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18 LE FANTASME METROPOLITAIN
influent en Amérique du Nord, où il a humain, un attrait moral, un attrait pour
marqué la reconnaissance de la profes- améliorer Chicago, pas pour l'argent qui
sion d'urbaniste. Il est le pendant, à s'y trouve, mais pour les bienfaits men-
l'échelle urbaine, d'une architecture taux, moraux et physiques qu'un plan bien
inspirée de l'Ecole des beaux-arts de ordonné peut apporter à la population.
Paris. Il évoque en effet l'urbanisme du
Le plan de Chicago n'est pas une panacée
baron Haussmann (1809-1891) et
pour tous les maux civiques de notre ville.
confirme l'intérêt des Américains pour
Son but vise simplement le développe-
la grande tradition classique française.
ment physique de Chicago pour le bien
Sa naissance est étroitement associée à
non pas d'une seule classe de la popu-
l'élaboration du plan pour l'Exposition
lation ou d'un secteur de la ville mais pour
colombienne de Chicago en 1893, par
le bien de tous les citoyens de Chicago,
Daniel H. Burnham (1846-1912) et
pour le bien de tout Chicago2.
Frederick Law Olmsted (1822-1903).
Ceux-ci avaient entre autres prévu de Conçu avant tout par des architectes
dégager une grande esplanade avec un et des architectes paysagistes de for-
bassin central devant la gare qui déter- mation, les plans du City Beautiful
minait l'axe principal de la composition. mettent l'accent sur l'esthétique et les
Pour les pavillons d'exposition, Burnham espaces verts. Au mieux, dans ce dernier
avait fait venir quelques-uns des archi- cas, on espérait que les parcs aident à
tectes de formation Beaux-Arts les plus prévenir le crime, la malpropreté et les
renommés des États-Unis. Chacun maladies3. L'importance accordée à la
devait se soumettre aux prescriptions nature rattache ce mouvement au
générales dont la limite de la hauteur. romantisme du xixe siècle en amont, et
L'ensemble présentait un effet monu- aux Congrès internationaux d'architec-
mental saisissant. Le City Beautiful fut ture moderne (CIAM) en aval. L'esthé-
par la suite mis de l'avant dans de nom- tique, quant à elle, avait pour objet
breux projets urbains dont ceux de « d'améliorer la santé et le sens moral
Washington (1902), Cleveland (1903), des gens et de stimuler la fierté locale et
San Francisco (1904) et Chicago (1908), patriotique4». Cette cure de beauté
tous sous l'autorité de Daniel Burnham, urbaine nécessitait un plan d'ensemble
protagoniste principal de cet urbanisme fondé sur des principes d'ordre, de
magistral de l'ordre et de la beauté. hiérarchie et de cohérence. Le City
Le City Beautiful s'inscrit parfaitement Beautiful a de ce fait condamné le
dans l'esprit de réforme de cette modèle de la trame en damier héritée
période, puisque comme l'indique le du xixe siècle. Ce système, jugé plus
rapport pour le réaménagement de mécanique que rationnel, était considéré
Chicago, il s'agit d'un programme comme le propre d'architectes arpen-
idéologique à la fois égalitariste et teurs mal formés. Il n'aurait satisfait que
eugénique : les besoins de spéculateurs plus soucieux
de rentabilité que de qualité. Il est vrai
L'ordre est un des meilleurs investisse- que la régularité de la trame facilitait les
ments qu'une ville puisse faire, mais comparaisons d'échelle et de superficie
l'attrait du plan de Chicago n'est pas un et transformait les mises en marché en
attrait commercial. C'est un attrait de simples calculs de prix au pied carré.
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loin. Le problème inhérent à la dicho- uns aux autres et ils étaient en majorité
tomie entre un centre-ville comme lieu classiques. Ils avaient aussi une même
de travail et une banlieue éloignée qui ligne de corniche à soixante pieds de
deviendrait, selon l'expression usuelle, hauteur et leur couleur uniforme a valu
une ville-dortoir n'a à peu près pas été à l'ensemble le surnom de «ville
soulevé. La solution fut constamment blanche». Ainsi, comme ce fut le cas
réduite à une dimension technique. Le pour l'Exposition colombienne, les plans
tramway, le train, le métro, les boule- d'urbanisme du City Beautiful favorisent
vards et les autoroutes ont tour à tour une limitation de la hauteur. Au-delà de
soulevé l'espoir de régler cette ques- l'esthétique, il fallait, disait-on, éviter de
tion. En vain, car cet héritage de la trop densifier la ville, car cela n'aurait
culture industrielle où le quotidien est comme résultat que d'amener
partagé dans différents secteurs de la « désordre, vice et maladie, et par le fait
ville demeure un problème d'actualité. même [de] devenir la plus grande
Avec le City Beautiful, les boulevards menace au bien-être de la ville elle-
diagonaux avaient une autre fin : la mise même12». De telle sorte que, si l'on en
en scène urbaine. Exploitant la notion juge par les remarquables planches de
d'espace public, les avenues et les présentation du projet de Chicago,
places devaient offrir à la collectivité un l'architecture commerciale du centre-
paysage urbain grandiose et animé que ville devait former une masse uniforme,
les institutions publiques devaient étalée et découpée en îlots, comme si
embellir. Hôtels de ville, gares, biblio- l'on avait crevassé et retranché d'une
thèques, musées, etc. devenaient ainsi matière compacte les rues et les cours
des constructions privilégiées pour intérieures. S'attachant par leurs
signifier cette répartition des richesses discours à dénoncer la monotonie du
collectives. Puisqu'il y avait des liens plan en damier qu'une architecture
étroits entre l'académisme Beaux-Arts hétéroclite compense mal, les apôtres
et cet urbanisme, ces écrins des vertus du City Beautiful inversent ce rapport : ils
civiques recevaient idéalement un souhaitent la continuité de la texture
traitement classique monumental. Par un architecturale d'un édifice à l'autre,
curieux paradoxe, la position centrale et avec des accents toniques à des points
la majesté de ces bâtiments transcri- stratégiques du plan urbain, soit les
vaient souvent, de manière presque carrefours, les places, les entrées, etc.
impériale, les prétentions démocratiques Très souvent, il s'agissait de mettre en
de l'idéologie réformiste. Le City Beau- perspective les monuments les plus
tiful, comme l'architecture Beaux-Arts, significatifs. Par opposition aux origina-
n'a pas su éviter l'écueil d'une vision lités victoriennes qui faisaient des
élitiste et autoritaire de la culture et de édifices des emblèmes publicitaires,
la société. l'individualité des bâtiments privés devait
Les autres édifices devaient eux aussi dorénavant se subordonner à un projet
se plier à cette vision d'ensemble. Il collectif plus vaste: la ville. À Chicago,
fallait qu'ils soient en harmonie les uns Burnham a voulu donner la même
avec les autres plutôt que traités isolé- hauteur à tous les immeubles commer-
ment. À l'exposition de Chicago, les ciaux du quartier central et leur imposer
principaux pavillons étaient alignés les le même type d'implantation dans le
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bâtiments. Malheureusement, ils arri- quartier des affaires, souvent à proxi-
vaient souvent après coup, c'est-à-dire mité de la Bourse. Avec des édifices à
après une tragédie. Les incendies bureaux mieux répartis, on aurait pu,
n'étaient pas les seuls en cause: la disait-on, augmenter la valeur des
solidité de l'acier soulevait aussi des terrains sur un territoire beaucoup plus
craintes. On savait que non protégé, grand. C'est que les édifices en hauteur
l'acier pouvait se tordre sous l'effet du donnaient une plus-value aux terrains
feu, de sorte qu'on l'enrobait de qu'ils occupaient, mais entraînaient la
matériaux incombustibles pour empê- moins-value des terrains voisins, parce
cher sa déformation. Mais voici que qu'ils en perturbaient les conditions de
surgissaient d'autres inquiétudes quant confort et d'hygiène23. Par le fait même,
aux risques d'oxydation, d'expansion à ils accéléraient l'abandon des édifices
la chaleur, et quant à la qualité de l'acier plus anciens et leur dégradation24. La
utilisé18. On redoutait que la faiblesse tombée en désuétude du patrimoine,
des attaches de l'enveloppe de maçon- que l'on peut encore observer de nos
nerie ou l'usure des matériaux n'entraî- jours, est systématique : elle obéit à des
nent des écroulements qui mettraient lois économiques avant d'obéir à des
en péril les «générations futures19». questions d'architecture.
Autrement dit, on craignait littéralement Même du point de vue de l'inves-
de recevoir une tuile sur la tête ! tissement, on exprimait des réserves
Les gratte-ciel étaient même consi- quant à la rentabilité des gratte-ciel. Les
dérés comme inutiles. Pour certains, ils frais d'entretien étaient trop élevés et la
étaient l'expression de la mégalomanie location des espaces n'était jamais que
des promoteurs et des architectes20, partielle25. C'était si absurde, disait-on,
alors que pour d'autres, ils traduisaient que pour améliorer l'éclairage naturel
un illogisme, compte tenu des terrains des grands immeubles, les promoteurs
disponibles dans les villes. Pire, toute devaient parfois acheter les lots voisins
cette situation de hausse de la valeur afin de les dégager et ainsi répartir le
des terrains au centre-ville aurait été fenêtrage de la nouvelle construction
artificiellement menée par la spéculation sur un plus grand nombre de façades.
foncière21. Même à New York, disait-on, Autrement, il fallait prévoir une aug-
il n'y aurait pas eu de gratte-ciel si les mentation des coûts de l'électricité afin
superficies de planchers qu'ils ajoutaient d'assurer un niveau d'éclairage satis-
à Manhattan avaient été réparties plus faisant26. Les étages inférieurs étaient
uniformément sur l'ensemble du terri- jugés particulièrement déficients et
toire22. La spéculation était souvent servaient parfois de dépôts et non de
considérée comme la racine du mal bureaux27. Aussi, très peu de gratte-ciel
des villes. La cupidité des promoteurs auraient rapporté plus de 4% de l'inves-
immobiliers était dénoncée par ceux qui tissement consenti28. Par ailleurs, ils
voulaient contrôler, freiner ou stopper la auraient été le fait de groupes financiers
construction de gratte-ciel. En emprun- qui voulaient simplement garantir un
tant une tangente économique, la cri- emprunt au lieu de répondre à un
tique se faisait plus globale. Les gratte- besoin ou à une demande d'espaces de
ciel étaient alors jugés inintéressants du location29. En 1913, après avoir mené
fait qu'ils concentraient à l'excès le une enquête informelle auprès des
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tiels se détériorent. Ce secteur devient Il fallait donc réintégrer ceux que l'on
une aire de taudis, avec une population jugeait inadaptés dans un environnement
mobile, changeante, dans laquelle l'ordre normatif, car dans l'organisme urbain,
social est brisé avant même que la créa-
les maladies sociales, surtout celles près
tion d'un nouvel ordre ne prenne place.
du cœur, devaient être prévenues,
Ce sont les badlands, le lieu des drames et
soignées sinon éradiquées. Le modèle
des spectacles burlesques. Tout près,
parfois dans le quartier des affaires, vous rejoint d'autres interprétations que l'on
avez la rue principale de l'itinérant, pourrait faire sur les rapports entre
appelée Hobomenia par Nels Andersen l'imaginaire du centre et celui de la
dans son livre sur la question. Cette aire banlieue, par exemple. Le centre est
qui se désintègre a ses propres groupes l'image même de la ville dans ce qu'elle
caractéristiques. C'est la première aire où a de singulier et de paradoxal. Il est le
s'installent les immigrants et on y trouve
lieu de la fébrilité et du mouvement,
plusieurs regroupements ethniques. On y
mais en même temps de la mixité,
trouve aussi les maisons de chambres, le
souvent jugée malsaine, des genres et
quartier latin où se rencontrent les esprits
créateurs et rebelles. Dans ce secteur en des individus. Pour vivre en santé, en
détérioration se cache le monde souter- conformité avec ses valeurs, en famille
rain du vice et du crime33. et en communauté, il faut résider dans
le paradis vert de la banlieue. En fait, le
Cet extrait montre bien les question- débat sur l'environnement urbain
nements que se posent des sociologues permettait de canaliser une angoisse qui
adeptes de l'école de Chicago sur les était probablement la sourde émergence
groupes marginaux devenus si typiques d'un sentiment d'aliénation face au
dans les grandes villes. Sans vouloir monde industriel en perpétuel change-
taxer Dawson d'intolérance (courante à ment. Quoi qu'il en soit, en traitant la
son époque), on peut s'étonner du ton marginalité, l'analyse de Dawson pose
dramatique et de son insistance à asso- implicitement la question : à quelle
cier, sans excès de nuances, les immi- population doit s'adresser le réaména-
grants qui n'avaient pas encore réussi gement du centre-ville ? C'est à ceux qui
économiquement (les autres habitant la contribuent à la productivité générale :
zone III), les sans-abri, les artistes et les travailleurs et consommateurs irrépro-
autres groupes qu'il préférait ne pas chables. De ce fait, si le gratte-ciel avait
nommer. Cette confusion des genres contribué à l'appauvrissement des
a de quoi piquer la rectitude politique populations résidant dans le quartier
actuelle. Le positivisme de Dawson central, il fallait dorénavant que l'archi-
entraîne cette simplification. Avec son tecture du gigantisme véhicule une
modèle, il voulait montrer qu'il fallait image rassurante : elle deviendra alors
partir de données « naturelles » pour un outil d'uniformisation, de conformité
connaître les axes de croissance, afin de et de ségrégation.
tracer un plan urbain acceptable. Selon En constatant les problèmes sociaux,
lui, la ville laissée à elle-même poussait mais en n'identifiant pas la spéculation
naturellement, mais elle poussait sauva- comme leur cause, le professeur
gement. À le lire, les pauvres et les Dawson soutient le milieu des affaires.
marginaux étaient la plaie des métro- Mais en général, comme c'est le cas
poles et celles-ci n'en avaient que faire. pour les détracteurs qui font du gratte-
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leur gabarit. Pour ce qui est des usages, vaient toutes être touchées par ces
après avoir quadrillé le territoire en règlements. Les exigences variaient
quartiers, secteurs, artères et même selon l'usage de l'édifice et parfois
tronçons de rue, et après avoir défini le même selon le prestige du quartier,
caractère souhaitable des uns et des notamment en matière d'incombus-
autres, le zonage abolissait ou tolérait tibilité. Ainsi, autant le zonage légiférait
certains usages dans chacun des terri- sur l'extérieur des bâtiments, autant les
toires délimités. Ainsi, on pouvait règlements de construction dictaient les
interdire les industries dans des quar- intérieurs.
tiers résidentiels ou encourager l'implan- Contrairement au City Beautiful, le
tation de commerces dans des rues bien zonage ne touchait pratiquement pas
définies. Des raisons de tranquillité aux questions esthétiques. Autrement
(poids relatif du trafic), d'esthétique, de dit, s'il pouvait prévenir les « offenses à
sécurité publique (risque d'incendie et l'odorat et à l'ouïe», il ne pouvait
d'explosion de certaines industries), presque rien pour la vue40. Au mieux,
d'efficacité, de qualité de l'air, etc. il évitait des éléments potentiellement
étaient invoquées pour légitimer les criards. Par exemple, il pouvait empê-
décisions. cher la présence de panneaux publici-
Pour sa part, le contrôle du gabarit taires dans des secteurs résidentiels.
s'exerçait de deux façons: le niveau Pour les constructions de même type,
d'occupation du sol et la hauteur rela- il pouvait aussi inciter une certaine
tive des édifices. Le premier impliquait homogénéisation, puisque les gabarits
non seulement une restriction du pour- maximaux permis risquaient d'être
centage d'occupation du lot comme adoptés par les promoteurs immobiliers.
mesure de contrôle, mais également Du moins l'espérait-on.
une marge de recul de la façade par En n'étant pas un plan d'ensemble, le
rapport à la rue et au trottoir. Au zonage prêtait le flanc à la critique. À la
centre-ville, ce recul était souvent nul. limite, il ne consistait qu'à faire de la ville
Les limites de superficie visaient à éviter un patchwork, c'est-à-dire une juxtapo-
la densification trop intense du secteur sition de quartiers plutôt qu'un tout
et à assurer de meilleures conditions intégré. Sans vue d'ensemble, on ris-
d'ensoleillement et de ventilation quait d'éloigner les industries des quar-
naturelle. Dans les quartiers résidentiels, tiers ouvriers et d'imposer aux travail-
le zonage aidait à orienter le caractère leurs des déplacements coûteux et
et à définir le type des immeubles. Il épuisants41. Le zonage pouvait diviser la
balisait aussi le poids démographique ville au lieu de l'harmoniser. Aussi, pour
maximal des différents secteurs de la être vraiment efficace, était-il convenu
ville. qu'il devait être le complément d'un
Parce que le zonage se préoccupait plan urbanistique global42. Ce n'était pas
des conditions d'hygiène et de sécurité, toujours le cas et le collage n'a pas
il était complété par une réglementation toujours été évité.
normative de l'art de bâtir. Les ques- L'impact du zonage était souvent très
tions d'accès, d'issues de secours, d'es- relatif. À bien des égards, il ne faisait
pace minimal des pièces, de ventilation qu'officialiser des situations de fait. Au
et de matériaux de construction pou- xixe siècle, à Montréal comme ailleurs,
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Houston au Texas limitait la hauteur à métropole canadienne d'alors, n'a pas
100 pieds45. À Boston, la ville se divisait échappé au phénomène et elle a
en deux. Dans le quartier des affaires, emboîté le pas à ce mouvement de
on pouvait construire jusqu'à 125 pieds limitation de la hauteur des gratte-ciel.
de hauteur et dans les quartiers rési- Dans un premier temps, elle acceptait
dentiels, jusqu'à 8o46. À Baltimore, on que l'on élève les bâtiments jusqu'à une
permettait 175 pieds, tandis qu'à marque de 130 pieds.
Chicago on diminuait de 260 à 200 pieds En conclusion, à l'échelle nord-
le maximum permis47. Dans plusieurs américaine, une normalisation de la
villes canadiennes, il ne fallait pas réglementation a eu un impact direct sur
dépasser huit étages, soit entre 90 et l'architecture commerciale. Des craintes
100 pieds48. À Winnipeg, on procédait qu'inspirait le gratte-ciel est né l'édifice
suivant une règle répandue voulant bloc qui va devenir un des emblèmes de
qu'on lie la hauteur d'un édifice à la la période. C'est surtout ce type d'im-
largeur de la rue: on tolérait une hau- meuble que Ross et MacFarlane puis
teur équivalant à une fois et trois quarts Ross et Macdonald vont réaliser.
la largeur de la rue, jusqu'à un maximum Comme on le voit, l'histoire des pre-
de douze étages49. À Toronto, la ville a miers grands immeubles au Canada est
eu beau légiférer à 130 pieds de hauteur, bien différente de celle des gratte-ciel
des dérogations ont donné l'aval à des américains. Elle ne se fait pas dans un
gratte-ciel de 250 et de 300 pieds, dont esprit de découverte, ni de fierté,
celui de la Banque Royale par Ross et encore moins d'arrogance, mais dans la
50
Macdonald . Les dénonciations publi- prudence et les remises en question.
ques n'ont pu empêcher leur construc- L'esprit académique tempère la
tion. Curieusement, à Edmonton, si tous recherche architecturale. Confrontés à
les groupes ayant des intérêts divergents cette réalité, Ross et MacFarlane ont dû
sur la question de zonage s'entendaient apprendre à accorder cette esthétique
pour limiter la hauteur maximale des classique au gigantisme nouveau, ce qui
bâtiments, c'est plutôt l'obligation de ne s'est pas fait sans quelque
construire au moins un étage qui aurait tâtonnement.
reçu de l'opposition5'. Montréal, la