-Doghra, est très ferrugineuse aux
affleurements, avec des traces de plomb35. Il est à signaler aussi que
Djebel Doghra fait partie de la structure triasique Būḳrīne-al-’Urbus.
Le centre de cette structure est occupé par des terrains argilo-gypseux
d’âge triasique marqués par la présence de traces d’oxydes de fer36.
2-2 / Djebel al-’Urbus
Il est l’un des affleurements triasiques les plus étendus. Il présente,
selon L. Pervinquière, une constitution pétrographique caractérisée par
la présence dans les grès miacés roses de nombreuses paillettes de fer
oligiste. Au nord / nord-ouest de Kodiat Ḥanīsh, on trouve des couches
d’argiles et de grès gris ou jaunâtres, mouchetés d’oxydes de fer (20m)
auxquels fait suite un banc dolomitique très ferrugineux (1.5 m)37. Pour
P. Sainfield, la lampe triasique s’étend au centre de Djebel al-’Urbus et
elle comportait du zinc, du plomb et du fer38. De son côté, Perthuisot

32
- Ben Hamda (S.), Le gisement de célestite de Dogra : pétrographie et inclusions
fluides, D.E.A, Faculté des Sciences de Tunis, Département de Géologie, Tunis, 2001,
p. 22.
33
- Pervinquière (L.), op. cit, p. 287 – 289; 335.
34
- Sainfield (P.), Les gîtes plombo-zinzifières de Tunisie, Tunis, 1952, p. 133.
35
- Id, Ibid, p. 134.
36
- Ben Hamda (S.), op. cit, p. 23 –28.
37
- Pervinquière (L.), op. cit, p. 19 – 20.
38
- Sainfield (P.), op. cit, p. 159 – 161.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 117

n’a pas manqué de démontrer la prédominance triasique à Djebel Al-


’Urbus 39.
À la lumières de toutes ces données textuelles et géologiques et dont
le but de localiser cette mine avec exactitude, la prospection intensive
de Djebel al-’Urbus nous a donné des nouveautés.
III – Nouvelle localisation et techniques d’extraction
1- Une mine sur le flanc méridional de Djebel al-’Urbus
Le Djebel al-’Urbus s’étend au sud-est de la ville suivant un axe sud-
ouest / nord-est. Le versant septentrional domine la plaine d’al-’Urbus,
par contre le versant méridional domine la plaine de Zouarīne. Il
constitue une montagne de près de 43 km 2 de superficie, située à 2 km
au sud-ouest et à 10 km au sud-est d’al-’Urbus. Il culmine à une
moyenne de 700 m.40. Sur le flanc méridional de cette montagne, non
loin de la Zaouia de Sidi el-Msīd (Photos n° 6 et 7) , les missions de
prospections que j’ai effectué m’ont permis de trouver les vestiges de
cette mine de fer d’époque médiévale, un peu plus loin de la mine de
l’époque coloniale41.

39
- Perthuisot (V.), Dynamiques et pétrogenèse des extrusions triasiques en Tunisie
septentrionale, Paris, 1978, p. 209 – 213.
40
- Cf. Carte topographique au 1/50.000è, Les Salines ; Pervinquière (L.), op. cit, p.
18 –19, 284.
41
- Je tiens à remercier Mr. Mondher HATMI, mon étudiant et ancien conservateur à
l’INP, qui m’a accompagné.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


118 Mourad ARAAR

Photo n° 6 : Zaouia de Sīdī el-Msīd au sommet de Djebel al-’Urbus

Photos n° 7 : Vue du flanc méridional de Djebel al-’Urbus

2 – Modestes techniques d’extraction et de traitement


2-1 - L’extraction
Malgré l’évolution des opérations minières dans la civilisation
musulmane, les études restent très insuffisantes surtout pour la période
antérieur au IXè / XVè siècle. Dans les pays musulmans, les techniques
minières n’étaient pas uniformes puisqu’elles se diffèrent selon les
minerais, les pays, les régions du même pays et la nature de la propriété
de la mine (Etatique ou Privée). Les gites encore visibles nous
présentent deux techniques d’extraction.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 119

- En sous-sol
Cette technique familière et modeste consistait à creuser des galeries
horizontales puis des puits verticaux lorsque les filons sont atteints.
(Photos n° 8 – 11)

Photos n° 8 – 11 : extraction en sous-sol


- Ramassage au sol
C’est une exploitation peu contraignante et sans grand impact sur le
paysage. (Photos n° 12 -15)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


120 Mourad ARAAR

Photos n° 12 -15 : Ramassage au sol


Au cœur de ces techniques d’extraction, les vestiges d’une
construction sont encore visibles. Il s’agissait très vraisemblablement
de simples petites maisons pour les ouvriers42. (Photos n° 16 – 21)

42
- Bazzana (A.) et Trauth (N.), « Minéralurgie et métallurgie à Saltés et dans son
arrière-pays (Huelva) : Les tehnologies médiévale à la lumière des fouilles de la ville
islamique », dans Minas y metalurgia en al’Andalus y Magreb occidental :
Explotación y poblamiento, Estudios reunidos por Alberto Canto García y Patrice
Cressier, Casa de Velázquez, Madrid, 2008, p. 210. Pour l’Andalus, les auteurs notent
qu’une exploitation fortement étatisée et employant une main-d’œuvre servile, qui est
celui de la grande production romaine, n’est pas adopté à l’époque islamique. Pour
l’époque romaine Cf. Domergue (C.), Les mines de la Péninsule Ibérique dans
l’antiquité romaine, Ecole Française de Rome, 1990.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 121

Photos n° 16 – 21 : Vestiges de petites maisons ?


2-2- Le traitement
Le traitement des minerais avait pour objectif la séparation des
minéraux de valeur d’une part et les rejets suffisamment appauvris d’autre
part. C’est une opération qui se situe entre la mine et la fonderie.
Généralement les installations de traitement des minerais sont situées aussi
près que possible des lieux d’extraction. Les scories de fer éparpillées un
peu partout sur le site d’al-’Urbus, laissent croire à l’existence d’un centre
métallurgique. Oued al-’Urbus et les sources d’eau pourraient servir d’une
laverie puisque le traitement du minerai se faisait généralement dans l’eau.
Les opérations de traitement comprennent très souvent le broyage,
le criblage et le lavage qui sont effectuées sur place avant le transport
des minerais aux centres métallurgiques. Bien que les scories de fer que
nous trouvons partout dans la ville témoignent de l’existence d’un
centre métallurgique, nous sommes frustrés, à cause de la destruction
de la ville de nos jours, d’autres témoignages archéologiques qui
peuvent nous être utiles sur son fonctionnement43. En contrepartie,
certains auteurs nous ont laissé des ouvrages sur la minéralogie arabe
dont figure, vraisemblablement, le centre métallurgique d’al-’Urbus.
A en croire ces ouvrages, le centre métallurgique comprend :

43
- Pour plus d’information sur cette question Cf. El Ajlaoui (M.), « Maroc
présahérien : techniques d’exploitation minières et métallurgique dans les mines
d’argent, de cuivre et de plomb », dans Minas y metalurgia en al’Andalus y Magreb
occidental : Explotación y poblamiento, Estudios reunidos por Alberto Canto García
y Patrice Cressier, Casa de Velázquez, Madrid, 2008, pp. 37 – 55.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


122 Mourad ARAAR

- La fonderie : Elle est destinée à fondre le minerai extrait de la mine.


Le minerai est mêlé avec un peu d’huile et d’alcali. Le feu est
allumé avec du bois.
- Les soufflets : ils se sont installés de chaque côté pour souffler sur
le minerai jusqu'à ce qu’il soit fondu.
- Les trous : ils représentent des filtres destinés à séparer le fer de la
terre et le transformer en barres.
Quoiqu’il en soit des techniques d’extraction et de traitement, cette
mine d’al-’Urbus qui remonte très vraisemblablement à l’époque
médiévale avait-elle une relation avec le conflit armé entre les
aghlabides et les fatimide ?
IV- Les mines et les guerres
Depuis l’Antiquité, le minerai de fer était très recherché pour
répondre aux besoins des individus et des Etats. Le regretté Al- Hassine
Boulaktif44, avait démontré dans sa thèse que la domination des routes
minières avait facilité aux almohades le maintien du territoire du
Maghreb-Extrême.
Brahim al-Kadri Boutchich, alors président de la soutenance de cette
thèse intéressante en 1999, a bien voulu rendre hommage au regretté en
démontrant, à travers des exemples bien précis, que durant le Moyen
Âge, les ressources minières faisaient objet de conflit politique entre les
Etats45.
De ce fait, on se demande si la mine de fer d’al-’Urbus était à
l’origine du conflit entre les aghlabides et les fatimides. Dans l’attente
d’une étude archéologique pluridisciplinaire, il convient pour répondre
à cette question de revenir aux sources littéraires afin de trouver des
explications ou quelques éléments de réponse.

44
- Boulaktif (H.), L’Etat almohade et le territoire du Maroc extrême, thèse de
doctorat, 1999. (Dactylographiée)
45
- Boutchich (B.K.), « Les ressources minières au Maroc au Moyen Âge : répartition
géographique, modes d’emploi et conflits politiques », dans Les ressources naturelles
au Maghreb durant l’antiquité et le Moyen Âge : exploitation, gestion et usage, Actes
du V colloque international organisé par l’UR Pemivat, Tunis 25 – 27 nov 2010, Texte
édités par M. Hassen, Tunis, 2014, pp. 183 – 202.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 123

Al-Yacḳūbī qui avait visité l’Ifriqiya après 263 / 876 et avant 275 / 889,
n’avait pas mentionné dans son ouvrage « Kitāb al-Buldān », rédigé en 276
/ 889 en se basant sur les constations du voyage et la tradition orale46, une
mine de fer à al-’Urbus pourtant qu’il semble l’avoir visité au cours de son
voyage à l’Ifriqiya47. Alors qu’entre 336 – 340 / 947 – 951, Ibn Ḥawḳal
l’avait mentionné.
Nous sommes donc en mesure de prétendre que l’exploitation de la
mine avait lieu entre la fin du IIIè / IXè siècle et le début du VIè / Xè
siècle. Toutefois, nous avons tout lieu de croire que le déclenchement
de la propagande fatimide en 280 / 893, a suscité le commencement de
l’extraction minière à al-’Urbus. C’est ainsi que le rôle défensif offert
par Ziyādat Allāh III à la ville contre la progression du mouvement
šicīte, qui commence à inquiéter sérieusement la dynastie aghlabide48,
était, semble-t-il, à l’origine de la recherche du fer pour la fabrication
des armes
L’itinéraire emprunté par le Dācī shī‘īte vers al-’Urbus et Raḳḳāda,
selon le récit d’al Ḳāḍī al-Nu’mān, sort d’Ikdjān, passe par Bāġāya puis
Maskayāna, longe ensuite l’oued Maskayāna et le Mallāḳ jusqu’au oued
Madjdjāna, puis se dirige vers Marmādjanna et de là au oued al-Raml
et ensuite vers al-’Urbus49. Le passage de cet itinéraire par Madjdjāna
connue par ses mines d’argent et al-’Urbus où se trouvait le fer avait
pour objectif, semble –t-il, la domination de ses ressources afin
d’affaiblir l’Etat aghlabide et prendre le pouvoir en Ifrīqiya.
Conclusion
Bien que nous sommes enfin arrivés à localiser avec exactitude cette
mine de fer al-’Urbus nous ne souhaitons pas tirer des conclusions mais
plutôt attirer l’attention sur l’absence d’une archéologie des mines et
des métaux en Ifrīqiya, contrairement au Maroc et al-Andalus. Ce type
d’archéologie devrait aujourd’hui bénéficier de campagnes de

46
- al - Yacḳūbī, Kitāb al - Buldān, Leiden, 1891, p. 322.
47
- Id, Ibid., p. 349.
48
- Cf. à propos de ce rôle : Talbi (M), L’Emirat aghlabide : 184 - 296 / 800 / 909,
Histoire politique, traduction en arabe de Mongi el Kacbi, Dar al gharb al islamī,
Tunis, 1985, p. 684 - 754.
49
Al-Nu‘mān, Īftit al-Da‘wa, éd. F. Dachraoui (éd.), 2ème édition, S. T. D, Tunis,
1986, 207.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


124 Mourad ARAAR

prospection et de fouilles qui ne sont pas d’ailleurs plus rigoureuses et


plus systématiques que celles qu’on applique à d’autres archéologies.
Les travaux doivent se distinguer par une collaboration
pluridisciplinaire assurée par des archéologues, géologues et
physiciens. C’est ainsi qu’on peut entourer le produit minier ou
métallurgique de conditions exceptionnelles et propres à lui. Nous
faisons donc appel, par le présent travail, à l’Institut National du
Patrimoine et aux laboratoires de recherches, pour prendre l’initiative
de la mise en place d’un département pour l’étude de l’archéologie
minière. Les mines ont joué, on le sait, un rôle essentiel dans l’histoire
de la Tunisie durant toutes les époques. Ce fut le cas en particulier des
mines de la région du nord-ouest, riches de leurs gités de fer, de cuivre,
de plomb et d’argent.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 125

Bibliographie

Les sources
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Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


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traduction en arabe de Mongi el Kacbi, Dar al gharb al islamī, Tunis, 1985,
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Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Nouveaux éclairages sur la mine de fer d’Al’ Urbus 127

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(Djebel al-’Urbus) », dans Terroirs d’al-Andalus et du Maghreb, pp, 119 -
138.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A PROPOS DES CARRIERES ANTIQUES DE JBEL FKIRINE

Rached HAMDI
Docteur en histoire et archéologie des civilisations
anciennes, Conservateur conseiller du patrimoine –
Institut National du Patrimoine.
Walid AMMOURI
Doctorant, Conservateur conseiller du patrimoine –
Institut National du Patrimoine.

Résumé
La présente étude concerne huit carrières antiques de pierre calcaire qui se trouvent
à proximité de plusieurs sites antiques situés sur la feuille de Jbel Fkirine. Ces
carrières sont toutes à ciel ouvert et de dimensions importantes pour la plupart. Elles
ont conservées des traces d’exploitations antiques encore visibles en surface. Certes,
l’exploitation n’a pas eu la même ampleur dans toutes les carrières, mais leur diversité
géographique et géologique donne néanmoins une meilleure vision de cette activité
économique antique, souvent très liée à la construction, et qui s'est particulièrement
développée surtout durant la période romaine. La carrière représente un témoin
essentiel d’une activité économique dont l’objectif final est d’assurer
l’approvisionnement d’une ville en pierre.
Mots clés
Carrière, antique, calcaire, matériaux, extraction, construction.
La présente étude concerne huit carrières antiques de pierre calcaire
qui se trouvent à proximité de plusieurs sites antiques situés sur la
feuille de Jbel Fkirine. Son objet est de faire connaître ces carrières et
de reconsidérer ce type particulier de vestiges dans leur ensemble.
La feuille de Jebel Fkirine n°42 est située dans le gouvernorat de
Zaghouan. Elle est localisée sur la Dorsale tunisienne1 et elle renferme
plusieurs montagnes d’altitude considérable qui dépasse 1000 mètres.

1
Une série de montagnes qui, partant du centre de l’Algérie, traverse la Tunisie
obliquement pour s’achever au Cap Bon.
130 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Fig.1 : Localisation de la feuille de Jebel fkirine (n°42) sur la carte du nord de


la Tunisie.
Dans cette étude, nous allons aborder quelques questions concernant
les données géographiques et géologiques de la feuille de Jbel Fkirine
où se trouvent les carrières : les caractéristiques macroscopiques du
calcaire, les techniques d'extraction des blocs et leurs différents types
d'emploi dans la construction.
Structuralement, le zaghouanais se présente comme un terrain
composé en majorité de plaines plio-quaternaires formées par des fosses
d’effondrements de direction S.W-N.E2.

2
H. Sethom, A. Kassab, 1981, p.381.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 131

Fig.2 : Extrait de la
carte géologique de la
Tunisie

Fig.3 : Géologie de la feuille de J. Fkirine3 et emplacement des carrières


antiques

3
Légende de la fig. 3 : -aM3 : Miocène supérieur : alternance de grès et de marnes
parfois à lignite (marne : mélange naturel de calcaire et d’argile).
-vsM3 : Miocène supérieur : série volcano-supérieur.
-Sc1 : crétacé inf. : Marnes, marno-calcaires et alternances.
-M1 : Aquitanien : Grès grossiers à dragées.
-J1-2 : Lias-Bathonien : Dolomies « informes ».
-dC2 : Sénonien supérieur : calcaires crayeux blancs.
-cC2 : Marnes à interaction calcaire.
-C2 : crétacé supérieur non subdivisé.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


132 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Fig.4 : Situation des carrières antiques sur la feuille de Jebel Fkirine

La plupart des villes romaines, même secondaires, ont eu leurs


carrières d'extraction, souvent multiples et offrant parfois diverses
qualités de pierre, dans la mesure où ces cités se trouvaient à proximité
d'affleurements rocheux4.
Ces carrières sont toutes à ciel ouvert et de dimensions importantes
pour la plupart. Elles ont conservées des traces d’exploitations antiques
encore visibles en surface.
Les traces d'exploitation encore conservées, constituent un
témoignage d'une grande valeur sur les techniques d'extraction adoptées
dans une carrière antique, notamment durant l'époque romaine. Les
différentes carrières et les constructions aménagées par leurs matériaux
apportent un témoignage exceptionnel sur le mode d'administration et
de gestion de ces carrières.
Bien que l'extraction et, en général, le travail de la pierre n’aient que
très superficiellement retenu l'attention des archéologues, les carrières
représentent des vestiges archéologiques qui peuvent aider pour une

4
J.C Bessac et R. Sablayrolles, 2002, p. 175.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 133

meilleure compréhension de l’une des côtés des sociétés anciennes5. La


carrière représente un témoin essentiel d’une activité économique dont
l’objectif final est d’assurer l’approvisionnement d’une ville en pierre.
Cette activité englobe plusieurs intervenants tel que les fonctionnaires,
les carriers, les tailleurs de pierre et les artisans, et son étude peut
apporter des informations de nature économique6 et sociale7.
Carrière n°042.001 de Hr. Jlassi

Fig.5 : Carrière de Hr. Jlassi


Situation géographique de la carrière : la carrière antique de Hr.
Jlassi est située au nord de Jbel el Assa, à l’est de Jbel Dar Ahmar, au
sud de Jebel ech-Chenannfa, à l’ouest de Jebel Fouzar et aux
coordonnées Lambert x : 326,534 N ; y : 497,552 E ; Alt. : 338 m8. Le
matériau de la carrière de Hr. Jlassi est un calcaire de couleur jaunâtre
à beige.

5
« L'étude des carrières antiques de Tunisie peut sembler à première vue dépourvue
d'un grand intérêt. Pourtant, si l'on prend la peine de s'y arrêter quelque peu, on
s’aperçoit bien vite qu'il n'en est rien. Au contraire, les renseignements et les
informations que l'on tire nous documentent précieusement sur des aspects de la vie
quotidienne des gens qui travaillèrent et vécurent, volontairement ou non, à l'ombre
de la pierre ». F. Rakob, 1995, p. 62-69.
6
Les infrastructures (routes) et la disponibilité de ressources secondaires (métal pour
les outils, nourriture pour les travailleurs).
7
Dynamiques d’occupation du sol, évolutions sociologiques et techniques.
8
W. Ammouri, 2014, p. 167-168.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


134 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Le calcaire de cette carrière constitue l'essentiel de la pierre de taille


et des matériaux de construction en général employés sur le site
archéologique de Hr. Jlassi.

Fig.6 : Traces d’extraction antiques


Ce calcaire est utilisé abondamment sur le site antique qui se trouve
au pied de la carrière. Il est en usage aussi à Hr. Dhomda et à Gsour
Dhomda qui se trouvent à quelques kilomètres au nord-est de ces
carrières ; il est utilisé dans la construction pour sculpter quelques
éléments architecturaux.
Ce calcaire a tendance à se décolorer sous l’effet des intempéries
pour prendre des taches de couleur rougeâtre. Ces taches existent sur
quelques éléments architecturaux à Gsour Dhomda.

Fig.7 : Taches de couleur rougeâtre à la surface

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 135

Carrière n°042.002 de Gsour Dhomda

Fig.8 : Carrière de Gsour Dhomda


Situation géographique de la carrière : La carrière antique de Gsour
Dhomda est située à l'ouest de Jbel el Assa et à l’est de Kd. Oum el
Akiab, aux coordonnées Lambert x : 330,083 N ; y : 500,816 E ; Alt. :
300 m9. De nos jours, l'accès à la carrière est facile, il se trouve sur une
route locale goudronnée qui la sépare du site archéologique de Gsour
Dhomda qui se trouve juste en face et la relie au site archéologique de
Hr. Dhomda. C'est une grande carrière à ciel ouvert dont le matériau est
un calcaire de couleur gris bleu à gris pigeon. Les excavations ont été
orientée N-S, E-O avec des dimensions de cinquantaine de mètres de
large sur presque 8m de profondeur10. L’existence de filons de calcite
dans la roche calcaire est très remarquable.

9
W. Ammouri, 2014, p. 42.
10
On note encore des traces d’exploitations dans l’oued qui est juste avant la carrière.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


136 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Fig.9 : Filons de calcite


Il existe une importante trace d’exploitation à la carrière de Gsour
Dhomda, mais encore au sud de cette carrière d’autres traces
d’exploitation sont plus éparses et anarchiques.
L’orientation des gradins d’exploitation est presque perpendiculaire
à l’orientation de la pente.

Fig.10 : L’orientation des gradins d’exploitation et de la pente.


La technique d’extraction consiste en tranchées de préparation,
creusées verticalement à partir de la surface. La largeur de ces tranchées

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 137

varie entre 5 et 12 cm. Des entailles horizontales apparaissent à la base


des blocs en préparation.

Fig.11 : Plans stratigraphiques, diaclases et bloc prédécoupé visibles sur le


front de taille de la carrière
D’une manière générale, la taille et la forme des blocs en préparation
sont irréguliers et semblent exclure l’existence d’un programme
d’extraction bien établi, indépendant de la forme finale de chaque bloc.
Il apparaît que les cavités naturelles de la roche et ces points faibles ont
parfois facilité le creusement des tranchées préparatoires pour
l’extraction des blocs.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


138 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Fig.12 : Extraction suivant les lignes de faiblesse de la pierre

À Hr. Dhomda, qui se trouve à quelques centaine de mètres au nord


des carrières, ce calcaire est utilisé abondamment comme pierre de taille
essentiellement et très peu d’éléments architecturaux. La raison pour
laquelle les constructeurs antiques l’utilisent comme pierre de taille
c'est que l'épiderme de ces grès à un aspect assez fruste et rugueux.
À Gsour Dhomda, à quelques mètres à l’ouest de la carrière, ce
calcaire est rarement utilisé pour céder la place au grès.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 139

Fig.13 : Banc présentant sur sa tranche une série d’emboîtures de coins de près
de 6 m de long
L’extraction en carrière d’importants volumes de pierre a également
nécessité l’intervention de nombreux carriers et tailleurs de pierre. Les
habitats des carriers ainsi que les abris pour leur matériel devaient donc
se trouver dans la plaine, probablement non loin des escarpements
rocheux ou sur la plaine elle-même.

Fig. 14 : Structure en pierre à proximité immédiate de la carrière

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


140 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Fig.15 : Blocs abandonnés avec tenon de bardage


En conclusion, les quelques traces d’outils d’extraction dans cette
carrière et des éléments architecturaux repérés sur les ruines des sites
antiques (Hr. Dhomda et Gsour Dhomda) sculptés dans ce matériau,
permettent d’affirmer que la plus grande part de la carrière a été
exploitée pendant la période romaine et même byzantine.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 141

Carrière n°042.003 de Bent Saïdane

Fig.16 : Carrière de Bent Saïdane

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


142 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Situation géographique de la carrière : la carrière antique de Bent


Saïdane est située à Jbel Ben Saïdane (nord, est, sud, ouest) et aux
coordonnées Lambert x : 328,660 N ; y : 505,759 E ; Alt. : 430 m11.
Située à 430 m d’altitude dans l’actuelle Jbel Ben Saïdane, la carrière
de Bent Saïdane s’étale sur près d’une dizaine de mètres. Le site
archéologique le plus proche surmonte cette carrière pour atteindre une
altitude de 470 m.
La pierre de cette carrière est de couleur gris à gris clair. Ce qui
caractérise la carrière c’est qu’elle se trouve sur deux pentes adjacentes
au Jbel Ben Saïdane. Les gradins ont la même orientation que la pente
E-O, mais l’extraction se fait suivant la pente N-S sous forme de zigzag.
Une sorte de rigole reste encore apparente avec des traces
d’emboîtures préparant l'extraction restée inachevée d'une couche de
roche de faible épaisseur (45 cm environ) dans la partie centrale de la
carrière.

Fig.17 : Série d’emboîture de section rectangulaire


On distingue des séries rectilignes de dépressions rectangulaires de
10 cm de côté, parallèles aux tranchées d’extractions mais toujours à
l’écart de leur tracé. Le fond des cavités présente des signes
d’écrasement et une petite dépression centrale, qui font penser à l’action
du mortaisoir, outil caractéristique de la période romaine, destiné à
préparer des emboîtures pour les coins servant à détacher les blocs.

11
W. Ammouri, 2014, p. 29.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 143

fig.18 : Trace d’une emboîture et des impacts de mortaisoir sur le sol de


carrière, à l’emplacement d’un bloc extrait.
Carrière n°042.004 d’Aïn Sfissifa

Fig.19 : Carrière d’Aïn Sfissifa


Situation géographique de la carrière : la carrière antique d’Aïn
Sfissifa est située à Jbel el Gonna (nord, est, sud, ouest) et aux
coordonnées Lambert x : 329,309 N ; y : 523,544 E ; Alt. : 248 m12.
Elle n'est pas bien conservée car elle est en grande partie remblayée.
Seule la partie supérieure du front de taille est visible dans plusieurs

12
W. Ammouri, 2014, p. 102.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


144 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

endroits. Sa forme s'apparente à un rectangle allongé et il est difficile


de connaitre sa superficie et d'évaluer le volume de blocs extraits.
Carrière n°042.005 de Zaktoune

Fig.20 : Carrière de Zaktoune


Situation géographique de la carrière : la carrière antique de
Zaktoune est située au nord de Jbel Bou Dabbous et aux coordonnées
Lambert x : 327,277 N ; y : 520,352 E ; Alt. : 230 m13.
Le matériau de cette carrière est de couleur jaune à jaune ocre plus
ou moins brun.
Les traces des blocs extraits ont parfois donné aux fronts de taille un
profil en gradins. Ces traces nous livrent des renseignements aussi bien
sur la technique d'extraction que sur leurs dimensions, du moins pour
un petit nombre d'entre eux.

13
W. Ammouri, 2014, p. 86.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 145

L’extraction de pierre avait lieu sur trois parois se coupant à angle


assez marqué, ce qui donnait à l’excavation une allure plus ou moins
rectangulaire, le quatrième côté était ouvert pour permettre la sortie des
matériaux.

Fig.21 : Gradins terminés en paroi verticale

Les instruments utilisés étaient sans doute des pics et peut-être, pour
le fond des sillons une pointe ou poinçon.

Fig.22 : Traces d’outils

La pierre est tendre et présente des traces caractéristiques des


techniques d’extraction par havage au pic de carrier (fig.22 : à gauche,
taille layée en séries sur la paroi verticale du gradin ; à droite, sillons
produits par le pic d’extraction, leur espacement varie de 2 à 4 cm).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


146 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Fig.23 : Emboîtures suivant les plans stratigraphiques


Les fronts de la carrière de Zaktoune ont conservé deux types de
traces : d'une part, des séries d’emboîtures parallèles qui ont suivi le
plus souvent les plans stratigraphiques qui représentent généralement
les points faibles de la roche, d'autre part, des sillons plus courts et
désordonnés, résultant d'une rectification des parois au pic. Pour la
technique de débitage, les carriers ont exploité les lignes de faiblesse de
la roche. Les bancs du calcaire sont dans la plupart des cas séparés
horizontalement par de très fines couches de calcite et parfois
verticalement par des diaclases.
Le site le plus proche est celui de Hr. Zaktoune où abonde ce
matériau. Il est utilisé comme opus quadratum, et pour des bases et fûts
de colonne.
Malgré la voie accidentée qui sépare cette carrière du site
archéologique de Zaktoune, les artisans maçons ont recherché une
qualité de pierre qui leur permettait de sculpter des blocs et des éléments
architecturaux avec le meilleur rendu possible.
Carrière n°042.006 de Sidi Boudherouya
Situation géographique de la carrière : la carrière antique au sud de
Boudherouya est située à Jbel ed Dhib (nord, est, sud, ouest) et aux
coordonnées Lambert x : 325,345 N ; y : 517,541 E ; Alt. : 342 m14.
La carrière est longue d’une dizaine de mètres. Des traces
d’enlèvement des blocs sont perceptibles à plusieurs endroits, mais les

14
W. Ammouri, 2014, p. 21.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 147

traces d’outils sont assez peu visibles, on distingue surtout les


emboîtures creusées pour détacher les blocs.

Fig.24 : Carrière de Sidi Boudherouya


Un bloc est encore en place, juste détaché de l’affleurement et il
mesure 2m de long, est large entre 30 et 65 cm et est épais de 50 cm
(fig.25). D’après ses dimensions, ce bloc est donc clairement
trapézoïdal. Le profil du plan inférieur de l’affleurement semble être en
grande partie responsable de cette forme. On peut déjà s’interroger sur
l’intention du carrier de disposer d’un bloc de section trapézoïdale,
assez contraignant : peut-être s’agissait-il simplement d’un bloc de
construction nécessitant un travail de retaille. Plusieurs emboîtures sont
visibles, correspondant à l’enlèvement de ce bloc, mais aussi à
l’enlèvement d’un précédent.

Fig.25 : Bloc avec emboîtures

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


148 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Quatre emboîtures sont visibles sur le bloc détaché suivant sa


longueur. Elles sont généralement espacées de 20-25 cm. Leur largeur
à l’ouverture est de 10 cm, permettant d’insérer un coin de 5-6 cm de
large environ. Le creusement de ces emboîtures a pu se faire
probablement à l’aide d’un mortaisoir, comme c’est souvent le cas à
l’époque romaine15.
Carrière n°042.007 de Souar, l’antique Abthugni

Fig.26 : Carrière de Souar


Situation géographique de la carrière : la carrière antique de Souar
est située à Jbel Fkirine (nord, sud, ouest) et aux coordonnées Lambert
x : 321,605 N ; y : 509,945 E ; Alt. : 270 m16.
La carrière de Souar, l’antique d’Abthugni a conservé très peu de
traces archéologiques des travaux d'extraction effectués durant
l'Antiquité. Les travaux d’exploitation et d’extraction qui y ont été
effectués au cours des dernières décennies ont changé et déformé les
structures architecturales et les matériaux.
Le calcaire des carrières d’Abthugni à une composition à grain fin,
répondant très bien au ciseau et aux travaux de débitage en général. Il
est cassant, friable et très vulnérable aux intempéries. Au premier
contact, certains épidermes corrodés s’effritent surtout par l’humidité17.

15
J.C Bessac, 1996, p. 15-16.
16
W. Ammouri, 2014, p. 149.
17
N. Ferchiou, 1973, p. 639.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 149

La pierre de cette carrière est utilisée abondamment au site antique


d’Abthugni. Elle était réservée à plusieurs usages dans la ville : le décor
architectonique, le décor pariétal, la construction, l’épigraphie, etc. Les
bâtisseurs d’Abthugni ont alors suivi les recommandations de Vitruve
qui recommande d’utiliser les carrières les plus proches et les matériaux
disponibles sur place18.
Notons que les pierres ornementales et les marbres importés pour les
sculptures et d’autres œuvres ne représentent qu'un pourcentage
insignifiant, tant en volume de matériau qu'en quantité de travail
nécessaire pour leur élaboration par rapport à l'imposante masse de
pierres de ce calcaire mise en œuvre dans la ville et dans ses différents
monuments.
La part de ce matériau dans le décor architectonique est très
remarquable. Le respect des proportions, l'exactitude du modelé
révèlent un artiste maîtrisant parfaitement le matériau. En général,
l’emploi de cette roche est spécifique à Abthugni à cause de ses
propriétés techniques pour les éléments architecturaux et moulurés
(bases de colonne, chapiteaux, corniches) et pour les blocs
monolithiques (seuils, emmarchements, fûts de colonne et surtout
l’opus quadratum).
Carrière n°042.008 de Hr. Regba

Fig. 27 : Carrière de Hr. Regba : gradins terminés en paroi verticale

18
Vitruve, I, V, 2. (Perrault, 1999, p. 59-61).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


150 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

Situation géographique de la carrière : la carrière antique de Hr.


Regba est située au nord de Jbel ez-Zbidine, à l’est de Kef Ameur Ben
Helal, à l’ouest de Jebel ed-Diour et aux coordonnées Lambert x :
314,003 N ; y : 506,285 E ; Alt. : 225 m19.
C'est une grande carrière à ciel ouvert. Elle n'est pas bien conservée
car elle est en grande partie remblayée et réutilisée à une époque
moderne. Seule la partie supérieure du front de taille est visible dans
plusieurs endroits. Sa forme s'apparente à un rectangle allongé. De nos
jours, il est difficile de connaître sa superficie et d'évaluer le volume de
blocs extraits. Toutefois, certains bancs de calcaire visibles du front de
taille de la carrière atteignent entre 7 et 8 m de hauteur et une vingtaine
de mètres environ de longueur.
Dans cette carrière, sont employées des techniques dont le principe
général est bien connu : des tranchées verticales, ou havages, étaient
creusées autour du volume de pierre qui devait être extrait, puis le bloc
était arraché au substrat à l'aide de coins fichés dans une série
d'emboîtures horizontales.
Conclusion
L'étude préliminaire de ces carrières ne constitue qu'une première
étape pour une étude plus riche et détaillée. En effet, une prospection
systématique à Jbel Fkirine permettra probablement de retrouver
d'autres carrières de pierres et d'autres constructions antiques ou
médiévales dans lesquelles leurs matériaux ont été utilisés. D'autre part,
des analyses microscopiques (pétrographiques, géochimiques,
géotechniques et isotopiques) des pierres de ces carrières peuvent
déterminer ses caractéristiques mécaniques et métamorphiques et
vérifier la propagation de ces matériaux dans les sites antiques de la
Proconsulaire.
Certes, l’exploitation n’a pas eu la même ampleur dans toutes les
carrières, mais leur diversité géographique et géologique donne
néanmoins une meilleure vision de cette activité économique antique,
souvent très liée à la construction, et qui s'est particulièrement
développée surtout durant la période romaine.

19
W. Ammouri, 2014, p. 200-201.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 151

Il faut rappeler que la situation géographique de quelques carrières


qui possèdent un accès facile en fait des vestiges très vulnérables.
Certaines d’entre elles sont partiellement détruites comme par exemple
les carrières de Souar et celles de Ksour Dhomda. Il est donc nécessaire
de dresser des relevés détaillés, tridimensionnels, des carrières
restantes, de manière à disposer d’une sorte de substitut en cas de
nouvelles destructions. Rappelons en effet qu’il n’existait jusque-là
même pas des relevées schématiques ou des plans pour ces carrières.
Dans ces carrières à ciel ouvert, les traces des blocs débités, mal
conservées sur les fronts de taille de la carrière, n'ont permis de
reconnaitre que quelques dimensions des blocs extraits. Ils sont de
grande et de moyenne tailles. La technique d'extraction des blocs est
similaire à celle observée dans les carrières romaines de Jbel Chemtou,
de Jbel Aziz, de Jbel Oust et dans les carrières antiques de la Byzacène
orientale20.
Néanmoins, dans ces carrières les carriers ont exploité les lignes de
faiblesses omniprésentes dans la roche mère durant l'opération de
découpage de la pierre. Des blocs et des fûts de colonnes ont été utilisés
dans la forteresse byzantine et dans les sites archéologiques les plus
proches de chaque carrière comme par exemple à Zaktoun et à Hr. Jlassi
ou dans des constructions à structure indéterminée dans d’autres sites
comme par exemple à Gsour Dhomda. Des bases et des fûts de
colonnes, des chapiteaux, architraves, frises corniches et d’autres
éléments ont également été employés dans des constructions romaines
du site d’Abthugni. Cela permet de retenir l'idée de l'exploitation de la
carrière au moins durant les périodes romaine et byzantine. Toutefois,
une fouille de ces carrières permettrait de retrouver d'autres vestiges
(outils d'extraction, tessons de céramique, inscriptions) qui pourraient
fournir plus de précisions concernant la date de leurs exp1oitation.
Cependant, plusieurs éléments architecturaux sont repérés sur les
différents sites antiques de Jbel Fkirine. C’est pourquoi un travail
complet consacré à ces sites nécessite en tout premier lieu un inventaire
méthodique des éléments architecturaux, ainsi que leur classement par

20
N. Ferchiou, 1973, p. 633-642 ; N. Ferchiou, 1976, p. 367-402 ; F. Rakob, 1995, p.
62-69 ; A. Younes, W. Gallala, 2012, p. 71-99 ; A. Younes, M.E. Gaied, W. Gallala,
2015, p. 861-867.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


152 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

type, par dimensions et par ordre architectural, pour essayer de


déterminer les monuments et les contextes d’origine de ces éléments et
leur datation.
En outre, les zones exploitées connaissent des dynamiques
d’occupation qui souvent ne se limitent pas qu’à la seule activité
d’extraction de la pierre : elles sont les témoins de l’exploitation du
territoire par une société à une période donnée mais aussi des évolutions
sociologiques et techniques dans le temps des diverses populations qui
les utilisent pour satisfaire leurs besoins en pierre. Cette activité
d’extraction nécessite l’intervention de nombreux carriers et artisans ;
nous ne possédons pour le moment aucune information concernant
leurs habitats ou les infrastructures utilisées. Les composantes
intermédiaires, entre les carrières et le chantier, du paysage de carrière
à Jbel Fkirine restent donc largement inexplorées.
La fouille de carrières demeure donc une perspective essentielle de
recherche. De nombreux aspects de la vie et des activités des
exploitations antiques n'ont encore jamais pu être abordés de façon
exhaustive, en particulier des questions aussi fondamentales que
l'origine des spécialistes de l'extraction, leur condition sociale, leur
mode de vie ou leur intégration aux économies locales. Les principaux
éléments de réponse à ces interrogations se trouvent dans la fouille
d'habitats de carriers, que divers indices permettent de localiser
approximativement dans les sites les plus proches.
Ainsi la méthode d'approche des traces d'outils peut ouvrir de
nouvelles perspectives pour l’élargissement de nos connaissances sur
les systèmes et techniques d’extraction dans ces carrières.
Enfin, nous n’avons pu faire ici qu’une ébauche d’un travail qui
demande de minutieuses et patientes recherches. L’étude ici présentée
ne peut constituer qu’une première approche de la question, dont les
conclusions sont susceptibles d’être complétées ou modifiées par
d’autres recherches plus avancées.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


A propos des carrières antiques de Jbel Fkirine 153

Bibliographie

Atlas et cartes
- Babelon E., Cagnat R., Reinach S., (1893-1913), Atlas Archéologique de la
Tunisie, Paris, feuille n° XLII au 1/50000, de DJ. Fkirine.
- Carte géologique de la Tunisie au 1/50000, République tunisienne,
Ministère de l’économie nationale, Office Nationale des Mines,
département de la géologie, Service Géologique National, 1985.
- Carte topographique au 1/50000, feuille de Jebel Fkirine n°42.
Ouvrages
- J.-P. ADAM, 1984, La construction romaine. Matériaux et techniques, Paris,
1984.
- F. Brahim, 2001, Le Sahel central et méridional : géomorphologie et
dynamique récente du milieu naturel, Tunis, 2001.
- H. Sethom, A. Kassab, (1981), Les régions géographiques de la Tunisie, vol.
XIII, Tunis.
- Ch. Tissot, 1888, Géographie comparée de la province romaine d’Afrique,
2 t. Paris, 1988.
- Vitruve, Les dix livres d'architecture, II, 5, traduction C. Perrault, revue par
M. Nisard, Paris, 1999.
Articles
- J-C. Bessac et R. Sablayrolles, « Recherches récentes sur les carrières
antiques de Gaule. Bilan et perspectives », Gallia, tome 59, 2002, p. 175-
188.
- N. Ferchiou, 1973, « Carrières antiques du djebel. Aziz », dans livre jubilaire
de M. Solignac, Annales des Mines et de la Géologie, n° 26, Tunis, 1973,
p. 633-642.
- Id., 1976, « Une carrière régionale en Afrique : La pierre de Keddel », RM,
83, 1976, p. 367-402.
- F. Rakob, 1995, « Carrières antiques en Tunisie », Les dossiers
d'archéologie, n°200, p. 62-69.
- A. Younes, 2014, « Les pierres marbrières antiques au nord de la dorsale
tunisienne : état de la question et mise au point », Les ressources naturelles
au Maghreb durant l’Antiquité et le Moyen Âge : exploitation, gestion et

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


154 Rached HAMDI & Walid AMMOURI

usage, Vème colloque international (25-26-27/11/2010), Tunis, 2014, p.


161-192.
- A. Younes, W. Gallala, 2012, « La pierre calcaire de la croûte pléistocène en
Byzacène orientale : étude géologique et archéologique », dans Nouvelles
approches méthodologiques en sciences humaines et sociales, Conférences
de l'Ecole Normale supérieure de Tunis, 2012, p. 71-99.
- A. Younes, M.E. Gaied, W. Gallala, 2015, « The roman mio-pliocene
underground quarries at Ksour Essaf (Tunisia) », ASMOSIA, X,
Proceedings of the Tenth International Conference of ASMOSIA,
Association for the Study of Marble & Other Stones in Antiquity, Rome
(21-26 Mai 2012), 2015, p. 861-867.
Mémoire inédit
- W. Ammouri, 2014, Le territoire couvert par la feuille topographique au
1/50000è de Jebel Fkirine n°42 dans l’Antiquité : état de la documentation
archéologique et historique, mastère soutenu à la Faculté des Sciences
Humaines et Sociales de Tunis, 2014.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


THÈME III
Carrières de réemploi, pierre usinée, pigments minéraux
et métaux

Faouzi Mahfoudh : Carrières de marbre et réemploi en Ifriqiya


médiévale
Skander Souissi : Meulières de l’Afrique proconsulaire
Naceur Ayed : Les pigments archéologiques en Tunisie
Abdelhamid Fenina : Mines, métaux et frappe monétaire à Dar al-
Sikka de Tunis sous les Husaynides
Zakia Ben Hadj Naceur-Loum : Métal Monnayé en Afrique à
l’époque romaine
Rim Ben Ali : Les objets métalliques dans le fonds Poinssot
CARRIERES DE MARBRE ET REEMPLOI EN IFRIQYIA
MEDIEVALE

Faouzi MAHFOUDH
Professeur d’Histoire et d’Archéologie islamique
Directeur Général de l’Institut National du Patrimoine
Université de La Manouba

Résumé :
L’extraction de la pierre de carrière et son usinage n’a pas constitué une
préoccupation priopritaire en Ifriqyia à l’époque médiévale. Toute prête à l’usage de
construction et de décoration, la pierre héritée de l’époque antique a fourni aux
chantiers un gisement extraordinaire. Un arsenal juridique ainsi qu’un marché
d’échange se sont mis en place pour en réguler la collecte, la vente, le transport l’usage
et le commerce. L’étude architecturale des édifices de l’époque en sont un témoin
incontestable.et récèle une mine considérable de données sur ce trafic.
Mots-clés
Architecture islamique, Qata’, mosquées, pierre de réemploi, pierre de réemploi

Nous n’en connaissons pas en Ifriqiya médiévale (VIII-XVIe siècles)


des carrières de pierre ou de marbre analogues aux carrières impériales
de Chemtou ou aux grottes de Hawaria. Ce type d’extraction quasiment
industrielle n’a pas été pratiqué au Moyen Age, et les responsables des
pays d’Islam d’une façon générale se souciaient peu ou prou d’ouvrir
de nouveaux gisements. Les seules carrières ex-nihilo, ouvertes et
supervisées par les califes sont celles qui ont été consacrées par le Calife
Omeyyade Abd al-Malik Ibn Marwan à la ville d’Anjar au Liban ; une
ville royale qui de par son plan et sa voirie est comparable aux cités
romaines caractérisées par leur plan hippodamien. Pour le reste, on se
contentait de se servir dans les monuments anciens, là où on trouvait la
pierre, le marbre et les éléments architectoniques prêts à l’emploi. De
ce fait, la grande majorité des premiers monuments islamiques, depuis
la première heure, sont construits par des matériaux remployés. Les
exemples sont nombreux, mais les plus significatifs qui ont donné le la,
sont le dôme du Rocher de Jérusalem et la Grande Mosquée de Damas
où tout est puisé dans des sites antiques.
158 Faouzi MAHFOUDH

En Ifriqiya médiévale, les sites hérités du passé se comptaient par


dizaines de milliers, ils pouvaient servir de carrière non seulement pour
la pierre et le marbre mais aussi pour la fabrication de la chaux vive. Le
recours aux anciennes pierres est déjà très attesté à l’époque romaine
puis et surtout à l’époque byzantine en particulier dans la construction
des forts. Le procédé très répandu et généralisé ne doit pas être jugé
éthiquement et ne doit pas non plus être perçu comme un signe de
décadence ou d’incapacité, mais plutôt un procédé commode et efficace
pour économiser l’énergie humaine et se doter dans des délais très
rapides d’un produit fini et d’une excellente qualité. De la sorte, les
monuments les plus anciens ont tous été bâtis par des pierres
remployées et récupérées sur les vestiges hérités. Les notions actuelles
de patrimoine ou de patrimonialisation, ou du respect de l’héritage
n’existaient pas du tout. On ne les verra en Tunisie qu’avec le début du
XXe siècle. De ce fait, le remploi était massif et sans limite. Les sources
et l’archéologie le confirment.
Pour ne retenir que quelques citations des plus célèbres, nous
rappelons que Bekri au XIe siècle, s’est largement attardé sur la question
en décrivant Carthage et Tunis. Il nous dit que : « Le marbre est si
abondant à Carthage que si tous les habitants de l’Ifriqiya se rassemblaient
pour en tirer des blocs et les transporter ailleurs, ils ne pourraient accomplir
leur tâche ». Pour Tunis il dit que : « A Tunis, les portes de toutes les
maisons sont entourées de beau marbre ; chaque montant est d’un seul
morceau, placé sur les deux autres, forme le linteau. De là vient le dicton : « A
Tunis, les portes de maisons sont en marbre (rokham ; mais à l’intérieur tout
est couvert de suie (sokham) ».
Un siècle plus tard (XIIe siècle), Edrisi confirme l’abondance du
marbre carthaginois en écrivant : « L’aqueduc est l’un des ouvrages les
plus remarquables qu’il soit possible de voir... On y a découvert des
marbres de tant d’espèces différentes qu’il serait impossible de les
décrire. Un témoin oculaire rapporte en avoir vu extraire des blocs de
40 empans de haut, sur 7 de diamètre. Les fouilles ne discontinuent pas,
les marbres sont transportés au loin dans tous les pays, et nul ne quitte
Carthage sans en charger des quantités considérables sur des navires
ou autrement ; c’est un fait très connu. On trouve quelques fois des
colonnes de marbre de 40 empans de circonférence ».

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 159

Le phénomène perdure au XIVe siècle avec autant de vigueur comme


l’atteste Ibn Khaldoun, qui en tant que témoin oculaire observait que :
« Les habitants de Tunis ont besoin de pierres pour leurs constructions
et les maçons apprécient celles des arches. Mais lorsqu'on veut les
démolir, on y passe des jours entiers en faisant seulement tomber, au
bout de pénibles efforts des petits fragments. Pour ce travail les gens se
rassemblent en cérémonie, moi-même j’y ai assisté, maintes fois dans
ma jeunesse. Dieu est Omniprésent ».
a, emplacement en négatif Sur le plan archéologique, l’examen des grands monuments
médiévaux montre le foisonnement des éléments architectoniques
spoliée.
romains utilisés sans se soucier parfois de leurs fonctions initiales ; et
bon nombre de sites antiques conservent les traces de spoliation et de
débitage. Les exemples sont légion. A Carthage dans l’amphithéâtre, à
Younga dans la basilique et vraiment partout.
Un fût de colonne
conservé dans la salle de
prière de la grande
Mosquée de Sfax porte une
inscription où l’on peut lire
sans difficulté le texte
suivant : « Muhammad est
le messager d’Allah. Le
Coran est la parole
d’Allah. Extraction de
Nasr al-Tunusi. Dieu
bénisse ceux qui ont
travaillé et ceux qui les ont
aidés ». Le document date
du IXe siècle comme le
prouve son écriture
coufique et la formule
désormais célèbre : « le
Coran est la parole d’Allah » ; formule qui évoque la controverse
théologique qui opposait à l’époque aghlabide les malikites aux
mutazilites. L’usage du mot extraction (qat’ ‫ )قطع‬montre que les
habitants considéraient les sites comme de véritables carrières où l’on
pouvait se servir à volonté.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


160 Faouzi MAHFOUDH

2/ Inscription aghlabide de la Mosquée de Sfax

Mon collègue et ami Ahmed Saadaoui rattache avec raison me


semble-t-il le fût de colonne de la Grande Mosquée de Kairouan
rehaussé du mot « pour la Mosquée » à l’opération du tri qui se faisait
sur les chantiers de carrière pour choisir les belles pièces et les expédier
pour le sanctuaire le plus vénéré.

3/ Pour la Mosquée, phrase inscrite sur un fut de colonne de la mosquée


de Kairouan

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 161

L’abondance des produits et la richesse du sous-sol ont engendré tout


mouvement qui se mue en un véritable phénomène social et qui consiste
en la recherche des trésors enfouis. Ibn Khaldoun décrit le phénomène
en le réprouvant, car il y voyait une manière illégale et immorale de
gagner sa vie : « Les habitants des villes d’Ifriqiya croient que les
Francs d’avant l’islam ont enterré leurs trésors et confié le secret de
leur emplacement à des écrits, en attendant le jour où ils trouveraient
le moyen de les déterrer. … Ainsi les faibles d’esprit sont nombreux à
organiser des fouilles en se mettant à plusieurs, sous couvert de
ténèbres de la nuit, de peur d’être vus ou espionnés par des agents du
gouvernement. Quand ils ne trouvent rien, ils attribuent à leur
ignorance du talisman qui scelle le trésor, en se dissimulant à eux-
mêmes la faillite de leurs espoirs ».
D’un autre côté on assiste à la naissance d’un commerce de grande
envergure qui se rattache aux produits archéologiques. Les produits
tunisiens s’exportaient à travers la Méditerranée comme le prouve deux
occurrences que nous empruntons à Ibn al-Khatib. L’auteur de Nafh al-
tîb raconte que lors de la construction de la ville d’al-Zahra en 352/963
: « le calife al-Nâsir rétribuait chaque pièce de marbre, grande ou
petite, dix dinars en plus de ce qu’il avait offert pour l’extraction, le
déplacement et le transport. Il importa le marbre blanc d’al-Mariya, le
veiné de Raya, le rose et le vert d’Ifriqiya : de Carthage et de Sfax … ».
Dans un second passage, il précise : « (al-Nâsir) fit venir le marbre
de Carthage, d’Ifriqiya et de Tunis. Il chargea de l’importation
Abdullah ibn Younès (chef des maîtres constructeurs), Hassan et Ali fils
de Jaafar l’Alexandrin. Al-Nasir leur donna pour les petites pièces 3
dinars et pour les colonnes 8 dinars sidjilmassiens. L’on rapporte que
le nombre de colonnes importées d’Ifriqiya est de 1013, celui venant du
pays Franc est de 19. Le roi de Byzance lui en offrit en plus 140… Le
marbre veiné provenait de Raya, le blanc de partout, alors que le rose
et le vert d’Ifriqiya et notamment de l’Eglise de Sfax ».
Comme on peut le constater, le commerce semble avoir été assez
bien structuré. Le calife comptait sur des intermédiaires qui étaient à la
fois d’excellents maçons et d’habiles commerçants. Les cours sont aussi
réglementés et obéissaient à un tarif officiel, même si sur ce point les
récits sont assez divergents. Le texte parle des frais d’extraction (qat’),
du transport terrestre (naql) et du transfert maritime (haml).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


162 Faouzi MAHFOUDH

Le marbre était acheminé vers l’Espagne par voie maritime


principalement par les ports ou les mouillages de Carthage, de Tunis et
de Sfax. La mention de Carthage n’est point étonnante, la ville est
célèbre par ses monuments antiques, qui, durant tout le Moyen Age et
à l’époque moderne, ont servi de carrière. l’Ifrîqiya orientale (la
Tunisie) était à l’échelle méditerranéenne le principal pourvoyeur de
marbre antique.
L’ampleur de l’activité nécessitait l’intervention de l’Etat qui
cherchait à réglementer le secteur et à renflouer ses caisses. Point de
difficulté pour trouver une base juridique légale afin de légitimer la
fiscalité sur le secteur. On trouvait dans le Coran, sourate 8, verset 41
ce qu’il fallait : « Sachez que, de tout butin que vous avez pris, le
cinquième appartient à Allah, au messager, à ses proches parents, aux
orphelins, aux pauvres, et aux voyageurs, si vous croyez en Allah et en
ce que Nous avons révélé à notre serviteur, le jour où l’on discerna
entre les hommes justes et les incrédules (…). ».
A partir de là toute une littérature juridique est consacrée au
« rikâz »: terme qu’on appliquait à l’argent enfoui sous terre. Les
jurisconsultes faisaient la distinction entre deux cas de figure :
- Ils appliquent la règle du cinquième (20°/°) si les pièces sont
antéislamiques et portent les noms ou les effigies des anciens rois
(païens).
- Mais si les pièces sont de l’époque islamique, ils appliquent la règle
des objets trouvés, qui stipule que les 4/5 reviennent aux découvreurs
et le 1/5 devrait être versé à l’Etat.
La littérature juridique (fiqh) foisonne de questions relatives à la
question du réemploi. On voulait tout savoir, tout contrôler. Parmi les
questions que l’on se posait et qu’on peut lire dans les manuels de fiqh
on note :
- Est-il permis d’utiliser des colonnes d’un monument ancien en
changeant leur emplacement initial ? Est-il permis de vendre les ruines
d’une mosquée délaissée qui se trouvait en face du palais du
gouverneur ? Est-il licite d’utiliser les ruines amassées dans la cour
d’une mosquée et qui proviennent de son sous-sol antique ? Est-il
permis d’utiliser les ruines d’une mosquée dans une autre ? Est-il

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 163

possible de reconstruire avec les ruines d’une mosquée ensablée ? Est-


il admis d’user les pierres tombales anciennes ? Peut-on vendre les
ruines d’un monument constitué bien de mainmorte ?
Assez souvent les réponses tendent à légitimer et à autoriser la
pratique, surtout lorsqu’elle est en faveur des édifices musulmans.
Quelques consultations (fatwa) sont, à notre sens, très révélatrices de
l’ambiance qui prévalait alors et illustrent l’ampleur de l’activité et la
volonté du Pouvoir de réglementer et de soumettre le secteur à son
contrôle direct. Non seulement l’activité pouvait s’exercer
individuellement, mais aussi on voyait naitre des sociétés d’extraction
spécifiques et spécialisées dans la recherche et la fouille des vestiges et
des sites antiques.
La première consultation nous est consignée par Burzuli, elle émane
d’ibn Rushd via Sahnun, elle dit : « Nous avons dit plus haut qu’Ibn
Rushd avait mentionné, se référant à Sahnûn et à d’autres, les différents
avis relatifs à la société contractée pour l’extraction d’une part
indéterminée de matériaux (enfouis). Ceci doit se faire par analogie à
l’association agricole. La société pour l’extraction des ruines ne peut
être contractée du fait qu’on ne peut déterminer la quantité finale des
objets à dégager, et ce contrairement à la société d’extraction minière
dont les résultats pourraient être estimés d’avance.
Concernant la pierre des villes disparues, sache que ces
constructions sont celles des Rûms et qu’on doit leur appliquer la règle
précitée. Et qu’on peut in fine considérer qu’elles sont une propriété
des Musulmans du fait qu’on ne peut connaître, ou espérer connaître,
les propriétaires initiaux. Les ruines ainsi possédées par les pauvres
sont donc licites. Il est même permis qu’elles soient achetées par les
riches. Il est aussi légitime d’en faire bénéficier les Musulmans et les
services religieux (masalih). Mais ceux qui sont prudents pourraient en
faire don…Mais si ces biens ne peuvent être acquis qu’avec des
dépenses et des rétributions, nous sommes alors devant un cas très clair
et les fuqahas considèrent qu’il serait mieux, d’engager des nécessiteux
pour qu’ils jouissent des bienfaits et des rétributions …Cette règle
s’applique également aux pierres de l’aqueduc monumental de
Zaghouan, aux ruines de Carthage ainsi qu’aux villes de l’Ifriqiya
antéislamiques« Quant aux ruines de Kairouan on doit leur apposer la

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


164 Faouzi MAHFOUDH

règle de l’identification du propriétaire de la chose trouvée. En


revanche aux ruines de Sabra doit s’appliquer la règle relative aux
biens des Banî Ubayd que nous avons évoqués plus haut et que nous
avons dénommés les Mashariqa »
« Le chiite est comparable au mécréant. On ne peut donc en recevoir
l’héritage, mais en admettant qu’on puisse le faire légalement, on ne
peut l’hériter du fait qu’il est au service du Sultan ».
La deuxième fatwa, nous la devons à al-Qabusi « Abu Zakariya
interrogea le Chaykh Abû-l-Hassan al-Qâbisî sur des églises
chrétiennes en ruines dont les musulmans employèrent les pierres pour
édifier une citerne destinée aux musulmans et, par-dessus cet ouvrage,
une mosquée ; la chose est-elle licite ? Peut-on se servir de l’eau de
cette citerne pour ablutions ?
La réponse est : si ces églises en ruines l’étaient à l’entrée des
musulmans dans la ville et si les chrétiens tributaires (naçara al-
dhimma) ne les ont pas occupées par la suite sous l’Islam, il n’y a pas
de mal à user de la citerne, ni à prier dans la mosquée. Si les tributaires
les ont occupées sans qu’on les en ait empêchés et s’ils en ont eu la
libre jouissance depuis la conquête musulmane et que ces églises soient
ensuite tombées en ruine sans que les tributaires aient pu les réparer,
il n’est pas valable de prendre des pierres des ces édifices car elles sont
leur propriété, tant que leur statut de tributaire demeure en vigueur. Si
tel est le cas et que les tributaires réclament les pierres qui ont servi à
édifier la construction dont vous parler, ils en ont le droit, à condition
qu’il soit possible de récupérer les dites pierres intactes afin qu’ils les
utilisent pour effectuer les réfections qui leur incombent. Si au
contraire, elles ont été abimées par le remploi, au point qu’après les
avoir récupérées, ils ne peuvent plus les utiliser pour construire, ils ont
droit à être dédommagés par ceux qui les ont prises et remployées, du
montant de ces pierres au moment où elles furent prises dans les ruines,
et ils en affecteront le montant à la réfection leur incombant de ces
églises. Qu’Allah nous accorde assistance.
La présence des pièces antiques dans les monuments islamiques est
une opportunité inespérée pour les archéologues de l’Antiquité et de
l’Islam. Je me limite dans ce papier de présenter trois documents qui
sont à mes yeux d’un grand intérêt historique et archéologique.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 165

1/ Le premier document est une inscription latine trouvée au


milieu des années 60 du XXe siècle sur le revers d’un des panneaux du
mihrab de la grande Mosquée de Kairouan. Il semble bien qu’il s’agisse
d’un tarif fiscal du quatrième siècle. En 1913 Alfred Merlin avait publié
lui aussi une inscription similaire à la notre qu’il avait trouvée dans la
même mosquée. Manifestement nos deux textes proviennent d’une
inscription très longue et très imposante qui se trouvait à Carthage et
que Charles Saumagne a magistralement publiée en 1950.
Cette découverte donne donc aux Antiquisants le document le plus
long et le plus complet qui s’ajoute aux nombreux fragments connus à
Carthage et qui pourra leur servir à reprendre le dossier et à affiner leurs
conclusions. Pour les médiévistes le document est de taille, du fait qu’il
permet de trancher deux points essentiels jusque là en suspend :
- Le premier est l’importance de Carthage comme source
d’approvisionnement de marbre pour Kairouan. Car jusque ici on se
contentait de l’affirmer sans avoir les preuves. Maintenant nous en
sommes sûrs et affirmatifs : Carthage a fourni le marbre, et une partie
des colonnes de la Grande Mosquée de Kairouan.
- Le deuxième point est que le mihrab est sans doute ifriqiyen. Sur
ce point il y avait un doute qui persistait surtout après la lecture de
quelques auteurs du Moyen âge et notamment Ibn Naji qui nous dit
clairement que « le mihrab fut importé entièrement façonné d’Irak avec
des plaques en marbre sculpté et des carreaux de céramique yéménite
… le minbar fut fabriqué avec du bois importé de Bagdad ».1 Cette
découverte infirme totalement son avis. Car la nature africaine de
l’inscription latine n’est pas à mettre en doute. Sans risque d’erreur nous
pouvons affirmer que le sculpteur est un ifiriqiyen qui a puisé sa matière
première à Carthage et c’est delà aussi qu’il avait pris ses motifs.
L’histoire d’une niche importée d’Irak est infondée, elle est fictive.
L’inscription arabe trouvé par Lotfi Abdeljaoued exécutée en coufique
aghlabide creux, comportant la phrase : « fait par le maître Abu’l-ʿAfiya
Allam (ou Ghulam) al-Andalusi » clos le dossier et montre que la niche
a été faite par un ifiriqiyen d’origine andalouse.

1
Marçais, Les faïences à reflets métalliques.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


166 Faouzi MAHFOUDH

4/ Inscription latine de Carthage

5/ Inscription latine du mihrab de Kairouan

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 167

2- Le deuxième document est un bas-relief byzantin de la


mosquée de Sfax.
C’est un important document négligé et largement méconnu qui se
trouve au dessus de la quatrième fenêtre en partant du mur de la qibla
de la mosquée de Sfax. Il s’agit d’un bas-relief byzantin portant une
inscription grecque avec un dessin de deux paons affrontés de part et
d’autre d’un calice. Sur la pierre, on lit l’invocation suivante :
«Accorde-nous la vertu et la joie sa compagne, qui décorent cette
vénérable demeure à toi consacrée».
Comme nous le savons la Mosquée de Sfax, a été totalement
reconstruite sous le règne de l’émir Abū al-Fatḥ al-Manṣūr (deuxième
monarque ziride 984-995) comme l’atteste une inscription martelée
datant de l’an 988 se trouvant sur la façade du monument (Marçais et
Golvin, 1960). L’ancien oratoire aghlabide a été totalement rasé ; et
sous les premiers Zirides l’Ifriqiya étaient encore sous domination des
califes chiites du Caire et les signes de vassalité entre les émirs et leurs
suzerains étaient très nombreux.
Or pour les chiites l’usage des images ne posait pas de problème et
ne souffrait point d’interdit. Ainsi, les bâtisseurs du sanctuaire n’ont
éprouvé aucun embarras à user des représentations animalières dans
leur nouvelle mosquée. Leur adoption pourrait, à la limite, être
interprétée comme un signe de ralliement envers les maîtres du Caire et
leur idéologie dominante.

6/ Bas relief byzantin de la grande mosquée de Sfax

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


168 Faouzi MAHFOUDH

L’adoption de la plaque sur la façade principale de la Mosquée de


Sfax ne semble pas le produit d’un hasard, mais plutôt un acte réfléchi
et voulu. En effet, dans la Mosquée du sultan Farag ibn Barquq
construite au XIVe siècle, les archéologues du début du XXe siècle ont
découvert une imposante dalle en marbre (2.45 /93 / 9.5 cm) qui
provient vraisemblablement du palais fatimide occidental érigé par le
calife al-Mu’izz en 969. Dans cette plaque en marbre blanc, on peut
percevoir la même scène et les mêmes éléments iconographiques
attestés à Sfax : deux paons affrontés de part et d’autre d’un calice, qui
prend la forme d’une volute, d’où émanent des tiges de vignes et des
grappes de raisins. Le paon gauche est dans les deux plaques martelé
ou lisse. Seules les colombes ne sont pas représentées sur le panneau
cairote.
La ressemblance entre les deux bas-reliefs est saisissante. Les
Sfaxiens ont, selon toute probabilité, copié une image, qu’ils ont peut
être aperçue dans la demeure du calife. En revenant chez eux, ils ont
tout simplement déterré la plaque d’un site antique et ils l’ont affichée
au bon endroit, sur la façade de leur Mosquée.

7/ Panneau aux paons provenant du palais occidental


Égypte, Xe - XIe siècle (Le Caire, Musée d'art islamique. Réutilisé dans la mosquée Sultân
Fârâg b.Barqûq du Caire)

Le thème du paon fut aussi un thème récurrent dans l’art de l’Islam.


Il est devenu même un emblème chiite comme le laisse entendre les
propos extraits du livre la voie de l’éloquence (Nahj al-Balâgha), qui
rassemble les paroles du calife Ali ibn Abi Talib. Dans la deuxième
partie intitulée, création des animaux et description de certaines
espèces, le paon bénéficie non seulement de la plus longue description,
mais aussi des propos les plus élogieux ; il est présenté comme l’une

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 169

des créatures les plus parfaites et la preuve de l’Omnipuissance et de


l’Existence de Dieu Créateur. Le texte loue longuement la beauté du
volatile et sa perfection en disant : « qu’Allah l’a créé dans de parfaites
proportions et arrangé ses nuances avec la meilleure harmonie… Si
vous les compariez à quelque chose poussant sur terre, vous diriez qu’il
est comme un bouquet de fleurs cueilli à chaque printemps… il
ressemble aux fleurs dispersées qui n’ont subi ni pluies du printemps ni
le soleil de l’été’’ (Nahj al Balagha, 1990, p. 152-155).
Ainsi, et si l’on prend en compte cette littérature chiite, on est amené
à penser que la présence des paons sur le bas-relief de la façade de la
Grande Mosquée de Sfax n’est pas fortuite, elle serait donc justifiée par
sa symbolique chiite. C’est cette connexion entre l’animal et sa
perception idéologique qui explique, à nos yeux aussi, le grand nombre
de statuettes en cuivre représentant le paon découvertes en Égypte, en
Iran et dans la ville chiite d’al-Manṣūriya Sabra. Les musées du Louvre,
du Caire et du Bardo, conservent quelques unes de ces pièces qui
devraient être donc rattachées aux chiites et à leur doctrine
philosophique.
Le motif du paon, tout en circulant assez largement à travers la
Méditerranée, pouvait avoir une perception variable. Chez les sunnites,
peu portés sur la science des signes, il est presque dépourvu de sens ;
chez les chiites, il symbolise la Puissance du Créateur, la Beauté divine,
la paix et l’au-delà ; alors que chez les chrétiens, il est l’emblème de la
Pureté, de l'Immortalité de l'âme, de la Résurrection, de la Divine
Grâce, de l'Incorruptibilité de l'âme et du fidèle qui communie au corps
et au sang du Christ.
Si nous dressons la cartographie de la diffusion de la représentation
du paon en terre d’Islam, nous pouvons délimiter globalement trois
principaux grands foyers :
Il y a d’abord l’orient, et plus particulièrement le monde irako-persan
et l’Égypte, là où le chiisme domine avec force et s’impose à toutes les
autres confessions ; c’est là que nous rencontrons le plus grand nombre
d’illustrations du paon que le contexte confessionnel pourrait justifier
et expliquer aisément ;
Il y a ensuite l’Espagne califale, où le sunnisme a été fortement
imprégné à la fois par le christianisme et le chiisme dominant le

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


170 Faouzi MAHFOUDH

Maghreb et les îles de la Méditerranée. Enfin, il y a la Sicile normande


où le paon est présent, sans doute sous l’influence à la fois du
christianisme et du chiisme, car ne l’oublions pas, avant de redevenir
chrétienne la Sicile fut ifriqiyenne et a subi l’influence successive de
Kairouan, de Mahdia et du Caire. Ainsi s’explique les multiples
représentations du paon dans la chapelle palatine de Palerme construite
sous le règne de Roger II entre 1143 et 1150.
L’importance du paon en Sicile normande nous invite à réexaminer
la chronologie de l’adoption du panneau dans la Grande Mosquée de
Sfax. Sachant que les Normands ont occupé la ville pendant une
douzaine d’années de 1148-1160 et qu’ils ont investi sa Grande
Mosquée, on peut alors songer qu’ils ont profité de leur domination
pour accrocher le bas-relief et l’afficher ostentatoirement sur la façade
principale de la Grande Mosquée afin de montrer leur triomphe et leur
victoire.
Cette supposition, assez séduisante, nous semble peu crédible, car
nous devons rappeler que l’incrustation de la plaque sur la façade
orientale s’inscrit dans un programme architectural complet, et notre
bas-relief ne peut être appréhendé sans comprendre l’ordonnancement
initial de la façade et son esthétique générale. Il semble que dès le début,
chaque baie avait été rehaussée d’une plaque ou d’un motif.
En plus de son caractère chiite, notre pierre portait en elle-même un
message de réconciliation envers les chrétiens du pays. Ces derniers
sont devenus de plus en plus minoritaires et marginalisés en dépit de
leur poids économique avéré. L’on sait, en effet, par des inscriptions
latines découvertes dans la région de Kairouan que les chrétiens
d’Ifriqiya ont conservé leurs préceptes, leurs langues, leurs us et leurs
coutumes. (J-M. Lassère, 2005, 2 vol., 576 et 608).
On peut à la limite supposer que le fait d’afficher un de leurs
documents sur un sanctuaire musulman est en soi un témoignage de
concordance et d’apaisement à leur égard. L’on fait de la sorte d’une
pierre deux coups.
L’utilisation massive dans la Mosquée de plusieurs pièces de
remplois, tels que les fûts de colonnes, les bases et les chapiteaux de
tous genres, y compris les historiés dans la salle de prière ; ainsi que le
recours aux bas-reliefs, aux inscriptions et à l’autel sur la façade

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 171

orientale, montrent qu’il y a eu une grande opération d’extraction


d’éléments puisés dans des basiliques et dans des sites antiques de la
région. Cependant, dans ce nouveau contexte, les objets rapportés ont
perdu leurs significations initiales.
3/ L’inscription de la Mosquée al-K’sar de Tunis
Le troisième document est une inscription latine qui se trouvait dans
la Mosquée d’al-Ksar de Tunis, qui est l’une des plus singulières de la
médina. Située dans le quartier ouest de la ville, dans une zone
périphérique, non loin de l’ancienne porte hafside Bâb M’nara et à
quelques mètres seulement de l’emplacement des remparts, elle frappe
le visiteur par son architecture imposante, ses murs très épais, sa pierre
de grandes dimensions et son décor atypique. L’édifice occupe un
enclos rectangulaire de 50 m sur 19 m. Sa façade principale donne sur
la rue dénommée el-Ksar, qui mène vers une petite place aménagée
devant l’actuelle Dar Hussein. Il se compose de deux organes distincts,
disposés en enfilade sur un axe Est-Ouest. L’aile orientale est occupée
par la cour et la salle d’ablution, l’aile ouest est réservée à la salle de
prière.
La datation de cette mosquée est incertaine. Les uns pensent qu’il
s’agit d’une mosquée khorassanide, les autres soutiennent que l’on a
affaire à une ancienne église. Robert Brunschvig fut parmi les premiers
auteurs à défendre l’idée d’une mosquée khorassanide2. Attribution
reprise par la suite par maints chercheurs dont Louis Poinssot, Hédi
Roger Idris, Jacques Revault et Georges Marçais. De nos jours, cette
thèse, est admise par la grande majorité des chercheurs3. Or, il se trouve
qu’elle ne se fonde ni sur les écrits anciens, ni même sur la tradition
populaire qui, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle,
prétendait que la Mosquée était une ancienne église romaine.
2
Art. “Tunis”, EI.1.
3
S.M. ZBISS, la Médina de Tunis, Tunis, 1981, p. 18. cf. aussi du même auteur, À
Travers les Monuments Musulmans de Tunisie, Tunis , 1963 , p. 18 et l’Art Musulman
en Tunisie, Tunis, 1978, p 140 ; voir aussi A. DAOULATLI 1976, p. 60 et Kh.
MOUDOUD, L’art funéraire de Tunis sous les Banû Hurassan, Thèse Paris IV, Paris,
1983. L’idée d’une mosquée musulmane est défendue par N. HENTATI, Târikh
Médinat Tûnis munth al-fath al-carabî li Ifrîqiya ilâ qiyâm al-dawla al-hafsiya,
Certificat d’Aptitude à la Recherche, Tunis, 1983-1984 “L’histoire de Tunis depuis la
conquête arabe jusqu’a l’avènement de l’État hafside”, voir surtout p. 86.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


172 Faouzi MAHFOUDH

Cette dernière opinion est clairement énoncée par l’architecte


français H. Saladin qui, dans son ouvrage sur Tunis et Kairouan, paru
en 1908 notait : “Si nous retrouvons à Carthage des ruines de l’époque
chrétienne, antérieures, contemporaines et postérieures à l’occupation
vandale, rien ne subsiste à Tunis des anciennes églises chrétiennes sinon
la Djâmi el-Kasr où la tradition orale locale veut voir une ancienne
église transformée en mosquée...”4. L’origine antique de la mosquée est
approuvée par un érudit local Mohammed Belkhoja, qui écrivit en 1935
: “Ce qui est admis et réputé, c’est que cette mosquée était une église
au moment de la conquête musulmane. Ceci, dit il, est confirmé par la
transmission orale, qui est en soi une preuve irréfutable”5.Belkhoja
fournit une série de preuves qui, selon lui, attestent de l’origine antique
du monument6. Mais la preuve qu’il estimait décisive est la présence
d’une inscription latine, perdue croyait-il.
L’inscription en question a été publiée par Delattre. Elle donne le
texte suivant :
Dom
votis. adiacem: populi. senatu. genevense. favente. r. q. {p}
grego XIII annuente. epllt. mensa. per. quinquennium. praesul{e}
consulto. destituta. gensum. ministrante. aedibus hisce. sacris.
er{ectis}
iulius. iustus. sixto. v.p.a. electus. epus. extremum. posiut. lapidem.
utinam posuisset. et. primum. ann. m. dxc {iii}

4
H. SALADIN, Tunis et Kairouan , Paris, 1908. cf. fig. n° 1.
5
M. BELKHOJA, Târikh mcâLim al-tawhîd fî al-qadîmi wa al-Jadîd, éd. Jilani BEL
HAJ SADOK et Hammadi AL-SAHLI, Beyrouth, 1985, p. 165-177.
6
Selon lui les preuves de son ancienneté sont multiples : 1- aucune source arabe ne
mentionne la construction de cette mosquée ; 2- le mode de construction de l’édifice
rappelle celui de l’anté-islam ; 3- la technique de décoration de la façade ouest se fait
par des voussures comparables à celles des églises d’Italie ; 4- la faible profondeur
du mihrab prouve qu’il a été taillé dans un mur d’un monument préexistant ; 5- la
forme carrée du monument peu courante dans les mosquées médiévales du pays et
l’existence d’une inscription chrétienne (disparue nous dit-il) plaident en faveur d’une
origine chrétienne.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 173

Ainsi et comme on peut le lire, après la formule consacrée Deo


optimo Maximo (Merci au Tout Puissant), l’inscription nous apprend
que l’église avait été construite pour répondre au vœu du peuple
d’Ajaccio, avec l’agrément du Sénat de Gênes et l’approbation du pape
Grégoire XIII (1572-1585). Iulius Justus, évêque élu par le pape Sixte
Quint (1585-1590) en posa la dernière pierre en l’an 1593. L’inscription
se termine par une formule pieuse: Plût à Dieu qu’il eût aussi posé la
première pierre! utinam. posuisset et primum 1593.
Longtemps l’inscription a été introuvable, mais récemment (2018)
lors de l’aménagement d’un centre d’interprétation de la ville de Tunis,
au voisinage du ministère de la culture nous l’avons trouvée morcelée
en trois parties et nous pouvons en donner une photographie. Il ne s’agit
donc pas de celle qui est utilisée en tant que linteau dans la porte nord
et qui existe encore scellée dans le monument, celle-ci est encore
inédite.
Il est étonnant d’observer de prime abord que le texte n’a aucune
relation avec la mosquée qui nous occupe, il ne s’agit pas non plus
d’une inscription latine antique remployée, ce n’est en fait qu’une
inscription tardive dont le texte se rapporte à l’édification d’une
cathédrale d’Ajaccio en l’an 1593. D’après Delattre, la plaque a été
apportée par “ces pirates redoutables de Tunis. Quelques années plus
tard elle avait été collée dans le monument tunisois”7. Sans entrer dans
les détails, l’explication de Delattre ne semble pas très fondée. Il faudra
chercher d’autres raisons pour expliquer la présence de cette pierre à
Tunis.
On ne peut donc, à partir de l’inscription, parler de la réutilisation
d’une ancienne église, ce n’est en fait qu’un élément de remploi, et il
n’est pas le seul dans le monument. Louis Poinssot avait publié, lui
aussi, un fragment inscrit sur un chapiteau du portique sud-est portant
la mention ex. officina. lat/ ticaunia8.
Il n’est peut être pas exclu que ces inscriptions et en particulier celle
rapportée de la cathédrale d’Ajaccio aient forgé et fortifié l’idée que le
monument était ancien et qu’il avait été une église antérieure à l’arrivée
de l’Islam à Tunis, réutilisée par les premiers conquérants.
7
Op. cit., p. 450.
8
L. POINSSOT, “Quelques inscriptions de Tunisie”, BCTH, 1911, p. 302-310.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


174 Faouzi MAHFOUDH

Manifestement, l’interprétation du remploi peut induire en erreur, si on


se laisse abuser. L’examen minutieux de l’édifice montre qu’il s’agit
plutôt d’une forteresse byzantine. Là les preuves ne manquent pas : des
murs très épais de 2 à 3 m. d’épaisseur, un chemin de ronde aménagé
dans l’âme du mur, des meurtrières à ébrasement et des oculi dans les
parties hautes des murs, etc. La situation du monument fortifie cette
dernière observation9.

8/ Inscription de la mosquée el Ksar de Tunis

9/ Inscription de la cathédrale d’Ajaccio

9
Voir F. MAHFOUDH, Architecture et urbanisme…, Tunis, 2003, p. 185-209.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Carrières de marbre et réemploi en Ifriqyia médiévale 175

BIBLIOGRAPHIE

Marçais, Les faïences à reflets métalliques.


Art. “Tunis”, EI.1.
S.M. ZBISS : La Médina de Tunis, Tunis, 1981
S.M. ZBISS : À Travers les Monuments Musulmans de Tunisie, Tunis , 1963
S.M ZBISS : Musulman en Tunisie, Tunis, 1978
A. DAOULATLI 1976
Kh. MOUDOUD, L’art funéraire de Tunis sous les Banû Hurassan, Thèse
Paris IV, Paris, 1983.
N. HENTATI, Târikh Médinat Tûnis munth al-fath al-carabî li Ifrîqiya ilâ
qiyâm al-dawla al-hafsiya, Certificat d’Aptitude à la Recherche, Tunis,
1983-1984 “L’histoire de Tunis depuis la conquête arabe jusqu’a
l’avènement de l’État hafside”
H. SALADIN, Tunis et Kairouan , Paris, 1908.
M. BELKHOJA, Târikh mcâLim al-tawhîd fî al-qadîmi wa al-Jadîd, éd. Jilani
BEL HAJ SADOK et Hammadi AL-SAHLI, Beyrouth, 1985
L. POINSSOT, “Quelques inscriptions de Tunisie”, BCTH, 1911.
F. MAHFOUDH, Architecture et urbanisme…, Tunis, 2003.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


MEULIERES DE L’AFRIQUE PROCONSULAIRE

Skander SOUISSI
Docteur’s Histoire ancienne Archéologie
Faculté de Lettres Arts et Humanité de La Manouba

Résume
L’étude des meules et des moulins en Afrique proconsulaire notamment d’origine
locale a franchi plusieurs domaines et pistes de recherches y compris les aires
d’extraction ou les meulières. En effet, faire le point sur ces carrières est très important
du point technique pour savoir le type des roches utilisées, la forme des meules
extraites, les techniques d’extraction ainsi que les outils qui peuvent être utilisées dans
la taille de ces objets. Mais aussi du point de vue historique pour s’arrêter devant la
diffusion des meules de type local qui vont substituer progressivement les meules
volcaniques importées. Malgré l’abondance des pièces de broyage et d’écrasement,
témoin d’une production de grande envergure, les traces des meulières sont très
rarissimes en Afrique antique.
Mots clés
meules, moulins, Afrique proconsulaire, meulières, roches.

L’extraction des roches et l’utilisation des pierres ont caractérisé


l’activité humaine depuis le Paléolithique (il y a environ 2.5 million
d’années) jusqu’à nos jours, d’où la désignation de l’âge de pierre en
tant qu’un indicateur de cette période de l’histoire humaine. Les
premières formes d’extraction apparaissent avec les minières
néolithiques de silex de Spiennes (Belgique), où en 18421 a été
découverte une série des puits et des galeries souterraines destinées à
l’extraction du silex. D’après la datation radiocarbone, ces minières
furent exploitées entre 4300 et 2200 av.-C2. De la taille des silex ou des
galets jusqu’à l’édification de monuments colossaux, la pierre a été un
matériau de base de l’outillage, de la construction et de la décoration.
De ce fait, « on peut affirmer que de plus tendres aux plus dures, toutes
les roches susceptibles de donner des pierres dimensionnelles ont été

1
- Briart et al., 1872; Collet, 2012, p. 21.
2
- Collet, 2012, p. 23.
178 Skander SOUISSI

exploitées durant l’Antiquité »3. L’humanité a cherché la bonne pierre


pour le bon usage. Les roches sont évaluées par leur résistance à
l’écrasement, par leur aspect esthétique (surtout la couleur), ainsi que
par leur coût d’extraction et de transport, notamment lorsqu’il s’agit
d’une importation lointaine.
Du point de vue lithologique, on distingue trois types principaux des
roches, en fonction de leur origine et de leur composition :
- Les roches magmatiques proviennent du refroidissement d'un
magma ; elles sont qualifiées de volcanique quand elles se
forment lors des éruptions à la surface de la terre ou de
plutoniques quand elles se forment par refroidissement et
cristallisation en profondeur (basalte, granite, rhyolite).
- Les roches métamorphiques proviennent de la transformation
structurale et/ou minérale à l’état solide des roches préexistantes
soumises à des nouvelles conditions de pression et température
(gneiss, amphibolite, schiste..)4.
Les roches sédimentaires forment le gros de l’écorce terrestre. Elles
se sont formées au voisinage de la surface de la lithosphère par
transformation des sédiments qui s’y sont déposés. Parmi ces roches,
citons le grès, le calcaire et le conglomérat.
Parmi les divers types des roches qu’on peut exploiter, quelles sont
les plus adéquates pour le façonnage des meules et des instruments de
broyage en Afrique Proconsulaire ? D’après notre étude5 on a déduit
l’importance des calcaires fossilifères dans le façonnage des meules
notamment les meules à grain. Que ce soit en Afrique proconsulaire ou
dans le monde antique cette roche s’est présentée comme « le
concurrent lithologique » des roches volcaniques.
1. Caractéristiques générales des roches fossilifères
Tout au long de l’antiquité, le calcaire coquiller fut la roche
concurrente des roches volcaniques dans l’industrie des meules, et

3
- Bessac et Sablayrolles, 2002, p. 177.
4
- http://mapage.noos.fr/toutsurlessvt/rochesgeneralites.html#rochesmetamorphiques
5
- Souissi, 2020, Vol. I.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 179

éventuellement pour les constructions6. Ce calcaire est formé par une


masse des débris des coquilles cimentés par de la calcite ou de la
dolomite. Ce matériau est resté très demandé jusqu’au nos jours7 car sa
surface dure et poreuse facilite le « déroulement » des grains et leur
broyage. Ces roches se rencontrent dans plusieurs formations d’âges
géologiques différents. Au Jebel Siouf, le Lutétien supérieur-
Priabonien est représenté par une série qui débute par les niveaux
calcaires succédant au membre de la formation Siouf. Ces dépôts se
poursuivent par des alternances de calcaires dolomitiques fossilifères
avec des niveaux lumachelliques à huitres et à gastéropodes 8. Au nord
et dans la région de Zaghouan-Ressas, la série du Jurassique supérieur
(Tithonien), qui affleure au Jebel Lazrag est formée par des calcaires
riches en Saccocoma, échinodermes, Aptychus…etc.9.
Contrairement au calcaire local de surface lisse, le calcaire coquiller
est beaucoup mieux adapté à la mouture des céréales qu’au broyage des
olives. Dans le site de Zama, on a repéré 37 meules à bras, dont 31 sont
taillées dans le calcaire coquiller. L’examen de la carte géologique de
Siliana10 montre que la région de Zama se trouve au cœur des
affleurements de l’éocène inférieur qui correspond à la formation
Métalaoui. Au niveau du flanc Nord-Ouest du synclinal de Siliana, on
note la présence de globigérines, et au niveau du flanc Sud-Est de ce
même synclinal, ce sont des nummulites qui sont de taille moyenne et
très abondantes (voir fig. n°1).
- Des calcaires grisâtres, tantôt grossiers, tantôt subcristallins, très
riches en nummulites (épaisseur 20 m).
- Des calcaires grossiers sableux à nummulites (épaisseur 50
m)11.

6
- Rappelons que le gigantesque Temple de Zeus à Olympie était construit dans une
grande partie par un type de ce calcaire à très grosses coquilles.
7
- La meulière d’El Guettar-Gafsa.
8
- Castany, 1951, p. 285, fig. 11 ; Rabhi, 1999, p. 43.
9
- Soussi, 2000, p. 362-363.
10
- Carte géologique de Siliana au 1/50000, n°46
11
- Notice explicative de la carte géologique de Siliana au 1/50000

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


180 Skander SOUISSI

Fig.n°1Cartegéologique de Siliana 1/50000 modifiée.


Au Nord de la Proconsulaire, et dans le secteur de Dougga, M. De
Vos a étudié une collection des meules taillées dans ce type des roche :
neuf meules à bras en roche nummulitique, deux meules à bras en
calcaire coquiller12 et cinq metae à sang en roche nummulitique13.
Ainsi, il faut chercher dans les synclinaux qui encerclent la région et
notamment le Jebel Goraa pour y trouver les carrières : M. De Vos a
repéré une aire d’extraction dans ce même Jebel.
Géologiquement parlant, la « Table Eocène » de Jebel Goraa14 est
constituée d’une centaine de mètres de calcaire massif à nummulites

12
- De Vos et al., 2011, p. 136.
13
- Ibid., p. 139.
14
- Cette table s’étende entre les deux cartes géologiques de Téboursouk (n°33) et de
Jendouba (n°32).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 181

avec quelques passés détritiques, suivi d’une alternance de calcaires et


de marnes contenant des niveaux détritiques à lumachelles, surtout au
sommet du synclinal15. Cette série, qui suit les argiles de la formation
d’EL Haria, a été subdivisée en deux formations par Burollet16.
La formation Métalaoui qui comprend les calcaires à nummulites
d’âge Yprésien à Lutétien inférieur.
La formation Souar surtout argileuse comprenant le Lutétien
supérieur et le Priabonien.

Fig. n°2 : Extrait de la carte géologique de Jendouba 1/50000, modifiée.

15
- Ben Haj Ali, 1979, p. 43.
16
- Burollet, 1956, p. 145.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


182 Skander SOUISSI

Ce n’est pas seulement le Jebel Goraa qui représente une source


lithologique pour la région. Dans une étude récente, Ameur Younes a
localisé et étudié sept carrières antiques, trouvées aux alentours de la
ville de Dougga17. Ce sont des gisements situés dans les affleurements
de l’éocène inférieur et l’éocène moyen (Yprésien et Lutétien),
composés de bancs riches en nummulites. La carte suivante (fig. n°3)
résume l’emplacement de ces carrières ainsi que leur formation
géologique. Ces aires d’extractions ont laissé un nombre considérable
des ratés et des ébauches des sarcophages, des cippes et des éléments
architectoniques, mais apparemment pas de meules.

Légende :
Ey-1 : Yprésein-Lutétien, calcaires, E1-p : Eocéne supérieur, marnes et lunachelles,
Q1 : Ain Mizeb, Q2 ; Kef Dougga, Q3 : El Hajra Safra, Q4 ; Jebel Kabrah, Q5 : Kef
Arrbas, Q6 ; Bire Saifine, Q7 : Koudiat Jebhat Essid

Fig. n°3 : Extrait de la carte géologique de Téboursouk 1/50000 (modifiée) avec


indication des carrières

17
- Younes, 2017, p. 97-110.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 183

Fig. n°4 : ratés des sarcophages et un cippe non-fini dans la carrière de Kef
Dougga18.
2. Meulière ou carrière : Aperçu sur les aires d’extraction en
Afrique Proconsulaire
L’étude des carrières et notamment des meulières n’a pas fait l’objet
d’un travail d’ensemble consacrée à l’Afrique antique malgré
l’accélération ces dernières années des travaux académiques et
scientifiques qui visent à inventorier les richesses naturelles du pays et
leur exploitation depuis l’antiquité.
Les premières mentions dans la littérature moderne des carrières du
pays remontent au XVIIIe siècle, avec la première vague d’exploitation

18
- Ibid, p106, 107

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


184 Skander SOUISSI

géographique et scientifique de la Tunisie. Les pionniers furent


Peyssonel et Desfontaines qui, en 1725, mentionnèrent les roches utiles
(carrières de marbre et les mines), et les variations historiques des lignes
de rivage19. Victor Guérin dans son « Voyage archéologique dans la
Régence de Tunis » a parlé des carrières qui étaient « jadis »
exploitées20. Ce travail de Guérin a servi de base ou de référence pour
les notices de l’Atlas archéologique de la Tunisie qui ne mentionne des
carrières antiques qu’à neuf reprises dans huit feuilles21. Les travaux du
temps de la colonisation étaient surtout orientés vers les recherches
minières à travers les études géologiques du pays, sous la direction du
‘Service Géologique de Tunisie’22, alors que la recherche sur les
carrières antiques notamment les carrières des roches étaient totalement
négligées, à l’exception de celles de marbre : par exemple, Jean-Louis
de Lanessan, en vue de l’organisation et de la mise en valeur de la
Tunisie récemment colonisée, a donné un ouvrage dans lequel il
consacre deux pages aux carrières de marbre de Chemtou23. Il faut
attendre les années 1950 et la parution d’un article sur « Les populations
arabes du contrôle civil de Gafsa et leurs genres de vie, L’Oasis d’El
Guettar », pour que Burseaux traite pour la première fois de l’industrie
des moulins à bras en donnant une description très détaillée de
l’extraction dans la meulière du Jebel El Ayaîcha sur laquelle on
reviendra. À part cette publication, on ne rencontre aucune étude qui
s’intéresse aux meulières antiques ou modernes, malgré la
multiplication des recherches ces dernières décennies que ce soit dans
le cadre des fouilles et des prospections24, ou bien dans le cadre des
études régionales ou micro-régionales. Toutes ces études récentes

19
- Peyssonnel, 1838, I.
20
- Guérin, t. II, 1862. L’auteur a mentionné 15 carrières : p. 18, 28, 37, 85, 121, 142,
210, 211, 224, 225, 226, 227, 244, 245 et 312.
21
- Babelon, Cagnat et Reinach, 1893, Atlas Archéologique de Tunisie. Ces feuilles
sont : Sidi Daouad, Cap Bon, Mateur, Kelibia, Zaouiet Medienn, Oudhna, Nabeul et
Ghardimaou.
22
- Citons à titre d’exemple les travaux de Léon Pervinquière, Étude géologique de la
Tunisie centrale : Thèse de doctorat, Paris, 1903, 359 p ; Études de paléontologie
tunisienne : I, II, Paris, 1907-1912 ; E. Nivoit, Géologie appliquée à l'art de
l'ingénieur, t. 1, Phénomènes géologiques, minéraux, roches, fossiles, 1887, 606 p.
23
- De Lanessan, 1887, p. 128-129.
24
- Le projet de la Carte Nationale des Sites Archéologiques et des Monuments
Historiques.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 185

continuent de ne s’intéresser qu’aux carrières de marbre25, ou à celles


des pierres de construction26.
Dans les rapports de la Carte Archéologique de Tunisie, les
chercheurs se contentent d’indiquer l’ancienneté des carrières à partir
des traces d’extraction, en rapprochant la formation lithologique de
cette aire des blocs retrouvés dans les sites archéologiques. À titre
d’exemple, dans la feuille de la Calle, le grès du Jebel Dinar a été
employé pour l’ensemble des constructions du site n°019.005, y
compris trois plateaux du moulin avec d’autres éléments d’huileries,
mais apparemment pas de pièces de moulins à grain. Dans la feuille de
l’Oued Sejnane qui renferme neuf « carrières antiques »27, les rapports
s’en tiennent à mentionner « une carrière antique, reconnaissable aux
traces d’extraction qui comporte des éléments taillés qui jonchent le
sol »28. Dans le site Koudiet el Gamgoum de la même feuille, et dans le
présumé « carrière antique », un bloc porte sur sa surface supérieure les
traces d’un cercle d’un mètre de diamètre, avec une encoche, une rigole
et un sillon : ce semble être l’ébauche d’un plateau de pressoir29. Dans
la haute vallée de l’Oued El Htab, S. Ben Baaziz parle des petits sites
d’extraction en trois lieux, en insistant sur l’absence des grandes
carrières30. Même le programme de prospection du littoral tunisien
menée par H. Slim et P. Trousset et leur équipe n’a abouti à aucune
identification de meulière, malgré la découverte de carrières antique du
grès dunaire. Ces auteurs ont publié une carte des carrières littorales
antiques31 accompagnée d’une désignation des formations
sédimentologiques auxquelles elles appartiennent (fig. n°5).

25
- Ferchiou, 1973 ; 1980 et 1985.
26
- Rakob, 1981 ; Fantar, 1985a ; Grira, 2008, p. 284-286 ; Ben Abid, 2011, p. 289-
299 ; De Vos et al., 2011, p. 131-150; De Vos et Attoui, 2013a, p. 150-152.
27
- Feuille de l’Oued Sejnane 1/50000. Ces sites sont : 005.003 ; 005.013 ; 005.015 ;
005.016 ; 005.017 ; 005.023 ; 005.065 ; 005.115 et 005.173.
28
- Ibid., site n°005.017, p. 14.
29
- Ibid., site n°005.065, p. 31.
30
- Ben Baaziz, 2000, p. 317-318.
31
- Ibid., p. 256, fig. 166.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


186 Skander SOUISSI

Fig. n°5 : Carte des carrières antiques d’après H. Slim et al.32


Ben Russel dans son travail sur les pierres sculptées et l’économie
romaine (Sculpted Stones and the Roman Economy)33qui formaient le
sujet de sa thèse34, a donné une deuxième carte dans laquelle il
mentionne 54 zones d’extraction de marbres de différentes couleurs et
quatre carrières de pierre exploitant des formations géologiques

32
- Slim et al. 2004, p. 256, fig. 166
33
- The Oxford Roman Economy Project:
http://oxrep.classics.ox.ac.uk/databases/stonequarriesdatabase/40to60
34
- Russel, 2013.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 187

variables (calcaire, grès, calcaire coquiller, grès coquiller,


lumachelle..)35, mais on ne note aucune meulière parmi elles.

Fig. n°6 : Carte des carrières au Nord de la Tunisie, d’après Russel 36


L’examen des cartes topographiques de 1/50000 révèlent
quelquefois des carrières antiques, sous la référence suivante ‘Ance

35
- Ibid., p. 71, fig. 3.11.
36
- Russel, 2013, p. 171, fig. 3.11

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


188 Skander SOUISSI

Carre Rome‘37 (ancienne carrière romaine), mais peu ont été


prospectées. Même les travaux portant sur les instruments de broyage
en Afrique n’ont pas cherché à approfondir cette question qui restait
donc « ambigüe ». Les travaux de M. De Vos dans la région de Thugga
mentionnent toutefois, outre les carrières de Téboursouk, Agban et Bir
Tersas38, une carrière de roches nummulitiques dans le Jebel Goraa, qui
a servi de source pour les constructions et pour la fabrication des blocs
de pressurage et des meules. L’auteur évoque en effet un « unfinished
nummulitic catillus »39, découverte non loin de cette aire d’extraction,
ce qui laisse penser qu’il provient du même site (fig. n°7). Ce catillus a
été délaissé à cause d’une fracture survenue lors de sa fabrication. La
présence d’un tel objet indique que la taille de ces pièces était réalisée,
au moins en partie, dans la carrière de façon à dégrossir et alléger le
bloc pour faciliter son transport.

Fig. n°7 : un catillus inachevé trouvé non loin de la carrière

37
- Carte Topographique du Djebel Mrhila.
38
- De Vos et Attoui, 2013a, p.150.
39
- De Vos et al., 2011, p. 133, fig. 6

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 189

Mais où sont les carrières dont ont été extraits les moulins et les
meules ? Peut-on distinguer leurs traces, leurs négatifs ? Pourquoi
n’arrive-t-on pas à les identifier comme cela a été remarquablement fait
en Espagne par Tim Anderson40 ?
Le nombre des meules et des moulins en roches locales qui a été
recensé et étudié41 implique l’existence de nombreuses meulières qu’il
reste à identifier. Trois raisons peuvent expliquer cette lacune.
Historiquement, peu d’intérêt a été accordé aux carrières en général sauf
à celles du marbre. À cet égard, il est significatif que les rapports de la
carte archéologique mentionnent 29 carrières dans tout le pays sans
donner des détails nécessaires à leur interprétation. Ensuite, il est
difficile d’identifier les zones d’extraction en prospection si l’on ne
dispose pas de Lidar42. Cet appareil aurait être très utile pour une
interprétation cartographique précise des anomalies de relief et une
localisation des excavations dues à l’extraction des pierres. Enfin, le
couvert végétal et les colluvions qui recouvrent les gisements de roches
ou de sable peuvent dissimuler ou enterrer les traces de l’extraction et
changer en conséquence la morphologie des versants. De même, le
facteur humain joue un rôle dans l’exploitation d’anciennes aires
d’extraction, et en déduction l’effondrement et la disparition des
anciennes traces et empreintes de travail.
Malgré ces difficultés, on a pu repérer quatre meulières, dont les
modalités de l’extraction, ainsi que les roches exploitées sont variables.

40
- Anderson, 2013.
41
- Souissi, 2020, Vol. I.
42
- C’est un système de mesure de distance par laser fondé sur l’analyse des propriétés
d’un faisceau de lumière renvoyé vers son émetteur. À la différence du radar qui
emploi des ondes radio, ou du sonar, le Lidar utilise de la lumière (du spectre visible,
infrarouge, ultraviolet). En Archéologie, on recourt à cette technique pour reconnaitre
des matériaux de construction par spectroscope, résolue dans le temps, ou bien mettre
en évidence de la détérioration biologique d’un site historique. Pour ce sujet voir «V.
Raimondi et al., The fluorescence lidar technique for the remotesensing of
photoautotrophic biodeteriogens in the outdoor cultural heritage : A decade of in
situ experiments, International Biodeterioration&Biodegradation, Vol. 63, Issue
7, October 2009, Pages 823-835».

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


190 Skander SOUISSI

2.2. La meulière d’El Guettar


En cours d’exploitation jusqu’à nos jours, cette aire d’extraction se
trouve à 15 km au Sud-Est de la ville d’El Guettar, sur le flanc
occidental du Jebel El Ayaîcha, appelé communément sous le nom
significatif de Jebel Magtaa Er Rahi (montagne de la carrière des
meules). Les séries stratigraphiques affleurant dans cette zone sont
constituées essentiellement de niveaux carbonatés43, dont les plus
importants comportent des lumachelles ostréennes. L’extraction des
pierres dans cette meulière se fait grâce à une série des galeries
souterraines (des puits), qui peuvent atteindre parfois une profondeur
de 30 m.
Burseaux a donné une description exacte du travail dans cette
carrière.
« Il peut paraitre surprenant que les indigènes aient eu connaissance
de l’existence d’une couche à une telle profondeur. À une époque très
ancienne, peut-être dès l’époque romaine, on exploita à ciel ouvert ces
affleurements de meulière, dans la suite des galeries déclives permirent
d’en poursuivre l’exploitation. La couche de meulière, s’écartant
progressivement de la surface du sol pour plonger plus profondément
sous terre, il devint nécessaire.de faire descendre les puits. Ce dernier
(le carrier) emploie à cette fin le pic des mineurs (gadouma). Sous le sol
meuble, le carrier rencontre une couche de tuf épaisse de plusieurs
mètres qu’il l’enlève par le procédés suivant (procédés dont il se servira
plus tard pour extraire la meulière) : sur la surface du tuf il dessine avec
la pointe du pic une rigole circulaire de circonférence équivalente à
celle d’une meule ; il creuse jusqu’à ce qu’elle atteigne une quinzaine
de cm de profondeur. Avec le tranchant du pic, il attaque alors par en
dessous le bloc ainsi délimité, puis se servant du pic comme d’un levier,
il détache d’un seul coup le bloc du tuf. »44.

43
- Notice explicative de la feuille d’El Ayaîcha au 1/50000, 2000, p. 07.
44
- Burseaux, 1950, p. 260-261.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 191

Fig. n°8 : Photos de la meulière d’El Guettar

Fig. n°9 : Champ d’extraction de la même meulière

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


192 Skander SOUISSI

Tel était la manière d’exploitation et d’extraction dans cette meulière


au début du XXe siècle dans le Sud-Ouest tunisien, une méthode qui est
attestée durant l’antiquité et au Moyen Âge en Gaule45, en Espagne46 et
dans les pays scandinaves47. Jusqu’à une époque récente « le moulin
Gtari » était très connu et très demandé non seulement en Tunisie
(région de Sahel, Enfidha ou le Nord du pays), mais aussi en Algérie et
au Lybie, « où les Saouafa et les Mozabites recherchent les petites
meules »48. De nos jours cette région garde encore l’industrie de
confection des meules, en tant qu’une activité artisanale traditionnelle.
2.3. La meulière de l’Oued Zaafran
Non pas loin d’El Guettar, une deuxième meulière offre une roche et
une technique d’extraction différentes de la précédente. Située à 03 km
au Nord-Ouest de la ville de Ksar Hedada-Ghomrassen, et dans l’Oued
Zaafran (Safran), cette aire d’extraction des meules rotatives manuelles
vient d’être découverte49. La région est dominée par une formation
gréseuse de couleur jaune, d’où le surnom de Zaafran (le safran),
surmontée par une couche tendre composée de marne et de calcaire. La
carrière mesure près de 25 m de long sur une largeur de 6 à 7 m. La
meulière forme une vingtaine d’alvéoles ou de tubes de 2 m de hauteur,
disposées en lits horizontaux. Les tubes sont contigus dans le but de
maximiser l’extraction.

45
- Belmont, 2011, p. 205-207.
46
- Anderson, 2013, p. 125.
47
- Grenne et al., 2011, p. 250.
48
- Burseaux, Ibid., p. 264.
49
- Le 23-04-2018, un groupe de l’association de sauvegarde de la ville de
Ghomrassen-Tataouine a annoncé la découverte de cette meulière.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 193

L’opération commence par dégager la première couche marno-


calcaire (voir la photo n°11)

Fig. n°11 : Détails de la composition litho-stratigraphique du site et l’aire


d’extraction
Ensuite après avoir tracé la circonférence, on commence à creuser
un tranché de havage à plan circulaire, incliné vers l’extérieur (le
diamètre ne dépasse pas 40 cm). Le détachement de la meule creusée

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


194 Skander SOUISSI

représente l’étape la plus délicate dans toute l’opération, où le carrier


lance une série des coups au niveau de la base, dans les parties
découvertes50, pour la libérer. Une fausse estimation ou un coup mal
ajusté du carrier peut endommager la meule et gâcher l’opération
comme l’indique la figure n°12 d’une ébauche de meule accidentée.

Fig. n°12 : ébauche d’une meule accidentée dans la roche mère.


La taille et l’épannelage de la pièce se faite dans le même endroit
comme l’attestent plusieurs ébauches déjà perforées trouvées dans le
chantier (fig. n°13).

50
- Il faut noter que le carrier ne peut pas creuser la pierre de meule qui est placée
dans le sens opposé puisqu’elle est protégée par le mur de l’alvéole (voir photo n°12).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 195

Fig. n°13 : Les débris de l’extraction antique


L’énorme accumulation des déchets de taille, mêlées aux ébauches
rejetées au cours de l’extraction, ainsi que le nombre des alvéoles dans
une seule ligne, prouvent que cette meulière était un centre important
de la production de ces meules.

Fig. n°14 : Une ébauche perforée

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


196 Skander SOUISSI

2.4. La meulière de Hr. Hbebsa


Dans la région de Mactar, se trouve un site d’extraction tout à fait
différent. Si les meulières d’El Guettar et de l’Oued Zaafran servaient
à extraire des meules rotatives manuelles, celle de Hr. El Hbebsa donne
des broyeurs à olives et des meules verticales. Plusieurs ébauches et des
plateaux ratés parsèment le paysage rocheux de cette plaine, et parfois
des exemplaires ne sont pas totalement détachés de la roche mère (fig.
n°16).

Fig. n°15 : des ébauches des plateaux dans le site de Hr. Hbebsa
Dans cette meulière, l’extraction et le façonnage s’opéraient dans le
gisement même.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 197

Fig. n°16 : un broyeur à olives non encore détaché


Deux autres sites d’extraction de ce type offrent des plateaux ratés,
semblables à ceux de Hr. El Hbebsa. Le premier se trouve au Jebel
Fkirine, dans la région de Fahs-Zaghouan51, tandis que le second se
trouve à Hr. Aîn Chnema dans la région de Hajeb el Ayoun52.
2.5. La meulière de Jaziret el Ghedamsi
Un dernier site d’extraction pourrait correspondre à une meulière
antique : il se trouve à Monastir, dans le Jaziret el Ghedamsi. Une
équipe franco-tunisienne a pu identifier sur cette île trois carrières qui
se trouvent à proximité de constructions antiques et médiévales53. Dans
la partie ouest du banc rocheux, se trouvent deux carrières dont les

51
- Amouri et Hamdi, Les carrières antiques de J. Fkirine, Colloque Mines et Carrières
en Afrique du Nord de l’Antiquité à nos jours, Hammamet, Avril, 2018, inédit.
52
- Je dois cette information à une doctorante qui travaille sur cette région et qui avait
trouvé cette pièce lors de sa prospection, mais malheureusement elle n’a pas
documenté le plateau. Les coordonnées approximatives de cette carrière antique sont :
22°35’59.23’’ N ; 36°9’85.16’’ E.
53
- Slim et al., 2004, p. 157.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


198 Skander SOUISSI

empreintes des blocs débités sont bien conservées, donnant au front de


taille un profil en gradins54. Dans la deuxième aire située dans la partie
orientale d’El Jaziret, protégée par la mer, on peut observer aussi les
empreintes des blocs extraits et prédécoupés55. Du côté Sud, la
prospection menée par l’équipe a découvert une troisième carrière très
érodée56.
Dans cette partie, et du côté Sud-Sud/Ouest, tout au long de la côte,
on a découvert une série des négatifs circulaires (une trentaine), qui
correspondent à des empreintes des meules rotatives à main et à sang
(fig. n°17 et 18). Ces empreintes mesurent entre 30 et 50 cm de
diamètre.

Fig. n°17 : Le présumé négatif d’une meule extraite sur le Jaziret.

54
- Younes et al., 2008, p. 68.
55
- Idem.
56
- Ibid., p. 69.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 199

Rappelons qu’on a recensé


dans le Jaziret el Ghedamsi trois
metae à sang de type pompéien,
dont deux sont taillées dans le
grès calcaire jaunâtre de
Pliocène supérieur qui forme la
falaise de cette île57.

Fig. n°18 : Les traces d’extraction tout


au long des côtes sur le Jaziret el
Ghedamsi

1. conclusion
En résumé, il existait des meulières en Afrique Proconsulaire,
comme l’attestent les nombreuses trouvailles des meules et des moulins
dans les sites d’habitat antique, mais faute d’attention portée à ces
vestiges et peut-être par confusion entre les négatifs des meules
extraites et débitées à plusieurs niveaux et ceux des colonnes,
l’existence des meulières est très minorée dans les publications et les
signalements. Plus à l’ouest, en Maurétanie Césarienne, les deux sites
de Tipasa et de Cherchell offrent de bons exemples de meulières situées
sur le littoral (fig. n° 19 et 20)58.

57
- Slim et al., 2004, p. 157.
58 - Cherfa, 2011, p. 31-35.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


200 Skander SOUISSI

D’autre part, on doit signaler que la répartition géographique des


meulières recensées, coïncide avec la répartition traditionnelle des

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Meulières de l’Afrique proconsulaire 201

types de cultures. Dans la région pré-désertique, et au-delà des centres


oasiens, l’économie est basée sur l’élevage et sur la culture des céréales
notamment l’orge, d’où le besoin des moulins rotatifs à bras
(notamment lorsqu’il s’agit d’un usage domestique). En revanche, les
sites où on a découvert les broyeurs à olives (Mactar59) correspondent
aux hautes steppes, la région de l’oléiculture par excellence. En
conséquence, on peut émettre l’hypothèse que l’activité extractive dans
le pays se limite à quelques ateliers spécialisés qui fournissent les villes
et les agglomérations en instruments de broyage et d’écrasement,
notamment en moulins rotatifs manuels. Par contre, l’exploitation de
ces carrières qui se trouvent à proximité ont été réservées pour se
procurer des matériaux pour la construction avant d’être délaissés avec
l’abandon de nombreux sites pendant le Moyen Age, le changement du
mode de vie et des circuits économiques et le retour à l’usage des
moulins à usage familial60.
Enfin, il faut souligner la difficulté de reconnaitre une meulière
surtout lorsqu’il s’agit d’une extraction dans une carrière d’autres blocs,
ce qui rend l’identification difficile et ambigüe au milieu des traces
d’arrachage des pierres de grande taille et des blocs destinés à la taille
des grandes meules notamment de type à sang. Parmi les indices à
prendre compte pour faire la distinction, rappelons l’importance de la
nature géologique des roches débitée. Les carrières qui offrent les
roches dures à l’instar des roches fossilifères, sont le plus propices à
l’extraction des meules. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il arrive
parfois que les auteurs ont confondu les empreintes des colonnes et
celles des meules surtout les meules à olives et les meules-rouleaux qui
peuvent présenter une longueur importante, atteignant parfois -selon
notre corpus-plus que 100 cm61. La confusion ne s’arrête pas aux types
des pièces extraites mais concerne également la nature et l’origine des
meules en roches volcaniques importées et c’est ce qu’on va essayer de
montrer dans la partie suivante.

59
- Mactar est toujours considérée comme zone charnière entre le nord et le centre du
pays. Ben Baaziz, 2000, p. 11. D’ailleurs, cette région centrale a renfermé un grand
nombre des plateaux de broyage comme c’est indiqué dans notre corpus. Voir,
Souissi, 2020, Vol. I.
60
- Pour ce sujet voir Longepierre, 2013, p. 373-374.
61
- Souissi, 2020, Vol. I, p. 560.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


202 Skander SOUISSI

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Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


LES PIGMENTS ARCHEOLOGIQUES EN TUNISIE

Naceur AYED
Professeur Emérite de chimie industrielle
INSAT Tunis, Université de Carthage

Résumé
La Tunisie constitue un pays minier important si l’on le juge par le nombre
d’anciennes mines pouvant remonter à l’époque romaine, à plomb, zinc, fer, baryum,
Fluor, mercure, cuivre, antimoine, etc.
Les couleurs jouent un rôle essentiel dans le patrimoine : Les peintures pariétales
de grottes préhistoriques, de Nécropoles puniques et de Houanets Berbères, sont pour
la plupart réalisés avec de l’ocre rouge ou l’Hématite, l’ocre jaune ou la goethite et
des noirs de carbone ou l’oxyde de manganèse
Les ostrakas de Meninx (époque romaine), des inscriptions, l’une en rouge à l’ocre
et l’autre grise à la Galène
Les terres cuites en statuettes représentées, par des acteurs, des chanteurs, des
musiciens, des fruits et légumes, des animaux sauvages et domestiques, des fruits de
mer et des brûle-parfums, des têtes de femme, on relève les couleurs rouge (hématite),
rose (cinabre, laque de garance), brun, noir, vert (vert égyptien, malachite), bleu (bleu
égyptien, azurite), jaune (goethite) et blanc (kaolinite).
Mots-clés
Ostrakas de Meninx, pigments minéraux, peintures pariétales, terres cuites

Les Sites, Musées et Réserves des Musées en Tunisie, consignent


des vestiges de divers matériaux relatifs aux différentes époques.
Notre intérêt a porté sur l’époque Antique (punique et romaine
principalement). Certains matériaux d’autres périodes ont servi comme
termes de comparaison.
La Tunisie constitue un pays minier important si l’on le juge par le
nombre d’indices, d’anciennes mines et d’exploitations présentant des
para-genèses polymétalliques à plomb, zinc, fer, baryum, Fluor,
mercure, cuivre, antimoine, etc…
206 Naceur AYED

Au début des années 90, la majeure partie des mines tunisiennes ont
fermé, notamment, celles de Jebel Hallouf-Sidi Bou Aouan (Zn-Pb) en
1990, de Zriba et de Hammam Jedidi (Fluorine, Barytine, Zn-Pb) en
1992. Et en 2005, la fermeture des mines de Bou Grine (Zn-Pb), de Fej
Lahdoum (Zn-Pb) et de Bou Jabeur (Barytine avec Pb, Zn et fluorine).
Ainsi l’industrie minérale extractive s’est limitée aux seuls gîtes de fer
de Jerissa et de Tamera dont la production a connu une chute très
sensible.
Les mines tunisiennes de Plomb peuvent remonter à l’époque
romaine. Jebel Ressas (1869) et Jebba (1874) ont constitué les
premières entreprises minières en Tunisie pour l’exploitation du plomb-
zinc. On signale aussi les gisements Sakiet Sidi Youssef (Pb-Zn), Garn
Halfaya (Pb-Zn), Lakhouat (Pb).
Des concentrations à Zn-Pb-Sr-Ba-Fe (F) encaissées par les calcaires
de la formation Serj d’âge Aptien supérieur : Sidi Amor Ben Salem-
Jebel Slata (Pb-Ba-Fe), Bou Jabeur (Ba-F-Pb-Zn), Jerissa (Fe), Lajred
(Ba-Pb-Cu), Loridga, etc.
La mine de Bou Jabeur 41.000 T Zn et 57.000 T Pb sous forme de
galène argentifère sulfure de Plomb (500 g/tonne Ag) ; Loridga
(3.500T de calamine), Jebel Trozza (97.000T de Pb et 3.000T de Zn),
Jebel Touila (7.700T de Zn et 6.200T de Pb), Jebel Labeid (2.200T de
Plomb), J. Chaambi (11.000 T Pb) et Jebe Lajred (12.000 T Pb et
15.000 T Zn), J. Ressas (122.000 T de Pb et 165.000 T Zn) et Sidi Taya
(41.000 T de Pb), etc. Le tonnage du minerai marchand extrait de la
province fluorée est évalué à 791.000 T Spath Fluor, 130.000 T de
Barytine, 163.000 T de Pb et 165.000 T de Zn.(1)
L’art carthaginois et la couleur par les pigments minéraux
Les couleurs jouent un
rôle essentiel dans l'art
carthaginois. L'importance
de la teinture à la pourpre
en est un exemple frappant.
La découverte d’un
échantillon unique à
Zembra (IIIè. Siècle avant

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 207

J.C) par l’équipe de F. Chelbi à l’INP, qui m’a été soumis pour
Analyses, par A. Hili, Directeur Général de la Fondation de la
Recherche, a permis de confirmer qu’il s’agit de pourpre punique sous
forme de purpurissum (colorant extrait de coquillage marin type Murex
trunculus, précipité dans du Kaolin).
Echantillons de pourpre punique (III è avant J.C.) de Zembra, soumis
par A. HILI de F. CHELBI

Murex Trunculus renfermant la glande purpuraire.


L’Analyse par HPLC et FLUO X par N. AYED, T. KARMOUS et
J. WOUTERS a montré qu’il s’agit de Kaolin, emmagasinant la
pourpre formée des composants : Indigo, Dibromo-Indigo, Indirubine,
provenant du Murex trunculus.(2),(3)
Or l’élaboration de la pourpre nécessite l’emploi de cuves en Plomb
et en Plomb étain. Le Plomb est local alors que l’étain semble être
importé d’Angleterre.
Peintures d’esthétique des Grottes préhistoriques des nécropoles
puniques des Houanets brbères
Les Peintures des Grottes préhistoriques, des Nécropoles puniques
et des Houanets Berbères, sont pour la plupart réalisées avec des
matières picturales rouges, noires, et moins fréquemment jaunes.(4)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


208 Naceur AYED

Ocre Rouge Ocre Jaune Oxyde de Fer Noir

Noir végétal, animal, minéral

Grotte Préhistorique de Djebel Grotte de Ghomrassen,


Bou Salem Sud Tunisie

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 209

Nécropole punique de Jebel Melezza Cap-Bon (IVè avant J.C.)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


210 Naceur AYED

Peinture libyque de djebel chouchar, Hanout Berbère de djebel chouchar,


Sejnane Bizerte Bizerte

Les pigments utilisés pour les décors ont fait l'objet de peu de travaux
analytiques (Longerstay, 1988,1990, 1993). Le but de cette étude est,
au moyen de leur identification, d'étendre la connaissance du monde
carthaginois.(5),(6),(7),(8).
Les matières picturales rouges sont pour la plupart à base d’ocre
rouge et d’oxyde de fer du type Hématite. Le jaune correspond à l’ocre
jaune ou au Goethite.
Les Ostrakas de Meninx (Djerba)
Un ensemble d’ostrakas (Morceau d'une poterie brisée sur lequel on
incrustait une inscription), a été trouvé par A. Drine (INP) dont deux
m’ont été soumises pour analyse des pigments.
La première portant une inscription en rouge correspond à de l’ocre
rouge (argile ferrugineuse)
La seconde ostraka :

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 211

Ostraka de Méninx II siècle après JC.


L’écriture en latin mentionne : la teinture de murex sanglant , est
incrustée dans le tesson de terre cuite, est analysée par moi même :Il
s’agit d’une encre à la Galène (Sulfure de Plomb). (9)
A Thijibba Bure (nom antique de Djebba), on rencontre les anciens
gisements miniers de galène et de calamine, déjà exploités à l’époque
romaine et remis en service à l’époque coloniale, période de laquelle
datent les installations visibles à flanc de montagne et qui ont été
abandonnées depuis plusieurs décennies

La Galène (Sulfure de Plomb).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


212 Naceur AYED

Terres cuites décorées de Carthage punique et romaine


Les terres cuites (jouant un rôle prophylactique et religieux), font
partie du mobilier funéraire dès les VIII-VIIè siècles. C'est à des
époques plus tardives qu'on les découvre dans les habitations et les
temples. On y retrouve les mêmes sujets que dans les objets apportés
aux morts et confectionnés par le potier du quartier. D'après les fouilles,
les ateliers de potiers sont nombreux et présents dans les différents
quartiers de Carthage. Ces ateliers sont organisés en secteurs dont l'un
est chargé de fournir les objets culturels et les terres cuites destinés à
être déposés dans les tombes auprès des morts. Pratiquement toutes les
villes disposaient d'ateliers de coroplathes. Kerkouane a fourni le
témoignage de tels ateliers.
Les artisans façonnent des statuettes qui sont le reflet de la société
dans toute sa complexité. Ils produisent dieux et déesses, prêtres et
prêtresses, des femmes de la haute société comme les visages de la
femme de classe moyenne dans toutes ses tâches ménagères, ainsi que
des scènes de la vie quotidienne. Les scènes de distraction sont
également représentées, avec des acteurs, des chanteurs, des musiciens
avec leurs instruments. On a aussi des fruits et légumes, des animaux
sauvages et domestiques, des fruits de mer et des brûle-parfums, avec
le motif particulier à Carthage de tête de femme.
Pour animer et donner vie aux objets, le coroplathe les a rehaussés
d'une polychromie.Celle-ci n'a pas toujours résisté à l'altération de
plusieurs siècles de séjour dans les tombes. Certains objets ont conservé
leur décor d'origine, d'autres ne présentent que des traces à peine
visibles. Afin de déterminer la nature des pigments des couches
colorées, des microprélévements ont été effectués sur ces objets. A
travers leur identification, il est possible de remonter aux matériaux,
tant naturels qu'élaborés, employés pour le décor. Cette identification
est importante pour les archéologues ainsi que pour les restaurateurs.
En effet, la restauration de tout matériel archéologique devrait
demander une connaissance parfaite des matériaux originels.(10).
Rôle des couleurs dans les objets
Dans l'antiquité, le rôle de la couleur est particulièrement important
quand il s'agit de fabriquer en série des objets en terres cuites. L'artisan
complète par le pinceau ce que le moulage n'arrive pas à exprimer. La

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 213

peinture est la dernière étape comme complément indispensable pour


l'achèvement de l'œuvre.
La palette observée est très riche : on relève les couleurs rouge, rose,
brun, noir, vert, jaune et blanc.
Le souci de réalisme amène l'artisan à doter les offrandes de
substitution d'une couleur conforme à celle des aliments réels, qu'ils
soient fruits ou légumes. Ainsi, les grenades sont rouges. Une gousse
d'ail ou un oignon ne peuvent être que blancs, le citron et l'amande sèche
décortiquée, jaunes. Signalons cependant que sur certaines terres cuites,
un rayon de miel ou une grenade, seul l'enduit blanc a subsisté. Dans le
cas du raisin et de la figue étudiés, à teinte actuellement bleue, on peut
imaginer que cette couleur résulte d'une dégradation du (des) produit(s)
utilisé(s).
Les résultats relatifs à l'analyse du matériel archéologique de
Carthage montrent que l'étude en spectrométrie Raman permet
l'identification sans ambiguïté des pigments.
Les prélèvements jaunes correspondent à la goethite {oxyhydroxyde
de fer a-FeO(OH). Ce produit jaune est très répandu dans la nature et
ne demande pas ou peu de préparation pour être utilisé comme pigment
(11). De ce fait, il est très largement utilisé à Carthage, au moins dès le
VI è siècle avant J.C. comme sur un citron ou une amande décortiquée
en terre cuite.
Il n'est pas surprenant non plus d'identifier dans les prélèvements
rouges un autre dérivé du fer, l'hématite {α-Fe2O3}.Les raisons
avancées pour une large utilisation de la goethite, son abondance
naturelle et l'absence de préparation, peuvent l'être également pour
l'hématite. Ce pigment a été identifié sur des statuettes, datées entre le
IVe et le IIIe siècle avant J.C. (12),(13). La présence d'un pigment rouge
à base de fer avait été mise en évidence dès 1898 par des analyses au
laboratoire de la station agronomique de Tunis (14). Des fragments
d'hématite ont été trouvés dans des tombes à Carthage (15));
L'exploitation de minerais de fer à l'époque punique est attestée par la
découverte d'un four de métallurgie à Byrsa (15). Des mines sont
connues pour la Tunisie, ainsi à Djebel Hadida dont le nom en arabe
signifie « Montagne du fer » (16)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


214 Naceur AYED

Des représentations de figues des IV-IIIes siècles ont été décorées


avec un pigment rouge rosâtre, sulfure de mercure HgS. Ce produit
existe à l'état naturel, désigné sous le terme de cinabre. Il peut être
obtenu par synthèse, appelé alors vermillon, mais ce mode de
préparation semble avoir été introduit en Afrique assez tardivement. Ce
pigment a été identifié également sur une statuette datée du début du
IIe siècle avant J.C. Des travaux antérieurs (Longerstay, 1988) avaient
rapporté la présence de ce pigment sur un squelette d'une tombe
carthaginoise de haute époque et concluaient, vu le manque de données
sur les mines de cinabre exploitées en Afrique à l'Antiquité, à un produit
importé, et provenant vraisemblablement d'Espagne.
L'identification du pigment bleu a été faite sur des prélèvements
provenant de statuettes, de fruits et d'un ensemble de boules de pigment
à l'état brut. La cuprorivaite CaCuSi4O10 ou bleu égyptien est le
pigment bleu (élaboré dès le IIIe millénaire avant J.C.). Il a été
largement identifié dans tout le bassin méditerranéen durant toute la
période antique. Nos analyses montrent que cet usage concerne
également Carthage et remonte au moins au VIe siècle avant J.C. pour
décorer le manteau d'une joueuse de tympanon. Mais s'agit-il d'un
produit importé ou fabriqué localement comme le rapporte Vitruve pour
Rome ? Comme la Tunisie est dépourvue de mines de cuivre, il s'agirait
d'un produit importé. Cette hypothèse est confortée par les nombreuses
découvertes archéologiques de boules de bleu égyptien dans des épaves
en Méditerranée ainsi que par le dynamisme des commerçants
carthaginois.
Un autre dérivé du cuivre, la malachite {CuCO3.Cu (OH)2}, a été
identifié dans une zone picturale verte sur une figue. Pour les mêmes
raisons que le pigment précédent, il était vraisemblablement
d'importation.
Le peintre a fait appel à des ressources locales pour les couleurs
jaunes et rouges à base de composés de fer mais n'hésite pas à recourir
à des produits d'origine extérieure pour enrichir sa palette : cinabre, bleu
égyptien et malachite, qui ont pu être importés sous forme de produits
finis ou de minerai. L'usage du bleu égyptien se situe dans un contexte
méditerranéen, celui du cinabre plutôt dans un contexte de
Méditerranée occidentale, en relation avec l'expansion carthaginoise
vers les nombreuses mines d'Espagne.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 215

Tout au long de l'époque punique, les mêmes pigments ont été


utilisés, quelque soit le type de support, figurines ou fruits. Par contre,
la nature de l'engobe blanc, support des couches picturales, montre des
variations selon les objets : kaolinite avec ou sans oxyde de titane. La
présence de cet oxyde est fréquent dans les kaolinites et pourrait être un
indice de provenance.
Fruits, Légumes en Terre cuite ornementée à Carthage Antique

Fruits, Légumes en Terre cuite ornementée à Carthage punique

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


216 Naceur AYED

Grappe de raisin en terre cuite (carthage : III è < Christ),


peinte en Bleu- vert correspondant au Bleu Egyptien

Déesse Joueuse au Tympanon : VII è Avant J.C,


Ornementée au Bleu égyptien pour le Bleu et à l’Hématite pour le rouge

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 217

Un autre dérivé du cuivre, la malachite, a été identifié dans une zone


picturale verte sur une figue.

a b c

a-{La Figue (Carthage III s < JC) en Terre cuite peinte en rose est
décorée au Cinabre.
b-La Figue (Carthage III s < JC) en Terre cuite peinte en Bleu-Vert
est ornementée au Bleu Egyptien}
c-Echantillon Antique de Jerba : Bleu-Vert Egyptien (Analysé par
Raman)
Les engobes blancs des fruits, d'une part et des statuettes d’autre part
sont à base d’argile blanche (kaolinite).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


218 Naceur AYED

Askos en Terre cuite Carthage punique peinte en rose. (Musée de Carthage)


Analyse par P. Colomban et N. Ayed. Laque de Garance
Afin de mettre ces résultats en application, nous avons conduit deux
workshops à l’occasion d’un Congrès International (Projet Européen),
à Istamboul, Turquie, ce qui nous a permis de recomposer le passé en
préparant des fruits, des statuettes en terre cuite et en les décorant avec
des matières picturales naturelles.(17),(18).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 219

Moules pour la reconstitution des fruits et légumes en terre cuite de


Carthage punique
(A. Ghoul et N. AYED, Nabeul)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


220 Naceur AYED

Bleu Egyptien préparé au Laboratoire (N. AYED)

Vert Egyptien préparé au Laboratoire (N. AYED)

Fards rituels antiques de Carthage punique

Fards Rituels de Carthage

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 221

Les colorants antiques naturels comportent principalement les


pigments rouges tels que le cinabre et l'ocre. Ces pigments
archéologiques ont été utilisés spécialement comme fards funéraires et
cosmétiques, qui sont des témoins matériels d'activités artisanales et
d'échanges.
La caractérisation et l'identification d'un ensemble de colorants
puniques (5,(16),(19),(20) correspondant à des échantillons découverts
lors des fouilles sur divers sites de Tunisie (Carthage, Ksour Essef,
Kerkouane, Bekalta, Makthar, Bou Arada) ont été conduites en
employant des techniques d'analyse les moins destructives possibles
telles que la microscopie électronique à balayage (MEB) couplée à une
microsonde de fluorescence X (XRF), les spectrométries d'émission
plasma à courant direct (DCP), d'absorption atomique (SAA) et
infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) et la diffraction aux rayons
X (RX).
Dix échantillons de produits de maquillage archéologiques de la
Tunisie datant du IVème au Ier siècle av. J.-C ont été analysés par
plusieurs techniques incluant la microspectrométrie Raman et la
diffraction de radiographie de synchrotron pour déterminer leurs
compositions.
Onze échantillons rouges contiennent du cinabre ou de l'hématite
(Cinq d'entre eux sont des composés de cinabre, les six autres des
ocres).
L’ocre rouge est local, alors que le cinabre pourrait être
d’importation d’Espagne. Les mines de Oued Maaden et Jebel Arja
(Mercure : Hg), sont elles des sources de ce pigment, la réponse
exigerait des analyses poussées en recherchant des indicateurs d’origine
(provenance).
Deux échantillons roses sont composés de laque de Garance. Ces
découvertes révèlent des matières utilisées par les Carthaginoises en
maquillage cosmétiques et-ou rituels.(3).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


222 Naceur AYED

Bibligraphie

(1a)- Industrie minérale extractive en Tunisie, Office National des mines,


Tunisie, XIIè Journées de la Géologie Tunisienne à Hammamet, (23-25
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(1b)- Layeb Mohsen Mansouri Abdelbaki Slim-Shimi Najet Ben Said El Aidi
Megdiche N. Khalfalli W. travaux d'exploration minière." Actes du 2ème
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Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les pigments archéologiques en Tunisie 223

(10)- T. KARMOUS, Z. CHERIF, N. AYED et C. COUPRY ; Les peintures


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(13)- DELATTRE, A.L., 1904 - Les grands sarcophages anthropoïdes du
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(14)- CINTAS, P., 1953 - La ville punique au Cap-Bon en Tunisie. Comptes
Rendus de l'Académie des Inscriptions des Belles Lettres, Paris, p. 258.
(15)- LANCEL, S., 1982 - Byrsa II, Rome, 231 -233.
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Mines depuis 1970 à 1992. Département de la recherche minière, Division
inventaire.
(17) - Naceur AYED, Jamila BEHI and Rihab AYED ; Vth Intensive Schools
on Conservation Science, Workshop: Paints on terra cotta, Figurins and
fruits of punic carthago, preparation and decoration, Marmara University,
Istanbul, Turkey, 19-29 July, 2011. A reçu le deuxième Prix du Meilleur
Poster sur 52 du Summerschool).
(18)- Naceur AYED, Marwa HMANDI and Amani AYED; Vth Intensive
Schools on Conservation Science, Workshop: Natural painting materials,
preparation and application on wood and stucco, Marmara University,
Istanbul, Turkey, 19-29 July, 2011.
19)- A. Alatrache H. Mahjoub N. Ayed H. Ben Younes ; Les fards rouges
cosmétiques et rituels à base de cinabre et d'ocre de l'époque punique en
Tunisie : analyse, identification et caractérisation ; International Journal of
Cosmetic Science ; Volume23, n° 5 (2001) pp : 281-297
(20)- Ashfia Huq,W. Stephens, Naceur Ayed,H. Binous, l. burgio, r.j.h. clark
and E. Pantos; Combined technique analysis of the composition of Punic
make-up materials; Applied Physics A 83 (2006) pp: 253–256

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


MINES, METAUX & FRAPPE MONETAIRE A DAR AL-SIKKA
DE TUNIS SOUS LES ḤUSAYNIDES

Abdelhamid FENINA
Professeur à la Faculté des Sciences
Humaines et Sociales de Tunis,
Université de Tunis

Résumé :
En s’appuyant principalement sur des documents d’archives, la présente étude
portera sur la question des mines métallurgiques de la Régence de Tunis et sur leur
éventuel apport dans l’approvisionnement de l’Hôtel des Monnaies des Ḥusaynides
en métaux en vue de les transformer en monnaies.
Mots clés :
Mines, métaux, monnaies, Hôtel des Monnaies de Tunis, numismatique
ḥusaynide.

:‫ملخص‬

‫المعدنية‬
ّ ‫ نتناول في هذه الدراسة مسألة المناجم‬،‫باالعتماد أساسا على الوثائق األرشيفية‬
‫المحلية إليالة تونس في العهد الحسيني وابراز دورها من عدمه في تزويد دار الضرب بالمعادن‬
ّ
.‫الضرورّية بغرض تحويلها إلى سكة‬

.‫الحسيينية‬
ّ ‫النميات‬
ّ ،‫ دار السكة بتونس‬،‫ السكة‬،‫ المعادن‬،‫ المناجم‬:‫المفتاحية‬
ّ ‫الكلمات‬

Introduction
Le sujet abordé dans cette étude m’a déjà préoccupé lors de la
préparation de ma thèse de doctorat portant sur les monnaies ḥusaynides
aux XVIIIe et XIXe siècles1. Car la fabrication monétaire, du temps des

1
Voir Abdelhamid FENINA, Les monnaies de la Régence de Tunis sous les
H’usaynides. Etudes de numismatique et d’histoire monétaire (1705-1891), T u n i s ,
F S H S T , 2003, 455 p. et 12 planches. Dans ce travail de thèse en numismatique
(NR.), j’avais tenté, en s’appuyant sur des documents d’archives émanant de Dāral-
Sikka deTunis (Hôtel des Monnaies) sous l es beys ḥusaynides, d’aborder le sujet
226 Abdelhamid FENINA

espèces sonnantes et trébuchantes, consistait, faut-il le rappeler, en une


transformation, en fonction de la politique monétaire menée par les
autorités émettrices, des métaux monétaires ; à savoir principalement
l’or, l’argent et le cuivre. Il est ainsi évident que sans
approvisionnement en ces métaux l’Hôtel des Monnaies est contraint à
suspendre toute frappe monétaire et à chômer. Le recours impératif à
un approvisionnement régulier en métaux est toutefois variable selon
les périodes et les politiques monétaires menées par les beys
ḥusaynides.
En s’appuyant principalement sur quelques documents d’archives2,
mon étude portera ici sur l’éventuel apport des mines métallurgiques
locales dans la production monétaire de l’atelier de Tunis3. En effet, est-
ce que cet atelier monétaire du temps des Ḥusaynides s’approvisionnait
en métaux nécessaires à la frappe des mines métallurgiques
beylicales ou bien par le biais des achats de métaux de diverses natures
effectués aussi bien sur le territoire de la Régence qu’à l’étranger?
I- Les mines métalliques de la Régence de Tunis avant
l’installation du Protectorat français
Dans mon précédent travail, qui date du début des années quatre-
vingt-dix du siècle dernier, j’avais écrit que la Régence de Tunis ne
disposait pas de mines de métaux précieux encore en exploitation sous
les Ḥusaynides et que de ce fait l’Hôtel des Monnaies de Tunis était
appelé à s’approvisionner en métaux au dehors et tout particulièrement
en Europe pour pouvoir frapper monnaie4. Cette affirmation, qui

d’approvisionnement en métaux de cet atelier monétaire.


2
Ces documents, conservés aux Archives Nationales de Tunisie (A.N.T.), sont classés
par registres (R.) et cartons (C.). Ces derniers contiennent des dossiers (D.) renfermant
chacun un nombre variable de documents (d.). Voir particulièrement pour le sujet qui
nous préoccupe ici : A.N.T., Série historique, C.239, D.571, d. 1-43 (1852-1874) ;
C.239, D.572, d. 4 (1856) ; C.239, D.574, d. 1-16 (1847-1874) ; C.239, D.585, d. 8
(1873-1882) ; C.239, D.586, d. 5 (1883).Voir également Abdelhamid Fenina(2003:14-
17).
3
Dans un précédent travail, non encore publié, j’avais abordé la question de
« L’approvisionnement de Dār al-Sikka en métaux et la circulation monétaire de la
Régence de Tunis au XIXe siècle : réseaux et relations d’interdépendances ». Dans ce
travail, ma principale préoccupation était de connaître les relations entre l’Hôtel des
Monnaies de Tunis et les réseaux de pourvoyeurs en métaux.
4
Abdelhamid FENINA (2003 : 376).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 227

s’appuyait alors sur des documents d’archives émanant de Dār al-Sikka


de Tunis5, est-elle aujourd’hui, à la lumière de nouveaux documents
d’archives relatifs aux mines de la Régence de Tunis dont je viens tout
récemment d’en prendre connaissance, encore valable ?6
Je me dois de préciser d’abord que les mines qui entrent dans le
champ de cette étude sont celles des deux métaux précieux, l’or et
l’argent, mais aussi de quelques métaux vils, comme le cuivre, l’étain
et le zinc, qui étaient utilisés dans la frappe monétaire, aussi bien pour
la confection de monnaies que pour leurs alliages. Les mines de plomb
par exemple, qui semblent être nombreuses dans la Régence de Tunis7,
mais aussi d’autres métaux, comme le fer, n’entrent donc pas dans le
champ de la présente étude. Des documents d’archives datant
exclusivement de la seconde moitié du XIXe siècle nous éclairent en
effet non seulement sur les mines de substances métallifères de la
Régence de Tunis (or, argent, cuivre, zinc, mercure, plomb, fer), mais
aussi sur celles de substances terreuses et autres. Ces mines relèvent
juridiquement des propriétés domaniales du Royaume beylical et leurs
exploitations, comme les prospections pour leurs découvertes, étaient
par conséquent sujettes à des autorisations préalables de la part de
l’autorité beylicale, aussi bien avant qu’après l’installation du
Protectorat français8.

5
Sur l’institution de Dār al-Sikka voir Abdelhamid FENINA, « L’atelier monétaire
de Tunis sous les Ḥusaynides : un exemple d’institution multiconfessionnelle », in
Civilisation en transition (III) à travers l’Histoire du Proche-Orient, Actes du
colloque Scientifique International 7-8-9 septembre 2016, Actes édités par Jean-Luc
FOURNET, Jean-Michel MOUTON et Jacques PAVIOT, Byblos, 2017, p. 147-180.
6
Je tiens à exprimer mes remerciements à Imen JOMAA qui a attiré mon attention
sur ces documents.
7
Selon Ridha SHILI, Milieux d’affaires et activité minière coloniale. Les mécanismes
de l’emprise des structures. (Le cas de quelques mines du Centre-Ouest tunisien 1900-
1956), thèse (NR.), tapuscrit, Université Reims Champagne-Ardenne, 1995-1996, t.
I, p. 306, qui cite A. De KEPPEN, L’industrie minérale de la Tunisie et son rôle dans
l’évolution économique de la Régence et BEROLSCHEIMER, Index Général des
mines de la Tunisie, Tunis, 1909, le Royaume de Tunis comptait, en 1898, « dix
concessions plombo-zincifères » et, en 1919, « 33 concessions minières et 45 permis
d’exploitation ».
8
Nos documents d’archives, comme le confirme d’ailleurs certaines études datant de
l’époque coloniale (ex. J.-L. De Lanesan, La Tunisie, Paris, 1887 : chap. V : « Les
mines et les carrières de marbre », p. 123-129), indiquent que l’exploitation de ces
mines faisait l’objet d’autorisations délivrées par le « directeur général des travaux

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


228 Abdelhamid FENINA

Ces documents d’archives nous fournissent des listes, établies à


différentes dates, des mines et carrières découvertes ou en exploitation
dans la Régence de Tunis9. Mentionnons d’abord la succincte liste
adressée fort probablement en 1272/1856 par un certain Daywis,
probablement Nathan David ou Davies10, au ministre et garde des
sceaux Ismā͑il Ṣāḥib al-Ṭāba͑ (m. 1867)11. Ce document mentionne deux
mines, l’une en cuivre et l’autre en argent, situées à dix milles (environ
14,815 km) au voisinage du Bardo ; soit probablement au Djebel
Laḥmar. Il mentionne également l’existence de deux autres mines
d’argent situées, l’une, au voisinage de Tabarka et, l’autre, à Djebel
Trozza (territoire d’al-͑Ala du gouvernorat de Kairouan), ainsi que deux
mines de cuivre dont l’une est située au sud du Kef, qualifiée d’assez
importante, soit au voisinage de l’oued Sarrat, et l’autre à Sbeitla. Il
mentionne, enfin, en s’appuyant sur le témoignage d’un ancien historien
appelé Abū-l- Tawārīḫ (Hérodote), l’existence hypothétique d’une mine
d’or à l’île de Kerkina12.

publics » ; alors qu’avant l’établissement du Protectorat français en 1881, c’était le


Bey ḥusaynide qui délivrait ces autorisations. Ces documents indiquent généralement
où se trouve les mines découvertes dans la Régence de Tunis ainsi que les dates de
leurs découvertes.
9
A.N.T., Armoire 25, C. 239, D. 572, d. 1-4 (1856), etc. Voir note précédente.
10
A.N.T., série historique, C. 239, D. 572, d. 1. Outre ces 7 mines, la seconde liste
(A.N.T., C. 239, D. 572, d. 3), dressée le 4 février 1856 (27 ğumāda Ier 1272) par cet
obscur personnage, sur demande également du même ministre, concerne des carrières
de marbre, dont deux sont en marbre rouge et blanc, découvertes dans la région
avoisinant la ville de Béja, et trois sont en marbre noir, découvertes du temps du Bey
Ḥusayn b. ͑Ali (1705-1735), au voisinage de Sminja –dans la région de Zaghouan-, et
une mine de mercure (zāwiq= zi’baq), découverte depuis 106 ans !
11
Voir illustration du document 1.
12
HERODOTE, Histoires d’Hérodote, trad. fr. par P. Giguet, 9e éd., Librairie
Hachette, Paris, 1913, p. 280, CXCV, indique dans son livre que « les Carthaginois
disent qu'il y a une île dont le nom est Cyraunis, longue de deux cents stades, étroite
dans le sens de la largeur, abordable du côté du continent, pleine de vignes et
d'oliviers. Il s'y trouve, ajoutent-ils, un lac d'où les vierges de la contrée, à l'aide de
plumes enduites de poix, retirent de la poudre d'or mêlée à la vase. Je ne sais trop si
c'est bien vrai, j'écris ce que l'on dit. Ce n'est pas impossible, puisque j'ai vu moi-
même retirer de la poix de l'eau d'un lac à Zacynthe. Cette île contient plusieurs lacs
dont le plus vaste a, de toutes parts, soixante-dix pieds de long et deux brasses de
profondeur ». Je tiens à remercier mes amis Mohamed Tahar et Ali Bouaziz pour avoir
attiré mon attention sur cette publication.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 229

Fig. 1 : Liste des mines et carrières de la Régence de Tunis en 1272/1856


(A.N.T., C. 239, D. 572, d ? 1)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


230 Abdelhamid FENINA

D’après une autre liste13, non datée, la Régence de Tunis renferme à


côté des nombreuses mines14 de
plomb à Djebel al-Raṣāṣ15 et
autres montages du royaume,
une mine d’or et d’argent,
semble-t-il, à Jradou
(gouvernorat de Zaghouan)16, et
plusieurs autres mines de
métaux non spécifiés: 14 mines
à al-͑Alā et Ṭrozza (gouvernorat
de Kairouan); la mine
découverte à l’est de Ṭrozza,
situé à l’oued Iḏyāb, est
considérée par Muḥammad
b. ͑Alī al-Ğalāṣī (?) plus
intéressante que celle de Jradou,
car elle est plus facile à
exploiter et son gîte est plus
important ; ainsi que d’autres Fig. 2 : Liste des mines et carrières de la
mines à Ğbīlāt al-Kuḥl (Djebel Régence de Tunis en 1272/1856(A.N.T.,
C. 239, D. 572, d. 2)
el-Khol, près de Zaghouan : un
gîte de galène argentifère), à

13
Voir illustration du document 2.
14
A.N.T., C. 239, D. 572, doc. 2.
15
Djebe al-Raṣāṣ, situé au nord-est de la Régence de Tunis à proximité de l’oued
Meliane et de la ville de Tunis, soit à environ 28 kilomètres au sud-est. Selon notre
document, cette montagne renferme une mine ancienne et également une nouvelle
mine, dont l’exploitation est recommandée par un ingénieur des mines. Or il est
indiqué dans une étude d’époque coloniale, qu’il s’agit d’une concession qui date,
selon « L’écho des mines et de la métallurgie du 17 janvier 1897, de 1877. Il est
indiqué dans ce rapport que cette concession « appartient à la Societa metallurgica
italiana ». Cette mine renferme du plomb, mais aussi du zinc (calamine). Il est indiqué
que l’exploitation de cette mine « dut être suspendue en 1892 » et qu’elle « n’a pas
été reprise depuis » jusqu’à 1897. Dans un autre document, il est précisé que cette
mine a été donnée en concession en date du 21 ğumāda 1er 1285/9 septembre 1868 au
Baron Jacqueme au Castel Nogo l’italien et le Fridoul Toutchi le français et l’avocat
Lioun l’anglais … cette concession a été par la suite annulée et donnée exclusivement
à Castel Novo en 1297/1879-80 ; celui-ci transféra par la suite sa concession à la
compagnie des métaux italienne à Tunis.
16
Voir également A.N.T., C. 239, D. 574, d. 1-16 (années 1851-1874/1267-1291).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 231

Takrouna (au Sahel, à environ 55 km de Sousse), à al-Dawāra à ͑ayn


mazūna (Mezzouna) ; à Djebel Bou-Hedma (au centre de la Tunisie,
proche de Messouna), 3 mines dont deux anciennes : une de métaux
précieux associés et l’autre en fer magnétite (ḥadīd ḏakīr).
A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les prospections et
découvertes des mines ont été effectuées, par des ingénieurs au corps
des mines français au service des beys de Tunis17. Mentionnons les
noms de L. Courtier en 1268/1852, d’Édouard Dubois (1271-
1275/1855-1859)18 qui occupa le poste de directeur des travaux publics,
d’Edmond Fuchs qui a accompli une mission de prospection des mines
dans la Régence de Tunis entre 1290/1873 et 1291/1873-4. Sa mission
consistait à étudier les gîtes minéraux de la Régence, particulièrement
les minerais de fer de Tabarka et du plomb de la Medjerda et du Djebel
al-Raṣāṣ19. Après ces missions temporaires, un service technique
permanent a été créé à Tunis et confié à des ingénieurs des Mines.
Entre1875 à 1878, cette mission a été remplie par M. Genreau20, puis,
depuis 1878, par M. Grand. Après l’installation du Protectorat, ce
dernier est devenu Directeur général des Travaux publics et ce jusqu’en
1886. Les prospections de M. Genreau en 1292/187521, sur demandes
des beys de Tunis, ont permis de découvrir quelques mines ou filons
métalliques et gîtes de cuivre.

17
Voir A.N.T., C. 239, D. 571, d. 1-43 (1852-1874) ; voir d. 3 : une copie du contrat
signé entre Muḥammad Bey et Edouard Dubois où il est convenu que ce dernier est
engagé par le Bey pendant quatre années (à partir du 1 er mars 1856) pour se charger
de la prospection et l’exploitation des mines métalliques contre un traitement annuel
de 15000 francs français.
18
Voir le contrat de Dubois : A.N.T., C. 239, D. 571, d. 3-4 (1856). Voir Anne-Marie
PLANEL, « Les ingénieurs des beys de Tunis : experts des réformes du XIXe
siècle ? », dans Maghreb, dimensions de la complexité, IRMC, 2004,, p. 143-152.
19
Voir A.N.T., C239, D571, d. 38 où il est question, dans une lettre adressé par le 1 er
ministre le général Khérédine au consul français Roustan en date 19 rabī’aIer 1292/25
avril 1873, de réclamer l’envoi par l’ingénieur Fuchs, qui a été mis par le
gouvernement français à la disposition du gouvernement beylical pour la recherche et
l’exploitation des mines de la Tunisie, des rapports sur les deux campagnes de
prospections qu’il a entreprises.
20
Voir le contrat de M. Genreau: A.N.T., C. 239, D. 571, doc. 41 (1875).
21
A.N.T., C. 239, D. 571, d. 41 (avril 1875) : traduction arabe du contrat conclu entre
cet ingénieur français et le gouvernement beylical pour une durée de trois années.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


232 Abdelhamid FENINA

Ces ingénieurs du gouvernement beylical ont dressé, entre 1852 et


1875, la liste des mines et carrières qui existaient alors dans le
Régence de Tunis22.
Ainsi, d’après la liste dressée en 1856 par d’Édouard Dubois des
mines qu’il a réussi soit à découvrir lors de ses prospections soit en
s’appuyant sur les informations qu’il est parvenu à recueillir, il existe
dans le Royaume de Tunis de nombreuses mines de divers métaux de

Fig. 3 : Liste des mines et carrières de la Régence de Tunis en 1272/1856


(A.N.T., Carton 239, dossier 572, document4 recto verso)

substances métallifères et terreuses23:


1- Une mine de cuivre située à Djebel al-Anṣārīn à Tebourba a été
découverte et testée par l’ingénieur Charles Benoît, ingénieur français
au service d’Aḥmad Bey entre 1837 et 1854, puis par E. Dubois (1855-
1860) en 1856. Leurs essais ont démontré que cette mine, qui renferme

22
A.N.T., C. 239, D. 572, d. 4.
23
Voir illustration du document 3.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 233

quelques filons, est non rentable, comme ceux découverts aux Djebel
Laḥmar et Bū Ġurfa (probablement du Djebel el Grefa)24.
2- Une mine de plomb et du sulfure (kibrīt) associé à du fer, située
à Kāf al-Šab sur les frontières algériennes ;
3- Une mine, située au même endroit, renfermant du fer et du
sulfure. Ces deux mines du Kahf al-Šab, dans la région de Tabarka,
renferment également, d’après les essais effectués par l’ingénieur E.
Dubois en 1856, de l’or et de l’argent25 ;
4- La mine de Bašīra, située aux environs du Kāf al-Ḥām
renfermant du plomb, du cuivre et des traces d’or, d’après les essais
effectués par le même ingénieur à la même date.
5- Une mine de plomb et de cuivre, d’après les essais effectués par
Dubois en 1856 ;
6- Une mine de plomb aux environs de Kasserine, proche de
manba͑ wādī bū ğbīr du territoire de la tribu des frachiches ; découverte
par Charles Benoît ;
7- Mine de plomb à aïn Rayhān à Macna (Béja), découverte par L.
Courtier au mois du ramaḍān 1268/1852, mais connue pour sa faible
rentabilité26;
8- Une mine de mercure (zāwaq) mentionnée par N. Davis/Davies,
située proche de Ghar El-Melh (Porto Farina ; gouvernorat de Bizerte)
remontant à l’an 106 de l’ère chrétienne27.
8bis- Une mine de charbon découverte en 1859 au Djebel Katouna
aux environs de ḥanšir Siltān (gouvernorat de Nabeul).
9- Demande, en date du 21 août 1860, adressée par Carcassonne
au Premier ministre au sujet de la concession d’une mine de plomb

24
Voir également A.N.T. C239, D 571, d. 8. Dans ce document, qui est une lettre
adressée en date du 28 janvier 1856 par E. Dubois au ministre Muṣṭafā Ḫaznadār, il
est mentionné qu’avant E. Dubois la mine de cuivre de Djebel al-Anṣārīn à Tebourba
était déjà testée par Charles Benoît.
25
A.N.T., C. 239, D. 574, d. 5-8.
26
Sur cette mine voir A.N.T. C239, D. 571, d. 1-2 (daté du 13 juillet 1852) ; le minerai
de plomb de cette mine étant peu abondant, Courtier a décidé de cesser l’exploitation.
27
Voir A.N.T., C239, D. 572, d. 1.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


234 Abdelhamid FENINA

argentifère découverte en 1860 au lieu-dit šahīda, qui est situé entre


deux oueds proches de la Calle;
10- Une plainte, en date du 16 octobre 1861 adressée au bey par le
consul Rousseau, au sujet d’une mine d’argent et d’or découverte en
1837 à Djebel Bou Hedma dans le territoire des Mhadhba ; soit à 80 km
de Sfax ;
11- Demande d’embauche, en date du 3 Mai 173, dans la mine de
charbon de Tabarka ;
12- Demande de concession de la mine de calamine découverte, en
date du 11 Mars 1878, près de la capitale ;
13- Même information qu’au numéro 828;
14- Demande de concession en dates de 3 et 24 Avril 1860 de la
mine de cuivre à Šahīda et celle de plomb, située au village d’awlād
Sa͑īd.
Et diverses demandes d’achat du plomb, de permis de prospections,
etc.
Il apparaît ainsi que cette liste ne mentionne pas uniquement les
mines métallifères (d’or, argent, cuivre, plomb sulfuré et autres), mais
aussi des carrières (de marbres, etc.). Géographiquement, ces mines
sont situées à divers endroits du territoire de la Régence de Tunis : Le
Bardo ; Tabarka, le Kef, Béjà, Sbeitla, etc. Ils sont généralement des
concessions :
1- La mine de Djebel al-Raṣāṣ est une concession D'Armand
Bineau (1244/1828-9), polytechnicien, et Castelnuovo (1877) ;
2- La mine de Djebba (Plomb sulfuré) est une concession de Daux
et Riera (1844-1866)29 ; puis comptes d’exploitation (1255-1280/1839-
1864) ;

28
Voir A.N.T., C239, D. 572, d. 1 et 3.
29
Il s'agit d'Augustin Daux et du sarde Bonfiglio Riera. Voir Anne-Marie Planel, Du
comptoir à la colonie. Histoire de la communauté française de Tunisie, 1814-1883,
Paris, Riveneuve éditions, 2015, p. 155-161. J'adresse mes remerciements à l'auteure
de ce remarquable travail pour m'avoir fait bénéficier de ses connaissances pour mieux
identifier les ingénieurs français ayant été par moments au service des beys
ḥusaynides.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 235

3- La mine de Djebel Kohol est une concession d’I. Seifelt


(1284/1867-8)
4- Scories de Plomb. Concession Modigliani (1875)
5- La mine de Plomb Boukornine. Concession Brahem Chemba
(1877)
6- Permis de recherches au nom de Jacob Satrouk (1879) ;
7- Ğabal Raṣāṣ- Société Mineraria –Italienne (1879)
8- Cuivre Ğabal Ahmar. Concession Dr. Mascaro (1881)
9- Mines de fer de Tabarka
10- Gîtes de plomb et de cuivre. Concession Felix Cauro 1883
11- Charbons de terre Djebel Katouna à Seltâne 185930

30
A.N.T., C. 239, D. 586, d. 1-5, année 1883.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


236 Abdelhamid FENINA

D’autres documents d’archives mentionnent l’existence de mines de


plomb et de cuivre au Djebel Frina31, soit dans le territoire algérien. Il
s’agit de demandes de prospection de mines présentées en
1301/novembre 1883 par l’ingénieur F. Cauro, habitant de la ville de la
Calle en Algérie.

Fig. 4 : Plan d’exploration de mines de plomb et de cuivre au Djebel Frina


A.N.T., série historique, C. 239, D. 586, d. 3 & Carte de la Régence de Tunis

31
A.N.T., C. 239, D. 586, d. 1-5, année 1883

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 237

Ces documents d’archives nous révèlent donc, contrairement au


témoignage de certaines sources écrites32, que la Régence de Tunis avait

32
Voir Dunant J. Henry, Notice sur la Régence de Tunis, éd. à Genève en 1857 et
réed. à Tunis par CICR Tunis en 2012, p. 90-91, où il nous indique que « La Régence
est très-riche en mines de tout espèce. Dans les montagnes de Hammam-Lif et de
Djebel-Reças on y trouve beaucoup de plomb, au Kef des mines de fer, de cuivre, de

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


238 Abdelhamid FENINA

possédé quelques mines métallurgiques qui auraient pu être employées


dans la frappe monétaire. Le nombre des mines en cuivre répertorié
s’élève au moins à dix, alors que celles en argent s’élève au moins à
quatre et celles en or s’élève au moins à trois mines. Mais, toutes ces
mines sont qualifiées de non rentables. Or, selon l’étude d’Eugène de
Fages de Latour, ingénieur des ponts et chaussées à Tunis, sur les mines
en Tunisie, qui date du 17 janvier 1897, le nombre des mines à cette
date n’excède pas neuf dont « sept accordées depuis l’établissement du
Protectorat » et que sur ce nombre total de mines de zinc « cinq
seulement sont en exploitation »33. Ainsi, en dépit de l’attestation par
nos documents d’archives de nombreuses mines sur le territoire de la
Régence de Tunis, aucune indication chiffrée ne nous est donnée sur
l’exploitation de ces mines, les quantités des métaux extraits ni pour les
usages auxquels ils servaient. La prospection des mines dans la Régence
de Tunis était-elle liée aux besoins de l’Hôtel des Monnaies (Dār al-
Sikka) en métaux nécessaires à la frappe monétaire ? Quelques
indications éparses glanées dans ces documents nous révèlent qu’il a
existé, au moins au début, un lien entre les recherches de prospections
minières dans la Régence et le souci des beys de garantir à l’Hôtel des
Monnaies de Tunis un approvisionnement régulier en métaux
monétaires. Mentionnons d’abord que parmi les premiers ingénieurs
français qui furent chargé de la prospection des mines était Charles
Benoît. Celui-ci, qui fut engagé par Aḥmed Bey (1837-1855) pour la
modernisation de l’Hôtel des Monnaies de Tunis,34 a été chargé en outre
de la prospection des mines métallurgiques dans la Régence. Et même
si ses successeurs, L. Courtier et E. Dubois, E. Fuchs et M. Genreau,
ont été engagés par le gouvernement beylical en tant qu’ingénieurs des
mines chargés non seulement « de l’exploration et de l’exploitation des
mines de la Régence », mais aussi « de la construction et de

souffre, de Tripoli. L’argent et les autres métaux se trouvent également… Le sable de


la Goulette est aurifère… ».
33
Eugène de Fages de Latour « L’industrie minière en Tunisie (1892-1937). Etat actuel
de l’exploitation des mines et des carrières en Tunisie », dans Revue générale des
Sciences, mise en ligne 20 juillet 2017. www.entreprises-coloniales.fr.
34
Abdelhamid FENINA, « L’atelier monétaire de Tunis sous les Ḥusaynides : un
exemple d’institution multiconfessionnelle », in Civilisation en transition (III) à
travers l’Histoire du Proche-Orient, Actes du colloque Scientifique International 7-
8-9 septembre 2016, Actes édités par Jean-Luc FOURNET, Jean-Michel MOUTON
et Jacques Paviot, Byblos, 2017, p. 162.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 239

l’exploitation des usines métalliques, et en général de tout ce qui


regarde les constructions et les machines »35, ils n’ont pas manqué
d’accorder de l’importance dans leurs prospections minières aux mines
présentant un quelconque intérêt pour le fonctionnement de l’Hôtel des
Monnaies, comme pour les mines de charbon de terre36, ou la prise en
charge par l’ingénieur E. Dubois, le 25 mars 1855, de « l’installation de
la machine à vapeur et les cinq presse à frapper la monnaie de cuivre »37
à Dār al-Sikka et de prodiguer ses conseils aux responsables de cette
institution pour la moderniser. D’autres documents indiquent que les
essais sur les échantillons de minerais recueillis dans diverses mines (à
Tabarka et ses environs comme à Chéïda ; au Kef al-Ham38 ; à Maina
ou existe trois gisements) ont été effectués à l’Hôtel des Monnaies de
Tunis39.
En somme, la Régence de Tunis ne paraît pas ainsi être riche en
mines nécessaires pour la frappe monétaire40. D’après l’étude datant de
l'époque coloniale de L. De Launay (1903),41 il existe en Tunisie du
cuivre, sous forme de « veines cuivreuses, associées à des minerais de
fer » au Djebel « Chouichio, (13 kil. N. de Souk el Arba) ». Cet auteur,
nous donne, pour le zinc (calamine) et le plomb, quelques données
chiffrées sur la production de ces minerais (en tonnes) : respectivement
24370 & ? (1895), 17730 & 242 (1896), 23431 & 1128 (1897), 24300
&2524 (1899), 22000 & 3300 (1900) et 18600 & 10400 (1901). Il
considère que les principaux gisements de ces minerais se trouvent à
Djebel al-Raṣāṣ, Djebba. Pour le métal argent, l’auteur indique qu’il
existe « un peu d’argent, associé à la galène, dans des gîtes complexes,

35
A.N.T. C239, D 571, d. 3.
36
A.N.T. C239, D 571, d. 2.
37
A.N.T. C239, D 571, d. 5-6. E. Dubois, propose à Musṭafā Ḫaznadār, alors ministre
de l’intérieur, « l’achat de machines nouvelles pour le laminage et le découpage, car
leurs opérations se faisant très imparfaitement aujourd’hui à bras d’hommes. Il y
aurait je crois encore une modification très importante à faire dans la fonte de la
monnaie, en alliant au cuivre un peu de l’étain et du zinc ; on est ainsi arrivé à donner
à nos sous français plus de dureté et d’inaltérabilité».
38
Il est indiqué que le filon de cette mine « contient du plomb et un peu de cuivre ».
Et que ce plomb « est un peu argentifère et un peu aurifère ».
39
A.N.T. C239, D 571, d. 7-9.
40
Voir De Lanessan J.-L. , La Tunisie, Paris, 1887, p. 123-127.
41
De Launay, Les richesses minérales de l’Afrique, Paris, 1903, p. 143-146 ; voir
également p. 153, 307 et 340-350.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


240 Abdelhamid FENINA

où le zinc domine généralement sur le plomb ; l’argent n’étant là qu’un


accessoire à ce métal ». Mais, toutes ces indications chiffrées relèvent
de la période d’après la fermeture de l’Hôtel de la Monnaie de Tunis,
soit en 1891.
D’autres documents d’archives, émanant des comptes de Dār al-
Sikka, nous fournissent en revanche quelques indications chiffrées sur
l’approvisionnement de l’Hôtel des Monnaies en métaux et nous
permettent ainsi de vérifier si ces mines ont participé ou non à
l’approvisionnement de Dār al-Sikka en métaux employés dans la
frappe monétaire sous les Ḥusaynides.
II- Origines des métaux approvisionnant l’Hôtel des Monnaies
de Tunis sous les Beys ḥusaynides
Ce sujet, je l’avais dit, m’a préoccupé depuis déjà quelques années42.
La question qui se pose ici est de savoir si nous disposons d’indications
attestant d’un quelconque approvisionnement de Dār al-Sikka de Tunis
en métaux provenant des mines du royaume ? Sinon, quelles sont les
origines des métaux transformés en monnaies beylicales aux XVIIIe et
XIXe siècles à l’Hôtel des Monnaies de Tunis ?
D’emblée, disons que sur le XVIIIe siècle, voire même sur le début
du XIXe siècle, nous ne disposons pas de suffisamment de matériaux
pour aborder cette question avec la précision désirée. Sous Ḥusayn
b. ͑Alī (1705-1735), les émissions monétaires étaient limitées aux
monnaies d’argent en espèces de nāṣirī et rub͑ riyāl et aux monnaies
d’or en espèces de 1 et ½ sulṭāni, et qu’il n’y eu point de frappe

42
Voir Abdelhamid FENINA (2003). J’avais également consacré une étude spécifique
à cette question lors de la tenue à Rabat, entre le 22 et 24 décembre 1997, d’une table
ronde sur le thème de « Villes et territoires au Maghreb. Mode d’articulation et formes
de représentation » ; une rencontre organisée, dans le cadre du programme de
recherche coordonné par Abdelhamid HENIA, par l’IRMC en collaboration avec la
FSHST. Ma contribution a porté alors sur « L’approvisionnement de l’Hôtel de la
Monnaie (Dār al-Sikka) en métaux et la circulation monétaire dans la Régence de
Tunis au XIXe siècle : réseaux et relations d’interdépendance ». Malheureusement, ce
travail n’a pas été jusqu’ici publié. Précisons que dans cette contribution je n’ai pas
traité de la question des mines. Mon souci a porté essentiellement sur la problématique
des relations d’interdépendances entre les réseaux des pourvoyeurs de l’Hôtel des
Monnaies de Tunis en métaux, la frappe monétaire et la circulation monétaire dans la
Régence.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 241

d’espèces en bronze. Par conséquent, l’Hôtel des Monnaies de Tunis


dépendait alors pour son activité essentiellement d’un
approvisionnement en métaux d’argent et d’or, ainsi qu’en cuivre pour
l’alliage. Ces trois métaux ne semblent pas provenir de mines
beylicales. Mentionnons toutefois que les registres comptables de Dār
al-Sikka signalent une livraison du cuivre en provenance de la mine de
Djerissa43, que nos documents d’archives relatifs aux mines ne
mentionnent pas. Pour les métaux précieux l’approvisionnement se
faisait alors vraisemblablement par le biais des achats sur les places
européennes particulièrement, mais surtout par la refonte des espèces
étrangères recueillies soit sur le sol de la Régence soit à l’étranger grâce
à la fois au commerce avec les négociants européens et à la fiscalité et
autres droits et expédients beylicaux. La refonte des espèces étrangères
portait essentiellement sur la piastre espagnole, mais aussi sur divers
autres numéraires dont la circulation dans la Régence diffère selon les
périodes. Il s’agit notamment de la piastre d’argent de la Couronne
anglaise (kirīntī), du doublon, du sulṭānī ottoman (sequins fondoukli de
Turquie, d’Alger et autres), ainsi que du zermaḥbub), des monnaies
vénitiennes, mais aussi des pièces d’or et d’argent françaises. Ces
espèces et tout particulièrement les espèces espagnoles et françaises ont
été utilisées dans la frappe des monnaies beylicales, après refonte. Il est
même question parfois d’approvisionnement en métal vif sous forme de
lingots ou pépites d’or africain par l’intermédiaire du commerce
transsaharien et de la refonte des espèces locales anciennes. Cette
situation s’est poursuivie tout au long du XVIIIe et au du début du XIXe
siècle sous les règnes des différents beys qui succédèrent au fondateur
de la dynastie ḥusaynide : ͑Alī Bāšā (1735-1756), Muḥammad Bey
(1756-1759), ͑Alī Bey (1759-1782), ḤammūdaBāšā (1782-
1814), ͑Uṯmān Bey (1814-1815), Maḥmūd Bey (1815-1824), Ḥusayn
Bey (1824-1835) et Muṣṭafā Bey (1835-1837). Durant cette longue
période, bien que les frappes monétaires de l’Hôtel des Monnaies de
Tunis varient selon les règnes et portaient principalement sur le riyāl et
ses multiples et subdivisions (2, 1, ½, ¼, 1/8, ḫarrūba et nāṣirī),
l’approvisionnement en métaux reposait essentiellement sur le métal
argent qu’il soit monnayé ou vif. La frappe des espèces en bronze, le

43
A.N.T., registre n° 12, p. 100.Voir également M.-H. Chérif, Pouvoir et société, t. I,
p. 196.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


242 Abdelhamid FENINA

fals et le qafṣī, qui a commencé à partir du règne de ʿAlī Bāšā était loin
d’être négligeable à partir du règne de ͑Alī Bey. Mais elle n’a pris de
l’importance qu’à partir de la réforme monétaire d’Aḥmad Bey (1837-
1855), plus précisément en 1847. La frappe des espèces d’or était,
semble-t-il, insignifiante tout au long du XVIIIe siècle et quasiment
inexistante durant la première moitié du XIXe siècle jusqu’au règne de
Muḥammad Bey (1855-1859). Sous le règne de son successeur
Muḥammad al-Ṣādaq Bey (1859-1882), la frappe de ce monnayage a
pris beaucoup d’importance.
L’analyse des documents d’archives m’a permis, dans le cadre de
mon travail de thèse, de dégager des renseignements chiffrés relatifs à
l’activité de Dār al-Sikka pendant des périodes bien déterminées et de
reconstituer ainsi, mais de manière fort fragmentaires, les quantités
d’argent métal et monnayé qui ont été livrées à l’Hôtel des Monnaies
de Tunis et celles qui y été émises, mais aussi d’identifier, dans une
certaine mesure, tant les pourvoyeurs que l’origine géographique du
métal44. Cette analyse m’a permis aussi de constater que cet argent était
constitué pour l’essentiel d’espèces européennes et tout
particulièrement, au fur et à mesure de notre progression dans le temps,
de pièces de dūrū frank (pièce française en argent de 5 francs) qui a
supplanté progressivement la piastre espagnole depuis le règne de
Ḥammūda Bāšā, mais aussi du métal argent. Ce sont les deux sources
principales qui entraient dans l’ensemble de l’argent livré à l’Hôtel des
Monnaies de Tunis, tout particulièrement au début du XIXe siècle. La
refonte porte également sur des anciens riyāl tunisiens. Dans une très
faible mesure, l’alimentation s’effectua aussi grâce à des livraisons
d’argent en lingots ou en argent monnayé en espèces de dūrū bū madfa͑
(piastre espagnole), de dūrū bū nawwāra, de dūrū bū aṣfūr (thaler
d’Autriche), d’anciens riyāl tunisiens, etc. Pour la frappe de monnaies
de cuivre, l’approvisionnement s’effectuait désormais grâce à
l’importation du métal de l’Europe et plus particulièrement de la France
et de la Belgique.
Les reconstitutions des comptes relatifs à l’approvisionnement de
Dār al-Sikka en métaux, que j’ai pu établir lors de mon travail de thèse,
44
Voir Abdelhamid FENINA, Les monnaies de la Régence de Tunis sous les
Ḥ’usaynides, p. 63-64, 66-70, 105-108, 127- 134, 165-172, 186-189, 199-202, 220-
222 et 242-245.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Mines, métaux et frappe monétaire à Dar-al-Sikka de Tunis sous les Hussaynides 243

m’ont montré qu’au fur et à mesure de la progression de


l’interventionnisme des négociants européens sur la politique
économique et financière des Beys ḥusaynides, fortement appuyés par
leurs consuls, l’alimentation de l’Hôtel de la Monnaie en métaux
précieux s’effectue, de plus en plus, quasi exclusivement grâce à des
livraisons d’espèces européennes. Les Louis français et les Lires (lira)
italiennes entraient pour plus de 90% de l’alimentation de l’Hôtel de la
Monnaie en or, alors que le dūrū franc entrait, quant à lui, pour 99% de
l’ensemble de l’argent livré. En revanche, le cuivre livré à l’Hôtel des
Monnaies de Tunis était de diverses natures : des lingots, des
instruments de musique, ustensiles usagés, des pièces d’artilleries,
d’anciennes monnaies décriées et divers autres objets. Mais aussi et
surtout grâce à l’affermage de la frappe monétaire à des particuliers et,
la frappe de certaines quantités de monnaies tunisiennes à l’étranger
aussi bien pour le cuivre que pour les métaux précieux45.
Conclusion
Le dépouillement des documents d’archives, même s’il m’a révélé
l’existence de quelques mines de cuivre sur le sol de la Régence de
Tunis sous les Ḥusaynides avant l’installation du protectorat français
(1705-1881), voire même des minerais d’argent et d’or, qui m’étaient
auparavant en partie inconnues, les renseignements que ces documents
renferment n’ont pas pour autant changé la conclusion que j’avais
formulée il y a déjà plus de d’un quart de siècle. En effet, pour plus de
90 % l’Hôtel de la Monnaie de Tunis au XIXe siècle fonctionnait grâce
à une refonte des espèces étrangères en espèces locales. La Régence de
Tunis ne semble donc pas avoir disposé à cette époque de mines en
métaux précieux, argentifères ou aurifères, en exploitation pour
permettre la frappe monétaire. Et les quelques mines signalées par nos
documents d’archives encore en exploitation, particulièrement dans la
seconde moitié du XIXe siècle, étaient principalement en cuivre et de
très faible productivité.
En somme, la Régence de Tunis d'avant l'installation du Protectorat
français, et sans doute bien avant, manquait cruellement de mines
métalliques servant à la frappe monétaire. Les rares mines de cuivre de
la Régence ne semblent pas non plus satisfaire les besoins de Dār al-

45
Voir Abdelhamid FENINA (2003 : 244-245).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


244 Abdelhamid FENINA

Sikka, sans cesse en augmentation, en métaux nécessaire à la frappe


monétaire. Aussi, pour se procurer le métal qui lui est indispensable,
l’institution beylicale de frappe monétaire se trouvait contrainte de
s’adresser à des fournisseurs étrangers pour assurer une alimentation
plus au moins régulière en métal. Eu égard à cette situation, les beys
ḥusaynides avaient cherché à prospecter le pays en vue de trouver des
mines. Cette tâche a été confiée à des ingénieurs des mines français.
Charles Benoît, puis E. Dubois et d’autres ont, à la seconde moitié du
XIXe siècle, prospecté la Régence, mais sans grand succès pour ce qui
concerne les mines métalliques de métaux précieux. En dehors des
mines de plomb qui semblent exister en abondance dans la Régence, du
fer également, les métaux monétaires même lorsqu’ils existent ne sont
pas d’une exploitation rentable.

Illustrations

Fig. 1 : Liste des mines et carrières de la Régence de Tunis en


1272/1856
(A.N.T., C. 239, D. 572, d. 1) ;
Fig. 2 : Liste des mines et carrières de la Régence de Tunis en
1272/1856
(A.N.T., C. 239, D. 572, d. 2) ;
Fig. 3 : Liste des mines et carrières de la Régence de Tunis en
1272/1856
(A.N.T., C. 239, D. 572, d. 4 recto verso) ;
Fig. 4 : Plan de prospection de mines de plomb et de cuivre au Djebel
Frina (A.N.T., série historique, C. 239, D. 586, d. 3 & carte de la
Régence de Tunis)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


METAL MONNAYE EN AFRIQUE A L’EPOQUE ROMAINE

Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM


Enseignante-Chercheure en Histoire,
Archéologie et Numismatique Antiques (F L S H
Tunis) Membre du Laboratoire Archéologie et
Architecture Maghrébines

Résumé
Cette recherche est consacrée au métal monnayé en Afrique au Bas-Empire, ce
territoire habitué à l’usage de la monnaie depuis les années 400 av. J.-C., soit deux
siècles après la Grèce.
Les études numismatiques mettent généralement en exergue l’importance de la
typologie, l’approvisionnement, la circulation de la monnaie notamment en bronze,
mais on a presque jamais évoqué la question de la frappe monétaire et la provenance
des métaux servant à cette frappe. Car pour élucider cette problématique, il est
indispensable de faire recours aux analyses élémentaires, qui nous permettent
d’étudier la composition des émissions africaines du Bas-Empire, reflets des diverses
politiques monétaires mises en œuvre dans chaque province.
Par ailleurs ces analyses ont été pratiquées sur des émissions monétaires africaines
de l’époque byzantine ou arabo-musulmanes, mais pas sur les monnaies romaines.
Cette étude se veut une contribution pour faire l’état des lieux du métal monnayé
de l’Afrique du Bas-Empire ; nous proposons un réexamen des sources littéraires,
numismatiques et d’autres références récentes qui ont abordé ou fait allusion aux
métaux ayant servi à la frappe de la monnaie en Afrique antique.
Mots-clés
Métal, monnaie, minerais, mines, Afrique, période romaine, IVe siècle, analyses
élémentaires, frappe.

Comme l’ont souvent souligné les spécialistes des économies


antiques, l’œuvre romaine dans les provinces était d’ordre purement
économique. À cet égard, l'Afrique du Bas Empire fait figure d'exemple
: on apprécie ses capacités d'exportation de blé, d'huile, de marbres et
notamment de céramiques, dans une aire maritime étendue aux limites
246 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

extrêmes de la Méditerranée. Des analyses de cargaisons d'épaves,


notamment, permettent aujourd'hui d'obtenir des vues précises sur la
plupart de ces problèmes (les travaux de Bonifay, Ben Moussa…)1.
A côté de ces données, nous n’avons presque aucune recherche sur
les sources de la production monétaire en Afrique notamment le bronze.
Pourquoi alors ne point tenter une expérience parallèle sur cette
question, encore plus fondamentale, posée en ces termes : quelles sont
les ressources métallurgiques de ce territoire ? Par quels mécanismes le
métal monnayé a pu assurer une économie monétaire dont la longévité
est bien attestée ?
L’histoire de la monnaie a commencé en Afrique, quand Carthage,
vaste empire maritime, a adopté la coutume de la monnaie en 410-390
av. J.-C. Ces premières émissions étaient destinées à la solde des
mercenaires, lors de la guerre contre Syracuse. Carthage a frappé des
monnaies dans les trois métaux : Or, Argent et Bronze. Pour des besoins
militaires la frappe n’était pas propre à l’atelier de Carthage2 mais il
existe un autre atelier, celui de la Sicile qui frappait le monnayage en
argent3. Selon J.K. Jenkins4, la présence des deux ateliers est liée à la
dualité de la provenance des métaux précieux : Méditerranéenne pour
l’argent et africaine (Afrique noire) pour l’or. Cette hypothèse demeure
invalidée, dans la mesure où il faut envisager d’autres provenances,
notamment celles de l’or comme l’Espagne par exemple, dont les
travaux de C. Domergue sur ses mines5 ont bien mis à jour
l’exploitation de l’or ibérique dès l’époque préromaine. Certes

1
Les spécialistes ont beaucoup accordé de l’importance à l’étude des activités de
salage de poisson et le commerce des sauces. Néanmoins, les études relatives aux
anciennes techniques, et à d’autres savoir-faire demeurent quasi absentes. Voir en
dernier lieu : Bonifay M, « Amphores de l’Afrique romaine : nouvelles avancées sur
la production, la typo-chronologie et le contenu », in : III Congreso internacional de
la SECAH - EX OFFICINA HISPANA, Amphorae ex Hispania. Paisajes de
producción y de consumo. Tarragone, ICAC, à paraître.2016, p. 595-611
2
Qui frappait l’or et le bronze
3
Jacques ALEXANDROPOULOS, Les monnaies de l'Afrique antique 400 av. J.-C.-
40 ap. J.-C, Presse Univ. du Mirail, p.42-45 ; 113-115.
4
J.K JENKINS et R. B. LEWIS, Carthaginian gold and electrum coins, London,
Royal Numismatic Society, Special Publication, n° 2, 1963, p.26-34.
5
Claude DOMERGUE, Les Mines de la Péninsule Ibérique dans l'Antiquité romaine,
Rome, Collection de l'École Française de Rome, 127, 1990, p. 159-160.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Métal monnayé en Afrique à l’époque romaine 247

l’hypothèse de J.K. Jenkins n’avait pas assez de fondements, mais il


faut souligner qu’il s’agit d’une première mise au point sur la
provenance des métaux servant à la frappe des premiers monnayages
d’Afrique.
S’agissant de l’époque romaine, notons que la chute de Carthage en
146 a provoqué un changement complet dans le monnayage africain.
Les ateliers numides ont continué à émettre des monnaies mais selon le
système romain. L’atelier d’Utique et les autres ateliers provinciaux ont
cessé de frapper la monnaie vers 30 ap. J.-C. C’est ainsi que l’atelier a
pris le relais pour approvisionner l’Afrique en numéraire. D’ailleurs, il
faut attendre le IIIe siècle pour assister à la remise en activité de l’atelier
de Carthage (296-311), sous la tétrarchie.
La fabrication monétaire est très peu référencée à l’époque romaine,
aussi bien en ce qui concerne la composition de l’alliage et la frappe,
qu’en ce qui concerne la provenance des stocks de métal monnayé. En
effet, on trouve deux sources mentionnant le métal monnayé. La
première est celle de Pline l’ancien, Histoire Naturelle6, où l’auteur
évoque des métaux précieux : l'or, l'argent et quelques autres matières
apparentées telles que le sil et le lomentum. Il a aussi traité les méthodes
d’extraction, notamment en Espagne, pour finir par retracer l’histoire
de la monnaie : « I. Nous allons parler maintenant des métaux, la
richesse par excellence, et le signe de la valeur des choses. L'industrie,
pour divers motifs, fouille le sein de la terre. Ici elle creuse pour
satisfaire l'avarice, et va chercher l'or, l'argent, l'électrum, le cuivre…
XIII. […] Le peuple romain, avant la défaite de Pyrrhus (an de Rome
479), n'avait pas de monnaie d'argent. L'as de cuivre pesait exactement
une livre, d'où les noms encore subsistants de libella et de dupondius. »
XIX […] On trouve en Espagne de petites masses d'or qu'on
nomme strigiles. Seul entre tous, on le rencontre à l'état de pépite ou de
paillettes: à la différence des autres métaux, qui, pour être formés,
doivent passer par le feu, cet or est or immédiatement, et il est
complètement élaboré dès qu'il est trouvé. C'est là l'or natif; l'autre
dont nous parlerons est un produit de l'art. ».

6
Pline l’Ancien, XXXIII

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


248 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

La seconde source est Histoire romaine de Dion Cassius7. Dans son


ouvrage l’auteur nous révèle des changements dans les techniques
monétaires sous Caligula : ce sont les refontes. « Le sénat, lorsqu'il
connut les succès remportés en Bretagne, donna à Claude le surnom de
Britannicus, et lui décerna le triomphe. Il décréta, en outre, des jeux
annuels, l'érection de deux arcs de triomphe, l'un à Rome, l'autre dans
la Gaule, à l'endroit où il s'était embarqué pour passer en Bretagne ; il
décora son fils du même surnom, en sorte que le nom de Britannicus
devint, pour ainsi dire, véritablement celui de l'enfant. Messaline eut la
préséance, qu'avait eue autrefois Livie, et l'autorisation de faire usage
d'un char. Tels furent les honneurs que le sénat rendit aux princes ; de
plus, la mémoire de Caius lui étant odieuse, il ordonna que toutes les
monnaies d'airain (bronze) frappées à son image seraient fondues. »
D’après le texte, Dion Cassius fait allusion à une technique bien
attestée sous le règne de Caligula : le jeu des refontes monétaires qui
consiste au réemploi des monnaies des empereurs précédents. Cette
technique se poursuivait jusqu’à une période tardive8. Par ailleurs, la
refonte mentionnée par l’historiographie est-elle vérifiable à l’appui des
investigations archéométriques ?
Notons qu’en numismatique, l’archéométrie ne dépend pas
beaucoup de l’historiographie. Car Il n’y a pas de traité antique
concernant la fabrication et l’outillage de la monnaie, comme celui de
Vitruve pour l’architecture par exemple. C’est pourquoi les chercheurs
prennent en compte les traces archéologiques laissées par les ateliers, et
les traces d’activités métallurgiques dans l’Antiquité. Ainsi, ils peuvent
mettre en place un protocole permettant de réfléchir sur la composition
des alliages monétaires9. En effet, sous l’Empire romain, les alliages

7
Dion CASSIUS, LX, 22.
8
Les lois monétaires des Valentiniens, en 364-368, instaurent ainsi la refonte des
monnaies d’or (solidi) versés aux caisses de l’État et leur refrappe aux poids et titres
légaux garantis par une estampille (obryza) dont les premières attestations datent de
la fin de 367 ou du début de 368. Voir P.-M. GUITHAR, G. BLANCHET et alii,
Appréhender le stock de métal monnayé au IVe siècle après J.-C. Analyses par
spectrométrie de fluorescence X portable de nummi provenant du trésor de Saint-
Germain-de-Varreville (Manche), ArcheoSciences 2018/2 (n° 42-2), p. 62.
9
GAFFIERO , F TEREGEOL, A. SUSPENE, B. GRATUZ et S. ZELLER, La
production monétaire romaine en orichalque : caractérisation du monnayage et
approche du processus d’élaboration par l’expérimentation, ArcheoSciences [En

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Métal monnayé en Afrique à l’époque romaine 249

monétaires peuvent subir divers changements. Car certes le titre d’or ne


s’altérait quasiment pas10, mais les deniers étaient dévalués
constamment dans le but d’augmenter le volume de frappe, notamment
lors de périodes de crise. Car en augmentant la part de cuivre présente
dans l’alliage, on peut avoir une plus grande quantité de métal à
moindre coût11. E. Cley a analysé un échantillonnage de monnaies
romaines et il était le premier à constater qu’il y a une baisse régulière
de la part de zinc dans les sesterces, dupondii et semisses d’orichalque.
Cela est dû à la refonte des monnaies des empereurs précédents afin de
servir de première matière aux nouvelles monnaies12. Les analyses de
Cley et les plus récentes ont révélé que la diminution des teneurs en zinc
commence à apparaitre après la mort de Néron, et elle devient plus
perceptible à partir de Vespasien13. Au IIIe siècle, notamment pendant
la crise, on remarque un fait qui a caractérisé cette période : une
simultanéité entre accroissement des besoins financiers de l’État
impérial à cause des guerres qui se sont déroulées dans la seconde
moitié du IIIe siècle et inadaptation des ressources métalliques à ces
besoins monétaires accrus. Beaucoup d’explications et
argumentations14 ont été présentées afin d’expliquer ce fait mais la

ligne], 35 | 2011, mis en ligne le 30 avril 2013, consulté le 29 mai 2019. URL :
http://journals.openedition.org/archeosciences/2951 ; DOI :
10.4000/archeosciences.2951
10
J.-P. CALLU, C. BRENOT, J.-N BRRANDON, et J. POIRIER, Aureus
Obryziacus , in Morrisson C., Brenot C., Callu J.-P., Barrandon J.-N., Poirier J.,
Halleux R. (dir). L’or monnayé I, Purification et altération de Rome à Byzance,
Cahiers Ernest-Babelon 2, Paris, CNRS édition, 1985, p. 81-111.
11
GAFFIERO , F TEREGEOL, A. SUSPENE, B. GRATUZ et S. ZELLER, La
production monétaire romaine en orichalque : caractérisation du monnayage et approche
du processus d’élaboration par l’expérimentation, ArcheoSciences [En ligne], 35 | 2011,
mis en ligne le 30 avril 2013, consulté le 29 mai 2019. URL :
http://journals.openedition.org/archeosciences/2951 ; DOI : 10.4000/archeosciences.2951
12
E. CALEY, Orichalcum and related ancient alloys : origin, composition and
manufacture, with special reference to the coinage of the Roman Empire, New York,
American Numismatic Society, Numismatic notes and monographs, 1964, vol. 151.
13
GAFFIERO , F TEREGEOL, A. SUSPENE, B. GRATUZ et S. ZELLER, La
production monétaire romaine en orichalque : caractérisation du monnayage et approche
du processus d’élaboration par l’expérimentation, ArcheoSciences [En ligne], 35 | 2011,
mis en ligne le 30 avril 2013, consulté le 29 mai 2019. URL :
http://journals.openedition.org/archeosciences/2951 ; DOI : 10.4000/archeosciences.2951
14
Le problème de cette smultaneité au IIIe siècle a fait l’objet d’un article de George
Depeyrot et Dominique Hollard, « Pénurie d’argent-métal et crise monétaire au IIIe

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


250 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

plupart n’ont pas été validées. C’est seulement grâce aux analyses
élémentaires qu’on peut confirmer l’argumentation suivante : « une
forte refonte de sesterces, au prix d’une forte diminution du poids de
bronze utilisé. Cette refonte des sesterces, s’ajoutant à celle des
deniers, a permis une augmentation considérable de la masse
monétaire en circulation. »15 Au IVe siècle on assiste à une série de
réformes monétaires, pour mettre fin au pic de l’inflation nominale du
Billon et arriver à stabiliser le système monétaire fondé sur l’or. La
réforme de Dioclétien de 294 est fondée sur une restauration du système
monétaire avec ses trois métaux : Or, Argent et Bronze. Le but était
d’établir des rapports fixes de valeurs entre l’Aureus (or), l’Argenteus
(argent) et le Nummus (billon). Par ailleurs, grâce à sa position au cœur
du système monétaire, le nummus avait un rôle important pour les
transactions quotidiennes et les payements courants16. Le nummus se
présente ainsi : pièce en bronze argenté. Le titre et le poids de cette
monnaie ont évolué tout au long du IVe siècle. C’est pourquoi le titre
d’argent du nummus constituait un garant pour que la monnaie soit
acceptée ou refusée par les usagers17. Autrement, elle est à double
tranchant : si elle est bien contrôlée par l’Etat, elle peut circuler et
assurer les transactions quotidiennes. Au cas contraire, elle peut aboutir

siècle après J.-C. », Histoire et Mesure, 2/1, 1987, 57-85. En se fondant sur des
données quantitatives relatives aux poids des monnaies collectés à partir des trésors
monétaires du IIIe siècle. Les deux auteurs soulignent une baisse continuelle des poids
et des titres des fins. D’où la conclusion à laquelle ils parviennent : la crise monétaire
du IIIe siècle est la « conséquence de la pénurie de métal blanc ». Cette conclusion ne
peut pas être valide car avec ce traitement quantitatif, on n’a pas conjugué d’autres
éléments relatif à la contextualisation de la monnaie par rapport aux indicateurs
externes : politique monétaire des empereurs, comportement des usagers et à leur
principal révélateur : le mouvement des prix. Voir J.-M. CARRIE, Ressources
métalliques, politiques monétaires, production et circulation des espèces dans
l’Empire romain tardif, in Produktion und Recyceln von Münzen in der Spätantike.
Produire et recycler la monnaie au Bas-Empire, Internationales Numismatikertreffen
/ 1ères Rencontres internationales de numismatique, (15-16 mai 2014, Mainz), Verlag
des Römisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz 2016, p. 10.
15
Ibid, p. 9-10.
16
La quasi-totalité des ensembles monétaires du IVe siècle, découverts dans les
différentes provinces de l’empire, sont composés de nummi.
17
J.-M CARRIE, Les crises monétaires de l’Empire romain tardif, in : B. Théret (éd.),
La monnaie dévoilée par ses crises I:Crises monétaires d’hier et d’aujourd’hui (Paris
2008) 131-163.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Métal monnayé en Afrique à l’époque romaine 251

à un écart notable entre sa valeur métallique et sa tarification officielle,


d’où le flottement. Les analyses élémentaires des ces pièces, notamment
les plus récentes, ont montré que « l’approvisionnement en métal n’est
pas toujours commun à l’ensemble des ateliers occidentaux bien que le
jeu des refontes successives ne soit pas à sous-estimer ; dans certains
cas, en effet, l’utilisation d’une autre source de métal s’est imposée. »18.
Toutes ces données relatives au métal monnayé que je viens de
présenter concernent les pays Anglo-Saxons et les pays Occidentaux :
France, Italie, Grèce, Angleterre. Mais qu’en est-il pour la Tunisie,
l’ancienne Afrique et qui faisait partie des provinces occidentales de
l’Empire romain ? Certes quand on s’attaque à ce genre de questions, la
réponse n’est pas évidente. Car cette approche relative à la
caractérisation du monnayage et l’approche du processus d’élaboration
par l’expérimentation sont quasi absentes, du moins pour les monnaies
antiques19. Pour autant, les gisements métallifères de l’Afrique du Nord
sont connus depuis la haute Antiquité. Les arsenaux carthaginois
utilisaient les métaux de la région, des inscriptions puniques
mentionnant des fonderies de cuivre et peut-être aussi des fabricants des
ustensiles. Stéphane Gsell remarque que si au IIIe et au IVe siècles les
armes sont rares dans les sépultures, on trouve cependant des cisailles
en fer, des hameçons en bronze, des cuillers, des pelles, des miroirs des
boites en plomb pour le fard des coupes des lampes de même métal,
tout un mobilier qui atteste un stade bien avancé dans l’évolution
métallurgique. Le Djebel Ressas, la montagne de plomb près de
Carthage, les gites du Zacear près de Miliana, le Djebel Hadid près de
Mogador ont certainement été connus et exploités pendant la période
phénico-punique. Pendant la période romaine, l’extraction marquait
une croissance des principaux gisements de plomb de la Tunisie et de
la province de Constantine. De même les minerais de fer des Nefzas et
du Zacear étaient exploités. Cette exploitation qui remonte à la période
romaine est attestée depuis l’époque coloniale par les vestiges

18
P.-M .GUIHARD, G. BLANCHETet alii, Appréhender le stock de métal monnayé
au IVe siècle après J.-C. ArcheoSciences, 42-2, 2018, p. 58.
19
On note seulement le travail de Souha Nefzaoui dans le cadre d’un Master intitulé :
Essai d’application des méthodes d’analyse non destructives sur des monnaies
d’argent (dirham) trouvées en Ifrqia, Faculté des Sciences Humaines et Sociales,
Université de Tunis.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


252 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

(excavations, galeries, descenderies) des travaux entrepris par les


metallarii de la Rome impériale20.
En effet, l’étude des gisements métallifères anciens consistait pour
longtemps à des prospections entreprises par des géologues du XIXe
siècle qui n’ont pas tout exploré, ce qui donne un caractère lacunaire de
la liste des gisements anciens. Car ces derniers ne manquaient pas en
Afrique d’après l’historiographie (Tertullien, Saint Cyprien, saint
Augustin) qui mentionne la présence des mines, mais l’information sur
l’exploitation fait défaut d’après ces documents. D’ailleurs ces « gites
métallifères, éparpillés presque partout, mais sauf pour le fer, ils sont,
en général, peu importants… Mais les anciens n'ont pas su le parti
qu'ils en auraient pu tirer.»21. C’est ainsi que S. Gsell a interprété le
rapport de Rome avec les minerais de l’Afrique.
Il est important de souligner que l’Office des Mines Tunisien a
inventorié en se basant sur des travaux antérieurs, comme ceux de Louis
Berthon, Stéphane Gsell et Paul Sainfled, 25 gisements anciens de
plomb, 6 gisements de fer et 2 gisements de cuivre22. Ce recensement a
été établi grâce au repérage lors des prospections des ingénieurs, des
vestiges d’une exploitation ancienne : puits, galeries, niches, amas de
scories23. D’après l’étude des gisements susceptibles d’être exploités
durant l’Antiquité, le fer, le cuivre, le zinc (dans la calamine), et l’argent
(en tant que sous-produit dans la galène) semblent être en quantités
exploitables. Cependant, l’or, l’étain et l’antimoine ne semblent pas
présenter des grandes quantités pour être exploitables24. La répartition

20
Levainville Jacques. « Ressources minérales de l'Afrique du Nord », Annales de
Géographie, t. 33, n°182, 1924. pp. 151.
21
S. GSELLE, veilles exploitations minières dans l’Afrique du Nord, Hespéris, Paris-
Rabat, 1928, p.11.
22
A. BEN SAÏD, W. Khalfalli et alii, Les mines métalliques de la Tunisie antique :
caractéristiques des exploitations et des traitements des minerais, Actes du 2ème
colloque du patrimoine géologique, Annales des mines et de la géologie, éditions du
service géologique de Tunis, Tunis, 2004, p. 42.
23
S. GSELLE, veilles exploitations minières dans l’Afrique du Nord, Hespéris, Paris-
Rabat, 1928, p.11.
24
A. BEN SAÏD, W. Khalfalli et alii, Les mines métalliques de la Tunisie antique :
caractéristiques des exploitations et des traitements des minerais, Actes du 2ème
colloque du patrimoine géologique, Annales des mines et de la géologie, éditions du
service géologique de Tunis, Tunis, 2004, p. 42.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Métal monnayé en Afrique à l’époque romaine 253

des mines tunisiennes dont l’exploitation remonte à l’Antiquité est la


suivante :
- Le domaine de l’Atlas tellien, au nord avec des gisements
présentant des paragenèses à plomb, zinc, fer, mercure, cuivre et
antimoine. Les mines de l’Oued Maaden, Chouicha, Jebel Hallouf-Sidi
Bou Aouane appartiennent à ce domaine
- L’Atlas Tunisien, plus au sud, se caractérise par deux types de
paragenèses à plomb, zinc, fer, baryum, strontium et cuivre (Sakiet Sidi
Youssef, Nabeur, Djebba, Garn Halfaya, Bou Grine, Kebbouch ouest
ou Siguese Fej Lahdoum, Lakhouat) et l’autre à paragenèses plus
simple, principalement Zinc, à plomb, baryum, fluor et fer (région du
Kef-ouest et sud, Kasserine, Zaghouan, Kairouan ouest).Dans le même
secteur on trouve les mines de Sidi Amor Ben Salem-Jebel Slata, Bou
jebeur, Jerissa, Lajered, Chambi, Loridja25. Notons que l’argent pur
(natif) n’existe pas en Afrique. Néanmoins, les gisements plombifères
présentent des teneurs assez importantes d’argent26. S. Gsell mentionne
qu’on ne peut pas affirmer que le nom Argenti signifie une mine
d’argent mais plutôt de plomb argentifère, que les anciens n’ont pas
hésité à extraire du plomb la petite quantité de métal précieux qu’il
contenait27. Le même auteur nous fournit une liste des gisements à
exploitation ancienne. Ils sont localisés au nord et au centre de la
Tunisie28. Nous déduirons donc que grâce aux informations livrées par
l’historiographie ancienne et aux prospections des gisements miniers,
entreprises depuis la fin du XIXe siècle, l’exploitation de ces gisements
dans le passé est bien attestée. Cependant, il est impossible de dater
exactement l’âge de ces exploitations : puniques, romaines, vandales,
byzantines.

25
A. BEN SAÏD, W. Khalfalli et alii, Les mines métalliques de la Tunisie antique :
caractéristiques des exploitations et des traitements des minerais, in Actes du 2ème
colloque du patrimoine géologique, Annales des mines et de la géologie, éditions du
service géologique de Tunis, Tunis, 2004, p. 42-44.
26
Une teneur moyenne d’argent entre 10 et 400 gr par tonne selon P. MAIGNE, Les
mines de la France et de ses colonies, Paris, p. 135. P. SAINFLED, note des teneurs
variant entre 250 et 500 grammes par tonne. Voir P. SAINFLED, Les gites plombo-
zincifères en Tunisie, Imprimerie S.E.F.A.N, Tunis, 1952, p. 250.
27
S. GSELLE, veilles exploitations minières dans l’Afrique du Nord, Hespéris, Paris-
Rabat, 1928, p.7.
28
Ibid, p.12-14.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


254 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

Malgré les lacunes et les imprécisions de la documentation relative


aux ressources minières de l’Afrique, il ressort de cette recherche que
le territoire africain où prospèrent le fer, le cuivre et le plomb pouvait
compter sur lui-même pour s’approvisionner en métal afin de frapper
ses propres monnaies. Néanmoins, les trouvailles monétaires nous
indiquent que cet approvisionnement n’était pas évident. Car le métal
argent qui alimentait l’atelier monétaire, pour notre cas, celui de
Carthage sous la tétrarchie, ne provenait pas seulement des mines
locales mais aussi d’autres sources comme la refonte des monnaies
précédentes, comme je l’ai expliqué plus haut en abordant le sujet des
analyses élémentaires effectuées sur un monnayage qui a été découvert
dans d’autres pays de la méditerranée. Comment peut-on dans ce cas
déterminer les sources de l’approvisionnement en argent-métal de
l’atelier de Carthage au IVe siècle ? A l’instar d’autres provinces,
l’Afrique romaine n’a pas été épargnée par des crises et des
bouleversements politiques pendant la période romaine, dont la plus
aigüe est celle du IIIe siècle, notamment sur le plan monétaire qui est
lui-même lié au métal monnayé, à savoir l’argent. Car la combinaison
des indices des volumes des émissions et des poids de fin offre la
possibilité de suivre l'évolution des quantités de métal précieux utilisées
pour les frappes. Il semble que cette période ait été dominée par une
pénurie de métal, qui est vraisemblablement une cause parmi d’autres
de la crise monétaire du IIIe siècle. Cela reste valable pour la Gaule,
puisque ces combinaisons ont été effectuées sur un matériel
numismatique bien gaulois. Concernant le IVe siècle, plusieurs études
du même genre ont été effectuées afin de cerner l’évolution du titre des
monnaies de bronze argenté : le nummus de la réforme de Dioclétien au
règne de Théodose II. Cette évolution ou ces réformes se traduisent par
un changement du système pondéral et de l’iconographie, que ces
études ont bien mis en exergue. D’autres investigations ont porté sur le
changement de la composition de l’alliage, grâce à une méthode
d'analyses non destructive, l'activation de neutrons rapides de
cyclotron. Ainsi les analyses portant sur les monnaies du IVe siècle,
notamment le bronze, sont importantes depuis les années 60. Notons à

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Métal monnayé en Afrique à l’époque romaine 255

titre d’exemple celle de A. Ravetz29, de J.-N. Barrandon et C. Brenot30.


D’autres sont plus récentes31 et elles sont d’un grand apport, car elles
se sont fondées sur un échantillonnage assez important sur le plan
quantitatif : tous les ateliers occidentaux et orientaux en activité pendant
cette période sont représentés. L’atelier de Carthage est retracé par 3
exemplaires, datant de la réforme de Dioclétien, étudiés par I. Bollard
et Barrandon, et 1 médaillon de Maximien Hercule émis entre 294 et
305, étudié par I. Bollard. Malgré la petitesse du nombre des monnaies
émises par l’atelier de Carthage dans ces analyses, par rapport à d’autres
ateliers : Rome 54 exemplaires ; Arles 25 exemplaires ; Londres 10
exemplaires. Les résultats des analyses ont démontré que l’atelier de
Carthage n’avait pas de spécificité dans l’alliage et qu’on peut l’aligner
sur les autres ateliers occidentaux et orientaux de l’Empire qui avaient
les mêmes sources d’approvisionnent en argent, du moins pour les
monnaies émises avec les réformes de Dioclétien. Autrement « avec la
réforme de Dioclétien, une nouvelle organisation de la production est
mise en place. Les ateliers monétaires devaient recevoir sous forme de
lingots le métal pour la frappe des nummi. On peut imaginer qu'un
atelier, peut-être celui de Rome, fournissait le matériel à utiliser pour la
production des premiers nummi, puis on a refondu les nummi antérieurs
pour la frappe des nouvelles émissions. »32 Concernant l’étude du
médaillon de Maximien Hercule par I. Bollard, elle ne fait que
corroborer les recherches portant sur les nummi. Car en analysant tous
les médaillons tétrarchiques conservés au Cabinet des Médailles33, clle

29
Neutron Activation Analysis of Silver in some Late Roman Copper Coins.
Archaeometry 6, 1963, p. 45-55.
30
Analyse de monnaies de bronze (318-340) par activation neutronique à l’aide d’une
source isotopique de californium 252. In École française de Rome, Les « dévaluations
» à Rome – époque républicaine et
impériale (Rome, 13-15 novembre 1975). Rome-Paris, 1978, p. 125-144.
31
I. BOLLARD et J.-N. BARRANDON, Nouvelle contribution à l'étude du
monnayage en bronze du IVe siècle après J.-C., RN, 162, 2006, pp. 277-310 ; I.
BOLLARD, Les médaillons impériaux de l'Antiquité tardive : nouvelle contribution,
RN,164, 2008, p.297-319.
32
I. BOLLARD et J.-N. BARRANDON, Nouvelle contribution à l'étude du
monnayage en bronze du IVe siècle après J.-C., RN, 162, 2006, p. 300.
33
Il s’agit de 173 exemplaires comme étant des médaillons-multiples de bronze
argenté, de billon ou de bronze.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


256 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

a démontré que leur composition est tout à fait semblable à celle des
nummi34.
L’absence de données relatives aux analyses élémentaires propres
au monnayage de l’atelier de Carthage sous la tétrarchie, effectuées en
Tunisie, ne peut que porter préjudice à la recherche portant sur le métal
monnayé au IVe siècle. C’est pourquoi le présent travail n’est qu’une
tentative de dépouiller toute la documentation possible afin de dégager
quelques spécificités de l’atelier de Carthage. Vu l’insuffisance des
données, l’étude reste à étayer, c’est pourquoi il est important de faire
recours aux analyses non destructives qui sont une méthode novatrice
et qui ne peut que combler les lacunes des études purement
numismatiques et nous éviter les catalogues asséchés.

34
I. BOLLARD, Les médaillons impériaux de l'Antiquité tardive : nouvelle
contribution, RN,164, 2008, p.310.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Métal monnayé en Afrique à l’époque romaine 257

Annexes

Fig. 1 Dé en laiton, à côté de zinc fondu et de cuivre (fr.wikipedia.org › wiki ›


Laiton)
Le laiton est un alliage non ferreux constitué de cuivre et de zinc avec des proportions
qui peuvent varier.
« Il a dû exister, dans l'Empire romain, de très grands ateliers de préparation du laiton
destinés à la fabrication des monnaies : sesterces, dupondii et as (en partie au moins).
On estime en effet que la masse de laiton immobilisée par le monnayage impérial, au
début du IIe siècle, pouvait atteindre 500 tonnes (Étienne, Racher, 1984), ce qui
supposerait que plusieurs dizaines de milliers de ces grands creusets aient été
employés pour cette production. Même si l'on admet q u'une pareille masse n'a pas été
élaborée en un seul lieu, on aurait dû en retrouver des traces. Mais sans doute ne les
a-t-on pas reconnues. » d’après « La préparation du laiton par cémentation, à l'époque
romaine ».
http://www.cealex.org/sitecealex/diffusion/articles_mpicon/Picon_243.pdf.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


258 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

Fig. 2 (à gauche) Assortiment de moulages celtiques en bronze datant de l'âge du


bronze https://fr.wikipedia.org/wiki/Bronze
(à droite) Nummus en bronze frappé à Carthage (297-298)
https://www.academia.edu/37276427/Un_aureus_inedit_au_nom_de_Maximien_fra
pp%C3%A9_%C3%A0_Carthage
Le bronze est un mélange de cuivre et étain
« La dureté remarquable du bronze, la finesse de son grain, la résistance de cet alliage
à l’action oxydante de l’air humide, la fusibilité et la fluidité qui le rendent capable de
prendre l’empreinte des moules les plus délicats, le désignaient naturellement à la
fabrication des objets d’art. Grâce à ces propriétés précieuses, on retrouve tous les
jours encore des médailles enfouies depuis plusieurs siècles dans des terrains humides,
et qui n’ont rien perdu de leur finesse première. »
https://www.google.com/search?q=bronze+antiquit%C3%A9&oq=bronze+antiquit
%C3%A9&aqs=chrome.0.69i59j0j69i60.7650j0j7&sourceid=chrome&ie=UTF-8#

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Métal monnayé en Afrique à l’époque romaine 259

Dénomination : Aureus ; Date : 296 ; Nom de l'atelier/ville : Carthage ; Métal : Or ;


Diamètre : 45 mm ; Axe des coins : 12 h. ; Poids : 5,3 g. ; Degré de rareté : R1
A/ MAXIMIA-NVS P F AVG. Tête laurée à droite
R/ FELIX A-D-VENT AVGG NN // PK. L’Afrique debout de face, tête à gauche,
coiffée de la dépouille d’éléphant, tenant une défense dans la main gauche et un
étendard dans la droite. Son pied droit s’appuie sur un lion couché à gauche, tenant
un taureau terrassé entre ses griffes
https://www.academia.edu/37276427/Un_aureus_inedit_au_nom_de_Maximien_fra
pp%C3%A9_%C3%A0_Carthage

Dénomination : Argenteus ; Date : 296 ; Nom de l'atelier/ville : Carthage ; Métal


: Argent ; Diamètre : 40 mm
Axe des coins : 12 h. ; Poids : 2,7 g. ; Degré de rareté : R1
A/ Même description que la précédente
R/ Même description que la précédente S à l’exergue
https://www.academia.edu/37276427/Un_aureus_inedit_au_nom_de_Maximien_fra
pp%C3%A9_%C3%A0_Carthage

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


260 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

Dénomination : Nummus ; Date : 299-303 ; Nom de l'atelier/ville : Carthage ; Métal


: Bronze ; Diamètre : 26,50 mm
Axe des coins : 6 h. ; Poids : 7,58 g ; Degré de rareté : R1 ; Officine : 4e
A/ MAXIMIANVS NOB CAES,
R/ SALVIS AVGG ET CAESS FEL KART Δ ; Carthage debout de face, la tête à g.,
drapée, tenant des fruits dans chaque main.
https://www.google.com/search?q=Nummus+de+Gal%C3%A8re+frapp%C3%A9+
%C3%A0+carthage&oq=Nummus+de+Gal%C3%A8re+frapp%C3%A9+%C3%A
0+carthage+&aqs=chrome..69i57j33.23069j0j7&sourceid=chrome&ie=UTF-8

Fig. 3 Frappes monétaires de l'atelier de Carthage (sous la tétrarchie) dans les trois
métaux : Or, Argent, bronze argenté
Dénomination : Médaillon ; Date : Fin 298 ; Nom de l'atelier/ville : Carthage ; Métal
: Bronze ; Diamètre : 36 mm

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Métal monnayé en Afrique à l’époque romaine 261

Axe des coins : 12 h. ; Poids : 22,63 g ; Degré de rareté : R1


A/: VIRTVS MAXIMIANI AVG : Son buste lauré à gauche à mi-corps, ayant sur la
poitrine l’égide ornée de la tête de Méduse ; il tient un cheval par la bride et est armé
d’un bouclier sur lequel est représentée la louve sous le figuier, allaitant Romulus et
Remus.
R/: SALVIS AVGG ET CAESS FEL ORBIS TERR : Mars (ou Maximien ?) casqué,
debout de face, en habit militaire, regardant à droite et tenant un globe surmonté d’une
Victoire et une haste ; à ses pieds, un bouclier ; à côté de lui, la Monnaie debout de
face, tenant une balance et une corne d’abondance et ayant à ses pieds un tas de métal
; à côté de celle-ci, Cérès marchant à droite et se retournant, tenant des épis et des
fruits ; elle a sa robe roulée sur son sein.
https://www.academia.edu/1839606/Un_m%C3%A9daillon_de_bronze_de_l_Emper
eur_Maximien_Hercule_frapp%C3%A9_%C3%A0_Carthage

Bibliographie

J.-N. BARRANDON, C. BRENOT, C. MORISSON, Analyse de monnaies de


bronze (318-340) par activation neutronique à l’aide d’une source
isotopique de californium 252. In École française deRome, Les «
dévaluations » à Rome – époque républicaine et impériale (Rome, 13-15
novembre 1975). Rome-Paris, 1978, p. 125-144.
Ibid, Composition and technology of ancient medieval coinage : a
reassessement of analytical result, ANS, 32, p. 181-209.
A. BEN SAÏD, W. KHALFALI et alii. Les mines métalliques de la Tunisie
antique : caractéristiques des exploitations et des traitements des minerais, in
Actes du 2ème colloque du patrimoine géologique, Annales des mines et de la
géologie, éditions du service géologique de Tunis, Tunis, 2004, p. 42-54.
I. BOLLARD, Les médaillons et les contorniates (IVe-Ve siècles apr. J.-C.) :
les apports des analyses métalliques. Université de Paris, IV-Sorbonne,
thèse de doctorat, 2006.
Ibid, Les médaillons impériaux de l'Antiquité tardive : nouvelle contribution,
RN, 164, 2008, p.279-319.
Ibid., J.-N. BARRANDON, Nouvelle contribution à l’étude du monnayage en
bronze du ive siècle après J.-C. RN 162, 2006, 277-310.
J.-P. CALLU, J.-N. BARRANDON, L’inflazione nel IV secolo (295-361) : il
contributo delle analisi. In A. Giardina (dir.), Società romana e impero
tardoantico. Rome, 1986, p. 559-589.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


262 Zakia Ben Hadj Naceur-LOUM

J.-M CARRIE, Les crises monétaires de l’Empire romain tardif, in : B. Théret


(éd.), La monnaie dévoilée par ses crises I : Crises monétaires d’hier et
d’aujourd’hui (Paris 2008) 131-163.
Ibid, Ressources métalliques, politiques monétaires, production et circulation
des espèces dans l’Empire romain tardif, in Produktion und Recyceln von
Münzen in der Spätantike. Produire et recycler la monnaie au Bas-Empire,
Internationales Numismatikertreffen / 1ères Rencontres internationales de
numismatique, (15-16 mai 2014, Mainz), Verlag des Römisch-
Germanischen Zentralmuseums Mainz 2016, p. 3-28.
S. GSELL, Vieilles exploitation minières dans l’Afrique du Nord, Hespéris,
Paris, 1928, p. 1-21.
P.-M .GUIHARD, G. BLANCHETet alii, Appréhender le stock de métal
monnayé au IVe siècle après J.-C. ArcheoSciences, 42-2, 2018, p. 45-52.
P. SAINFLED, Les gites plombo-zincifères en Tunisie, Imprimerie S.E.F.A.N,
Tunis, 1952, p. 250.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


LES OBJETS METALLIQUES DANS LE FONDS POINSSOT

Rim BEN ALI


(Doctorante à la Faculté des Lettres, des
Arts et des Humanités de Manouba)

Résumé
Cet article est élaboré à partir d’une importante source, connue par le « Fonds
Poinssot ». Il a pour ambition d’étudier les attestations d’objets métalliques
reproduites par les archéologues Poinssot, du grand-père au petit fils, et de dresser un
catalogue de objets métalliques trouvés en Afrique du Nord et datant de l’époque
romaine et tardive.
Cet inventaire est constitué de fiches par objet et délivre des données précises et
descriptives qui permettent d’élaborer une approche analytique, d’identifier un certain
nombre d’objets et d’étudier la nature de leur métal, sa provenance et sa circulation.
Notre recherche s’appuie sur les attestations d’objets métalliques qui figurent dans
la bibliographie du fonds Poinssot. Il s’agit d’un fonds patrimonial constitué
d’archives se rapportant à la Tunisie et couvrant toutes les périodes de l’Antiquité.
Nous allons nous limiter dans cette étude à la période romaine et plus particulièrement
l’Antiquité tardive.
L’inventaire est composé de fiches qui renferment des informations précises, sous
forme de catalogue, collectées à partir des sources archéologiques, épigraphiques,
historiographiques et géologiques. Ces sources sont la base de notre étude, elles
constituent le principal outil de cette recherche. Notre démarche nécessite un ordre à
suivre, une échelle à consulter, des informations à sélectionner et des descriptions à
faire pour aboutir à un résultat aussi clair que possible.
Dans cette étude nous avons essayé de ne négliger aucune source, car chacune
d’entre elles a ses caractéristiques et ses bases de recherche, mais en réalité les
données archéologiques constituent l’essentiel des informations recueillies.
Les objets dont il est question, sont ordonnés par site et suivant un cadre
chronologique bien déterminé. On a pu les classer par thèmes comme par exemple un
objet désigné pour la décoration, ou pour l’utilisation quotidienne, d’autres pour la
défense (couteau, épée, casque, etc.), la médecine et finalement des objets outils,
comme ceux utilisés dans l’agriculture.
Ces objets sont également choisis suivant leurs types de métal car certains sont
classés comme œuvre d’art précieuse par exemple les objets en or (collier, boucles
d’oreilles, bague et fibules). Le meilleur exemple est celui du trésor d’argenterie,
trouvé à Carthage, constitué de vaisselles, patère, plat, coupe, etc. et des objets en
bronze et enfin les objets en acier, plomb, zinc et cuivre.
264 Rim BEN ALI

Mots clés
Fonds Poinssot, métaux, objets
d’ornement, bijoux, collections,
orfevrerie
Présentation du fonds Poinssot
Il s’agit d’un fonds patrimonial
constitué d’archives qui se
rapportent à la Tunisie. Ce fonds
est abrité par la bibliothèque
Gernet- Goltz (ANHIMA à Paris).
Une partie se trouve aussi dans les
archives de la BNF (INHA) à
Paris.
C’est un ensemble de
documents constitués par les
Fig.1, page de garde du Fonds Poinssot
archives de la famille Poinssot,
Julien Poinssot (1844 – 1900), Louis Poinssot (1879 – 1967) et Claude
Poinssot (1928 – 2002). Ce sont des archéologues de père en fils, et sont
considérés comme des acteurs et des témoins privilégiés de l’histoire et
de l’archéologie en Tunisie. Ils ont réuni un ensemble documentaire
exceptionnel et original sur l’histoire de l’Afrique du Nord qui s’étend
de l’Antiquité jusqu’au cours du XXe siècle, plus précisément de 1870
jusqu’à 2002. (Fig. 1)
Ce fonds est constitué d’une grande bibliothèque de plus de 4500
volumes, de 25 mètres-linéaires d’archives accumulées à partir de leurs
recherches, de leurs études et de celles de leurs confrères, Bernard Roy
(1845– 1919), Paul Gauckler (1866 – 1911), Alfred Merlin (1876 –
1965). Cette source offre aux chercheurs d’aujourd’hui une importante
documentation sur l’archéologie française en Afrique du Nord1, Nous
présentons ci-dessous, un exemple de cette importante source (Fig. 2).

1
C. Gutron, 2010, p. 28. Ces recherches ont été élaborées sous le Protectorat
français, établi en mai 1881, durant cette période, des institutions archéologiques ont
été fondées en Tunisie par la France. Après une longue expérience avec les Algériens.
En 1882, le premier Musée bâti en Tunisie pour la protection et la conservation des
objets s’est fait en 1883, la Commission de l’Afrique du Nord, chargée de contrôler
les recherches faites en Algérie, en Tunisie et enfin au Maroc, s’est établie à Paris.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 265

Les objets répertoriés dans le fonds Poinssot que nous allons


présenter, sont ordonnés suivant un ordre chronologique et une
classification organisée en fonction de leur utilisation et de leur usage.
Ils permettent d’en tirer quelques informations sur l’outillage, les
techniques de fabrication, la composition du métal et sa résistance ou
son oxydation.
Toutefois, ces objets métalliques sont parfois muets à cause de leur
mauvais état de conservation, rendant leur étude plus difficile.
Il est également important d’étudier l’objet dans son contexte
topographique et son emplacement archéologique précis et de faire le
lien avec le cadre civique et juridique local, sans oublier le contexte
urbanistique lorsqu’il a été noté par les archéologues.
Ainsi, à travers cette source, on peut tenter toute une étude statistique
de ces objets dans chaque cité, les comparer à d’autres objets découverts
sur le territoire africain, ainsi que dans d’autres provinces comme la
Gaule et même le territoire de l’Italie et à Rome même.
Les objets inventoriés sont divisés en deux catégories : les objets
appartenant à des privés pour l’utilisation quotidienne et les objets issus
soit des trésors, soit ceux découverts fortuitement dans un contexte
archéologique.

Fig.2, Exemple de document-source réuni par Claude Poinssot, 1958, p. 82

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


266 Rim BEN ALI

Catalogue des objets


L’essentiel de cette étude repose sur les objets métalliques mis au
jour en contexte archéologique. En effet, l’existence de ces objets
métalliques parmi les autres trouvailles permet de soulever les
questions relatives au lieu de découverte, la datation, l’artisan, le
propriétaire, la qualité de fabrication, la résistance de l’objet, son usage,
sa fonction, etc. Il s’agit également de prendre les dimensions de l’objet,
prendre des photos sur l’emplacement de la trouvaille, ensuite faire le
nettoyage puis le dessin et enfin, ces objets peuvent être déposés au
laboratoire pour le travail scientifique et ensuite l’analyse des données.
La mobilisation de sources archéologiques doit impliquer la mise en
place d’une base de données qui englobe l’ensemble des objets
métalliques et qui présente toutes les informations possibles. Ensuite, le
résultat dégagé des différentes analyses permet d’enrichir les
problématiques de la recherche. Il faut signaler que tous ces objets sont
exposés dans les Musées tunisiens ou conservés dans les réserves, ce
qui rend difficile leur étude et leur manipulation d’une manière directe.
C’est pour cette raison, que nous avons recouru à la documentation
fournie par les publications du XIXe et XXe siècles et la bibliothèque
du fonds Poinssot.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 267

Exemples des fiches d’objets :

Fiche n°1, (Fig. 3)


Objet : Coupe assimilée à un plat
Numéro d’inventaire : n° AF 3278
Lieu de conservation: British
Museum Department of Medieval
and Later Antiquities. Fig.3, coupe

Date et lieu de découverte : Avant


1869, site deCarthage, la chapelle de Saint Louis à 45-46 m à gauche de la chapelle
de Saint Louis.
Dimensions : - Diam.: 13,8 cm
- diam. du fond : 10,9 cm
- diam. du pied : 1,2 cm
- h. totale : 3,1 cm
- Diam. du cercle inscrit : 5 cm.
- H. des lettres de l’inscription : 0,8 cm environ.
Poids : 153,32 g
Datation de l’objet : fin IVe et au début du Ve siècle
Bibliographie : F. Baratte et alii, 2002 p. 15
Type de métal : Argent
Description : Une coupe largement ouverte, à fond plat et rebord oblique, posée sur
un pied tronconique bas dont les parois sont nettement concaves. Le rebord est orné
de godrons droits, parallèles, arrondis vers la base et compris entre deux lignes
incisées. Le fond du plat est hachuré, avec un rythme d’inclinaison qui prend la forme
d’une vague, appelée godrons sinueux dont le sommet arrondi est marqué par une
ligne incisée. Au centre de cette coupe, on trouve une inscription gravée, en grandes
lettres capitales, elle est tracée au moyen de traits crantés à l’exception de l’alpha et
l’oméga réalisés en traits simples. De plus, un chrisme est flanqué des deux lettres
apocalyptiques « LOQVERE FELICITER ». La partie inférieure du rebord, le raccord
du rebord et du fond et le cadre de l’inscription, sont dorés, comme les éléments
moulurés au centre. Enfin, aucune gravure sur le revers, l’objet est tout à fait lisse
Commentaire : Cette coupe montre une technique de fabrication très avancée suivant
le style de décoration, l’artisan a choisi une méthode simple pour indiquer le
propriétaire de l’objet ou le client. La coupe est exécutée avec grand soin. De surcroit,
le décor de cannelures –de courts godrons sur le rebord, des strigiles ondulés à
l’intérieur – est très apprécié par les orfèvres de la fin de l’Antiquité. Ce style très
recherché, signifie qu’on est en présence d’un propriétaire richissime et d’une main-
d’œuvre qualifiée. De plus la légende indiquée « Loquere féliciter » parle d’heureuse

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


268 Rim BEN ALI

manière c’est-à-dire une manière qui porte chance, une formule de bon augure très
fréquente sur un grand nombre d’objets de la période tardive. Cette formule est
accompagnée d’un chrisme, symbole de la religion chrétienne à une date avancée.
Fiche n°2, (Fig.4)
Objet : Paire de pendants d’oreilles.
Numéro d’inventaire : n° AF 324/ EC 243
Lieu de conservation : British Museum, Department
of Medieval and Later Antiquities
Date et lieu de découverte : Avant 1869, site de
Carthage, la chapelle de Saint Louis à 45 – 46 m
environ à main gauche de la chapelle de Saint Louis
Dimensions : H. totale : 5 cm et 6 cm
h. pendeloque : 4 cm
Diam. de l’anneau de la boucle : 2 cm.
Datation de l’objet : fin du IVe - début du Ve siècle Fig.4, Paire de
pendants d’oreilles
Poids : inconnu
Bibliographie : F. Baratte et alii, 2002, p. 80
Type de métal : Or
Description : Cette paire de boucles d’oreilles est constituée de trois éléments :
l’anneau en or ouvert de la boucle, il est soudé à un second élément et un petit anneau
supportant la pendeloque. Cet élément a manqué à l’une des deux boucles, et la
pendeloque est enfilée directement sur le grand anneau. Celle-ci comporte d’autres
composantes : une batte carrée avec anneau de suspension, remplie d’une émeraude
et il existe un fil d’or soudé à la partie inférieure de la bâte, qui se met en contact avec
une petite sphère d’or, une petite perle, une autre petite sphère en or liée à un saphir
ovale. Enfin à l’extrémité inférieure de la pendeloque, le fil d’or assure la cohésion de
ces éléments
Commentaires : Cette paire de pendants d’oreilles appartient à une parure féminine
avec l’utilisation des mêmes pierres précieuses : saphirs, perles et émeraudes. Certains
objets découverts en Tunisie présentent des similitudes avec cette paire de boucles, ce
qui peut indiquer l’existence d’une certaine mode en vigueur à cette période soit du
Ve jusqu’au VIe s ap. J.-C. Le dégagement d’une tombe féminine à Thuburbo Majus
a permis la découverte de bijoux et principalement une paire de pendants d’oreilles
avec améthyste et pâte de verre, qui évoque une grande ressemblance avec l’exemple
de Carthage. De plus, on remarque que cet objet appartient à une femme de la haute
société. La facture de ces pièces montre un savoir-faire d’une qualité supérieure et la
présence d’orfèvres qualifiés

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 269

Fiche n° 3, (Fig.5)
Objet : Collier
Numéro d’inventaire : n° AF 323/EC 242
Lieu de conservation : British Museum,
Department of Medieval and Later
Antiquities
Date et lieu de découverte : Avant 1869,
site de Carthage, la chapelle de Saint Louis
à 45 – 46 m environ à main gauche de la
chapelle de Saint Louis. Fig.5, Collier
Dimensions : L : 82 cm
Datation de l’objet : fin IVe et début Ve siècle
Bibliographie : F. Baratte, et alii, p. 15
Type de métal : Or
Description : Collier constitué de matières différentes : or, saphir et émeraude séparés
par de petites perles rondes. Il est composé de onze saphirs de couleur bleue clair, plus
au moins ovales, polis et de dimensions variables, douze émeraudes de section
hexagonale et vingt-trois perles qui séparent ces éléments, dont plusieurs sont cassées,
fragmentaires et l’une d’entre elles a disparu., Chaque élément est percé de part en
part et diffère par la couleur, les perles sont reliées par un petit fil d’or replié en boucle
aux deux extrémités formant une chaîne supportant tous les éléments.
Commentaires : Ce collier est en très bon état de conservation. Il est considéré
comme un indice de richesse et noblesse, il montre un goût très spécifique et fin qui
nous laisse penser à son propriétaire et à l’artisan. Le collier appartient à un style d’art
différent du style figuratif païen et mythologique de l’antiquité gréco-romaine, c’est
celui du IVe s ap. J.-C. qui est différent. Il présente une alternance entre les objets
précieux choisis pour fabriquer ce collier comme les saphirs, les émeraudes et les
perles à côté de l’or. De plus, ce bijou présente une modification ou réfection
intervenue à un moment difficile à préciser. De même, on remarque la présence des
chaines constituées par des éléments en pierres de couleur passées sur fil d’or qui sont
connues dans la joaillerie romaine au moins depuis le IIe s. ap. J.-C. ajoutons qu’elles
sont particulièrement bien attestées au IIIe s. De même, à partir du IVe s. jusqu’au VIe
s. le style des colliers avec les pierres précieuses et colorées est très répandu dans le
monde méditerranéen

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


270 Rim BEN ALI

Fiche n°4, (Fig.6)

Objet : Boucle d’une ceinture


Numéro d’inventaire : Inconnu
Lieu de conservation : Musée de Carthage
Date et lieu de découverte : campagne de fouille
française et tunisienne (date inconnue)
Dimensions : - Lg max : 2,9 cm
Fig.6, Boucle d’une
- Larg. max : 2,6 cm ceinture.
Datation de l’objet : Fin VIe- troisième quart du VIIe
s.
Notice bibliographique : Ch. Eger, 1999, p. 12-15
Type de métal : Bronze
Description : Cet objet est une boucle de ceinture de type Syracuse. Il est représenté
dans cette photo par deux vues.
Une vue de face et l’autre de profil afin de mettre en évidence tous les éléments qui la
constituent. Le relevé de profil montre l’œillet de la boucle avec sa forme circulaire
et la trace de deux orifices de fermeture de la ceinture, qui ne sont pas visibles sur le
relevé en plan. La boucle est décorée de deux demi-palmiers, d’encoches et de
ponctuations, l’image obtenue prend une autre forme qui peut être zoomorphe,
probablement un taureau ou un cerf.
Commentaires : La forme zoomorphe de cette boucle et la qualité de sa facture
indique qu’elle a appartenu à un individu assez aisé. Le taureau nous renvoie au dieu
Saturne, et peut aussi indiquer la croyance chrétienne

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 271

Fiche n°5, (Fig.7)


Objet : Sceau
Numéro d’inventaire : Inconnu
Lieu de conservation : Musée de Carthage
Date et lieu de découverte : 1917, Le Docteur Carton.
Des ports anciens jusqu’à la fontaine dite des « mille
amphores » à Carthage.
Dimensions : Inconnues Fig.7, Sceau
Datation de l’objet : VI /VII s. ap. J.-C
e e

Bibliographie : F. Icard, 1934, p. 147- 163


Type de métal : Plomb
Description : un sceau très épais, avec des bords amincis et un canal. Sur sa face est
représentée une couronne avec l’inscription (IVSTIN). Par contre sur le revers on voit
un monogramme
Commentaires
D’après F. Icard, ce sceau possède une simple formule épigraphique (IVSTIN) qui est
à peu près semblable à celle reproduisant IVSTINIANUS qui se trouve dans une
couronne représentée sur la face d’un sceau et sur son revers où a été représenté le
monogramme avec le terme NOTARI (notaire), voir Ficorini Francisci, « Di Plombis
antiquorum numismatibus »2

2
Icard, 1934, p. 147- 163

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


272 Rim BEN ALI

Fiche n° 6, (Fig.8)
Objet : pièce de monnaie
Numéro d’inventaire : n°329
Lieu de conservation : Inconnu
Date et lieu de découverte : Mai
1965
Fig.8, pièce de monnaie.

Conservée dans une cruche enterrée au pied d’une colline, au bord de la mer, sur la
nouvelle piste, dans une carrière de pierre, en grès local de la qualité appelée
«Therch». à Fadhiline
Dimensions : Axe : 12 cm
Poids :1,72 g
Datation de l’objet :règne de Claude II (268 – 270 ap. J.-C.)
Bibliographie :P. Salama, 2007, p. 144
Type de métal : Bronze
Description :sur la face de cette pièce, on remarque l’existence du buste de
l’empereur avec sa Titulature « DIVO CLAVDIO ». Sur le revers, un aigle regardant
à droite avec une petite légende « CONSECRATIO ».
Commentaires
Cette pièce de monnaie montre que l’empereur Claude porte le titre de « DIVO
CLAVDIO ».

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 273

Fiche n° 7, (Fig.9)

Objet : Cuillères
Numéro d’inventaire : n° AF 3283-3289
Lieu de conservation : British Museum,
Department of Medieval and Later Antiquities
Date et lieu de découverte : Avant 1869, site
de Carthage, la chapelle de Saint Louis à 45-46
m environ à main gauche de la chapelle de
Saint Louis

Dimensions (cm) Fig.9, Cuillères


A b C d e f g
AF AF AF AF AF AF AF
3283 3284 3285 3286 3287 3288 3289
L. totale 15,5 15,4 15,3 15,3 15,5 15,4 15,6
Diam. cuilleron 6,5 6,4 6,5 6,5 6,5 6,4 6,5
H. cuilleron 2,5 2,6 2,5 2,5 2,6 2,8 2,5
L. manche 7,8 7,7 7,7 7,7 7,7 7,8 7,8
Larg. Attache partie médiane 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7

Poids (g)
a B c D e f g
73,87 71,63 72,16 73,27 72,45 67,18 73,85

Datation de l’objet : fin IVe, début Ve siècle


Bibliographie : F. Baratte et alii, 2002, p. 15
Type de métal : Argent
Description : Ces sept cuillères sont identiques, elles possèdent un cuilleron
circulaire, profond, qui se présente comme une sphère munie d’un manche de section
octogonale, élargie vers son extrémité libre, arrondie et terminée par un petit bouton.
Chacune d’elles, a deux éléments, la partie circulaire ressemble à une vasque de
coupe, le fond sphérique est décoré de trois sillons. Cette partie est liée au bras au
rebord horizontal, une partie médiane, où il y a un rinceau niellé, schématique et assez
lourd, la décore. Ses enroulements sont terminés par de petites feuilles à trois lobes

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


274 Rim BEN ALI

qui entourent une croix latine pattée. Le cuilleron, a un rebord horizontal qui est
légèrement en saillie vers l’intérieur. Chaque cuillère aurait été réalisée d’une seule
pièce par fonte, avant d’être polie.
Commentaires : On remarque que ces sept cuillères sont en bon état de conservation,
juste quelques imperfections dans certains rinceaux. Ce qui est remarquable c’est que
les pièces aient été fabriquées de la même manière et d’une seule pièce, plutôt un
système de moulage, avant d’être polies. Elles appartiennent à un type caractéristique
de l’antiquité tardive, il n’existe aucun prototype dans l’orfèvrerie du Haut Empire,
pour effectuer une simple comparaison ou une étude. Ce qui attire l’attention, c’est
l’usage de ces objets et leurs fonctions, peut-être, ils sont utilisés sur la table comme
un outil de vaisselle où peut-être un objet qui aide à l’hygiène dans les thermes ou
utilisés lors des baptêmes, car on aperçoit l’existence d’une croix niellée qui orne la
partie supérieure de l’attache du manche ou bras au cuilleron sur chaque cuillère, un
symbole purement chrétien

Fiche n°8, (Fig.10)


Objet : Ornement de vêtement
Numéro d’inventaire : Inconnu
Lieu de conservation : Musée National de
Carthage
Date et lieu de découverte : 1915, dans un
sarcophage en marbre blanc à Koudiat
Zâteur
Dimensions : chaque élément : H : 0,8 cm ; L
: 0,8 cm environ
Fig.10, Ornement de vêtement.
Datation de l’objet : Ve s. ap. J.-C
Bibliographie : N. Duval, 1995, p. 281
Type de métal : Or, grenat et cristal de roche
Description : Cet ornement de vêtement est composé de cent soixante – huit pièces
divisées en quatre groupes de formes géométriques, un trapèze, deux cercles et un
carré. Dans le trapèze il y a cinquante pièces, comme dans le carré aussi chacun des
cercles est composé de trente pièces
Commentaires : Cet ornement de vêtement trouvé dans un sarcophage féminin, de
type romain tardif, montre bien que la femme porteuse de ces vêtements appartient à
une famille de notables vandales qui réside à Carthage. De plus, ce vêtement est de
type ‘peplos’, l’utilisateur de cet objet est probablement d’origine germanique.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 275

FICHE n° 9, (Fig. 11)

Objet : pied de lampe


Numéro d’inventaire : inconnu
Lieu de conservation : réserve du Musée du
Bardo
Date et lieu de découverte : début du XXe s. à
Pupput
Dimensions : Diam : 11 cm Fig.11, pied de lampe
Datation de l’objet : VIe s
Bibliographie : F. Bejaoui, 2005, p. 117
Type de métal : bronze
Description : D’après F. Bejaoui, ce pied est de forme circulaire augmenté d’une
pointe ou d’une « baïonnette » aplatie sur les côtés, formant un angle perpendiculaire
avec une base circulaire
Commentaires : La pointe de ce pied s’enfonce à la base du réservoir de la lampe
précédente. L’observation des lampes de la collection privée de Munich permet de
dire que cette hypothèse peut être admise

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


276 Rim BEN ALI

Fiche n°10, (Fig.12)

Objet : statuette
Numéro d’inventaire : inconnu
Lieu de conservation : Musée de Carthage
Date et lieu de découverte : 13 Juin 1910 dans les
bassins du Trik Dar-Saniat, à Carthage, plus exactement
dans un très petit espace au fond du deuxième bassin près
du tuyau en plomb qui conduit l’eau de ce réservoir dans
la chambre des vannes
Dimensions : H : 0,215 m
Larg. du socle : 0,0637 m
Poids : inconnu
Datation de l’objet : Fin IVe s. / début Ve s
Bibliographie : Dr. Carton, 1912, p. 543 – 545 Fig.12 : statuette

Type de métal : Bronze.


Description : Cette statuette présente une déesse nue, elle lisse une mèche de cheveux
de sa main droite et dans l’autre elle tient un objet, qui manque, mais il est fort-
possible que cela soit un miroir qui est détaché ; il ne reste que la place du manche
entre les doigts de la main gauche. Deux fractures se sont produites, l’une au-dessus
de la cheville gauche, l’autre à l’attache du bras droit au niveau de l’épaule. Cette
statuette est présentée debout sur un socle ou une base quadrangulaire, on remarque
que le pied droit est en avant par rapport à l’autre. Le socle ci-dessous possède trois
niveaux, le premier est plus large que les autres, il a les côtés inclinés formant des
pointes, le deuxième, perpendiculaire au premier avec quatre cotés plats en contact
avec le dernier niveau qui est attaché avec le pied gauche de la déesse et un-demi pied
droit
Commentaires : Cette statuette présente la déesse Aphrodite, divinité gréco-romaine.
D’après Homère, elle est la fille d’Ouranos et de Gaia 3. D’après Hésiode, elle est née
de l’écume fécondée par les organes sexuels d’Ouranos, que Cronos avait tranchés et
jetés à la mer et la femme née des vagues est considérée comme la première déesse 4.
De ses deux origines Platon distingue deux Aphrodites (les Romains l’ont confondue
avec l’antique déesse italique Vénus). L’une, est la fille d’Ouranos appelée Uranie,
déesse de l’amour. L’autre, est la fille de Dioné, appelée encore Pandémos, déesse de
l’amour vulgaire44. Ici elle est considérée comme Aphrodite anadyomène, dont le
culte fut introduit à Carthage par les Phéniciens. La déesse est d’origine asiatique

3
Homère, L’Iliade, V, 312
4
Hésiode, Théologie, 188, sqq

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 277

d’après Carton, elle est proche parente de plusieurs déesses d’Assyrie ou de Phénicie,
elle est assimilée a Astarté la grande déesse des Phéniciens, donc il n’est pas étonnant
que le culte d’Aphrodite apparaisse en l’Afrique du Nord
Fiche n°11, (Fig. 13)
Objet : situle ou Chaudron d’après la liste de
Merlin
Numéro d’inventaire : inconnu
Lieu de conservation : réserve du Musée du
Bardo5
Date et lieu de découverte : 1912 sur la côte
orientale de la Tunisie, à Pupput (Souk el-
Abiod), dans le Cap itole
Dimensions : inconnu
Datation de l’objet : Ve s. - VIe s
Bibliographie : F. Baratte, H. Jacquest, 2005,
p. 126 Fig.13 : situle
Type de métal : Bronze
Description : Cette situle est de forme octogonale, qui repose sur huit petits pieds en
forme de boules. Dépourvue de décor, on ne voit qu’une moulure très sobre à la partie
inférieure de l’objet. Le rebord est un petit peu saillant et il est incliné à l’extérieur.
Cet objet possède deux anses mobiles de forme circulaire formant un angle d’environ
trente degrés, elles ont chacune quatre boutons répartis régulièrement tout au long du
bras. Les deux anses sont crochetées à des attaches qui prennent la forme d’une
palmette
Commentaires : Bien que nous ne disposions pas des mensurations de cet objet, on
remarque qu’il semble être de belle taille. De plus, il n’est pas le seul mis au jour, il y
a deux autres situles mais chacune de forme différente, deux cruches, un encensoir,
une lampe, un candélabre et une plaque couvre-serrure ont été étudiés par F. Baratte6.
Les formes et les caractéristiques permettent de les dater de la période byzantine. Ces
objets sont bien étudiés et analysé en détail. Pour les deux autres situles, on n’arrive
pas à les retrouver, la deuxième est plus petite et de forme cylindrique, presque plus
large que haute, elle est légèrement concave au niveau de sa paroi et possède une
simple anse. La troisième se présente comme un sceau tronique, elle est sans anse.
Donc entre les trois situles la première qui existe peut nous donner des informations
sur la forme, la date et la fonction. Peut-être elle est utilisée comme un objet d’usage
quotidien. L’anse s’attache à deux crochets en forme de palmettes, semblables à celles

5
Merlin, 1912, p.507-511
6
Baratte, 1998. p.126

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


278 Rim BEN ALI

que l’on rencontre déjà dans la vaisselle métallique de l’époque romaine, soit en argent
ou en bronze, seulement la facette est plus ou moins nette et les pieds sont plus visibles
que celle de la fin de l’Antiquité et de la période byzantine.

Fiche n°12, (Fig.14)

Objet : Porte-lampe
Numéro d’inventaire : inconnu
Lieu de conservation : Musée national
du Bardo
Date et lieu de découverte : date
inconnue, Carthage, Borj Jedidi
Dimensions : Diam : 10,6 cm
Ht : 2,1 cm.
Poids : 48,54 g Fig.14 : Porte-lampe
Datation de l’objet : V s. ap. J.-C
e

Bibliographie : N. Duval,1995, p. 286


Type de métal : Or et cabochons de pierres précieuses
Description : Ce porte-lampe de forme circulaire, possède deux orifices de fixation
ornés de pierres précieuses de couleur verdâtre.
Commentaires : Ce porte lampe est un indice de richesse étant donné le type de métal
et de pierres précieuses qui ornent l’objet. On relève la différence entre ce socle et
celui découvert à Pupput, la seule similitude c’est qu’ils sont tous les deux des outils
qui fixent la lampe d’éclairage. Cet objet devait être attaché à deux chaînettes,
attachées à leur tour à un orifice de fixation

L’apport de ces objets


Le catalogue réalisé à partir du fonds Poinssot comporte 266 fiches
représentant 266 objets en métal répertoriés. Il se compose de différents
éléments comme les pièces de monnaie, lampes, candélabres,
chandeliers, vases, statuettes, sceaux, fibules, bagues, colliers, etc. Ces
divers objets délivrent un ensemble d’informations. Nous nous sommes
limités dans le cadre de cet article à quelques exemples d’objets choisis
afin de montrer la diversité des objets répertoriés ainsi que la variété
des métaux dans lesquels ils ont été créés. Grâce à ces différentes

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 279

informations groupées et sélectionnées dans un corpus il sera possible


de faire une analyse synthétique.
En réalité, l’étude des objets a permis de comprendre la diversité de
leurs usages et les besoins des sociétés anciennes pour ces éléments. On
peut penser aussi que l’objet est considéré comme un témoignage de
datation précise notamment en ce qui concerne les pièces de monnaies
qu’on retrouve dans toutes les circonstances de la vie quotidienne. Ils
constituent une mine d’informations en particulier pour l’étude des
aspects suivants :
- L’appartenance chrono-culturelle de l’objet.
- Les techniques de fabrication ou de frappe pour les
pièces de monnaies, les étapes de fabrication.
- L’étude des styles de la création métallurgique et qui sont
différents de la poterie ou encore de la céramique, ils sont parfois plus
fins, plus artistiques et plus attirants que les autres objets
archéologiques en particulier quand on songe aux bijoux et aux objets
en métal précieux. Malheureusement, parmi les objets découverts, ceux
en métal précieux sont rares.
- L’origine des métaux utilisés, proviennent-ils de
l’Afrique ou d’autres mines extra-africaines?
L’exploitation des mines depuis les Phéniciens avait une grande
importance en Afrique du Nord ; il est vrai que les Carthaginois
utilisaient dans leur négoce des métaux que les autochtones prenaient
la peine d’extraire. Notons que les Carthaginois ont emprunté les routes
maritimes utilisées par leurs prédécesseurs et sont parvenus jusqu’à la
côte Ouest de la Grande Bretagne à la recherche de mines d’argent
semblables à celles de la Péninsule Ibérique7.
En revanche, sous l’Empire romain, certaines mines des domaines
particuliers sont soumises à payer des taxes et plusieurs mines sont sous
l’autorité du prince. Ces mines appartiennent soit à des sociétés
publicaines, soit réparties sous forme de petits lots à des indigents ou
aussi exploitées par régie8.

7
Gsell, 1981, p. 211-231
8
Ibid.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


280 Rim BEN ALI

On remarque qu’il existe en Afrique plusieurs indications sur des


condamnations in metallum une expression qui désigne les condamnés
aux prisons. La lettre de Saint Cyprien envoyée à ses frères écrite sous
Valérien mentionne « in metallo constitutis », montre trois exploitations
diverses, avec la présence aussi de trois réponses qu’a reçues saint
Cyprien, l’évêque de Carthage de la part de ses frères (Correspondances
de saint Cyprien, lettres LXXVII-LXXIX). Les condamnations in
metallum se poursuivent encore sous la domination vandale9.
Une seule mine est indiquée sous le nom « metallum Siguense »,
d’après S. Gsell. Il s’agit peut-être de Siguese mentionnée sur la table
de Peutinger, un adjectif se rapportant à un substantif neutre omis, qui
est peut-être metallum. Ce lieu est localisé sur la voie qui relie Carthage
à Sicca Veneria (le Kef), dans la section comprise entre Thacia (près de
Bordj Messaoudi) et Sicca10.
Ces éléments nous permettent de comprendre que les sources écrites
apportent de rares témoignages d’exploitations minières en Afrique au
cours de la période romaine, mais bien que le dossier épigraphique soit
très restreint, il évoque des informations précieuses aux niveaux
administratif et économique.
De plus, S. Gsell évoque le fait qu’en Afrique, il y a beaucoup de
gîtes métallifères, un peu partout sauf le fer qui est peu important. Après
le fer, c’est la blende (sulfure de zinc), associée à la galène (sulfure de
plomb), et la calamine (carbonate de zinc) le métal le plus recherché,
mais les anciens n’ont pas reconnu l’élément qu’on pourrait en tirer.
Pour les autres métaux, ils les trouvaient en quantités largement
suffisantes dans divers pays de l’Europe, sans avoir besoin de les
exporter au-delà de la Méditerranée : les Romains apportent l’or de
Dacie, de Dalmatie et de Norique ; l’argent d’Espagne et de Dalmatie;
le cuivre de la Péninsule Ibérique; le plomb et l’étain de l’île de
Bretagne et l’Espagne, le fer de l’Étrurie, en Gaule et la Norique11.

9
Victor de Vita, III, 68 : « in locis squalidis metallorum » (ce qui convient à des mines,
plutôt qu’à des carrières). Notice des évêques de 484, Numidie, n° 76 : peine du
metallum infligée à un évêque catholique.
10
Gsell, 1981 p. 2196 – 221
11
Ibid.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 281

La rareté des documents écrits et l’abondance des vestiges


archéologiques ont conduit à mener des recherches plus approfondies
et faire des observations hors du domaine archéologique comme les
analyses de laboratoire avec l’aide d’ingénieurs qualifiés et de
prospecteurs. Par exemple, des traces importantes de l’exploitation
d’une mine d’or existeraient, au Jebel Bou Heudma, entre Gafsa et
Sfax12.
Pour le fer, S. Gsell déclare qu’on rencontre les restes d’
exploitations minières antiques à Nefza, à l’Est de Tabarka13, à Douar
Douamès, au Nord de Béja (AAT., f. Béja, n° 61), à Oued Zerga et au
Jebel Meleza, à l’Ouest de Medjez el Bab (AAT, f. Oued Zerga, n° 82-
84), en divers lieux dans la région du Kef, Nebeur et Oued Kohol au
Nord-Est, Jebel Slata au Sud-Ouest, Jebel Jerissa au Sud-Sud-Ouest (L.
Berthon, c); à l’Ouest de Bône, où, à Koudiat el Khirr, à Ain Mokra, à
Oum el Teboul.
Pour le plomb, la toponymie arabe permet d’avoir une carte
intéressante des lieux de ce métal : à Jebel Ressass - montagne de Plomb
à 28 km au Sud-Est de Tunis (AAT, f. Grombalia, n°27; Cagnat, 1896
: 1054-5), une autre à Jebel Rassess (AAT., f. n° 69) et Khanguet Kef
Tout (AAT., f. n° 89, Merlin, 1912, CLXXX). Au Nord-ouest de Béja
(pour le Plomb et le zinc, la mine de zinc est fonctionnelle jusqu’à 1912,
près de trois cents puits de sondage, datant de l’époque romaine, sont
visibles à la surface du sol (L. Merlin, 1912 : CLXXX). Au Jbel Hallouf,
entre Béja et Souk el Arbaa (L. Berthon : 30) ; à Djebba, à l’Ouest de
Téboursouk (AAT., f. n° 20 ; Tissot : 256 ; Cagnat : 1054); à Fedj el
Hadoum, à une douzaine de Kilomètres au Sud-Ouest de Dougga
(Carton, 1895 : 236); au Jebel Serdj, au Nord-est de Maktar (P.
Gauckler, 1902 : CXII); aussi dans la région du Kef en particulier au
Koudiat Ressass (au Sud-ouest du Kef), et à Sidi Youssef (à l’Ouest) à
Kef Oum Teboul.(au Nord-ouest).

12
Tissot, 1884. I, p.258
13
Berthon (L.), 1922, p. 30. AAT, f° Nefza, n°6 : à El Gasseur, sur la rive droite de
l’oued el Maden (« la rivière de la mine »)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


282 Rim BEN ALI

Pour le cuivre découvert à peu de distance au sud-Ouest des ruines


de Bulla Regia14, au Jebel Jerissa, au Sud-Sud-Ouest du Kef15. Mais
malheureusement, il est difficile d’identifier l’époque exacte
d’exploitation de toutes ces mines, comme par exemple à Fernana, plus
exactement entre Tabarka et la Majerda. Dans les galeries de Khanguet
Kef, plusieurs lampes découvertes sont datables de la période
chrétienne, ce qui suppose que cette mine n’a pas fonctionné au-delà de
la période romaine16.
On sait bien que certaines exploitations de mines étaient importantes,
car elles étaient attribuées à l’époque Carthaginoise et Romaine, comme
l’exploitation de Jebel Ressass où les scories de plomb existent en
grande quantité ainsi qu’à Khanguet Kef où on identifie près de trois
cents puits avec un grand nombre de galeries17. Ces types de mines ne
se rencontrent pas uniquement en Afrique du Nord, mais aussi en
Orient, en Italie et en Gaule et remontent fort probablement à
l’Antiquité. Il faudrait les soumettre à des méthodes d’investigation en
laboratoire.
On peut alors déduire que l’Algérie et la Tunisie produisaient
essentiellement le Plomb et le Fer. L’argent et le cuivre existaient plutôt
au Maroc18. Ces mines exploitées dans l’Antiquité supposent être la
localisation des sources d’approvisionnement en métal. Les études
archéologiques sur les mines se sont substantiellement développées
pour le monde méditerranéen19.
La rareté des documents écrits et l’abondance des vestiges
archéologiques ont conduit à mener des recherches plus approfondies
et faire des observations hors du domaine archéologique et des analyses
de laboratoire.
Dans le tableau suivant, nous avons reproduit les objets en métal
cités dans le fonds Poinssot selon leur lieu de provenance, leur type et
leur nombre, ce qui permet d’avoir une idée exhaustive autant que faire

14
Carton, 1891, p. 229 et 1897, p. 50
15
Hilaire, dans Gauckler, I, 1897 p. 78
16
Merlin, 1912, p. CLXXX
17
Ibid.
18
Gsell, 1981, Paris, p. 211-231
19
Berthoud, 1983, p. 35

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 283

se peut du contenu de cette base de données. Cela nous permet aussi


d’établir un rapport entre l’objet et son lieu de découverte en cherchant
s’il y a d’autres objets qui proviennent des régions en dehors de
l’Afrique, de faire des comparaisons et de comprendre leur fonction, la
provenance du métal et le lieu de fabrication si possible.

Site Type d’objet Type du métal Nombre


- Pièce de monnaie Bronze/Argent 10
- Coupe Argent 8
- Patère Argent 2
- Cuillère Argent 15
- Collier Or 3
- Paire de pendants Or 1
d’oreilles
- Bague Or 3
- Statuette Bronze 6
- Manche d’une Bronze 2
statuette
- Fibule Argent 9
doré/Bronze/Or/ Tôle
Carthage d’argent
- Ornement de Or 168
vêtement
- Broche Or 1
- Anneaux d’oreille 1
- Porte -lampe Or 1
- Boucle de ceinture 6
- Fragment de Or
boucle Bronze 1
- Sceaux 47
- Poids Bronze 45
Plomb 20
- Tessère Bronze
Plomb
4887 pièces (dans 44
Fadhiline - Trésor monétaire Bronze sont analysés dans le
catalogue)
- Tige d’un support Bronze 1
de lampe
- Lampe Bronze 2
- Pied d’une lampe Bronze 3
- Anse d’une lampe Bronze 3
Pupput - Candélabre Bronze 1
- Cruche Bronze 3
- Coupe ou plat Bronze 1
- Situle ou Bronze 1
Chaudron Bronze 1
- Encensoir.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


284 Rim BEN ALI

Hadrumète - Pièce de monnaie Bronze 11


- Fibule Or 3
- Boucle de ceinture Or 2
- Ornement de Or 23
Thuburbo
vêtement
Maius
- Boucle d’oreille Or 1
- Encensoir
Byzantine Bronze 1
- Trésor monétaire Or 1646 pièces
Chemtou
- Un trépied orné de
griffe de lion Bronze 1
- Collier d’un Cuivre jaune 1
Thelepte
esclave
Thibar - Statuette Bronze 2
- Croix de type grec Bronze 1
Bulla Regia
- Collier d’esclave Plomb 1
Korbous - Jarre Bronze 1
Henchir - Amulette Argent 1
Haouli
Thugga - Divers objets Bronze 8
Bizerte - Patère Bronze 1
Tableau récapitulatif des objets métalliques dans le Fonds Poinssot

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 285

Fig 15, Coupe en argent Fig 16, Coupe avec couvercle.


(Fiche n° 5 de site de Carthage) (Fiche n° 9 de site de Carthage)

Fig 17, Paire de pendants d’oreilles Fig 18, Bague en Or


(Fiche n°18 de site de Carthage) (Fiche n° 19 de site de Carthage)

De ce tableau on peut remarquer la densité des objets désignés par


leur nombre et leur distribution géographique
À partir de ce tableau récapitulatif, on remarque qu’il y a une
ressemblance entre Carthage et Thuburbo Maius au niveau de quelques
types d’objets mais le nombre diffère comme le montre le tableau. À
Carthage par exemple, les archéologues ont trouvé neuf fibules, par
contre à Thuburbo Maius trois seulement.. Aussi, le nombre d’ornement
de vêtement à Thuburbo Maius est multiplié par sept par rapport à celui
de Carthage, par contre le nombre de boucles d’oreilles est le même.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


286 Rim BEN ALI

Ces deux cités étaient très importantes, prospères et riches à l’époque


romaine. Quant à Carthage, la capitale des provinces africaines, elle
jouait un rôle de première importance sur le plan économique, son port
était florissant et permettait le transit de divers objets dont les métaux
précieux. Ce qui peut signifier aussi bien que les objets découverts à
Carthage ou dans d’autres cités peuvent être importés (Fig.15 et 16
quelques objets de Trésor de Carthage), ou qu’ils peuvent être une
production locale destinée à l’exportation. Ces idées sont à étudier,
suivant la présence des ateliers de productions métalliques dans
diverses régions, la quantité de production et aussi la quantité des
déchets présents.
Le cadre chronologique de ces objets est aussi très significatif, il
s’inscrit dans une fourchette qui s’étend du IVe s. jusqu’au VIe s à
Carthage.
La présence d’objets précieux comme les bijoux (Fig.17 et 18),
indiquent la présence d’une catégorie sociale bien aisée qui se
permettait l’acquisition de fibules et des ornements de vêtements. Ils
étaient essentiels pour les habits féminins et masculins. Ajoutant,
qu’elles retenaient sur les épaules les vêtements féminins comme un
mantelet, complétaient en haut le sous-vêtement pourvu de manches,
comme le figure une restitution proposée par E. B. Thomas d’une
prêtresse pannonienne, conservée à Szalaczka et qui donne une idée sur
la femme et sur l’utilisation de ces objets20.
D’après Ch. Eger, la recherche sur ces accessoires vestimentaires
vandales en Afrique du Nord, doit prendre en considération l’origine
des types de fibules plus précisément les types d’origine germanique. Il
est nécessaire de vérifier si certains types d’accessoires vestimentaires
étaient limités au costume « barbare » et ce qui est inhabituel dans le
costume romain. On a pu distinguer que les fibules en une seule pièce
et les fibules à arbalète ont des rapports étroits avec des types de fibules
germaniques de la fin de l’Empire, mais pour les fibules à anse, elles
montrent un aspect fortement méditerranéen, qui peut être un type
courant de fibule romaine ou aussi une spécificité régionale.

20
Thomas, 1936, p. 55-63

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 287

Les fibules à arbalète et les fibules à anses sont limitées surtout au


Nord de l’Afrique exactement au nord de la Tunisie et au nord-est de
l’Algérie. Pour nos exemples, elles sont extraites d’un contexte
funéraire « de sépultures féminines vandales ». Le mobilier funéraire
des tombes de Koudiat Zâteur et de Douar-ech-Chott près de Carthage
et celui de Thuburbo Maius découvert à l’extérieur d’une église, devant
l’entrée21, montre la richesse de la noblesse germanique orientale au
cours de la première moitié du Ve siècle.
Ce qui est à relever c’est qu’à cette époque, les Romains et les
Africains romanisés n’enterraient pas leurs défunts accompagnés de
tous leurs accessoires et bijoux. Les archéologues n’ont pas découvert
de fibules sur les sites de l’Afrique du nord hors des limites des
vandales, cela peut être une adaptation de modèles germaniques ou un
type d’influence romaine, utilisés par quelques nobles vandales
d’Afrique du Nord comme accessoires vestimentaires22. Tout
récemment, M. Khanoussi à découvert à Uchi Maius près de Dougga,
dans une tombe manifestement vandale, une série de bijoux semblables
à d’autres trouvés ailleurs23.
En fait, pour les bijoux découverts à Carthage, ils appartiennent tous
à une parure féminine, des boucles d’oreilles, broches, bagues et
ornement de vêtements comme à Thuburbo Maius, mais le nombre
retrouvé à Carthage est de loin plus important. Pour la période vandale
ou plutôt protobyzantine, il a été découvert plus de 600 objets de parure
féminine dans le monde. Les spécialistes ont pu esquisser une
typologie, qui a permis de proposer une fourchette chronologique
relativement étroite pour 24 trésors recensés24. Il serait intéressant de
pouvoir les comparer aux objets du trésor de Carthage.
On remarque aussi d’après le tableau récapitulatif qu’il existe
quelques statuettes à Carthage et à Thibar. On en compte six à Carthage
contre seulement deux à Thibar. Elles sont datées entre le IIe s. et le
début du Ve s. ap. J.-C., ce qui s’explique par le rôle de Carthage en tant
que capitale de toutes les provinces africaines. En revanche, l’existence

21
Béjaoui, 2008, p.197-212
22
Eger, 2006, p. 907-908
23
Zucca, 1997, p.355
24
Manière-Lévêque, 1997, p. 79-106

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


288 Rim BEN ALI

de ces statuettes jusqu’au début du Ve s. montre la résistance du


paganisme et des rites qui lui sont attribués malgré l’interdiction de
cette religion. Nous savons bien que ce siècle était très sombre pour les
païens et jalonné de persécutions par le christianisme devenu la religion
officielle de l’État romain au cours du IVe s25.
De même, d’après le tableau, on a trouvé huit coupes à Carthage,
contre seulement une à Pupput. Sur le site de Pupput on a trouvé des
objets métalliques spécifiques qu’on n’a pas rencontré ailleurs, même
pas à Carthage comme par exemple les cruches, les lampes, un
encensoir et une stipule. Ces objets montrent que Pupput avait un
important rôle dans l’Antiquité. Aussi, de ce tableau on peut déduire
qu’il y a seulement onze pièces de monnaies découvertes à Carthage
malgré l’existence d’un atelier de frappe connu dans cette région, on
sait que cet atelier fut fermé en 307 ap. J.-C. par Maxence26, et transféré
à Ostie en 308, pourtant Domitius Alexander (308-311) y a frappé des
monnaies, mais cela reste un monnayage de circonstance « limité en
volume »27. La méfiance de l’autorité impériale envers un diocèse
d’Afrique doté de l’autonomie monétaire, explique que l’atelier n’y soit
pas ramené après le rétablissement du pouvoir de Maxence. Il est vrai
que la production monétaire en Afrique n’a connu son essor qu’avec les
vandales et aussi avec les Byzantins. De même pour Hadrumète, on y
compte seulement dix pièces de monnaie, mais malheureusement on n’a
pas trouvé une seule publication qui concerne un objet métallique dans
cette région ce qui est étrange car comme Carthage était la capitale de
la Proconsulaire, Hadrumète était la capitale de la Byzacène au cours
de l’antiquité tardive.
Poursuivant notre analyse des objets, on remarque que le tableau fait
état de la présence de deux trésors de pièces de monnaie, l’un découvert
à Fadhiline l’autre à Chemtou. Mais, ce qui attire l’attention c’est que
le trésor de pièces de monnaie de Fadhiline est plus important, il
équivaut au près du triple de celui de Chemtou, bien qu’il n’existe pas
un atelier de frappe dans chacun de ces emplacements, ces pièces
proviennent d’ateliers situés à Carthage dans une certaine période ou en

25
Monceaux, 1905, p. 3 -91
26
Morrission, 2003, p.65-84
27
Salama, 1973, Le Rider et Cahn, 1976, p. 365-370

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 289

Aquilée, Ticinum, Rome ou Ostie28, puis transférées à Fadhiline et


Chemtou du fait de leur circulation.
Les sources parlent d’autres trésors de pièces de monnaie, comme
par exemple le trésor de divo Claudio d’El Jem, découvert comme
l’indique son nom à El Jem en 1973 dans une jarre de terre cuite à fond
plat. Ce dernier présente plusieurs particularités significatives, la
première consiste dans le fait qu’il est l’un des rares dépôts du troisième
quart du IIIe s. dans la province d’Afrique et il contient un grand nombre
de pièces (40416 pièces). Elles sont datées du règne de Valérien
jusqu’au règne de Probus, mais la quantité la plus élevée des pièces est
consacrée à Claude II à peu près 54% de la quantité du trésor29. Donc,
le nombre de pièces de ces deux trésors indiqués dans le catalogue et
mentionnés dans le tableau, est bien inférieur à celui d’El Jem. Dans le
tableau récapitulatif nous avons signalé l’existence de deux types
d’objets qui n’ont pas été repérés dans d’autres sites, ce sont les sceaux
et les poids (voir tableau).
Concernant les sceaux, ils sont considérés comme un registre
d’information qui prend en considération le type de l’objet puis le métal
utilisé et enfin la légende inscrite sur sa surface. Plusieurs types de
sceaux existent, ceux de forme ovale, circulaire ou carrée. Il y a des
sceaux faits en la cire, d’autres en argile humide et d’autres en plomb.
Concernant les dans le Fonds Poinssot, ils sont faits en plomb, Dr
Icard les appelle Bulle, comme il est mentionné dans le catalogue. Les
sceaux sont fabriqués pour un besoin spécifique et pour une certaine
classe sociale, alors que pour les sceaux royaux, ils devaient être peut-
être en Or. Mais, malheureusement, ce n’est pas le cas ici car tous les
sceaux sont en plomb, donc il est souhaitable d’étudier tous les sceaux
même ceux qui sont répertoriés par Poinssot et étudiés par Dr Icard mais
ne sont pas mentionnés dans le catalogue car plusieurs d’entre eux sont
conservés à Carthage et d’autres au Musée du Bardo.
Tous les sceaux répertoriés sont en plomb, on relève l’absence des
sceaux en or ou en un autre métal. Parmi les sceaux il y a des tessères
unifaces et double face (voir tableau), utilisées pendant la période
romaine comme des jetons pour entrer aux spectacles ou aussi comme
28
Fenri, 1964, p. 59-67
29
Ben Hadj Naceur-Loum, 2012, p.441- 450

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


290 Rim BEN ALI

moyen d’identité, elles ont également joué le rôle d’une unité de mesure
ou plutôt un outil de quantification lors de la distribution du blé public30.
Pour le poids, on remarque d’après le tableau, que ce type d’objet
était découvert seulement à Carthage et on y compte quarante-cinq
pièces. L’utilisation du poids comme unité de pesage est certaine, mais
aussi comme un Solidus c’est-à-dire une monnaie primitive comme il
est mentionné sur la surface de certains poids. Ce qui attire l’attention,
c’est le type de métal de ces poids, il s’agit dans ce cas du bronze, ce
qui explique qu’ils appartiennent à une haute classe sociale de Carthage.
Certains poids possèdent des légendes claires et qu’on arrive à
déchiffrer, mais d’autres portent des chiffres et des lettres qu’on
n’arrive pas à lire ou même à situer chronologiquement. Mais leur
présence à Carthage est significative compte tenu de l’importance
économique de cette grande Cité.
D’après le tableau, on remarque la présence d’un objet spécifique,
c’est en fait un collier dit collier d’esclave, qui est incomplet, en
fragments probablement à cause des conditions de la découverte, les
chercheurs ont essayé de le restituer, heureusement que les lettres
gardent encore la couleur rouge destinée à les rendre plus visibles. On
connait des textes relatifs à des esclaves susceptibles de fuir, les uns
sont gravés sur des colliers en bronze, un seul en cuivre se trouve au
Musée de Lambèse et un autre en plomb trouvé à Bulla Regia. Ces
textes sont aussi gravés sur des lamelles ou des médailles peut-être en
bronze, dans le but d’être appliquées à des colliers. La plupart d’entre
eux comportent la formule tene me accompagnée de sed bene mais aussi
avec des propositions comme par exemple : fugi, quia fugi (ou fugivi),
ne fugiam, et revoca me, reduc me, et il y a plusieurs autres exemples
de sum ou de servus (ou fugitivus) sum suivie du nom du maître au
génitif et sa qualité ou de son lieu de résidence. Ainsi, ces colliers sont
datés des règnes de Constantin et celui d’Arcadius et d’Honorius car au
cours du règne de Constantin et par la promulgation de la loi du 21 mars
316 ap. J.-C., il fut interdit de marquer les criminels à la face « le visage
humain ayant été formé à l’image de la beauté céleste », peut-être à la
même époque, on cessa de marquer au fer rouge sur le front des esclaves
fugitifs. En plus, le collier de Thelepte est considéré comme le seul

30
Virlouvet ,1988 p. 120-148

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 291

objet qui présente un texte épigraphique relatif à un centurion « ex


officio » du Bas Empire, c’est aussi à Thelepte qu’a été trouvée l’unique
inscription de cette époque qui mentionne un centurion légionnaire31
(Fig.19 et 30).

Fig. 19, Collier d’esclave de Bulla


Regia d’après L. Poinssot
Archives de la bibliothèque l’INHA,
boite n° 106. 123.

Ajoutons que ce tableau montre un certain nombre d’objets d’usage


quotidien qui appartiennent à la catégorie des vaisselles comme par
exemple : les cuillères, les plats, les coupes et les patères. Certains
objets appartiennent au trésor de Carthage qui ressemble dans sa
composition à plusieurs autres trésors existant dans le monde comme
celui exposé au Musée du Louvre. Ces objets d’argenterie appartenaient
sans doute à la Nobilitas. Ils expriment un style d’art spécifique, une
finition fine qui diffère des autres objets de l’Antiquité, de cela on
comprend que les trésors vandales appartiennent à une catégorie
spécifique basée sur la matière et l’artisan.
De ce tableau, on a pu faire l’étude des objets à travers le type de
métal et nous avons projeté les données sur un spectrogramme avec les
pourcentages du nombre d’objets selon le type de métal (Fig. n°20). Ce
spectrogramme montre que les objets en bronze sont les plus usités, puis
viennent les objets en or, ensuite ceux en argent et en plomb. Ainsi, on
remarque l’absence d’objets en cuivre, c’est peut-être dû au hasard des
découvertes.
Avec le tableau des objets métalliques, les fiches objets et le schéma
ci-dessous, on a pu comprendre que le métal le plus demandé à l’époque
romaine et l’antiquité tardive était le bronze (72 %) puis l’or (27 %). En
fait, le bronze est un alliage entre l’étain et le cuivre, il possède plusieurs
caractéristiques qui le rendent important, et qui mérite une étude à part.

31
Poinssot, 1943, 149-165

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


292 Rim BEN ALI

En réalité, ces objets sont l’indice de l’introduction d’une nouvelle


influence culturelle sur le sol de la Tunisie antique soit phénicienne,
romaine, vandale, ou byzantine. Ces influences dépassent l’objet en soi
pour concerner tout le contexte dans lequel il se situe. L’objet est
considéré comme un outil de transmission, de traduction et de
communication. Il est aussi assimilable à une œuvre d’art qui traduit la
situation financière, économique, sociale, commerciale et religieuse de
chaque civilisation dominante afin de comprendre les caractéristiques
de chacune d’entre d’elles.
Pour la période romaine, on remarque peu d’objets métalliques
localisés à Carthage, Pupput et d’autres cités. Cette lacune est liée soit
à l’oxydation des objets au cours du temps, soit au pillage, le recyclage,
les lois promulguées (persécution du christianisme accompagnée de la
confiscation de tous les biens des chrétiens et dans d’autres lois il y a
eu la confiscation de tous les biens des païens comme les statuettes, les
bijoux etc.), ou tout simplement le hasard des découvertes
archéologiques. (Fig. n°21).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 293

Pour la période vandale, on remarque que le nombre des objets


métalliques précieux et aussi des trésors dans l’Afrique du Nord est
appréciable. En fait, certains objets de ces trésors sont restés à Carthage
d’autres ont circulé en long et en large comme par exemple le Plat de
Gélimer. Ce dernier est conservé dans le cabinet des médailles de la
Bibliothèque Nationale de France, découvert en 1875 au cours d’une
fouille menée sur le site du Castello d’Arten, aux flancs du mont Aurin
dans le val Belluna (commune de Fonsazo), mais il est d’origine
Carthaginoise, identifié par cette légende « GEILAMIR REX
VANDALORUM ET ALANORUM ». Cette dernière montre
l’appartenance de ce plat à un certain roi nommé Gélimer qui est en fait
le roi des Vandales et des Alains en Afrique. C’est le fils du prince
Gélarith et le petit-fils du prince Gento qui a régné de 530 à 534 ap. J.-
C.
Enfin, pour la période byzantine, on remarque l’importance
numérique des sceaux, des poids, des objets divers en bronze ou en
plomb.et l’absence des trésors ou d’objets précieux.
Essai de classement
Après avoir achevé l’inventaire, l’étude et la synthèse des objets
métalliques dans certains contextes archéologiques de la Tunisie, on a

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


294 Rim BEN ALI

essayé de faire quelques remarques à travers la localisation des objets


sur une carte (Fig.22) qui représente les cités antiques de l’Afrique du
Nord et sur laquelle on a précisé les principales cités antiques en Tunisie
où ont été trouvés les objets métalliques mentionnés dans le catalogue.

Fig. n° 22, localisation des objets métalliques inventoriés dans le Fonds


Poinssot
Cette identification nous a permis de remarquer que les objets
découverts sont localisés principalement en Proconsulaire
Les objets répertoriés par les Poinssot mais non publiés
À propos de ce sujet, on peut dire que la famille Poinssot a beaucoup
travaillé dans le domaine archéologique en Tunisie et chaque membre
a accumulé des informations sur différents objets métalliques. Certains
sont inventoriés et analysés d’autres sont encore inédits.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 295

On cite ici quelques exemples des objets métalliques mentionnés par


les Poinssot et qui existent dans les boites d’archives de la bibliothèque
de l’INHA. Ces objets sont présentés ci-dessous.

Fig.23, Divers objets Fig.24, Un trépied orné de Fig.25, une patère en


(Dougga) griffe de lion (Chemtou) bronze (Bizerte)

Fig. .26, Collier d’esclave en plomb


(Bulla Regia)
Fig.27, Lantane découverte
(Thaenae, région de Sfax)

Fig.28, Amulette en argent


(Hr Haouli)
Fig. 29, Encensoir byzantin
(Furnos Majus)

À Thugga on a trouvé divers objets métalliques comme des


amulettes en or, balance, des statuettes en bronze, serrure d’un coffre
en fer, cloche, clochette, des masques et le bas d’une anse en bronze

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


296 Rim BEN ALI

(Fig.23), un trépied orné de griffes de lion en bronze à Chemtou


(Fig.24), une patère en bronze à Bizerte conservée au Musée du Bardo
(Fig.25), une lantane découverte à Thaenae dans la région de Sfax
(Fig.27), une amulette épigraphe en argent découverte à Henchir Haouli
(Fig.28), un encensoir byzantin à Furnos Majus(Fig.29), en plus d’un
trésor à Bulla Regia, un autre trésor de type monétaire en bronze à El-
Kef plus précisément à Al-Ksour et enfin une planche qui porte sept
objets en bronze de divers emplacements et d’origines diverses.

Fig. 30 : L. Poinssot, 1943, p. 149 - 165


Traduction: Emeriti centurionis (servus) sum, ex offic(io) pr(a)esidi[s prov. Val.
Byzacenae : te] ne me sed bene.

Il est certain que le fonds Poinssot représente une mine


d’informations, non seulement concernant les objets métalliques mais
différents autres avec des matériaux divers. Cette présentation rapide
n’avait pas pour ambition d’être exhaustive mais s’est efforcée de
présenter le fonds et de montrer son importance pour la recherche
historique. Reste maintenant à revoir ces objets et à pouvoir les
examiner physiquement si jamais on arrive à les retrouver dans les
musées et les réserves. Cette tâche reste difficile en l’absence
d’inventaires précis et établis selon les standards normatifs modernes.
Un travail qui prendrait en considération tout le fonds Poinssot et qui
tentera de dresser un inventaire à partir des lieux de découverte et de
conservation reste à faire.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 297

Bibliographie

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état des questions », Antiquité tardive, Tome 13, 2005, p. 126.
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byzantine découvert à Pupput (Tunisie) », Cahiers Archéologiques, Fin de
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», Antiquité tardive, Tome 13, 2005, p. 115-120.
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Les récentes découvertes en Tunisie les Vandales en Afrique », p. 197-212.
- Z. Ben Hadj Naceur-Loum 2012, « Le gros trésor de Divo Claudio d’El Jem,
Tunisie » Africa Romana, Maria Bastiana Cocco, Alberto Gavini, Antonio
Ibba, volume primo, Carocci, p.441-450.
- L. Berthon, 1922, L’industrie minérale en Tunisie, Tunis.
- Th. Berthoud L.-P Hurtel, M. Menu, 1983 « Études analytiques d’objets en
argent romains bilan et perspectives », Laboratoire de recherche des Musée
de France, Argenterie Romaine et Byzantin, Paris 11-13 Octobre, p. 35- 50.
- L. Carton, 1891, Bulletin archéologique du comité.
- L. Carton, 1895, Découvertes épigraphiques et archéologiques faites en
Tunisie, p. 236.
- L. Carton, « les bassins du Trik Dar – Saniat », Revue Tunisienne, Tunis,
1912, p. 543-545.
- N. Duval, 1995 « l’histoire de l’Afrique du nord chrétienne et le rôle de saint
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Palais, p 276-290.
- Ch. Eger, 1999, « Boucles de ceinture de la région de Carthage datant des
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- Ch. Eger, 2006, « Existait-il des accessoires vestimentaires proprement
vandales? Sur l’origine et la distribution de quelques formes de bijoux de

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


298 Rim BEN ALI

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- P. Gauckler, 1897, Enquête sur les installations hydrauliques romaines en
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- S. Gsell, 1981« Vieilles exploitations minières dans l’Afrique du Nord »,
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- C. Gutron, 2010, L’archéologie en Tunisie, XIXe-XXe siècles. Jeux
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- A.M. Manière-Lévêque , « L’évolution des bijoux « Aristocratiques »
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Archéologique, 1997, p. 79-106.
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- P.Monceaux, 1905, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, Depuis les
origines jusqu’à l’invasion arabe, Tome III, Le IV siècle, d’Arnobe a
Victorin,
- C. Morrission, 2003, « L’atelier de Carthage et la diffusion de la monnaie
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- L. Poinssot, 1943, « Collier d’esclave trouvé à Thelepte », Revue Africaine,
Tome LXXXVII, 3e et 4e Trimestres, p. 149 – 165
- Cl. Poinssot, 1958, Les ruines de Dougga. Tunis, Institut National
d'archéologie et d’Arts.
- P. Salama, septembre 1976, « Recherche numismatiques sur l’usurpateur
africain L. Domitius Alexander », Actes du 8 e Congrès International de
Numismatique, New –York-Washington, septembre 1973, G. Le Rider et
H. Cahn (éd), Paris, p. 365-370.
- P. Salama, 2007, « Le trésor de Fadhiline (Tunisie) Antoniani réguliers et
irréguliers d’ateliers Italiens et Gaulois », Antiquités Africaines, p. 133-
162.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Les objets métalliques dans le fonds Poinssot 299

- E. B. Thomas, 1936, « Des fibules pannoniennes aux fibules lètes de Gaule


et d’Afrique du Nord », Revue Archéologie, Paris, p. 55-63.
- Ch. J. Tissot, 1884, Exploration scientifique de la Tunisie : Géographie
comparée de la province I.
- C. Virlouvet, 1988 « Plombs romains monétiformes et tessères frumentaires.
À propos d'une confusion », Revue Numismatique, 6e série - Tome 30,
année p. 120-148.
- R. Zucca, 1997, « Testimonianze paleocristiane », Uchi Maius 1. Scavie
ricerche epigrafi che in Tunisia, ed. Mustapha Khanoussi/Attilio Mastino
(Sassari) 345–355

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


THÈME IV
Patrimonialisation et mise en valeur

Ridha Shili : Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation


Dajla Beltaief : Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie

Partie en langue arabe

Nada Khelifi : De la mémoire minière au musée du patrimoine minier


‫ من الذاكرة المنجمية إلى متحف التراث المنجمي‬: ‫ندى الخليفي‬
RICHESSES MINIERES, DE LA RESSOURCE A LA
PATRIMONIALISATION

Ridha SHILI
Maître-assistant FLSHS Tunis, Université de Tunis
Laboratoire Histoire, Société et Patrimoine
Tunis/Maghreb/Méditerranée

Résumé :
Le patrimoine minier est le pan le moins connu de l’ensemble des ressources
patrimoniales de la Tunisie. La colonisation nous a légué un secteur extractif en ruine
et dont les réserves sont en épuisement rapide. Nous avons la lourde responsabilité de
trouver des solutions à cet héritage que nous léguerons demain aux générations
futures. Un patrimoine dont la nature et la qualité dépendra des politiques envisagées
aujourd’hui pour la gestion d’une ressource qui, en l’absence d’une alternative de
valorisation peut se transformer en catastrophe environnementale.
Mots clés :
musée des mines, patrimoine minier, archéométrie, tourisme culturel, parc
paysager,

Introduction
Le patrimoine minier qui se compose essentiellement des friches
minières, de la documentation géologique qui s’y rapporte et de la
mémoire sociale, suscite depuis quelques années une réflexion
particulière autour des questions du traitement de l’impact sur
l’environnement et autour de la possibilité de valorisation comme
alternative de recyclage propre. Si les bonnes intentions et la prise de
conscience ne font pas complètement défaut (l’effort louable de l’ONM
et du Ministère du Tourisme), les méthodes d’approche, les moyens
humains et financiers pour y arriver et surtout l’intérêt ne font pas
toujours l’unanimité.
En effet, en plus de la nouveauté de la question, cet ensemble
paysager complexe et difficile à traiter, pose des problèmes particuliers
du point de vue de son statut juridique, de sa sauvegarde in situ, de sa
304 Ridha SHILI

réconciliation avec l’environnement et des politiques de mise en public


comme produit d’exposition ou de visite.
La finalité de cette étude est d’essayer de donner quelques éléments
de réponse à une question que les autorités en charge de ce patrimoine
ne font que repousser. Que devrons-nous faire des sites encombrants
que nous léguerons aux générations futures? Sachant qu’un lendemain
sans ressources minières et marbrières n’est pas du tout éloigné.
Nous insisterons plus sur les mines, car les carrières ont souvent été
intégrées dans les perspectives des recherches archéologiques (sites
antiques) comme faisant partie des sites.
Une exploitation séculaire

Fig.1. Carte des gisements miniers en Tunisie, Office National des Mines

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 305

Carrières El Haouaria
Sel
Gisments de lignite
Carrières Chemtou Pb

Carrières dolméniques de Douga

Ph Carrières de Mahdia
P Fe
sels
Ph

Ph

Sel

Carrières de Guettar
Ph
Ph

Sel

sels

Fig.2. Carte des mines et carrières en Tunisie 1922, Direction Générale des Travaux Publics
Régence de Tunis (annotée par l’auteur)
Fer Phosphates pb, zc, etc sels

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


306 Ridha SHILI

I-1 Par le passé


Depuis l’antiquité le besoin en métaux a suscité un intérêt, quoique
relativement faible, porté sur les ressources du sous-sol en Afrique du
nord. Cet intérêt s’est accru pendant la période punique, mais plus
particulièrement à la suite de la crise de l’économie impériale au IIIème
siècle et de la baisse de la production minière de la péninsule ibérique,
principal fournisseur de Rome en métaux1. Il est unanimement admis
par les spécialistes que la crise financière de l’Empire romain s’est
traduite par un regain d’intérêt des métaux non nobles pour la frappe de
la monnaie. Cet intérêt a incité les autorités à explorer de nouveaux
territoires jusque là considérés comme peu intéressant du fait de leur
éloignement et des difficultés d’accès.
Mais comme toute crise n’est jamais totalement ravageuse
puisqu’elle favorise d’autres acteurs qui ont des réponses aux
problèmes, la Province d’Afrique a vu naître une nouvelle classe sociale
enrichie par la prospérité de son commerce et de ses affaires (huile
d’olive, denrées céréalières, produits de la pêche, produits de la forêt,
etc.). Ces nouveaux riches ont créée de nouveaux besoins dont certains
se sont fait certainement sentir par les besoins en métaux rares comme
l’étain et le bronze, signe d’une notoriété sociale.
Le développement des édifices religieux (Eglises, basiliques) ont eu
également un impact sur le regain d’intérêt aux mines de plomb et de
zinc, de par leurs besoins en ustensiles en métaux soit de décoration soit
de table2.
Des recherches futures autour de cet axe pourraient nous délivrer des
éléments nouveaux sur les spécificités du rôle économique de l’Afrique
proconsulaire au sein de l’économie impériale dans la deuxième moitié
du IIIème siècle.

1
Claude Domergue, Catalogue des mines et des fonderies de la Péninsule Ibérique,
collection de la Casa De Velazquez N° 23, 897p, 1988
2
- Claude Domergue, Les mines antiques, la production des métaux aux époques
grecque et romaine, Picard 2008
- Lombard M, Les métaux dans l’ancien monde du Vème au XIème siècle,
Paris 1974

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 307

Pendant la période médiévale, la documentation reste relativement


muette. Il y a eu probablement continuité de l’exploitation de certaines
mines, même d’une manière éphémère (mercure, cuivre, plomb, fer).
Les géographes arabes dans leurs relations avec le « Maghreb » dans
ses rapports avec Rome3 ont inséré quelques fois des indications
relatives aux mines4. Toutefois, l’état de nos connaissances ne nous
permet pas de mesurer l’importance de cette exploitation ni de préciser
le nombre des sites, leur emplacement et la durée de leur exploitation.
Ce ne sont que les études géologiques à la veille du protectorat qui vont
révéler d’un côté la continuité d’exploitation de rares sites de plomb et
de fer, et l’importance des gisements jusque là inconnus de l’autre côté5.
I-2 La période récente
Pendant la période moderne l’intérêt a porté particulièrement sur le
minerai de fer et les minerais complexes et rares pour les besoins de la
frappe de la monnaie et les besoins en armement. Là aussi, nous ne
disposons malheureusement pas d’études monographiques ni même
générales6. L’exploitation des ressources minières est restée limitée et
archaïque ne donnant pas lieu à un développement industriel.
En vérité, ce n’est qu’à partir du processus d’endettement de
l’administration beylicale et dans le cadre de l’accroissement accru en
besoins de minerais pour alimenter l’industrie métallurgique et

3
André Miquel : Rome chez les géographes arabes. In : Comptes rendus des séances
de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 119ᵉ année, N. 2, 1975. pp. 281-291
4
Al-Bakrî, ‘Abd AllAh : Mu‘jam mâ ustu‘jima min asmâ’ al-bilâd wa al-mawâdi‘,
éd. M. al-Saqqa, 1996 Le Caire.
Ibn Hawqal, Abû al-Qâsim Muhammad : Kitâb Sûrat al-‛Ard, Configuration de la
terre, traduction par J. H. Kramers et G.Wiet, 1964, Beyrouth.
Al-Idrîsî, abû ‘Abd Allâh Muhammad : Nuzhat al-mushtâq fî ikhtirâq al-âfâq,
traduction P. A. Jaubert, Géographie d’Edrisi traduite de l’arabe en français d’après
deux manuscrits de la Bibliothèque du Roi, 1836-1840 Paris, 2 vols.
Al-Ya‘qûbî, Ahmad b. Abî Ya‘qûb : Kitâb al-buldân, éd. M. J. de Goeje, 1892 Leiden.
5
Fages de Latour : l’industrie minière en Tunisie (1892-1937), Etat actuel de
l’exploitation des mines et des carrières en Tunisie (Extrait de la Revue générale des
sciences), édité par L’Écho des mines et de la métallurgie, 17 janvier 1897
6
Abdelhamid FENINA, Les monnaies de la régence de Tunis sous les H’usaynides,
études de numismatique et d’histoire monétaire (1705-1891), Université de Tunis,
Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis, Tunis, 2003,456 pages,
12 planches

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


308 Ridha SHILI

sidérurgique de l’Europe, que les ressources du sous-sol vont reprendre


de l’envol7.
Au sein de la commission financière constituée théoriquement pour
gérer la dette de la régence de Tunis, s’est constituée une sous-
commission des mines et des forêts, dont le but final est d’inventorier
ces richesses et les annexer aux ressources hypothécaires du pouvoir
beylical, en vue de garantir la dette8.
Avant même la colonisation, les capitaux européens (France, Italie,
Belgique et Grande Bretagne), ont investi le secteur par la prospection
d’abord et par l’exploitation ensuite.
Cette ruée vers les mines et plus particulièrement les phosphates de
chaux a conduit à la mise en place d’une économie de prélèvement à
travers un secteur agro-minier colonial9.

Fig.3. Bulletin mensuel de l’Office du protectorat français en Tunisie, n° 193, mai


1927

7
Pierre Burollet : L’exploration de la Tunisie avant la première guerre mondiale,
Comité Français d’Histoire de la Géologie, 3ème série Tome IX, 1995.
8
Jean Ganiage : Les origines du protectorat français en Tunisie (1861-1881) PUF
1959
9
Azzam Mahjoub : Industrie et accumulation du capital en Tunisie : de la fin du
XVIIIème siècle à nos jours. Thèse pour le doctorat d’Etat en sciences économiques,
Université des sciences sociales de Grenoble, 1978.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 309

Fig.4. Bulletin mensuel de l’Office du protectorat français en Tunisie, n° 193, mai


1927
Dés les années trente, des accords internationaux, ont été adoptés
pour libérer l’accès aux matières premières coloniales (revendication
des Etats-Unis et de la Grande Bretagne)10.
Entre les deux guerres et surtout pendant la période des hostilités les
besoins en métaux ont conduit à l’accélération du rythme de
production11. Les mines anciennes de plomb et de zinc jugées par un
passé proche improductives ont été rouvertes. Les grandes compagnies
industrielles comme l’Asturienne des Mines, Penarroya, Péchiney et
Moktaa-El-Hadid ont augmenté leurs actifs et leurs placements dans le
secteur devenant ainsi les maîtres des lieux. Derrière elles se dressaient
la finance internationale. Le seul objectif était d’exploiter à fond les
ressources en vue de répondre aux besoins de l’industrie de guerre.

10
Shili Ridha : Milieux d’affaires et activité minière coloniale : les mécanismes de
l’emprise des structures. Thèse de doctorat tapuscrite, Université Reims-Champagne-
Ardennes, 1996
11
Bulletin Economique et Social de la Tunisie, N° 106, Novembre 1955

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


310 Ridha SHILI

Beaucoup des ces centres miniers n’ont pas tardé à présenter des signes
d’épuisement. Seules les carrières de phosphates, et le minerai
d’hématite de fer vont survivre à ce ravage grâce aux importantes
réserves. Durant un siècle d’exploitation la Tunisie a vu disparaître la
plus grande partie de ses réserves en plomb, calamine et zinc.
L’hématite de fer, n’a pas non plus tardé à s’épuiser par la fermeture du
principal gisement de Jebel Jrissa. Le tableau ci-dessous dressé par
l’ONM fait état d’un bilan alarmant.

Fig.5.Bilan de la production des principaux gisements


Office National des Mines
A cette liste, il faut rajouter les centres miniers de phosphate encore
actifs du bassin de Gafsa et de Maknessy. Celui de Kalaa-Jarda épuisé
et fermé depuis juin 1993. Le bassin minier de Gafsa est le principal
centre encore en activité avec une production annuelle d’environ cinq
millions de tonnes en 2014 contre 8 millions en 2010, et des réserves
estimées à 1,5 millions de tonnes.
Le bassin de Sra Ouertane renferme théoriquement des réserves
utiles estimées à 1,2 milliard de tonnes (10 milliards pour une teneur de
12%). Les réserves annoncées de ce site sont de l’ordre de 10 milliards
de tonne à ciel ouvert. Selon l’USGS, les réserves mondiales sont de
l’ordre de 15 milliards. Selon le même institut, une pénurie en
phosphate est annoncée dans les décennies à venir (80/90 ans) à la
cadence actuelle de production.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 311

Pour ce qui est des minerais complexes, le ministère de tutelle a


projeté depuis quelques années d’explorer de nouveaux axes de
recherche en s’intéressant à l’exploitation de la galène, la fluorine et
même à l’uranium après l’épuisement de la presque totalité des réserves
reconnues de cuivre, plomb, zinc et d’hématite de fer.
La reprise des terrils et des déchets pour extraire des micro-métaux
est également une autre piste de revalorisation que l’évolution des
techniques de séparation permet aujourd’hui, permet l’exploitation des
minéraux rares (uranium, cadmium, terres rares).
Pour la Tunisie, les réserves estimées et économiquement
exploitables sont de l’ordre de 4,5 milliards. A un rythme d’exploitation
de 10 millions de tonnes par an, ces réserves seront épuisées en 2450
dans le meilleur des cas12.
La politique de gestion de cette mort lente, si elle existe, n’est qu’une
série de tentatives à court terme de rafistolage. Une politique qui ne fait
que repousser les délais d’une ère sans ressources du sous sol et dictée
principalement par des considérations budgétaires et de gestion sociale.
II- Un patrimoine en friche en attente d’une prise en charge

Fig.6. Site minier de Jebel Ressas (Photo Ridha Shili, Avril 2017)

12
Khmais Krimi : Quel avenir pour l’industrie du phosphate en Tunisie. In
Kapitalis, 23 Mai 2018

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


312 Ridha SHILI

En dehors de quelques initiatives personnelles limitées (collection


photographique et documentaire de Mohamed Hamdane13, le Musée
National des Mines, le musée de Jerissa, les efforts de l’ONM), il
n’existe pas une politique publique relative au patrimoine industriel
dont les contours et les objectifs sont clairement définis.
La réflexion à porter sur les axes de l’établissement d’un inventaire
et d’un plan de protection, de conservation et de valorisation est une
urgence nationale. Comment peut-on mener cette réflexion ?
II-1 La valorisation par la réhabilitation
- La réhabilitation des sites miniers en friche ou en devenir, passe
par la maitrise des conséquences issues de leur abandon. Ces
répercussions sont de type environnemental et social
essentiellement.

Fig.7. Dépôt de terril contaminé


Pour ouvrir ces sites à la visite du public il faut d’abord les sécuriser.
Les déchets métalliques et les structures en maçonnerie sont des risques
pour les visiteurs. Ensuite, les décontaminer car pendant tout le
processus de leur exploitation production, des infiltrations de
substances métalliques et chimiques ont affecté le sol, les cours d’eau
13
http://cultpatr.blogspot.com/
https://mohamed Hamdane.skyrock.com/

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 313

et la nappe phréatique. Cette contamination présente un risque sur


l’environnement et sur la santé des humains et du cheptel (Tamra, Jebel
Ressas14, Bassin de Gafsa15, Kalaa-Jarda, etc.)16.
- L’économie minière domestique est un autre procédé de
réhabilitation des sites miniers à faible teneur et à accès difficile.
Ce procédé est particulièrement développé en Afrique
subsaharienne et en Australie. Les mines sont concédées sous
forme d’un contrat de fermage. Ce mode d’exploitation semble
également avoir été d’usage dans les provinces africaines de
l’Empire romain17 et ce à cause de la dispersion, des difficultés
d’accés.et de l’abondance des richesses minières en Hispanie
- Les nouvelles technologies : les techniques de séparation par
flottation ou par procédés de fermentation chimique. Cette
technique bien que très ancienne, présente aujourd’hui un intérêt
technique qui vise essentiellement à baisser les coûts de la
production et à permettre d’exploiter les fines particules. Le site
de Jebel Jerissa et le bassin de phosphate de Sra-Ouertane s’y
prêtent. Néanmoins il est impératif d’accompagner ce procédé
par des procédures de protection de l’environnement hydrique.
Les adjuvants et solvants utilisés pour la production de la

14
Manel Ghorbal Ben Abid : Contamination métallique issue des déchets de l’ancien
site minier de Jebel Ressas modélisation des mécanismes de transfert et conception
de cartes d’aléa post-mine dans un contexte carbonaté et sous un climat semi-aride.
Evaluation du risque pour la santé humaine. Hydrologie. Université Paul Sabatier -
Toulouse III, 2012.
- Manel Ghorbel, Pierre Courjault-Radé, Marguerite Munoz, Éric Maire, Christine
Destrigneville, et al. Un risque d'origine anthropique : la contamination chronique par
les métaux lourds à proximité d'anciens sites miniers. Le cas de la mine (plomb, zinc,
cadmium) de Jebel Ressas (Tunisie nord-orientale). Risques et environnements :
recherches internationales sur la vulnérabilité des sociétés, L'Harmattan, pp.271-284,
2009. 〈halshs-01057339
15
Abdeljalil Sghar et Salem Chriha, Rivalité sur l’eau souterraine dans le bassin
minier de Gafsa (Sud tunisien) : Témoignage d’une gestion incohérente, Revue
GéoDév.ma, Volume 4 (2016)
16
Ministère de l’écologie et du développement durable (France) : Le risque minier,
brochure, 28 pages. Imprimerie du Pont-de-Claix 2015.
17
Jean Andreau, Recherches récentes sur les mines romaines. I. Propriété et mode
d'exploitation. In: Revue numismatique, 6e série - Tome 31, année 1989 pp. 86-112;

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


314 Ridha SHILI

mousse ainsi que les moûts pâteux évacués par les bassins suite
à leur dévasement peuvent engendrer de graves détériorations
du milieu.
II-2 La valorisation par la réaffectation
Lorsque les sites miniers sont totalement épuisés et ne représentent
plus aucun intérêt industriel, ils sont le plus souvent laissés à l’abandon.
L’idée de leur donner une nouvelle vie est née pendant les dernières
décennies dans les bassins de houille en France dont l’exploitation est
définitivement18 arrêtée. Les souffrances individuelles et collectives
face à la disparition de ce monde19 du travail et à la perte de repères
identitaires et économiques a tiré la sonnette d’alarme des sociologues
et des historiens pour la protection de la mémoire nationale et régionale.
De cette alerte est née l’idée de la reconversion des sites lorsque la
restructuration n’est pas possible. Différents modes de reconversion
auxquels les études ont conduit. La reconversion des sites miniers et
industriels en établissements à caractère culturel ou commercial

Fig. 8 Usines Saint-Frères reconversion de bâtiments industriels à


Flexicourt, photo extraite du site de l’architecte Dimitri TSVETKOV,
copyright 2015

18
François Belin : l’arrêt de l’exploitation des houillères de Moselle, la fin d’un
monde industriel. Académie nationale de Metz, séance du 02 avril 2015
19
Linhart Danièle, « D'un monde à l'autre : la fermeture d'une entreprise », La Revue
de l'Ires, 2005/1 (n° 47), p. 81-94. DOI : 10.3917/rdli.047.0081. URL :
https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2005-1-page-81.htm

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 315

Cette forme de reconversion tient surtout à la réappropriation de ces


espaces par la population qui y a travaillé et à la préservation de la
mémoire des lieux et de la population. C’est une approche à la fois
sociologique et patrimoniale.

Fig.9. Champignonnière de Lovagny, http://tchorski.morkitu.org/3/lovagny-01.htm


La reconversion économique est un concept né dans le cadre des
projets d’économie sociale et alternative. Il s’agit de réaffecter des
espaces spécifiques des sites miniers (galeries) en espaces de
production de cultures spécifiques comme les endives, les
champignons, les escargots et les plantes d’intérieur, etc.
II-3 La valorisation par la conservation documentaire
Le volet culturel et savant de la valorisation des sites miniers et
industriels est aussi important que celui de la valorisation socio-
économique. L’objectif recherché est de conserver, de protéger et de
valoriser le patrimoine documentaire géologique et minier. Ce type de
projet peut se concrétiser avec l’appui des institutions internationales.
En France le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM)
crée en 1959, a parmi ses compétences la gestion des conditions de
sécurité et d’environnement consécutives à l’arrêt de l’exploitation des
sites. Parmi ses missions on relève la gestion des archives techniques et
documentaires et la diffusion de l’information. Cette institution qui
œuvre dans plus de quarante pays notamment en Afrique, dispose d’une
forte expérience dans ce domaine et a apporté son concours à divers
Etats.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


316 Ridha SHILI

L’Office National des Mines peut dans ce cadre procéder à la


création d’un centre de ressources et de documentation minière et
géologique. Son noyau existe déjà par l’abondante documentation issue
des anciens services coloniaux, mais aussi par les recherches récentes.
II-4 La valorisation par la musualisation
La muséographie industrielle est le fruit d’une politique de
reconstitution et de restauration des sites miniers et industriels et des
équipements en vue de leur exposition in situ.
La particularité des ces musées réside dans la nature des éléments à
exposer. Il ne s’agit pas uniquement de petits objets (lanternes, pioches,
lampes à acétylène, casques, godets, etc.), mais aussi de gros ensembles
et installations pondéreuses.et surtout des espaces de travail (galeries).
Dans le cadre de l’élaboration de l’itinéraire touristique de la région
du Kef et à l’initiative de la société civile et de la municipalité de
Jerissa, une l’église Sainte Barbe construite en 1910, a été transformée
en musée de la mine.

Fig.10. Musée de Jebel Jerissa inauguré en Décembre 2017 (collection Mohamed


Hamdane)
Cette initiative est à ce jour l’unique de son genre à côté de celle de
l’ONM relative au musée minier et géologique de Metlaoui.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 317

Les écomusées industriels : ce sont des circuits touristiques et


culturels qui combinent à la fois les friches industrielles aménagées et
sécurisées en espaces culturels, centres d’attraction et, lieux de
mémoire. Adoptée au départ comme démarche thérapeutique aux
traumatismes sociaux causés par la fermeture des centres miniers en
France et Allemagne, cette pratique a été vite captée par les associations
et ensuite par les acteurs touristiques pour en faire un concept et un label
de l’écotourisme industriel. Ces musées attirent aujourd’hui de plus en
plus de clients à la recherche de leur origine sociale et d’une certaine
identification à un patrimoine notamment minier en voie de dsiparition.

Fig.11. Mine de cuivre Cap-Garonne, http://www.mine-capgaronne.fr/


Il s’agit de créer des centres d’interprétation et des sentiers
touristiques miniers en vue de diffuser une culture liée à la découverte
d’un monde de travail disparu.
Les géo-parcs et les archéosites miniers : Toujours à l’initiative de
l’Office National des Mines avec le soutien du SECO suisse, et à l’instar
des géo-parcs inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO,
un projet a été élaboré dans la région du Dahar dans le sud tunisien. Il
s’agit de la reconstitution en dimensions réelles d’une ère
paléontologique aujourd’hui disparu, l’ère des dinosaures.
Il s’agit d’une première tentative d’associer à la fois le patrimoine
géologique, au paysage naturel et au patrimoine culturel. Le ministère

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


318 Ridha SHILI

du tourisme a été associé à ce projet pour la promotion d’un circuit


touristique culturel.

Fig.12. Musée de la mémoire de la terre à Tataouine (ONM)


II-5 La valorisation par la mémoire
Par l’ancienneté de leur occupation et de leur exploitation, les sites
miniers renferment les traces de pans entiers de l’histoire du monde de
travail20.
La mémoire ancienne : les auteurs anciens (Pline l’Ancien,
Ptolémée, Apulée, Plaute, Tertullien, etc.) ont parlé longuement des
condamnés des mines. Le travail dans les mines était un châtiment
infligé aux chrétiens à l’époque où le paganisme régnait. Toutefois les
tablettes retrouvées sur les sites miniers antiques ibériques attestent de
l’existence de contrats d’ouvriers dans les mines à des affranchis, des
condamnés, mais aussi des esclaves21.
La mémoire présente est beaucoup plus riche que par le passé.
L’importance des besoins en minéraux a favorisé la multiplication des

20
Les techniques minières de l'Antiquité au XVIIIe siècle. Actes du colloque
international sur les ressources minières et l'histoire de leur exploitation de l'Antiquité
à la fin du XVIIIe siècle (113e Congrès national des sociétés savantes, Strasbourg
1988). 1992
21
Claude Domergues : op. cit. p. 257.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 319

centres d’exploitation. L’évolution des techniques ainsi que la crise de


l’emploi en Italie et dans le sud de la France a par contre imposé la
qualification dans l’exécution des tâches d’exploitation, chose qui a
rendu le recours à une main d’œuvre étrangère expérimentée inévitable.
Ce patrimoine minier né dans un contexte colonial et multi ethnique est
marqué par la diversité. Mémoire des ethnies, mémoire des condamnés
et bagnards, mémoire ouvrière, mémoire syndicale, etc., sont le reflet
de cette pluralité. Un musée social à ciel ouvert.
III Les zones à promouvoir
La valorisation des sites miniers doit s’appuyer sur l’établissement
d’une cartographie zonale et régionale des sites. Cette cartographie tient
compte des itinéraires et des sentiers touristiques déjà en place.
Il est toutefois souhaitable de différencier entre les sites actifs et les
sites en friche. Chaque type appelle à une valorisation spécifique.
Dans cette étude nous allons nous appuyer sur deux cartes. La
première est établie par les services topographiques et géologiques. Sur
cette carte on a représenté la répartition par zone des centres miniers.
On a délimité trois zones : le domaine tellien, le domaine des dômes et
des diapirs et les bassins de phosphates Gafsa-Maknassy.
La deuxième carte est celle de la répartition des parcs nationaux (y
compris le parc géologique du Dahar), des pôles et sites touristiques et
des voies de communication.
Ces deux représentations cartographiques nous ont permis de
délimiter cinq zones de valorisation dont les projets s’appuieront sur les
spécificités naturelles, régionales et historiques. La conception des
projets touristiques à caractère industriel et culturel se réfère aux
différents modes de valorisation que nous avons énumérés.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


320 Ridha SHILI

Bassins des
Phosphates

Fig.13. Services topographiques

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 321

Fig.14. Carte parc nationaux en Tunisie – Crédit Photos revues.org

Aires Mines/tourisme de montagne Aires Mines/tourisme saharien

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


322 Ridha SHILI

III-1 Le Nord-ouest
• Zone de Moktaa-El-Hadid, association mines et forêts dans la
région de Nefza, Tamra, Jebel El Hareb, Jebel Haddada, Douahria,
Nefza (Musée paléontologique et géologique).

Fig.15. Mine à ciel ouvert dans la région de Moktaa-el-Hadid


• District plombo-zincifère de Jebel Hallouf et de Sidi Bou Aouane
(archéosite minier).

Fig. 16. Ore Geology Reviews, vol. 33, issues 3 juin 2008, pp 397-410

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 323

Chemtou (carrière antique de marbre) et Bulla-Regia comme site


d’un circuit culturel.
Cet ensemble est constitué d’un paysage forestier fortement pénétré
par les routes et englobé dans une région touristique. Héritage de
l’exploitation minière à l’époque coloniale, il est principalement dédié
au minerai de fer et aux minerais complexes. Par ses particularités
géologiques, il offre une multitude d’opportunités de valorisation.
La découverte de multiples espèces florales et animales fossilisées
lors des différentes explorations et sondages, a permis la constitution
d’une importante collection géologique et paléontologique abritée au
Musée de l’Office National des Mines22. Un musée lapidaire peut être
créé dans cette région le long de la voie de chemin de fer qui desservait
la mine de Moktaa-el-Hadid.
Ce secteur offre également la mise en place de circuits de randonnées
forestières et culturelles qui intègre le paysage minier (grottes, terrils,
structures métalliques, les bâtiments industriels, etc.).
Sur le site de Sidi-Bou-Aouane, des structures en maçonnerie
d’époque antique ont été découvertes attestant ainsi de l’ancienneté de
l’exploitation23. Une mission de fouille peut être organisée en vue de
mettre à jour les éléments constitutifs d’un centre d’interprétation,
noyau d’un archéosite minier. Ce centre aiderait à la reconstitution
d’une exploitation minière et métallurgique antique et ouvre la voie à
des recherches archéologiques dans le domaine de l’histoire des
techniques.
III-2 L’ensemble Jebel Boukornine, Jebel Ressas, Jebel
Zaghouan
Cet ensemble paysager et minier constitue déjà un parc naturel qui
s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres carrés. L’étendue des
hauteurs et leurs successions et la multiplicité des espaces encoffrés,
nous transporte simultanément des paysages de montagne aux paysages
de plaine. Jebel Boukornine est déjà classé comme parc national et
réserve naturelle qui abrite différentes espèces florales et animales.

22
http://www.onm.nat.tn/fr/index.php?p=musee
23
Office National des Minespe

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


324 Ridha SHILI

Avec Jebel Ressas et Jebel Zaghouan et la région de Mornag, ils


constituent un ensemble naturel imposant. Des randonnées y sont
organisées le long de l’année. Un aéro-club y a été constitué. Un projet
de téléférique est en cours d’étude.
Le mode de valorisation s’appuie sur deux types de circuit
Les sentiers des randonnées : Ce projet de valorisation associe les
visites des grottes et galeries souterraines, le tronçon Est de l’itinéraire
des Houanets et des nécropoles puniques et les activités des aéro-clubs
et sports des hauteurs24. L’ensemble Jebel Zaghouan/Jebel Ressas nous
offre un beau modèle de restauration d’un centre minier occupé d’une
façon permanente. Des bâtisses industrielles et structures métalliques
(four vertical, laveries, rail, silos, etc.) aux quartiers d’habitation, nous
avons encore des vestiges qui se prêtent à la restauration25.

Fig.17. Ancienne Fonderie de Jebel Ressas (Photos YESS Arfan, site Panoramio.com
Juin 2010)

24
http://z2a31.over-blog.com/2013/11/djebel-ressas-tunisie.html
25
Amira Boussetta, Mehdi Saqalli, Nicolas Maestripieri, Hichem Rejeb. Comprendre
un paysage et un territoire au travers d’un outil de spatialisation participatif : Cas de
la zone de Mornag-Jebel Ressas. 11ème conférence internationale annuelle Spatial
Analysis and GEOmatics (SAGEO 2015), Nov 2015, Hammamet, Tunisie. Actes de
la 11ème conférence internationale annuelle Spatial Analysis and GEOmatics,
pp.343-355, 2015.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 325

Le circuit de la route de l’eau et du vin. Le premier vise le


développement d’un tourisme culturel et archéologique. Son tracé est
défini par les aqueducs de Zaghouan et va jusqu’au site antique
d’Oudna. La construction de ces aqueducs colossaux a favorisé le
développement d’importantes carrières d’où étaient extraits les pierres,
les matériaux de scellage et les liants. Ces carrières sont aujourd’hui
très peu étudiées et leur inventaire est un primordial pour la constitution
de ressources documentaires et d’une carte de la pierre industrielle.
La route du vin (tourisme vinicole et culinaire qui valorise les
produits de terroir). La route du vin « Iter Vitis Magon » est un projet
de valorisation qui a été conçu dans le cadre d’un partenariat
méditerranéen. Plusieurs acteurs tunisiens et italiens y ont pris part
ANIMED, ONTT, la FTAV, l’UTICA et l’Association Saveurs de Mon
Pays26.

Fig. 18. https://www.cafa-formations.com/route-vin-iter-vitis-magon


III-3 L’ensemble des dômes et diapirs de la Dorsale
Cet ensemble s’étend principalement sur les deux gouvernorats de
Siliana et du Kef, de la chaine de Bargou en passant par les dômes

26
https://www.huffpostmaghreb.com/2016/10/30/vin-tunisie-_n_12711790.html

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


326 Ridha SHILI

d’Essers jusqu’à la frontière algérienne au sud ouest du Kef. Les sites


miniers les plus importants se concentrent toutefois dans les formations
géologiques de l’éocène et du Crétacé entre Sarrath et les confins
algéro-tunisiens (secteur de Jerissa, Slata, Sidi Amor Ben Salem, Garn
Alfaya, Boujabeur, kalaat-senam, Rbiba, Kalaa Jarda). Il s’agit d’un
ensemble patrimonial typiquement minier (circuit de visites des
installations ferroviaires, de galeries, carrières et de quartiers ouvriers,
etc.) doublé d’un circuit de randonnées.
Le site de Rbiba-Kalaat-Senam se prête à une réhabilitation du
quartier d’habitation des ouvriers. Il peut être transformé en gîte
montagneux d’une centaine de baraques. La laverie peut être réhabilitée
et transformée en lieu de restauration et de spectacle. L’idée de la
construction d’un téléférique a été déjà lancée.
Ce site se situe au pied de la Table de Jugurtha dont l’inscription sur
la liste du patrimoine mondial est en cours. C’est un ensemble paysager
et culturel très riche en témoins archéologiques et protohistoriques.

Fig. 19. Ensemble collinaire d’Ouled Boughanem, photo Ridha Shili

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 327

Fig. 20. La Table de Jugurtha Fig. 21. Vue aérienne du site minier de Rbiba

Le deuxième groupe est constitué de Jebel Jerissa/Slata/Sidi Amor


Ben Salem. Il s’agit d’intégrer l’ensemble minier de Jebel Jerissa dans
un concept de village minier. Cet ensemble renferme la carrière, les
galeries, les installations ferroviaires et industrielles d’un côté et le
village minier de l’autre côté. Plusieurs études ont été réalisées autour
de ce site notamment sur le plan sociologique et syndical. Sur le plan
du patrimoine urbain, Un musée a été crée par la conversion d’une
ancienne chapelle.

Fig. 22. Francisco Soler : bâtiment à droite Eglise de Jerissa bâtie en 1910, futur
musée de la mine
https://www.delcampe.net/fr/collections/cartes-postales/tunisie/tunisie-djerissa-
eglise-photo-soler-329778809.html

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


328 Ridha SHILI

Fig. 23. Leila Ammar et Hayet Badrani, « La cité minière de Djerissa 1887-
2017 Genèse, évolution et devenir à travers l’urbanisme et l’architecture, Al-Sabîl :
Revue d’Histoire, d’Archéologie et d’Architecture Maghrébines, n°4, Année
2018.URL : http://www.al-sabil.tn/?p=4039
III-4 L’ensemble naturel Bérino/Semmama/Chaambi
Dans le prolongement du complexe minéralisé de la Dorsale et à la
limite des steppes, se dressent les hauteurs de Bireno, Semmama et
Chaambi. C’est une ensemble paysager très riche et fortement pénétré
par des voies de communication dont plusieurs d’entre elles datent de
l’époque romaine (Haidra-Foussana-Thelepte-Gafsa, Haidra-Thala-
Layoun-Sbeitla-Gabes). Ces voies ont joué un rôle militaire au départ
et économique ensuite. Certaines relient les sites miniers de plomb et
zinc.
Au niveau de Henchir El Goussa (prés de la mine coloniale de Jebel
Lajred) ont été découverts des structures encore visibles d’un centre
minier et métallurgique antique.27Un centre d’interprétation sur le site
minier de Jebel Lajred (mine antique et centre de transformation
métallurgique)

27
Annales des Mines et de la géologie, Editions du service géologique de la Tunisie
(ONM)

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 329

Circuit de randonnée intégrant l’ensemble minier de Chaambi et les


carrières antiques et récentes de Semmama au Parc naturel et aux
vestiges de l’industrie oléicole de l’époque antique.

Fig. 24. Espace d’interprétation du patrimoine minier et métallurgique de la vallée


de Barca (Pyrénées-Atlantiques)
III-5 Les bassins miniers Gafsa/Chott El Jerid/Maknassy
Deux formes de valorisation pour un centre toujours en activité
(musée et circuits). L’effort de valorisation doit reposer sur une
implication effective et efficace de la Compagnie des Phosphates de
Gafsa dans le cadre d’une action RSE en partenariat avec les institutions
compétentes en charge du patrimoine.
Le musée national des mines qui est actuellement dans une situation
très dégradée, ne répond plus aux normes. Sa refonte est à repenser
selon un concept plus large qu’un simple musée d’exposition. Il doit
être intégré dans une structure plus large et enrichi par un volet social.
Par cette extension il deviendra « Musée National des mines et de
l’histoire sociale minière ».
Ce musée doit trouver son prolongement dans une politique de
valorisation du paysage qui l’entoure.
Etendre le circuit de visite à l’ensemble du bassin minier en rapport
avec la région des chotts. Ce circuit vise à rétablir la visite en train des

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


330 Ridha SHILI

gorges de Seldja et d’une manière plus générale la mise en place


d’excursions en direction des oasis.

Fig. 25. Musée des Mines de Metlaoui (Fond photographique de Mohamed


HAMDANE)
IV Les plans de gestion du patrimoine minier
IV-1 Cadre juridique et acteurs
Le cadre juridique : la législation nationale, les règlements de
l’UNESCO, les accords ONG spécialisés (BRGM, USGS, OSR, etc.).
Les acteurs : Le ministère en charge du secteur minier, le ministère
des affaires culturelles, le ministère du tourisme et de l’artisanat, le
ministère de l’équipement, les communautés territoriales et la société
civile.
IV-2 Contenu des plans de gestion
L’inventaire complet des ressources et des sites classés en friche (en
général cette mission plutôt technique est du ressort des services des
mines, en l’occurrence l’ONM).
La cartographie des zones minières concernées (utilisation des
techniques SIG).

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Richesses minières, de la ressource à la patrimonialisation 331

Les procédures et les méthodes pour la gestion de ces ressources


(définition des périmètres, classement, protection, etc.).
Les plans, cahiers des charges et modes de valorisation culturelle et
touristique (médiation, communication, sensibilisation, implication de
la société civile, animations, etc.).
IV-3 Les comités de pilotage du projet
La conception : Institution de l’Etat (AMVPPC, ONM, laboratoires
de recherche) et bureaux d’étude nationaux et internationaux.
L’élaboration : Les spécialistes, chercheurs spécialisés, offices et
institutions en charge du secteur, Institut National du Patrimoine, etc.
La gestion : Les pouvoirs locaux et leurs partenaires, les acteurs
économiques en conformité avec l’article VII de la constitution de la
Tunisie.
Conclusion
Les mines et les carrières en Tunisie, considérées depuis toujours
comme étant uniquement une ressource en matières premières, à
extraire, à traiter et à transformer soit localement soit ailleurs, sont
aujourd’hui essoufflées et approchent à grands pas d’un épuisement
inévitable. Déjà, les sites épuisés ou peu rentables nous lèguent
aujourd’hui et légueront demain aux générations futures de graves
problèmes environnementaux (déchets et rebuts industriels,
contaminations chimiques, dégradations du paysage).
A la question que faire de ce legs, la réponse primaire a été le
déclassement en vue d’une destruction spontanée des installations
lourdes et la décontamination progressive des sols qu’elles occupaient
par l’effet de drainage et de filtrage. Dans cette démarche, les coûts pour
l’environnement et pour les pouvoirs publics sont lourds et dissuasifs.
La patrimonialisation, semble aujourd’hui être l’alternative la plus
plausible, la moins coûteuse et surtout la plus rentable et pour les
communautés et pour les exploitants.
Diverses voies de patrimonialisation sont possibles. Elles couvrent à
la fois l’intérêt scientifique, la sauvegarde du paysage et aussi la mise
en place d’un nouveau levier de développement régional et local. La
décontamination, l’intégration dans des circuits touristiques par la mise

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


332 Ridha SHILI

en musée in situ, la réaffectation et la réhabilitation, sont parmi d’autres,


des voies de patrimonialisation de ce legs. D’un fardeau dont les coûts
de traitement sont très lourds, ces sites peuvent être transformés en vrais
ressources patrimoniales, amis de la nature (Green label) et créateurs de
richesses.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


LE POTENTIEL PATRIMONIAL DES MINES EN TUNISIE

Dajla BELTAIEF
Maître-assistante ISMP Tunis
Université de Tunis

Résumé
Les différents vestiges laissés en Tunisie par l’exploitation intensive des
ressources minérales a suscité l’intérêt de plusieurs chercheurs, que ce soit de point
de vue historique, géographiques, géologiques, etc.
Aujourd’hui, ces sites pourraient suivre un processus de patrimonialisation et de
muséalisation visant à leur garantir une politique de sauvegarde et de valorisation. Les
exemples sélectionnés, sont des choix montrant leur potentiel patrimonial selon les
aspects architecturaux et matériels.
Mots clés
patrimonialisation, muséalisation, potentiel patrimonial, aspect architectural,
aspect matériel
Introduction
Certains paysages miniers tunisiens apparaissent comme un
ensemble d’excavations et installations laissées à l’abandon suite à une
exploitation intensive durant les différentes périodes historiques.
Mais c’est à partir de la fin du XIXème siècle, après la révolution
industrielle et grâce à de nouveaux investissements, que l’extraction
minière a connu un nouvel essor laissant ainsi plusieurs vestiges comme
témoignage. L’ensemble de ces installations s’ordonne sur des surfaces
parfois considérables tout en restant proportionnelle à la richesse des
ressources exploitées : en effet certaines mines sont seulement des sites
d’extraction, qui ont été dans la majorité des cas neutralisés ou qui nous
laissent un enchevêtrement de galeries (fig 1).
334 Dajla BELTAIEF

Figure 1 : Niveau -75 mine de Bougrine


Photo fournie par S. Snoussi, Office des mines

D’autres ont connu d’importants investissements pour la


construction de différents bâtiments ; laveries avec bassins de
décantation (fig 2), des fours de calcination du matériel industriel
comme des broyeurs et concasseurs, parfois l’importance du gisement
a engendré l’implantation de cités ouvrières (fig 3) dans lesquelles en
plus des bâtiments industriels, elles regroupent les différentes
commodités : école, hôpital, commerces, etc.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 335

Figure 2 : Ancienne laverie de Jebbel Trozza


Photo fournie par S. Snoussi, Office des Mines

Figure 3 : Ancien village minier de Garn Halfaya


Photo fournie par S. Snoussi, Office des mines

Ces mines, qui ont suscité l’intérêt de plusieurs spécialistes


notamment les historiens, les géologues et les géographes, constituent
une ressource qui peut faire l’objet d’un autre type d’étude. Dans cette
contribution nous proposons de démontrer que certaines d’entre elles
peuvent s’inscrire dans un processus de patrimonialisation et jouer de

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


336 Dajla BELTAIEF

nouveau un rôle dans le développement économique de leur région et


ceci grâce à leur potentiel patrimonial.
I. Potentiel patrimonial
Les projets de patrimonialisation se caractérisent par la volonté à la
fois de valoriser le caractère architectural des différents éléments de la
mine, d’en rendre compréhensible le fonctionnement antérieur par la
préservation et la remise en route des machines (si elles existent) ou par
la création de parcours museaux reconstituant le cheminement du
minerai de l’extraction jusqu’à l’expédition, de réinsérer enfin le
patrimoine industriel dans la vie économique, sociale et culturelle de la
région.
L’expérience la plus riche est celle de Zollverein, malgré la grande
taille et la complexité du site, constituée de l’ancien siège d’extraction
du charbon, d’une centaine de fours reliés par un impressionnant
dispositif de canalisations, de puits, de lignes de chemins de fer, de
maisons d’ouvriers et autres construction de service, la volonté de
préserver ce site s’est orienté vers un concept de musée-parc où les
éléments du paysage industriel s’inclut avec les autres aspects de
l’environnement. Cette volonté d’intégrer le patrimoine industriel à
l’ensemble des richesses d’une région (naturelle, artistique,
historique,…) est le fruit de l’interdisciplinarité du patrimoine1.

1
Loui. Bergeron, www.universalis.fr/encyclopedie/patrimoine-minier-en-europe/

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 337

Figure 4 : Complexe industriel de la mine de charbon de Zollverein à Essen (Allemagne)


Photo : Rainer Halama, 2007 Source : whc.unesco.org

Pour les mines de la Tunisie, nous allons essayer grâce aux exemples
que nous allons présenter, tenir compte des spécificités que pourraient
offrir chaque site en mettant surtout l’accent sur deux aspects : aspect
architectural et aspect matériel ou industriel, en prenant aussi en
considération d’autres critères de sélection qui seront détaillée pour
chaque exemple.
II. 1. Potentiel architectural
II.1.1. Mine de Jebel Ressas
Le choix du site de la mine de jebel Ressas repose sur
plusieurs critères. Tout d’abord la richesse historique de la région avec
la proximité des sites antiques, celui des temples des eaux et celui de
Oudhna. La richesse naturelle des environs, offrent au visiteur la
possibilité d’exercer l’activité de l’escalade ou celle de la spéléologie.
Enfin, dans le cadre de la création d’un circuit muséal, l’accessibilité
et la proximité du site est primordiale, en effet la mine se trouve à
environ 25km au sud-ouest de Tunis. Mais le plus important critère est
la spécificité architecturale des vestiges encore existants.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


338 Dajla BELTAIEF

II.1.1. 1. Aperçu historique


La mine de Jedel Ressas est considéré comme la plus anciennement
instituée en Tunisie2. Durant la période coloniale, la première
concession fut accordée à la société italienne « Societa metallurgica
italiana » en 1868 pour l’extraction du plomb et du zinc. Cette société
dépensa des capitaux importants pour bâtir une fonderie, une laverie et
des bâtiments pour l’administration. La laverie et la fonderie furent
installées entre 1876 et 18803. L’exploitation resta inactive de 1890 à
18964. En 1899, elle fut rachetée par M. Octave Chemin5.
Reprise par la « société anonyme des mines de Djebel-reças » en
1900. En 1937, après l’arrêt de la mine qui eut lieu en 1928, un atelier
de flottation fut installé6. Pour faciliter le transport du minerai vers
Tunis, une station du réseau ferroviaire tunisien, portant le nom de
« Laverie », a été ajoutée dans l’enceinte de l’usine. Les constructions
annexes comportaient un service médical et pharmaceutique, des écoles
et un bureau de poste7.
D’après un ancien ouvrier de la laverie, l’exploitation a duré
jusqu’en 1956 date à laquelle les propriétaires de la concession ont
démonté les différentes installations mécaniques8.
II.1.1.2. Vestiges
Les installations de la mine datant de la période coloniale sont
regroupées en trois zones distinctes9 (fig. 5).
Zone 1, la Fonderie : elle est constituée par le bâtiment de la
fonderie (fig. 6 et 7) construit par la « Societa metallurgica italina ». La
fonderie était utilisée pour l’enrichissement du minerai, pour cela elle
était dotée de cheminée que l’on retrouve sur la carte avec la mention
de cheminée sale (voir fig. 5). Suite aux plaintes faites au bey par les

2
K. ROBERTY, 1907, p. 17
3
P. SAINFELD, 1952, p. 187
4
K. ROBERTY, Op. Cit.. p. 20
5
K. ROBERTY, Op. Cit. p. 18
6
P. SAINFELD, Op. Cit, p. 187
7
K. ROBERTY, Op. Cit, p. 20.
8
D. BELTAIEF, 2016, p 319
9
Les constructions de ces trois zones n’ont pas été faites à la même date puisque la
mine a connu des périodes de déclin et d’essor lors de la passation des concessions.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 339

habitants de la région une conduite souterraine fut construite, appelée


« El Damous », qui menait à une cheminée se trouvant à plus de 200m
d’altitude (voir fig. 5). Malheureusement une partie de cette conduite
qui se trouvait sous la fonderie a été détruite et la cheminée ne fut jamais
utilisée car la société fit faillite et la concession fut vendue. Lorsque la
« Société anonyme des mines de Jebel Reças », commença à exploiter
cette mine la transformation du minerai se faisait à Megrine à la Société
Peñarroya pour cette raison elle abandonna la fonderie aux ouvriers qui
la transforma en habitations (fig. 7).

Figure 5 : Extrait de extrait de la carte topographique montrant la conduite de fumée


Source : Carte topographique « Grombalia n°29 » au 1/50000e, version 1890-1923

Figure 6 : Ancienne fonderie Figure 7 : Fonderie vue de Haut


Photo : Dejla Beltaief, 2015 Photo : Dejla Beltaief, 2018

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


340 Dajla BELTAIEF

Zone 2, maison de la société minière : appelée « El biro » par les


habitants, le bureau, elle est constituée de deux bâtiments pour la
direction (fig. 10 et 11), où les ouvriers percevaient leurs salaires, et des
locaux pour l’habitation (fig. 12 et 13). La société employait au total
875 personnes dont 565 à la mine et 310 à la laverie10.

Figure 10 : Local de la direction Figure 11 : Deuxième local de la direction


Photo : Dejla Beltaief, 2018 Photo : Dejla Beltaief, 2018
Les locaux d’habitations étaient destinés aux ouvriers d’origines
européennes, les ouvriers autochtones qui n’étaient pas de la région
mais plutôt ramené de « Goubellat » habitaient des gourbis11.
Aujourd’hui tous ces locaux sont occupés par les familles des anciens
ouvriers.

Figure 12 : Local d'habitation Figure 13 : deuxième local d’habitation


Photo : Dejla Beltaief, 2018 Photo : Dejla Beltaief, 2018

10
L. BERTHON, 1922, p. 70
11
Selon Hédi ben Hamouda fils d’un ancien ouvrier de la mine et habitant dans la
fonderie

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 341

Zone 3, La laverie : cette zone est constituée de plusieurs éléments


architecturaux nous avons tout d’abord les trois laveries (fig. 14)
construites à des dates différentes, la principale (fig. 15), bâtie en 1928,
a été considérée par L. BERTHON comme un modèle en Tunisie, on y
employait des concasseurs, des broyeurs et beaucoup de matériel
industriel à la pointe12. Elle avait une puissance de dix tonnes par heure
et été alimentée en eau par le barrage établi sur l’oued El Karbi13.
Les laveries sont utilisées pour le concassage du minerai mais
essentiellement pour son lavage par gravimétrie14ce qui permet de le
débarrasser des déchets et débris. Cette technique est presque la même
depuis l’antiquité15 et se fait grâce à des bassins de décantation que l’on
trouve non loin des laveries (fig. 16).

Figure 14 : Vue sur l'ensemble des Figure 15 : Laverie principale


laveries, mine Jebel Ressas Photo : Dejla Beltaief, 2015
Photo : D. Beltaief, 2018

12
L. BERTHON, Op. Cit, p. 70
13
K. ROBERTY, Op. Cit, pp 19-20
14
C’est une technique utilisée en minéralurgie pour la séparation des minéraux selon
leurs différences de densité. Elle nécessite le plus souvent une préparation
granulométrique préalable concassage par exemple
15
ARGOUD G., 1986, pp 86-87

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


342 Dajla BELTAIEF

Figure 16 : Ensemble de bassins de lavage


Photo : Dejla Beltaief, 2015
Des sept fours de calcination16 utilisés pour la calcination du
minerai, il en reste un seul (fig. 17). C’est un four circulaire avec une
cheminée de briques rouges. La calcination est la première étape de
transformation du minerai après son lavage, elle permet grâce à une
chaleur intense de le libérer de l’eau qu’il pourrait encore contenir et
aussi de réduire sa masse avant de subir les opérations de
transformation.

16
Mentionnés par K. ROBERTY, Op. Cit.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 343

Figure 17 : Four de calcination et sa cheminée


Photo : Dejla Beltaief, 2015

En plus des différentes constructions décrites ci-dessus cette


troisième zone renferme des bâtiments de la station de train appelée
« Laverie », elle été utilisée pour le transport du minerai après
calcination vers la société Peñarroya à Megrine. Cette station,
aujourd’hui une maison de scoot, a été opérationnelle jusqu’en 1941,
date à laquelle le train fut
remplacé par les camions.

Figure 19 : pour le chargement des


wagons en Minerai
Figure 18 : Station La Laverie Photo : Dejla Beltaief, 2018
Photo : Dejla Beltaief, 2018

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


344 Dajla BELTAIEF

Le dernier élément de cette zone est le tracé laissé par le funiculaire


décrit par K. ROBERTY et P. ZEYS comme ayant une longueur de
1350m et permettait la descente du minerai grâce à des trois chariots
porteurs (fig. 20).

Tracé laissé par


le funiculaire

Figure 20 : Tracé du funiculaire


Photo : Mohamed Grira, 2018

II.1.2. Mine de Jebba


Le choix de la mine de Jebba est basé sur plusieurs critères :
historiquement, elle est considérée comme l’une des deux seules
entreprises minières antérieures à la période coloniale17. La région du
site est dotée d’un parc naturel faisant l’objet d’un projet
d’aménagement pour les différentes grottes. Sans oublier la proximité
avec le village de Thibar et son complexe industriel agro-alimentaire
datant du début XXème siècle.
II.1.2.1. Aperçu historique
Les premiers essais d’exploitation de cette mine pour l’extraction
des minerais furent réalisés par Khereddine pacha18. Il y a eu
17
Avec celle de la mine de Jebel Ressas, L. BERTHON, Op. Cit, p 4
18
P. SAINFELD, Op. Cit, p 103 ; je tiens à remercier S. SNOUSSI, directeur à l’ONM
pour avoir mis à ma disposition ce document.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 345

construction d’une fonderie avec plusieurs fours à réverbère et un


atelier de préparation mécanique mais qui n’ont jamais fonctionné19.
La première concession fut vendue à la « société de construction des
Batignolles » en 1876. Cédée ensuite à la « compagnie Bône-Guelma »
et reprise en 1900 par la « Société anonyme des mines et fonderies de
Zinc de la Veille Montagne »20. La mine a connu beaucoup de périodes
de crise qui ont engendré de long moments d’arrêt : de 1931 à 1937,
puis de nouveau de 1942 à 194921.
II.1.2.2. Vestiges
L’extraction souterraine dans la roche dure comme pour les minerais
métallifères, dont le plomb, demande beaucoup d’énergie et de moyens
humains. L’accès à la mine souterraine peut être effectué, selon la
topographie du site, grâce à une rampe, un puits ou une galerie et parfois
un mixage de ces types. Malgré la modestie des monuments encore
existants, la mine de Jebba, offre l’avantage d’avoir deux différents
types d’accès.
Le premier se fait grâce à une galerie horizontale (fig. 21) où l’on
découvre une conduite d’eau qui est utilisée pour l’évacuation de l’eau
et aussi acheminement du minerai jusqu’à la laverie facilité par la pente
du terrain (fig. 22).

19
A. MAHJOUB, 1978, p 380
20
L. BERTHON, Op. Cit, p 74
21
P. SAINFELD, Op. Cit., p. 104

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


346 Dajla BELTAIEF

Figure 21 : Entrée d'une galerie avec la conduite d'eau


Photo : Mohamed Grira, 2013 Figure 22 : Conduite d'eau
transportant le minerai
vers la laverie
Photo : Hamdi Hadda,
2013
Pour les galeries plus profondes, le second type d’accès se fait grâce
à un puits dont l’entrée est marquée par un chevalement en maçonnerie.
Cette construction verticale avec une base de forme carrée (fig. 23), que
l’on appelle aussi « chevalet de mine », est utilisée pour faire descendre
les mineurs et le matériel au fond et remonter le minerai à la surface.
Grâce à la description faite par L. BERTHON en 1922 cette mine ne
comportait aucune installation mécanique et dans le bâtiment donnant
accès au puits (fig. 24) aucune installation électrique, témoignage de
l’utilisation d’une force mécanique. Il parait évident que pour la montée
et la descente des mineurs et matériels, les travailleurs utilisaient soit la
force humaine soit la force animale qui serait éventuellement actionné
avec un système de poulie.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 347

Figure 23 : chevalement Figure 24 : Entrée vers le puit


de la mine de Jebba Photo : Mohamed Grira, 2013
Photo : Hamdi Hadda,
2013
Le site de la mine comporte une laverie (fig. 25), construite en 1928
et reconstruite en 1950 après les arrêts d’activité. D’après la
documentation elle était équipée d’un matériel assez rudimentaire pour
le broyage et concassage du minerai. Elle se trouve à un niveau inférieur
par rapport au puits et la galerie avec un bassin rectangulaire collé au
mur à l’extérieur (fig. 26). Aujourd’hui, une partie de cette laverie est
exploitée par un ancien de la mine pour l’élevage de lapins.

Figure 25 : Laverie, vue de côte Figure 26 : laverie et bassin, vue de haut


Photo : Hamdi Hadda, 2013 Photo : Hamdi Hadda, 2013

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


348 Dajla BELTAIEF

Les derniers éléments architecturaux de la mine sont les deux


bassins. Le premier de forme rectangulaire n’est pas assez profond (fig.
27), se trouve à l’extérieur de la laverie avec une porte lui donnant
accès. Le lavage du minerai se fait par la technique de gravimétrie.
Le second bassin, de taille plus réduite et de forme carrée, construit
sur des piliers (fig. 28) se trouve plus en hauteur par rapport au premier.
Vu son emplacement (loin de la laverie), nous pourrons émettre
l’hypothèse qu’il soit un bassin réservoir.

Figure 27 : 1er bassin


Photo : Hamdi Hadda, 2013
Figure 28 : 2ème bassin
Photo : Hamdi Hadda, 2013

II.2. Potentiel industriel


Les exemples de mines pourvues d’installations industrielles encore
existantes ne sont pas très nombreux et ceci pour plusieurs raisons. En
premier lieu le nombre de sociétés minières qui ont investi dans un
matériel mécanique n’est pas très important. En effet dans notre thèse22
nous avons recensé à peu près 14 mines ayant un matériel mécanique
allant de simple concasseurs jusqu’à de véritables installations
industrielles assez complexes. En second lieu la perte, la détérioration
ainsi que le démantèlement des machines des mines, font qu’il ne nous
reste pas beaucoup de témoignages des activités industrielles minières.

22
D. BELTAIEF, Op. Cit, pp 311-317

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 349

II.2.1. Mine de Jérissa


Nous ne pouvons pas parler d’industrie minière sans parler de la
mine de Jérissa qui a gardé jusqu’à nos jours plusieurs installations,
témoignages de la prospérité passée et de l’importance économique de
cette mine durant la période coloniale. Cette importance est traduite par
la construction de tout un village. Il comporte en plus d’une centrale
pour les ateliers et l’éclairage électrique, des maisons pour les
ingénieurs et pour les ouvriers, une école, une infirmerie, une
pharmacie, un poste de police, une église, un cimetière, un économat,
des jardins, des adductions d’eau, etc.23 Ce qui permet d’avoir un
exemple complet d’une cité minière et ainsi éventuellement un musée
à ciel ouvert reconstituant la vie d’un mineur dans son cadre.
L’importance de ce site minier a justifié la création d’un musée de la
mine de Jérissa qui est malheureusement aujourd’hui à l’abandon.
II.2.1.1. Aperçu historique
Durant la période coloniale la première concession fut accordée en
1901 à la « Société anonyme des mines de Bou-Jaber » pour l’extraction
du fer24. En 1907, avec la création de la « Société du Djebel Djerissa »
(SDD), l’exploitation de la mine a connu un grand développement.
L’extraction du minerai fut d’abord à découvert avant de devenir
souterrain en 1960. Elle a été considérée comme la plus importante
mine de fer et ceci des années 20 jusqu’aux années 40. La quantité du
fer extrait représentait 80% de la production total. Cette société est
toujours en activité même si elle n’extrait plus le fer pour la métallurgie
mais plus pour la cimenterie. Par arrêté du 13 décembre 2010, le siège
de la société a été classé comme monument historique avec une zone de
500m25.
II.2.1.2. Installations
Les installations en plein air de la mine se regroupent dans ce qui est
appelé le carreau de la mine. C’est le lieu où le minerai subit tous les
traitements avant son transport vers le port de La Goulette (fig. 29).

23
L. BERTHON, Op. Cit., pp. 143-145
24
K. ROBERTY, Op. Cit., p. 49
25
Journal officiel de la République tunisienne, no 104, 28 décembre 2010, p. 3800.
En ligne http://www.cnudst.rnrt.tn/jortsrc/2010/2010f/jo1042010.pdf

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


350 Dajla BELTAIEF

Figure 29 : Remplissage des cales des bateaux


Source : Felix L., 1913

Après extraction, le minerai est transporté vers le concasseur (fig.


30). Au début de l’activité de la société, ce transport se faisait grâce à
des roulages à voie ferrée. Ils furent remplacés par des camions à bennes
basculantes à partir de 1949 dans le cadre de la modernisation des
équipements de la société26.

Figure 30 : Concasseur
Photo : Dejla Beltaief, 2015

Ensuite grâce au convoyeur27 (fig. 31), le minerai concassé est


transmis vers les fourneaux (fig. 32) qui sont destinés à la combustion

26
GRANOTTIER A., 1948, p. 41
27
Convoyeur : constitué de rampe et de bennes, il permet le transport du minerai entre
les différentes zones de traitement.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 351

et la transformation du minerai de fer en fonte avant d’être affiné en


aciérie. Ils sont constitués de plusieurs étages, le minerai est déversé en
haut par ce qu’on appelle le gueulard. Pour maintenir une haute
température ces fourneaux doivent fonctionner en continue.

Figure 31 : fourneau et vue du convoyeur Figure 32 : Four et partie du convoyeur


Photo : Directeur de la SDD, 2015 Photo : Dejla Beltaief, 2015

Une fois la fonte est refroidie, elle est acheminée grâce au convoyeur
vers la trémie, qui facilitera le remplissage des wagons par des goulots
se trouvant en bas.(fig. 33)

Figure 33 : Trémie
Photo : Mohamed Grira, 2015

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


352 Dajla BELTAIEF

Le dernier élément du carreau de la mine est la recette. Il s’agit d’un


bâtiment qui est utilisé pour contenir le matériel de manutention et
faciliter la circulation du personnel (fig. 34).

Figure 3426 : la recette


Photo : Dejla Beltaief, 2015

II.2.2. Mine de Djebel Akhouet ou mine Lakhouet


Le choix de cette mine Lakhouet est surtout imposé par le faite
qu’elle soit parmi les quelques mines où l’on peut encore trouver des
machines utilisées dans l’extraction et le traitement des minerais. En
plus elle se trouve à proximité de la mine de Jérissa, pourrait nous
inciter à l’inclure dans un même parcours muséal.
II.2.2.1. Aperçu historique
Cette mine tire son nom des deux mamelons jumeaux (montagne des
deux frères). La première concession fut accordée en 1896 à M.
Montgolfier pour l’extraction du plomb et du zinc. Elle a été amodiée
en 1898 à la « Société de la Veille Montagne ». Amodiation expirée en
190428. En 1908, une petite laverie a été construite mais n’a pas obtenu

28
K. ROBERTY, Op. Cit., p. 27

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 353

de résultat important. L’exploitation de cette mine a connu de


nombreuses interruptions à cause de la chute de la production29.
En 1947, avec l’installation d’une nouvelle centrale et d’une laverie,
cette mine a connu un nouvel essor30. La concession fut cédée à la TMS
(Tunisia Mailing Service) de 2006 à 2012 pour une éventuelle
réexplotation31. Depuis la mine est laissée à l’abandon sans concession.

Figure 3527 : Vue d'ensemble de la mine Lakhouet


Photo : Dejla Beltaief, 2015

II.2.2.2. Installations
Le site de la mine est jalonné de plusieurs machines mécaniques
laissées à l’abandon et dont la plus part sont dans un état de
détérioration assez avancé. Elles étaient utilisées dans le transport et le
traitement du minerai. Comme le concassage est la première étape de
transformation, le site renferme encore plusieurs broyeurs démantelés
et éparpillés soit à l’air libre soit dans les différents bâtiments (fig. 36
et 37)

29
« La mine fut à peu près abandonnée de 1914 à 1923 …elle a connu un nouvel arrêt,
de 1930 à 1938 », P. SAINFELD, Op. Cit., p. 154
30
Idem
31
Information fournie par M. Snoussi Directeur à l’ONM

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


354 Dajla BELTAIEF

Figure 36 : Broyeur de marque « Denver » Figure 37 : Broyeur


Photo : Dejla Beltaief, 2015 Photo : Mohamed Grira, 2015
Le lavage du minerai se faisait dans la plus part des mines de manière
manuelle. Pour la mine Lakhouet cette étape est effectuée grâce à une
chaine de machines que l’on trouve dans un des bâtiments du site (fig.
38 et 39). Chaque machine est constituée d’un récipient rectangulaire et
des palettes pour remuer le minerai.

Figure 38 : chaine des machines de lavages


Photo : Dejla Beltaief, 2015

Figure 39 : une machine de lavage


Photo : Mohamed Grira, 2015

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 355

Le bâtiment de la laverie est relié à un édifice adjacent, par un


élévateur (fig. 40) qui facilite le transport du minerai. Cette construction
contient plusieurs trémies (fig. 41).

Figure 40 : Elévateur des concasseurs Figure 41 : Trémie des concasseurs


Photo : Dejla Beltaief, 2015 Photo : Dejla Beltaief, 2015
III. Patrimonialisation et Muséalisation des mines en Tunisie
III.1. Patrimonialisation des mines
Le débat autour de la patrimonialisation des mines a commencé en
Europe depuis les années 80, suite aux différentes destructions de
plusieurs sites miniers imposées par la législation (surtout la législation
française qui impose aux houillères nationalisées d'assainir et de
sécuriser, fût-ce au prix de l'arasement, les sites qu'elles abandonnent32).
Le processus de patrimonialisation des sites miniers a permis à certaines
régions de prendre conscience du potentiel patrimonial de ces mines, de
les revaloriser et même pour certaines d’entre elles d’être inscrites dans
la liste de l’UNESCO33. Le but essentiel de cette patrimonialisation est
avant tout de pouvoir offrir un statut spécifique à ces mines et ainsi de
les protéger contre la destruction.
Ce même acharnement et destruction nous le retrouvons en Tunisie
aujourd’hui et surtout pour les sites qui sont accessibles (fig. 42). Peut-

32
L. BERGERON, Op. Cit.
33
Le paysage minier de Cornouailles et de l’ouest de Devon (Royaume uni) inscrit en
2006, composé de plusieurs installations témoignage de l’essor de l’exploitation
minières du royaume uni : les mines souterraines, les bâtiments, les machines, les
fonderies, l’expansion des chemins de fer, whc.unesco.org, consulté le 16 novembre
2016. Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais (France) inscrit en 2012, étendu sur
120000 Ha et constitué de 109 biens

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


356 Dajla BELTAIEF

être nos mines ne sont pas aussi imposantes et impressionnantes que


celles d’Europe mais nous pouvons dire qu’elles ont eu la même
importance économique puisqu’elles sont inscrites dans l’histoire d’une
région et d’une collectivité. Il serait temps que nous aussi nous prenons
conscience de ce potentiel et commençant le processus de
patrimonialisation qui est constitué tout d’abord des procédures de
sélection, de sauvegarde, de conservation et enfin de valorisation.

Figure 42 : Mine de Jedel Ressas


Photo : D. Beltaief, 2015

La patrimonialisation tient compte aussi de trois fonctions34 :


Fonction identitaire : elle renvoie au lien social, au capital social et
à la distinction que permet l’appropriation collective du patrimoine. En
d’autres termes à l’attachement identitaire que pourrait avoir les
habitants de la région du site.
Fonction valorisante : elle renvoie aux retombées économiques
(tourisme, valorisation immobilière,…) pour la collectivité.
Fonction légitimante : elle renvoie aux capacités d’intervention dans
le public, de l’aménagement de l’espace que donne la maitrise d’un
patrimoine. Il faudra tenir compte de l’apport de l’Etat de l’intervention
de la société civile et autres associations permettant de donner un aspect
légal dans le processus de patrimonialisation.

34
V. VESCHAMBRE, 2007

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 357

Les arguments d’ordre historique, culturel et humain pèsent


fortement en faveur de l’enclenchement du processus de
patrimonialisation. La préservation d’une civilisation industrielle
organisée autour des mines et qui est porteuse d’un savoir-faire, d’un
matériel et d’une architecture spécifiques pourrait avoir un impact
important sur le développement économique de la région.
La patrimonialisation des mines n’est qu’une 1ère étape visant avant
tout à sauver les monuments du risque de la destruction et donner ainsi
le temps pour mettre en place le processus de muséalisation35.
III.2. Muséalisation ou « mise en musée » des mines
La muséalisation, en plus d’une sélection et une étude, elle offre la
possibilité d’une « mise en musée » donc en plus de sauver de la
destruction, elle permet de connaitre et de transmettre.
La « mise en musée » peut se faire de deux manières :
- La première est celle In situ ou musée à ciel ouvert : elle permet
avant tout de préserver les objets dans leurs contextes d’origine. C’est
le cas des grandes machines qu’ils seraient impossibles à déplacer. Elle
offre l’avantage de la possibilité de recréer le parcours d’extraction du
minerai dans un circuit muséal. Ce qui serait éventuellement la solution
la mieux adaptée pour les différents exemples de mines détaillés plus
haut, surtout pour la mine de Jérissa et ses installations imposantes ainsi
que celle de Lakhouet. Cette solution permettra non seulement d’offrir
au visiteur un parcours d’immersion dans les étapes suivies par le
minerai et une découverte de la vie des mineurs mais la préservation du
site.
Pour pouvoir ouvrir ce musée « à ciel ouvert » aux visiteurs, il faudra
bien sûr, envisager des travaux de nettoyage du site, ajouter des
protections tout au long du parcours qui sera suivit. Cette possibilité
offrira une revalorisation économique de toute la région puisqu’elle
permettra la création de nouveaux emplois.

35
Lancer le processus de patrimonialisation n’est pas suffisant. En effet, La
patrimonialisation participe au processus de muséalisation, mais ne l’englobe pas. La
patrimonialisation contrairement à la muséalisation n’implique pas forcément la
préservation matérielle des vrais objets, puisqu’elle peut se faire en prime abord in
situ. F. MAIRESSE, 2011, p 255.

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


358 Dajla BELTAIEF

- Ex situ ou mise en musée : dans ce cas et afin d’éviter d’extraire


l’objet de son contexte d’origine, qui pourrait engendrer une perte
d’informations36, l’utilisation de substitut est envisageable. Ceci permet
lors de la création d’un musée de combler certains vides dus à une
absence de matériel, reconstituer la maquette de bâtiments trop
détériorés ou même inaccessibles. Ces substituts peuvent être aussi sous
forme de photos ou tout autre document graphique ou audiovisuel.
Pour la mine de Jebel Ressas, aucune machine utilisée n’est restée
sur le site, il serait intéressant de recréer, dans un musée, grâce
essentiellement aux nouvelles technologies, des expositions utilisant
des maquettes reproduisant les concasseurs, broyeurs et autres outils
pour reconstituer les différents procédés et étapes dans la
transformation du minerai extrait. Pour cela, il serait envisageable de
faire appel aux anciens ouvriers qui permettront d’aider dans la mise en
place d’un programme de formation des guides du musée.
Conclusion
Même si les exemples qui ont été traité ne sont pas nombreux, ils
sont représentatifs de la diversité des sites miniers tunisiens, de leurs
richesses historiques ainsi que des différents atouts qu’ils offrent dans
le cadre d’une éventuelle muséalisation. Ceci nous permet de conclure
que notre paysage minier présente un certain intérêt patrimonial que ce
soit sur le plan architectural que sur le plan matériel industriel.
L’état d’abandon et détérioration constatés, surtout pour les
machines de la mine Lakhouet, nous oblige a indiqué l’urgence du
déclanchement du processus de patrimonialisation qui permettra grâce
à une équipe de « médiateurs » de fixer les critères de sélection, afin
d’élargir la liste des sites miniers, et procéder ainsi à la sauvegarde et la
mise en valeur de ce patrimoine. Cette équipe de médiateurs peut ne pas
être essentiellement constituée des pouvoirs publics mais aussi de toute
association ou organisme de protection du patrimoine.

36
Y. BERGERON, 201, pp 62-63

Mines et carrières en Afrique du Nord (de l’Antiquité à nos jours)


Le potentiel patrimonial des mines en Tunisie 359

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