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ARCHIVUM

FRANCISCANUM HISTORICUM

P E R IO D IC A P U B L I C A T I O T R I M E S T R I S

CURA

PP. COLLEGII D. BONAVENTURAE

JL IS T IT T T S X 3 T I I . = T O ^ Æ T T S X 3 T I I .

Typographia, Directio et Administratio

AD C L A R A S A Q U A S prope F L O R E N T IA M

(Q UARACCHI presso F IRENZE )

1924.

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pp. 183-218, pp. 183-337, pp. 457-488
MICHEL DE DMITREWSKI
FR. BERNARD DÉLICIEUX. 183

FR. BERNARD DÉLICIEUX, 0. F. M.


SA LUTTE CONTEE L'INQUISITION DE 0AB0A8S0NNE ET D’ALBI,
SON PROCÈS, 1297-1319 (a)

Avant-propos. Sources et Bibliographie.


Le Franciscain Bernard Délicieux fut une des individualités re­
marquables parues au X IV e siècle, période de transition du moyen
âge à la renaissance. Il fut théologien, diplomate, canoniste, nécro-
ta; SUMMARUM. — De ingenio Fr. Bernardi Deliciosi, in genere agitur; de
actis processus ipsius, atque bibliographia texitur. — § 1. Plures inquisitorum
excessus Carcassonae et Albiae cives concitaverunt. Fr. Bernardus Deliciosi,
qui habitum O. F. M. in provincia Provinciae an. 1284 induerat, an. 1296
lector Carcassonae una cum guardiano et aliis Fratribus Min., tunc inquisi­
toribus, aliquot cives in conventum confugientes in ius vocantibus restitit. —
§2. An. 1297 Fr. Nicolaus de Abbatisvilla, O. Pr., inquisitor, corpus Castelli
Fabri, qui an. 1278, sex Fratribus O. Min. sibi assistentibus, obierat et in
horum coemeterio tumulatus fuerat, exhumare voluit, quia in extremis labo­
rans • haereticatus » fuisset. Res ad curiam Romanam, noinine civium, de­
tulit Fr. Bernardus D., quem ibi promovebat Fr. Amantius de Motha. pro­
curator generalis Ordinis Min. Causa tamen non processit, civibus summas
promissas non solventibus. Inquisitore, mense iunio 1300, defensores Castelli
in iudicium evocante, Fr. Bernardus, iussu ministri sui provincialis causae
patrocinium sibi assumpsit, cumque 4 iulii 1800 coram inquisitore comparuit,
hic rem in aliam distulit diem; sed 10 iulii Fr. Bernardus secundo compa­
rons et ianuas domus inquisitoris clausas reperiens, eis appellationem contra
eiusmodi agendi rationem affixit. Causa Castelli nonnisi an. 1818-19 decisa
est. — § 8. Magnus processus ab episcopo Albiensi et Fr. Nicolao, O. Pr., prae­
fato, Fr. Fulcone de Sancto Georgio, O. Pr., etc., contra 86 accusatos Albiae
instructus an. 1296-1300 iram populi excitavit, cum plures excessus inquisito­
rum propalarentur. Tales accusationes Fr. Bernardus D. recolligebat easque
cum aliquibus civibus ad regios Magistratus Tolosam detulit. Qui statuerunt
causam ad regem esse deferendam; legationemque, cum civibus, in se suscepit
Fr. Bernardus. Coram rege an. 1301 Parisiis iste excessus inquisitorum detexit,
petens u t inquisitores officio suo destituerentur. Philippus Pulcher, rex Fran-
ciae. episcopum Albiensem poena pecuniaria mulctavit et Fr. Fulconem officio
privari iussit; « immurati • vero liberati non fuerunt. An. 1802 Fr. Bernardus
D. denuo Parisios perrexit cum civium Albiensiuin ablegatis, causam illam
gravem peroraturus; sed exitum optatum non obtinuit a rege, qui tamen
promisit se Albiam fore venturum, causam decisurum. Quem nuntium populo
in concionem Vocato Fr. Bernardus Albiam redux attulit. — § 4. Consules
civium Carcassonensium 8 oct. 1299 cum inquisitore Fr. Nicolao de Abbatis­
villa, O. Pr., pacis pactum inierant, gravibus sub conditionibus, cum ageretur
de « Fautori a haereticorum», quae conditiones ideo civibus occultabantur.
Cum, mense iulio exeunte. « reformator regius • textum instrumenti pacis
noscere vellet, fraudes in illud insertas Fr. Bernardus D., qui populum con­
tra inquisitores commovebat, statim deprehendit et denuntiavit, praesertim
in sermone in ecclesia O. F. M. 4 augusti 1303 habito. Fr. Gaufridus de Ablis
(de Ablusiis), O. Pr., inquisitor, successor Fr. Nicolai, 10 augusti modo suo
pacis clausulas explicans, seditionem civium eo magis exacuit. Cives concitati
plures domos consulum priorum et inquisitoribus faventium destruxerunt,
militiamque popularem conscripserunt. [NOTA DIRECTIONIS].

• zed b y L iO O Q lC
184 DISCUSSIONES.

mancien, mystique, orateur populaire remuant et fougueux, défenseur


de la théorie de la souveraineté du peuple et enfin un des porte-voix
des Franciscains Spirituels. Dans tous ces domaines il atteignit une
certaine perfection. En même temps, il restait fidèle à toutes les con­
ceptions fondamentales du moyen âge, ce qui fut d’ailleurs propre à
maints hommes de la renaissance (’). Tout compte fait, Bernard est
un des représentants remarquables de la vie mouvementée française
du XIV e siècle (■).
Notre Frère Mineur est surtout connu pour sa défense des Spi­
rituels (*) devant Jean X X II et pour son procès politique et criminel,
intenté en conséquence, et formant une des causes célèbres du siècle
susdit, troublé par tant d’enquêtes monstrueuses où l’on trouvait mêlés
à des griefs plus communs l’hérésie, la magie et d’autres « crimes
énormes > (4). Le procès de Bernard confirme et augmente l’impres­
sion, si forte, que donnent les deux grandes affaires tragi-comiques
de Boniface V III et des Templiers (ft). Quoique couvrant, lui aussi,
une action politique, le procès de notre Franciscain fut pourtant dé­
pourvu de ce qui pouvait en faire une de ces causes retentissantes. Ce
ne fut pas un grand dignitaire ecclésiastique qu’on vit monter sur le
banc des prévenus, mais un simple Frère Mineur. Le tribunal ne se
réunit pas, non plus, à Paris, centre de la vie intellectuelle du roy­
aume et avide d’affaires sensationnelles, mais à Carcassonne se trou­
vant alors sous le régime de terreur exercé par les inquisiteurs. La
nature et le nombre des crimes lui imputés ne pouvaient pas, non
plus, impressionner profondément l’imagination populaire, comme dans
les affaires de Guichard de Troyes ou d’Enguerrand de Marigny, car
il s’agissait essentiellement de l’aide prêtée à de prétendus héréti­
ques et à leurs fauteurs et de l’opposition à l’exercice de l’inquisi­
tion. Des accusations semblables étaient alors rien moins que rares.

(*) Cf A. v. M artin, Mittelalterliche Welt- und Lebensanschauung, München


1913. 19ss.
(-) Il est hors de doute que les ju g em en ts tendancieux qui voient en lui
ou un m a rty r méconnu ( A n g e de C la r e n o , Hist. V II trib.: ALKG, II, 145ss.
et E. J o l i b o i s dans la Revue hist. du département du Tarn, t. I, 1875-1877,
p. 263, col. 2) ou un d é tra c te u r dangereux du trav ail paisible de l’Eglise et
de l'E ta t (B e rn . G u i, O. P r., U ist. couvent.: Recueil, X X I, 743 K , 744 C,
749 E, et Franc. B a l m e, Une page de M. Hauréau, dan s: La Controverse, t. II,
1881. p. 786-50) sont foncièrem ent erronés.
(s ) Nous avons exposé l’évolution des idées sui’ la pauvreté, pour lesquelles
lu tta ie n t les S pirituels: Die christliche freiicillige Arm ut vom Ursprung der
Kirche bis zum 12. Jahrhundert, Berlin und Leipzig 1913. Le d ern ier p arag ra­
phe: Ausblick, p. 89-97, tra ite des Franciscains. Voir A FH VI, 799.
(4) A. R i g a u l t , Le procès de Guichard, évêque de Troyes, P aris 1896. p. n.
C; E. L a v is s e . Histoire de France, t. III, 2, P aris 1901, p. 201.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 185

En ce qui concerne le grief d’empoisonnement, par des artifices ma­


giques, du pape Benoît X I, les méridionaux ne pouvaient pas se lais­
ser duper par les hommes qui lancèrent cette accusation, car vers
cette époque, on ne souffrait pas, en Languedoc, de l’affolement ma­
gique, dominant ailleurs.
Le procès nous permet de mieux comprendre les conditions cul­
turelles et politiques contemporaines et nous fournit des renseigne­
ments contribuant à caractériser Philippe le Bel, Jacques I de Ma­
jorque, Clément V, Boniface V III et autres personnages souvent
nommés dans les annales de cette période. Mais il abonde surtout en
indications remarquables sur la procédure inquisitoriale et sur la lutte
de la population du Languedoc contre l’inquisition.
Ayant essayé de reconstituer la lutte antiinquisitoriale de Ber­
nard sur la base des actes de son procès, nous avisons le lecteur que
tous les témoignages pourvus simplement du numéro de la feuille,
ont été tirés des p iè c e s du p r o c è s de B e r n a r d , inscrit dans
le fonds latin N° 4270 de la B i b l i o t h è q u e N a tio n a le d e P a ­
ris. Les d e u x s é r i e s d ’a c c u s a t i o n s sont insérées à la f in et
examinées dans la s e c o n d e p a r t i e du présent travail. En ce qui
concerne les témoins, trop de noms nous sont inconnus, trop d’autres
sont à peine connus, trop peu (l ) nous restent des figures animées (2).
L e s S o u rc e s . — Il y a bien peu d’é c r i t s d e B e r n a r d ,
dont le texte nous soit parvenu intégralement, quoique les sources
parlent de nombreuses l e t t r e s , p l a i n t e s et p é t i t i o n s compo­
sées par lui. Toutes sont perdues, excepté un a p p e l contre la pro­
cédure de l’inquisiteUr Nicolas d’Abbeville (Copie dans la C o lle c tio n
Doat, de la Bibliothèque Nationale de Paris, t. 34, f. 123 ss.) et une
p é titio n écrite au nom des habitants d’Albi à l’épouse de Philippe
le Bel, où est implorée la protection royale pour Jean de Picquigny
et pour le peuple persécutés par les inquisiteurs (Coll. Doat, t. 103,
f. 83ss.). — Les a c t e s d u p r o c è s de Bernard et spécialement
les 60 articles proposés contre lui, les interrogatoires et le résumé
(*) V. Bigault, 1 o. p. x.
(*) Le présent travail fut écrit pendant la guerre, en captivité civile al­
lemande. Ce fut la cause principale de l’impossibilité où nous nous trouvions
d'élaborer le sujet avec l’ampleur et la profondeur voulues. Tout de même,
nous croyons que ce travail pourra combler quantité de lacunes, corriger de
nombreuses inexactitudes qu’on retrouve dans les travaux traitan t (on tou­
chant seulement) le même sujet. — Que notre m aître Mr. le Prof. H. Finke
reçoive ici le témoignage de notre respectueuse reconnaissance, ainsi que
M. l’abbé E. Sigrist, qui a mis tout son soin à revoir notre français. Nous
remercions également les PP. Michel Bihl, O. F. M. et Anselme Manser, O. S. B.,
dont les précieux avis nous ont aidé à améliorer le présent travail et à le tenir
à jour.
Archivum Franciscanum Historicum. — A N . XVII. 13

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186 DISCUSSIONES.

notarié détaillé de ses défenses par écrit et de ses confessions nous


communiquent souvent ses expressions mot à mot. — La source la
plus importante sont en effet les a c t e s d e so n p ro c è s, dont le
texte ne nous est parvenu que dans la c o p ie que fit faire E t i e n n e
B a lu z e , (fonds latin N° 4270 de la Bibl. Nat. de Paris).
Cette copie est décrite par Ch. M o lin ie r, L'inquisition dans le
Midi de la France au 13e et au 14e siècle, Paris 1880, p. 29-80. Cf. C.
Douais, Documents pous servir à l'histoire de Vinquisition dans le L a n ­
guedoc, t. I, Paris 1900, p. 42 note 1. Elle se divise, dans sa teneur,
en t r o i s p a r t i e s : 1°. Fol. B-64r contient, après une courte in tro ­
duction et une description de l’o u v e r t u r e du p ro c è s, la bulle de
Jean XXII Etsi cunctorum du 16 juillet 1319. Elle est suivie de d e u x
s é r ie d ’a r t i c l e s dirigés c o n tr e le p ré v e n u . La première série
compte 44, la deuxième 60 articles. Le résumé d’un se rm o n incri­
miné, sur Luc. XIX, 41-47, est ajouté à la fin de ce groupe. Plus loin,
nous trouvons les d é p o s itio n s de B e r n a r d et celles de t r o i s t é ­
m o in s faites devant les instructeurs du procès. — 2°. Fol. 64v-192v
contient l’i n t e r r o g a t o i r e et la d é f e n s e de B e r n a r d devant les
juges, la liste des té m o in s , la déposition d’A r n a u ld G a rs ia , ancien
partisan de Bernard, la s e n t e n c e du jugement du 8 décembre 1319,
l’a p p e l de Raymond Lecourt et de Raymond Foucauld qui trouvaient
la sentence trop douce, et enfin la bulle Cum nimis du 25 février 1320.
— 3°. Fol. 193r-307v renferme les té m o ig n a g e s à c h a rg e pendant
le procès. Toute cette copie est défectueuse en maints passages, ce qui
nous explique, pourquoi elle attend encore toujours son éditeur.
Le récit de B e r n a r d G ui, O. Pr., dans sa Historia fundationum
concentuum O. P. sur notre Franciscain et sur les troubles antiinqui­
sitoriaux à Carcassone et à Albi nous donne de précieux renseigne­
ments : M a r tè n e e t D u ra n d , Veter, scriptor. ampliss. collectio, VI,
I, col. 479, 514. Cf. Recueil des historiens des Gaules et de la France,
(cité: Recueil} XXI, p. 743, 744, 748, 749. L’auteur se montre très par­
tial. Tout de même, les faits sont racontés assez exactement. — Quelle
différence avec A nge de C la re n o , quand celui ci, favorable à Ber­
nard, parle dans son Historia septem tribulationum de l’audience papale
des Franciscains Spirituels de Narbonne et de Béziers, ainsi que du
triste sort de Bernard; ed. Fr. Eh rie , dans Arehiv f. Lit. u. Kirchen-
gesrh. (cité: ALKG), II, Berlin 1886, 144ss.; et I. von D ô llin g e r , Bei-
trage zur Sektengeschichte des Mittelalters, II, München, 1890, 520 ss. Sé­
journant alors continuellement auprès de la curie romaine, Clareno pou­
vait être très bien informé des événements qui s’y produisaient. Mais
en ce qui concerne le p ro c è s proprement dit, ainsi que la fin de Ber­
nard, les récits exacts lui manquaient. — L’esquisse d’une collection
des actes pour servir à l’histoire des Spirituels composée par R ay ­
m ond de F r on sac, O. F. M., est un complément précieux de l’exposé
d’Ange de Clareno: Fr. E h rle , Zur Vorgeschichte des Concils von
Vienne: ALKG, III, 29ss. Ecrivant le passage qui intéresse notre
sujet pendant la seconde moitié de 1318, et puisant à une source sûre,

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 187

Raymond est, en somme, plus digne de foi que Clareno. Il faut seule­
ment se remémorer le rôle que, selon Angelo, jouaient les Dominicains
au sujet de la reprise des vieilles accusations dirigées contre Bernard.
Les Dominicains, pleins de rancune, ne pouvaient pas être, cette fois, au
second plan, comme le veut Clareno. Leur esprit se fit alors partout sentir.
Dans ce sens, le m é m o ria l connu contre la Clémentine Multo­
rum, adressé par les inquisiteurs de Toulouse et de Carcassonne à
Jean XXII (Coll. Doat. t. 30, f. 91 ss.), nous paraît très significatif. J e a n
de S a in t-V ic to r, appelé aussi de P a r i s , aux renseignements sûrs,
parle dans son Memoriale historiarum aussi de l’entrevue de Jean XXII
avec Bernard à Avignon. Au sujet du procès, il est plus averti que Cla­
reno. Néanmoins, il ne mentionne pas l’accusation importante: l’empoi­
sonnement du pape Benoît XI: Recueil cité, XXI, 664.
Trois p a p e s mentionnent notre Franciscain dans leurs b u lle s :
Benoît XI, Clément V et Jean XXII. Tout différents qu’ils fussent de
caractères, ils prirent, naturellement, parti contre lui. Par la bulle
Ea nobis du 16 avril 1304, Benoît enjoint au provincial franciscain
d’Aquitaine de faire envoyer Bernard, accusé comme fauteur des hé­
rétiques, sub fida custodia auprès de la curie: E u bel, BuUar. Franc.
(=BF)V, n. 34, p. 19s.; H a u r é a u , B. Délicieux, Paris 1887, p. 190-1
[v. plus bas, p. 188s.]; J. M. V id a l, BuUaire de l’inquisition française
au 14e siècle et jusqu’à la fin du grand Schisme, Paris 1913, p. 3ss.,
num. 2. (Voir sur cet ouvrage: AFH VII, 352-5). — Un ordre semblable
est envoyé par Clément V : Multa cordis le 20 août 1305 au custode de la
custodie parisienne. La bulle a été publiée par le P. G r a ti en, O. Cap.
Deux bulles inédites de Clément V, dans Etud. Francise, t. 27, Paris-
Couvin 1912, p. 421 ss. (Voir AFH V, 811; BF V, 24, note 2; ibid. 44,
note 7). Par sa bulle: Etsi cunctorum du 16 juillet 1319 le pape Jean XXII
nomme trois juges pour statuer sur le sort de Bernard (Paris, lat. 4270,
f. 4r-6r; BF V, 171s., n. 372; Vidal, 48-50, n. 22), tandis que sa bulle
Cum nimis du 25 février 1320 aggrava la peine et réserva au pouvoir
papal le droit exclusif de la commuer. (MS. cité, f. 192r-192v; BF V,
180-1, n. 388; Vidal, 57, n. 27). Ainsi, les s o u r c e s en question ne sont
pas nombreuses; mais les seuls a c te s du p ro c è s nous présentent
souvent une telle masse de faits, qu’on ne remarque guère le manque
des autres sources.
B ib lio g ra p h ie . — Quand le nom de notre Franciscain apparaît-il
dans la l i t t é r a t u r e ? Il faut nommer d’abord W a d d in g , Annales
Minorum (I e édit., t. III, Lugduni 1636), qui décrit l’audience papale des
Spirituels à Avignon, ainsi que l’ouverture de l’enquête: ad an. 1318,
num. 24-27; t. VI, Romae 1733, II e édit., p. 320-1 (x). — Et. B a lu z e ,
publia les deux bulles de Jean XXII contre Bernard: II, 341-4: 16 juillet
1319 [= IV2, 279-81], II, 365: 25 févr. 1320 [IV2, 297 s.], la sentence du

(’) W adding qui s’y servit d’Ange de Clareno, Chron. V II trib., — il en


avait le texte dans le MS. 67 de sa bibliothèque de St. Isidore (Rome) —
appelle malencontreusement Fr. Bernard delli Consi, estropiant ainsi le nom
Deliciori.

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188 DISCUSSIONES.

8 déc. 1819: II, 844-58 [— IV2, 281-92], l’appellation du 9 et 10 déc. 1319:


II, 358-65 [= IV2, 292-7], et laissa, en maints endroits, la parole aux
actes du procès pour éclairer quelques questions politico-ecclésiasti­
ques: Vitae Paparum Avenionensium, t. I, Paris 1693, col. 623s., 636-8,
648s.; 672, 691-3, 753(1). — Le récit de Dom Jos. V a is s è te , Histoire
générale de Languedoc, Paris 1730-45, 5 vols.; III e édition, Toulouse
1872-92, 15 vols.; t. IX, 260, 277s., 389-98, représente un progrès im ­
portant. Les tumultes populaires à Carcassonne et à Albi, au commen­
cement du 14e siècle, sont liés ici habilement au procès de Bernard. De
plus, l’auteur ne se contente pas d’utiliser les sources immédiates; il
fait valoir une série d’actes inquisitoriaux. Ainsi, on peut voir dans le
récit de Vaissète la première tentative heureuse de traiter l’affaire de
Bernard tout À fait scientifiquement.
L’époque de la Grande Révolution ne nous apporta rien. C’est seu­
lement la Restauration qui nous donne quelques travaux d’ailleurs long­
temps dévancés. Quoique C h a rle s S c h m id t, Histoire et doctrine de la
secte des Cathares ou Albigeois, I, Paris 1849, 342 ss.) ne parle que peu
de Bernard (346, 351, 352), il décrit avec profondeur son époque. Il ex­
ploite, en excellent connaisseur, l’immense Collection Doat et relève la
présence du catharisme là où, selon la persuasion de notre Franciscain,
il n’y avait pas une trace de l’hérésie. — Le tome XXI du Recueil des
historiens des Gaules et France, Paris 1855, qui contient 1’ « Historia •
de B e r n a r d G ui, et le Ve tome du Cartidaire... de Carcassonne par
M a h u l (Carcassonne-Paris 1857-82 ; 6 vols.) publiant maints actes de
l’inquisition, étant parus en 1867, les sources sur Bernard et son
temps devinrent plus accessibles. Il ne restait plus qu’à explorer avec
soin le MS. de la Bibl. Nat. de Paris fo n d s l a t i n N° 4270 pour pou­
voir écrire un grand ouvrage donnant, en quelque sorte, une synthèse
de tous les travaux précédents et éclairer les faits en se servant des
moyens qu’offre la science historique moderne.
Ce fut B a r th é le m y H a u r é a u qui entreprit cette tâche. Son
Bernard Délicieux et l’inquisition albigeoise, 1300-1320 parut en 1868
dans la Revue des deux Mondes (t. 75, p. 815-62). Offrant maints avan­
tages particuliers de la plume de l’érudit Hauréau, ce travail a aussi
ses défauts. En n’examinant pas toutes les sources avec le même sens
objectif et en omettant souvent de confirmer son récit par l’indication
exacte des sources, Fauteur tend trop à justifier Bernard, tout en don­
nant à l’ouvrage un ton quelque peu romanesque qui obscurcit la vé­
rité. Voulant rendre sa description plus intéressante, Hauréau n’hésite
pas à y introduire des éléments puisés dans sa fantaisie. Il est vrai que
Hauréau aurait bien pu dépeindre les faits d’une manière plus réaliste
et objective; mais avouons que la vie de Bernard a été, au fond, un grand
roman dramatique. Il arrive si souvent que la réalité, pleine de faits
saisissants, surpasse toutes les histoires inventées. — L’ouvrage de
(’) Ces parties n ’ont pas encore paru dans la nouvelle édition des Vitae
P aparum Avenionensium par G. M o lla t, Paris 1917, t. I: t. III: 1921 ; t. IV: 1922.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 189

Hauréau devint plus accessible après que l’auteur l’édita séparément (’),
en ajoutant huit pièces justificatives (p. 167-218) et en rédigeant À nou­
veau le texte (p. 1-165). Il omit, pourtant, d’utiliser l’intéressant MS.
du fonds latin N° 11847 de la Bibliothèque Nationale.
C h a r le s M o lin ié r , L ’inquisition dans le M idi de la France au
13e et au 14e siècle. Etude sur les sources de son histoire, Paris 1880,
p. 79, analyse ce m anuscrit et m ontre son importance pour l’explica­
tion des troubles antiinquisito riaux (voir ibid. p. 30, 89, 100, 228). —
H. Ch. L e a, A history o f the Inquisition o f the middle âges, New-York
1888, I, 349, 380, 427, 439, 445, 450; II, 70-84, 86-8, 90, 92, 100-1, 104,
570; III, p. 11, 55, note, 70s., 452 (2), n ’avait pas l’intention de laisser
la parole aux sources nouvellement connues pour approfondir les études
sur Bernard; cependant il utilisa, avec beaucoup d’habilité, la source
déjà longtemps connue: les actes du procès.
En term inant cet aperçu, nous citerons une série d’ouvrages qui
font m e n t i o n de notre Franciscain et dont nous avons pris connais­
sance: N. A l e x a n d e r , Historia eccles. (I re édit. Paris 1676 ss.), diss. 9.
art. 6, num. 2 et 3. — J. F. A n d r é , Hist. polit, de la monarchie pontificale,
Paris 1845, p. 131 ss. — B e s s e , Histoire des ducs de Narbonne, Paris
IBhO, p. 407ss. — B o u g e s , Hist. de Carcassonne, Paris 1741, p. 213ss.,
220s., 224s., 620ss. — E. B o u t a r i c , La France sous Philippe le Bel,
Paris 1861, p. 81 ss. — F r é d e g . C a lla e y , O. Cap., L ’idéalisme fra n ­
ciscain spirituel au 14e siècle. Etude sur Ubertin de Casale, L ouvain-Paris
1911, p. 214; voir AFH IV, 594-9. — J. B. C h r i s t o p h e , Histoire d"
la papauté pendant le X IV e siècle, Paris 1853, t. I, p. 253. — S. A. C o t­
iar evsk y, L ’ordre de s. François et la curie romaine au 13e et au 14e
siècle, Saint-Pétersbourg 1901, p. 223, 228, 323, 325 (en russe). — P. D iep-
gen, Arnold van ViUanova, Berlin 1909, p. 37.
C. D o u a is , Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans
le Languedoc, t. I, Paris 1900, p. 30, 37 et not. 6, 38, 41 et not. 2, 42
et not. 1, 108 et not. 1, 202, 230, 246, 294 et not. 2; t. II, p. 307 not. 1.
— C. D o u a is , Les sources de l’histoire de ! inquisition dans le M idi de
la France, Paris 1880, p. 66ss. — Fr. E h rie , Die Spiritualen, dans
ALKG IV, 28; II, 145. — C. Eu b el, Bullar. Francise. N, .Romae 1898,
p. 20 n. 1, 24 not. 2, 44 not. 7, 120 not., 165 not. 3, 171 not. 3, 172 not. 2,
180 not. 5. — C. E u b e l, Vom Zaubereiunwesen anfangs des 14. Jahr-
hunderts, dans le Hist. Jahrbuch, t. 18, 1897, 628, 629 et not. 1. —
H. F in k e , Aus den Tagen Bonifaz’ V III, Münster i. W. 1902, p. 145
not. — H. F i n k e Z u r Charakteristik Philipps des Schonen, dans les
Mitteil. d. Inst. f. oesterr. Gesch. t. 26, Innsbruck 1905, p. 209. — F l e u r y ,
Hist, eedésiast., t. 19, Paris 1726, p. 310ss. — P. F u n k e , Papst Bene-
dikt XI, M ünster i. W. 1891, p. 133 ss. — Gallia Christiana, t. II, Paris
(’) Sous le même titre, Paris, Hachette, 1877, in-12°, 219 pp.
O L’ouvrage a été réimprimé, sans améliorations: New York and Lon­
don UK», traduction française par Sal. B e in a c h , Paris 1900-2. Seule le tra ­
ducteur allemand a mis à jour l’ouvrage et ajouta en marge les pages de
l**dition originale: Jo s. H a n s e n , Geschichte der Inquisition im Mitfelalter,
Bonn 1905, 1909, 1913 ; 3 vols.

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190 DISCUSSIONES.

1720, col. 422, 428; VI, (1739), col. 274 E, 275 A, 895 B. 956 B, 990 D E ;
t. X III (1874), col. 38 CD, 160 E, 161 A, 267 A, 302 B. — A. Ch. G e r ­
m a in , H istoire de M ontpellier, t. III, M ontpellier 1853, p. 222. — C.
G i e s e l e r , Lehrbuch der Kirchengeschichte, t. II, 2, Bonn 1849, p. 295
not. 16. — F r. G l a s e r , Die franziskanische Bewegung, S tu ttg a rt 1903,
p. 146ss. — J . H a n s e n , Zauberu'ahn, Inquisition u n d H exenprozesse
im M ittelalter, M ünchen 1900, p. 244 e t not. 1, 253, 254 e t n. 1.
B. H a u r e a u , A m a u ld de Villeneuve, dans H ist. litt. de la F ra n ce,
t. 28, p. 40. — B. H a u r e a u , Geoffroy d ’Ablis, 1. c. t. 30, p. 417. — B .
H a u r é a u , R aim ond Lulle, 1. c. t. 29, p. 22, 23. — B. H a u r é a u , R i ­
chard Leneveu, 1. c. t. 26, p. 548 ss. — C. H e n n e r, Beitrüge zur O rga­
nisation un d Competenz der Ketzergerichte, Leipzig 1890, p. 249 not., 301
not. 2. — J . Chr. H u c k , übertin von Casale, F re ib u rg i. Br. 1903, p. 21,
81. Voir A F H IV, 594-5. — Ch. V. L a n g l o i s , L ’affaire d u ca rd in a l
F , Caetani, dans la Revue historique, t. 63 (1897), p. 70. — Ch. V. L a n ­
g l o i s , L ’inquisition d ’après des tra va u x récents, P aris 1902, p. 27. —
E. L a v i s s e , H ist. de France, t. III, 2, P a ris 1901, p. 201 ss. — J . L e -
l o n g , Bibliothèqxie hist. de la France, t. III, P aris 1771, num . 33623,
p. 279. — P h i l . a L i m b o r c h , Historia inquisitionis cu i su b iu n g itu r
Liber sententiarum inquisitionis Tholosanae, A m stelodam i 1692, p ars 2,
p. 268ss., pars 1, p. 205, 206, 879, 380. — T. M. L i n d s a y , B ern a rd
Delitiosi and the Inquisition dans Good Words, X X , 1879, 732. [N ous
n ’avons pas vu cette courte notice]. — G. L i z e r a n d , Clément V e t P h i ­
lippe le Bel, P aris 1910, p. 41 I s s . — Dom. M a n s i, dans O. R a y n a l -
d u s , Annal, eccles. ad a. 1304 (t. IV, Lucca 1749, p. 888 not.), ad a. 1318
(t. IV, ibid. 1750, p. 106 not.).
Aug. M o l i n i e r dans V a is s è te , H ist. générale de Languedoc,
t. IX 3, p. 86, 228, 260, 277 s., 891s., 394. — O t h o n d e P a v ie , O. F. M.,
V Aquitaine Séraphique, t. I, A uch 1900, 117-8, 181-2. Voir su r cet o u ­
vrage A F H I, 634-40. — R e n é d e N a n t e s , O. Cap., Histoire des S p i­
rituels dans l’ordre de s. François, C o u v in -P aris 1909, p. 403 ss. — J . J .
P e r c i n , M onum enta conventus Tolosani O rdinis F ratr. Praedic., T o­
losae 1693, pars 8, cap. 9, num . 2, p. 108. — Q u é t i f e t E c h a r d , S c r ip ­
tores Ord. Praed., t. I, P aris 1719, p. 532ss. — A n t. S a r r a u t e , Le
logis de Vinquisition ; m aison historique p a r A. S., proprietaire de l’im ­
meuble, Toulouse [1914], 42 s. — W . G. S o l d a n , Geschichte der H exen-
prozesse, S tu ttg a rt 1843, p. 181 not. 13, 187. — H . S t r ô b e l e , Nicolaus von
Prato, F re ib u rg i. Br. 1914, p. 87. — L. T a n o n , H istoire des trib u n a u x
de l’inquisition, P aris 1893, p. 69, 70, 71, 77, 78, 159, 327 not. 8, 876, 399,
401, 440, 485. — F. T o c c o , L a quistione délia povertà nel secolo X IV ,
Napoli 1910, p. 22, 23, 39, 46, 48. — J.-M . V i d a l , Bullaire de l’inquisition
française au 14e siècle, P aris 1913, p. L H e t n. 4, L U I, L X X X II, 3-4
(num. 2 et not. 2), 46 (nr. 21 not. 1), 48-50 (nr. 22 e t not. 4), 57 (n r. 27),
103 (nr. 62 not. 1). Voir A FH VII, 352-5. — J.-M . V i d a l , Un inquisiteur
jugé p a r ses « victim es». Jean G aland et les Carcassonais, P aris lf*03,
p. 6 n. 1, 19 n. I, 22 n. L, 23 n. M., 37. — K. W e n c k , P h ilip p der Srhone,
M arburg 1905, p. 46 ss.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. - 191

PREMIÈRE PARTIE

La lutte de Fr. Bernard Délicieux contre l’Inquisition


de Carcassonne et d’Albl.

§ 1. - La population mécontente de V inquisition, Les débuts


de Fr. Bernard Délicieux.

Provoqué par le mécontentement profond, dû à des inquisiteurs


agissant trop en autocrates, le mouvement populaire dans le Languedoc
chercha longtemps son « héros»; il le trouva enfin en Fr. B e r n a r d
D é lic ie u x .
Ce mécontentement étant, au fond, aussi ancien que l’inquisition
elle-même, un réveil dans la résistance eut lieu vers les années
quatre-vingt du X II I e siècle. Déjà en 1280, A lb i, C a r c a s s o n n e
et autres villes se plaignirent à Philippe le Hardi (1). En 1285, on fit
recours au pape Honorius IV, au roi de France et au chancelier de
celui-ci, Jean de Chaulet (2). Une année plus tard, de nouvelles plaintes
furent portées par les consuls de Carcassonne au pape, au roi et au
confrère des inquisiteurs, le prieur dominicain de Paris (3).
Même les Frères Prêcheurs, comme par exemple Fr. Jean Martin,
accusaient, devant Pierre de Mont brun, archevêque de Narbonne
(1272-1286), leurs propres confrères (4), et notamment Fr. Jean du
Faugoux (5) et Fr. Guillaume de Morières (6) d’avoir lancé l’idée, réalisée
d’abord par Fr. Jean Galand (’), inquisiteur de Carcassonne, de pro­
céder contre les riches défunts, tout étrangers qu’ils fussent à l’hérésie,

0) Vaissête, Hist. de Languedoc, IX 3 , 836. Vidal, J. Galand, 6.


(b Vaissête, 1. c. 834. Vidal, 1. c. (3) Vidal, 1. c. 89ss.
(9 D’après la déposition de Fr. B e r n a r d D é lic ie u x dont les données
au sujet de toutes ces plaintes m éritent certainement pleine foi. MS. 4270,
f. 122 r, 125r-6v.
(5) Plus tard inquisiteur. Douais, Doc. hist. inquis. I, 198-202; II, 805 n. 4.
Lea, History of Inquisition, II, 92. Hauréau, B. Délicieux, 1877, p. 192s. Ch.
Molinier, L'inquisition dans le Midi, p. 124 et not. 2-3, 125 n., 127 n., 128 et
n. 1, 129, 181 et n. 1. Mahul, Cartul. de Carcassonne, V, 670.
(’b Plus tard inquisiteur; Hauréau, 44s., 83, 137. Lea, II, 80s., 85. Mo-
liuier, 1. c., 91, 99. Douais, Doc. I, 97, 181. 246. Vaissête, IX, 228 et not., 259.
—Dans le texte: G. de Malviès. C’est bien une faute commise par le notaire
ou par le copiste.
(: ) De 1278 jusq u ’en 1298. Douais, I, 182ss., 80, 2(t8. Vidal, J. Galand, pass.
Vidal, Bullaire de l'inquisition, p. x, 11 ss., 158 n. 8.

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192 DISCUSSIONES.

afin de profiter de leur argent. Ainsi, on attaqua, entre autres, la mé­


moire de Roger Bernard II, comte de Foix (*), et celle de Gui de Levis,
maréchal de Mirepoix. Les prélats et les évêques ne furent pas moins
épargnés. On procéda contre le défunt Gauthier de Montbrun, évêque
de Carcassonne. Cette attaque n’échoua que grâce à l’enquête faite par
l’archevêque de Narbonne constatant le fait que le recteur Jourdain
Ferrol désigné comme participant a Vhaereticatio de Gauthier, ne se
trouvait pas, au moment indiqué, auprès de l’évêque (*). Devant
l’archevêque de Narbonne Fr. Jean Martin démasqua encore certaines
autres ruses de ses confrères. En secret les inquisiteurs annonçaient
aux femmes mariées la triste nouvelle que leurs époux étaient dénoncés
comme hérétiques. Il n’y aurait qu’un seul moyen de conjurer le danger :
ce serait de déterminer les époux à comparaître devant les membres du
tribunal de l’inquisition et à confirmer les crimes imputés. Alors tout
irait bien. Finalement, les maris craintifs cédaient aux prières et aux
larmes de leurs femmes et confirmaient toutes les accusations qu'on
leur lisait, en se dénonçant ainsi eux-mêmes et d’autres innocents.
Les inquisiteurs extorquaient de même: per violentiam tormento­
rum, les aveux concernant de prétendues hérésies. Menacés des pires
tourments ou séduits par des promesses de non-lieu, maints prévenus
déclaraient aux dignitaires chargés d’enquêter, que l’aveu avait été
obtenu: gratis et libere et sine tormentis illatis aut comminatis, et
n’était déterminé que par l’amour de la vérité et par la sollicitude
pour leurs âmes (3). Fr. Jean Martin, O. Pr., ne voyait qu’un seul
remède à opposer à tout ce mal ; c’était de révoquer les Dominicains.
Une assemblée convoquée par l’archevêque déclara à l’unanimité
que les catholiques les plus fervents ne pouvaient pas se sentir en
sûreté, tant que des inquisiteurs pareils seraient au pouvoir et tant
qu’existeraient leurs registres frauduleux. Après en avoir conféré avec
ses suffragante, Pierre de Montbrun envoya en curie romaine son archi­
diacre Bérenger Frédol (devenu plus tard cardinal (*)) afin d’aboutir
à la révocation des inquisiteurs suspects et à la révision ou plutôt
à la suppression des registres. Pierre de Montbrun et Raymond de
Medulhon, évêque de Gap (1282-1289) réglèrent ensuite la procédure
dans leurs districts et séquestrèrent les registres (s ).

t1) V. plus bas § 9. (2) Mahul, V, 629.


Cf. Faâaire de Bernard Agasse et d ’Isarn Coll. d ’Albi. (Collect. Doat.
t. 26, f. 21ôv-6v et Fonds lat. 11847 de la Bibl. Nat. f. 53n. Voir encore l’ap­
pel des consuls de Carcassonne, composé en 1286 (Vidal, J. Galand, 39 ss.).
Nous supposons que cet appel fut communiqué à Pierre de M ontbrun. Le
Père Minime Laporte a donc trouvé plus tard le texte de cette pièce dans
les archives des archevêques de Narbonne (Vidal, 1. c., p. 4, 39).
(4) Eubel, Hierarchia, I 2 , 14. (5 ) Déposition de Bernard, f. 127r-v.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 193

Mais les plaintes des bourgeois d ’A lb i et de C a r c a s s o n n e


n’aboutirent pas. Vers 1295, de graves troubles populaires éclatèrent
dans le bourg de cette dernière ville. Ils furent provoqués par les pour­
suites contre qüelques personnes notables (*), voulant défendre le peuple
contre l’inquisition. Si les Dominicains eux-mêmes protestaient contre
les pratiques fraudulentes de leurs confrères, qu’y a -t-il d’étonnant
que les Frères Mineurs, leurs rivaux ardents, ne pussent pas jouer
toujours le rôle de spectateurs indifférents. Fr. B e r n a r d D é li c i e u x
était du nombre de ces courageux mécontents.
Nous ne savons rien concernant sa jeunesse. Né à M o n t p e l l ie r ,
Fr. B e r n a r d entra, en 1284 (’ ), dans l’ordre de saint François dans
la province de P r o v e n c e . Les voyages de Fr. Bernard en France et
en Italie, où il fréquentait maints hommes de lettres, entre autres
Raymond Lulle, dûrent contribuer largement au développement de son
horizon intellectuel (s ). Le sol béni de sa patrie, le Languedoc, pouvait
aussi enrichir par des impressions multiples son esprit vif et sagace.
Encore avant d’occuper la charge de l e c t e u r du couvent de
C a rc a s s o n n e . Bernard fut parfaitement informé (4 ) par maints con­
frères dignes de foi (6) des fraudes commises par des inquisiteurs
dominicains. Une lutte ouverte étant presque impossible, peu de Fran­
ciscains consentaient à occuper des postes là où sévissait cette in­
quisition. Il n ’était pas facile, entre autres, d’entendre les confessions
des bourgeois avouant avoir été contraints à dénoncer telle ou telle
personne innocente, sans pouvoir leur imposer de rétracter les men-
8-nges, par crainte du Courroux de leurs auteurs.
Néanmoins, après avoir mené une lutte sourde, les Frères audacieux
— et B e r n a r d avec eux — se déclarèrent enfin plus ou moins ou-

(’) Ce sont: Guillaume Garric, Guillaume Brunet (tous deux professeurs


de droit), Raymond de Cazillac, pellettier, Guillaume Vital, marchand. Pierre
Roger de Burcafols, Bernard Roger de Na Catalana et Raymond Maitre. clero
de Villemoustaussou. V. Hauréau, 22, 56. Lea, I, 381, 419, 467; II, 70, 95.
Vaissète, IX, 198 n., 234 n. 2. Douais, I, 56, 233, 245. Douais, Guillaume Garric
de Carcassonne et le tribunal de Vinquisition, dans les Annales de Midi, 1898, p. 5ss.
Vidal, Bullaire, 47, 74, 116. Vidal, Jean Galand, 9, 35. Bernard Gui, Historia
fonvent., dans Martène, VI, 447E. Mahul, V, 652, 658, 667, 670. Vaissète, X,
preuves, col. 650s. — C’est le 26 juin 1296 que l’inquisiteur fulmina l'excom­
munication contre ces sept défenseurs du peuple.
(■) C’est, pour le moment, une hypothèse; Hauréau, 1. c. 8.
f) Hauréau, 8. Lea, II, 75. Déposit de Fr. Bernard, f. 4<ir. Voir plus bas
au § 14. (*) Dépos. de Fr. Bernard, f. 127v-8r.
i5) C’était Jean de Badonis, « frater bono testimonio coronatus », qui occupait
de longues années le poste de gardien à Carcassonne, à Béziers et à Narbonne.
Cêtaient aussi Fr. G u illa u m e de C a u n e , Fr. I m b e r t, • homo magni testi-
monii», qui habitait longtemps Carcassonne, et Fr. P o n s V ig u ie r, autre
gardien de Carcassonne, couvent de la province de Provence. Dépos. citée.

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194 DISCUSSIONES.

vertement en faveur des opprimés. En 1296, Fr. Foulques de Saint-


Georges, O. Pr. (*), lieutenant de l’inquisiteur de Carcassonne, et
Etienne Auriol (2), « judex criminum » dans la sénéchaussée de Car­
cassonne, accompagnés de sergents armés — en tout 20 ou 25 hommes —
allèrent au c o u v e n t f r a n c is c a in de cette ville pour y c i t e r G u i l -
la u m e A n d ré (s ), maître Arnauld Vilaudegut (*) et quelques autres
personnes cherchant r e f u g e chez les Frères Mineurs. Les messagers
du saint-office ne pouvaient passer que la première porte, l’autre
étant fermée. On s’arrête. Foulques lit alors la citation, en s’adressant
aux Frères, parmi lesquels on distingue B e r n a rd , et à leurs familiers
massés derrière la deuxième porte. C’est Fr. A r n a u ld C h a tm a r,
gardien, qui interrompt la lecture, en criant: < Les traîtres n’ont pas
le droit de contraindre les innocents à porter la peine d’autrui! >. Les
familiers tumulteux approuvent bruyamment ces paroles. Alors, la
cloche du couvent sonne le tocsin. Une colonne de fumée est lancée
de la tour de l’église, pour appeler le peuple à venir en aide. La foule
menaçante et armée accourt, en hurlant: « Als trachors! ». Les atta­
qués ferment la première porte, afin de se protéger contre les pierres.
Poursuivis par le peuple révolté, ils se frayèrent enfin à grand’peine un
passage vers la cité(8). Fr. B e r n a rd , alors lecteur, se montrant à côté
de Fr. A rn a u ld C hatm ar, et approuvant ainsi la conduite de celui-ci:
c’étaient les débuts antiinquisitoriaux du courageux Franciscain.

§ 2. - L'affaire de Castel Faure (Fabri).


Quel mouvement au couvent des Frères Mineurs de C a r­
c a s s o n n e quand, en 1297, ceux-ci apprirent que l’inquisiteur Fr.
Nicolas d’Abbeville, O. Pr. (6\ ouvrait l’enquête contre C a s te l
(*) H auréau. 15s., 18, 20, 24s., 30s.. 37s., 38, 40, 42ss., 86, 89, 137, 167.
M olinier, 83, 90s. et not., 95, 97, 129 not. 3, 308. Lea, II, p. 65, 72, 76, 77, 80,
103. Douais, Documents, I, 98 e t not. 1, 192, 241 not. Vidal, Bullaire, p. xxvi. 5.
VaissMe, IX , 197 n. 4. 227, 228 et n. 4. 229 not.. 256 et n. 6, 257 not. 3. Vidal,
J. Galand, 14 (n. A), 15 (n. D), 17 (n. G.). Tanon, Hist. des tribunaux de Cinq. 67.
Ch. Schm idt. Hist. des Cathares, I, 345ss. H enner, Organisation der Ketzerge-
rù-hte, 73 n. 3. M ahul, V, »554; VI, I, 4»i3, 464. Bern. Gui, Hist. content.: Mar-
têne, 510 CD. — L’époque ne peut être fixée avec sûreté.
C) M ahul, V, 654; VI, I, 303.
»3 » Coll. Doat, t. 24, 224. M ahul, V, 653. (<) M ahul, 1. c.
C) Dépositions des tém oins oculaires Bernard A udiguier (f. 231r-2v) et
P ierre Camelin (f. 238r-v). Quel intéressant pendant au récit de Bern. Gui
au su jet des troubles de Carcassonne (1295-1305).
Cb H auréau, 1-3, 5-7, 13. 16, 25. 37, 48-9, 57 , 60-1, 89, 167. M olinier, 1. c.
83-84, 90, 93, 95, 97, 126, 3» »8. Lea, I, 445, 449; II, 61s., 67-70, 72-4, 81s., 1» 3.
Vaissète, II, 196s., 157, 334 not. 2, 334s., X, preuves, 273-4, 278-9. Vidal,
J. Galand, 6, 22s., 32, 36, 44. Douais, I, 96, 97 n. 1, 191ss., 322. T anon, 439.
M ahul, V, 651-3.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 195

Faure (’), très riche bourgeois de cette ville, qui, d’après les affirma­
tions de ses parents et de ses amis, était mort pieusement en 1278, as­
sisté de six Franciscains. Il avait été in h u m é d a n s le c im e tiè r e
du c o u v e n t f r a n c is c a in . Le représentant du saint-office affirmait
avoir trouvé dans les archives quelques dépositions des témoins pré­
sents à 1’ « hérétication » de Castel à son lit de mort (*). Les Frères
pouvaient bien supposer que c’était une procédure en représailles à
cause de la protection prêtée, une année plus tôt, aux citoyens pour­
suivis par l’inquisition. Parfaitement au courant des difficultés de la
défense, les Frères se rendaient aussi compte des risques qu’ils cou­
raient. si le défunt avait été condamné; car celui-ci avait été en­
terré dans leur cimetière. Tout en n’ayant pas le droit d’instruire
lui-même le procès aux Franciscains (3), Nicolas d’Abbeville pouvait
bien déterminer le pape à faire poursuivre ces derniers, en les incul-
pant de « fautoria haereticorum » (4). Vite on informa les supérieurs
de l’ordre, et on donna assistance aux Carcassonnais mécontents qui
voulaient défendre, auprès de la curie romaine, la mémoire de Castel
et porter des plaintes générales, formulées par Fr. B e r n a r d D é li­
cieux (5). Appuyés par Fr. A m a n ie u d e l a M o t h e ( 6), procureur de
l’ordre par Fr. P o n s V ig u ie r , son «socius», et par Bernard d’Au-
riac. religieux cistercien, et assurés aussi de la protection du duc de
Bourgogne (’), ainsi que de celle de Pierre Flote, les citoyens plai­
gnants, entre autres Aymeric Castel (8), fils du défunt, réussirent à
gagner l’oreille de Boniface V III qui, vers le mois d’août 1297, pro­
jetait déjà de charger Rainauld Concoreggi, évêque de Vicence, de
l’enquête demandée. Mais ce projet ne fut pas réalisé, car maître Pierre
d’Espagne, référendaire pontifical (9) ne reçut pas les 10000 florins,

f) Hauréau, 8-6, 18, 167-75. Lea, I, 445, 449; II, 69, 73-5, 79. Vidal,
J. Galand, 22s., 82ss. Douais, I, 192; II, 286 not. Eubel, BF V, p. 20 n., 165
et n. 3. Tanon, 408. Mahul, V, 662, 670s., t. VI, I, 451. Vaissète, X, preuves,
col. 831-3, 585. Vidal, B ullaire, 44-7. Fabri = Faure (forme moderne).
f2) Premier grief des 60 articles. V. Mahul, 662, col. 2.
(3) V. la bulle de Clément IV: P aupertatis altissimae du 12 juillet 1266;
BF III. 83-6; Tanon, 50-1. Voir Lea, I, 202s. (<) Cf. Lea, II, 32.
Déposition de Raymond Baudier, f. 241. Cf. Dép. de Bernard, f. 119v.
(*) Chronica XXIV generalium, dans les Analecta Francise. (= AF) III, Ad
Cl. Aquas 1897, 432. Othon de Pavie, L'A quit. sér. 77ss., 141. (7) Robert II.
O Hauréau, 56, 127. Lea, II, 69, 73, 90, 93, 102. Vaissète, II, 278 et not.
Vidal, Bullaire, 6, 18, 19, 41, 42. Douais, I, 40, 42, 293; II, 305, 313. Bern. Gui,
Hist. conv. : Martène, 479 E et Recueil, 744 CE. Mahul, V, 653, 670-1. Lat.
4270, f. 107v-8r, 109v, l l l r , 120v, 213r, 196, 2O4r, 226r.
O Dans le MS.: Isarn au lieu de Ispanus. Voir sur lui Finke, Aus den
Taqen, p. xviss., xxvnss., u n s s . F in k e , A cta Aragonensia, I, Berlin 1908,
72, 130, etc. Eu bel, H ier. I 2, 13.

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196 DISCUSSIONES.

promis par Frère Amanieu au nom des Carcassonnais, ces derniers


voulant aboutir au même résultat, mais pour une plus petite somme,
avec l’aide des représentants royaux. Ayant appris cette décision, le
pape qui, vers cette époque, se réconciliait à contre-cœur avec P h i­
lippe le Bel,.s’écria avec humour: < Nous savons qui leur donne cette
audace; mais, par Dieu, tous les rois de la chrétienté ne sauveront
pas du bûcher les gens de Carcassonne et, spécialement, le père de
cet Aymeric Castel > C).
Séjournant alors auprès de la curie romaine, B e r n a r d D é l i ­
c ie u x fut au courant de toutes ces démarches. ^Rogatus cum la ­
crimis per fratrem Amantium », le procureur général, il pria en vain
Aymeric et les autres Carcassonnais de payer la somme promise à
maître Pierre qui se montrait offensé vis à vis du procureur (*).
De retour à Carcassonne, Délicieux fit de nouveaux pas. En 1300,
il alla à M a r s e ille pour solliciter le chapitre général des Domini­
cains (8) de faire arrêter les poursuites. Mais le voyage n’aboutit à
rien. En juin de la même année, Fr. Nicolas d’Abbeville, 0. Pr.. fit
aviser la population qu’il sommait à comparaître les personnes vou­
lant se charger de la défense de Castel. Fr. A r n a u ld de R o q u e -
f e u i l ( 4 ), provincial de Provence, Fr. E lé a z a r de C le rm o n t (5).
custode de la custodie de Narbonne, Fr. B e r n a r d F e r r a n d (6),
gardien de Carcassonne et d’autres Franciscains décidèrent à pour­
suivre la défense. Obéissant à l’ordre formel du p ro v in c ia l, lui
promettant appui efficace, le lecteur B e r n a r d D é lic ie u x se char­
gea de l’affaire. Le 4 juillet, accompagné de Bernard Ferrand et de
Richard, syndic du couvent, il comparut devant l’inquisiteur qui ne
s’attendant pas à cette défense, leur désigna un autre jour. Comparais­
sant pour la seconde fois, ils trouvèrent la maison de l’inquisiteur fer­
mée. Alors, le 10 juillet, ils affichèrent à cette maison l’acte d’appel f )

(*) Déposit. de Bernard, f. 119v-20r. Lea, II, 69.


(2) Déposit. de Bernard, f. 120v.
(3) Voir sur ce chapitre Ben. M. Reichert, Monumenta Ord. Praed. histo­
rica, III, Romae 1898, 294-8. Hauréau, 5. Cf. Lea, II, 73 et Vidal, Bullaire, 5.
Aymeric étant absent, c’était sa femme qui paya à Fr. Bernard, les dépenses
du voyage. Déposit. de Fr. Bernard, f. 198v.
(4) Hauréau. 5, 167. Ferd. Delorme, Praevia nonnulla decretali: Exultantes
in Domino, AFH VII, 62ss. F. Ehrle, Petrus Iohannis Olivi, ALKG III, 429,
444 s., 447. F. Ehrle, Zur Vorgeschichte des Concile von Vienne, 1. c., 14, 144;
II, 388. C. Balthasar, O. F. M., Geschichte des Armulsstreites, M unster i. W.
1911, 171, 210, 271; (voir sur ce livre AFH III, 557-9).
(5) Hauréau, 167. Lea, II, 74.
(6) Le premier grief des 60 articles parle de Bernard Raymond, f. 14v.
(7) Collect. Doat, XXXIV, f. 123ss. Publié par Hauréau, 167-72. Cf. Douais,
I, 192, not. 4. Us protestaient de faire cet appel, au nom du provincial

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 197

contre ces procédés illégitimes (*). — Le pape paraît avoir refusé d'en­
tendre le recours non appuyé par des lettres dites révérentielles. E t
pourtant l’inquisiteur, intimidé par l’attitude résolue de notre Fran­
ciscain, soutenu par sa province, suspendit, pour le moment, la pro­
cédure. Bernard pouvait se considérer comme vainqueur. Comme on
sait, ce n’est qu’à la fin de 1318 ou au début de 1319 que Fr. J e a n
de B e a u n e , O. Pr.. prononça la sentence contre Castel

Fr. A r n a u ld , du custode Fr. E lé a z a r et du couvent: • ad defensionem Ca-


sttUi Fabri, et famam, nomen et honorem et dignitatem Ordinis Fratrum Minorum
urvantium et ad ostendendum aperte et manifeste dictum Castellum Fabri... non
me haereticum in morte etc. ». Hauréau, 168.
(') Déposit. de Bernard, f. 119 vss., 147vss. Cf. Vidal, J. Galand, 21 (n. K),
'Fi m. L). Vidal, Bullaire, 247-8. Sarraute, Le logis, 42.
(•) Vidal, Bulbaire, 46. Castel, était-il vraiment hérétique? Il faut recon­
naître qu'il nous est impossible de résoudre cette question. Pourtant, l ’histoire
de l'inquisition étant riche en condamnations pareilles, suivies habituellement
d’exhumation, d’exhibition des cadavres, et d’incinération ultérieure, il n ’est
nullement sûr que même une partie de ces condamnations se portait sur de
vrais hérétiques ou leurs fauteurs.
On connaît des cas où les témoignages, dont le faux fut finalement prouvé,
Paient aussi persuasifs que les témoignages amenant la condamnation. Ainsi,
Rtger IV, comte de Foix (fils de Roger Bernard), fut inculpé d ’hérésie, 2(5 ans
après sa mort, par un moine cistercien : Pierre de Villelongue, « témoin oculaire »,
qui fut enfin démasqué comme imposteur (Vaissète, VI, (1879), p. 886-7; VIII,
<b79>. preuves, col. 1542-7; X , (1885), preuves, col. 343-4. Voir Lat. 4270,
f. 125v).
Avec quelle facilité les inquisiteurs ne réussissaient-ils pas à prononcer
une sentence condam natoire! V ingt-deux ans après la mort de Roger Ber­
nard 11, comte de Foix, l’inquisiteur Fr. Pons du Pouget, O. Pr. (Douais, I,
154 n. 8, 167ss. Molinier, 307 n. 1, 323 n. 2. Vaissète, VIII, pr., col. 1632, ad
an. 1268. 13 sept.) fit arrêter Raymond Bernard de Flassac, bailli de Mazères,
en le privant de nourriture suffisante et en appliquant d ’autres formes de
la torture lente, afin d ’extorquer au torturé, qui avait assisté le comte pen­
dant toute sa dernière maladie, l'aveu qu’il avait été présent à 1’ « hérética-
cation » du moribond. Raymond Bernard parvint à communiquer ces faits
aux Cisterciens de Boulbonne. (Vaissète, VIII, preuves, col. 1481-3. Lea, II, 54).
La fin de l’histoire du torturé n ’est pas connue. Mais, probablement, l’in­
quisiteur n ’aboutit pas à extorquer l ’aveu mensonger, car nulle autre source
ne mentionne le comte comme hérétique ou même comme * suspectus *. 11
n'est pas difficile de prévoir les conséquences au cas où Pons du Pouget
aurait réussi à imposer sa volonté au bailli. La purgation canonique étant
impossible, vu la mort du comte, ses héritiers auraient été tenus à payer
une grande somme fixée arbitrairement par l’inquisiteur. (V. Tanon, 441 et
not. 3, 338 et n. 3. Lea, I, 434. Molinier, 390ss. Douais, L'inquisition, 230ss.).
Cn Pons du Pouget, qui aimait tant la vie luxueuse (Molinier, 308 not.;
cf. p. 823), pouvait bien se mettre cette solution dans la tête. — Inculpé
d’hérésie, Pierre d ’Aragon, damoiseau de Carcassonne, prouva son innocence
devant Bertrand de Clermont qui reconnut la suffisance des preuves. Mort
vingt ans après en pleine orthodoxie, il fut, plus tard condamné comme

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198 DISCüSSIONEs.

§ 3. - Le grand procès à Albi 1299-1300. Fr. Bernard Délicieux


invoque Paide royale.

Bientôt après la défense de Castel, couronnée de succès, Fr. Ber­


nard Délicieux fut transféré, comme lecteur, à N a rb o n n e (*). Pro­
bablement, les supérieurs satisfaits, pour le moment, des résultats
obtenus, voulaient prévenir des incidents fâcheux pouvant facilement
se produire entre le lecteur qui était feu et flamme et les Domini­
cains irrités de Carcassonne. Mais il ne fut pas donné à Bernard de
poursuivre longtemps ses occupations paisibles. Provoquant une pro­
fonde indignation populaire, le g r a n d p ro c è s de 1299-1300 (*). di-

hérétique par Fr. Henri Chamayou, O. Pr. (Vidal, Bullaire, 147-8, 296-7), qui
parvint à transformer les preuves à décharge en preuves à charge.
Tous ces exemples nous démontrent, avec quelle circonspection il faut
parler des crimes commis par Castel, défendu avec tant d’animosité par les
Franciscains. C’est à bon droit que Jean XXII défendit, à cause des procédés
de l’inquisiteur de C arcasson n e, de prononcer les sentences contre ceux
qui, de leur vivant, n’avaient pas avoué leur hérésie: Ex serie du 10 mars 1334:
Vidal, 2ü8ss. Cf. aussi la bulle: Etsi officium du 18. déc. 1830, ordonnant aux
inquisiteurs de Toulouse et C arcasso n n e de ne plus condamner des dé­
fu n ts sans avoir consulté le Saint-Siège. Vidal, 157ss. Mais il n’était pas
aussi impartial, quand il approuva la condamnation de Castel, (bulle du
15 mars 1319: Vidal, Bull. 45s. Eubel, BF V, 165, n. 357), mort depuis une
quarantaine d’années et dont le dossier devait nécessairement présenter à
l’examinateur équitable des difficultés insurmontables, ressemblant à celles
que nous rencontrons dans la procédure de Fr. Jean Galand, Ch P., contre
le défunt Pierre Aymeric, d’Albi (Coll. Doat, t. 82, f. 289ss.). En approuvant
la sentence contre Castel, le pape se trouva sans doute sous l’impression des
plaintes portées contre B ern ard D é lic ie u x qui lui était profondément anti­
pathique. De plus Bernard avait commencé sa carrière d'agitateur par la
défense de ce même Castel. La vengeance des ennuis subis par ses confrères
à cause de l’affaire de Castel, ainsi que l’intention de nuire à Bernard, son
ennemi ouvert, et d’intimider plus encore la population, tels pouvaient bien
être les motifs de l’inquisiteur Fr. Jea n de B eaun e, O. Pr., condamnant
le défunt. Tous savent que le procès intenté par ce Dominicain contre un
« béguin » de Narbonne en 1321 provoqua la fameuse controverse sur la pau­
vreté du Christ et des Apôtres; voir sur cet inquisiteur: Douais, I, 78. 94,
97s., 108s., 128s., 137, 201, 206, 207. Quétif-Echard, Script. O. Pr., I, 585-6.
Vidal, Le tribunal d'inquisition de Pamiers, extrait des Annales de Saint-Louis-
des-Français, 1904-05; Paris 19«6, 86-8; et la note du même: Bullaire, 47. Voir
plus bas § 13.
(9 Déposit. de Bernard, f. 149r, 265r. Hauréau, 13. Lea, II, 78.
(a) C’est le fonds latin 11947 de la Bibl. Nat. qui contient les interroga­
toires des prévenus. V. la déscription du manuscrit chez Molinier, 81-8, et
chez Douais, I, 94 not. 2, p. 193ss. Bernard de Castanet et Foulques furent

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 199

rigé à A lb i par Pévêque Bernard de Castanet Q et par Fr. Nicolas


d'Abbeville, O. P r., assisté de Pinquisiteur Fr. Bertrand de Clermont,
O. Pr., et de Fr. Foulques de Saint-Georges, O. Pr., alors prieur
d’Albi, détermina enfin notre lecteur à apparaître de nouveau en scène.
Il y avait dans ce procès 36 prévenus (*). < Bien que l’orthodoxie
de ces gens ne parût pas douteuse, ils avaient été incarcérés, jugés
et condamnés rapidement » (8). Dix-neuf furent condamnés, déjà en
1300, à la prison perpétuelle (4).
La population reprochait à Pévêque d’Albi et aux inquisiteurs
d’avoir ouvert le procès en signe de représailles contre les bourgeois
qui, en les accusant de maints abus (6), portèrent plainte à la cour
du roi. Ne tolérant pas d’opposition, Pévêque appuyé par les inqui­
siteurs aurait fait imprisonner, dans Pespace de trois mois et à trois
reprises, beaucoup de personnes innocentes, mais riches, pour extor­
quer, <per violentiam tormentorum >, des aveux, et pour condamner
en secret les prévenus. Le peuple affirmait que les Dominicains in­
quisiteurs, tout en ayant Pair d’exercer leur charge, ne voulaient que
profiter de l’argent des accusés. En ce qui concerne Fr. Foulques,
la population l’accusait d’avoir violé maintes femmes arrêtées par lui
sous prétexte de poursuites inquisitoriales. On nommait même ses

présents à tous les interrogatoires. Seulement trois interrogatoires avaient


eu lieu en l’absence de Nicolas d ’Abbeville (le 9 mars 1800; f. 41v, 44r, 45r).
Bertrand de Clermont assista à 18 interrogatoires (2 interrog. le 25 janvier, 1300,
f. 27r. 31v; 1 interr. le 26 janvier, f. 84r; 1 interrog. le 28 mars 1800, f. 46r;
4 interrog. le 29 mars, f. 48r, 44r, 47v, 48v; 5 interr. le 80 mars, f. 29r, 89v,
42r, 45v, 49v). Voir Vidal, J. Galand, 8ss.
(’) Hauréau, 20s., 85. Molinier, 88, 88s., 91s., 95, 97, 99, 277, 806, 8U8. Lea,
II. 67s., 71, 78 et n., 98; I, 419, 516. Vaissète, II, 807, 229 not., 257, 259, 384,
335, 892, 394, 85-7, 227; X, preuves, 395s. Vidal, Bullaire, 5, 9, 17, 19-21. Douais,
I, 92-98, 38s.; Il, 806, 807, 321, 822 n. 1. Vidal, J. Galand, 5, 8, 10, 20, 30, 44.
Tanon, 66ss. B. Gui, Hist. conv.: Recueil, XXI, 703B, 746DE: et B. Gui, Vita
Iohannis X X H , dans Baluze, Vilae papar. I, 152-8. B. Gui, Practica, 164.
P) Vingt-six étaient des bourgeois d ’Albi, les autres habitaient les en­
virons. Leur interrogatoire em brassait 61 ou 62 séances. Les poursuites re­
montaient déjà à l’an 1286; elles avaient été entamées par l’évéque et Fr. Jean
Galand, O. P r.. inquisiteur 1278-93. Douais, I, 182ss. Vidal, Jean Galand, 5ss.,
39-13. Vidal, Bullaire. 10-18.
O Ainsi dit Vidal, Bullaire, 12.
0) Molinier, 93-4. Quelques autres furent condamnés à la même peine,
peu de temps après. En 1318, quatre des prévenus n ’étaient pas encore dé­
finitivement jugés. Maints accusés m oururent en détention préventive. Per­
sonne ne fut acquitté. Molinier, 91ss. Vidal, Bullaire, 24-6, cf. 19-21, 12.
(5) Il s’agissait ici, entre autres, des abus au sujet de la jurisdiction sé­
culière exercée par l’évêque. V. Cl. C o m p a y ré , Etudes historiques sur l'Albi-
9 ^ , Albi 1841. 18ss., 28. E ug. d ’A u ria c , Histoire de l'ancienne cathédrale et
teêques d'Albi, Paris 1858, 140ss., 231.

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200 DISCUSSIONES.

victimes connues: Bernarde Roca, Narsens Garcias et une certaine


Navenias rendue mère par cet inquisiteur (*).

(*) Voir déposit. de Pierre Probi (f. 270r-v), d’Arnauld Garsia (f. 68v-9r,
27Bv, 279v), de Guillaume FraAsa (f. 48r, 46r, 48v, 49r), de Raymond Baudier
(f. 2B9v), de Bernard (f. 157r). Voir le 4e grief des 44 articles, et aussi le 17 e
et le 18e grief. B. Gui, Hist. conv. Albien.: Recueil, 1. c. 747FG. Hauréau, 3<is. ;
cf. 86s. Lea, II, 77-8. Molinier, 91.
En ce qui concerne les accusations portées contre Fr. Foulques, nous
n’avons rien trouvé de tout à fait semblable dans l’histoire de l’inquisition.
Les cas de l’inquisiteur dominicain Albert d’Olmütz, par exemple, qui aurait
entretenu des relations intimes avec les moniales de Poustimer, ne saurait
être comparé aux délits de Foulques (H. Haupt, Waldensertum und Inquisition,
dans Deut. Zeitschrift f. Geschichtswissenschaft, de L. Quidde, III, 1890, 842). —
Comme on sait, de pareilles possibilités étaient beaucoup plus grandes à la
fin du moyen âge et au début de l’époque moderne. (F. Spee, Cautio crimi­
nalis, Augsburg 1781, Dubium 81, p. 216sa. J. J a n sse n , Geschichte des deut.
Volkes, 18e et 14e édit., VIII, Freiburg i. Br. 1908, 5€>5. lo h . W ieru s, De
praestigiis daemonum et incantationibus ac veneficiis, lib. 3, Basileae 1568, p. 296.
C harles M eyer, Der Aberglaube..., Basel 1884, 815). Au fond, il n’est pas
exclu que Foulques n’eût commis des crimes pareils. Mais les preuves irré­
futables nous manquent. Les affirmations que Foulques portait des armes,
nous paraissent beaucoup plus dignes de foi. (V. déposit. de Guillaume Fransa,
f. 46v). Souvenons nous seulement du c. 2 in Clem. de haer. V, 8.
Il paraît d’abord que les inquisiteurs dominicains n’avaient aucun in­
térêt pécuniaire à la condamnation des hérétiques; ils étaient rétribués assez
régulièrement, de même que les inquisiteurs d’autres ordres. Pourtant, les
biens des hérétiques condamnés étant à cette époque une des sources de la
richesse dés couvents dominicains (Molinier, 306 et not. 2-8, 807 et not., 308),
quelques inquisiteurs, étrangers au désintéressement prescrit et aimant un
grand luxe, pouvaient parfaitement considérer ces biens comme une source
indirecte de leur propre enrichissement, ce qui les amenait à condamner le
plus grand nombre possible de sectaires manifestes ou présumés. (Cf. Molinier,
p. 308 not.). Les chapitres généraux des Dominicains avaient certainement
des raisons suffisantes, en 1821, pour enjoindre aux prieurs provinciaux d’en­
quérir: « de excessibus inquisitorum heretice pravitatis, sive in modo procedendi sive
in extorsione pecuniarum seu etiam in pompis et victu et vestitu et. observantia re­
gulari • (Reichert, Mon. O. Praed. IV, 184); de statuer, en 1822: « de inquisi­
toribus heret. prav., quod non extorqueant pecuniam » (1. c. 141); de leur imposer
la reddition annuel des comptes, en 1324: < Cum... inquisitores... omni nota cu­
piditatis aut nimie sumptuositatis mundos esse deceat* (1. c. 153; voir aussi,
ibid. 158: à l’an 1825) Ces textes législatifs dépeignent avec exactitude les
inquisiteurs dominicains de Carcassonne. Il paraît néanmoins que les rançon-
neurs dans le genre d’un Fr. Aubert de Châlons (Vidal, Bullaire, 142-4, 167ss.),
d’un Fr. Arnaud Mandavin (ib. 290ss., 299ss.) ou d’un Fr. Pierre de Mara-
logio (ib. 495-7; cf. Lea, I, 477), étaient plutôt des exceptions parmi les Do­
minicains.
Les aveux extorqués « vi tormentorum » avaient souvent lieu; cf. M a u rice
F o u c a u ld , Les procès de sorcellerie dans l'ancienne France, Paris 1907, 226.
Henner, 1. c. 264 et not. 1. Molinier, 336-8. Vidal, J. Galand, 15 (not. D). 16
(not. G), 17 (et n. H), 19 (et n. I), 20 (et n.), 21 (et n.), 29, 40 (num. 8-6), 41

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 201

Les actes du procès d’Albi ne donnent qu’indirectement des points


d ’appui pouvant confirmer les accusations populaires au sujet d’abus
commis pendant cette procédure. Dès l’abord, on s’étonne de voir que,
pendant le premier interrogatoire, la plupart des prévenus nient toute
participation à l’hérésie: ne se s o u v e n a n t de maints crimes que
dans les interrogatoires suivants, qui eurent lieu quelques semaines
ou même quelques mois après. Cette bizarrerie de mémoire, comment
peut-on l’expliquer? Il est clair que les longues réflexions pendant
l’emprisonnement n’entrent pas en ligne de compte. Fr. Bernard Gui,
O. Pr., dont la grande expérience inquisitoriale est si connue, consi­
dérait les jeûnes rigoureux et prolongés, ainsi que d’autres formes de
tourments semblables, comme un moyen excellent pour briser la ré­
sistance des prévenus et pour faire parler les « vehementer suspecti ».
Cet inquisiteur avait vu des détenus qui, après avoir passé de longues
années en captivité étroite, se r a p p e lè r e n t, enfin, les délits commis
une quarantaine d’années plus tôt (*). Les juges inquisitoriaux d’Albi,
ses confrères, étaient parfaitement au courant, eux aussi, de ces <tor­
menta corporis, dolores et mala mansio ». Que restait-il alors aux
prévenus, dont la volonté était brisée, sinon un aveu presque indif­
férent des crimes imputés. Secondés par l’interrogatoire adroit, pour­
vus de détails divers, indiqués sous l’influence de la voix suggestive
du juge, avide de s’instruire plus amplement au sujet de telle ou telle
dénonciation vague, ces aveux conformes ne pouvaient pas manquer
de reproduire aussi quelques traits individuels des prévenus (*).

(num. 7 et 10), 42 (num. 16). Tanon, 859-62. E. V a c a n d a rd , L'Inquisition,


IIe édit. Paris 1907, 180-1. Douais, II, 860ss.
En ce qui concerne les mobiles des représailles reprochées à l’évêque d’Albi,
le peuple pouvait aussi avoir bien raison. C. Douais, I, 98 not. parle de la
fermeté remarquable de Bernard de Castanet en matière de gouvernement de
son église, et il souligne aussi le grand zèle de celui-ci pour la pureté des
moeurs chrétiennes et pour l’intégrité de la foi. Il nous semble que ces qua­
lités devaient avoir des revers funestes. En cas contraire, il serait impossible
d’expliquer les graves troubles populaires qui éclataient sous son épiscopat.
Déjà au commencement de son activité inquisitoriale, il se montre intolérant
et rien moins qu’impartial (Vidal, J. Galand, 10ss.).
(*) B. Gui, Practica, 802. Lea, I, 415, 418ss. V. la Consultation de Guil­
laume, évêque de Narbonne: Douais, I, 66-7.
(*) Voici les récits au sujet de 1’ «adoratio » des « parfaits » Raymond Delboc
et Raym. Didier (L im borch, Liber sententiarum, 219. Tanon, 287. Schmidt,
Hist. de Cathares, I, 848. Vidal. J. Galand, 82 not. 1. Douais, I, 172 n. 1, 195ss.
Molinier, 88 et n. 2) à. la m é ta irie de Raymond Calvier. Cette cérémonie est
mentionnée par neuf témoins, dont huit nient, pendant le premier interro­
gatoire, toute participation à l’hérésie : le 4 décembre 1299 Raymond Auger
«f. 16r), Bérenger Brosa (f. 17r), Guiraud Delort (f. 19r): le 20 janvier 1300
Guiraud Austor (f. 26r), Raymond Calvier (f. 27r), Galhard Fransa (f. 80r),
Archivum, Franciscanum Historicum. — A N . XVII. 14.

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202 DISCUSSIONES.

Ajoutons qu’aucun passage ne montre le désir du tribunal de


savoir, où séjournaient, de préférence, les deux « parfaits », meneurs

Jean Baudier (f. 83r-v); et le 21 janvier Raymond Hugues (f. 34v). Tous
étaient d’Albi. Seulement G u illa u m e de M au ran , de Réalmont, avoua
pendant le I er interrogatoire. Le 20 décembre 1299, jour de sa II e comparution
(f. 18r), il déclare avoir conduit les deux « parfaits », il y a deux ans, pendant
les vendanges, à la métairie le Raymond Calvier. C’est là que Bérenger Brosa,
Raymond Auger, Guiraud Delort, Galhard Fransa, Jean Baudier, Raymond
Calvier et quelques autres personnes, dont le prévenu a oublié les noms,
« adorèrent » les hérétiques, un après-midi, après un repas commun.
R a y m o n d A u g er, selon sa déposition du 17 déc. (f. 16v-7r), vint avec
Bérenger Brosa, pendant la semaine des Rogations de cette année, à la mé­
tairie, en suivant l’invitation du propriétaire. Jean, fils de Raymond Baudier,
Guiraud Austor, Galhard Fransa, Raymond Hugues, Guiraud Delort, Raym.
Calvier, Guill. de Mauran et les deux *perfecti» y furent présents. Tous, ils
adorèrent ces deux derniers, après un repas commun.
B é re n g e r B rosa avoue le 20 déc. 1299 (f. 17v) avoir adoré, il y a deux
ans, un vieil hérétique à la même métairie, à la suite d’un repas commun.
Parmi les participants, il reconnut Raym. Auger, Guir. Delort, Raym. Calvier
et Guill. de Maurau. C’est ce dernier qui leur proposa cet acte. Le 17 ja n ­
vier 1300 l’accusé ajoute y avoir vu aussi Jean Baudier, Galhard Fransa et
Guir. Austor (f. 17v).
G u ira u d D e lo rt «adora», d’après son aveu du 16 déc. 1299 (f. 19r), deux
«bons hommes», il y a un an, à la métairie nommée. Les «coadorateurs »
Bér. Brosa et Raym. Auger répétèrent leurs génuflexions hérétiques aussi
après le repas commun, entre la 8e et le 9e heure. Deux jours après, le té­
moin indique (f. 19v) encore Guill. de Mauran, Galh. Fransa, Jean Baudier,
Guir. Austor et Raym. Hugues comme participants.
G u ira u d A u s to r avoue le 2 mars 1800 (f. 26r) qu’il «adora», il y a
trois ans, Raymond Delboc et Raymond Godayl [alias Didier] avant un repas
commun, auquel prirent part Raym. Calvier, Raym. Auger, Bér. Brosa, Guir.
Delort, Jean Baudier, Raym. Hugues, Galh. Fransa et Guill. de Mauran.
Le 25 janvier 1800, R a y m o n d C a lv ie r atteste (f. 27r-v) que lui-même,
Raym. Auger, Bér. Brosa, Guir. Delort, Raym. Hugues, Jean Baudier, Galh.
Fransa, Guir. Austor et Guill. de Mauran «adorèrent», vers la Pentecôte
de 1297 ou de 1298, les « parfaits » introduits dans la métairie par Guill. de
Mauran. La cérémonie eut lieu entre la 8e et la 9e 'heure, après un repas
commun.
D’après la déposition de G a lh a rd F ra n sa , interrogé le 2 mars 13G)
(f. 80r), le prévenu « adora » les « parfaits », il y a trois ans, à la même mé­
tairie, après une chasse. Ayant accepté quelques rafraîchissements, il «adora »
ensuite, avec le propriétaire, ainsi qu’avec Raym. Auger, Bér. Brosa, Guir.
Delort, Jean Baudier, Guir. Austor, Raym. Hugues et Guill. de Mauran, les
hérétiques, en suivant l’invitation de Mauran.
J e a n B a u d ie r communique le ô février 1300 (f. 33v): Un matin, il y a
environ deux ans, en allant voir son vignoble, il rencontra Raym. Auger,
Bér. Brosa, Guir. Delort, Galh. Fransa, Guir. Austor et Raym. Hugues qui
l’invitèrent à visiter une métairie de Raym. Calvier. L’invitation acceptée,
le témoin vit là le propriétaire, ainsi que Guill. de Mauran et deux hom­
mes inconnus désignés par Raymond Auger comme des «boni homines », qui

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 203

principaux toujours introuvables, quel était leur aspect et quels étai­


ent leurs rapports avec leurs parents. De plus, les juges semblent
vouloir éviter d’interroger à ce sujet. Ainsi, Guillaume de Mauran,
un des accusés, ayant parlé de la « receptatio >, près de Graulhet, des
♦ parfaits > par les parents de l’un d’eux (f. 10r), les juges se bor­
nent à demander pourquoi les «perfecti > qui jeûnaient ce jour là,
envoyèrent leur messager chercher du poisson ( 1). En entendant Guil­
laume parler d’une visite du « parfait » Raymond Didier à sa sœur,
un Bernard Gui aurait certainement interrogé le prévenu à ce sujet,
afin de savoir si cette sœur était hérétique, si les entrevues se pas­
saient souvent etc., pour pouvoir découvrir de nouveaux recoins du
catharisme et pour faciliter la capture des chefs. Mais le tribunal
d’Albi garda le silence (f. 15 r).
D’autre part, on sait que l’enquête ordonnée par Philippe le Bel,
en 1302, prouva complètement les abus graves commis par les juges
(f 150 v.). On sait également que pendant l’enquête que les officiers
royaux et les représentants du peuple menaient eu 1303, tous les
prévenus dans le procès d’Albi affirmaient que c’étaient de fausses
accusations qui leur étaient arrachées (f. 9v, 46 v). Il suffit de réunir
toutes ces données pour être certain qu’il y avait du louche dans ce
procès d’Albi (*) et que la véridicité des accusations que les prévenus
dirigeaient les uns contre les autres, était bien suspecte.

pourraient être très utiles au témoin. Après avoir «adoré» les «parfaits»,
en cédant aux prières de son compagnon, il apprit leurs noms Raym. Delboc
À

et Raym. Didier. Malade et faible qu’il était, le témoin quitta bientôt la


réunion. Il lui semble, qu’après son départ, les invités du propriétaire di-
uêrent.
Le 2 mars, R a y m o n d H u g u es déclare (f. 34v) avoir «adoré» vers 1297,
les deu^t « parfaits » avec Raym. Calvier, Raym. Auger, Bér. Brosa, Guir.
Delort, Jean Baudier, Guir. Austor, Galh. Fransa et Guill. de Mauran. La
cérémonie eut lieu, vers le temps des vêpres, à la métairie de Calvier, après
un repas commun.
La « Consultation » de Pierre de Collomezzo, évêque d’Albano, ayant donné
la règle « qu’il suffisait que les témoins s’accordassent sur la substance des
choses» pour prouver le délit (Tanon, 358 et n. 1), la condamnation de ces
neuf prévenus ne devait être qu’une question de temps, vu le fait que c’étaient
des juges sévères et partiaux qui dirigeaient le procès.
(b Comme on sait, le jeûne des « parfaits » cathares ressemblait par sa
rigueur à celui des ascètes de l’Orient.
(-) Selon toute vraisemblance, la bona fides des juges d’Albi ressemblait
à celle de l’inique Henri Institoris, entamant des poursuites contre des fem­
mes innocentes d’Innsbruck, en les inculpant du crime de sorcellerie. Janssen,
Geschichte d. deut. Volk. VIII (1903) 556.
Les actes de l’interrogatoire dépeignent assez vivement maintes « héré-
tications » et «adorations». Voici les récits concernant Pierre de Medano
(ou Medenco), procureur royal dans la sénéchausèe de Carcassonne et de Béziers

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204 DISCUSSIONES.

L ’indignation populaire aurait certainement trouvé son expres­


sion dans quelques appels aussi inefficaces qu’autrefois, si Fr. B e r ­
n a rd D é lic ie u x n’avait pas agi en homme très avisé. Après avoir
tiré des informations sûres de maints plaignants venant le voir, et
après avoir recueilli les confessions de Jean Fresquet, gardien du
« mur » épiscopal d’Albi, qui renonça à son poste et se réfugia chez les
(Vaissète, XI, preuves, col. 210, 290). G ui 11. de M auran dit (f. lOv-r):
Il y a une douzaine d'années, il allait en France avec Pierre. Près de Tours,
ils rencontrèrent deux « crucesignati ». En les voyant, le procureur exprima
son désir ardent de faire la connaissance des hérétiques. Vers 1298, près de
Castres, en accompagnant Raym. Delboc et Raym. Didier, le prévenu ren­
contra en route le procureur se montrant très content de parler aux « bons
hommes». Après un long entretien avec ces derniers, il les «adora» selon
les rites des hérétiques. Pendant une nuit d’été de la même année, le pro­
cureur étant gravement malade, les « parfaits » vinrent le voir. Tandis que
le prévenu gardait la porte pour que personne n’entrât, les «perfecti » « hé-
rétiquaient » le moribond. Un des « parfaits » se plaça au chevet, l’autre au
bas du lit. Tous les deux faisaient des génuflexions, en prononçant des paroles
que le prévenu n’a pas comprises. Raym. Auger, beau-frère du moribond,
assistait à la cérémonie.
Pendant son IIe interrogatoire (f. 16r-v), ce R a y m o n d A u g er, confirme
avoir été présent quand, une nuit, vers la Saint-Jean de 1299, on « hérétiqua •
le procureur, en cédant aux prières réitérées du mourant. En signe de réception
dans la secte, Raym. Delboc posa les mains sur la tête du moribond. Le pré­
venu suppose que c’est Guill. de Mauran qui les introduisit du jardin voisin
et les reconduisit, la cérémonie terminée. B éren g er S a b a tie r y assistait.
L’unique interrogatoire de ce dernier (f. 38r) confirme les données générales
de l’aveu fait par Raym. Auger. Selon le prévenu, l’« hereticatio » eut lieu
entre la 3e et la 9** heure.
Maître G a rn ier de T a la p sio , juriste de Réal mont, reconnaît pendant
son unique comparution, le 1 mars 1300, (f. 37r-v) qu’il visita, vers la
Saint-Jean 1299, le procureur mourant. En entrant dans la chambre du mo­
ribond, il vit les deux « parfaits», ainsi que Guill. de Mauran, Bérenger Sa­
batier, Durand de la Sale l’ai né, Durand le jeune, Arnauld Gaso et Sicart
Delort. Supposant des « secreta consilia», il quitta la maison.
Tous les prévenus nommés indiquent Choart (ou Cohart), propriété du
procureur, comme lieu de la cérémonie. Raym. Calvier ne sachant rien au
sujet de 1’ « hereticatio » parle (f. 27r) pourtant d’une réunion qui eut lieu,
vers 1295, dans sa propre maison, où Pierre de Medenco et Hugues de Chansi,
alors viguier d’Albi, adorèrent Raym. Didier. Jacques Fumet, par contre, veut
avoir vu (f. 28r), vers 1286, le procureur adorer deux inconnus « indu ti de
burello >, se trouvant alors dans la maison du maître Raymond Fumet, frère
du prévenu. Ni maître Durand de la Sale, notaire de Réalmont (f. 35v), ni
Sicart Delort (f. 48-9r) ne parlent de 1’ « hérétication » du procureur. Arnauld
Gasc ne figure pas parmi les prévenus.
Les témoignages contre les Templiers, Guichard de Troyes et Boniface VIII.
tout en étant plus concordants et persuasifs, ne sont-ils pas reconnus comme
faux par la critique moderne? Même sans connaître les détails de la procé­
dure d’Albi, la véracité dos dépositions est à contester, vu la partialité indu­
bitable des juges.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 205

Franciscains de L a u t r e c Q , Délicieux alla à T o u lo u s e trouver


Jean de Picquigny et Richard Leneveu (3), réformateurs royaux du
Languedoc, pour les gagner à la protection du peuple. Chargés de
corriger les abus et de raffermir les liens unissant le Languedoc à
la France, ces réformateurs cherchaient à gagner les sympathies de
la population. Voyant que la protection des habitants d’Albi pourrait
parfaitement aboutir à ce résultat, en faisant naître dans les cœurs
de nombreux méridionaux mécontents de l’inquisition la confiance
dans le roi et la reconnaissance pour l’aide fournie, Jean de Picquigny
et Richard Leneveu prêtèrent beaucoup d’attention aux griefs proposés
par le Franciscain éloquent, qui obtint vite leur estime (4). Voulant
rester impartiaux, les réformateurs demandèrent des preuves. Appuyé
par ses amis dévoués, à savoir Arnauld Garsia, dont le , frère R ay­
mond languissait dans le donjon épiscopal, Guillaume Fransa qui vit
l'évêque condamner son frère Guillard (6), et enfin Gaillard Etienne (6 ),
juge royal d ’Albi, Fr. Bernard, l’âme de l’opposition, organisa bientôt
une députation à Toulouse. Maintes personnes s’offrirent à témoigner.
Parmi les témoins, nous trouvons aussi Nayenias, violée par Foul­
ques. B e r t r a n d d e V i l l a r d e l , Frère Mineur, prit aussi part aux
préparatifs de ce voyage (7).
Après avoir plaidé leur cause et ayant présenté les griefs écrits
par B e r n a r d , les accusateurs discutèrent avec les réformateurs la
question d’une députation au ro i. Jean de Picquigny proposa d’en­
voyer avec les plaignants notre Franciscain qui, sachant bien manier
la parole, pourrait trouver la protection nécessaire en la personne de
D u ra n d (*), Frère Mineur, confesseur de la reine. De retour à Albi,

(b Déposit. de P ierre Probi, f. 263v-264r. Couvent de la Provence.


P) H auréau, 14, 28, 82, 50-8, 61, 68, 65, 68-78, 76, 78, 84, 103, 122, 187, 187ss.
Hauréau, Richard Leneveu, dans Hist. littér. X X V I, 548ss. Lea, II, 77-9, 82-6.
Vaisséte, IX , 228, 289 not. 2, 259-60 et not. Douais, I, 246. Molinier, 450. Vidal,
Bullaire, 5, 18, 15. Vidal, J . Galand, 87. Ch. Schm idt, Hist. des Cathares, I,
854. B. G ui, Hist. conv.: M artin e, col. 511 DE, 512 A, 514 CD. e t B. G ui, Prac-
tùa, pars 8. num . 45, p. 164. P icq u ig n y — P ecquigny.
(3) H auréau, 14, 28, 63, 73. H auréau, Richard Leneveu, dans Hist. litt.
•539-551. Lea, II, 77. Vaisséte, IX , 168ss., 228, 289, 257, 259, 260, 332 et not.
Vidal, Bullaire. 5. B. Gui, Hist. conv., 1. c. col. 511 E, 514 D.
Déposit. d ’A tnauld G arsia (f. 73v, 274r), de G uillaum e Olivède (f. 206r),
de Bernard A udiguier (f. 233), de Bern. Fenasse (f/244r), de Gui Sicred (f. 210r)
et de B e rn . D é l i c i e u x (f. 138, 149r). Le 5e article de la II e série d ’accusa­
tions. H auréau, 23. Vaisséte, IX , 2'28.
(5 ) Molinier, 89, 94. Fonds la tin 11847, f. 30r-v, 14r, 16v, 17r, 17v, 19r, 20v,
21r, 23v, 24v, 25r, 26r, 27v, 29r, 29v, 31 r, 31v, 82r, 38v, 84r, 34v, 85r, 38r,
46v. 47r. f ) H auréau, 71, 84, 80, 108, 128, 138, 197. Lea, II, 86. B. Gui,
Hût. conv.: 1. c. 518E. M ahul, V, 659. (7 ) H auréau, 75. Lea, II. 81.
H auréau, 72s., 124. Lea, II, 76, 90. L. Dnlisle, Durand de Champaune,
dans Hist. littér. X X X , 302-33 ; 31 Iss.

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206 DISCUSSIONES.

les plaignants, pourvus d’un sauf-conduit de la part des réforma­


teurs. discutèrent vivement tout ce qui pouvait favoriser le g r a n d
v o y a g e proposé (*).
Pierre de la Chapelle, évêque de Toulouse, ainsi que l’ancien
ministre général O. Min., Fr. R a y m o n d G a u f r id i (*), chargèrent
Bernard de régler en France quelques questions regardant l’exécution
du testament du saint franciscain L o u is d’A njou, l’évêque de Tou­
louse (8). Ainsi, notre lecteur trouva un prétexte légitime pour son
voyage, payé par les gens d’Albi.
En automne 1301, les réformateurs allèrent en France pour ex­
poser au roi les résultats de leur enquête au sujet du fameux Ber­
nard Saisset, inculpé de trahison (*). C’était une occasion très favo­
rable pour les plaignants de se présenter au roi en même temps que
leurs deux grands protecteurs. Naguère encore, le roi s’était montré
très favorable à l’égard d’Arnauld de Villeneuve, poursuivi à tort par
l’inquisition. Etant probablement, déjà vers cette époque, un ami per­
sonnel de ce médecin (®), si renommé au début du 14e siècle, Fr. B e r ­
n a r d pouvait bien s’attendre à ce que le roi prêtât une oreille at­
tentive aux plaintes des bourgeois, souffrant, eux aussi, de l’injustice
inquisitoriale. Il ne se trompait point. Dans son conflit avec Boni-
face V III, Philippe le Bel cherchait l’appui du peuple. U ne pouvait
donc pas négliger les bourgeois notables d’Albi recourant à sa justice.
Reçue en a u d ie n c e à Senlis, la députation (6) présenta au ro i
les griefs écrits par Fr. B e rn a rd . Chacun des plaignants proposa à
son tour les charges différentes (7) contre l’évêque et les inquisiteurs (’).

(’) Déposit. de Guillaume Frausa (f. 41v-2v, 43r, 43v, 46r), de Pierre de
Castanet (f. 53v-4r, 54v), de Raymond Baudier (f. 239r-40r) et de Bernard
Fenasse (f. 245). Les griefs 1, 2, 4 et 5 de la IIe série d’accusations.
(2) Voir sur lui AFH II, 470ss. ; VII, 655, 661.
(8) Déposition de Bernard, f. 149v. Voir sur ce saint: V e rla q u e , Saint
Louis, évêque de Toulouse, Paris 1885. Vaissète, IX, 188-9. Mireur, Les Cordeliers
de Draguignan,. . Draguignan 1906, 29-37. Act. SS. Boli., aug. III, 783ss. Bibl.
hagiogr. n. 5054-7. AFH 1. 278-90, 569-76; et II, 379-83 démenti par XV, 244.
Chevalier, Répert. bio-bibliogr. II, 2898s. (4) Hauréau, 28. (5) Voir plus
bas, § 10 et 12. (6) Composée d ’Arnauld Garsia, de Guillaume Fransa et
de Pierre de Castanet. Déposit de B e rn a rd , f. 149v.
(7) Espérant provoquer la colère du roi contre les Dominicains qui pro-
tégaient tant les inquisiteurs de leur ordre, B e rn a rd suggéra à Guillaume
Fransa de dire qu’un Dominicain, pendant un sermon à l’église de Saint-Salvy
à l’Albi, faisait dériver l’hérésie cathare répandue dans la Languedoc d'un
certain roi français (V. art. 6 de la première série). 11 ne peut s’agir ici que
d'une attaque, contre Philippe le Bel, de Dominicains restés fidèles au pape.
(“) Déposit. d’Arnauld Garsia (f. 6Kv-9v, 276r. 277v), de Guillaume Fransa
(f. 43v-4r, 44v), de Pierre de Castanet (f. 51r-v, 55r), de Bernard Bet (f. 5^r-v)

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 207

Le roi reçut B e r n a r d en audience particulière, en présence du


comte Gui de Saint-Paul (*), de Jean de Picquigny et de Hugues de
Bouville, chambellan. Invité à démasquer les menées des inquisiteurs,
le Franciscain, d’abord, ne voulut pas répondre à la question, en af­
firmant qu’il craignait que les Dominicains, leurs pratiques dévoilées,
ne se vengeassent sur le dos des innocents. Le roi ayant promis sa
haute protection (’), le Franciscain commença sa philippique. Après
avoir touché plusieurs questions au sujet des poursuites inquisitoria­
les, il entama la question des poursuites contre les morts, en parlant
des registres inquisitoriaux. On y lit, affirmait-il, que Guillaume Pagès
et Raymond Costa (’) étaient des < parfaits > cathares dangereux qui
se faisaient « adorer > et conféraient le « consolamen tum > (*). Mais
l’inquisition ne fait pas rechercher ces deux coupables et leurs re­
traites, tout en négligeant de préciser la date des « adorations > et
des « hérétications » prétendues. Les membres du saint-office n’exa­
minent pas plus, si les témoins indiqués dans ces vieux registres
existaient réellement. Chose bizarre! Ces dépositions indiquant maintes
« adorations > faites par des gens bien portants et par des mourants,
on ne poursuit que ceux qui sont morts depuis longtemps. Ne se
<rappelant » plus le jour des cérémonies cathares mentionnées, mais
nommant tous les participants, les témoignages laissent surgir une
« ohemens praesumptio > qu’ils ne sont pas véridiques, car il n’est

et de Bernard Fenasse (f. 245r). Le 12e article du I I e groupe des charges. —


L'article 6 et 8 du I groupe d ’accusations. — Les articles 4, 5, 11-18 et 21
parlent des diffamations composées par B e rn a r d . Guillaume Fransa confirme
la plupart de ces six articles de la I re série. Selon lui, le l e c t e u r et ses
complices savaieut parfaitem ent l’inexactitude des récriminations contre les
inquisiteurs. Arnauld Garsia (f. 276v) ne sait rien au sujet des articles 11-13.
Pierre de Castanet et Bernard Bet ne savent non plus grand chose. Pierre
Probi ne d it rien de ces articles. B e r n a r d D é lic ie u x reconnaît avoir é c r i t
quelques exposés au sujet des vexations inquisitoriales contre les prévenus et
le peuple, ainsi que des s u p p liq u e s , en cédant aux prières du peuple porté
contre l’inquisition (f. 162r).
O Recueil, XXI, 10 H, 16 A, 41 H, 185 C, 191 H.
(2) « Dominus re.r... impegit in ipsum f r a t r e m B e r n a r d u m quod ipse frater
Bernardus se debebat m orti exponere pro veritate dicenda, et non timeret, quia ipse
dominus rex diffenderet dictum fratrem Bernardum, sicut personam suam a quo­
rumque homine, et daret finem negotio talem, quod nec sibi nec p atriae tim or aut
periculum immineret. E t hoc super caput suum manu tetigit eidem fra tri Bernardo
et promisit* (Déposit. de Bernard, f. 121v).
(3) Hauréau, 38, 34. Lea, II. 61. Vidal, J . Galand, 32 et not. 2-4.
(*) Mahul, V, 630-1 (interrogatoire des témoins du 14 mars 1283 [= 1284]
et du 25 mars 1281), 688-5 (14 mars 1284 et 18 avril 1289), 635 (15 mars 1281
et 23 juin 1284), 687 (4 avril 1284), 638-40 (3 déc. 1284 et 15 juill. 1285), 643
(18 sept. 1285), 644-5 (15 mars 1288), 647 (16 sept. 1290). C'est Jean Galand,
0. Pr., qui, à quelques rares exceptions près, entendit tous les témoins.

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208 DISCUSSIONES.

pas possible que tous les témoins pussent avoir une aussi courte mé­
moire. H faudrait rechercher le degré de parenté et d’amitié entre
les témoins et les moribonds « hérétiqués ». On devrait aussi exami­
ner, si le moribond poursuivi avait des relations avec les « parfaits >
avant 1’ «hérétication ». Mais, sous ce rapport, l’inquisition reste in­
active. Ensuite, les femmes et les familiers des défunts ne sont pas
interrogés. Toutes ces négligences des inquisiteurs sont propres à
prouver qu’ils ne tiennent pas droite la balance de la loyauté. B e r­
n a rd c o n c lu t en affirmant que la révocation des inquisiteurs domi­
nicains est l’unique moyen de prévenir une explosion de la fureur du
peuple exaspéré (1).
« Gavisi fuerunt rex et alii*. Foulques de Saint-Georges, alors
inquisiteur de Toulouse, Nicolas d’Abbeville, Nicolas de Fréauville,
confesseur du roi, et autres Dominicains s’étant, ensuite, présentés
pour se défendre, Philippe les congédia, en déclarant : « Je vois que
Bernard a dit la vérité, tandisque ces Jacobites là assiégeant chaque
jour ma porte, me content des mensonges > (2) ! Quatre ou cinq jours
se passèrent avant que le roi ne les reçût en audience (3).
Jean de Picquigny s’entendit à parer habilement les attaques
de Fr. Foulques, en suivant les conseils de Fr. Bernard. L ’inquisi­
teur de Toulouse ne pouvait pas prouver ses accusations, tandis que
le réformateur, dont les griefs dirigés contre les adversaires furent
examinés par Gilles Aycelin, archevêque de Narbonne, et par le con­
nétable de France, parvint parfaitement à démontrer la vérité de ses
assertions, confirmées par de nobles personnages de Toulouse, ainsi
que par les membres du clergé (*).
Les abus commis par Bernard de Castanet et par Foulqueâ étant
prouvés, Philippe condamna l’évêque d’Albi à une amende de vingt
mille livres tournois, exigea des supérieurs dominicains de Paris la
révocation de Fr. Foulques de son poste d’inquisiteur, dépouilla les
inquisiteurs du droit de procéder à des arrestations arbitraires et
enjoignit, enfin, aux sénéchaux de Toulouse, de Carcassonne et d’Agen
de mettre la main du roi sur les emmurés (5 ).

( x) D éposit. de B e rn a rd , f. 123r-4v.
(2 ) < Ego intelligo, quod iste le c t o r d irit mihi et aperuit veritatem : et isti
lacobitae omni die contendunt intrare ad me, ut in caput meum ponant falsitates
eorum et proditiones >. D éposit. de B e rn a rd (f. 125r). H a u ré a u , 84.
(•) D éposit. de B e rn ard , 1. c.
(4 ) D éposit. de B e rn ard , f. lôOrss.
(5 ) H a u ré a u , 37-44. Lea. I l , 78, 80. G. L izerand, Clément V et P h ilippe le
Bel, 412. Ch. S c h m id t, II, 345s. V aisséte, X , preuves, 379-82. Le roi ne s 'a r r ê ta
pas de d ire que F r. F o u lq u e s « processus suos in inquisitionis negotio a cap­
tionibus, questionibus et inexcogitatis tormentis incipiens personas... vi vel metu

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 209

Ne pouvant pas se consoler de la perte de ses <boita tempora­


lia >, Bernard de Castanet alla à Toulouse pour protester. De retour
dans sa métropole, il fut bien mal accueilli par le peuple donnant
libre cours à ses sentiments longtemps retenus. En se portant à sa
rencontre, la foule criait: « Mort au traître! Mort au traître! ». Selon
le récit bien connu de Fr. Bernard Gui, les Dominicains, eux aussi
avaient été brutalement molestés. Les aggresseurs hardis « concentum
fratrum pluries invaserunt, et hortos intraverunt et spoliaverunt ».
Mais la condamnation de l'évêque à l’amende et la révocation de
Fr. Foulques ne représentaient qu’un succès médiocre par rapport à
Fespérance de la population et de Fr. Bernard. La nomination proposée
de Fr. Guillaume de Morières, O. Pr. (’). au poste d’inquisiteur tou­
lousain, poussa même notre ardent méridional à exprimer d’une ma­
nière peu diplomatique son grand mécontentement de la politique
royale, tout en donnant, pendant un entretien avec Arnauld Garsia,
une remarquable caractéristique de Philippe dans les termes suivants :
<Que maudit soit le roi qui ne veut pas satisfaire le justes désirs
de ses sujets! Au fond, il n ’est semblable qu’à un c...., car il veut
toujours être auprès de sa femme; des gens pareils sont ordinaire­
ment craintifs et incapables de faire du bien. Il révoque un mauvais
inquisiteur et veut approuver la nomination d’un Dominicain encore
pire.* De plus le fait que Philippe ne condamne l’évêque qu’à une
grande amende, laisse bien supposer qu’il préfère l’argent à la justice.
Les sentences contre les morts ne lui déplaisent pas non plus, tant
qu’elles lui restent profitables » (*) !
En ce dernier point, Bernard avait bien raison. Encore en 1300
et 1301, le roi et l’évêque partageaient amicalement les biens confis-

tormentorum fateri com pellit... sub praetextu liciti illicita, sub specie pietatis im pia
d penitus inhum ana,... fideles et subditos nostros, sub praetextu officii inquisitionis
huiusmodi exactionibus, excessionibus, oppressionibus, molestiis innumeris et grava-
minibus manifestis atterrit et affligit,... testes fallaciter subornatos inducat ad perhi­
bendum testimonium falsitatis». (Vaissète, X, col. 879). Fr. Foulques bien qu’étan t
formellement destitué à la fin du mois d’avril (B. Gui, H ist. conv.: Recueil,
XXI, 747 AB. Cf. Molinier, 91), siéga tout de même le 17 janvier 1808 (?) en
qualité de « inquisitor heretice p ra v ita tis in regno Francie auctoritate apostolica
deputatus • avec Bernard de Castanet, interrogeant Guillaume de Mauran
(f. 50v). Ceci ne peut être qu’une faute chronologique de la part du notaire,
car à cette époque G. de Morières était inquisiteur.
(') Voir sur lui Douais, I, 97, 184. Vidal, Bullaire, xxvr, 15. Vaissète. IX,
257-60; Hauréau, 48ss.
P) Déposit. d ’Arnauld Garsia, f. 70v-lr. « ... Maledicatur talis rex quia vult
confusionem hominum suorum. In veritate credo quod ipse nunquam faciet terrae
nostrae aliquod bonum. Vere ipse non est nisi tanquam unus porcus qui semper esse
vult iuxta uxorem suam; et homines tales semper sunt tim idi et nunquam aliquid boni
faciunt... » (f. 71r).

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210 DISCUSSIONES.

qués des prétendus hérétiques C1). Qu’on se souvienne aussi du procès


des Templiers (1307-14).
Les emmurés n’étant pas délivrés et Fr. Guillaume de Morières,
ainsi que Bernard de Castanet ne faisant suspendre les poursuites que
pour le moment, Fr. B e r n a r d rentra à N a rb o n n e (’) et décida
bientôt de faire en France une n o u v e lle d é m a rc h e . Chargé par
son p r o v in c i a l (3) de le remplacer aux états généraux de 1302,
et invité par le réformateur complaisant d’aller plaider la cause d’un
certain Bernard de Devèse (4), ancien trésorier de l’église d’Agen, qui
fut déclaré prisonnier d’Etat, notre lecteur s’empressa d’organiser
une deuxième députation (6 ) de citoyens d’Albi. C’était ce trésorier et
l’o r d re qui avaient pourvus aux dépenses du voyage de Bernard.
Arnauld Garsia et Pierre de Castanet, ses fidèles partisans, pri­
rent de nouveau part à cette députation. Même deux F r è r e s Mi­
n e u rs , à savoir J e a n H e c to r ( 6) et B e r t r a n d de V i l l a r d e l ( 7)
se déclarèrent ouvertement en faveur de la population et participèrent
à la démarche. Quelques femmes des emmurés, ainsi que la pauvre
Navenias, victime de Foulques, se joignirent à la députation. On espé­
rait que, mue par les larmes de ces femmes, la reine ferait des pas
énergiques auprès du roi indécis. D’ailleurs, Fr. Bernard ne perdit
aucune occasion d’instruire personnellement la reine qui, influencée aussi
par son confesseur, frère D u ra n d , O. F. M., donnait à notre lecteur
des « bonae responsiones >. En maintes circonstances, celui-ci parlait
de Jeanne de Navarre comme d’un ange gardien des persécutés (8). Mais
les prières de cette nouvelle Esther, ainsi que du réformateur et des
membres de la députation ne d é t e r m i n è r e n t p a s le ro i à faire
des démarches tendant à la révocation des inquisiteurs dominicains.
Les m o tifs de Philippe sont clairs; il ne voulait pas offenser
l’ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci se montrant, à cette époque,
fidèle au roi, qui avait un nouveau différend avec le pape (e ).

O Douais, I, 96. (-) Déposit. de Bernard, f. 150v.


(3) Déposition de Bernard, f. 151r: « ... Fratre» ordinis citati fuerant pro
facto papae Bonifacii. Et minister voluit quod ipse loquens pro provinciali ibi ac­
c e d e r e t. (4) Hauréau, 50. •
(J Ce sont Arnauld Garsia (f. 69v-70r, 274r. 275r), Pierre Probi (f. 264v,
265r. 266v), Raymond Baudier (f. 240r), Pierre de Castaneto (f. 55v), Bernard
Fenasse (f. 245v) et Guillaume Fransa (f. 46v, 256r) qui parlent de ce voyage.
Voir aussi l’article 13 et 29 de la II e série d ’accusations et l’article 14 de la
I' série. Fr. Bernard est très bref: f. 151r-v, 134v. (6) Hauréau, 75. Lea, II, 81.
d) Hauréau, I. c. Lea, 1. c. (H) Déposition du Dominicain Raymond
Arnauld, f. 286v. V. la déposition de P. Probi, f. 264v.
(v) V. Lea, II, 87 et n. 1. Molinier, 126. Voir G. P ic o t, Documents relatifs
au.r états généraux et assemblées réunis sous Philippe le Bel, Paris 1901, 381-8.
P. Mortier, O. P r., Histoire des Maîtres généraux de l’ordre des Frères Prêcheurs,
II, Paris 1905, 409-17. Voir AFH X, 5-7.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 211

Pourtant, le roi promit de venir dans le Languedoc, pour régler


personnellement la question inquisitoriale et offrit aux plaignants
mille livres tournois ( 1). De retour à A lb i, Fr. B e r n a r d D é li ­
cieux fit convoquer une grande assemblée, à laquelle plus de 500
personnes prirent part. Electrisant la foule par sa parole hardie, il
communiqua la grande nouvelle de la prochaine arrivée du roi et
somma les assistants de participer à la levée d ’un subside, tant né­
cessaire pour hâter le moment du triomphe. Tout le monde souscrivit
et donna, après, des sommes plus ou moins grandes. Arnauld Garsia
donna cent livres, quelques autres-cinquante, etc. C’était maître Ar­
nauld Gallinier (*), notaire royal d ’Albi, qui dressa la liste des sous­
criptions (’).
Les Frères Prêcheurs, * egentes et angustiati et afflicti*, tenaient
tête, avec beaucoup de calme extérieur, à la foule, toujours hostile et
menaçante, tout en m ettant par écrit les noms et les actes des ag-
gresseurs, afin d’être prêts à toute éventualité (4).

§ 4. - Le funeste traité de paix avec P inquisition. Les pré­


dications de Fr. Bernard Délicieux. Les nouveaux troubles
de Carcassonne.
Tandis que les citoyens d’Albi, se trouvant sous l’impression des
abus inquisitoriaux commis pendant le grand procès dans cette ville,
se groupèrent vite sous l’égide de B e r n a r d , leur < héros », les C a r-
c a s s o n n a is , tout en convoitant, eux aussi, de semblables succès,
hésitaient à se soulever contre l’inquisition détestée.
Que de fois déjà en avaient-ils appelé au pape et au roi, mais
sans arriver à un résultat! (8). Philippe le Hardi et Honorius IV ne
prêtèrent pas une oreille attentive à leurs recours réitérés. Les bour­
geois ayant fait des démarches simultanées auprès de Boniface V III
et de Philippe le Bel, le premier s’offensa pour un rien et congédia
les représentants des mécontents, tandis que le roi, qui peu avant

(') Bernard Fenasse suppose que la reine en était la donatrice. Notre


lecteur retint de cette somme 100 livres, et Fr. J e a n H e c to r 50. Aucun
témoin ne confirme l’article 29 de la II e série d ’accusations, et ne sait rien
au sujet de la lettre royale mentionnée dans l’article 13 de la même série.
Guillaume Fransa nomme Pierre Probi et Philippe Olric (Douais, II, 305,
318. Hauréau, 108. Mahul, V, 656) comme participants. Pierre Probi affirme,
par contre, qu’il n ’a rien eu à faire avec la députation. Il reconnaît, pourtant,
avoir vu en France Fr. Bernard avec les femmes des emmurés.
Douais, II. 805, 317, 340.
<3 » Déposit. d’Arnauld Garsia, f. 71v-2. Voir sur celui-ci et Bern. Fenasse,
aussi Picot, 147. (4) B. Gui, Hùt. conv. Albien.: Kecueil, 748 I.
Vidal, J. Galand, 6, 39-43. Vaissète, IX, 334, 336. Sarraute, Le logis, 40s.

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212 DISCUSSIONES.

cette époque, avait fait la paix avec le pontife (*), n’hésita pas à
enjoindre, le 5 septembre 1298, à ses vassaux, sénéchaux et baillis
de prêter main-forte à l’inquisition, conformément à la constitution bien
connue de Boniface (*). De plus, nous trouvons quelque temps après
« sous le même 4 vidimus ’ du juge de Carcassonne, Raymond Costa,
la constitution du pape et la lettre du roi > (s ).
Les bourgeois, las de lutter, demandèrent enfin à Fr. Nicolas
d’Abbeville, O. Pr., les c o n d itio n s qu’il poserait à une entente avec
la ville. En présence de Bernard de Castanet, de Bérenger Frédol,
alors évêque de Béziers, de Fr. Bertrand de Clermont, O. Pr., et d’au­
tres dignitaires, l’inquisiteur avisa le peuple, assemblé le 27 avril 1299.
qu’il proposait de ne punir que les hérétiques manifestes et leurs
fauteurs, dont la culpabilité serait légitimement prouvée, et que les
pénitences seraient imposées par les évêques présents et Arnauld
Nouvel, abbé de Fontfroide. Après en avoir mûrement délibéré, la
communauté r e f u s a ces conditions (*).
Ce n’est que le 8 octobre de la même année qu’elle se déclara
p r ê t e à conclure la paix. Au nom des consuls (8) et des habitants,
maître Guiraud Galard reconnut les crimes imputés, à savoir: 1° l’aide
fourni par la population, pendant plus de trois ans, aux sept citoyens i6 ),
dont l’hérésie fut prouvée par des témoins concordants, et 2° 1’ < bn-
pedimentum officii inquisitionis >. Le représentant de la ville implora
humblement l’absolution de la sentence d’excommunication, encourue
4 cause de ces délits, après quoi les consuls abjurèrent l’hérésie au
nom du peuple. En absolvant la communauté (7), l’inquisiteur n’exigea
que la punition de quelques citoyens qu’il indiqua par leur nom. et
imposa comme pénitence aux autres habitants du bourg de faire bâtir
une chapelle de Saint Louis, roi, dans le couvent dominicain, tout en

(*) Langlois, Hist. de France, III, II, 1901, IBôss.


(2) C 12 in V I“, 1. V, tit. II, de haeret.
(8) Douais, I, 87, 22$). Lea. II, 67.
(4) Vaissète, X , preuves, 278-81. M ahul, V, 651. Lea, II, 69.
(5) A rnauld F ournier, n otaire, A rnauld de N aL aura, m enuisier, G uillaum e
M anifacier, Pons Cassanhas, R aym ond de M ontlegun, Gui Sicred, Pierre
T errien e t P ierre Marseille.
(®) G uillaum e G arrie, G uillaum e B runet e t au tres, excom m uniés solen­
nellem ent le 26 ju in 1296.
(7) Vaissète, 1. c. Lea, II, 70. Citons le passage su iv an t de la réponse de
l’in q u isiteu r: • N os... recepto iuramento a dictis consulibus... dictae universita­
tis... de stando mandatis Ecclesiae, iuxta iuris formam o m n i h a e r e s i a b i u r a t a ...
praedictos consules et a lios..., petentes et volentes, a fautoria et quolibet genere p a r­
ticipationis p e r ipsos cum ... excommunicatis... a b s o lv im u s iuxta iuris formam:
etiam mortuos corde contritos... et omnes sententias a nobis... super praediatis
la ta s..., relaxam u s...*.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 213

ajoutant que celui qui, désormais, « pro deffensione actenus se opponat,


tel deffensionem assumat, nisi quantum sibi legitime et secundum
cursum et stilum inquisitionis competerit, sine fraude; quod si fa ­
ceret, ipso facto, usque in terciam generationem, omni publico officio
honoris vel dignitatis imperpetuum non fungatur ». Les consuls promi­
rent de satisfaire à toutes les conditions posées, et prêtèrent serment (’).
Ainsi, par la bouche des consuls, les habitants avouèrent avoir
conversé, pendant plus de trois ans, avec des hérétiques, et reconnu­
rent la légitimité de l’excommunication (*). Ils'é ta ie n t « réconciliés ».
Mais, dès ce moment, chaque action insignifiante contre le saint-office
pouvait parfaitement être interprétée par l’inquisiteur quelque peu
habile, comme une rechute dans Fhérésie. Alors, de plein droit, les
«relaps » devaient être mis à mort (’), tandis que Fincapacité d’oc­
cuper des offices publics ou de jouir d’aucun bénéfice ecclésiastique
devait frapper encore leurs enfants jusqu’à la troisième génération (*).
De plus, le concile de Béziers de 1254 avait statué que les récon­
ciliés eux-mêmes « ne pouvaient être relevés de ces déchéances que
par l’autorité du pape ou de son légat » (6).
De concert avec les consuls et avec quelques dignitaires, Fin­
quisiteur ayant en vue de se servir au moment voulu d’un atout
redoutable et ne pouvant pas y parvenir ouvertement, c a c h a à la
communauté l’abjuration prêtée par les consuls, ainsi que les suites
funestes possibles que celle-ci comportait. Pour donner à la pièce
plus de poids, il y inséra frauduleusement les noms de quelques per­
sonnes notables, comme ayant assisté à l’abjuration. P ar corruption,
le sénéchal et le juge-mage scellèrent la pièce sans en avoir examiné
le texte. Ainsi croyant avoir amené l’accord avec moins de pertes que
s’il avait été conclu à la base des conditions proposées le 27 avril,
le peuple tomba dans une profonde passivité. Ce n’est qu’un choc
puissant qui aurait pu provoquer le réveil de la résistance aux
abus inquisitoriaux. C’est Fr. B e r n a r d D é l i c i e u x qui, en dé­
masquant la ruse de Fr. Nicolas d’Abbeville, amena ce choc.

(b Parmi les délinquants qui devaient être punis, nous trouvons les noms
d’Aymeric Castel (voir supra, p. 194ss.), d’Arnauld Villaudegut et de Guillaume
André. Ces deux derniers étaient bien ceux qui se réfugièrent, en 1296, au
couvent fr a n c is c a in où ils avaient été cités par Fr. Foulques. Nous
voyons Etienne Auriol, un des compagnons de Foulques, siéger parmi les
témoins du traité de paix, ainsi que François Ricoman, Foulques et B er­
nard Gui, alors prieur à Carcassonne. D’après Historia conventuum de ce
dernier, la construction de la chapelle fut terminée en 1300. Elle coûta 90 li­
vres tournois (Recueil, XXI, 748). (*) C. 18 in VI° de haeret. V, 2: c. 13 X
de haeret. V, 7. (3) C. 8 in VI° de haeret. V, 2.
i*) C. 2 in VI° de haeret. V, 2. (5) Tanon, p. 543.

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214 DISCUSSIONES.

Protégé par son ordre, (dont la rivalité avec les Dominicains est bien
connue), et dont l’intention d’assumer Fexercice de l’inquisition dans
le Languedoc nous paraît assez vraisemblable, B e r n a r d , après son
deuxième voyage en France, ne retourna plus à son poste narbonnais.
On le voit alors p a r c o u r i r le p a y s et organiser la résistance des
mécontents, comme en vue de la prochaine arrivée du monarque, ainsi
aussi en vue de la libération proposée des emmurés d’Albi.
Mi-mai 1303, il apparut dans la ville de C a rc a s s o n n e , afin d’ap­
puyer les négociations de Jean de Picquigny avec le nouvel inquisi­
teur, Fr. Geoffroy d’Ablis, O. Pr. (’), au sujet des prisonniers languis­
sant dans le cachot de l’inquisition (*). A la fin de juin, après le départ
du réformateur se rendant de nouveau à la cour du roi pour demander
les instructions nécessaires, notre Franciscain prononça un éloquent
discours à C o rd e s, éprouvé aussi par les membres du saint-office (s ).
Vers la fin de juillet, pendant la reprise des négociations entre le ré­
formateur, revenu de France, et l’inquisiteur, Fr. B e r n a r d arriva à
C a rc a s s o n n e . Une * multitudo seditiosa * l’accompagna (*). Prête
à tout, cette foule devait prendre part aux réunions convoquées par
Jean de Picquigny voulant connaître l’opinion du peuple au sujet des
pas à faire en vue de la délivrance des prisonniers. Une des réunions
eut lieu au c o u v e n t des F r è r e s M in e u rs , une autre dans la
maison de Raymond Costa (5), évêque d’Elne (6).
Mais les Carcassonnais restaient toujours passifs. E t le réforma­
teur qui n’avait pas reçu en France des instructions précises, hésitait
à agir énergiquement, sans être sûr de l’appui absolu de la popula­
tion. Les Carcassonnais se disaient être « in tanto dominio et timore,
quod populus non audebat mutire >(7). En outre, on avait conclu la
paix avec l’inquisition. Alors, le réformateur exprima le désir de con­
naître son texte. Les anciens consuls qui conservaient la pièce, mais
ne voulaient pas la produire, furent contraints à obéir. C’est Fr. B e r­
n a rd qui découvrit vite la fraude (8).

C) A u tre m e n t d it G. d ’A bluses. D ouais, I, 39, 137, 198-203, 208; II, 337s.


H a u ré a u , 48, 58, 62, 83, 132, 137, 176ss. 192, 193. M olinier, 84, 107, 121 n o t.,
124ss, 126ss, 159ss. V aissète, IX , 258, 259. L ea, II, 70, 81ss, 85, 87, 92ss, 104,
106; I, 380, 493. H a u ré a u , Geoffroy d'A blis, d a n s H ù t. littér., X X X , 417ss.
V idal, Bullaire, 5, 13-5, 47, 158, 248. 276. B. G ui, H ist. convent.: M a rtè n e , VI,
514C. P h il. a L im b o rc h , Liber sentent. 38ss, 94, 98ss, 183ss. M ah u l, V, 643, 655.
(2) S u r ce d o n jo n v. S a rra u te , Le logis, 33ss.
(3 ) A rticles 14-17 de la I I e série d ’a cc u sa tio n s. D éposition de P ie r r e P ro b i,
f. 266v. D ouais, I, 38, 137 n o t. 4, 216; I I, 806s, 311, 313, 335ss, 839ss, 314-9.
(♦) A rtic le 18 de la I I e série. (5) V aissète. IX , 305 n. 2. D ouais, I, 56.
H a u ré a u , /?. Costa, d a n s H ist. littér. X X V II, 416. («) D éposit. de B e rn ard
Dél. f. 156r, 160r. (7) D éposit. d u m êm e, f. 160r.
(*) Les é v én e m e n ts se r a tt a c h a n t à c e tte d é co u v e rte so n t c o m m u n iq u és par
les personnes s u iv a n ts : A rn a u ld G a rsia (f. 275r), A rn a u ld M arsend (f. 223r-5r,»,

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 215

Le 4 août 1303 il prononça à ce sujet un s e r m o n enflammé dans


l’église du couvent. La majeure partie du bourg y assistait. D’abord,
il lut le texte Luc. 19, 41 : « Jésus s’approchait de Jérusalem, et à la
vue de cette ville, Il pleura sur elle... ». Fr. B e r n a r d commença
alors à sangloter, en s’essuyant les larmes avec les manches de sa
tunique. La faiblesse vaincue, il communique aux fidèles la fraude
inquisitoriale, l’abjuration, tenue en secret, et ses conséquences pos­
sibles (’).
Un cri de rage du peuple trahi contre les fraudeurs fut la ré­
ponse au discours. C’était l’apathie rompue, c’était le réveil dans la
résistance, c’était un triomphe de Bernard. Les Carcassonnais, eux
aussi, virent bientôt dans le Franciscain hardi leur «héros », dont la
présence triplait leurs forces et faisait s’évanouir l’arrogance des en­
nemis.
Non content du succès obtenu, B e r n a r d prêcha, bientôt après,
dans d’autres églises du bourg, en tâchant de gagner toute la popula­
tion à sa cause. En psychologue profond, il employait des p a r a b o ­
les, capables d’impressionner l’esprit du peuple. Mentionnons comme
exemple la parabole du saint homme: Il y avait une fois un saint
homme. Quelques drôles, pour soumettre à une épreuve sa sainteté,
l’accusèrent de toutes sortes de péchés, dont il était innocent. « Tu
as violé une femme ! » criait l’un d’eux. « Que Dieu te pardonne ! »
répondit le saint. « Tu as pillé un marchand ! Tu es un assassin ! »
vociférait un autre. Enfin, les drôles ayant usé tout leur répertoire

Bernard Isarn (f. 199r-v), Bernard Trevas (f. 280v, 281r-v, 282r), Brun de
Montcabrier (f. 221v-2r), Gérauld de Meldis (f. 216r-v), Gui Sicred (f. 211r-v,
212v, 213r), Guill. Arnauld Prexian (f. 286v-8v), Guillaume Hugues (f. 227r),
Guillaume Olivède (f. 206v-7v), Guillaume Rabaud (f. 214r, 215r-v), Guil­
laume de Villeneuve (f. 209r-v), Helis d’Alairac (f. 297v), Jean Marsend
(f. 204r), Philippe Perrin (f. 220v), Pierre Garsia (f. 286r-v), Pierre Guila
(f. 289v), Pierre Vital (f. 193v-4), Pons Simon (f. 291r-v), Pons de Villesèque
(f. 292r), Raymond Arnauld (f. 234r-v, 236) et le p ré v e n u (f. 122v, 129r-v,
135ss, 153, 160r-v, 161r). — V. les articles 19-23, 26-27 de la IIe série et l'ap­
pendice à ces articles, ainsi que l’art. 3 de la Ie série.
f) Dépos. de Raymond Arnauld, de Bernard Trevas, de Pierre Vital,
d Arnauld Marsend, de Pierre Garsia, de Guillaume Arnauld Prexian, de
Pierre Probi et de Pons de Villesèque. — Bernard Trevas se souvient que,
pendant le sermon, le Franciscain montrait du doigt, ça et là, dans la foule
et affirmait voir des traîtres. Le témoin, intimidé, quitta alors l’église. En
entendant la philippique, le témoin Arnauld Marsend courut vite chez son
beau-père, maître Arnauld Fournier, qui, de même que le témoin, participa
à la conclusion du traité de paix, et lui communiqua les déclarations de
Bernard. Gui Sicred, ancien consul, qui fut contraint à présenter la fausse
pièce au réformateur, partit immédiatement pour Toulouse avec Arnauld pour
annoncer la nouvelle à Fr. Geoffroy d’Ablis.

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216 DISCUSSIONES.

sans réussir à le troubler, finirent par le traiter d’hérétique. Devant


cette injure, le saint sortit de sa réserve et frappa rudement du poing
les calomniateurs (l ). Et Bernard exhortait les assistants à suivre
l’exemple de ce saint homme (*).
Fr. Bernard savait prendre l’allure populaire et parler le langage
simple allant au cœur des masses; les dépositions témoignent de sa
grande éloquence (’). Ses s e rm o n s et discours sont ordinairement
courts et parsemés de comparaisons et de paraboles, ce qui correspon­
dait parfaitement à la façon de la prédication franciscaine. En même
temps. Bernard possédait un don exceptionnel de saisir la foule par sa
parole et de l’exciter à la lutte. Fr. Berthold de Ratisbonne, O. F. M.,
connu pour ses belles paraboles, est plus élevé, mais non si simple
et si naturel. En se conduisant en chaire comme dans une assemblée
du peuple, Bernard reste pourtant étranger aux singularités d’un
Vincent Ferrer, O. Pr. Ne connaissant qu’une très mince partie des
sermons de notre Franciscain, nous ne pouvons pas jugeb, si son ta­
lent dépassait celui d’un Fr. Hugues de Digne, son célèbre confrère (*).
Le 10 août, arrivé en hâte de Toulouse, Fr. Geoffroy d’Ablis,
intimidé par l’attitude menaçante de la foule et perdant la tête, fit
convoquer le peuple devant la maison de l’évêque, pour faire donner
lecture de son interprétation du traité de paix, en déclarant que les
consuls n’avaient pas avoué que la ville aurait prêté assistance aux
hérétiques, que ces consuls n’avaient pas demandé absolution et que
la population n’avait pas été absoute, car elle n’avait pas été excom­
muniée (a). Alors, la colère du peuple, entendant cette négation

(’) Déposit. de G érauld de Meldis e t de G uillaum e R abaud.


(2) Selon to u te probabilité, B ernard p rit la parabole des Fifœ Patrum,
où nous Pavons cependant inutilem ente cherchée.
(8) V. les déposit. de B ernard A udiguier (f. 238r), de Bern. T revas (f. 281),
de G ui Sicred (f. 210r), de G uillaum e Olivède (f. 206r), de G uillaum e R abaud
(f. 215), de Guill. de Villeneuve (f. 209r), de Je a n G au th ier (f. 800v), de P ierre
G uila (f. 289v) e t de R aym ond L ecourt (f. 261r). Cf. l’article 8e , 4e e t 7e de
la II e série.
(4) Cf. Fr. Salimbene, Cronica, ed. H older-Egger, MGH SS X X X II, 225-36,
238-51.
(s ) Collect. Doat, t. 34, f. 23: « Declaramus... consules praedictos seu eorum
consiliarios in dicto instrumento nomi-[f. 23v]natos pro se vel universitate praedicta,
vel singulis de eadem per ea quae dixerunt seu dici fecerunt, vel per ea quae conti­
nentur in instrumento praedicto m in im e co n fesso s fu isse , se vel dictam univer­
sitatem esse vel fuisse haereticorum fautores, nec absolutionem petiisse, nec etiam ab
eodem pro dicta fautoria a b so lu to s fu isse ... Item quod propter abiurationem
haeresis quam praedicti consules, consiliarii et alii singulares homines qui tunc erant
praesentes suo et universitatis nomine tunc fecisse dicuntur, vel alia quaecumque
dicta, confessa vel petita per eos et contenta in instrumento praedicto [f. 54r] ad

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 217

effrontée, devint de la frénésie. Au cours de cette même journée, la


foule révoltée, en poussant des cris: * Ad proditores mascaratos! •
démolit une quinzaine de maisons, appartenant aux anciens consuls
et aux amis de l’inquisition (’). Fr. B e r n a r d était assez populaire
et assez puissant pour pouvoir arrêter la « dirutio domor um ». Mais
il ne s’y opposa point, vu sa haine contre les imposteurs (’ i.
Les Dominicains envoyèrent tout de suite leurs délégués au ré­
formateur qui avait quitté Carcassonne quelque temps avant ces évé­
nements. Le peuple le pria aussi de venir. Ne voulant céder à aucun
prix, et s’attendant à une riposte énergique de la part des amis des
Frères Prêcheurs, les Carcassonnais décidèrent d’organiser une milice.
C’était Elie Patrice (3), citoyen notable, appelé par Fr. Bernard Gui
le <petit roi » du bourg, qui assuma la charge de capitaine. Le zèle
de la milice paraît avoir été trop ardent. Il arrivait qu’elle maltraitât
de simples passants qui lui paraissaient suspects (4).
Quand le réformateur s’approcha de la ville, la foule se porta à
sa rencontre. Apercevant Guiraud Galard (principal participant à la
conclusion du traité de paix) qui accompagnait Jean de Picquigny,
le peuple voulant lapider le traître, poussa des cris: < Qu’il meure!
Qu’il meure ! ». Le réformateur se dirigea vers la maison de l’évêque
d’Elne pour y entendre Jes plaintes dominicaines, tandis que la foule
se porta à l’église des Frères Mineurs où Fr. B e r n a r d tâcha d’apaiser
la colère du peuple (6;. Mais le mouvement ayant gagné même les plus

aliquam poenam relapsi non tenenturi nec se obligaverunt, nec ipsos propter praedicta
ad dictam poenam esse volumus obligatos, vel aliquam labem haeresis ex contentis in
instrumento praedicto aliquatenus incurrisse... ». — V. la déposit. de Pierre Vital.
(’) Déposit. de Guillaume Arnauld Prexian, de Guillaume Olivède, de
Guillaume de Villeneuve, de Gui Sicred, de Pierre Probi, de Pierre Guila et
de Pons Simon. B. Gui, Hist. conv. Carcass.: Recueil, XXI, 748 L, 744 A.
Lea, II, 82. Gui Sicred, Guillaume Arnauld Prexian et Bernard Isarn affir­
ment, sans donner des preuves, que la destruction fut préméditée.
(*) Bernard Regis ayant demandé à B e rn a r d pourquoi celui-ci* n ’avait*
pas empêché la destruction de la maison de l’interlocuteur, le Franciscain
répondit: «Tu l’as m érité!». (Déposit. de Bernard Isarn).
Hauréau, 80, 59s, 75, 91s, 98-6, 98, 100, 103-9, 112. 128, 126, 12$), 135.
Lea, II, 88, 90. Molinier, 88. Vaissète, IX, 227-8, 335, 391. Douais, I, 216; II, 814.
Vidal, Bullaire, 6, 19. Mahul, V, 657; VI, I, 11. B. Gui, Hist. conv.: Recueil,
743 K, 744 U.
(4) Ainsi Brun de Montcabrier •allant de Saissac à Carcassonne fut arrêté
près de Villeneuve-d’Olmes, par des gens armés affirmant qu’il était du parti
du traître Lam bert de Saissac (Mahul, V, 341, 653; VI, 1, 11, 880. Finke,
Papstum und Untergang des Tcmplcrordcns, I, 157; cf. 823. Vaissète, IX, 81.
Douais, II, 311 et not. 1). Ils b attirent Brun de telle façon qu’il d ut garder
le lit pendant sept semaines. (Déposit de Brun de Montcabrier).
(5) Déposit. d ’Arnauld Marseud.
Archivum Francùcanum Historicum. — A N . XVII. 15

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‘218 DISCUSSIONES.

paisibles bourgeois Q , il n’était pas facile de calmer les esprits. Du­


rant plusieurs années, les railleurs voyant passer les Dominicains ou
leurs amis, imitaient les cris des corbeaux (2 ), ce qui offensait pro­
fondément les maîtres d’hier. On comprend, dès lors, la joie maligne
de Fr. Bernard Gui, O. P., qui, ayant vu la révolte étouffée d ’une
façon sanglante, insérait dans son « Historia » la remarque suivante :
« E t qui prius insaniendo contra Fratres Praedicatores voce corvina
crocitabant, corvis fuerunt expositi crocitandi >(3 ).

(A suivre).
Dr. Phil. MICHEL DE D MITREWSKI.

(*) V. a rt. 28 de la I I e série.


(2) Déposit. de B ernard Trevas.
Hist. conv. Carcass.; Recueil, 744 D. En ce qui concerne les fenêtres,
brisées dans l’église dom inicaine (V. a rt. 26 de la I I e série), il ne s'a g it que
d 'u n to u r de gam in (Déposit. de Bern. Trevas, d 'H elis d ’A lairac e t de G uil­
laum e Olivède. Voir B. Gui, 1. c. 748 FG). Les D ominicains se p laignirent
aussi à B érenger Frédol e t à A rnauld Nouvel (v. a rt. 27 de la même série;.
La réponse que B e r n a r d leur a v a it donnée, reproduisait parfaitem en t son
anim osité d'alors (cf. la déposit. de B ernard, f. 137r).

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 183

FR. BERNARD DÉLICIEUX, 0. F. M.


SA LUTTE CONTEE L'INQUISITION DE 0AB0A8S0NNE ET D’ALBI,
SON PROCÈS, 1297-1319 (a)

Avant-propos. Sources et Bibliographie.


Le Franciscain Bernard Délicieux fut une des individualités re­
marquables parues au X IV e siècle, période de transition du moyen
âge à la renaissance. Il fut théologien, diplomate, canoniste, nécro-
ta; SUMMARUM. — De ingenio Fr. Bernardi Deliciosi, in genere agitur; de
actis processus ipsius, atque bibliographia texitur. — § 1. Plures inquisitorum
excessus Carcassonae et Albiae cives concitaverunt. Fr. Bernardus Deliciosi,
qui habitum O. F. M. in provincia Provinciae an. 1284 induerat, an. 1296
lector Carcassonae una cum guardiano et aliis Fratribus Min., tunc inquisi­
toribus, aliquot cives in conventum confugientes in ius vocantibus restitit. —
§2. An. 1297 Fr. Nicolaus de Abbatisvilla, O. Pr., inquisitor, corpus Castelli
Fabri, qui an. 1278, sex Fratribus O. Min. sibi assistentibus, obierat et in
horum coemeterio tumulatus fuerat, exhumare voluit, quia in extremis labo­
rans • haereticatus » fuisset. Res ad curiam Romanam, noinine civium, de­
tulit Fr. Bernardus D., quem ibi promovebat Fr. Amantius de Motha. pro­
curator generalis Ordinis Min. Causa tamen non processit, civibus summas
promissas non solventibus. Inquisitore, mense iunio 1300, defensores Castelli
in iudicium evocante, Fr. Bernardus, iussu ministri sui provincialis causae
patrocinium sibi assumpsit, cumque 4 iulii 1800 coram inquisitore comparuit,
hic rem in aliam distulit diem; sed 10 iulii Fr. Bernardus secundo compa­
rons et ianuas domus inquisitoris clausas reperiens, eis appellationem contra
eiusmodi agendi rationem affixit. Causa Castelli nonnisi an. 1818-19 decisa
est. — § 8. Magnus processus ab episcopo Albiensi et Fr. Nicolao, O. Pr., prae­
fato, Fr. Fulcone de Sancto Georgio, O. Pr., etc., contra 86 accusatos Albiae
instructus an. 1296-1300 iram populi excitavit, cum plures excessus inquisito­
rum propalarentur. Tales accusationes Fr. Bernardus D. recolligebat easque
cum aliquibus civibus ad regios Magistratus Tolosam detulit. Qui statuerunt
causam ad regem esse deferendam; legationemque, cum civibus, in se suscepit
Fr. Bernardus. Coram rege an. 1301 Parisiis iste excessus inquisitorum detexit,
petens u t inquisitores officio suo destituerentur. Philippus Pulcher, rex Fran-
ciae. episcopum Albiensem poena pecuniaria mulctavit et Fr. Fulconem officio
privari iussit; « immurati • vero liberati non fuerunt. An. 1802 Fr. Bernardus
D. denuo Parisios perrexit cum civium Albiensiuin ablegatis, causam illam
gravem peroraturus; sed exitum optatum non obtinuit a rege, qui tamen
promisit se Albiam fore venturum, causam decisurum. Quem nuntium populo
in concionem Vocato Fr. Bernardus Albiam redux attulit. — § 4. Consules
civium Carcassonensium 8 oct. 1299 cum inquisitore Fr. Nicolao de Abbatis­
villa, O. Pr., pacis pactum inierant, gravibus sub conditionibus, cum ageretur
de « Fautori a haereticorum», quae conditiones ideo civibus occultabantur.
Cum, mense iulio exeunte. « reformator regius • textum instrumenti pacis
noscere vellet, fraudes in illud insertas Fr. Bernardus D., qui populum con­
tra inquisitores commovebat, statim deprehendit et denuntiavit, praesertim
in sermone in ecclesia O. F. M. 4 augusti 1303 habito. Fr. Gaufridus de Ablis
(de Ablusiis), O. Pr., inquisitor, successor Fr. Nicolai, 10 augusti modo suo
pacis clausulas explicans, seditionem civium eo magis exacuit. Cives concitati
plures domos consulum priorum et inquisitoribus faventium destruxerunt,
militiamque popularem conscripserunt. [NOTA DIRECTIONIS].

• zed b y L iO O Q lC
184 DISCUSSIONES.

mancien, mystique, orateur populaire remuant et fougueux, défenseur


de la théorie de la souveraineté du peuple et enfin un des porte-voix
des Franciscains Spirituels. Dans tous ces domaines il atteignit une
certaine perfection. En même temps, il restait fidèle à toutes les con­
ceptions fondamentales du moyen âge, ce qui fut d’ailleurs propre à
maints hommes de la renaissance (’). Tout compte fait, Bernard est
un des représentants remarquables de la vie mouvementée française
du XIV e siècle (■).
Notre Frère Mineur est surtout connu pour sa défense des Spi­
rituels (*) devant Jean X X II et pour son procès politique et criminel,
intenté en conséquence, et formant une des causes célèbres du siècle
susdit, troublé par tant d’enquêtes monstrueuses où l’on trouvait mêlés
à des griefs plus communs l’hérésie, la magie et d’autres « crimes
énormes > (4). Le procès de Bernard confirme et augmente l’impres­
sion, si forte, que donnent les deux grandes affaires tragi-comiques
de Boniface V III et des Templiers (ft). Quoique couvrant, lui aussi,
une action politique, le procès de notre Franciscain fut pourtant dé­
pourvu de ce qui pouvait en faire une de ces causes retentissantes. Ce
ne fut pas un grand dignitaire ecclésiastique qu’on vit monter sur le
banc des prévenus, mais un simple Frère Mineur. Le tribunal ne se
réunit pas, non plus, à Paris, centre de la vie intellectuelle du roy­
aume et avide d’affaires sensationnelles, mais à Carcassonne se trou­
vant alors sous le régime de terreur exercé par les inquisiteurs. La
nature et le nombre des crimes lui imputés ne pouvaient pas, non
plus, impressionner profondément l’imagination populaire, comme dans
les affaires de Guichard de Troyes ou d’Enguerrand de Marigny, car
il s’agissait essentiellement de l’aide prêtée à de prétendus héréti­
ques et à leurs fauteurs et de l’opposition à l’exercice de l’inquisi­
tion. Des accusations semblables étaient alors rien moins que rares.

(*) Cf A. v. M artin, Mittelalterliche Welt- und Lebensanschauung, München


1913. 19ss.
(-) Il est hors de doute que les ju g em en ts tendancieux qui voient en lui
ou un m a rty r méconnu ( A n g e de C la r e n o , Hist. V II trib.: ALKG, II, 145ss.
et E. J o l i b o i s dans la Revue hist. du département du Tarn, t. I, 1875-1877,
p. 263, col. 2) ou un d é tra c te u r dangereux du trav ail paisible de l’Eglise et
de l'E ta t (B e rn . G u i, O. P r., U ist. couvent.: Recueil, X X I, 743 K , 744 C,
749 E, et Franc. B a l m e, Une page de M. Hauréau, dan s: La Controverse, t. II,
1881. p. 786-50) sont foncièrem ent erronés.
(s ) Nous avons exposé l’évolution des idées sui’ la pauvreté, pour lesquelles
lu tta ie n t les S pirituels: Die christliche freiicillige Arm ut vom Ursprung der
Kirche bis zum 12. Jahrhundert, Berlin und Leipzig 1913. Le d ern ier p arag ra­
phe: Ausblick, p. 89-97, tra ite des Franciscains. Voir A FH VI, 799.
(4) A. R i g a u l t , Le procès de Guichard, évêque de Troyes, P aris 1896. p. n.
C; E. L a v is s e . Histoire de France, t. III, 2, P aris 1901, p. 201.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 185

En ce qui concerne le grief d’empoisonnement, par des artifices ma­


giques, du pape Benoît X I, les méridionaux ne pouvaient pas se lais­
ser duper par les hommes qui lancèrent cette accusation, car vers
cette époque, on ne souffrait pas, en Languedoc, de l’affolement ma­
gique, dominant ailleurs.
Le procès nous permet de mieux comprendre les conditions cul­
turelles et politiques contemporaines et nous fournit des renseigne­
ments contribuant à caractériser Philippe le Bel, Jacques I de Ma­
jorque, Clément V, Boniface V III et autres personnages souvent
nommés dans les annales de cette période. Mais il abonde surtout en
indications remarquables sur la procédure inquisitoriale et sur la lutte
de la population du Languedoc contre l’inquisition.
Ayant essayé de reconstituer la lutte antiinquisitoriale de Ber­
nard sur la base des actes de son procès, nous avisons le lecteur que
tous les témoignages pourvus simplement du numéro de la feuille,
ont été tirés des p iè c e s du p r o c è s de B e r n a r d , inscrit dans
le fonds latin N° 4270 de la B i b l i o t h è q u e N a tio n a le d e P a ­
ris. Les d e u x s é r i e s d ’a c c u s a t i o n s sont insérées à la f in et
examinées dans la s e c o n d e p a r t i e du présent travail. En ce qui
concerne les témoins, trop de noms nous sont inconnus, trop d’autres
sont à peine connus, trop peu (l ) nous restent des figures animées (2).
L e s S o u rc e s . — Il y a bien peu d’é c r i t s d e B e r n a r d ,
dont le texte nous soit parvenu intégralement, quoique les sources
parlent de nombreuses l e t t r e s , p l a i n t e s et p é t i t i o n s compo­
sées par lui. Toutes sont perdues, excepté un a p p e l contre la pro­
cédure de l’inquisiteUr Nicolas d’Abbeville (Copie dans la C o lle c tio n
Doat, de la Bibliothèque Nationale de Paris, t. 34, f. 123 ss.) et une
p é titio n écrite au nom des habitants d’Albi à l’épouse de Philippe
le Bel, où est implorée la protection royale pour Jean de Picquigny
et pour le peuple persécutés par les inquisiteurs (Coll. Doat, t. 103,
f. 83ss.). — Les a c t e s d u p r o c è s de Bernard et spécialement
les 60 articles proposés contre lui, les interrogatoires et le résumé
(*) V. Bigault, 1 o. p. x.
(*) Le présent travail fut écrit pendant la guerre, en captivité civile al­
lemande. Ce fut la cause principale de l’impossibilité où nous nous trouvions
d'élaborer le sujet avec l’ampleur et la profondeur voulues. Tout de même,
nous croyons que ce travail pourra combler quantité de lacunes, corriger de
nombreuses inexactitudes qu’on retrouve dans les travaux traitan t (on tou­
chant seulement) le même sujet. — Que notre m aître Mr. le Prof. H. Finke
reçoive ici le témoignage de notre respectueuse reconnaissance, ainsi que
M. l’abbé E. Sigrist, qui a mis tout son soin à revoir notre français. Nous
remercions également les PP. Michel Bihl, O. F. M. et Anselme Manser, O. S. B.,
dont les précieux avis nous ont aidé à améliorer le présent travail et à le tenir
à jour.
Archivum Franciscanum Historicum. — A N . XVII. 13

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186 DISCUSSIONES.

notarié détaillé de ses défenses par écrit et de ses confessions nous


communiquent souvent ses expressions mot à mot. — La source la
plus importante sont en effet les a c t e s d e so n p ro c è s, dont le
texte ne nous est parvenu que dans la c o p ie que fit faire E t i e n n e
B a lu z e , (fonds latin N° 4270 de la Bibl. Nat. de Paris).
Cette copie est décrite par Ch. M o lin ie r, L'inquisition dans le
Midi de la France au 13e et au 14e siècle, Paris 1880, p. 29-80. Cf. C.
Douais, Documents pous servir à l'histoire de Vinquisition dans le L a n ­
guedoc, t. I, Paris 1900, p. 42 note 1. Elle se divise, dans sa teneur,
en t r o i s p a r t i e s : 1°. Fol. B-64r contient, après une courte in tro ­
duction et une description de l’o u v e r t u r e du p ro c è s, la bulle de
Jean XXII Etsi cunctorum du 16 juillet 1319. Elle est suivie de d e u x
s é r ie d ’a r t i c l e s dirigés c o n tr e le p ré v e n u . La première série
compte 44, la deuxième 60 articles. Le résumé d’un se rm o n incri­
miné, sur Luc. XIX, 41-47, est ajouté à la fin de ce groupe. Plus loin,
nous trouvons les d é p o s itio n s de B e r n a r d et celles de t r o i s t é ­
m o in s faites devant les instructeurs du procès. — 2°. Fol. 64v-192v
contient l’i n t e r r o g a t o i r e et la d é f e n s e de B e r n a r d devant les
juges, la liste des té m o in s , la déposition d’A r n a u ld G a rs ia , ancien
partisan de Bernard, la s e n t e n c e du jugement du 8 décembre 1319,
l’a p p e l de Raymond Lecourt et de Raymond Foucauld qui trouvaient
la sentence trop douce, et enfin la bulle Cum nimis du 25 février 1320.
— 3°. Fol. 193r-307v renferme les té m o ig n a g e s à c h a rg e pendant
le procès. Toute cette copie est défectueuse en maints passages, ce qui
nous explique, pourquoi elle attend encore toujours son éditeur.
Le récit de B e r n a r d G ui, O. Pr., dans sa Historia fundationum
concentuum O. P. sur notre Franciscain et sur les troubles antiinqui­
sitoriaux à Carcassone et à Albi nous donne de précieux renseigne­
ments : M a r tè n e e t D u ra n d , Veter, scriptor. ampliss. collectio, VI,
I, col. 479, 514. Cf. Recueil des historiens des Gaules et de la France,
(cité: Recueil} XXI, p. 743, 744, 748, 749. L’auteur se montre très par­
tial. Tout de même, les faits sont racontés assez exactement. — Quelle
différence avec A nge de C la re n o , quand celui ci, favorable à Ber­
nard, parle dans son Historia septem tribulationum de l’audience papale
des Franciscains Spirituels de Narbonne et de Béziers, ainsi que du
triste sort de Bernard; ed. Fr. Eh rie , dans Arehiv f. Lit. u. Kirchen-
gesrh. (cité: ALKG), II, Berlin 1886, 144ss.; et I. von D ô llin g e r , Bei-
trage zur Sektengeschichte des Mittelalters, II, München, 1890, 520 ss. Sé­
journant alors continuellement auprès de la curie romaine, Clareno pou­
vait être très bien informé des événements qui s’y produisaient. Mais
en ce qui concerne le p ro c è s proprement dit, ainsi que la fin de Ber­
nard, les récits exacts lui manquaient. — L’esquisse d’une collection
des actes pour servir à l’histoire des Spirituels composée par R ay ­
m ond de F r on sac, O. F. M., est un complément précieux de l’exposé
d’Ange de Clareno: Fr. E h rle , Zur Vorgeschichte des Concils von
Vienne: ALKG, III, 29ss. Ecrivant le passage qui intéresse notre
sujet pendant la seconde moitié de 1318, et puisant à une source sûre,

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 187

Raymond est, en somme, plus digne de foi que Clareno. Il faut seule­
ment se remémorer le rôle que, selon Angelo, jouaient les Dominicains
au sujet de la reprise des vieilles accusations dirigées contre Bernard.
Les Dominicains, pleins de rancune, ne pouvaient pas être, cette fois, au
second plan, comme le veut Clareno. Leur esprit se fit alors partout sentir.
Dans ce sens, le m é m o ria l connu contre la Clémentine Multo­
rum, adressé par les inquisiteurs de Toulouse et de Carcassonne à
Jean XXII (Coll. Doat. t. 30, f. 91 ss.), nous paraît très significatif. J e a n
de S a in t-V ic to r, appelé aussi de P a r i s , aux renseignements sûrs,
parle dans son Memoriale historiarum aussi de l’entrevue de Jean XXII
avec Bernard à Avignon. Au sujet du procès, il est plus averti que Cla­
reno. Néanmoins, il ne mentionne pas l’accusation importante: l’empoi­
sonnement du pape Benoît XI: Recueil cité, XXI, 664.
Trois p a p e s mentionnent notre Franciscain dans leurs b u lle s :
Benoît XI, Clément V et Jean XXII. Tout différents qu’ils fussent de
caractères, ils prirent, naturellement, parti contre lui. Par la bulle
Ea nobis du 16 avril 1304, Benoît enjoint au provincial franciscain
d’Aquitaine de faire envoyer Bernard, accusé comme fauteur des hé­
rétiques, sub fida custodia auprès de la curie: E u bel, BuUar. Franc.
(=BF)V, n. 34, p. 19s.; H a u r é a u , B. Délicieux, Paris 1887, p. 190-1
[v. plus bas, p. 188s.]; J. M. V id a l, BuUaire de l’inquisition française
au 14e siècle et jusqu’à la fin du grand Schisme, Paris 1913, p. 3ss.,
num. 2. (Voir sur cet ouvrage: AFH VII, 352-5). — Un ordre semblable
est envoyé par Clément V : Multa cordis le 20 août 1305 au custode de la
custodie parisienne. La bulle a été publiée par le P. G r a ti en, O. Cap.
Deux bulles inédites de Clément V, dans Etud. Francise, t. 27, Paris-
Couvin 1912, p. 421 ss. (Voir AFH V, 811; BF V, 24, note 2; ibid. 44,
note 7). Par sa bulle: Etsi cunctorum du 16 juillet 1319 le pape Jean XXII
nomme trois juges pour statuer sur le sort de Bernard (Paris, lat. 4270,
f. 4r-6r; BF V, 171s., n. 372; Vidal, 48-50, n. 22), tandis que sa bulle
Cum nimis du 25 février 1320 aggrava la peine et réserva au pouvoir
papal le droit exclusif de la commuer. (MS. cité, f. 192r-192v; BF V,
180-1, n. 388; Vidal, 57, n. 27). Ainsi, les s o u r c e s en question ne sont
pas nombreuses; mais les seuls a c te s du p ro c è s nous présentent
souvent une telle masse de faits, qu’on ne remarque guère le manque
des autres sources.
B ib lio g ra p h ie . — Quand le nom de notre Franciscain apparaît-il
dans la l i t t é r a t u r e ? Il faut nommer d’abord W a d d in g , Annales
Minorum (I e édit., t. III, Lugduni 1636), qui décrit l’audience papale des
Spirituels à Avignon, ainsi que l’ouverture de l’enquête: ad an. 1318,
num. 24-27; t. VI, Romae 1733, II e édit., p. 320-1 (x). — Et. B a lu z e ,
publia les deux bulles de Jean XXII contre Bernard: II, 341-4: 16 juillet
1319 [= IV2, 279-81], II, 365: 25 févr. 1320 [IV2, 297 s.], la sentence du

(’) W adding qui s’y servit d’Ange de Clareno, Chron. V II trib., — il en


avait le texte dans le MS. 67 de sa bibliothèque de St. Isidore (Rome) —
appelle malencontreusement Fr. Bernard delli Consi, estropiant ainsi le nom
Deliciori.

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188 DISCUSSIONES.

8 déc. 1819: II, 844-58 [— IV2, 281-92], l’appellation du 9 et 10 déc. 1319:


II, 358-65 [= IV2, 292-7], et laissa, en maints endroits, la parole aux
actes du procès pour éclairer quelques questions politico-ecclésiasti­
ques: Vitae Paparum Avenionensium, t. I, Paris 1693, col. 623s., 636-8,
648s.; 672, 691-3, 753(1). — Le récit de Dom Jos. V a is s è te , Histoire
générale de Languedoc, Paris 1730-45, 5 vols.; III e édition, Toulouse
1872-92, 15 vols.; t. IX, 260, 277s., 389-98, représente un progrès im ­
portant. Les tumultes populaires à Carcassonne et à Albi, au commen­
cement du 14e siècle, sont liés ici habilement au procès de Bernard. De
plus, l’auteur ne se contente pas d’utiliser les sources immédiates; il
fait valoir une série d’actes inquisitoriaux. Ainsi, on peut voir dans le
récit de Vaissète la première tentative heureuse de traiter l’affaire de
Bernard tout À fait scientifiquement.
L’époque de la Grande Révolution ne nous apporta rien. C’est seu­
lement la Restauration qui nous donne quelques travaux d’ailleurs long­
temps dévancés. Quoique C h a rle s S c h m id t, Histoire et doctrine de la
secte des Cathares ou Albigeois, I, Paris 1849, 342 ss.) ne parle que peu
de Bernard (346, 351, 352), il décrit avec profondeur son époque. Il ex­
ploite, en excellent connaisseur, l’immense Collection Doat et relève la
présence du catharisme là où, selon la persuasion de notre Franciscain,
il n’y avait pas une trace de l’hérésie. — Le tome XXI du Recueil des
historiens des Gaules et France, Paris 1855, qui contient 1’ « Historia •
de B e r n a r d G ui, et le Ve tome du Cartidaire... de Carcassonne par
M a h u l (Carcassonne-Paris 1857-82 ; 6 vols.) publiant maints actes de
l’inquisition, étant parus en 1867, les sources sur Bernard et son
temps devinrent plus accessibles. Il ne restait plus qu’à explorer avec
soin le MS. de la Bibl. Nat. de Paris fo n d s l a t i n N° 4270 pour pou­
voir écrire un grand ouvrage donnant, en quelque sorte, une synthèse
de tous les travaux précédents et éclairer les faits en se servant des
moyens qu’offre la science historique moderne.
Ce fut B a r th é le m y H a u r é a u qui entreprit cette tâche. Son
Bernard Délicieux et l’inquisition albigeoise, 1300-1320 parut en 1868
dans la Revue des deux Mondes (t. 75, p. 815-62). Offrant maints avan­
tages particuliers de la plume de l’érudit Hauréau, ce travail a aussi
ses défauts. En n’examinant pas toutes les sources avec le même sens
objectif et en omettant souvent de confirmer son récit par l’indication
exacte des sources, Fauteur tend trop à justifier Bernard, tout en don­
nant à l’ouvrage un ton quelque peu romanesque qui obscurcit la vé­
rité. Voulant rendre sa description plus intéressante, Hauréau n’hésite
pas à y introduire des éléments puisés dans sa fantaisie. Il est vrai que
Hauréau aurait bien pu dépeindre les faits d’une manière plus réaliste
et objective; mais avouons que la vie de Bernard a été, au fond, un grand
roman dramatique. Il arrive si souvent que la réalité, pleine de faits
saisissants, surpasse toutes les histoires inventées. — L’ouvrage de
(’) Ces parties n ’ont pas encore paru dans la nouvelle édition des Vitae
P aparum Avenionensium par G. M o lla t, Paris 1917, t. I: t. III: 1921 ; t. IV: 1922.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 189

Hauréau devint plus accessible après que l’auteur l’édita séparément (’),
en ajoutant huit pièces justificatives (p. 167-218) et en rédigeant À nou­
veau le texte (p. 1-165). Il omit, pourtant, d’utiliser l’intéressant MS.
du fonds latin N° 11847 de la Bibliothèque Nationale.
C h a r le s M o lin ié r , L ’inquisition dans le M idi de la France au
13e et au 14e siècle. Etude sur les sources de son histoire, Paris 1880,
p. 79, analyse ce m anuscrit et m ontre son importance pour l’explica­
tion des troubles antiinquisito riaux (voir ibid. p. 30, 89, 100, 228). —
H. Ch. L e a, A history o f the Inquisition o f the middle âges, New-York
1888, I, 349, 380, 427, 439, 445, 450; II, 70-84, 86-8, 90, 92, 100-1, 104,
570; III, p. 11, 55, note, 70s., 452 (2), n ’avait pas l’intention de laisser
la parole aux sources nouvellement connues pour approfondir les études
sur Bernard; cependant il utilisa, avec beaucoup d’habilité, la source
déjà longtemps connue: les actes du procès.
En term inant cet aperçu, nous citerons une série d’ouvrages qui
font m e n t i o n de notre Franciscain et dont nous avons pris connais­
sance: N. A l e x a n d e r , Historia eccles. (I re édit. Paris 1676 ss.), diss. 9.
art. 6, num. 2 et 3. — J. F. A n d r é , Hist. polit, de la monarchie pontificale,
Paris 1845, p. 131 ss. — B e s s e , Histoire des ducs de Narbonne, Paris
IBhO, p. 407ss. — B o u g e s , Hist. de Carcassonne, Paris 1741, p. 213ss.,
220s., 224s., 620ss. — E. B o u t a r i c , La France sous Philippe le Bel,
Paris 1861, p. 81 ss. — F r é d e g . C a lla e y , O. Cap., L ’idéalisme fra n ­
ciscain spirituel au 14e siècle. Etude sur Ubertin de Casale, L ouvain-Paris
1911, p. 214; voir AFH IV, 594-9. — J. B. C h r i s t o p h e , Histoire d"
la papauté pendant le X IV e siècle, Paris 1853, t. I, p. 253. — S. A. C o t­
iar evsk y, L ’ordre de s. François et la curie romaine au 13e et au 14e
siècle, Saint-Pétersbourg 1901, p. 223, 228, 323, 325 (en russe). — P. D iep-
gen, Arnold van ViUanova, Berlin 1909, p. 37.
C. D o u a is , Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans
le Languedoc, t. I, Paris 1900, p. 30, 37 et not. 6, 38, 41 et not. 2, 42
et not. 1, 108 et not. 1, 202, 230, 246, 294 et not. 2; t. II, p. 307 not. 1.
— C. D o u a is , Les sources de l’histoire de ! inquisition dans le M idi de
la France, Paris 1880, p. 66ss. — Fr. E h rie , Die Spiritualen, dans
ALKG IV, 28; II, 145. — C. Eu b el, Bullar. Francise. N, .Romae 1898,
p. 20 n. 1, 24 not. 2, 44 not. 7, 120 not., 165 not. 3, 171 not. 3, 172 not. 2,
180 not. 5. — C. E u b e l, Vom Zaubereiunwesen anfangs des 14. Jahr-
hunderts, dans le Hist. Jahrbuch, t. 18, 1897, 628, 629 et not. 1. —
H. F in k e , Aus den Tagen Bonifaz’ V III, Münster i. W. 1902, p. 145
not. — H. F i n k e Z u r Charakteristik Philipps des Schonen, dans les
Mitteil. d. Inst. f. oesterr. Gesch. t. 26, Innsbruck 1905, p. 209. — F l e u r y ,
Hist, eedésiast., t. 19, Paris 1726, p. 310ss. — P. F u n k e , Papst Bene-
dikt XI, M ünster i. W. 1891, p. 133 ss. — Gallia Christiana, t. II, Paris
(’) Sous le même titre, Paris, Hachette, 1877, in-12°, 219 pp.
O L’ouvrage a été réimprimé, sans améliorations: New York and Lon­
don UK», traduction française par Sal. B e in a c h , Paris 1900-2. Seule le tra ­
ducteur allemand a mis à jour l’ouvrage et ajouta en marge les pages de
l**dition originale: Jo s. H a n s e n , Geschichte der Inquisition im Mitfelalter,
Bonn 1905, 1909, 1913 ; 3 vols.

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190 DISCUSSIONES.

1720, col. 422, 428; VI, (1739), col. 274 E, 275 A, 895 B. 956 B, 990 D E ;
t. X III (1874), col. 38 CD, 160 E, 161 A, 267 A, 302 B. — A. Ch. G e r ­
m a in , H istoire de M ontpellier, t. III, M ontpellier 1853, p. 222. — C.
G i e s e l e r , Lehrbuch der Kirchengeschichte, t. II, 2, Bonn 1849, p. 295
not. 16. — F r. G l a s e r , Die franziskanische Bewegung, S tu ttg a rt 1903,
p. 146ss. — J . H a n s e n , Zauberu'ahn, Inquisition u n d H exenprozesse
im M ittelalter, M ünchen 1900, p. 244 e t not. 1, 253, 254 e t n. 1.
B. H a u r e a u , A m a u ld de Villeneuve, dans H ist. litt. de la F ra n ce,
t. 28, p. 40. — B. H a u r e a u , Geoffroy d ’Ablis, 1. c. t. 30, p. 417. — B .
H a u r é a u , R aim ond Lulle, 1. c. t. 29, p. 22, 23. — B. H a u r é a u , R i ­
chard Leneveu, 1. c. t. 26, p. 548 ss. — C. H e n n e r, Beitrüge zur O rga­
nisation un d Competenz der Ketzergerichte, Leipzig 1890, p. 249 not., 301
not. 2. — J . Chr. H u c k , übertin von Casale, F re ib u rg i. Br. 1903, p. 21,
81. Voir A F H IV, 594-5. — Ch. V. L a n g l o i s , L ’affaire d u ca rd in a l
F , Caetani, dans la Revue historique, t. 63 (1897), p. 70. — Ch. V. L a n ­
g l o i s , L ’inquisition d ’après des tra va u x récents, P aris 1902, p. 27. —
E. L a v i s s e , H ist. de France, t. III, 2, P a ris 1901, p. 201 ss. — J . L e -
l o n g , Bibliothèqxie hist. de la France, t. III, P aris 1771, num . 33623,
p. 279. — P h i l . a L i m b o r c h , Historia inquisitionis cu i su b iu n g itu r
Liber sententiarum inquisitionis Tholosanae, A m stelodam i 1692, p ars 2,
p. 268ss., pars 1, p. 205, 206, 879, 380. — T. M. L i n d s a y , B ern a rd
Delitiosi and the Inquisition dans Good Words, X X , 1879, 732. [N ous
n ’avons pas vu cette courte notice]. — G. L i z e r a n d , Clément V e t P h i ­
lippe le Bel, P aris 1910, p. 41 I s s . — Dom. M a n s i, dans O. R a y n a l -
d u s , Annal, eccles. ad a. 1304 (t. IV, Lucca 1749, p. 888 not.), ad a. 1318
(t. IV, ibid. 1750, p. 106 not.).
Aug. M o l i n i e r dans V a is s è te , H ist. générale de Languedoc,
t. IX 3, p. 86, 228, 260, 277 s., 891s., 394. — O t h o n d e P a v ie , O. F. M.,
V Aquitaine Séraphique, t. I, A uch 1900, 117-8, 181-2. Voir su r cet o u ­
vrage A F H I, 634-40. — R e n é d e N a n t e s , O. Cap., Histoire des S p i­
rituels dans l’ordre de s. François, C o u v in -P aris 1909, p. 403 ss. — J . J .
P e r c i n , M onum enta conventus Tolosani O rdinis F ratr. Praedic., T o­
losae 1693, pars 8, cap. 9, num . 2, p. 108. — Q u é t i f e t E c h a r d , S c r ip ­
tores Ord. Praed., t. I, P aris 1719, p. 532ss. — A n t. S a r r a u t e , Le
logis de Vinquisition ; m aison historique p a r A. S., proprietaire de l’im ­
meuble, Toulouse [1914], 42 s. — W . G. S o l d a n , Geschichte der H exen-
prozesse, S tu ttg a rt 1843, p. 181 not. 13, 187. — H . S t r ô b e l e , Nicolaus von
Prato, F re ib u rg i. Br. 1914, p. 87. — L. T a n o n , H istoire des trib u n a u x
de l’inquisition, P aris 1893, p. 69, 70, 71, 77, 78, 159, 327 not. 8, 876, 399,
401, 440, 485. — F. T o c c o , L a quistione délia povertà nel secolo X IV ,
Napoli 1910, p. 22, 23, 39, 46, 48. — J.-M . V i d a l , Bullaire de l’inquisition
française au 14e siècle, P aris 1913, p. L H e t n. 4, L U I, L X X X II, 3-4
(num. 2 et not. 2), 46 (nr. 21 not. 1), 48-50 (nr. 22 e t not. 4), 57 (n r. 27),
103 (nr. 62 not. 1). Voir A FH VII, 352-5. — J.-M . V i d a l , Un inquisiteur
jugé p a r ses « victim es». Jean G aland et les Carcassonais, P aris lf*03,
p. 6 n. 1, 19 n. I, 22 n. L, 23 n. M., 37. — K. W e n c k , P h ilip p der Srhone,
M arburg 1905, p. 46 ss.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. - 191

PREMIÈRE PARTIE

La lutte de Fr. Bernard Délicieux contre l’Inquisition


de Carcassonne et d’Albl.

§ 1. - La population mécontente de V inquisition, Les débuts


de Fr. Bernard Délicieux.

Provoqué par le mécontentement profond, dû à des inquisiteurs


agissant trop en autocrates, le mouvement populaire dans le Languedoc
chercha longtemps son « héros»; il le trouva enfin en Fr. B e r n a r d
D é lic ie u x .
Ce mécontentement étant, au fond, aussi ancien que l’inquisition
elle-même, un réveil dans la résistance eut lieu vers les années
quatre-vingt du X II I e siècle. Déjà en 1280, A lb i, C a r c a s s o n n e
et autres villes se plaignirent à Philippe le Hardi (1). En 1285, on fit
recours au pape Honorius IV, au roi de France et au chancelier de
celui-ci, Jean de Chaulet (2). Une année plus tard, de nouvelles plaintes
furent portées par les consuls de Carcassonne au pape, au roi et au
confrère des inquisiteurs, le prieur dominicain de Paris (3).
Même les Frères Prêcheurs, comme par exemple Fr. Jean Martin,
accusaient, devant Pierre de Mont brun, archevêque de Narbonne
(1272-1286), leurs propres confrères (4), et notamment Fr. Jean du
Faugoux (5) et Fr. Guillaume de Morières (6) d’avoir lancé l’idée, réalisée
d’abord par Fr. Jean Galand (’), inquisiteur de Carcassonne, de pro­
céder contre les riches défunts, tout étrangers qu’ils fussent à l’hérésie,

0) Vaissête, Hist. de Languedoc, IX 3 , 836. Vidal, J. Galand, 6.


(b Vaissête, 1. c. 834. Vidal, 1. c. (3) Vidal, 1. c. 89ss.
(9 D’après la déposition de Fr. B e r n a r d D é lic ie u x dont les données
au sujet de toutes ces plaintes m éritent certainement pleine foi. MS. 4270,
f. 122 r, 125r-6v.
(5) Plus tard inquisiteur. Douais, Doc. hist. inquis. I, 198-202; II, 805 n. 4.
Lea, History of Inquisition, II, 92. Hauréau, B. Délicieux, 1877, p. 192s. Ch.
Molinier, L'inquisition dans le Midi, p. 124 et not. 2-3, 125 n., 127 n., 128 et
n. 1, 129, 181 et n. 1. Mahul, Cartul. de Carcassonne, V, 670.
(’b Plus tard inquisiteur; Hauréau, 44s., 83, 137. Lea, II, 80s., 85. Mo-
liuier, 1. c., 91, 99. Douais, Doc. I, 97, 181. 246. Vaissête, IX, 228 et not., 259.
—Dans le texte: G. de Malviès. C’est bien une faute commise par le notaire
ou par le copiste.
(: ) De 1278 jusq u ’en 1298. Douais, I, 182ss., 80, 2(t8. Vidal, J. Galand, pass.
Vidal, Bullaire de l'inquisition, p. x, 11 ss., 158 n. 8.

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192 DISCUSSIONES.

afin de profiter de leur argent. Ainsi, on attaqua, entre autres, la mé­


moire de Roger Bernard II, comte de Foix (*), et celle de Gui de Levis,
maréchal de Mirepoix. Les prélats et les évêques ne furent pas moins
épargnés. On procéda contre le défunt Gauthier de Montbrun, évêque
de Carcassonne. Cette attaque n’échoua que grâce à l’enquête faite par
l’archevêque de Narbonne constatant le fait que le recteur Jourdain
Ferrol désigné comme participant a Vhaereticatio de Gauthier, ne se
trouvait pas, au moment indiqué, auprès de l’évêque (*). Devant
l’archevêque de Narbonne Fr. Jean Martin démasqua encore certaines
autres ruses de ses confrères. En secret les inquisiteurs annonçaient
aux femmes mariées la triste nouvelle que leurs époux étaient dénoncés
comme hérétiques. Il n’y aurait qu’un seul moyen de conjurer le danger :
ce serait de déterminer les époux à comparaître devant les membres du
tribunal de l’inquisition et à confirmer les crimes imputés. Alors tout
irait bien. Finalement, les maris craintifs cédaient aux prières et aux
larmes de leurs femmes et confirmaient toutes les accusations qu'on
leur lisait, en se dénonçant ainsi eux-mêmes et d’autres innocents.
Les inquisiteurs extorquaient de même: per violentiam tormento­
rum, les aveux concernant de prétendues hérésies. Menacés des pires
tourments ou séduits par des promesses de non-lieu, maints prévenus
déclaraient aux dignitaires chargés d’enquêter, que l’aveu avait été
obtenu: gratis et libere et sine tormentis illatis aut comminatis, et
n’était déterminé que par l’amour de la vérité et par la sollicitude
pour leurs âmes (3). Fr. Jean Martin, O. Pr., ne voyait qu’un seul
remède à opposer à tout ce mal ; c’était de révoquer les Dominicains.
Une assemblée convoquée par l’archevêque déclara à l’unanimité
que les catholiques les plus fervents ne pouvaient pas se sentir en
sûreté, tant que des inquisiteurs pareils seraient au pouvoir et tant
qu’existeraient leurs registres frauduleux. Après en avoir conféré avec
ses suffragante, Pierre de Montbrun envoya en curie romaine son archi­
diacre Bérenger Frédol (devenu plus tard cardinal (*)) afin d’aboutir
à la révocation des inquisiteurs suspects et à la révision ou plutôt
à la suppression des registres. Pierre de Montbrun et Raymond de
Medulhon, évêque de Gap (1282-1289) réglèrent ensuite la procédure
dans leurs districts et séquestrèrent les registres (s ).

t1) V. plus bas § 9. (2) Mahul, V, 629.


Cf. Faâaire de Bernard Agasse et d ’Isarn Coll. d ’Albi. (Collect. Doat.
t. 26, f. 21ôv-6v et Fonds lat. 11847 de la Bibl. Nat. f. 53n. Voir encore l’ap­
pel des consuls de Carcassonne, composé en 1286 (Vidal, J. Galand, 39 ss.).
Nous supposons que cet appel fut communiqué à Pierre de M ontbrun. Le
Père Minime Laporte a donc trouvé plus tard le texte de cette pièce dans
les archives des archevêques de Narbonne (Vidal, 1. c., p. 4, 39).
(4) Eubel, Hierarchia, I 2 , 14. (5 ) Déposition de Bernard, f. 127r-v.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 193

Mais les plaintes des bourgeois d ’A lb i et de C a r c a s s o n n e


n’aboutirent pas. Vers 1295, de graves troubles populaires éclatèrent
dans le bourg de cette dernière ville. Ils furent provoqués par les pour­
suites contre qüelques personnes notables (*), voulant défendre le peuple
contre l’inquisition. Si les Dominicains eux-mêmes protestaient contre
les pratiques fraudulentes de leurs confrères, qu’y a -t-il d’étonnant
que les Frères Mineurs, leurs rivaux ardents, ne pussent pas jouer
toujours le rôle de spectateurs indifférents. Fr. B e r n a r d D é li c i e u x
était du nombre de ces courageux mécontents.
Nous ne savons rien concernant sa jeunesse. Né à M o n t p e l l ie r ,
Fr. B e r n a r d entra, en 1284 (’ ), dans l’ordre de saint François dans
la province de P r o v e n c e . Les voyages de Fr. Bernard en France et
en Italie, où il fréquentait maints hommes de lettres, entre autres
Raymond Lulle, dûrent contribuer largement au développement de son
horizon intellectuel (s ). Le sol béni de sa patrie, le Languedoc, pouvait
aussi enrichir par des impressions multiples son esprit vif et sagace.
Encore avant d’occuper la charge de l e c t e u r du couvent de
C a rc a s s o n n e . Bernard fut parfaitement informé (4 ) par maints con­
frères dignes de foi (6) des fraudes commises par des inquisiteurs
dominicains. Une lutte ouverte étant presque impossible, peu de Fran­
ciscains consentaient à occuper des postes là où sévissait cette in­
quisition. Il n ’était pas facile, entre autres, d’entendre les confessions
des bourgeois avouant avoir été contraints à dénoncer telle ou telle
personne innocente, sans pouvoir leur imposer de rétracter les men-
8-nges, par crainte du Courroux de leurs auteurs.
Néanmoins, après avoir mené une lutte sourde, les Frères audacieux
— et B e r n a r d avec eux — se déclarèrent enfin plus ou moins ou-

(’) Ce sont: Guillaume Garric, Guillaume Brunet (tous deux professeurs


de droit), Raymond de Cazillac, pellettier, Guillaume Vital, marchand. Pierre
Roger de Burcafols, Bernard Roger de Na Catalana et Raymond Maitre. clero
de Villemoustaussou. V. Hauréau, 22, 56. Lea, I, 381, 419, 467; II, 70, 95.
Vaissète, IX, 198 n., 234 n. 2. Douais, I, 56, 233, 245. Douais, Guillaume Garric
de Carcassonne et le tribunal de Vinquisition, dans les Annales de Midi, 1898, p. 5ss.
Vidal, Bullaire, 47, 74, 116. Vidal, Jean Galand, 9, 35. Bernard Gui, Historia
fonvent., dans Martène, VI, 447E. Mahul, V, 652, 658, 667, 670. Vaissète, X,
preuves, col. 650s. — C’est le 26 juin 1296 que l’inquisiteur fulmina l'excom­
munication contre ces sept défenseurs du peuple.
(■) C’est, pour le moment, une hypothèse; Hauréau, 1. c. 8.
f) Hauréau, 8. Lea, II, 75. Déposit de Fr. Bernard, f. 4<ir. Voir plus bas
au § 14. (*) Dépos. de Fr. Bernard, f. 127v-8r.
i5) C’était Jean de Badonis, « frater bono testimonio coronatus », qui occupait
de longues années le poste de gardien à Carcassonne, à Béziers et à Narbonne.
Cêtaient aussi Fr. G u illa u m e de C a u n e , Fr. I m b e r t, • homo magni testi-
monii», qui habitait longtemps Carcassonne, et Fr. P o n s V ig u ie r, autre
gardien de Carcassonne, couvent de la province de Provence. Dépos. citée.

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194 DISCUSSIONES.

vertement en faveur des opprimés. En 1296, Fr. Foulques de Saint-


Georges, O. Pr. (*), lieutenant de l’inquisiteur de Carcassonne, et
Etienne Auriol (2), « judex criminum » dans la sénéchaussée de Car­
cassonne, accompagnés de sergents armés — en tout 20 ou 25 hommes —
allèrent au c o u v e n t f r a n c is c a in de cette ville pour y c i t e r G u i l -
la u m e A n d ré (s ), maître Arnauld Vilaudegut (*) et quelques autres
personnes cherchant r e f u g e chez les Frères Mineurs. Les messagers
du saint-office ne pouvaient passer que la première porte, l’autre
étant fermée. On s’arrête. Foulques lit alors la citation, en s’adressant
aux Frères, parmi lesquels on distingue B e r n a rd , et à leurs familiers
massés derrière la deuxième porte. C’est Fr. A r n a u ld C h a tm a r,
gardien, qui interrompt la lecture, en criant: < Les traîtres n’ont pas
le droit de contraindre les innocents à porter la peine d’autrui! >. Les
familiers tumulteux approuvent bruyamment ces paroles. Alors, la
cloche du couvent sonne le tocsin. Une colonne de fumée est lancée
de la tour de l’église, pour appeler le peuple à venir en aide. La foule
menaçante et armée accourt, en hurlant: « Als trachors! ». Les atta­
qués ferment la première porte, afin de se protéger contre les pierres.
Poursuivis par le peuple révolté, ils se frayèrent enfin à grand’peine un
passage vers la cité(8). Fr. B e r n a rd , alors lecteur, se montrant à côté
de Fr. A rn a u ld C hatm ar, et approuvant ainsi la conduite de celui-ci:
c’étaient les débuts antiinquisitoriaux du courageux Franciscain.

§ 2. - L'affaire de Castel Faure (Fabri).


Quel mouvement au couvent des Frères Mineurs de C a r­
c a s s o n n e quand, en 1297, ceux-ci apprirent que l’inquisiteur Fr.
Nicolas d’Abbeville, O. Pr. (6\ ouvrait l’enquête contre C a s te l
(*) H auréau. 15s., 18, 20, 24s., 30s.. 37s., 38, 40, 42ss., 86, 89, 137, 167.
M olinier, 83, 90s. et not., 95, 97, 129 not. 3, 308. Lea, II, p. 65, 72, 76, 77, 80,
103. Douais, Documents, I, 98 e t not. 1, 192, 241 not. Vidal, Bullaire, p. xxvi. 5.
VaissMe, IX , 197 n. 4. 227, 228 et n. 4. 229 not.. 256 et n. 6, 257 not. 3. Vidal,
J. Galand, 14 (n. A), 15 (n. D), 17 (n. G.). Tanon, Hist. des tribunaux de Cinq. 67.
Ch. Schm idt. Hist. des Cathares, I, 345ss. H enner, Organisation der Ketzerge-
rù-hte, 73 n. 3. M ahul, V, »554; VI, I, 4»i3, 464. Bern. Gui, Hist. content.: Mar-
têne, 510 CD. — L’époque ne peut être fixée avec sûreté.
C) M ahul, V, 654; VI, I, 303.
»3 » Coll. Doat, t. 24, 224. M ahul, V, 653. (<) M ahul, 1. c.
C) Dépositions des tém oins oculaires Bernard A udiguier (f. 231r-2v) et
P ierre Camelin (f. 238r-v). Quel intéressant pendant au récit de Bern. Gui
au su jet des troubles de Carcassonne (1295-1305).
Cb H auréau, 1-3, 5-7, 13. 16, 25. 37, 48-9, 57 , 60-1, 89, 167. M olinier, 1. c.
83-84, 90, 93, 95, 97, 126, 3» »8. Lea, I, 445, 449; II, 61s., 67-70, 72-4, 81s., 1» 3.
Vaissète, II, 196s., 157, 334 not. 2, 334s., X, preuves, 273-4, 278-9. Vidal,
J. Galand, 6, 22s., 32, 36, 44. Douais, I, 96, 97 n. 1, 191ss., 322. T anon, 439.
M ahul, V, 651-3.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 195

Faure (’), très riche bourgeois de cette ville, qui, d’après les affirma­
tions de ses parents et de ses amis, était mort pieusement en 1278, as­
sisté de six Franciscains. Il avait été in h u m é d a n s le c im e tiè r e
du c o u v e n t f r a n c is c a in . Le représentant du saint-office affirmait
avoir trouvé dans les archives quelques dépositions des témoins pré­
sents à 1’ « hérétication » de Castel à son lit de mort (*). Les Frères
pouvaient bien supposer que c’était une procédure en représailles à
cause de la protection prêtée, une année plus tôt, aux citoyens pour­
suivis par l’inquisition. Parfaitement au courant des difficultés de la
défense, les Frères se rendaient aussi compte des risques qu’ils cou­
raient. si le défunt avait été condamné; car celui-ci avait été en­
terré dans leur cimetière. Tout en n’ayant pas le droit d’instruire
lui-même le procès aux Franciscains (3), Nicolas d’Abbeville pouvait
bien déterminer le pape à faire poursuivre ces derniers, en les incul-
pant de « fautoria haereticorum » (4). Vite on informa les supérieurs
de l’ordre, et on donna assistance aux Carcassonnais mécontents qui
voulaient défendre, auprès de la curie romaine, la mémoire de Castel
et porter des plaintes générales, formulées par Fr. B e r n a r d D é li­
cieux (5). Appuyés par Fr. A m a n ie u d e l a M o t h e ( 6), procureur de
l’ordre par Fr. P o n s V ig u ie r , son «socius», et par Bernard d’Au-
riac. religieux cistercien, et assurés aussi de la protection du duc de
Bourgogne (’), ainsi que de celle de Pierre Flote, les citoyens plai­
gnants, entre autres Aymeric Castel (8), fils du défunt, réussirent à
gagner l’oreille de Boniface V III qui, vers le mois d’août 1297, pro­
jetait déjà de charger Rainauld Concoreggi, évêque de Vicence, de
l’enquête demandée. Mais ce projet ne fut pas réalisé, car maître Pierre
d’Espagne, référendaire pontifical (9) ne reçut pas les 10000 florins,

f) Hauréau, 8-6, 18, 167-75. Lea, I, 445, 449; II, 69, 73-5, 79. Vidal,
J. Galand, 22s., 82ss. Douais, I, 192; II, 286 not. Eubel, BF V, p. 20 n., 165
et n. 3. Tanon, 408. Mahul, V, 662, 670s., t. VI, I, 451. Vaissète, X, preuves,
col. 831-3, 585. Vidal, B ullaire, 44-7. Fabri = Faure (forme moderne).
f2) Premier grief des 60 articles. V. Mahul, 662, col. 2.
(3) V. la bulle de Clément IV: P aupertatis altissimae du 12 juillet 1266;
BF III. 83-6; Tanon, 50-1. Voir Lea, I, 202s. (<) Cf. Lea, II, 32.
Déposition de Raymond Baudier, f. 241. Cf. Dép. de Bernard, f. 119v.
(*) Chronica XXIV generalium, dans les Analecta Francise. (= AF) III, Ad
Cl. Aquas 1897, 432. Othon de Pavie, L'A quit. sér. 77ss., 141. (7) Robert II.
O Hauréau, 56, 127. Lea, II, 69, 73, 90, 93, 102. Vaissète, II, 278 et not.
Vidal, Bullaire, 6, 18, 19, 41, 42. Douais, I, 40, 42, 293; II, 305, 313. Bern. Gui,
Hist. conv. : Martène, 479 E et Recueil, 744 CE. Mahul, V, 653, 670-1. Lat.
4270, f. 107v-8r, 109v, l l l r , 120v, 213r, 196, 2O4r, 226r.
O Dans le MS.: Isarn au lieu de Ispanus. Voir sur lui Finke, Aus den
Taqen, p. xviss., xxvnss., u n s s . F in k e , A cta Aragonensia, I, Berlin 1908,
72, 130, etc. Eu bel, H ier. I 2, 13.

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196 DISCUSSIONES.

promis par Frère Amanieu au nom des Carcassonnais, ces derniers


voulant aboutir au même résultat, mais pour une plus petite somme,
avec l’aide des représentants royaux. Ayant appris cette décision, le
pape qui, vers cette époque, se réconciliait à contre-cœur avec P h i­
lippe le Bel,.s’écria avec humour: < Nous savons qui leur donne cette
audace; mais, par Dieu, tous les rois de la chrétienté ne sauveront
pas du bûcher les gens de Carcassonne et, spécialement, le père de
cet Aymeric Castel > C).
Séjournant alors auprès de la curie romaine, B e r n a r d D é l i ­
c ie u x fut au courant de toutes ces démarches. ^Rogatus cum la ­
crimis per fratrem Amantium », le procureur général, il pria en vain
Aymeric et les autres Carcassonnais de payer la somme promise à
maître Pierre qui se montrait offensé vis à vis du procureur (*).
De retour à Carcassonne, Délicieux fit de nouveaux pas. En 1300,
il alla à M a r s e ille pour solliciter le chapitre général des Domini­
cains (8) de faire arrêter les poursuites. Mais le voyage n’aboutit à
rien. En juin de la même année, Fr. Nicolas d’Abbeville, 0. Pr.. fit
aviser la population qu’il sommait à comparaître les personnes vou­
lant se charger de la défense de Castel. Fr. A r n a u ld de R o q u e -
f e u i l ( 4 ), provincial de Provence, Fr. E lé a z a r de C le rm o n t (5).
custode de la custodie de Narbonne, Fr. B e r n a r d F e r r a n d (6),
gardien de Carcassonne et d’autres Franciscains décidèrent à pour­
suivre la défense. Obéissant à l’ordre formel du p ro v in c ia l, lui
promettant appui efficace, le lecteur B e r n a r d D é lic ie u x se char­
gea de l’affaire. Le 4 juillet, accompagné de Bernard Ferrand et de
Richard, syndic du couvent, il comparut devant l’inquisiteur qui ne
s’attendant pas à cette défense, leur désigna un autre jour. Comparais­
sant pour la seconde fois, ils trouvèrent la maison de l’inquisiteur fer­
mée. Alors, le 10 juillet, ils affichèrent à cette maison l’acte d’appel f )

(*) Déposit. de Bernard, f. 119v-20r. Lea, II, 69.


(2) Déposit. de Bernard, f. 120v.
(3) Voir sur ce chapitre Ben. M. Reichert, Monumenta Ord. Praed. histo­
rica, III, Romae 1898, 294-8. Hauréau, 5. Cf. Lea, II, 73 et Vidal, Bullaire, 5.
Aymeric étant absent, c’était sa femme qui paya à Fr. Bernard, les dépenses
du voyage. Déposit. de Fr. Bernard, f. 198v.
(4) Hauréau. 5, 167. Ferd. Delorme, Praevia nonnulla decretali: Exultantes
in Domino, AFH VII, 62ss. F. Ehrle, Petrus Iohannis Olivi, ALKG III, 429,
444 s., 447. F. Ehrle, Zur Vorgeschichte des Concile von Vienne, 1. c., 14, 144;
II, 388. C. Balthasar, O. F. M., Geschichte des Armulsstreites, M unster i. W.
1911, 171, 210, 271; (voir sur ce livre AFH III, 557-9).
(5) Hauréau, 167. Lea, II, 74.
(6) Le premier grief des 60 articles parle de Bernard Raymond, f. 14v.
(7) Collect. Doat, XXXIV, f. 123ss. Publié par Hauréau, 167-72. Cf. Douais,
I, 192, not. 4. Us protestaient de faire cet appel, au nom du provincial

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 197

contre ces procédés illégitimes (*). — Le pape paraît avoir refusé d'en­
tendre le recours non appuyé par des lettres dites révérentielles. E t
pourtant l’inquisiteur, intimidé par l’attitude résolue de notre Fran­
ciscain, soutenu par sa province, suspendit, pour le moment, la pro­
cédure. Bernard pouvait se considérer comme vainqueur. Comme on
sait, ce n’est qu’à la fin de 1318 ou au début de 1319 que Fr. J e a n
de B e a u n e , O. Pr.. prononça la sentence contre Castel

Fr. A r n a u ld , du custode Fr. E lé a z a r et du couvent: • ad defensionem Ca-


sttUi Fabri, et famam, nomen et honorem et dignitatem Ordinis Fratrum Minorum
urvantium et ad ostendendum aperte et manifeste dictum Castellum Fabri... non
me haereticum in morte etc. ». Hauréau, 168.
(') Déposit. de Bernard, f. 119 vss., 147vss. Cf. Vidal, J. Galand, 21 (n. K),
'Fi m. L). Vidal, Bullaire, 247-8. Sarraute, Le logis, 42.
(•) Vidal, Bulbaire, 46. Castel, était-il vraiment hérétique? Il faut recon­
naître qu'il nous est impossible de résoudre cette question. Pourtant, l ’histoire
de l'inquisition étant riche en condamnations pareilles, suivies habituellement
d’exhumation, d’exhibition des cadavres, et d’incinération ultérieure, il n ’est
nullement sûr que même une partie de ces condamnations se portait sur de
vrais hérétiques ou leurs fauteurs.
On connaît des cas où les témoignages, dont le faux fut finalement prouvé,
Paient aussi persuasifs que les témoignages amenant la condamnation. Ainsi,
Rtger IV, comte de Foix (fils de Roger Bernard), fut inculpé d ’hérésie, 2(5 ans
après sa mort, par un moine cistercien : Pierre de Villelongue, « témoin oculaire »,
qui fut enfin démasqué comme imposteur (Vaissète, VI, (1879), p. 886-7; VIII,
<b79>. preuves, col. 1542-7; X , (1885), preuves, col. 343-4. Voir Lat. 4270,
f. 125v).
Avec quelle facilité les inquisiteurs ne réussissaient-ils pas à prononcer
une sentence condam natoire! V ingt-deux ans après la mort de Roger Ber­
nard 11, comte de Foix, l’inquisiteur Fr. Pons du Pouget, O. Pr. (Douais, I,
154 n. 8, 167ss. Molinier, 307 n. 1, 323 n. 2. Vaissète, VIII, pr., col. 1632, ad
an. 1268. 13 sept.) fit arrêter Raymond Bernard de Flassac, bailli de Mazères,
en le privant de nourriture suffisante et en appliquant d ’autres formes de
la torture lente, afin d ’extorquer au torturé, qui avait assisté le comte pen­
dant toute sa dernière maladie, l'aveu qu’il avait été présent à 1’ « hérética-
cation » du moribond. Raymond Bernard parvint à communiquer ces faits
aux Cisterciens de Boulbonne. (Vaissète, VIII, preuves, col. 1481-3. Lea, II, 54).
La fin de l’histoire du torturé n ’est pas connue. Mais, probablement, l’in­
quisiteur n ’aboutit pas à extorquer l ’aveu mensonger, car nulle autre source
ne mentionne le comte comme hérétique ou même comme * suspectus *. 11
n'est pas difficile de prévoir les conséquences au cas où Pons du Pouget
aurait réussi à imposer sa volonté au bailli. La purgation canonique étant
impossible, vu la mort du comte, ses héritiers auraient été tenus à payer
une grande somme fixée arbitrairement par l’inquisiteur. (V. Tanon, 441 et
not. 3, 338 et n. 3. Lea, I, 434. Molinier, 390ss. Douais, L'inquisition, 230ss.).
Cn Pons du Pouget, qui aimait tant la vie luxueuse (Molinier, 308 not.;
cf. p. 823), pouvait bien se mettre cette solution dans la tête. — Inculpé
d’hérésie, Pierre d ’Aragon, damoiseau de Carcassonne, prouva son innocence
devant Bertrand de Clermont qui reconnut la suffisance des preuves. Mort
vingt ans après en pleine orthodoxie, il fut, plus tard condamné comme

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198 DISCüSSIONEs.

§ 3. - Le grand procès à Albi 1299-1300. Fr. Bernard Délicieux


invoque Paide royale.

Bientôt après la défense de Castel, couronnée de succès, Fr. Ber­


nard Délicieux fut transféré, comme lecteur, à N a rb o n n e (*). Pro­
bablement, les supérieurs satisfaits, pour le moment, des résultats
obtenus, voulaient prévenir des incidents fâcheux pouvant facilement
se produire entre le lecteur qui était feu et flamme et les Domini­
cains irrités de Carcassonne. Mais il ne fut pas donné à Bernard de
poursuivre longtemps ses occupations paisibles. Provoquant une pro­
fonde indignation populaire, le g r a n d p ro c è s de 1299-1300 (*). di-

hérétique par Fr. Henri Chamayou, O. Pr. (Vidal, Bullaire, 147-8, 296-7), qui
parvint à transformer les preuves à décharge en preuves à charge.
Tous ces exemples nous démontrent, avec quelle circonspection il faut
parler des crimes commis par Castel, défendu avec tant d’animosité par les
Franciscains. C’est à bon droit que Jean XXII défendit, à cause des procédés
de l’inquisiteur de C arcasson n e, de prononcer les sentences contre ceux
qui, de leur vivant, n’avaient pas avoué leur hérésie: Ex serie du 10 mars 1334:
Vidal, 2ü8ss. Cf. aussi la bulle: Etsi officium du 18. déc. 1830, ordonnant aux
inquisiteurs de Toulouse et C arcasso n n e de ne plus condamner des dé­
fu n ts sans avoir consulté le Saint-Siège. Vidal, 157ss. Mais il n’était pas
aussi impartial, quand il approuva la condamnation de Castel, (bulle du
15 mars 1319: Vidal, Bull. 45s. Eubel, BF V, 165, n. 357), mort depuis une
quarantaine d’années et dont le dossier devait nécessairement présenter à
l’examinateur équitable des difficultés insurmontables, ressemblant à celles
que nous rencontrons dans la procédure de Fr. Jean Galand, Ch P., contre
le défunt Pierre Aymeric, d’Albi (Coll. Doat, t. 82, f. 289ss.). En approuvant
la sentence contre Castel, le pape se trouva sans doute sous l’impression des
plaintes portées contre B ern ard D é lic ie u x qui lui était profondément anti­
pathique. De plus Bernard avait commencé sa carrière d'agitateur par la
défense de ce même Castel. La vengeance des ennuis subis par ses confrères
à cause de l’affaire de Castel, ainsi que l’intention de nuire à Bernard, son
ennemi ouvert, et d’intimider plus encore la population, tels pouvaient bien
être les motifs de l’inquisiteur Fr. Jea n de B eaun e, O. Pr., condamnant
le défunt. Tous savent que le procès intenté par ce Dominicain contre un
« béguin » de Narbonne en 1321 provoqua la fameuse controverse sur la pau­
vreté du Christ et des Apôtres; voir sur cet inquisiteur: Douais, I, 78. 94,
97s., 108s., 128s., 137, 201, 206, 207. Quétif-Echard, Script. O. Pr., I, 585-6.
Vidal, Le tribunal d'inquisition de Pamiers, extrait des Annales de Saint-Louis-
des-Français, 1904-05; Paris 19«6, 86-8; et la note du même: Bullaire, 47. Voir
plus bas § 13.
(9 Déposit. de Bernard, f. 149r, 265r. Hauréau, 13. Lea, II, 78.
(a) C’est le fonds latin 11947 de la Bibl. Nat. qui contient les interroga­
toires des prévenus. V. la déscription du manuscrit chez Molinier, 81-8, et
chez Douais, I, 94 not. 2, p. 193ss. Bernard de Castanet et Foulques furent

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 199

rigé à A lb i par Pévêque Bernard de Castanet Q et par Fr. Nicolas


d'Abbeville, O. P r., assisté de Pinquisiteur Fr. Bertrand de Clermont,
O. Pr., et de Fr. Foulques de Saint-Georges, O. Pr., alors prieur
d’Albi, détermina enfin notre lecteur à apparaître de nouveau en scène.
Il y avait dans ce procès 36 prévenus (*). < Bien que l’orthodoxie
de ces gens ne parût pas douteuse, ils avaient été incarcérés, jugés
et condamnés rapidement » (8). Dix-neuf furent condamnés, déjà en
1300, à la prison perpétuelle (4).
La population reprochait à Pévêque d’Albi et aux inquisiteurs
d’avoir ouvert le procès en signe de représailles contre les bourgeois
qui, en les accusant de maints abus (6), portèrent plainte à la cour
du roi. Ne tolérant pas d’opposition, Pévêque appuyé par les inqui­
siteurs aurait fait imprisonner, dans Pespace de trois mois et à trois
reprises, beaucoup de personnes innocentes, mais riches, pour extor­
quer, <per violentiam tormentorum >, des aveux, et pour condamner
en secret les prévenus. Le peuple affirmait que les Dominicains in­
quisiteurs, tout en ayant Pair d’exercer leur charge, ne voulaient que
profiter de l’argent des accusés. En ce qui concerne Fr. Foulques,
la population l’accusait d’avoir violé maintes femmes arrêtées par lui
sous prétexte de poursuites inquisitoriales. On nommait même ses

présents à tous les interrogatoires. Seulement trois interrogatoires avaient


eu lieu en l’absence de Nicolas d ’Abbeville (le 9 mars 1800; f. 41v, 44r, 45r).
Bertrand de Clermont assista à 18 interrogatoires (2 interrog. le 25 janvier, 1300,
f. 27r. 31v; 1 interr. le 26 janvier, f. 84r; 1 interrog. le 28 mars 1800, f. 46r;
4 interrog. le 29 mars, f. 48r, 44r, 47v, 48v; 5 interr. le 80 mars, f. 29r, 89v,
42r, 45v, 49v). Voir Vidal, J. Galand, 8ss.
(’) Hauréau, 20s., 85. Molinier, 88, 88s., 91s., 95, 97, 99, 277, 806, 8U8. Lea,
II. 67s., 71, 78 et n., 98; I, 419, 516. Vaissète, II, 807, 229 not., 257, 259, 384,
335, 892, 394, 85-7, 227; X, preuves, 395s. Vidal, Bullaire, 5, 9, 17, 19-21. Douais,
I, 92-98, 38s.; Il, 806, 807, 321, 822 n. 1. Vidal, J. Galand, 5, 8, 10, 20, 30, 44.
Tanon, 66ss. B. Gui, Hist. conv.: Recueil, XXI, 703B, 746DE: et B. Gui, Vita
Iohannis X X H , dans Baluze, Vilae papar. I, 152-8. B. Gui, Practica, 164.
P) Vingt-six étaient des bourgeois d ’Albi, les autres habitaient les en­
virons. Leur interrogatoire em brassait 61 ou 62 séances. Les poursuites re­
montaient déjà à l’an 1286; elles avaient été entamées par l’évéque et Fr. Jean
Galand, O. P r.. inquisiteur 1278-93. Douais, I, 182ss. Vidal, Jean Galand, 5ss.,
39-13. Vidal, Bullaire. 10-18.
O Ainsi dit Vidal, Bullaire, 12.
0) Molinier, 93-4. Quelques autres furent condamnés à la même peine,
peu de temps après. En 1318, quatre des prévenus n ’étaient pas encore dé­
finitivement jugés. Maints accusés m oururent en détention préventive. Per­
sonne ne fut acquitté. Molinier, 91ss. Vidal, Bullaire, 24-6, cf. 19-21, 12.
(5) Il s’agissait ici, entre autres, des abus au sujet de la jurisdiction sé­
culière exercée par l’évêque. V. Cl. C o m p a y ré , Etudes historiques sur l'Albi-
9 ^ , Albi 1841. 18ss., 28. E ug. d ’A u ria c , Histoire de l'ancienne cathédrale et
teêques d'Albi, Paris 1858, 140ss., 231.

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200 DISCUSSIONES.

victimes connues: Bernarde Roca, Narsens Garcias et une certaine


Navenias rendue mère par cet inquisiteur (*).

(*) Voir déposit. de Pierre Probi (f. 270r-v), d’Arnauld Garsia (f. 68v-9r,
27Bv, 279v), de Guillaume FraAsa (f. 48r, 46r, 48v, 49r), de Raymond Baudier
(f. 2B9v), de Bernard (f. 157r). Voir le 4e grief des 44 articles, et aussi le 17 e
et le 18e grief. B. Gui, Hist. conv. Albien.: Recueil, 1. c. 747FG. Hauréau, 3<is. ;
cf. 86s. Lea, II, 77-8. Molinier, 91.
En ce qui concerne les accusations portées contre Fr. Foulques, nous
n’avons rien trouvé de tout à fait semblable dans l’histoire de l’inquisition.
Les cas de l’inquisiteur dominicain Albert d’Olmütz, par exemple, qui aurait
entretenu des relations intimes avec les moniales de Poustimer, ne saurait
être comparé aux délits de Foulques (H. Haupt, Waldensertum und Inquisition,
dans Deut. Zeitschrift f. Geschichtswissenschaft, de L. Quidde, III, 1890, 842). —
Comme on sait, de pareilles possibilités étaient beaucoup plus grandes à la
fin du moyen âge et au début de l’époque moderne. (F. Spee, Cautio crimi­
nalis, Augsburg 1781, Dubium 81, p. 216sa. J. J a n sse n , Geschichte des deut.
Volkes, 18e et 14e édit., VIII, Freiburg i. Br. 1908, 5€>5. lo h . W ieru s, De
praestigiis daemonum et incantationibus ac veneficiis, lib. 3, Basileae 1568, p. 296.
C harles M eyer, Der Aberglaube..., Basel 1884, 815). Au fond, il n’est pas
exclu que Foulques n’eût commis des crimes pareils. Mais les preuves irré­
futables nous manquent. Les affirmations que Foulques portait des armes,
nous paraissent beaucoup plus dignes de foi. (V. déposit. de Guillaume Fransa,
f. 46v). Souvenons nous seulement du c. 2 in Clem. de haer. V, 8.
Il paraît d’abord que les inquisiteurs dominicains n’avaient aucun in­
térêt pécuniaire à la condamnation des hérétiques; ils étaient rétribués assez
régulièrement, de même que les inquisiteurs d’autres ordres. Pourtant, les
biens des hérétiques condamnés étant à cette époque une des sources de la
richesse dés couvents dominicains (Molinier, 306 et not. 2-8, 807 et not., 308),
quelques inquisiteurs, étrangers au désintéressement prescrit et aimant un
grand luxe, pouvaient parfaitement considérer ces biens comme une source
indirecte de leur propre enrichissement, ce qui les amenait à condamner le
plus grand nombre possible de sectaires manifestes ou présumés. (Cf. Molinier,
p. 308 not.). Les chapitres généraux des Dominicains avaient certainement
des raisons suffisantes, en 1821, pour enjoindre aux prieurs provinciaux d’en­
quérir: « de excessibus inquisitorum heretice pravitatis, sive in modo procedendi sive
in extorsione pecuniarum seu etiam in pompis et victu et vestitu et. observantia re­
gulari • (Reichert, Mon. O. Praed. IV, 184); de statuer, en 1822: « de inquisi­
toribus heret. prav., quod non extorqueant pecuniam » (1. c. 141); de leur imposer
la reddition annuel des comptes, en 1324: < Cum... inquisitores... omni nota cu­
piditatis aut nimie sumptuositatis mundos esse deceat* (1. c. 153; voir aussi,
ibid. 158: à l’an 1825) Ces textes législatifs dépeignent avec exactitude les
inquisiteurs dominicains de Carcassonne. Il paraît néanmoins que les rançon-
neurs dans le genre d’un Fr. Aubert de Châlons (Vidal, Bullaire, 142-4, 167ss.),
d’un Fr. Arnaud Mandavin (ib. 290ss., 299ss.) ou d’un Fr. Pierre de Mara-
logio (ib. 495-7; cf. Lea, I, 477), étaient plutôt des exceptions parmi les Do­
minicains.
Les aveux extorqués « vi tormentorum » avaient souvent lieu; cf. M a u rice
F o u c a u ld , Les procès de sorcellerie dans l'ancienne France, Paris 1907, 226.
Henner, 1. c. 264 et not. 1. Molinier, 336-8. Vidal, J. Galand, 15 (not. D). 16
(not. G), 17 (et n. H), 19 (et n. I), 20 (et n.), 21 (et n.), 29, 40 (num. 8-6), 41

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 201

Les actes du procès d’Albi ne donnent qu’indirectement des points


d ’appui pouvant confirmer les accusations populaires au sujet d’abus
commis pendant cette procédure. Dès l’abord, on s’étonne de voir que,
pendant le premier interrogatoire, la plupart des prévenus nient toute
participation à l’hérésie: ne se s o u v e n a n t de maints crimes que
dans les interrogatoires suivants, qui eurent lieu quelques semaines
ou même quelques mois après. Cette bizarrerie de mémoire, comment
peut-on l’expliquer? Il est clair que les longues réflexions pendant
l’emprisonnement n’entrent pas en ligne de compte. Fr. Bernard Gui,
O. Pr., dont la grande expérience inquisitoriale est si connue, consi­
dérait les jeûnes rigoureux et prolongés, ainsi que d’autres formes de
tourments semblables, comme un moyen excellent pour briser la ré­
sistance des prévenus et pour faire parler les « vehementer suspecti ».
Cet inquisiteur avait vu des détenus qui, après avoir passé de longues
années en captivité étroite, se r a p p e lè r e n t, enfin, les délits commis
une quarantaine d’années plus tôt (*). Les juges inquisitoriaux d’Albi,
ses confrères, étaient parfaitement au courant, eux aussi, de ces <tor­
menta corporis, dolores et mala mansio ». Que restait-il alors aux
prévenus, dont la volonté était brisée, sinon un aveu presque indif­
férent des crimes imputés. Secondés par l’interrogatoire adroit, pour­
vus de détails divers, indiqués sous l’influence de la voix suggestive
du juge, avide de s’instruire plus amplement au sujet de telle ou telle
dénonciation vague, ces aveux conformes ne pouvaient pas manquer
de reproduire aussi quelques traits individuels des prévenus (*).

(num. 7 et 10), 42 (num. 16). Tanon, 859-62. E. V a c a n d a rd , L'Inquisition,


IIe édit. Paris 1907, 180-1. Douais, II, 860ss.
En ce qui concerne les mobiles des représailles reprochées à l’évêque d’Albi,
le peuple pouvait aussi avoir bien raison. C. Douais, I, 98 not. parle de la
fermeté remarquable de Bernard de Castanet en matière de gouvernement de
son église, et il souligne aussi le grand zèle de celui-ci pour la pureté des
moeurs chrétiennes et pour l’intégrité de la foi. Il nous semble que ces qua­
lités devaient avoir des revers funestes. En cas contraire, il serait impossible
d’expliquer les graves troubles populaires qui éclataient sous son épiscopat.
Déjà au commencement de son activité inquisitoriale, il se montre intolérant
et rien moins qu’impartial (Vidal, J. Galand, 10ss.).
(*) B. Gui, Practica, 802. Lea, I, 415, 418ss. V. la Consultation de Guil­
laume, évêque de Narbonne: Douais, I, 66-7.
(*) Voici les récits au sujet de 1’ «adoratio » des « parfaits » Raymond Delboc
et Raym. Didier (L im borch, Liber sententiarum, 219. Tanon, 287. Schmidt,
Hist. de Cathares, I, 848. Vidal. J. Galand, 82 not. 1. Douais, I, 172 n. 1, 195ss.
Molinier, 88 et n. 2) à. la m é ta irie de Raymond Calvier. Cette cérémonie est
mentionnée par neuf témoins, dont huit nient, pendant le premier interro­
gatoire, toute participation à l’hérésie : le 4 décembre 1299 Raymond Auger
«f. 16r), Bérenger Brosa (f. 17r), Guiraud Delort (f. 19r): le 20 janvier 1300
Guiraud Austor (f. 26r), Raymond Calvier (f. 27r), Galhard Fransa (f. 80r),
Archivum, Franciscanum Historicum. — A N . XVII. 14.

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202 DISCUSSIONES.

Ajoutons qu’aucun passage ne montre le désir du tribunal de


savoir, où séjournaient, de préférence, les deux « parfaits », meneurs

Jean Baudier (f. 83r-v); et le 21 janvier Raymond Hugues (f. 34v). Tous
étaient d’Albi. Seulement G u illa u m e de M au ran , de Réalmont, avoua
pendant le I er interrogatoire. Le 20 décembre 1299, jour de sa II e comparution
(f. 18r), il déclare avoir conduit les deux « parfaits », il y a deux ans, pendant
les vendanges, à la métairie le Raymond Calvier. C’est là que Bérenger Brosa,
Raymond Auger, Guiraud Delort, Galhard Fransa, Jean Baudier, Raymond
Calvier et quelques autres personnes, dont le prévenu a oublié les noms,
« adorèrent » les hérétiques, un après-midi, après un repas commun.
R a y m o n d A u g er, selon sa déposition du 17 déc. (f. 16v-7r), vint avec
Bérenger Brosa, pendant la semaine des Rogations de cette année, à la mé­
tairie, en suivant l’invitation du propriétaire. Jean, fils de Raymond Baudier,
Guiraud Austor, Galhard Fransa, Raymond Hugues, Guiraud Delort, Raym.
Calvier, Guill. de Mauran et les deux *perfecti» y furent présents. Tous, ils
adorèrent ces deux derniers, après un repas commun.
B é re n g e r B rosa avoue le 20 déc. 1299 (f. 17v) avoir adoré, il y a deux
ans, un vieil hérétique à la même métairie, à la suite d’un repas commun.
Parmi les participants, il reconnut Raym. Auger, Guir. Delort, Raym. Calvier
et Guill. de Maurau. C’est ce dernier qui leur proposa cet acte. Le 17 ja n ­
vier 1300 l’accusé ajoute y avoir vu aussi Jean Baudier, Galhard Fransa et
Guir. Austor (f. 17v).
G u ira u d D e lo rt «adora», d’après son aveu du 16 déc. 1299 (f. 19r), deux
«bons hommes», il y a un an, à la métairie nommée. Les «coadorateurs »
Bér. Brosa et Raym. Auger répétèrent leurs génuflexions hérétiques aussi
après le repas commun, entre la 8e et le 9e heure. Deux jours après, le té­
moin indique (f. 19v) encore Guill. de Mauran, Galh. Fransa, Jean Baudier,
Guir. Austor et Raym. Hugues comme participants.
G u ira u d A u s to r avoue le 2 mars 1800 (f. 26r) qu’il «adora», il y a
trois ans, Raymond Delboc et Raymond Godayl [alias Didier] avant un repas
commun, auquel prirent part Raym. Calvier, Raym. Auger, Bér. Brosa, Guir.
Delort, Jean Baudier, Raym. Hugues, Galh. Fransa et Guill. de Mauran.
Le 25 janvier 1800, R a y m o n d C a lv ie r atteste (f. 27r-v) que lui-même,
Raym. Auger, Bér. Brosa, Guir. Delort, Raym. Hugues, Jean Baudier, Galh.
Fransa, Guir. Austor et Guill. de Mauran «adorèrent», vers la Pentecôte
de 1297 ou de 1298, les « parfaits » introduits dans la métairie par Guill. de
Mauran. La cérémonie eut lieu entre la 8e et la 9e 'heure, après un repas
commun.
D’après la déposition de G a lh a rd F ra n sa , interrogé le 2 mars 13G)
(f. 80r), le prévenu « adora » les « parfaits », il y a trois ans, à la même mé­
tairie, après une chasse. Ayant accepté quelques rafraîchissements, il «adora »
ensuite, avec le propriétaire, ainsi qu’avec Raym. Auger, Bér. Brosa, Guir.
Delort, Jean Baudier, Guir. Austor, Raym. Hugues et Guill. de Mauran, les
hérétiques, en suivant l’invitation de Mauran.
J e a n B a u d ie r communique le ô février 1300 (f. 33v): Un matin, il y a
environ deux ans, en allant voir son vignoble, il rencontra Raym. Auger,
Bér. Brosa, Guir. Delort, Galh. Fransa, Guir. Austor et Raym. Hugues qui
l’invitèrent à visiter une métairie de Raym. Calvier. L’invitation acceptée,
le témoin vit là le propriétaire, ainsi que Guill. de Mauran et deux hom­
mes inconnus désignés par Raymond Auger comme des «boni homines », qui

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 203

principaux toujours introuvables, quel était leur aspect et quels étai­


ent leurs rapports avec leurs parents. De plus, les juges semblent
vouloir éviter d’interroger à ce sujet. Ainsi, Guillaume de Mauran,
un des accusés, ayant parlé de la « receptatio >, près de Graulhet, des
♦ parfaits > par les parents de l’un d’eux (f. 10r), les juges se bor­
nent à demander pourquoi les «perfecti > qui jeûnaient ce jour là,
envoyèrent leur messager chercher du poisson ( 1). En entendant Guil­
laume parler d’une visite du « parfait » Raymond Didier à sa sœur,
un Bernard Gui aurait certainement interrogé le prévenu à ce sujet,
afin de savoir si cette sœur était hérétique, si les entrevues se pas­
saient souvent etc., pour pouvoir découvrir de nouveaux recoins du
catharisme et pour faciliter la capture des chefs. Mais le tribunal
d’Albi garda le silence (f. 15 r).
D’autre part, on sait que l’enquête ordonnée par Philippe le Bel,
en 1302, prouva complètement les abus graves commis par les juges
(f 150 v.). On sait également que pendant l’enquête que les officiers
royaux et les représentants du peuple menaient eu 1303, tous les
prévenus dans le procès d’Albi affirmaient que c’étaient de fausses
accusations qui leur étaient arrachées (f. 9v, 46 v). Il suffit de réunir
toutes ces données pour être certain qu’il y avait du louche dans ce
procès d’Albi (*) et que la véridicité des accusations que les prévenus
dirigeaient les uns contre les autres, était bien suspecte.

pourraient être très utiles au témoin. Après avoir «adoré» les «parfaits»,
en cédant aux prières de son compagnon, il apprit leurs noms Raym. Delboc
À

et Raym. Didier. Malade et faible qu’il était, le témoin quitta bientôt la


réunion. Il lui semble, qu’après son départ, les invités du propriétaire di-
uêrent.
Le 2 mars, R a y m o n d H u g u es déclare (f. 34v) avoir «adoré» vers 1297,
les deu^t « parfaits » avec Raym. Calvier, Raym. Auger, Bér. Brosa, Guir.
Delort, Jean Baudier, Guir. Austor, Galh. Fransa et Guill. de Mauran. La
cérémonie eut lieu, vers le temps des vêpres, à la métairie de Calvier, après
un repas commun.
La « Consultation » de Pierre de Collomezzo, évêque d’Albano, ayant donné
la règle « qu’il suffisait que les témoins s’accordassent sur la substance des
choses» pour prouver le délit (Tanon, 358 et n. 1), la condamnation de ces
neuf prévenus ne devait être qu’une question de temps, vu le fait que c’étaient
des juges sévères et partiaux qui dirigeaient le procès.
(b Comme on sait, le jeûne des « parfaits » cathares ressemblait par sa
rigueur à celui des ascètes de l’Orient.
(-) Selon toute vraisemblance, la bona fides des juges d’Albi ressemblait
à celle de l’inique Henri Institoris, entamant des poursuites contre des fem­
mes innocentes d’Innsbruck, en les inculpant du crime de sorcellerie. Janssen,
Geschichte d. deut. Volk. VIII (1903) 556.
Les actes de l’interrogatoire dépeignent assez vivement maintes « héré-
tications » et «adorations». Voici les récits concernant Pierre de Medano
(ou Medenco), procureur royal dans la sénéchausèe de Carcassonne et de Béziers

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204 DISCUSSIONES.

L ’indignation populaire aurait certainement trouvé son expres­


sion dans quelques appels aussi inefficaces qu’autrefois, si Fr. B e r ­
n a rd D é lic ie u x n’avait pas agi en homme très avisé. Après avoir
tiré des informations sûres de maints plaignants venant le voir, et
après avoir recueilli les confessions de Jean Fresquet, gardien du
« mur » épiscopal d’Albi, qui renonça à son poste et se réfugia chez les
(Vaissète, XI, preuves, col. 210, 290). G ui 11. de M auran dit (f. lOv-r):
Il y a une douzaine d'années, il allait en France avec Pierre. Près de Tours,
ils rencontrèrent deux « crucesignati ». En les voyant, le procureur exprima
son désir ardent de faire la connaissance des hérétiques. Vers 1298, près de
Castres, en accompagnant Raym. Delboc et Raym. Didier, le prévenu ren­
contra en route le procureur se montrant très content de parler aux « bons
hommes». Après un long entretien avec ces derniers, il les «adora» selon
les rites des hérétiques. Pendant une nuit d’été de la même année, le pro­
cureur étant gravement malade, les « parfaits » vinrent le voir. Tandis que
le prévenu gardait la porte pour que personne n’entrât, les «perfecti » « hé-
rétiquaient » le moribond. Un des « parfaits » se plaça au chevet, l’autre au
bas du lit. Tous les deux faisaient des génuflexions, en prononçant des paroles
que le prévenu n’a pas comprises. Raym. Auger, beau-frère du moribond,
assistait à la cérémonie.
Pendant son IIe interrogatoire (f. 16r-v), ce R a y m o n d A u g er, confirme
avoir été présent quand, une nuit, vers la Saint-Jean de 1299, on « hérétiqua •
le procureur, en cédant aux prières réitérées du mourant. En signe de réception
dans la secte, Raym. Delboc posa les mains sur la tête du moribond. Le pré­
venu suppose que c’est Guill. de Mauran qui les introduisit du jardin voisin
et les reconduisit, la cérémonie terminée. B éren g er S a b a tie r y assistait.
L’unique interrogatoire de ce dernier (f. 38r) confirme les données générales
de l’aveu fait par Raym. Auger. Selon le prévenu, l’« hereticatio » eut lieu
entre la 3e et la 9** heure.
Maître G a rn ier de T a la p sio , juriste de Réal mont, reconnaît pendant
son unique comparution, le 1 mars 1300, (f. 37r-v) qu’il visita, vers la
Saint-Jean 1299, le procureur mourant. En entrant dans la chambre du mo­
ribond, il vit les deux « parfaits», ainsi que Guill. de Mauran, Bérenger Sa­
batier, Durand de la Sale l’ai né, Durand le jeune, Arnauld Gaso et Sicart
Delort. Supposant des « secreta consilia», il quitta la maison.
Tous les prévenus nommés indiquent Choart (ou Cohart), propriété du
procureur, comme lieu de la cérémonie. Raym. Calvier ne sachant rien au
sujet de 1’ « hereticatio » parle (f. 27r) pourtant d’une réunion qui eut lieu,
vers 1295, dans sa propre maison, où Pierre de Medenco et Hugues de Chansi,
alors viguier d’Albi, adorèrent Raym. Didier. Jacques Fumet, par contre, veut
avoir vu (f. 28r), vers 1286, le procureur adorer deux inconnus « indu ti de
burello >, se trouvant alors dans la maison du maître Raymond Fumet, frère
du prévenu. Ni maître Durand de la Sale, notaire de Réalmont (f. 35v), ni
Sicart Delort (f. 48-9r) ne parlent de 1’ « hérétication » du procureur. Arnauld
Gasc ne figure pas parmi les prévenus.
Les témoignages contre les Templiers, Guichard de Troyes et Boniface VIII.
tout en étant plus concordants et persuasifs, ne sont-ils pas reconnus comme
faux par la critique moderne? Même sans connaître les détails de la procé­
dure d’Albi, la véracité dos dépositions est à contester, vu la partialité indu­
bitable des juges.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 205

Franciscains de L a u t r e c Q , Délicieux alla à T o u lo u s e trouver


Jean de Picquigny et Richard Leneveu (3), réformateurs royaux du
Languedoc, pour les gagner à la protection du peuple. Chargés de
corriger les abus et de raffermir les liens unissant le Languedoc à
la France, ces réformateurs cherchaient à gagner les sympathies de
la population. Voyant que la protection des habitants d’Albi pourrait
parfaitement aboutir à ce résultat, en faisant naître dans les cœurs
de nombreux méridionaux mécontents de l’inquisition la confiance
dans le roi et la reconnaissance pour l’aide fournie, Jean de Picquigny
et Richard Leneveu prêtèrent beaucoup d’attention aux griefs proposés
par le Franciscain éloquent, qui obtint vite leur estime (4). Voulant
rester impartiaux, les réformateurs demandèrent des preuves. Appuyé
par ses amis dévoués, à savoir Arnauld Garsia, dont le , frère R ay­
mond languissait dans le donjon épiscopal, Guillaume Fransa qui vit
l'évêque condamner son frère Guillard (6), et enfin Gaillard Etienne (6 ),
juge royal d ’Albi, Fr. Bernard, l’âme de l’opposition, organisa bientôt
une députation à Toulouse. Maintes personnes s’offrirent à témoigner.
Parmi les témoins, nous trouvons aussi Nayenias, violée par Foul­
ques. B e r t r a n d d e V i l l a r d e l , Frère Mineur, prit aussi part aux
préparatifs de ce voyage (7).
Après avoir plaidé leur cause et ayant présenté les griefs écrits
par B e r n a r d , les accusateurs discutèrent avec les réformateurs la
question d’une députation au ro i. Jean de Picquigny proposa d’en­
voyer avec les plaignants notre Franciscain qui, sachant bien manier
la parole, pourrait trouver la protection nécessaire en la personne de
D u ra n d (*), Frère Mineur, confesseur de la reine. De retour à Albi,

(b Déposit. de P ierre Probi, f. 263v-264r. Couvent de la Provence.


P) H auréau, 14, 28, 82, 50-8, 61, 68, 65, 68-78, 76, 78, 84, 103, 122, 187, 187ss.
Hauréau, Richard Leneveu, dans Hist. littér. X X V I, 548ss. Lea, II, 77-9, 82-6.
Vaisséte, IX , 228, 289 not. 2, 259-60 et not. Douais, I, 246. Molinier, 450. Vidal,
Bullaire, 5, 18, 15. Vidal, J . Galand, 87. Ch. Schm idt, Hist. des Cathares, I,
854. B. G ui, Hist. conv.: M artin e, col. 511 DE, 512 A, 514 CD. e t B. G ui, Prac-
tùa, pars 8. num . 45, p. 164. P icq u ig n y — P ecquigny.
(3) H auréau, 14, 28, 63, 73. H auréau, Richard Leneveu, dans Hist. litt.
•539-551. Lea, II, 77. Vaisséte, IX , 168ss., 228, 289, 257, 259, 260, 332 et not.
Vidal, Bullaire. 5. B. Gui, Hist. conv., 1. c. col. 511 E, 514 D.
Déposit. d ’A tnauld G arsia (f. 73v, 274r), de G uillaum e Olivède (f. 206r),
de Bernard A udiguier (f. 233), de Bern. Fenasse (f/244r), de Gui Sicred (f. 210r)
et de B e rn . D é l i c i e u x (f. 138, 149r). Le 5e article de la II e série d ’accusa­
tions. H auréau, 23. Vaisséte, IX , 2'28.
(5 ) Molinier, 89, 94. Fonds la tin 11847, f. 30r-v, 14r, 16v, 17r, 17v, 19r, 20v,
21r, 23v, 24v, 25r, 26r, 27v, 29r, 29v, 31 r, 31v, 82r, 38v, 84r, 34v, 85r, 38r,
46v. 47r. f ) H auréau, 71, 84, 80, 108, 128, 138, 197. Lea, II, 86. B. Gui,
Hût. conv.: 1. c. 518E. M ahul, V, 659. (7 ) H auréau, 75. Lea, II. 81.
H auréau, 72s., 124. Lea, II, 76, 90. L. Dnlisle, Durand de Champaune,
dans Hist. littér. X X X , 302-33 ; 31 Iss.

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206 DISCUSSIONES.

les plaignants, pourvus d’un sauf-conduit de la part des réforma­


teurs. discutèrent vivement tout ce qui pouvait favoriser le g r a n d
v o y a g e proposé (*).
Pierre de la Chapelle, évêque de Toulouse, ainsi que l’ancien
ministre général O. Min., Fr. R a y m o n d G a u f r id i (*), chargèrent
Bernard de régler en France quelques questions regardant l’exécution
du testament du saint franciscain L o u is d’A njou, l’évêque de Tou­
louse (8). Ainsi, notre lecteur trouva un prétexte légitime pour son
voyage, payé par les gens d’Albi.
En automne 1301, les réformateurs allèrent en France pour ex­
poser au roi les résultats de leur enquête au sujet du fameux Ber­
nard Saisset, inculpé de trahison (*). C’était une occasion très favo­
rable pour les plaignants de se présenter au roi en même temps que
leurs deux grands protecteurs. Naguère encore, le roi s’était montré
très favorable à l’égard d’Arnauld de Villeneuve, poursuivi à tort par
l’inquisition. Etant probablement, déjà vers cette époque, un ami per­
sonnel de ce médecin (®), si renommé au début du 14e siècle, Fr. B e r ­
n a r d pouvait bien s’attendre à ce que le roi prêtât une oreille at­
tentive aux plaintes des bourgeois, souffrant, eux aussi, de l’injustice
inquisitoriale. Il ne se trompait point. Dans son conflit avec Boni-
face V III, Philippe le Bel cherchait l’appui du peuple. U ne pouvait
donc pas négliger les bourgeois notables d’Albi recourant à sa justice.
Reçue en a u d ie n c e à Senlis, la députation (6) présenta au ro i
les griefs écrits par Fr. B e rn a rd . Chacun des plaignants proposa à
son tour les charges différentes (7) contre l’évêque et les inquisiteurs (’).

(’) Déposit. de Guillaume Frausa (f. 41v-2v, 43r, 43v, 46r), de Pierre de
Castanet (f. 53v-4r, 54v), de Raymond Baudier (f. 239r-40r) et de Bernard
Fenasse (f. 245). Les griefs 1, 2, 4 et 5 de la IIe série d’accusations.
(2) Voir sur lui AFH II, 470ss. ; VII, 655, 661.
(8) Déposition de Bernard, f. 149v. Voir sur ce saint: V e rla q u e , Saint
Louis, évêque de Toulouse, Paris 1885. Vaissète, IX, 188-9. Mireur, Les Cordeliers
de Draguignan,. . Draguignan 1906, 29-37. Act. SS. Boli., aug. III, 783ss. Bibl.
hagiogr. n. 5054-7. AFH 1. 278-90, 569-76; et II, 379-83 démenti par XV, 244.
Chevalier, Répert. bio-bibliogr. II, 2898s. (4) Hauréau, 28. (5) Voir plus
bas, § 10 et 12. (6) Composée d ’Arnauld Garsia, de Guillaume Fransa et
de Pierre de Castanet. Déposit de B e rn a rd , f. 149v.
(7) Espérant provoquer la colère du roi contre les Dominicains qui pro-
tégaient tant les inquisiteurs de leur ordre, B e rn a rd suggéra à Guillaume
Fransa de dire qu’un Dominicain, pendant un sermon à l’église de Saint-Salvy
à l’Albi, faisait dériver l’hérésie cathare répandue dans la Languedoc d'un
certain roi français (V. art. 6 de la première série). 11 ne peut s’agir ici que
d'une attaque, contre Philippe le Bel, de Dominicains restés fidèles au pape.
(“) Déposit. d’Arnauld Garsia (f. 6Kv-9v, 276r. 277v), de Guillaume Fransa
(f. 43v-4r, 44v), de Pierre de Castanet (f. 51r-v, 55r), de Bernard Bet (f. 5^r-v)

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 207

Le roi reçut B e r n a r d en audience particulière, en présence du


comte Gui de Saint-Paul (*), de Jean de Picquigny et de Hugues de
Bouville, chambellan. Invité à démasquer les menées des inquisiteurs,
le Franciscain, d’abord, ne voulut pas répondre à la question, en af­
firmant qu’il craignait que les Dominicains, leurs pratiques dévoilées,
ne se vengeassent sur le dos des innocents. Le roi ayant promis sa
haute protection (’), le Franciscain commença sa philippique. Après
avoir touché plusieurs questions au sujet des poursuites inquisitoria­
les, il entama la question des poursuites contre les morts, en parlant
des registres inquisitoriaux. On y lit, affirmait-il, que Guillaume Pagès
et Raymond Costa (’) étaient des < parfaits > cathares dangereux qui
se faisaient « adorer > et conféraient le « consolamen tum > (*). Mais
l’inquisition ne fait pas rechercher ces deux coupables et leurs re­
traites, tout en négligeant de préciser la date des « adorations > et
des « hérétications » prétendues. Les membres du saint-office n’exa­
minent pas plus, si les témoins indiqués dans ces vieux registres
existaient réellement. Chose bizarre! Ces dépositions indiquant maintes
« adorations > faites par des gens bien portants et par des mourants,
on ne poursuit que ceux qui sont morts depuis longtemps. Ne se
<rappelant » plus le jour des cérémonies cathares mentionnées, mais
nommant tous les participants, les témoignages laissent surgir une
« ohemens praesumptio > qu’ils ne sont pas véridiques, car il n’est

et de Bernard Fenasse (f. 245r). Le 12e article du I I e groupe des charges. —


L'article 6 et 8 du I groupe d ’accusations. — Les articles 4, 5, 11-18 et 21
parlent des diffamations composées par B e rn a r d . Guillaume Fransa confirme
la plupart de ces six articles de la I re série. Selon lui, le l e c t e u r et ses
complices savaieut parfaitem ent l’inexactitude des récriminations contre les
inquisiteurs. Arnauld Garsia (f. 276v) ne sait rien au sujet des articles 11-13.
Pierre de Castanet et Bernard Bet ne savent non plus grand chose. Pierre
Probi ne d it rien de ces articles. B e r n a r d D é lic ie u x reconnaît avoir é c r i t
quelques exposés au sujet des vexations inquisitoriales contre les prévenus et
le peuple, ainsi que des s u p p liq u e s , en cédant aux prières du peuple porté
contre l’inquisition (f. 162r).
O Recueil, XXI, 10 H, 16 A, 41 H, 185 C, 191 H.
(2) « Dominus re.r... impegit in ipsum f r a t r e m B e r n a r d u m quod ipse frater
Bernardus se debebat m orti exponere pro veritate dicenda, et non timeret, quia ipse
dominus rex diffenderet dictum fratrem Bernardum, sicut personam suam a quo­
rumque homine, et daret finem negotio talem, quod nec sibi nec p atriae tim or aut
periculum immineret. E t hoc super caput suum manu tetigit eidem fra tri Bernardo
et promisit* (Déposit. de Bernard, f. 121v).
(3) Hauréau, 38, 34. Lea, II. 61. Vidal, J . Galand, 32 et not. 2-4.
(*) Mahul, V, 630-1 (interrogatoire des témoins du 14 mars 1283 [= 1284]
et du 25 mars 1281), 688-5 (14 mars 1284 et 18 avril 1289), 635 (15 mars 1281
et 23 juin 1284), 687 (4 avril 1284), 638-40 (3 déc. 1284 et 15 juill. 1285), 643
(18 sept. 1285), 644-5 (15 mars 1288), 647 (16 sept. 1290). C'est Jean Galand,
0. Pr., qui, à quelques rares exceptions près, entendit tous les témoins.

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208 DISCUSSIONES.

pas possible que tous les témoins pussent avoir une aussi courte mé­
moire. H faudrait rechercher le degré de parenté et d’amitié entre
les témoins et les moribonds « hérétiqués ». On devrait aussi exami­
ner, si le moribond poursuivi avait des relations avec les « parfaits >
avant 1’ «hérétication ». Mais, sous ce rapport, l’inquisition reste in­
active. Ensuite, les femmes et les familiers des défunts ne sont pas
interrogés. Toutes ces négligences des inquisiteurs sont propres à
prouver qu’ils ne tiennent pas droite la balance de la loyauté. B e r­
n a rd c o n c lu t en affirmant que la révocation des inquisiteurs domi­
nicains est l’unique moyen de prévenir une explosion de la fureur du
peuple exaspéré (1).
« Gavisi fuerunt rex et alii*. Foulques de Saint-Georges, alors
inquisiteur de Toulouse, Nicolas d’Abbeville, Nicolas de Fréauville,
confesseur du roi, et autres Dominicains s’étant, ensuite, présentés
pour se défendre, Philippe les congédia, en déclarant : « Je vois que
Bernard a dit la vérité, tandisque ces Jacobites là assiégeant chaque
jour ma porte, me content des mensonges > (2) ! Quatre ou cinq jours
se passèrent avant que le roi ne les reçût en audience (3).
Jean de Picquigny s’entendit à parer habilement les attaques
de Fr. Foulques, en suivant les conseils de Fr. Bernard. L ’inquisi­
teur de Toulouse ne pouvait pas prouver ses accusations, tandis que
le réformateur, dont les griefs dirigés contre les adversaires furent
examinés par Gilles Aycelin, archevêque de Narbonne, et par le con­
nétable de France, parvint parfaitement à démontrer la vérité de ses
assertions, confirmées par de nobles personnages de Toulouse, ainsi
que par les membres du clergé (*).
Les abus commis par Bernard de Castanet et par Foulqueâ étant
prouvés, Philippe condamna l’évêque d’Albi à une amende de vingt
mille livres tournois, exigea des supérieurs dominicains de Paris la
révocation de Fr. Foulques de son poste d’inquisiteur, dépouilla les
inquisiteurs du droit de procéder à des arrestations arbitraires et
enjoignit, enfin, aux sénéchaux de Toulouse, de Carcassonne et d’Agen
de mettre la main du roi sur les emmurés (5 ).

( x) D éposit. de B e rn a rd , f. 123r-4v.
(2 ) < Ego intelligo, quod iste le c t o r d irit mihi et aperuit veritatem : et isti
lacobitae omni die contendunt intrare ad me, ut in caput meum ponant falsitates
eorum et proditiones >. D éposit. de B e rn a rd (f. 125r). H a u ré a u , 84.
(•) D éposit. de B e rn ard , 1. c.
(4 ) D éposit. de B e rn ard , f. lôOrss.
(5 ) H a u ré a u , 37-44. Lea. I l , 78, 80. G. L izerand, Clément V et P h ilippe le
Bel, 412. Ch. S c h m id t, II, 345s. V aisséte, X , preuves, 379-82. Le roi ne s 'a r r ê ta
pas de d ire que F r. F o u lq u e s « processus suos in inquisitionis negotio a cap­
tionibus, questionibus et inexcogitatis tormentis incipiens personas... vi vel metu

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 209

Ne pouvant pas se consoler de la perte de ses <boita tempora­


lia >, Bernard de Castanet alla à Toulouse pour protester. De retour
dans sa métropole, il fut bien mal accueilli par le peuple donnant
libre cours à ses sentiments longtemps retenus. En se portant à sa
rencontre, la foule criait: « Mort au traître! Mort au traître! ». Selon
le récit bien connu de Fr. Bernard Gui, les Dominicains, eux aussi
avaient été brutalement molestés. Les aggresseurs hardis « concentum
fratrum pluries invaserunt, et hortos intraverunt et spoliaverunt ».
Mais la condamnation de l'évêque à l’amende et la révocation de
Fr. Foulques ne représentaient qu’un succès médiocre par rapport à
Fespérance de la population et de Fr. Bernard. La nomination proposée
de Fr. Guillaume de Morières, O. Pr. (’). au poste d’inquisiteur tou­
lousain, poussa même notre ardent méridional à exprimer d’une ma­
nière peu diplomatique son grand mécontentement de la politique
royale, tout en donnant, pendant un entretien avec Arnauld Garsia,
une remarquable caractéristique de Philippe dans les termes suivants :
<Que maudit soit le roi qui ne veut pas satisfaire le justes désirs
de ses sujets! Au fond, il n ’est semblable qu’à un c...., car il veut
toujours être auprès de sa femme; des gens pareils sont ordinaire­
ment craintifs et incapables de faire du bien. Il révoque un mauvais
inquisiteur et veut approuver la nomination d’un Dominicain encore
pire.* De plus le fait que Philippe ne condamne l’évêque qu’à une
grande amende, laisse bien supposer qu’il préfère l’argent à la justice.
Les sentences contre les morts ne lui déplaisent pas non plus, tant
qu’elles lui restent profitables » (*) !
En ce dernier point, Bernard avait bien raison. Encore en 1300
et 1301, le roi et l’évêque partageaient amicalement les biens confis-

tormentorum fateri com pellit... sub praetextu liciti illicita, sub specie pietatis im pia
d penitus inhum ana,... fideles et subditos nostros, sub praetextu officii inquisitionis
huiusmodi exactionibus, excessionibus, oppressionibus, molestiis innumeris et grava-
minibus manifestis atterrit et affligit,... testes fallaciter subornatos inducat ad perhi­
bendum testimonium falsitatis». (Vaissète, X, col. 879). Fr. Foulques bien qu’étan t
formellement destitué à la fin du mois d’avril (B. Gui, H ist. conv.: Recueil,
XXI, 747 AB. Cf. Molinier, 91), siéga tout de même le 17 janvier 1808 (?) en
qualité de « inquisitor heretice p ra v ita tis in regno Francie auctoritate apostolica
deputatus • avec Bernard de Castanet, interrogeant Guillaume de Mauran
(f. 50v). Ceci ne peut être qu’une faute chronologique de la part du notaire,
car à cette époque G. de Morières était inquisiteur.
(') Voir sur lui Douais, I, 97, 184. Vidal, Bullaire, xxvr, 15. Vaissète. IX,
257-60; Hauréau, 48ss.
P) Déposit. d ’Arnauld Garsia, f. 70v-lr. « ... Maledicatur talis rex quia vult
confusionem hominum suorum. In veritate credo quod ipse nunquam faciet terrae
nostrae aliquod bonum. Vere ipse non est nisi tanquam unus porcus qui semper esse
vult iuxta uxorem suam; et homines tales semper sunt tim idi et nunquam aliquid boni
faciunt... » (f. 71r).

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210 DISCUSSIONES.

qués des prétendus hérétiques C1). Qu’on se souvienne aussi du procès


des Templiers (1307-14).
Les emmurés n’étant pas délivrés et Fr. Guillaume de Morières,
ainsi que Bernard de Castanet ne faisant suspendre les poursuites que
pour le moment, Fr. B e r n a r d rentra à N a rb o n n e (’) et décida
bientôt de faire en France une n o u v e lle d é m a rc h e . Chargé par
son p r o v in c i a l (3) de le remplacer aux états généraux de 1302,
et invité par le réformateur complaisant d’aller plaider la cause d’un
certain Bernard de Devèse (4), ancien trésorier de l’église d’Agen, qui
fut déclaré prisonnier d’Etat, notre lecteur s’empressa d’organiser
une deuxième députation (6 ) de citoyens d’Albi. C’était ce trésorier et
l’o r d re qui avaient pourvus aux dépenses du voyage de Bernard.
Arnauld Garsia et Pierre de Castanet, ses fidèles partisans, pri­
rent de nouveau part à cette députation. Même deux F r è r e s Mi­
n e u rs , à savoir J e a n H e c to r ( 6) et B e r t r a n d de V i l l a r d e l ( 7)
se déclarèrent ouvertement en faveur de la population et participèrent
à la démarche. Quelques femmes des emmurés, ainsi que la pauvre
Navenias, victime de Foulques, se joignirent à la députation. On espé­
rait que, mue par les larmes de ces femmes, la reine ferait des pas
énergiques auprès du roi indécis. D’ailleurs, Fr. Bernard ne perdit
aucune occasion d’instruire personnellement la reine qui, influencée aussi
par son confesseur, frère D u ra n d , O. F. M., donnait à notre lecteur
des « bonae responsiones >. En maintes circonstances, celui-ci parlait
de Jeanne de Navarre comme d’un ange gardien des persécutés (8). Mais
les prières de cette nouvelle Esther, ainsi que du réformateur et des
membres de la députation ne d é t e r m i n è r e n t p a s le ro i à faire
des démarches tendant à la révocation des inquisiteurs dominicains.
Les m o tifs de Philippe sont clairs; il ne voulait pas offenser
l’ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci se montrant, à cette époque,
fidèle au roi, qui avait un nouveau différend avec le pape (e ).

O Douais, I, 96. (-) Déposit. de Bernard, f. 150v.


(3) Déposition de Bernard, f. 151r: « ... Fratre» ordinis citati fuerant pro
facto papae Bonifacii. Et minister voluit quod ipse loquens pro provinciali ibi ac­
c e d e r e t. (4) Hauréau, 50. •
(J Ce sont Arnauld Garsia (f. 69v-70r, 274r. 275r), Pierre Probi (f. 264v,
265r. 266v), Raymond Baudier (f. 240r), Pierre de Castaneto (f. 55v), Bernard
Fenasse (f. 245v) et Guillaume Fransa (f. 46v, 256r) qui parlent de ce voyage.
Voir aussi l’article 13 et 29 de la II e série d ’accusations et l’article 14 de la
I' série. Fr. Bernard est très bref: f. 151r-v, 134v. (6) Hauréau, 75. Lea, II, 81.
d) Hauréau, I. c. Lea, 1. c. (H) Déposition du Dominicain Raymond
Arnauld, f. 286v. V. la déposition de P. Probi, f. 264v.
(v) V. Lea, II, 87 et n. 1. Molinier, 126. Voir G. P ic o t, Documents relatifs
au.r états généraux et assemblées réunis sous Philippe le Bel, Paris 1901, 381-8.
P. Mortier, O. P r., Histoire des Maîtres généraux de l’ordre des Frères Prêcheurs,
II, Paris 1905, 409-17. Voir AFH X, 5-7.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 211

Pourtant, le roi promit de venir dans le Languedoc, pour régler


personnellement la question inquisitoriale et offrit aux plaignants
mille livres tournois ( 1). De retour à A lb i, Fr. B e r n a r d D é li ­
cieux fit convoquer une grande assemblée, à laquelle plus de 500
personnes prirent part. Electrisant la foule par sa parole hardie, il
communiqua la grande nouvelle de la prochaine arrivée du roi et
somma les assistants de participer à la levée d ’un subside, tant né­
cessaire pour hâter le moment du triomphe. Tout le monde souscrivit
et donna, après, des sommes plus ou moins grandes. Arnauld Garsia
donna cent livres, quelques autres-cinquante, etc. C’était maître Ar­
nauld Gallinier (*), notaire royal d ’Albi, qui dressa la liste des sous­
criptions (’).
Les Frères Prêcheurs, * egentes et angustiati et afflicti*, tenaient
tête, avec beaucoup de calme extérieur, à la foule, toujours hostile et
menaçante, tout en m ettant par écrit les noms et les actes des ag-
gresseurs, afin d’être prêts à toute éventualité (4).

§ 4. - Le funeste traité de paix avec P inquisition. Les pré­


dications de Fr. Bernard Délicieux. Les nouveaux troubles
de Carcassonne.
Tandis que les citoyens d’Albi, se trouvant sous l’impression des
abus inquisitoriaux commis pendant le grand procès dans cette ville,
se groupèrent vite sous l’égide de B e r n a r d , leur < héros », les C a r-
c a s s o n n a is , tout en convoitant, eux aussi, de semblables succès,
hésitaient à se soulever contre l’inquisition détestée.
Que de fois déjà en avaient-ils appelé au pape et au roi, mais
sans arriver à un résultat! (8). Philippe le Hardi et Honorius IV ne
prêtèrent pas une oreille attentive à leurs recours réitérés. Les bour­
geois ayant fait des démarches simultanées auprès de Boniface V III
et de Philippe le Bel, le premier s’offensa pour un rien et congédia
les représentants des mécontents, tandis que le roi, qui peu avant

(') Bernard Fenasse suppose que la reine en était la donatrice. Notre


lecteur retint de cette somme 100 livres, et Fr. J e a n H e c to r 50. Aucun
témoin ne confirme l’article 29 de la II e série d ’accusations, et ne sait rien
au sujet de la lettre royale mentionnée dans l’article 13 de la même série.
Guillaume Fransa nomme Pierre Probi et Philippe Olric (Douais, II, 305,
318. Hauréau, 108. Mahul, V, 656) comme participants. Pierre Probi affirme,
par contre, qu’il n ’a rien eu à faire avec la députation. Il reconnaît, pourtant,
avoir vu en France Fr. Bernard avec les femmes des emmurés.
Douais, II. 805, 317, 340.
<3 » Déposit. d’Arnauld Garsia, f. 71v-2. Voir sur celui-ci et Bern. Fenasse,
aussi Picot, 147. (4) B. Gui, Hùt. conv. Albien.: Kecueil, 748 I.
Vidal, J. Galand, 6, 39-43. Vaissète, IX, 334, 336. Sarraute, Le logis, 40s.

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212 DISCUSSIONES.

cette époque, avait fait la paix avec le pontife (*), n’hésita pas à
enjoindre, le 5 septembre 1298, à ses vassaux, sénéchaux et baillis
de prêter main-forte à l’inquisition, conformément à la constitution bien
connue de Boniface (*). De plus, nous trouvons quelque temps après
« sous le même 4 vidimus ’ du juge de Carcassonne, Raymond Costa,
la constitution du pape et la lettre du roi > (s ).
Les bourgeois, las de lutter, demandèrent enfin à Fr. Nicolas
d’Abbeville, O. Pr., les c o n d itio n s qu’il poserait à une entente avec
la ville. En présence de Bernard de Castanet, de Bérenger Frédol,
alors évêque de Béziers, de Fr. Bertrand de Clermont, O. Pr., et d’au­
tres dignitaires, l’inquisiteur avisa le peuple, assemblé le 27 avril 1299.
qu’il proposait de ne punir que les hérétiques manifestes et leurs
fauteurs, dont la culpabilité serait légitimement prouvée, et que les
pénitences seraient imposées par les évêques présents et Arnauld
Nouvel, abbé de Fontfroide. Après en avoir mûrement délibéré, la
communauté r e f u s a ces conditions (*).
Ce n’est que le 8 octobre de la même année qu’elle se déclara
p r ê t e à conclure la paix. Au nom des consuls (8) et des habitants,
maître Guiraud Galard reconnut les crimes imputés, à savoir: 1° l’aide
fourni par la population, pendant plus de trois ans, aux sept citoyens i6 ),
dont l’hérésie fut prouvée par des témoins concordants, et 2° 1’ < bn-
pedimentum officii inquisitionis >. Le représentant de la ville implora
humblement l’absolution de la sentence d’excommunication, encourue
4 cause de ces délits, après quoi les consuls abjurèrent l’hérésie au
nom du peuple. En absolvant la communauté (7), l’inquisiteur n’exigea
que la punition de quelques citoyens qu’il indiqua par leur nom. et
imposa comme pénitence aux autres habitants du bourg de faire bâtir
une chapelle de Saint Louis, roi, dans le couvent dominicain, tout en

(*) Langlois, Hist. de France, III, II, 1901, IBôss.


(2) C 12 in V I“, 1. V, tit. II, de haeret.
(8) Douais, I, 87, 22$). Lea. II, 67.
(4) Vaissète, X , preuves, 278-81. M ahul, V, 651. Lea, II, 69.
(5) A rnauld F ournier, n otaire, A rnauld de N aL aura, m enuisier, G uillaum e
M anifacier, Pons Cassanhas, R aym ond de M ontlegun, Gui Sicred, Pierre
T errien e t P ierre Marseille.
(®) G uillaum e G arrie, G uillaum e B runet e t au tres, excom m uniés solen­
nellem ent le 26 ju in 1296.
(7) Vaissète, 1. c. Lea, II, 70. Citons le passage su iv an t de la réponse de
l’in q u isiteu r: • N os... recepto iuramento a dictis consulibus... dictae universita­
tis... de stando mandatis Ecclesiae, iuxta iuris formam o m n i h a e r e s i a b i u r a t a ...
praedictos consules et a lios..., petentes et volentes, a fautoria et quolibet genere p a r­
ticipationis p e r ipsos cum ... excommunicatis... a b s o lv im u s iuxta iuris formam:
etiam mortuos corde contritos... et omnes sententias a nobis... super praediatis
la ta s..., relaxam u s...*.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 213

ajoutant que celui qui, désormais, « pro deffensione actenus se opponat,


tel deffensionem assumat, nisi quantum sibi legitime et secundum
cursum et stilum inquisitionis competerit, sine fraude; quod si fa ­
ceret, ipso facto, usque in terciam generationem, omni publico officio
honoris vel dignitatis imperpetuum non fungatur ». Les consuls promi­
rent de satisfaire à toutes les conditions posées, et prêtèrent serment (’).
Ainsi, par la bouche des consuls, les habitants avouèrent avoir
conversé, pendant plus de trois ans, avec des hérétiques, et reconnu­
rent la légitimité de l’excommunication (*). Ils'é ta ie n t « réconciliés ».
Mais, dès ce moment, chaque action insignifiante contre le saint-office
pouvait parfaitement être interprétée par l’inquisiteur quelque peu
habile, comme une rechute dans Fhérésie. Alors, de plein droit, les
«relaps » devaient être mis à mort (’), tandis que Fincapacité d’oc­
cuper des offices publics ou de jouir d’aucun bénéfice ecclésiastique
devait frapper encore leurs enfants jusqu’à la troisième génération (*).
De plus, le concile de Béziers de 1254 avait statué que les récon­
ciliés eux-mêmes « ne pouvaient être relevés de ces déchéances que
par l’autorité du pape ou de son légat » (6).
De concert avec les consuls et avec quelques dignitaires, Fin­
quisiteur ayant en vue de se servir au moment voulu d’un atout
redoutable et ne pouvant pas y parvenir ouvertement, c a c h a à la
communauté l’abjuration prêtée par les consuls, ainsi que les suites
funestes possibles que celle-ci comportait. Pour donner à la pièce
plus de poids, il y inséra frauduleusement les noms de quelques per­
sonnes notables, comme ayant assisté à l’abjuration. P ar corruption,
le sénéchal et le juge-mage scellèrent la pièce sans en avoir examiné
le texte. Ainsi croyant avoir amené l’accord avec moins de pertes que
s’il avait été conclu à la base des conditions proposées le 27 avril,
le peuple tomba dans une profonde passivité. Ce n’est qu’un choc
puissant qui aurait pu provoquer le réveil de la résistance aux
abus inquisitoriaux. C’est Fr. B e r n a r d D é l i c i e u x qui, en dé­
masquant la ruse de Fr. Nicolas d’Abbeville, amena ce choc.

(b Parmi les délinquants qui devaient être punis, nous trouvons les noms
d’Aymeric Castel (voir supra, p. 194ss.), d’Arnauld Villaudegut et de Guillaume
André. Ces deux derniers étaient bien ceux qui se réfugièrent, en 1296, au
couvent fr a n c is c a in où ils avaient été cités par Fr. Foulques. Nous
voyons Etienne Auriol, un des compagnons de Foulques, siéger parmi les
témoins du traité de paix, ainsi que François Ricoman, Foulques et B er­
nard Gui, alors prieur à Carcassonne. D’après Historia conventuum de ce
dernier, la construction de la chapelle fut terminée en 1300. Elle coûta 90 li­
vres tournois (Recueil, XXI, 748). (*) C. 18 in VI° de haeret. V, 2: c. 13 X
de haeret. V, 7. (3) C. 8 in VI° de haeret. V, 2.
i*) C. 2 in VI° de haeret. V, 2. (5) Tanon, p. 543.

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214 DISCUSSIONES.

Protégé par son ordre, (dont la rivalité avec les Dominicains est bien
connue), et dont l’intention d’assumer Fexercice de l’inquisition dans
le Languedoc nous paraît assez vraisemblable, B e r n a r d , après son
deuxième voyage en France, ne retourna plus à son poste narbonnais.
On le voit alors p a r c o u r i r le p a y s et organiser la résistance des
mécontents, comme en vue de la prochaine arrivée du monarque, ainsi
aussi en vue de la libération proposée des emmurés d’Albi.
Mi-mai 1303, il apparut dans la ville de C a rc a s s o n n e , afin d’ap­
puyer les négociations de Jean de Picquigny avec le nouvel inquisi­
teur, Fr. Geoffroy d’Ablis, O. Pr. (’), au sujet des prisonniers languis­
sant dans le cachot de l’inquisition (*). A la fin de juin, après le départ
du réformateur se rendant de nouveau à la cour du roi pour demander
les instructions nécessaires, notre Franciscain prononça un éloquent
discours à C o rd e s, éprouvé aussi par les membres du saint-office (s ).
Vers la fin de juillet, pendant la reprise des négociations entre le ré­
formateur, revenu de France, et l’inquisiteur, Fr. B e r n a r d arriva à
C a rc a s s o n n e . Une * multitudo seditiosa * l’accompagna (*). Prête
à tout, cette foule devait prendre part aux réunions convoquées par
Jean de Picquigny voulant connaître l’opinion du peuple au sujet des
pas à faire en vue de la délivrance des prisonniers. Une des réunions
eut lieu au c o u v e n t des F r è r e s M in e u rs , une autre dans la
maison de Raymond Costa (5), évêque d’Elne (6).
Mais les Carcassonnais restaient toujours passifs. E t le réforma­
teur qui n’avait pas reçu en France des instructions précises, hésitait
à agir énergiquement, sans être sûr de l’appui absolu de la popula­
tion. Les Carcassonnais se disaient être « in tanto dominio et timore,
quod populus non audebat mutire >(7). En outre, on avait conclu la
paix avec l’inquisition. Alors, le réformateur exprima le désir de con­
naître son texte. Les anciens consuls qui conservaient la pièce, mais
ne voulaient pas la produire, furent contraints à obéir. C’est Fr. B e r­
n a rd qui découvrit vite la fraude (8).

C) A u tre m e n t d it G. d ’A bluses. D ouais, I, 39, 137, 198-203, 208; II, 337s.


H a u ré a u , 48, 58, 62, 83, 132, 137, 176ss. 192, 193. M olinier, 84, 107, 121 n o t.,
124ss, 126ss, 159ss. V aissète, IX , 258, 259. L ea, II, 70, 81ss, 85, 87, 92ss, 104,
106; I, 380, 493. H a u ré a u , Geoffroy d'A blis, d a n s H ù t. littér., X X X , 417ss.
V idal, Bullaire, 5, 13-5, 47, 158, 248. 276. B. G ui, H ist. convent.: M a rtè n e , VI,
514C. P h il. a L im b o rc h , Liber sentent. 38ss, 94, 98ss, 183ss. M ah u l, V, 643, 655.
(2) S u r ce d o n jo n v. S a rra u te , Le logis, 33ss.
(3 ) A rticles 14-17 de la I I e série d ’a cc u sa tio n s. D éposition de P ie r r e P ro b i,
f. 266v. D ouais, I, 38, 137 n o t. 4, 216; I I, 806s, 311, 313, 335ss, 839ss, 314-9.
(♦) A rtic le 18 de la I I e série. (5) V aissète. IX , 305 n. 2. D ouais, I, 56.
H a u ré a u , /?. Costa, d a n s H ist. littér. X X V II, 416. («) D éposit. de B e rn ard
Dél. f. 156r, 160r. (7) D éposit. d u m êm e, f. 160r.
(*) Les é v én e m e n ts se r a tt a c h a n t à c e tte d é co u v e rte so n t c o m m u n iq u és par
les personnes s u iv a n ts : A rn a u ld G a rsia (f. 275r), A rn a u ld M arsend (f. 223r-5r,»,

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 215

Le 4 août 1303 il prononça à ce sujet un s e r m o n enflammé dans


l’église du couvent. La majeure partie du bourg y assistait. D’abord,
il lut le texte Luc. 19, 41 : « Jésus s’approchait de Jérusalem, et à la
vue de cette ville, Il pleura sur elle... ». Fr. B e r n a r d commença
alors à sangloter, en s’essuyant les larmes avec les manches de sa
tunique. La faiblesse vaincue, il communique aux fidèles la fraude
inquisitoriale, l’abjuration, tenue en secret, et ses conséquences pos­
sibles (’).
Un cri de rage du peuple trahi contre les fraudeurs fut la ré­
ponse au discours. C’était l’apathie rompue, c’était le réveil dans la
résistance, c’était un triomphe de Bernard. Les Carcassonnais, eux
aussi, virent bientôt dans le Franciscain hardi leur «héros », dont la
présence triplait leurs forces et faisait s’évanouir l’arrogance des en­
nemis.
Non content du succès obtenu, B e r n a r d prêcha, bientôt après,
dans d’autres églises du bourg, en tâchant de gagner toute la popula­
tion à sa cause. En psychologue profond, il employait des p a r a b o ­
les, capables d’impressionner l’esprit du peuple. Mentionnons comme
exemple la parabole du saint homme: Il y avait une fois un saint
homme. Quelques drôles, pour soumettre à une épreuve sa sainteté,
l’accusèrent de toutes sortes de péchés, dont il était innocent. « Tu
as violé une femme ! » criait l’un d’eux. « Que Dieu te pardonne ! »
répondit le saint. « Tu as pillé un marchand ! Tu es un assassin ! »
vociférait un autre. Enfin, les drôles ayant usé tout leur répertoire

Bernard Isarn (f. 199r-v), Bernard Trevas (f. 280v, 281r-v, 282r), Brun de
Montcabrier (f. 221v-2r), Gérauld de Meldis (f. 216r-v), Gui Sicred (f. 211r-v,
212v, 213r), Guill. Arnauld Prexian (f. 286v-8v), Guillaume Hugues (f. 227r),
Guillaume Olivède (f. 206v-7v), Guillaume Rabaud (f. 214r, 215r-v), Guil­
laume de Villeneuve (f. 209r-v), Helis d’Alairac (f. 297v), Jean Marsend
(f. 204r), Philippe Perrin (f. 220v), Pierre Garsia (f. 286r-v), Pierre Guila
(f. 289v), Pierre Vital (f. 193v-4), Pons Simon (f. 291r-v), Pons de Villesèque
(f. 292r), Raymond Arnauld (f. 234r-v, 236) et le p ré v e n u (f. 122v, 129r-v,
135ss, 153, 160r-v, 161r). — V. les articles 19-23, 26-27 de la IIe série et l'ap­
pendice à ces articles, ainsi que l’art. 3 de la Ie série.
f) Dépos. de Raymond Arnauld, de Bernard Trevas, de Pierre Vital,
d Arnauld Marsend, de Pierre Garsia, de Guillaume Arnauld Prexian, de
Pierre Probi et de Pons de Villesèque. — Bernard Trevas se souvient que,
pendant le sermon, le Franciscain montrait du doigt, ça et là, dans la foule
et affirmait voir des traîtres. Le témoin, intimidé, quitta alors l’église. En
entendant la philippique, le témoin Arnauld Marsend courut vite chez son
beau-père, maître Arnauld Fournier, qui, de même que le témoin, participa
à la conclusion du traité de paix, et lui communiqua les déclarations de
Bernard. Gui Sicred, ancien consul, qui fut contraint à présenter la fausse
pièce au réformateur, partit immédiatement pour Toulouse avec Arnauld pour
annoncer la nouvelle à Fr. Geoffroy d’Ablis.

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216 DISCUSSIONES.

sans réussir à le troubler, finirent par le traiter d’hérétique. Devant


cette injure, le saint sortit de sa réserve et frappa rudement du poing
les calomniateurs (l ). Et Bernard exhortait les assistants à suivre
l’exemple de ce saint homme (*).
Fr. Bernard savait prendre l’allure populaire et parler le langage
simple allant au cœur des masses; les dépositions témoignent de sa
grande éloquence (’). Ses s e rm o n s et discours sont ordinairement
courts et parsemés de comparaisons et de paraboles, ce qui correspon­
dait parfaitement à la façon de la prédication franciscaine. En même
temps. Bernard possédait un don exceptionnel de saisir la foule par sa
parole et de l’exciter à la lutte. Fr. Berthold de Ratisbonne, O. F. M.,
connu pour ses belles paraboles, est plus élevé, mais non si simple
et si naturel. En se conduisant en chaire comme dans une assemblée
du peuple, Bernard reste pourtant étranger aux singularités d’un
Vincent Ferrer, O. Pr. Ne connaissant qu’une très mince partie des
sermons de notre Franciscain, nous ne pouvons pas jugeb, si son ta­
lent dépassait celui d’un Fr. Hugues de Digne, son célèbre confrère (*).
Le 10 août, arrivé en hâte de Toulouse, Fr. Geoffroy d’Ablis,
intimidé par l’attitude menaçante de la foule et perdant la tête, fit
convoquer le peuple devant la maison de l’évêque, pour faire donner
lecture de son interprétation du traité de paix, en déclarant que les
consuls n’avaient pas avoué que la ville aurait prêté assistance aux
hérétiques, que ces consuls n’avaient pas demandé absolution et que
la population n’avait pas été absoute, car elle n’avait pas été excom­
muniée (a). Alors, la colère du peuple, entendant cette négation

(’) Déposit. de G érauld de Meldis e t de G uillaum e R abaud.


(2) Selon to u te probabilité, B ernard p rit la parabole des Fifœ Patrum,
où nous Pavons cependant inutilem ente cherchée.
(8) V. les déposit. de B ernard A udiguier (f. 238r), de Bern. T revas (f. 281),
de G ui Sicred (f. 210r), de G uillaum e Olivède (f. 206r), de G uillaum e R abaud
(f. 215), de Guill. de Villeneuve (f. 209r), de Je a n G au th ier (f. 800v), de P ierre
G uila (f. 289v) e t de R aym ond L ecourt (f. 261r). Cf. l’article 8e , 4e e t 7e de
la II e série.
(4) Cf. Fr. Salimbene, Cronica, ed. H older-Egger, MGH SS X X X II, 225-36,
238-51.
(s ) Collect. Doat, t. 34, f. 23: « Declaramus... consules praedictos seu eorum
consiliarios in dicto instrumento nomi-[f. 23v]natos pro se vel universitate praedicta,
vel singulis de eadem per ea quae dixerunt seu dici fecerunt, vel per ea quae conti­
nentur in instrumento praedicto m in im e co n fesso s fu isse , se vel dictam univer­
sitatem esse vel fuisse haereticorum fautores, nec absolutionem petiisse, nec etiam ab
eodem pro dicta fautoria a b so lu to s fu isse ... Item quod propter abiurationem
haeresis quam praedicti consules, consiliarii et alii singulares homines qui tunc erant
praesentes suo et universitatis nomine tunc fecisse dicuntur, vel alia quaecumque
dicta, confessa vel petita per eos et contenta in instrumento praedicto [f. 54r] ad

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 217

effrontée, devint de la frénésie. Au cours de cette même journée, la


foule révoltée, en poussant des cris: * Ad proditores mascaratos! •
démolit une quinzaine de maisons, appartenant aux anciens consuls
et aux amis de l’inquisition (’). Fr. B e r n a r d était assez populaire
et assez puissant pour pouvoir arrêter la « dirutio domor um ». Mais
il ne s’y opposa point, vu sa haine contre les imposteurs (’ i.
Les Dominicains envoyèrent tout de suite leurs délégués au ré­
formateur qui avait quitté Carcassonne quelque temps avant ces évé­
nements. Le peuple le pria aussi de venir. Ne voulant céder à aucun
prix, et s’attendant à une riposte énergique de la part des amis des
Frères Prêcheurs, les Carcassonnais décidèrent d’organiser une milice.
C’était Elie Patrice (3), citoyen notable, appelé par Fr. Bernard Gui
le <petit roi » du bourg, qui assuma la charge de capitaine. Le zèle
de la milice paraît avoir été trop ardent. Il arrivait qu’elle maltraitât
de simples passants qui lui paraissaient suspects (4).
Quand le réformateur s’approcha de la ville, la foule se porta à
sa rencontre. Apercevant Guiraud Galard (principal participant à la
conclusion du traité de paix) qui accompagnait Jean de Picquigny,
le peuple voulant lapider le traître, poussa des cris: < Qu’il meure!
Qu’il meure ! ». Le réformateur se dirigea vers la maison de l’évêque
d’Elne pour y entendre Jes plaintes dominicaines, tandis que la foule
se porta à l’église des Frères Mineurs où Fr. B e r n a r d tâcha d’apaiser
la colère du peuple (6;. Mais le mouvement ayant gagné même les plus

aliquam poenam relapsi non tenenturi nec se obligaverunt, nec ipsos propter praedicta
ad dictam poenam esse volumus obligatos, vel aliquam labem haeresis ex contentis in
instrumento praedicto aliquatenus incurrisse... ». — V. la déposit. de Pierre Vital.
(’) Déposit. de Guillaume Arnauld Prexian, de Guillaume Olivède, de
Guillaume de Villeneuve, de Gui Sicred, de Pierre Probi, de Pierre Guila et
de Pons Simon. B. Gui, Hist. conv. Carcass.: Recueil, XXI, 748 L, 744 A.
Lea, II, 82. Gui Sicred, Guillaume Arnauld Prexian et Bernard Isarn affir­
ment, sans donner des preuves, que la destruction fut préméditée.
(*) Bernard Regis ayant demandé à B e rn a r d pourquoi celui-ci* n ’avait*
pas empêché la destruction de la maison de l’interlocuteur, le Franciscain
répondit: «Tu l’as m érité!». (Déposit. de Bernard Isarn).
Hauréau, 80, 59s, 75, 91s, 98-6, 98, 100, 103-9, 112. 128, 126, 12$), 135.
Lea, II, 88, 90. Molinier, 88. Vaissète, IX, 227-8, 335, 391. Douais, I, 216; II, 814.
Vidal, Bullaire, 6, 19. Mahul, V, 657; VI, I, 11. B. Gui, Hist. conv.: Recueil,
743 K, 744 U.
(4) Ainsi Brun de Montcabrier •allant de Saissac à Carcassonne fut arrêté
près de Villeneuve-d’Olmes, par des gens armés affirmant qu’il était du parti
du traître Lam bert de Saissac (Mahul, V, 341, 653; VI, 1, 11, 880. Finke,
Papstum und Untergang des Tcmplcrordcns, I, 157; cf. 823. Vaissète, IX, 81.
Douais, II, 311 et not. 1). Ils b attirent Brun de telle façon qu’il d ut garder
le lit pendant sept semaines. (Déposit de Brun de Montcabrier).
(5) Déposit. d ’Arnauld Marseud.
Archivum Francùcanum Historicum. — A N . XVII. 15

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‘218 DISCUSSIONES.

paisibles bourgeois Q , il n’était pas facile de calmer les esprits. Du­


rant plusieurs années, les railleurs voyant passer les Dominicains ou
leurs amis, imitaient les cris des corbeaux (2 ), ce qui offensait pro­
fondément les maîtres d’hier. On comprend, dès lors, la joie maligne
de Fr. Bernard Gui, O. P., qui, ayant vu la révolte étouffée d ’une
façon sanglante, insérait dans son « Historia » la remarque suivante :
« E t qui prius insaniendo contra Fratres Praedicatores voce corvina
crocitabant, corvis fuerunt expositi crocitandi >(3 ).

(A suivre).
Dr. Phil. MICHEL DE D MITREWSKI.

(*) V. a rt. 28 de la I I e série.


(2) Déposit. de B ernard Trevas.
Hist. conv. Carcass.; Recueil, 744 D. En ce qui concerne les fenêtres,
brisées dans l’église dom inicaine (V. a rt. 26 de la I I e série), il ne s'a g it que
d 'u n to u r de gam in (Déposit. de Bern. Trevas, d 'H elis d ’A lairac e t de G uil­
laum e Olivède. Voir B. Gui, 1. c. 748 FG). Les D ominicains se p laignirent
aussi à B érenger Frédol e t à A rnauld Nouvel (v. a rt. 27 de la même série;.
La réponse que B e r n a r d leur a v a it donnée, reproduisait parfaitem en t son
anim osité d'alors (cf. la déposit. de B ernard, f. 137r).

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DOCUMENTA

INSTRUMENTUM PACIS
A S. IOANNE CAPISTRANENSI
INTER ORTONENSES ET LANCIANENSES CONCILIATAE, 1427

lacobus F e l l a , historicis Aprutinis sat notus, diem natalem An-


xani (’) habuit epocha incerta, sed post annum 1550, et circa an. 1629
obiit. Fuit decurio, medicus eruditus, pulchrarumque artium eximius
cultor. Mense septembri anni 1604 opusculum composuit, cuius titulus
est: l)e An vani insignibus, quod anno 1607 Venetiis edidit; alia
plura vulgavit opera (2), alia diligentissime compilata manuscripta re­
liquit; inter quae opus praecipuum est Chronologie Urbis A nveni,
inceptum anno 1607. In patria magister humanitatis constitutus est
an. 1626 (s ). Ob maiorum secordiam in rebus gestis adnotandis et
enarrandis, perarduam rem se agressum esse fatetur, aitque quoad
tempora antiqua: < Si quid autem recensebo auctoritate non fultum,
noverit lector me non idcirco falsitatis insinuandum, cum in rebus
antiquis secundum Livium, lib. 5°, si qua similia veris sint, pro veris
accipi debeant ». Compositioni Chronologiae praedictae occasionem prae­
buit petitio Alphonsi Piscicelli, equitis Neapolitani i4). Nam hic scire
volebat, quisnam fuerit primus archiepiscopus Anxanensis : an Hector
Piscicelli, vel aliquis alius, et quid fecerit Piscicelli durante administra-
tione Archidioecesis (6 ). Ad obtinendas praedictas notitias Alphonsus
scripsit die 20 maii 1607 Sebastiano Kinaldi, Anxanensi, episcopo
Chalcedonensi et postea Guardiensi, et ipsi lacobo Fella die 25 sept. 1607,

(b Modo Lanciano; cf. AFII XVI, 25-8.


Cf. Antichifà storico-critiche ecc. di Ant. Lud. Antinori utanipate daU'Ab.
Domenico Romanelli, Napoli 171>0, I, 287, 213, 289. 311.
(’) L. c. 289. (b Cf. Chronol. Ilis .
(5) Hector Piscicelli fuit secundus Archiepiscopus Anxanen. a. 15<>8-69.

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220 DOCUMENTA.

cui e Castelluccio (*) scripsit pariter episcopus Chalcedonensis, suus


concivis, die 28 iunii 1607.
lacobus F e lla , qui iam coeperat notitias historicas suae civitatis
colligere, quaesitis ab equite Piscicelli sibi propositis exacte respondit
die 24 oct. 1607, postquam de praedictis quaesitis etiam archiepisco-
pum Paulum Tasso (2 ) consuluit, qui animum eius excitavit ad labo­
rem improbum, iam coeptum, perficiendum (8). Immo an. 1612 Romam
Fella ivit, ubi plurimos scriptores consuluit, ut materiam pro sua
Chronologie inveniret. In ea, a priscis Samnitibus exorsus, historiam
Anxani (4) oppidi narrat (cap. 1-16), deque urbis episcopis et archi-
episcopis agit (c. 17), tunc de ecclesiis et coenobiis ibi exstructis lo­
quitur: v. gr. cap. 18.° de coenobio Divi Augustini; de coenobio Con-
ventualium (B); de coenobio 8, Angeli de Pace Observantium (®); de
coenobio S. Spiritus Caelestinorum; de coenobio S. M. Novae Canonico­
rum Regularium; de coenobio Capuccinorum ; de coenobio Hospita­
liorum ; de coenobio S. Clarae Monialium ; de coenobio Congregationis
Oratorii S. Philippi. Exinde cap. 19-20 de privilegiis urbis et viris
illustribus etc. dicit. Totum opus, quod manet MS., complectitur folia 236,
paginas vero 472, praeter indicem.
Anno denique 1735 doctor lo s e p h R a v iz z a scripta colligere
coepit, ne perirent'; et ut haec diligenter accurateque servarentur, cel­
lam aedificavit, Cancellatiam dictam. Hac occasione in compendium re­
digere fecit Chronologiam Civitatis Anxani lacobi F e lla , ex ea varias
praefationes generales digressionesque ab auctore positas, expungens ;
sicque opus, quia brevius, prae omnium manibus cucurrit, titulum
ferens Compendium rerum memorabilium Civitatis Anxani cum Prae­
fatione losephi Ravizza, MS. (7).
Fella in sua Chronologia lites dissidiaque Anxanenses inter et
Ortonenses enarrat. Causa litium dissidiorumque erant portus in Castro
S. Viti, in quem ius Ortona habebat, et nundinae Anxanenses. De portu
infra e Fella ea referemus, quae ad rem nostram faciunt. Qui vero
plura scire velit, opus Friderici Nuntii Faraglia (8) consulat. De nun­
dinis haec subnotanda nobis sunt. Nundinarum celebritas olim maxima
erat, nam ad eas ingens colonorum, mercatorumque copia undique con­
fluebat, Graecorum, Epirotarum, Liburnorum, Dalmatarum, Gallorum.

(’) Hodie Castelmauro vel Cafdelluccio aequa B orrana, in Prov. Molisana.


(*) F uit Neapolitanus et archiepiscopus Anxanen. a. 1588-1607 ; fama
sanctitatis est mortuus. (*) Cf. Chronol. 114.
(4) De nominibus variis Anxani trac tat p. 30. Cf. etiam L. Antinori, 1. c. 71.
(5) Cf. infra, 225 s., n. 4. (*) Cf. infra, p. 221 ss , 235 s. C) Antinori,
1. c. 237. (H) Storia della regina Giovanna I I d ’Angiô, Lanciano.
K. Carabba, 1904, p. 334 seq.

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PAX S. 10. CAPISTRAN. 1427. 221

Theutonum, Hispanorum (x). Anxanum enim emporium celebre erat


quod ex omnibus mundi partibus mercatores quotannis adibant. Pro­
gressu temporis nundinae, praeter menses iam statutos, maii nempe,
iunii et Septembria, protractae fuerunt per fere totum annum. Hinc
derivat adagium divitibus viris accommodatum : Tuis nimium inservis
commodis: Tu non faresti a tempo alla fiera a Lanciano, che dura*
un anno e tre dï. Nunc vero et portus destructus est et nundinae
languent.
Post brevem portus historiam et coenobii S. Angelo de Pace di­
cati originem, instrumentum de pace inter Anxanenses et Ortonenses
opera S. loannis a Capis trano facta edemus. Instrumentum hoc scrip­
tum fuit manu propria S. loannis a Capistrano, et asservabatur in
conventu S. Angeli de Pace Anxani ; nunc est deperditum (*). Ultimo
lo<o ponimus litteras Anxanensium (a. 1622), quibus a Summo Pontifice
canonizationem Capistranensis petunt, eas similiter e Chronologia, ubi
in ea agitur de coenobio S. Angeli de Pace desumentes (3). Neque
plura his de rebus in praelaudato opere continentur.

De Coenobio S. Angeli de Pace Observantium (*).


« Coenobium S. A ngeli de Pace, quod F ranciscani de O bservantia
inhabitant, positum fuit am oenissim o in loco prope em porium (5 ) anno
Domini 1430 in m em oriam salutiferae pacis in te r A nxanenses e t O rto­
nenses, auctore Beato loanne de Capistrano, conciliatae. H i nem pe po­
puli ta n tis in te r se odiis ardebant, u t m u tu a in dies clade fu n estaren tu r.
Hoc autem dissidium vetustissim um fuit. E x ta t nempe nostro in Ar-
chivio p rocurationis publicum in stru m en tu m am besum m uribus, quo
patet ab O rtonensibus electum syndicum ad huiusm odi pacem concilian­
dam, P alm ulum queûidam 10° kal. febr. die M artis anno 1252, indict. x,
regnante Conrado, rege R om anorum electo, regnorum eius anno 2°. E x ta t
et in stru m en tu m initae pacis sequenti M ercurii die, 9° kal. eiusdem
mensis e t anni. P ax autem eiusm odi non m ulto post tem pore rescissa
est. C onstat nem pe litte ris Caroli R oberti, regis prim ogeniti ad A pru-
tinum iu stitiariu m , datis Neapoli '4 ° idus iunias 1321, indict. 4", anno
regni R o b erti p atris 13° (°). O rtonenses trirem es duas con tra A nxanenses

(l ) Cf. Chronol. 62; A ntinori, 197. (2) A n tinori. 1. c. 154.


(’) Similes litte ra s pro canonizatione loannis C apistranensis a. 1690 effecta,
Summis Pontificibus ab a. 1162 ad a. 1528 usque exhibitas cf. e. g. ap. W ad-
ding, Annales, t, X III, 217-48; t. XVI, 123-6; 172-4.
(4) E lacobi Fella Chronologia, fol. 161-174.
(5) Locus quo hodiernis quoque diebus nundinae h ab e n tu r e t vulgo ap­
pellatur Prato délia Fiera ad orientem c iv itatis A nxani. Cf. AFH X VI, 258. '
(*) In fra eiusm odi « datorum » circu m stan tias hic et in se superfluas
omisimus.

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222 DOCUMENTA.

construxisse, navesque o nerarias A nxanensium m ultas, piratico more,


sublatis dom inis, cepisse e t apud Francam villam (*) navigia Anxanensium
duo potissim um invasisse, quae utiqu e v elu t e t alia cepissent, ni Fran-
cavillani 'perenni necessitudine e t foedere A nxanensibus ipsis obstricti
opem tulissen t, ac riterq u e certan te s rep u lissen t ; co n stat ex litteris
Braccii de F ortebracciis, M ontonis com itis e t A p ru tii u triu sq u e (*) gu­
bernatoris, iubentis O rtonenses sub poena unciarum au ri quingentarum ,
A nxanis reddere navim ablatam , quam ad p o rtu s custodiam constru­
x era n t. L itte ra e datae fu e ru n t T u d erti x kal. decem. 1322, ubi etiam
a s se ritu r A nxanenses ipsos plurim a habuisse condendarum navium ad
po rtu s custodiam privilegia. Cum A nxanenses postm odum privilegium
a reg in a loanna I et a lacobo de Borbona viro, 4° nonas iunii 1395
au reis septingentis construendi po rtu s apud S. V itum (s ) im petrassent
e t L adislaus con firm as se t : O rtonenses aem uli hoc audientes, ad Ladis-
laum ipsum confugiunt, privilegium A nxanis concessum revocandum
c u ra n t (4 ), portusque constructionem o b tu rb an t. A nxanenses interea iu-
ben t cunctas m erces ad eorum nundinas aequore vectas in ostio Sari (5).
loco scilicet commodissimo, exonerari. O rtonenses, L adislao defuncto,
loannam I I reginam adeunt, nuncian tq u e reg n i iu ra fraudari, cum m er­
catores m erces exonerarent onerarentq u e silvestribus, desertisq u e locis,
e t non portibus consuetis. V etat regina, ne quis am plius au sit id agere
ab ostio F ori flum inis (®) H istonium (7) usque. Hoc autem Ortonenses
cu ra ru n t, ne forte A nxanis facultas onerandarum exonerandarum ve n a­
vium , suis iuribus intercid eretu r, et contra privilegia im p e trata merces
O rtonae vectigales facere cogerentur. A nxanenses enim h ab u e ran t a
Carolo R oberti regis prim ogenito privilegium 6° idus m aii 1321, Neapoli
datum , ne ad A nxanensium nundinas com m eantes, com pellerentur Or­
tonae m erces facere vectigales, e t R o b ertu s ipse idibus octobris 1327,
idem privilegium concessit.
A nxanenses itaque sentientes non licere sibi de m ore m erces exo­
n erare e t onerare in Sari ostio, esseque id sibi e t dedecorosum e t de­
trim entosum , m anibus pedibusque conten d u n t fieri sibi facultatem , Or-
tonensibus vel invitis, optim i portus construendi, iique litem in ten tan t,

(*) Francavilla al mare, ora m aritim a.


(2) Regio A p ru tin a a n tiq u itu s d iv id eb atu r in A p ru tiu m C itra (Chieti) et
U ltra P iscariam (Teramo ed Aquila). P iscaria ^Pescara), am nis qui o ritu r in
Prov. A quitana nom ine Aterni, d iv id it P rov. A p ru tin am (Teramo) a Prov.
T eatina e t effu n d itu r in A driaticum m are.
(3) S. V itus in Prov. T eatin a (S. Vito Chietino), ora m aritim a.
(4) lu x ta F arag lia, 1. c. 336, die 15 sept. 1395.
(&) Flum en vulgo dictum Sangro; o ritu r in Prov. A quilana, perfluit Tea-
tinam et effunditur in m are A driaticum , ad orientem A nxani.
(6) Foro, am nis in te r O rtonam e t Francam villam .
(7) V astum A ymonis, vel sim pliciter V astum (Vasto) in Prov. Teatina,
ora m aritim a. E ra t sedes episcopalis, nunc archiepiscopus T eatin u s est ad­
m in istra to r perpetuus eiusdem.

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PAX S. IO. CAPISTRAN. 1 4 2 7 . 223

quae multos in menses dilata est apud ipsam reginam. Ortonenses vero
dolose per ducem Sfortiam de Attendolis et Franciscum de Riccardis
Ortonensem, regium consiliarium, maresciallum et... castrorum 13 do­
minum in Aprutio, grandi persoluta pecunia, privilegium impetrant,
necubi Anxanensibus portum construere liceat. Tentarunt patres 8° kal.
martias 1499 a Frederico rege declarandum comitem omnium castrorum
Francisci de Riccardis rebellis, Dymnum Riccium cum loanne filio, sed
frustra...
Anxanenses vero, ut redeamus ad rem, Sfortia Reginae invito, et
defectore ad Alfonsum regem, ad ipsam reginam confugiunt, privilegium
Ortonensibus iam concessum irritant, numeratisque aureis Venetis fisco
mille, aliisque centum Braccio de Fortebracciis, regio stipendiario, im­
petrant facultatem portus apud S. Vitum ponendi, cuius ponendi gratia
numeraverant prius Ladislao regi et loanni Ponzettae quaestori aureos
quingentos. Rex Alfonsus cum loanna matre constituit privilegio Bene­
venti dato x kal. februarii 1441, et iterum apud Tabias 4°idus maii 1442,
Anxanensem portum spectare a flumine Moro (! ) ad Asinellum (8), et
Anxanae ditionis esse Castrum S. Viti, quod ab abbate et monachis
S. loannis in Venere (3), pontificio etiam assensu impetrato, Anxanen­
sibus cesserat. Professus est etiam ingenue Alfonsus non causis modo
praedictis, sed ex integra, illibataque fide ab Anxanensibus ipsis et
regi patri et. sibi turbulentissimis illis temporibus conservata, huius-
modi portus condendi iis copiam fecisse, cum vel maxime sibi constaret
ex vetustissimis vestigiis atque ruderibus ibi antiquitus portum fuisse.
Cavit etiam ad evitandas offensiones et scandala, ne quis unquam Or-
tonensium munere ibi aliquo fungi posset, verboque regio praecepit hoc
privilegium Anxanensibus datum nullo unquam tempore revocandum,
iniunxitque singulis provincialibus dignitate fulgentibus Anxanos ipsos
vel manu armata et militari in huiusmodi portus pacifica possessione
tuendos.
Ortonenses itaque his et aliis de causis patribus nostris infensi
portus et arcis constructionem turbarunt, utque maiori eos afficerent
contumelia, etiam sub iugum more de prisco transire coegerunt, sub
quod victi et ad imperium redacti ignominiae causa mittebantur.... Ve­
rum non idcirco maiores nostri coeptis iam destiterunt, sed alacrius
instantes operi, et ultionem iniuriae acceptae molientes, multo plures
ad intermissam portus constructionem transmittunt, ponentes etiam
locis opportunis insidias, ut Ortonenses ad opus interturbandum pro-

(b Ad occidentem Anxani et inter Castrum Frentanorum et Ursuneam


‘Castelfrentano, Orsogna).
C9 Hodie Sinello ad Orientem Anxani et occidentem Vasti.
(’) Monasterium S. loan. in Venere, olim Patrum Benedictinorum, nunc
«i^rvlictum. Remanent reliquiae monasterii insignis et templum praestantis-
simum. De eo cf. Bellini, G. M., Nolizie sloriche su S. Giov. in Venere, Lan-
ciano 1887; Vine. Zecca, La Basilica di S. Giov. in Venere nella storia e nelVarte,
Pescara 1910.

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224 DOCUMENTA.

perantes in te rcip e re n t; nec spes ipsos fru s tra ta est. Siquidem h o s te s


im providi deciderunt in casses, dederuntque tem erita tis e t in iu ria e n o ­
stris p rius illatae poenas dignas e t acres. C aeduntur alii, alii se d a n t in
pedes, p e tu n t fuga salutem , sed hostiles m anus non effugiunt. P o st h o r ­
rificam cladem alii, iique quam plurim i, n aribus, au rib u sq u e tr u n c a tis ,
abire iubentur. N ares e t au re s septenae genistis, piscium m ore, i n ­
figuntur, d efe ru n tu r in urbem , e t quasi trophaea su sp e n d u n tu r in a l tu m .
Indeque in v a lu it consuetudo apud O rtonenses in te r num erandum m i t ­
tendi num erum septenarium veluti infaustum , gen istas ipsas vocandi n o ­
m ine novo stroscios, et pisces quosdam nobis se rro n e s( x) dictos, sc u sc io s
vocandi. Inque ta n ta e cladis m em oria calx O rtonensium cruore liq u a tu r ,
in urbem convehitur conditurque colum na (*).
Ad haec accesserunt, veluti au ctaria, privilegia ab O rto n e n sib u s
co ntra n o strates nundinas ab Alfonso rege im p etrata, seu v eriu s e x to rta .
Ipsi nem pe in contem ptu m aiorum e t n u n d in aru m n o straru m , facien d i
sibi regiam facultatem nundinarum celebrandarum 4° idus m aii, q u a e
quindecim diebus d u raren t, c u ra v eru n t 13° kal. ian u arii 1450 N eapoli
in T u rri Octavii. N o strates vero ad eundem regem confugientes, O r t o ­
nenses nundinas ir rita r u n t privilegio ibidem dato 13° kal. ap rilis 1451,
im petrantes p rae terea A nxanensibus nundinis an tiquissim is octo d ie ­
rum , q u atu o r alios dies accedere, nem inique qnquam licere n u n d in a s,
nisi loco qui A nxano m illiaria saltem bisdena d istaret, celebrare.
E x ta t e t aliud privilegium Alfonsi, d atum Neapoli in eadem T u r r i
Octavii 5° idus m artii an. D.ni 1450, quo cau tu m est A nxanenses n u n ­
dinas tum m aias tu m sextiles, dies q u in d ecim -d u ratu ras. Q uibus re b u s
acrius irrita ti, arm a capere, strag e s moliri, A nxanum ferro e t ig n i
excindere fru stra te n ta ru n t; quo au tem nundinas p e rtu rb a re n t, co n ­
dictum M yoparonem (8 ) deduxerunt, eoque A driaticum m are in fe sta re
coeperunt, irru e n te s quoto propem odum die tam in hostes A n x an o s
quam in m ercatores et naves ad eorum nundinas confluentes. P a tr e s
Neapoli properant, hanc iniuriam apud regem expostulant, A n x an en ses
nundinas in gravissim um regis fisci detrim en tu m fu tu ra s d ep lo ran t, si
forte O rtonensium piraticam exercentium non co erceretu r audacia. R e ­
gia cam era d at literas ad B artholom aeum de R iccardis O rtonensem ci­
vem praepotentem , u t poena quattior m illium au reo ru m O rto n en sib u s
piraticam prohibeat, eadem que poena in iu n g it eisdem, cav ean t in p o ste ­
rum et M yoparone aequor et naves et in stito res infestare, n u n d in asq u e
in te rtu rb a re et in A nxanos quicquam m oliri. U traeq u e literae d a ta e
su n t Neapoli 6° kal. m aias anno 1453.
H is autem fru s tra ten tatis, A nxanenses arm a corripiunt, irru m p u n t
O rtonam , interque alia, aulam , aedesque ipsius B artholom aei de R ic ­
cardis excindunt, arm aque eius lapide sculpta, quasi trophaeum r e p o r­
ta n t; civis vero, cui cesserant, im ponit dom estico m uro, qui modo e s t

(x) Vulgo anguille, vel rane.


(2) E tiam nunc in d ic a tu r e t appellatur, sicu t an tiq u itu s, columna vindictae.
(3) Mijo vel M ijobarone vel M yoparone, celebris p irata.

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PAX S. 10. CAPISTRAN. 1 4 2 7 . 225

F atii Bellam adonnae. S unt R iccardorum insignia carduus au reu s duo­


bus cum leonibus itidem aureis hinc inde elatis.
S aevientibus itaque bellis in te r hos populos (... a. 1422 syndici u triu s-
que civ ita tis pro reconciliatione Neapolim fru stra su n t vocati)...
B eatus F r a t e r l o a n n e s a C a p i s t r a n o , ta n tis cladibus auditis,
concionator acerrim us, e t san ctitate e t m iraculis clarus, ta n ta s cupiens
sedare discordias, p ro p erav it A nxanum 8° idus decemb. 1426 (*), m ul­
tisque h abitis concionibus, p ersuasit denique pacem, sibique p ra e stitit,
u t quasi arbitro, d e fe rre tu r tum opus, ius ot dissidium p o rtu s h u iu s­
modi. P e rsu a sit idipsum e t O rtonensibus, e t tandem 13° kal. m artias
anno 1427, syndicis u triu sq u e populi astan tib u s, p ro tu lit L a u d u m pro
O rtonensibus, in aede Divi Thom ae Apostoli (2) p rius in ita pace, et ad
fu tu ra m rei m em oriam sem piternam in stru m e n tu m condendum cu ra v it.
V erum huiusm odi L a u d u m i r r i t a v i t Alfonsus rex 2° kal. feb ru arii
apud B eneventum anno D.ni 1441.
P ra e te re a s a n c t u s h i c P a t e r , quo cives discordes ad concordiam
red u c eren tu r, in stitu it quaternos viros, totidem 'm atronas, quos, quasque
pacificos, pacificasque vocavit, qui mos adhuc p ersistit, quem adm odum
m u ltis aliis in locis, et A quilae prim um factitasse te s ta tu r B ernardinus
C irillus, A quilanus, A nnal, lib. 3°, fol. 170 (3). Verum nec P ax huiusm odi
per ta n tu m P atrem conciliata perm ansit. lam pridem nam que, u t ex
praedictis apparet, evanuit. L u b et hic e x e m p l u m l i t e r a r u m B e a t i
l o a n n i s e t F r a t r i s R o b e r t i socii ideo datarum , quae penes nos
a s se rv a n tu r, apponere.

Literae beati loannis.

F o ris : Spectabilibus et strenuis civibus et singulis hom inibus Ortonae


eius benefactoribus. In tu s vero: Spectabiles et egregii cires, salutem in
Christo lesu.
D eus omnipotens vult talia operari, quae apud homines ridentur
inexhausta : unde in fu s u s est ille S p iritu s Sanctus in corda hom inum
L a nzanensium , nostrorum in spiritualibus filiorum, qui libere et plenarie
posuerunt castrum S. V iti et materiam portus et turris in nostro pectore,
et riva voce omnes cives, homines et mulieres concorditer clamaverunt :
« F iat, fiat, sicut tibi placet. Santo Vito e Lanzano e L a Torre e Porto
siano aUe tue m a n i », in ecclesia S. F rancisci (4), dum eisdem verbum

(’) lu x ta F araglia, 1. c. p. 339, mense septem bris.


(*) lu x ta F arag lia 1. c. p. 339 in ecclesia S. Francisci O rtonae; conventus
h ab etu r in catalogo c. an. 1843 condito: cf. Provinciale infra cit., 50.
(*) A nnali délia d ttà deW Aquila, Rom a 1570.
(•) C onventus A nxani e x stitit ab an. 1252. Hoc anno a Landulpho, episcopo
Teatino concessus fu it F ra trib u s M inoribus. A n tiq u itu s ap p ellab atu r Epclesia
S. Legonziani; p e rtin e b a t ad monachos S. Basilii, inde ad Benedictinos e t
postea ad sacerdotes saeculares. Saeculo VI hac in ecclesia evenit illud m a­
gnum m iraculum , vulgo dictum Sanctarum Reliquiarum : i. e. vera et v i s i ­
b i l i s tra n ssu b sta n tia tio panis et vini in carnem et sanguinem Christi. E tiam

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226 DOCUMENTA.

Dei annunciaremus. Quapropter rogo vos et singulos cives, attente, u t


dignemini, sicut et Lanzanenses nostro pectori ponere, quia spero quod
Dominus erit hic nobiscum et operabitur per eorum instrumenta sicut et
in aliis civitatibus operatus est. Placeat igitur disponere aliquos et eligere
super materiam, ut simul habere possimus colloquium, quia veniet vobis
salvus conductus ex parte Lanzanensium, ubi stare et ad quae loca ve­
nire, quae complacentiora erunt vobis. Attamen compatimini nobis, quia
pedestres nos venire oportet. Lanzani 2 ianuarii. — Fr. loannes a Ca-
pistrano, Ordinis Minorum, Orator.
Literae Fratris Roberti.
Foris: Spectabilibus et circumspectis civibus et singulis hominibus
Terrae Ortonae eorum benefactoribus. Legatur in populo. M isimus sal­
vum conductum. Se vi piace che 7 salvo condotto sia più pieno, franco
e libero, addimandate, che vi si mandera. — Intus vero: Spectabiles et
circumspecti cives et singuli homines Ortonae, mei benefactores, recommen-
dationem et salutem in benignissimo lesu.
È renuto il tempo aspettato, passato è il tempo délia discordia e del-
V errore, confuso è Satana avversario d' ogni bene, lo quale suole seminare
discordia tra padre e figliolo, tra frate e fratelli, tra communitate e terre.
Confuso è Belzebub, seminatore d i odii e rancore. Confuso è Lucifero,
seminator di superbia et ambitione, lo quale dimostra lo figliolo esser mag-
giore e più savio, più discreto, più nobile, di più honesti costumi, più
fu ie , più raggionato che suo proprio padre et ogn' altro prossimo, e già
gridano li maledetti spiriti: Confusi saremo, guai, guai, guai. Aspetta­
vamo di condurre tante anime ali' inferno per tormentarle, e sono liberate
dalle mani nostre per un Fraticello. Aspettavamo di tormentar ait vi, e
saremo tormentati noi. Che faremo? Che diremo? Guai, guai a noi mi­
seri. Aspettavamo di fa r fare le sette, e li gridi per le terre per condurle
a divisione, ove era la concordia e la pace, e saremo divisi noi a tormento.
Dunque, Venerabili padri, figlioli e fratelli, conduciamoci ad unitate di
com ordia e di santa pace. Dove è la pace e la concordia, c’ è Messer Do­
ni i ned io. Dore è la discordia, regna lo demonio. Piacciavi di voler ac-
consentire quello ch'è honor primo dello nostro Creatore, secondario la
salute delV anime nostre e V honore e lo buon stato della communita vo­
stra, e di tutta la Provincia d' Apruzzo. GV uomini di Lanciano si sono
dati et han rimesso lor porto, loro castelli, e la communita loro aUe mani
di nostro porero P a d r e F r a t e G io v a n n i, alio quale habita et è in­
fuso lo benigno Spirito Santo, et opra cose e fa tti mirabili per lui, che
beata è quella cittade, ch' ode le sue santé parole e mettele ad effetto. Met-
tete la materia vostra alie mani dei nostro predetto benigno Padre e fida-
teri di lui, e di me vostro servitore, oratore e figliolo spirituale, che spero
che faremo ogni bene, et clamemus : Pace, pace, pace sempre. L a Torre

hodiernis diebus observantur. R ecensetur conventus in Provinciali O. Min.,


ed. C. Eubel, Ad Cl. A quas 50, et ap. P isanum , A F IV, 5B0. Sed Wad-
din<rus nihil de eo novit.

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PAX S. 10. CAPISTRA N. 1427. 227

di S. Vito sta in guardia d i nostro P adre F ra ' G iovanni e nostra. —


Lanzani, 2 ' ianuarii. — F r. Robertus Ordinis M inorum , servulus et
orator.
U traeque literae e ra n t sig n atae; sed longaevitate signa deciderunt.
De hoc coenobio R m us P. F r a n c i s c u s G o n z a g a in Seraphicae
Religionis Chronicis (’), part. 2* in Prov. S. B ernardini, conventu 6°, haec
scribit ad verb u m : «Cum beatus P. loannes C apistranus in te r Anxa-
num atque O rtonam B rutiorum (3 ) civitates m axim e in te r se dissidentes...
tum m oriens coruscare ». — Idipsum le g itu r Chronicorum B. Francisci ( 3 J
part. 4', lib. 8°, cap. 28°. Ob eamdem causam ab O rtonensibus anno 1440
aedem D ivae M ariae de G ratiis conditam fuisse te s ta tu r in 3* part.
Chron. D. F ranc. (*) lib. 4°, cap. 6°.
P aulus R egius, Viciequitis an tiste s (5), scribit B. l o a n n e m Ca-
p i s t r a n u m h irundinibus trin sa tu sibi concionem in te rtu rb a n tib u s,
indixisse silentium e t usque adeo D. P a tris eas im perio paruisse, u t
amplius m in urire ausae non fuerint. Quod etiam recensent e t P» P e tru s
Tossinianensis, Episcopus Sinogalliensis, in Historia Seraphicae Religionis,
lib. 1°, fol. 112(6 ), e t F r. M a t h a e u s N u r s i n u s cum T h o m a s s u c c i o
ipsius B. loannis socio in V i t a i p s i u s C a p i s t r a n i (7 ), idque obtigisse
ante aedem Divi Angeli (*). Id factum et C athedrali aede Cordubensi
item hirundinibus g a rritu divina officia tu rb an tib u s anath em ate in ­
dicto (°). audivi a fido veritoque, gravique viro A ntonio de Parescia hi-
spano ( ^ ... Cap. autem 7° eiusdem libri 4’, 3* part. Chronie. D. F ranc. ( H ),
et apud alios praecitatos auctores ( 12) le g itu r eum dem beatum loannem

C) De origine Seraphicae Religionis, Romae 1587, 412; V enetiis 1603, 476;


cuius locum integrum tu n c exscrib it I. Fella, nobis hic om ittendum . W ad-
dingus, ad an. 1430, n. 44 (X a , 172) hunc locum paucis com pendiat.
(0 Hic co n fu n d u n tu r vocabula B ru tiu m e t A p ru tiu m . B rutii appellantur
Calabri, non A prutini (Abruzzen). O rtona e t A nxanum su n t civitates aprutinae.
(3) A g itu r de opere F r. M arci U lyssiponensis: Delie croniche deW ordine...
di S. Francesco, cuius IV Be partis versio itala prim um prodierat Venetiis 1608.
Sed reapse 1. c. nihil plane eiusmodi legitur.
(b Haec citatio q u a d ra t (1. c. n. 15), nam in op. cit. p arte III, 1. IV,
c. 1-20 n a rr a tu r v ita s. Iohanuis a C apistrano. Quae pars III italice prodierat
quinquies an. 1591-1615.
(5) Episcopus Vici Equensis 1583-1607; Gams, Series episc. 941. Sed ubinam
hoc referat, ignoram us.
(*) Venetiis 1586, fol. 112r: « In ecclesia S. Angeli L anciani... ».
(7) Talis v ita ig n o ratu r.
O Cf. W adding, Annales, ad a. 1456, n. 99 (X II, 408).
(b Non a S. Iohanne C apistranensi, sed a quodam non nom inato.
Hic de aliis sanctis sim ilia in te rse rit m iracula, allegans S. Francisci
Legendam maiorem, c. 8, n. 9s. ; c. 10, n. 4; e t Chronica cit. p. I, 1. II, c. 85, 38
(Venetiisq item que sim ile in v ita s. R eguli, S. loannis Apostoli [?] discipuli:
iuxta M arulum, Instü. 1. III, c. 4 et P e tr. de N atalibus, Catal. Sanet. 1. IV, c. 15.
(n ) Chroniche, 1. c. n. 21.
(,s ) L egitur in Vita s. loannis Cap. auctore Nicolao de F ara, c. 5, n. 50,
ap. Acta SS. oct. X, 456.

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228 DOCUMENTA.

C apistranum daemonem, pacem in te r A nxanenses e t O rtonenses tu rb a n ­


tem , odiaque in te stin a foventem horrifica canis n ig ra n tis form a astan ti
populo m axim a om nium trepidatione m onstrasse ; talique form a apparere
diabulos vide apud A lfonsum V illegam Floris Sancfortim , p art. 2*... (’).
E t su p ra portam m aiorem dicti conventus S. Angeli, ubi picta est effigies
n ig ran tis canis, et insp icitu r B. loan n es su p ra suggestum , le g u n tu r
infrascripti v ersu s:
A nxanum atq u e O rton m u tu is to t cladibus olim
A rsere, u t n ullus d inum erare q u e a t:
A t cane terrifico sty g is apparente, sim ultas
Ore C apistrani to llitu r omnis atrox.
D octor A ntonius A m icius in Vita b. B ern ard in i A quilanae Fossae,
fol. 63 (*), scribit in tem plo Divi A ngeli de Pace prope L anceanum bea­
tu m P atrem H i e r o n y m u m a S t r o n c o n i o , qui e P ro v in ciaS . Fran-
cisci ad hunc locum per obedientiam m issus, locum S. lu lian i prope
A quilam coepit, requiescere e t F ra tre m A ngelum a T uderto (8 ), qui inter
caeteras g ratias, prophetiae spiritu fu it a Domino sublim atus. F u it
haec aedes ab A rchipraesule nostro F ra tre L au ren tio Mongioio Gala-
tino (4 ) consecrata xn kal. oct. 1617».

Sequitur copia Instrumenti B. loannis a Capistrano pro Pace


inter Ortonenses et Lancianenses, tenoris sequentis.

« In Dei nomine. Amen. — Anno N ativ itatis eiusdem 1427, regnante


D.na n o stra D.na lo a n n a II, Dei g ra tia in cly ta U ngariae, H yerusalem ,
Siciliae, D alm atiae, Croatiae, Hamae, Ser viae, G alitiae, Lodom eriae, Cu-
m aniae, B ulgariaeque R egina, Provinciae, F orcalquerii ac Pedem ontis
Com itissa, regnorum vero eius anno 13°, felicissim a. Amen.
Die 17 m ensis februarii, 5 ^ indict. *O rtonae in venerabili ecclesia
S. Thom ae Apostoli gloriosi de O rtona, nos Sanctes Nicolai Stefani
T orti de Ortona, au c to rita te reginali eiusdem te rra e annualis index,
Ciccus Memmi D. R osatae de O rtona, au c to ritate regi»’ publicus ubilibet
per totum regnum Siciliae notarius, et infrascripti te ste s: videlicet
D. F ranciscus de Salim benis de Senis, miles iust. A prutii U ltra, D. Fran-
ciscus et D. H ector de R iccardis de Ortona, m ilites, m ag ister Ciprianus
T eutonicus de luliaco, artiu m doctor et physicus, A ntonius Butii Man­
cini, Cola Pippi Rilli, loannes Porcella, Cola Nicolai Sicci, Cola Cicci
Giselli, T o rtu s A ngeli T otti, A ntonius B utii Lelli, P e tru s loannis de

(*) Hic Fella denuo sim ilia e vitis aliorum sanctorum in terserit.
(2) R evera Fella se refert ad A. Amicii Funerale B . Bernardini Aquilanae
Fossae, Venetiis 1572, sed ibi non in Vita dicti beati hoc le g itu r (eam etiam
inde habes ap. L. Lemmens, B. Bernardini Aquilani Chronica F r. Min. Obs.
Romae 1902. X II-X IX ), sed in b. B ernardini opusculo: Provinciae D. Bernar­
dini eoenobia, ap. Funerale, fol. 67 r (sic)\ indeque ap. Lemmens, 123s.
(\) Cf. Funerale, 1. c. ; Lemmens, 124.
(4) 5. Pietro in Galatina, Prov. di Lccce. F u it Archiep. A nxan. ab an. P’O4
ad an. 1618; Gams, Series, 888. E ra t Ord. F r. Min.

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PAX S. 10. CAPISTRAN. 142 7 . 229

Caramanico, Nannes Colai, magister Angelus Callerarius, Matthaeus


Memmi Sabini, lacobus Lulli Pauli, et Amicus delle Celle de Lanciano,
Andréas de Sanctis, Vinciguerra de Vinciguerris de Ortona, Sir Damianus
Cavallo de lanua, lulianus Ranvegnanus de Venetiis, loannes Francisci
de S. Severino, Pirazzonus de Senis, Ciccus Savini de Vacro, Antonius
Rosii, Butius Nardi Tavarini, Mascius Andreae de Sanctis, Angelus An­
tonii Grossi, et Mascius S. Aucti de Ortona, ad hoc specialiter vocati
et rogati personaliter, scripto publico declaramus, notum facimus et te­
stamur quod accersitis personaliter atque praesentibus die et loco prae­
dictis nobis, qui supra iudice, notario et testibus ante praesentiam ve­
nerabilis et religiosi viri F r a t r i s l o a n n i s de C a p i s t r a no, Or­
dinis Minorum Fratrum Observantiae, arbitri, arbitratoris et amicabilis
compositoris communiter electi pro parte universitatis et hominum uni­
versitatis t e r r a e L a n c ia n i: videlicet a magnificis viris Pippo de
Ritiis, Andrea loannis de Caramanico, Mutio Antonii Ruberti lo prete,
Angelo Cerii, Antonio de Frisia, Angelo Mathaei dei Mastro, Angelo
Cicci Laurentii, Masio Cerii Buccalarotti, loanne Augustino et luliano
clericis de Lanciano, ad haec eis potestate concessa ab universitate
praedicti Lanciani, de quorum potestate nobis plene constitit et exstitit,
ut decuit, facta fides publicis instrumentis inde confectis ex una parte,
et pro parte universitatis et hominum universitatis dictae t e r r a e
O rtonae: videlicet a magnificis viris Baptista de Bindis de Florentia,
Mathaeo de Sanctis, Nicolao Stefani Torti, Mascio Alexandri de Capua,
Antonio Grosso et Antonio S. Aucti de Ortona, ad haec eis similiter
potestate tributa ab universitate Ortonae praedicta, prout de ipsorum
potestate similiter nobis constitit et exstitit, ut decuit, plenarie fides
facta publicis instrumentis exinde confectis ex parte altera, de et super
litibus, quaestionibus et controversiis et ex eis dependentibus, inciden­
tibus, connexis, quae vertebantur et erant inter universitates praedictas,
prout in compromissis inde factis, et eumdem F r a t r e m lo a n n e m
publico instrumento manu mei praedicti notarii debita solemnitate val­
lato latius, plenius et seriosius continetur. Idem F r a t e r l o a n n e s
ibidem exi^tens dictum locum primo et ante omnia pro idoneo, com­
petenti et iuridico eligendo ad omnia et singula infrascripta proponen­
tibus dictis ambabus partibus: videlicet dictis magnificis viris, syndicis
Lanciani et Ortonae et acceptantibus, necnon proponente ibidem et ac­
ceptante reverendo in Christo Patre et D.no D. Antonio de Letto (! ),
Dei et apostolicae sedis gratia abbate venerabilis monasterii S. loannis
inVenere, s u b s c r i p t a m s e n t e n t i a m in scriptis, quae s e n t e n t i a
sc rip ta e r a t m a n u p r o p r ia e iu s d e m F r a t r i s lo a n n is , pro­
tulit tenoris per omnia et continentiae subsequentis, videlicet:
lesus. Gratia vobis et pax a Deo Patre Nostro et D.no lesu Christo.
Amen. Fiat p a x in virtute Dei omnipotentis et abundantia omnium bo­
norum (*) sequatur diligentes. Fr. lo a n n e s de C a p i s tr a n o, Ord. Min.
C) Sulmonensis; fuit abbas S. loannis a. 1412-1443; cf. Zecca, 1. c. 55.
O Alluditur ad Psal. 121, 7.

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230 DOCUMENTA.

indignus, ac arbiter, arbitrator et amabilis compositor praedicto die /7”


mensis februarii, 5' indictione, 1427, visuris et audituris.
'Sanctissimae Trinitatis invocato praesidio, quo praetermisso nullum
rite fundatur exordium, et quia dulcissimum est ori meo super mei et
favum (J) Nomen lesu Filii Dei Vivi, in quo est spes, salus et glorificatio
nostra, ut oboediam praecellenti Doctori Gentium Paulo Apostolo dicenti (-) :
Omne quodcumque facitis in verbo aut in opere, omnia in Nomine Domini
Nostri lesu Christi facite, cum beato Bernardo proclamando (8 ), invoco mihi
in adiutorium Nomen, quod est stiper omne nomen (4), quod os Domini
nominavit uttf) in nomine lesu omne genu fiectatur, coelestium, terre­
strium et infernorum, quia (7) turris fortissima Nomen D.ni. Veni idcirco,
dulcissime lesu, et noli tardare (8); salva nos, salus nostra ; pacifica nos.
pax nostra; laetifica nos, laetitia nostra, quia Nomen tuum, lesu, invo­
catum est (f) super nos, ne derelinquas nos, D.ne Deus noster, quia
numquam dereliquisti sperantes in te. Aperi, Domine, thesaurum tuae
pretiosissimae sapientiae ; aperi (n ) labia mea humillimi vermiculi, plasma­
tis tui, et os meum annuntiabit laudem maiestatis tuae, inexplicabilem
mihi quam maxime et omnibus. Non (12) est nempe speciosa laus in ore
meo peccatis polluto et labiis, sed quia tu, Deus benignissime, humilia
respicis (13) et alta a longe cognoscis, misereris omnium, quia (14) potens
es et i™) sanctum Nomen tuum, et misericordia^) tua ab aeterno et usque
in aeternum super timentes te. Suscipe quascumque impares et indignas
preces meas: ad te, amor dulcissime et vere suavissime, plus millies gra­
tissime, quam dicere sufficimus : lesu (17) decus angelicum, in aure dulce
canticum, in ore mei mellificum, in corde nectar coelicum. lesu, mi bone,
sentiam omnis tui copiam; da nobis per praesentiam, tuam videre glo­
riam. Arnen. Talem in his scriptis secundum puritatem conscientiae meae
et rudem intellectum et imbecille ingenium, in Dei nostri bonitate confisus,
p r o fe r o s e n te n tia m d e f i n i t i v a m , declarationem, determinationem,
decisionem, conclusionem et laudum, vel quocumque alio nomine melius
et aptius pronuntiari potest et debet, in hunc modum, videlicet:
Quod primo et ante omnia praedictae communitates et partes, ad ho­
norem et laudem omnipotentis Dei et pro communi salute animarum sua­
rum teneantur et debeant perpetuo observare oboedientiam et fidelitatem
Sacrosanctae Romanae Ecclesiae et serenissimae Maiestati regali sire re-
ginali, et ad praesens inclytae et praeclarissimae D. Domnae loannae, Dei
gratia Reginae secundae, et futurorum suorum successorum regunt a
praefata Sacrosancta Romana Ecclesia in regno Siciliae instituendorum,
confirmandorum et pro suo tempore coronandorum et utrisque sedibus,
apostolicae videlicet et regali, teneantur in omnibus licitis et honestis fir-

(’) Cf. Psal. 18, 11. (-’) Coi. 3, 17. (’) Serm. in Cant. X V, n . 6
(PL 183, 816s.). (*) Philipp. 2, 10. (•') Is. 62, 2. Cb P h iI. 1. c.
(7) Prov. 18, 10. C) Cf. Prov. 39, 18. I o r < 14? (i") C f. Psal. 9, 11.
(” ) Cf. Psal. 50, 17. ( , 2 i Eecli. 15. 9. ( ia ) Cf. Psal. 137, 6.
(’*) Cf. Psal. 88. 9. (ir9 Psal. 98, 8. Psal. 102, 17.
( l7 ) In hym no lesu dulcis memoria; cf. Chevalier, Repert. hymnol. n. 154

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PAX S. 10. CAPISTRAN. 1 4 2 7 . 231

miter parere et oboedire et debita solvenda solvere, tam praedictis quam


aliis quibuscumque personis ecclesiasticis et clericis sive laids.
Secundo, quod praedictae communitates et partes amore Dei, et pro
communi etiam salute animarum suarum faciant sibi alternatam et m u­
tuam remissionem plenariam omnium iniuriarum, offenslonum,laesionum,
damnorum et impensarum, et personalium illatarum et factarum a qui­
buscumque a praeterito tempore et usque in praesentem diem, et quod de
praedictis omnibus iniuriis et dam nis nihil possit peti vel agi in iudicio
dextra et ultra conscientiam et voluntatem partis conventae, sed de om-
nibus fiat plenaria remissio et laeta p a x, si tamen pro purificatione et
arenatione conscientiae cum charitate commonitus quis malefactorum
ad satisfaciendum parti olim laesae non astringatur malefactor, nisi in
quantum sua conscientia sibi indicaverit satisfacere.
Tertio, quod de praeteritis iniuriis et damnis inter ipsas communi­
tates illatis non debet fieri universalis imprecatio a communitate in com­
munitatem, quia improperia ut plurim um scandala excitant composita,
et ideo tamquam vetera corrupta eiiciantur discordiae et lites praeteritae,
d nova fiant dulcissima pacis foedera gaudenter.
Quarto, quod praedictae Communitates, accedente consensu qn aedicta­
rum sedium, sint et esse debeant, quantum in eis est, tamquam unum
corpus et una anima, confidenter connexae et collegatae in unum vincu­
lum charitatis ad unum velle et ad unum nolle in omnibus divinum ho­
norem et communem animarum, corporum, rerumque salutem concernen­
tibus, observando semper oboedientiam et fidelitatem praedictarum sedium,
apostolicae et regalis, pro cuius rei demonstratione et apparentia debeant
arma praedictarum communitatum seu universitatum in uno campo more
armorum et insignium depingi sive sculpi, et in locis publicis solitis et
consuetis praedictarum universitatum et castrorum eisdem sublectorum
mutuo, vicissim et alternatim insigniri, ostendi et conservari.
Quinto, quod omnes Lancianenses et de eodem districtu in Ortona
d suis pertinentiis habeant et haberi debeant pro Ortonensibus, et tam ­
quam Ortonenses in consultationibus,pascuis et solutionibus vectigalium,
yabcUarum, pedagiorum et quorumcumque solvendorum, et sic sint et esse
debeant cives et tamquam cives et pro ciribus habeantur et mutua vice
Ortonenses et de Ortonae districtu et pertinentiis in Lanciano et eius
districtu et pertinentiis sint et esse debeant cives, et tamquam cires et
pro civibus habeantur in praefatis solutionibus et ceteris incumbentibus,
hic in alteram partium et pro communi defensione utriusque universitatis.
$i, quod absit, contingeret oportere facere expensas, sire per mare sive per
terras, quaelibet universitas debeat conferre et contribuere in expensis et
pagamentis pro tempore praedicta de causa occurrentibus, pro rata con­
tingenti iuxta numerum foculariorum et librarum secundum morem et
consuetudinem praedictarum universitatum, et sic etiam fiat et fieri debeat
pro quacumque communi utilitate et profectu, si quando praefatis uni­
versitatibus debita aut licita et rationabilia et obligationes incumbentes et
incumbentia usque in praesentem diem quacumque obligatione vel causa
de praeteritis temporibus solvantur per Illam universitatem, cui incumbat.

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232 • DOCUMENTA.

Sexto, quod Lancianenses teneantur et debeant admittere, annotare


et tamquam fratres et socios recipere et habere Ortonenses in Castro S. Viti,
et dictum Castrum specialiter communicare et accommunare dictis Orto-
nensibus, ita quod praedictum Castrum S. Viti cum turribus, forteditiis,
hominibus, subditis, personis, vassdllis, redditibus, proventibus, territoriis,
domaniis cultis et incultis, nemoribus, sylvis, pratis, fluminibus et quibus-
cumque pertinentes, iuribus et actionibus sit et esse debeat commune inter
praedictas universitates, salvo semper iure almi et venerabilis monasterii
S. loannis in Venere vel aliarum ecclesiarum, et abbatis praedicti mo­
nasterii quaeratur et obtineatur assensus ab utrisque partibus praenotatis,
et census solvendus solvatur praefato abbati pariter et communiter per
partes praedictas.
Septimo, quod turres praedicti Castri S. Viti tam existentes intra et circa
Castrum praedictum quam etiam turris de novo aedificata et erecta iuxta
mare prope flumen Feltrini (’) per Lancianenses debeant custodiri, regi et
gubernari ac manuteneri communiter per praefatas universitates, et in nova
praedicta turri debeat ex nunc, prout ex tunc, quam citius habile mihi vi­
sum fuerit, immitti et induci et poni castellanus et custos cum sociis, qui
sit et sint de antiquis et fidis zitrique parti, Ortonensibus et Lancianensibus,
inter quos unus cum uno alio de Lanciano deputetur... ad colligendum pas-
sagium, in quantum concessum fuit et sit licito modo, de quo passagio
colligendo solvatur salarium castellani et praedictorum custodum, et quod
superfuerit, cadat ad utilitatem communem praedictarum partium et uni­
versitatum ; et si non sufficeret, pariter et aequaliter suppleatur. Et si quo
tempore appareret cadere ad communem utilitatem praedictarum uni­
versitatum, pro relevandis oneribus et expensis, in quantum visum fuerit
fore grave et molestum dictam turrim manut enere, elapsis primis duobus
annis ab hodierno die, de communi voluntate et concordia, facta primo
matura deliberatione, debeat dicta turris in ruinam mitti et ad terram
prosterni et protinus explanari, aliter autem in quantum utilis et pro­
ficua dignoscatur pro tutela, custodia et defensione praefatarum univer­
sitatum, et nova et vetera custodiantur et gubernentur ; et si in praesenti
etiam vel quodeumque utilius notum et visum fuerit praedictis partibus
praefatam novam turrim altius erigere et fortificare, simili modo moenia,
fortellitia et turres dicti Castri S. Viti essent fortificandae, sive de novo
fundandae et ampliandae et fundatae, erigendae et elevandae: ita quod
cum in una immittitur castellanus cum serpentibus pro sociis custodibus
de Ortona, in aliam immittatur castellanus cum sociis et custodibus de
Lanciano, et si plures essent vel fiant turres, similiter fiat, nisi aliter de
communi concordia per praedictas universitates fuerit ordinatum pro re­
gimine, custodia et qnotectione dicti Castri S. Viti et suarum pertinen-
tiarum ; et praedictarum turrium castellanus, sive castellani si plures es­
sent, habeant Miam auctoritatem a praedictis universitatibus cognoscendi
de litibus et controversiis civilibus, quae possunt intervenire inter homi­
nes et personas dicti Castri, in quantum dictus castellanus fuerit idoneus
(’) Flumen, vel melius torrens in parte occidentali Anxani serpens.

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PAX S. IO. CAPISTRAN. 1 4 2 7 .. 233

ad cognoscendum et terminandum, aliter cognosci debeat de praedictis


civilibus quaestionibus per officiales dictarum universitatum prout a prae­
dictis universitatibus provisum fuerit et ordinatum ; de criminalibus au­
tem cognoscatur per capitaneum Lancianensium.
Octavo, quod omnia privilegia apostolica, imperialia, sive ^regalia
habita per praefatas universitates et quascumque alias personas impe­
trata, quod inter ipsas universitates omnia, quae praedictarum partium
iura, actiones, concessiones, immunitates et exemptiones contra quoscum­
que iuste et rationabiliter in suo robore remaneant et perdurent tam
Ortonensibus, quam maxime privilegia Portus eorum, quam Lancia-
nensibus. >
Nono, quod Lancianenses et de eorum districtu et pertinentiis licite et
libere possint fundicare et sfundicare, sive carcare et scarcare, sive one­
rare et deonerare omnes eorum mercantias, res, suppellectiles, mercimo­
nia, et quaecumque bona mobilia apta ad navigia in portu Ortonae cum
illa moderata solutione, quae fit de similibus per Ortonenses, et quod ad
eorum videlicet Lancianensium beneplacitum possint praedicti Lancia­
nenses construere et aedificare in pertinentiis dicti portus unum arse-
nale sive unam domum, iuxta et prope arsenale Ortonae, si commode
fieri potest, aliter ubi melius, habilius et magis congrue fieri potest. E t
possint construere et fundare ad eorum beneplacitum magazenos et sta­
tiones, ubi eorum mercantias reponere valeant suo tempore, cum opus
fuerit, ac etiam constructos magazenos emere a volentibus vendere, et
facta debita solutione de mercantiis possint praedicti Lancianenses, et de
eorum districtu et pertinentiis solummodo asportare per naves et in na­
vibus Ortonensium, sire ipsorum Lancianensium, si construi fecerint, vel
habuerint, omnes eorum mercantias et bona, ut supra, quae non sunt
prohibita in portu praedicto Ortonensi, secundum eorum ordinationes,
mores et approbatas consuetudines, ubicumque melius et habilius eis vi­
sum fuerit a portu Ortonae usque ad praedictam turrim novam inclusive,
iuxta et prope fiumen Feltrini cum omnibus nemoribus, et quod non
debet aliquo modo nominari vel appellari, aut censeri nisi unus portus
Ortonensium et Lancianensium, praemittendo Ortonensium, propter an­
tiquam dignitatem portus ipsorum, tum etiam quia olim fu it civitas. E t
infra praedictum circuitum praefati Lancianenses, et de eorum districtu
dumtaxat, ut supra, valeant et possint carcare et scarcare, seu onerare et
deonerare, semper solvendo id quod solvi debet fundicherio sive gabellario,
et marigliano portus Ortonae, quam solutionem faciendam, secundum quod
fit etiam per Ortonenses, possit et valeat recipere praefatus castellanus de
Ortona dictae turris novae, de licentia et auctoritate dicti gabellarii portus
Ortonae. Quapropter dictus castellanus dictae turris semper sit Ortonensis,
nisi de communi concordia aliter disponeretur, iure ecclesiarum et supe­
riorum semper salvo; in omnibus autem personis, gentibus et hominibus
iura, privilegia, actiones, auctores et quaecumque authenticae concessiones,
tam impetratae quam impetrandae, salva et salvae sint et liberae rema­
neant et perdurent praedictis Ortonensibus, pro quacumque maiori et
ampliori dignitate portus praefati.
Archivum Franciacanum Historicum. — A N. XVII. 16

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234 DOCUMENTA .

Decimo et ultimo, quod praedictae universitates et partes debeant a d


pacem adm ittere vicissim et m utuo omnes et singulos dom inos et qua scu m ­
que personas, quae et qui in praeteritis temporibus fu e ru n t in a u xiliu m
et favorem alterutrius praedictarum p a rtiu m , tam magnificos viros A n ­
gelum de Ursinis et A ntonium Forotanum , quam omnes alios quoscumque,
eo quod praedictae partes et universitates teneantur et debeant ambae p a ­
riter acceptare et perpetuo inviolabiliter observare hanc praesentem sen­
tentiam , determ inationem , declarationem, decisionem et laudum , et in nulln
contra facere, nec venire aliquo modo, ratione vel causa: sub illa poena et
ad poenam in praedicto compromisso contenta, qua soluta vel non, om nia
firm a in suo robore m aneant et perdurent, ad Dei om nipotentis honorem et
laudem Ecclesiae suae sanctae, decus, statum et felicitatem sacrae reginalis
seu regalis maiestatis, com m unem anim arum salutem , honorem, statum ,
pacem, tranquillitatem et felicem perpetuam laetitiam et gloriam aeternam
praedictarum universitatum et partis circum stantis, cundorum que fide­
lium Christianorum a Domino Nostro lesu Christo redem ptorum , q u i est
laudabilis et benedictus in saecida saeculorum. Arnen.
L ata, lecta, pronunciata fu it haec p raedicta sen ten tia diffinitiva,
declaratio, determ inatio, decisio, conclusio et laudum per praedictum
venerabilem virum F r a t r e m l o a n n e m d e C a p i s t r a n o , arb itru m ,
arb itra to re m et am icabilem com positorem , u t supra, die praedicta, in
loco praedicto, videlicet in ecclesia S. ïh o m a e Apostoli supradicta, coram
nobis iudice, notario et testib u s supradictis, ac infrascriptis iudicibus et
n otariis exinde rogatis, praesentibus ad praedicta ibidem am babus p rae­
dictis partibus, videlicet supradictis syndicis om nibus et singulis tam
dictae te rra e L anciani quam dictae te rrae O rtonae, e t supradicto D.no
abbate praefati m onasterii S. loannis in Venere, e t dictam sententiam ,
declarationem , determ inationem , decisionem, conclusionem et laudum
acceptantibus, consentientibus nam que prius syndicis L ancianensibus
et abbate in me praedictum indicem , u t in suum , cum sciren t ex certa
eorum scientia me praedictum iudicem , m eum in hac p arte officium in
se voluntarie prorogando ac etiam im plorando. De quibus om nibus et
singulis supradictis p raefatus F r a t e r l o a n n e s ad fu tu ram e t perpe­
tuam m em oriam , et dictarum p artiu m nom inibus, quibus supra, ac
dictarum am barum u niversitatum et om nium quorum vel cuius in te rest
et interesse poterit, certitudinem et cautelam , ro g av it nos, qui supra,
iudicem et notarium et testes, necnon A ngelum Blasii de Lanciano.
au cto ritate reginali citra flumen Piscariae e t P etru m P antaleonis de
eadem te rra Lanciani, reginali au c to rita te per totum Siciliae regnum ,
ad contractus ad vitam indices et M ascium T orti Cicci de O rtona, auc­
to rita te reginali annualem iudicem dictae te rrae Ortonae, necnon nota­
rium M asium M athaei de Angelo de dicta te rra L anciani, notarium
Lucam de B urghinellis de Caram anico, civem e t h ab itato rem dictae
te rrae Ortonae, notarium P etru m de M utina, no tariu m Maecium An­
tonium Masii A prutini de dicta te rra Ortonae e t n o tariu m loannem
Felicis de T erm ulis, omnes ibidem praesentes, u t praedicta om nia et
singula in publica et au th en tica form a redigere deberem us e t exinde

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PAX S. 10. CAPISTRAN. 1 4 2 7 . 235

conficere ad cautelam ambarum partium et cuiuslibet ipsarum, seu am­


barum praedictarum universitatum et quorumcumque vel cuiuscumque
interest et poterit quomodolibet interesse,' duo et plura publica expe­
dientia consimilia instrumenta, veritatis substantia non mutata. Quo­
rum praesens factum est ad cautelam praedictae universitatis Lanciani
per manus mei notarii Cicci praedicti, subscriptione et signo nostris,
solita subscriptione et signo praedicti Sancti iudicis, ac praedictorum
testium signis et subscriptionibus roboratum. Quod praesens instru­
mentum ego, qui supra, Ciccus Memmi D. Rosatae de Ortona, auctori­
tate regia publicus ubilibet per totum regnum Siciliae notarius, quia
praedictis omnibus et singulis simul cum praedictis indicibus et nota­
riis ac testibus supradictis praesens rogatus interfui, rogatu praedicti
F r a tr is lo a n n is , arbitri, arbitra toris et amicabitis compositoris, ut
supra, et ad dictae universitatis Lanciani cautelam scripsi et publicavi,
meoque solito signo signavi.
Locus signi.

Cives civitatis Lanciani ad Pontificem.

Sanctissime Pater,
Tot sunt et tanta, beatissime Pater, beati loannis a Capistrano in nos
olim collata beneficia, ut nunquam possint oblivione deleri, ingratique animi
nota iure optimo nobis foret inurenda, si tantorum essemus meritorum
immemores. Is enim coelesti praedicatione nos imbuit, miraculis illustra­
vit quamplurimis, a via veritatis errantes in pie vivendi callem reduxit ;
ab orci tandem faucibus intestino bello, quod cum Ortonensibus gereba­
mus, composito, eripuit: ostendit siquidem in Divi Francisci (’), sub
nigrantis, horrifici, fiammeique canis spectro daemonem dissidii auctorem
atque fautorem, ut inter orandum condixerat, et inter alia signa apud
nos edita, clarissimum illud est, quod hirundinibus concionem sibi trin-
satu interturbantibus silentium indixit; ipsae vero mox Divi Patris sic
paruerunt imperio, ut amplius ibi minurire vel conspici ausae non fue­
rint. Recolentes igitur tanta beati ipsius Patris erga nos merita, mirificam,
sanctamque vitam et innumera signa, quibus ubique locorum et gentium
nituit, supplicibus votis Sanctitatem tuam oramus, ut sancturum catalogo
ipsum ascribere non dedignetur. Erit ‘nempe hoc nobis gratissimum et
hoc tibi nomine tantum debebimus, quantum dissolvere difficile est. Inde
pedes tuos humiliter exosculantes, sospitalem, nestoreos annos in totius
Christiani gregis tibi commissi emolumentum, cunctaque bona Sanctitati
tuae divinitus comprecamur. Anxani, 4° nonas iunias 1622.
Sanctitatis Vestrae Filii ac Servi Devotissimi (*).

0) Addatur: ecclesia. (2) Nomina vero desunt.

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236 DOCUMENTA.

Ad complementum historiae praedicti coenobii franc iscani adiun-


gimus quod hoc in loco prius erat parva cappella S. Angelo (Michaeli
Archangelo) dicata, uti constat ex pictura antiqua supra portam eccle­
siae et ex effigie in altari maiore. Ob pacem a S. loanne factam ad-
iunctum est vocabulum de Pace. Anno 1464, iuxta B. Bernard in um a
Fossa (’), Provincia haec S. Bernardini quindecim locis constabat, et
conventus Lanceanus sextum locum occupabat. — Fella in cap. De
Anxanensibus viris illustribus, pag. 203 Chronologiae, notat: < Octa­
vianus Grandaevus (Grandi) fuit clarissimus plastes, et artis prae­
stantia et claritate signorum et statuarum. Eius peritia patescit la­
teritio opere miro, columnis effigiatis, caelaturis et statuis duodecim
Prophetarum in ara gloriosissimae Virginis S. M. de Ponte [titulus
est cathedralis basilicae civitatis Anxani], et imagine eiusdem Dei­
parae posita in sacello constructo in aede Divi Angeli de Pace Fra­
trum Minorum Observantium laevorsum; sed tam viri huius et civis
monumentum, proh dolor inconsolabilis, Teaten evectum est, et inde
Parthenopen a N(icolao) Caracciolo Aprutii praeside anno Domini 1604,
i bique repositum est exemplum ipsius a neoterico pictore non medio­
cris nominis effigiatum ». — Anno vero 1710 ecclesia ad novam for­
mam redacta, et posterius expolita et decorata fuit. Conventus pariter
auctus et aptius dispositus fuit. Clausus fuit anno 1811, iterumque
apertus die 12 iunii 1817 ; studium vero generale secundae classis a
Rev.mo P. losepho M. ab Alexandria (1838-44) institutum fuit. Ante
epocham hanc fuit locus novitiatus et a religiosis piis et exemplaribus
habitatus. Anno 1866 iterum clausus fuit, iterumque apertus anno 1903
mense octobris.
Anxani. P. H YACINTHUS D’AGOSTINO, O. F. M.

(’) Chronica, 116.

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DE III ORD. IN GERMANIA SÜP. 237

DE TERTIO ORDINE S. FRANC1SC1


IN PROVINCIA G ERM A N IA E SU PERIO R IS SIVE A R G EN TIN EN SI

SYNTAGMA

(Continuatio) (*).

X I I . — De Provinoia Tertiariorum saecularium Germaniae Superioris


saeculis X III et XIV.
O pusculum : Liber apologeticus in eos qui O rdini F ratrum M inorum
adversantur, quod, inde ab A r g e n t i n e n s i anni 1495, omnes posteriores
editiones s. B onaventurae trib u e ra n t qua opusculum distinctum , PP. E di­
tores recte partem alteram operis: Determinationes quaestionum circa
regulam F ratrum M in. aestim aru n t, talem que denuo typis cu d eru n t (1).
Neque m inus recte cen su eru n t istam partem non ex integro foetum
s. B onaventurae genuinum esse (2), sed ab alio auctore saltem in terp o ­
latum fuisse, e t quidem certe e x tra Italiam (3 ). P orro coniectare fas est
auctorem sive, si licet, interpolatorem illum fuisse F ra tre m O. Min.
Alemanum, non secus atque illum qui ali opusculo S. B onaventurae:
Quare Fratres M inores praedicent et confessiones a udiant ( 4), addita­
mentum quoddam subiecit (5), indicio om nibus probando laudatorum
Editorum (“). In loco enim quodam quaestionis X V I: Cur Fratres non
promoveant Ordinem Poenitentium (7), plures rationes cong eru ntu r, quae
hauc negligentiam F ra tru m Min. ab auctore nequaquam negatam sed
laudatam, excusent, in te r quas recensetur cura boni nominis, fam aeque
honestae, si enim (ait) aliquando forsitan • fem inae vel beguinae » de
crimine fornicationis vel adulterii in fam arentu r, invidiosi nobis statim
conclamarent in v u lg u s: * Ecce s o r o r e s n u d i p e d i s s a e p a r v u l o s
n u d i p e d e s procreant eis», qui • toto die occupantur cum ipsis. E t
lascivi clerici vel laici, in odium nostri, m agis essent s o r o r i b u s illis
infesti*. Q uam vis F ra tre s M inores pluribus in regionibus quandoque
Nudipedes nu ncupati sint, constat tam en nom ine B aarfüsser praeprim is
in G erm ania e t in regionibus ubi idiom a vulgare alam anicum vigebat
praesertim, et nom ine vulgari a plebe e t in docum entis ex officio a m a ­
gistratibus confectis, per plura saecula eos fuisse vocitatos (H). E v identer

(*) Cf. AFH XIV, 138-198, 442-60: XV, 349-81.


<’) Opera omnia, V III, 1898, 356-74. (2) L. c. p. Lxixsq., 356 in nota 6.
(’) L. c. 369 in nota 2. (4) Ibid. 375-81. (6 ) Ib. 381-3.
Ib. 381 in nota 9: cf. p. Lxxa. (7 ) ib. 368-9; cf. 368 b.
C) Sufficiat hic saepius a nobis laudatum opus allegare P. C. Eubel,
Oetehichte der oberdeutschen (Straaaburger) Minoritenprovinz, W ürzburg 1886, 193.
Adhuc Fr. M a la c h ia s T s c h a m s e r, O. M. Conv. (1678-1742; in opere: Annales

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238 DOCUMENTA.

etiam p atet F ra tre m Min. illum , qui s. B onaventurae opusculum auxit,


dictum illud retu lisse a u t adaptasse ex idiom ate quodam , in quo e vo­
cabulo N udipedes vox generis fem inini facile ac v u lg a riter form abatur (*).
Q uaçdoquidem B e g h i n a e , — uti hic F ra te r ille anonym us P o e ­
n i t e n t e s I I I Ordinis feminas, pro regionis suae m ore nuncupat, —
sim ul ac oriri ceperant, clero saeculari invisae fu eru n t (-), nulla ratio
secura suppetit opinandi interpolatorem p o s t D e c r e t a l e m V i e n ­
n e n s e m (anni 1311), tem pore quo lites contra T ertiario s acrius in­
g ruebant, calam um prehendisse. Im m o coniectare fas est eum mox post
s. Bona venturam e t fortassis an te bullam U nigenitus (3) Nicolai IV
(8 aug. 1290) opusculum suum exarasse, cum P o en iten tiu m curae susci­
piendae adeo m anifeste ad versetur. Qui auctor, cuius certo est tota illa
Q uaestio XVI et T ertiarios e t T ertia rias respiciens atq u e curam eorum
respuens, Provinciae Alem aniae Superioris non absque veri specie fuisse
supponi potest, quoniam in ea tunc m agis quam in reliquis Germaniae
P rovinciis T ertiarii propagati erant, saltem iu x ta ea quae adhuc usque
percrebuerunt. Visum est ipsi, in te r alia, expedire quod F ra tre s Minores
non hab eren t * secreta capitula * cum P oenitentibus « quasi (ait) celebra­
rem us (4 ) conventicula haereticorum in latebris ».
E x iis quae anonym us ille statim subnectit, discim us in ipsius
regione, suoque tem pore T ertiarios in P r o v i n c i a s distinctos fuisse,
quibus «M a g istri provinciales* p rae eran t (5) : « N a m et ip si earum m a ­
g i s t r i , qui p r o v i n c i a l e s dicuntur, cum sint la id et aliquando uxo­
rati, quam dam habent sim ilitudinem cum haereticorum m agistris y et
si non pro invidiae pravitate, tam en in laicali habitu nomineque haere­
ticorum, in contemptum cleri laicos habent magistros et doctores* (7). Quae
verba parum favoris pro T ertia riis a M inoribus reg u n d is sp iran t, neque
to tiu s Provinciae O. F. M. sensus exprim unt, sed au cto ris h u iu s ano-
nym i. Nam iam c. 1287 plures P oenitentes in A lem ania Superiore flo­
ruisse su p ra dicta nos docuerunt (H).

oder Jahrs-Ge8chùhten der B a a r fU seren oder Minderen Bruedern S. Francuci


ord. insgemein Conventualen germant zu Thann. Colmar 1864, 2 v o ll., hoc nomine
sexcenties u te b a tu r, eoque con tra O bservantes passim g lo riatu r, I, 48, 546ss.
Cf. I. 5B1 ad an. 1430: « Franciscaner, so die Teuteche insgemein BaarfUsser oder
Mindere Brader Conventualen, Minoriten oder auch Strickbrlider pflegten zu
nennen ». T heutonice: Baarfüsserinnen. Non est cu r negem hanc
vocem in dicto allegato acri 'quodam sapore non caruisse.
(2) Greven. 'Anfaenge der Beginen, M unster i. W . 1912, 64 ff.
(3) Qua expresse P ontifex s ta tu it V isitatores et P ro cu rato res P oeniten­
tium assum endos esse ex O rdine F ra tru m M in., u ti iam in bulla 18 au g . 1289:
Supra Montem consuluerat. Cf. hanc bullam ap. BF IV, 97 e t Text. orig. 9*2,
illam vero ib. IV, 167-8; Epitome, 305. (4) Opp. V III, 868s.
(5) In Ita lia tunc isti Ministri provinciales v ocabantur, F ra tru m Min.
in s ta r; cf. AFH II, 69. — Nox magistri revera non v id etu r esse specifica sive
technica apud anonym um nostrum , sed versio vocis vernaculae Meister.
(6) Cf. Dollinger, Beitr. z Sektengesrhichte, II, M ünchen 1890, 12, 98ss.
C) Opp. cit. 369. (H; A FH XIV, 139ss., 186ss. 458ss.

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DE III ORD. IN GERMANIA SüP. 239

Quidquid de patria anonymi huius est, documenta quae nobis in­


notuerunt, nonnisi an. 1320 P r o v in c ia m T e r t i a r i o r u m Tertiaria-
rumque in Provincia O. F. M. A la m a n ia e S u p e r io r is , et ad modum
huius Provinciae ordinatam, evidenter demonstrant, scii, bulla lohan-
nis XXII data 9 martii 1320 iam a nobis edita (*). Haec vero sic orditur:
« Exposuit nobis dilectus filius G u n th e r u s , T e r t i i O r d in is fratrum
et sororum, qui Continentes seu de Poenitentia nuncupantur, a S. Fran­
cisco instituti, m in is te r p e r p r o v i n c i a m A la m a n ia e S u p e r i o r i s
a m in is tro p r o v i n c i a l i f r a t r u m Ord. M in . dictae provinciae de­
p u t a t u s , Exinde agit de persecutione Tertiariarum A r g e n tin a e ,
quam ipse Fr. G u n t h e r u s Papae retulerat, suorum subditorum cau­
sam Avenione patrocinatus. A Ministro provinciali 0. Min. deputatus
dicitur, quin liqueat, utrum intelligendum sit: Avenionem deputatus pro
hac causa tuenda, an: in genere deputatus ut Poenitentibus praeesset,
nomine et auctoritate ipsius Ministri provincialis 0. Min. Dicenti tibi
hanc alteram interpretationem sensui bullae magis consonare, omnino
non contradicam, immo assentiar lubenter.
Sed velim, insuper in animum revoces, c a p it u l u m provinciale
0. F. M. S p ir a e habitum anno p r a e c e d e n t i (2), scilicet 15 augusti
1319, quod modum visitandi T e r t i a r i o s , per Fratres utique Minores,
ordinaverat (3), ea quae speciatim in visitando inquirenda et examinanda
erant praescripserat (4), quodque plura statuit (5) circa Tertiarios F ratri­
bus Min. dirigendos, quin de Ministro provinciali Poenitentium verbum
ullum faciat. Memorat autem «Ministros » locales (1. 15,37), magis autem
«Ministras » (1. 15, 20, 28, 37), quas etiam « Magistras » nuncupavit (1. 21)
sive « Magistras regulae > (1. 10) (6).
Ob persecutiones enim quibus Poenitentes tunc temporis undique
quatiebantur quarumque partem supra exposuimus (7), Fratres Minores,
magis de eis solliciti effecti, eo devenerunt, ut compaginem Tertii Or­
dinis denuo ordinarent, non vero tunc crearent. Tu ergo velim inducas
recte officium Ministerii provincialis, quod anno posteriore (1320) Fr. G un-
th eru m , magnae proculdubio aestimationis virum, Avenionem usque
deduxit, iam diu ante an. 1319 in Provincia Argentinensi suppetivisse.

0) AFH XIV, 180-1.


(*) Statuta habes ap. Glassberger, AF II, 126-7 (= G); eaque e codice
Hall en si O. F. M. (= H) edidit P. Fidentius van den Borne, ap. AFH IX,
132-3. Addo ea quoque contineri cum aliis statutis Provinciae Argentinensis
(alias nobis.edendis) in codice 106 F r ib u r g e n s i O. M. Conv. (= F). Tertio
isto exemplari accedente, manifestum fit, P. Fidentium Codici H fidentius
adhaesisse contra G, cuius locus p. 133, in notam d reiectus cum F in textum
readmittendus est, quippe qui in H ex homoioteleuto omissus fuit. — Item
varians lectio notae f : eiectae textui cum F et G inserenda est pro : inobedientes.
Illae ceterum reapse vitari poterant, non vero hae, dum adhuc cum aliis de­
gebant. (3) Hoc ed. P. Fidentius, 1. c. 132 ex H; econtra F et G
omiserunt. (4) Ed. ex H, 1. c. 132-3; F et G om.
(5) L. c. 182, 1. 3-38, quae sola in F et G habentur.
(6) L. c. 172ss. (7) AFH XIV, 166ss.

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240 DOCUM ENTA.

Anno 1331 i d e m F r . G u n t h e r u s , qui non secus atque Minister


provincialis O. F. M., A rgentinae plerum que resedisse videtur, officio
P rovincialatus P oenitentium adhuc fu n g eb atu r e t 7 april. 1331 c a p i­
t u l u m quoddam ‘ P r o c u r a t o r u m F r a t r u m e t S o r o r u m ’ Tertii
Ordinis suorum celebravit, cui etiam V i s i t a t o r e s I II Ord. interfue­
r u n t ( 1). Cum enim plures P oenitentes F ra tre s e t Sorores ‘ Fraticellorum
sive B eghinorum ’ erro re s in bulla Sancta R om ana (’) proscriptos do­
cuissent e t ideo e T ertio Ordine eiecti essent (3 ), hi tam en instrumenta
induitionis et professionis suae ostendentes, h uius ordinis adhuc esse
g lo riab an tu r. H inc F r. G untherus, — se h u iu s rei ig n aru m ingenue
profitons, laicus enim fuisse v id etu r, — p erito ru m consiliis exquisitis.
F ra tre s e t Sorores ‘ capitulariter convocatos ’ consuluit, quibus visum
est eiusm odi in stru m e n t^ non iam esse conficienda sed testim onium quo­
rum dam proborum hac de re sufficere.
37. 7 april. 1331.
N overint universi... quod sub an. Dom. MCCCXXXI, V II die aprilis
v en e ru n t ad me fratrem G untherum , Provincialem tertii ordinis S. Fram
cisci, qui de Poenitentia nuncupatur, ad civitatem A r g e n t i n e n s e m .
procuratores m issi ab omnibuA fra trib u s et sororibus ordinis praedicti
per provinciam Alam aniae superioris secundum morem ordinis fratrum
M inorum constitutis, querulose notificantes, quod quidam perversi fra­
tres et sorores p rofessi quondam predicti ordinis tertii, qui e t quae propter
sua forefacta (4 ) e t excessus varios iu x ta form am reg u lae (5 ) fuerunt
litte ra to rie am oniti et a praenotato tertio ordine eiecti, populum decipe­
re n t... discu rren tes de loco ad locum, de civ itate ad civitatem , dicentes
se esse de... te rtio ordine... cum ab eo sin t eiecti: ostendentes etiam
quaedam instrum enta suae professionis seu inscriptionis, quae tempore
eiectionis ab ordine suis v isitato rib u s non reddebant, nec reddere vole­
b an t: Q uare m ih i... supplicabant, ut super istis ad v ersitatib u s de consilio
visitatorum , sa lu b riter c o g ita re tu r \ Ego vero fr . G u n th eru s... plurium
valentium visitatorum , p raelatorum et m ultorum iu risp erito ru m consi­
lium hum iliter requisivi, qui in dicav eru n t omnes, quod de talibus litteris,
inscriptionibus, instrum entis professionum deinceps fra tres et sorores...
tertii ordinis debent supersedere: quia [1°] m ulti p erversi... (et iam eiecti.
ta lia '... docum enta ostendentes... sectam ... dam natam in E x trav . quae
incipit Sancta R om ana ecclesia, noviter edita se q u u n tu r... [2"] Quia Be-
gula (c. II n. 2 expresse alium recipiendi modum concedit, secundum
peritorum consilia, et assensu) « fra tru m et sororum capitulariter con­
vocaturum »... com m itto visitatoribus praesentibus e t futuris, quod de
talibus litte ris e t in stru m e n tis deinceps supersedeant, sed quod alias
in praesentia plurium personarum eiusdem ordinis profitentem vel
profitentes ad professionem recipiant, quae personae de professionibus

(l ) Ed. Eubel, BF VII, 18Ha, in nota.


(a) BF V, 134-5: 30 dec. 1317; E x trav . Ioh. X X II, tit. 7.
(3) Ista praescripta fu e ra n t in Reg. ant. n. 30: AFH XIV, 119: alias X,
10, et in Reg. Nicolai IV , II, 2; Te.rt. or. 80. (4) I. e. crim ina.
C) Nie. IV , c. X IX et X VI, 4; Tcrt. 92-3.
('5 Intellige: consilium caperetur.

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DE III ORD. IN GERMANIA SüP. 241

recipiendarum, loco instrum enti litterarii possint facere fidem, si necesse


fuerit, e t perhibere testim onium v eritati. In quorum om nium testim o­
nium sigillum fra tru m et sororum de Poenitentia civitatis Argentinensis
praesentibus est appensum (3 ). D atum et actum anno, mense, die, loco
praenotatis.
H uiusm odi i n s t r u m e n t u m p r o f e s s i o n i s circa an. 1325 in P ro ­
vincia A rgent, u sitatum , sigillo g u ard ian i appenso, in formam publicam
simplicem redactum (3 ), hic lectori sistim us (4 ). •
Ego soror talis... voveo et prom itto Deo et vobis patri, me velle ser­
rare toto tempore vite mee regulam P enitencium per dom inum Nicolaum
papam confirm atam , ‘ servando (5) divina precepta om nia et satisfaciendo,
ut convenit, de transgressionibus, quas contra hunc vivendi m odum com ­
misero, cum interpellata ad visitatoris extitero voluntatem \ In horum
omnium testim onium fra tris H. gardiani Scaphusensis sigillum d u x i pre-
sentibus apponendum .
Hoc in contextu inserere iu v a t form ulam quam dam v e s t i t i o n i s C)
Poenitentium in P rovincia A rgentinensi saeculo saltem XV u sitata m (7 ),
itemque f o r m a m p r o f e s s i o n i s .

38. Benedictio vestium super Beginas (h).


Domine (9 )Ihesu C hriste, qui tegam en no stre m o rta lita tis induere
dignatus es, obsecram us im m ensam tue la rg ita tis habundanciam , u t hoc,
genus vestim enti, quod sancti patres ad innocencie vel h u m ilita tis in­
dicium ab renuncciantibus seculo deferre san x eru n t, ita tu benedicere
digneris, u t hec fam ula tu a N. que hoc usa fuerit, te induere m ereatu r.
Qui vivis e t regnas.
Benedictio persone.
Domine Ihesu Christe, qui es via, sine qua nem o v enit ad patrem ,
quaesumus benignissim am clem entiam tuam , u t hanc fam ulam tuam a
carnalibus desideriis abstractam per iter discipline regu laris deducas, et
qui peccatores vocare d ig n atu s es, dicens ( 10): Venite ad me omnes qui
laboratis e t o nerati estis etc., presta u t hec vox tue invitacionis in ea
convalescat, quaten u s onera peccatorum deponens et quam dulcis es

0) Sic Ed. adiecto dubii signo: videtur legendum: literatorii, ut supra'


1. 9 huius doc. (*) Cf. AFH XIV, 156, doc. 11; 158, 166.
(’) luxta statutum Spirense, AFH IX, 133, 1. 17-9.
(4) Schulte, Formelbuch der Minoriten von Scitaffhausen, 217. Cf. AFH XIV, 174.
(’) Verbotenus ex Reg. cit. II, 2; Te.rt. 80, mutatis tantum vocum formis
et casibus.
(6) Vide aliam AFH XIV, 112; XVI, 552. Cf. de istis formulis Hilarium Pa-
risiensem, O. Cap., Liber Tertii Ordini», Genève, Paris et Bruxelles 1^88. 243s.
Cf. quoque Rituale Romano-Seraphicum Ordinis Fratr. Minorum, Ad Claras
Aquas 1910, 305-9.
(7) E codice Vindobonensi Palatino (= P) 4349 a quodam Fratre Minore
Observ. saeculi XV posteriore parte compilato, fol. 174v-5r. De codice cf. AFH
XIV, 140. (8) Sic candide in codice vocantur Tertiariae.
P) Haec oratio propemodum integra consonat cum textu ap. AFH XIV,
112. Hodiedum vero multum ampliatur; Rituale, 305s. (l0) Matth. 11, 28.

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242 DOCUMENTA.

degustans, tua refectione sustentari mereatur, et sicut de tuis ovibus


testatus es ( l ), agnosce eam inter oves tuas et ipsa [175 r] pastorem
suum agnoscat, te solum diligat et sequatur. Qui vivis.
Deinde legitur vel cantatur Veni sancte spiritus, vel Veni creator
spiritus et Regnum mundi (*). Hec responsoria dum cantantur, exuatur
vestibus secularibus et induatur habitu, et dicatur'. Exuat te deus veterem
hominem cum actibus suis et despicere te faciat mundum cum omnibus
pompis suis. Amen.
^tduens eam. dicat’. Posuit dominus signum in faciem tuam, ut
nullum prêter eum amatorem admittas.
Quando superponitur velum dicat: Induat te dominus novum homi­
nem, qui secundum deum creatus est in iustitia et sanctitate veritatis,
ut ei te probatam exhibeas cui te devovisti.
Pro mantello dicit: Induat (3) te dominus cyclade auro texta et im­
mensis monilibus adornet te. Amen.
Sequuntur versiculi cum orationibus: Emitte spiritum tuum; Ora
pro nobis, beate Francisce; Mitte ei auxilium de sancto; Esto ei, domine,
turris fortitudinis; Nihil proficiat inimicus; Domine exaudi; Dominus
vobiscum; Oremus: Deus qui corda fidelium; Concede nos famulos tuos;
Deus qui ecclesiam tuam b e a ti F r a n c is c i m eritis(4); Pretende, do­
mine, fidelibus tuis etc.
Forma (5) professionis ad tertiam regulam talis est:
Ego talis... voveo et promitto Deo omnipotenti et vobis, pater, me
velle servare toto tempore vite mee regulam Penitentium per dominum
Nicolaum papam confirmatam etc. sicut in ipsa regula est expressum.
Qua professione facta, Fratres (°) inducant eas, ut obligent se ad
consilium domini pape.
Ut faciliore conspectu singula in Regula bullata Nicolai IV com­
prehendi possent praesertim a Fratribus v i s i t a t i o n i P o e n i t e n t i u m
addictis, quidam eiusdem Provinciae bullam Nicolai IV in compendium
redegit (7). Quod cum inde a capitulo 11° omnino fidele et sincerum sit,
nihil addens, nihilque innovans, nonnisi exempli causa initium ipsius
hic referemus. Compendiator ille bullam in sola XII capitula dispertivit,
non secus ac alii illius aevi (R).

(*) Ioh. 10. 14. (2) Cf. Rituale, 273 (pro monialibus).
(3) Cf. Rituale, 297 (pro eisdem).
(*) Oratio in festo s. Francisci; cf. etiam Rituale, 279.
( J In P fol. 175v, post quaedam alia interserta. In P. legitur: foveo. De
talibus formulis cf. P. Hilarium, 1. c. 247s.; Rituale, 309-12. Aliam ed. S. Tosti,
AFH XVI, 552-3; aliam neerlandicam ed. A. v. d. Wyngaert, Neerl. Fr. IV,
75: aliam habes ap. BF VII, 471 et AFH VIII, 52.
Scii. Minores. Agitur de Regula Nicolai IV, c. 16 et de bulla Unigeni­
tus: de qua cf. supra, 238. (7) Adest in eodem codice P fol. 172v-4r.
O Cf. Fident, v. d. Borne, AFH IX, 124-6; cf. Lanzoni, ib. X, 249-10.
Codex Hallensis de quo ibi sermo fit et ipse e Provincia Argentinensi est,
et in capitum dispertitione cum P plane concinit. De divisione in 11 cap.
cf. V. d. Wyngaert, 1. c. 66s. ; de aliis divisionibus idem, AFH XIII, 88-40, 62-5.

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DE III ORD. IN GERMANIA SUP. 243

39. Sequitur declaratio eiusdem regule [tertii ordinis}.


Nicolaus papa mandat dilectis sibi fratribus et sororibus de pe niten­
tia salutem et apostdicam benedictionem. Quoniam ecclesia posuit fu n d a ­
mentum suum super fidem katholicam quam predicabant apostoli, que est
na ad eternam salutem, sine qua nemo in conspectu dei acceptus appa­
ret, ideo b. Franciscus huius ordinis institutor filios suos hanc docuit
verbo et exemplo. Ideo nos istum ordinem intendentes promovere statui­
mus etc. in principio (*).
I capitulum. De recipiendis (2), examinandis de fide et honesta (3)
conversatione et alienorum restitutione et inim icitiarum reconciliatione
et (♦) carenda heretica pravitate. E t si talis post receptionem deprehensus
fuerit (5), inquisitoribus denuntietur et tradatur canonice puniendus. Et
receptus i post conversationem bonam post annum de discretorum con-
silù^ ad professionem recipiatur.
II capitulum. Quod nulli post professionem ab hoc ordine licet re­
cedere u), nisi ex devotione transeat ad ordinem conprobatum ; et talis (8)
professio redigatur in scriptis. Item (°) non recipiatur ad hanc regulam
mulier coniugata, nisi de consensu viri et voluntate.
III capitulum. Quod induantur de panno humili in precio, nec nigro
nec albo. Item mantella ( 10) et pelles non sint circa collum exscisa sed
clausa et manice clause. Item possunt habere tunicas de bumbace (n ) ni­
gras vel albas vel lineas sine plicatura, Potest (12) tamen visitator dispen­
sare secundum conditiones personarum et honestatem. Item pepla et ea-
pitegia de lino P 3), pelles ovine (’4), burse et similia de corio (15); et omnem
ornatum (j6 ) vanum deponant. Item non vadant ad convivia inhonesta Ç17),
curias et choreas. Item mimis ( ,H) pro vanitate nihil dent, nec a suis d a ti
permittant.
IV cap. Fetia II, IV , V I et sabbato carnes non comedant exceptis...
।omnia compendiantur e Reg. cap. III. Notamus levem variantem exe-
geticam in loco: Aliis diebus licet caseum, ova et pisces [e/] legumina
[comedere]. Item inferius: Item a f e s t o s. M artini usque Domini nativi­
tatem... ieiunent. Expi. preterquam in VI feria et aliis diebus ieiunalibus.
V cap. Quod tenentur... confiteri... Expl. de licentia ministrorum.
Est Reg. c. VI et VII.
VI cap. Dicant horas., rationabili excusantur. Id est Reg. c. VIII.
VII cap. Professi... consilio procedere. Sunt Reg. cap. IX. X et XI.

C) Hucusque bullae prologus c o n tra h itu r.


P) Reg. Nicolai IV , c. 1; Textus orig. 78-94, cuius editionis divisiones ca­
pitulorum (cum BF IV, 94-7 consonantem sed ex originali bulla exsulantem )
hic sequimur, e t recensem us singulorum capitulorum subdivisiones qua pa­
ragraphes num erantes. (8) Haec a d u m b ra tu r ta n tu m Reg. II, 1. Duo
puncta sequentia su n t ibidem. (4) R epetitio ex Reg. I.
(ft) In Reg. I, 2. («) In Reg. II, 2. (7) Reg. II, 3. (H) Ib. II, 2.
<9 ) Ib. II, 4. C apitulum ergo II cum c. II Reg. congruit.
(10) Reg. III, 1 h ab et: Chlamydes.
(u ) Hoc: de bumbace a d d i t u r Regulae c. II, 2. ('-) Sic Reg. III, 1.
(1S) Hae duae res d esunt in Reg. III. P legit pepta, et infra buise.
(w ) Reg. III, 4; adde: sint. ( l5 ) Ibid. (’*4) Reg. IV. (*') Ibid.
0*) Ibid. P habet nimis.

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244 DOCUMENTA.

VIII cap. Quod non lurent... ad Dei servicium. Est Reg. c. X II.
IX cap. Quod cottidie audiant missam... et predicatur. Congruit
Reg. c. X III.
X cap. De infirmis semel in... ad quodtibet Requiem eternam. Id est
Reg. c. XIV.
X I cap. Quod minister... in suis officiis ministrare. Est Reg. c. X V .
X II cap. Quod minister et alii huius... Item penitencias iniundas
studeant humiliter suscipere et efficaciter adimplere. Nulli ergo. E xp licit
declaracio. Sequuntur privilegia papalia. Hoc in ultimo capitulo compen­
diantur ergo Regulae cap. X V I-X X . ,
Tertiarii Provinciae Argent, ad normam bullae Nicolai IV : Unige­
nitus (8 aug. 1290) Fratribus Minoribus subditi fuisse apparent; quin,
hoc dicentes, innuere velimus.omnes Poenitentes semper ab eis rectos
fuisse. Sed complures quos iam recensuimus V i s i t a t o r e s Poeniten-
tium (’), caeterique infra recensendi hanc subiectionem abunde probant.
Capitulum Sp i re n se O. F. M. anni 1319 iam saepe fatum, quomodo
visitatio Tertiariorum, et in saeculo apud suos degentium et commu­
niter viventium, Minoribus fructifère exsequenda esset, pluribus defini­
vit (2 ). Minister etiam provincialis primus cuius nomen comperimus:
Fr. G u n t h e r u s , a Ministro provinciali 0. Min. « deputatus » erat.
Iam ante tempus in quo versabamur (1320-30), in c a p i t u l o p r o ­
v i n c i a l i O. Min. anno 1303 C o lu m b a r i a e celebrato, plura statuta
fuerant, quae quam curam tunc Fratres Minores S o r o r i b u s Poeni-
tentibus c o l l e g i a l i t e r v i v e n t i b u s dederint, manifesto nos edocent.
Inter plures enim leges has dicto anno tulerunt (3):
40. 1303.
1. « Item c o n v e n tu u m so r o r u m communiter vivendum, que ter-
cia m re g u la m habent, vel sub sigillo publico sub ypoteca rerum
suarum v i s i t a t i o n i ^ et c o r r e c t io n i f r a t r u m perpetuo se sub-
iecjerint, fratres sollicitam curam earum habeant, et sicut ordini (R) com­
petit, ipsis adesse studeant consiliis et auxiliis oportunis, ita quod s e m e l
in anno per custodem v i s i t e n t u r (7) et per fr a t r e m ydoheum a c u ­
s to d e assignatum in s a c r a m e n t is ecclesie p r o c u r e n t u r ^ } . Qui
edam solus earum c o n f e s s i o n e s audiat, et in eius absentia gardianus.
2. Et custodes o r d in a t io n e s ei$ provideant competentes
3. Et nulius frater ubi morantur vel alibi ad ea s v a d a t absque
causa expressa et sine gardiani licentia speciali.
4. Item (lo ) fratres in locis civitatibus adherentibus et suburbiis non
comedant, si tantum a b e g in is et aliis mulieribus fuerint principaliter
invitati »<n ).

( l ) Cf. v. gr. A rgentinae: A FH X IV, 152, 155s., 158, 161, 186; W orm atiae:
ib. 189, 194; M onachii: ib. 443ss.; 450ss. : K au fb u rae: XV, 353ss.
(2) AFH IX , 132-3. (J ) In codice 203 Einsiedlensi, p. 125; de quo A FH
X IV , 169. (4) U trum sensu disiunctivo an coniunctivo intelligendum sit,
non liquet. (&) lu x ta Regul Nie. IV . c. XVI, 2 e t bullam Unigenitus.
00 Scii. F ra tru m M inorum. (7) Cf. Reg. cit. X V I, 3. (H) Cf. AFH
X IV, 111: IX , 13o, 133. C) Cf. v. gr. X IV, 194s., 443; XV, 353ss.
O Cod. cit. p. 122. (»l ) Cf. Statuta gen. O. M. 1316, V, 17; A FH IV . 286.

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DE III ORD. IN GERMANIA SUP. 245

Saeculo X IV ad finem vergente, Provinciae A rgentinensis III R e­


gulae m entio fugax occu rrit in bulla a Bonifatio IX , 8 aprilis 1395, directa
tribus episcopis G erm aniae septentrionalis, Caminensi, Z w erinensi e t Lu-
bicensi, in quam Nicolai IV Regulam t r a n s s u m p s i t e t denuo incul­
cavit co n tra T ertiarios nonnullos rebelles. Quae bulla (’) em anavit ob
supplicam Papae porrectam : «pro p arte g e n e r a l Ls et n o n n u l l o ­
ru m p r o v i n c i a l i u m M i n i s t r o r u m A l a m a n i a e S u p e r i o r i s ,
S a x o n i a e , A u s t r i a e e t C o l o n i e n s i s (2 ) P rovinciarum o r d i n i s
F r a t r u m M i n o r u m d e P o e n i t e n t i a nuncupatorum secundum mo­
rem dicti O rdinis». Aliis litte ris m issis (s ) eisdem episcopis, ad in stan ­
tiam e o r u m d e m M i n i s t r o r u m , bullam Iohannis X X II circa confes­
siones fidelium licite F ra trib u s O rdinum M endicantium persolvendas (4)
renovavit. — P raefato ru m M inistrorum P oenitentium G erm aniae (5),
praesertim M i n i s t r i alicuius g e n e r a l i s , hucusque nulla nobis no­
titia suppetivit, si M inistrum A l e m a n i a e S u p e r i o r i s et C o lo ­
n i e n s i s (6 ) P rovinciarum e x c i p i a s . — P raefatu s Bonifatius IX,
24 i unii 1403, litte ris (/) datis « S o r o r i b u s ordinis C o n t i n e n t i u m
de P oenitentia s. F rancisci v u lg a rite r nuncupatis per A l a m a n i a m
constitutis», istis bullam Bonifatii V III editam 28 iulii 1296 (*) ex in ­
tegro confirm avit.

X I I I . — De Congregatione Nessenthalensi, an. 1436.

Bonifatius IX , bulla: Iis quae divini, 18 ian. 1401, F ra trib u s Soro­


ribusque T ertia riis dioeceseos T r a i e c t e n s i s ad R henum (U trecht)
in communi v ita degentibus indu isit « Superiorem » quem dam eligere,
qui quotannis cum singularum dom orum deputatis « capitulum gene­
rale » celebraret, ac visitatorem sibi assum ere e sacerdotibus suae re ­
ligionis (®). Mox postea, 23 sept. 1402, e i s d e m idem om nia privilegia
confirmavit ( 10 j. — Iohannes X X III, 26 aug. 1413, F ra trib u s e t Sororibus
in F l a n d r i a facultatem fecit eligendi « M inistrum , qui esset super
omnes fra tres et sorores » e t « Sororem superiorem » quae in M inistri
dicti absentia Sorores reg eret, pluraque eorum s ta tu ta confirm avit, bulla:

(») BF VII, 47, n. 154. (2) Cf. 246, n. 4 et c. XVI.


(’) L. c. in nota. (4) Scii. Vas electionis, BF V, 208s.
(5) Error cancellariae Romanae in modo loquendi non praecisiore exclu­
dendus esse videtur ex eo, quod id e m Papa 13 sept. 1895 eamdem bullam
Vas electionis inculcavit in favorem e a r u m d e m Provinciarum Ord. Fr. Min.
ad episcopos Alemaniae Superioris scribens (BF VII, 56s.); item 11 maii 1397
pro Provincia Alemaniae Sup. O. F. M. (ib. 82, not. 1), aliisque Provinciis
Imperii (ib. 81-2). Idem 17 nov. 1396 praefatis episcopis Caminensi et Zweri­
nensi atque Ratzeburgensi scribens (ib. 68), bullam Clementis IV : Quidam
tenere (ib. II, 14) eiusdem ferme tenoris innovavit.
C) De quo infra, 246; sed tempore parum posteriore. Cf. et BF VII, 13,
n. 35, qua Ministro Coloniae O. M. conceditur ad p r o fe s s io n e m recipere
personas III Ordini aggregari volentes, id quod plurimi ibi desiderare di­
cuntur. (8) Ib. 170, n. 465. (7) Cf. AFH XIV, 141.
(*) BF VII, 116-7. 0 Ibid. 153-4.

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246 DOCUMENTA.

Personas vacantes (’). Idem papa 31 m artii 1414 p raelau d atis T e rtia riis
T r a i e c t e n s i b u s citatam Bonifatii IX bullam confirm ans, eosdem p e r ­
sonas esse ecclesiasticas decrevit (*2). — M artinus V au tem alleg atam lo-
hannis X X III bullam diei 26 aug. 1413 pro p riae: E x apostolicae sed is,
19 iunii 1430, inserens, ipsam ad a l i a s d o m o s F l a n d r i a e e x t e n ­
dit (a ). T e rtia rii illi F l a n d r i c i e t U l t r a i e c t e n s e s sic de facto e t
de iure duas proprias congregationes efform abant Sub M i n i s t r i s g e ­
n e r a l i b u s propriis.
Studium sim ilem quam dam corporationem sibi constituendi p ro re
n a ta alios mox T b e u t o n i a e T ertiario s occupavit. M artinus V, 7 ian .
1421 archiepiscopo C o l o n i e n s i Theodorico de Moers, m andavit p a rv a s
dom us suae archidioeceseos non approbatam regulam sequentes, v is ita re
e t si necesse foret, abolere (4 ). Qui' archiepiscopus an. 1427, m otus u t
v id e tu r precibus F r. H enrici von d er Blume, III Ord., qui an. 1401
dom um I II R egulae S. Nicolai, non longe a N ussia (Neuss) fu n d av erat,
bullas iam dictas Bonifatii IX pro U ltraiecten sib u s T ertia riis an. 1401
et 1402 ad T ertiarios suae archidioeceseos C o l o n i e n s i s extendit, hos
sub « M i n i s t r o g e n e r a l i » proprio item constituens i,5). C apitulum
generale om nium dom orum hoc m unus prim um F r. Nicolao de D ahlen
concredidit, qui iam an. 1433 m ortem oppetivit, cui F r. H en ricu s von
der Blum e successit, 1433-45 (6 ). T e r t i a r i i C o l o n i e n s i s arch id io e­
ceseos ipsi ( 7) S y n o d o B a s i l i e n s i supplicaverunt, u t s ta tu ta sibi a
Theodorico archipraesule data confirm aret. Concilium eadem g en e rali
quadam form a approbans, rem C hristiano de Erpel, canonico Coloniensi
inquirendam et decidendam com m isit 21 dec. 1435, ac lu lian u s de Cae-
sarinis, cardinalis legatus in G erm ania, 2 ian. 1436 idem exam en eidem
concredidit. C hristianus m andatum exsecutus, s ta tu ta approbavit, Colo­
niae 28 eiusdem m ensis 1435 (8).
A tqui eodem ipso tem pore quo C ongregatio gen eralis C o l o n i e n ­
s is , quae usque ad an. 1802 s u b s titit^ 9 », e t an. 1496 conventus F r a ­
tru m 5, Sororum que 26 com plectebatur, a u c to rita te C o n c i l i i B a s i ­
l i e n s i s confirm ata fuit, conatus, studiaque consim ilis autonom iae a s ­
sequendae in te r P oenitentes A r g e n t i n e n s e s in g ru it et in v alu it.
Successus Coloniensium atque F ra tru m dom us B ethlehem in dioecesi

(•) Ibid. 471-3. Cf. A FH IV, 540s.


(2) Ib. 475-6. Johannes X X III decreto in ap o statan tes universos T e rtia ­
rios, an. 1412, 12 nov. ; ib. 460; idem praesupposuerat. (B) Ib. 736.
L a co in b l e t , Urkundenbuch fur die Geschichte des Unlerrheins, IV , 182,
K oln 1853. G. A llm a n g . Geschichte des ehem.digen Regulartertiarierklosters
St. Nikolau*, E ssen-R uhr 1911, 18s. (5) A llm ang, 19, 81, 157.
(6 ) L. c. 19s. ; 147-8, ubi eorum series usque ad an. 1802 s tru itu r.
(7) L. c. 20 sequentia, cum docum enta auctorem effugerint, non recte ex­
p o n u n tu r: docum enta vero co n serv an tu r in codice B ruxellensi 8958, e con­
v en tu I I I Ord. C o lo n i e n s i «ad Olivas» proveniente, cuius codicis alias
nobis evulgandi exem plar habemus. C) Cod. cit. f. 88-48.
(9 ) Eius historiam ad u m b ra v it A llm ang, 1. c. 31-228, cum M inister eius
generalis ordinarie insim ul M inister localis S. Nicolai fuerit.

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DE III ORD. IN GERMANIA SUP. 247

Traiectensi (’), obtentus in vicina Basilea, — cuius conventus O. F. M.


caput custodiae Basiliensis erat, — P oenitentes A l e m a n i a e S u p e ­
r i o r i s effugere nequibat. Unicum quod hac de re superest docum en­
tum, stu d ia P o enitentium istaru m partium C o n g r e g a t i o n e m quam ­
dam g e n e r a l e m ad in sta r Coloniensium, cum s ta tu tis et privilegiis
Tertiariorum F landriae sibi constituepdi clare insinuat. C ongregatio
generalis huiusm odi idem prorsus erat, sed sub nomine grandiore, ac
Provincia. E dicendis elucet aliquam c o n g r e g a t i o n e m aliquarum
domorum m arium ac fem inarum I II O rdinis c o l l e g i a l i t e r v i v e n ­
tiu m t u n c in P rovincia A rgentinensi, et quidem in H e l v e t i a ex ­
stitisse, sed nondum iuridice co nstitutam fuisse.
F ra tre s ergo e t Sorores I I I Ordinis dom us i n . N e s s e n t h a l , [in
cantone Bernensi H e l v e t i a e (*2)] sitae, « et aliarum dom orum F ra tru m
et Sororum eiusdem ordinis sub iugo et confervaeione dicte dom us ac
Fratrum et Sororum in N e s s e n t h a l existentium » eidem C o n c i l i o B a ­
sii ie n s i supplicarunt, u t privilegia a Iohanne X X III T ertia riis F l a n ­
d r ia e indulta, a M artino V ad alias domos producta atq u e ab ipsa
Synodo Basiliensi, 15 nov. 1435, ad F ra tre s dom us S. M a r i a e in
B e th le h e m , T r a i e c t e n s i s dioeceseos, aliosque, ipsis hoc efflagitan­
tibus extensa, sibi quoque form aliter com m unicaret.
Cuius petitionis N e s s e n t h a l e n s i u m e x s e c u t o r a Synodo no­
minatus est N icolaus Caesari, T ib u rtin u s episcopus (1427-50), Basileae
commorans. H uic F r a t r e s e t S o r o r e s N e s s e n t h a l e n s e s subm i­
serunt bullam M artini V : E x apostolicae sedis, praecedentem bullam
Iohannis X X III Personas vacantes insertam habentem . T ib u rtin u s epi­
scopus, re discussa, e x t e n s i o n e m b u l l a r u m a supplicantibus o ra­
tam, auctoritate Concilii 5 sept. 1436 concessit et effecit, quoad F ra tre s
et Sorores dom us in N e s s e n t h a l e t a l i a r u m d o m o r u m i s t i s
iam c o n i u n c t i s e t p o s t e a c o n i u n g e n d is, accedente consensu
Fr. Lucae de Senis, vicarii M inistri generalis O. F. M. Guilelmi de Casali,
Basileae ob Concilium residentis. Qui F r. L ucas talem consensum p rae­
stitit circa 5 sept. 1436. In stru m en ti hac de re dicta die confecti super»
“st transsum ptum publicum , quod diu postea, scii. 10 nov. 1462, A ndréas
Hoph notarius confecit, petente Iohanne Saltzm an, plebano T uricensi,
vice guardiani F ra tru m 0. M. Obs. Basileae (^3 ).
41. 1435-36.
In nomine D omini, amen. Noverint universi... (hoc) publicum in stru ­
mentum... (visuri) quod... an. 1462, die X novem bris... in mei notarii...
testiumque presentia... Iohannes Saltzm an, plebanus ecclesie S S . F eli­
cis et Regule Thuricensis, Constanciensis diocesis... nomine procuratorio
guardiani et conventus F r a t r u m o r d i n i s M i n o r u m , d o m u s B a s i-
l i e n s i s sub regula et reformacione viventium , exhibuit litteras... per

0) L. c. 40-3.
(*) In d istric tu O berhasle, com m unis G adm en ; vicus parvus. Alium enim
eius nominis locum non invenim us. Iste sit necne, dubium rem anet.
i’) Orig. m em br. 64,05x50,05 ctm . in RAM Franziak. IV, 3.

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•248 DOCUMENTA.

N i cola u m e p is c o p u m T y b u r tin u m , tanquam executorem a sacro­


sancta generali s in o d o B a s i l i e n s i s p e c ia l i t e r d e p u ta tu m de
m odo v i v e n d i F r a tr u m et S o r o r u m t e r c i i o r d i n i s s. F r a n ­
c i s c i de p e n i t e n t i a decretas,... sigillatas... per Barthol. Tummer-
man... signatas, integras (presentavit quarum)... tenor est talis:
Rev. in Christo p a tr i.. e p is c o p o C o n s ta n c ie n s i, eiusque in spi­
ritualibus vicario generali... N i c o l a u s .. e p is c o p u s T y b u r t in u s ,
executor ad infrascripta una cum... nostris in hac parte collegis... a sa­
crosancta S in o d o B a s ilie n s i... specialiter deputatis salutem... Litte­
ras prefate... Sinodi nobis pro parte religiosorum Fratrum et Sororum
tercii Ordinis s. Francisci de penitentia nuncupati domus in N e ss e n -
d a l et a l i a r u m do m o ru m Fratrum et Sororum eiusdem ordinis
sub iugo et conservacione dicte domus ac Fratrum et Sororum im Nes-
sendal existentium vera bulla plumbatas... integras... (recepimus):
S a c r o s a n c ta g e n e r a lis S i n o d u s B a s i l ie n s i s, in Spiritu
Sancto legittime congregata, universalem ecclesiam représentons, ven. e p i­
sco p o T y b u r t i n o et dilectis ecclesie filiis abbati monasterii E gm on-
d e n s is , T r a ie c te n s is diocesis ac preposito ecclesie S. S a l v a t o r i s
T r a ie c te n s is salutem et omnipotentis Dei benedictionem. Religioni pie
ac devote vite vacantibus sic convenit nos esse propitios, ut que pro ipsa
regxdari observantia conservanda, necnon adaugenda per Romanos pon­
tifices pie concessa sunt, ad alias eciam eiusdem professionis persanas,
divina obsequia in humilitatis spiritu... exhibentes extendamus. Sane du-
dum pro parte... F r a tr u m et S o r o r u m t e r c i i o r d in is s. Fran­
cisci... in partibus F l a n d r ie et presertim in episcopatu M o r in e n s i
certis tunc expressis locis degendum b. m. Baldassari episcopo Tuscu­
lano, tunc Iohanni X X III 0 in sua obedientia nuncupato... exposito, quod
ipsi... vivendo iuxta regulam ... per Nicolaum IV... (datam)... nonnulla
per eos observanda statuerant... (quas Iohannes X X lll confirmavit, et
deinde Martinus V)... innovavit et communivit... et ad certas alias domos
extendit... Et sicut exhibita nobis pro parte... Fratrum d o m u s b. M a­
r ie in B e th le h e m d i c t i o r d in is , T r a ie c te n s is diocesis, petitio
continebat, ipsi ac nonnulli alii Fratres et Sorores aliarum demorum
dicti ordinis etiam ad frugem vite melioris secundum statuta et ordina­
tiones predicta vivere desiderant. Quare pro parte eorum nobis fu it hu­
militer supplicatum, u t illa a d eos et eorum p o s te r o s ac dom os
e o ru n d e m s i m i l iu m e x te n d e r e d ig n a r e m u r . Nos igitur... sup­
plicationibus inclinati... vobis mandamus... quatenus vos, vel duo aut
unus vestrum, si ad hoc... M i n i s t r i g ener a lis o r d i n i s F r a tr u m
M in o r u m a u t i p s i u s locu m te n e n tis ad hoc accedit a s s e n s u s ,
statuta et ordinaciones, nemon regulam et modum vivendi in litteris pre-
dictis contenta et... Fratribus et Sororibus in diocesi M o r i n e n s i et in
partibus F la n d r ie ... concessa, ad b. M a r ie ac a lio s F r a tr e s et
S o r o r e s a li a ru m dom o r u m h u i u s m o d i i 1} et eoru m posteros...
extendere procuretis... Datum Basilee, X V 11 kal. decembris, anno a nativ.
Domini M C C C C X X X V 0. [= 15 nov. 1435].
Post quarum quidem litterarum dicte sinodi p r e s e n ta c io n e m ,
nobis et per nos... factas, pro parte dictorum Fratrum et Sororum domus
N e s s e n d a l, C o n s ta n c ie n s is d io c e s is et pro dictarum litterarum

C) Supplica F ra tru m N essenthalensium hac in clausula nisa esse apparet.

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DE III ORD. IN GERMANIA SÜP. 249

Sinodi verificacione, quoddam sumptum de registro bullarum do­


mini nostri pape extractum, clausum et signatum, ac m a nu... Anthonii
de Adria, loco... dominorum registratorum ipsius registri subscriptum,...
exhibitum fu it, sub.,, tenore:
M a r t i n u s etc. Ad perpetuam rei memoriam. Ex apostolice sedis
providentia... Datum Rome apud S S . Apostolos, X I I I kal. iulii, pont. n.
an. X III [19 iunii 1430]. (Qui M artinus inibi transsumit aliam bullam
lo h a n n is X X I I I : Personas vacantes, datam 26 aug. 1413).
Quo quidem sumpto, producto... (et recognito)... fuimus pro parte
dictorum F ratru m et Sororum domus in N e s s e n d a l... requisiti, qua­
tenus ad dictarum litterarum ipsius S in o d i... executionem procedere,
ordinationes, statuta, necnon regulam et modum vivendi... (ibi memo­
rata’ extendere iuxta ipsarum litterarum vim et formam et tenorem
dignaremur. Nos igitur Nicolaus, episcopus et executor pre fatus, quia..,
invenimus contenta in eisdem... veritate fulciri... ac attendentes requisi­
tionem huiusmodi fore iustam et consonam veritati, volentesque m anda­
tum dicte Sinodi nobis... directum exequi, ut tenemur,... (dicta statuta
confirmamus) quo ad F ratres et Sorores dicte domus in N e s s e n d a l et
a lia ru m d o m o r u m s u b iu g o e t c o n f i r m a t i o n e ipsius domus
existantes et eorum posteros, necnon conventus et domos eiusdem or­
dinis, qui eandem obedientiam forent suscepturi, extendimus, ven. ma­
gistri L u c e de S e n i s , g e n e r a l i s M i n i s t r i o r d i n i s s. F r a n c i ­
se i lo c u m t en e n tis , expressis c o n s e n s u et voluntate prim itus inter­
nenientibus.
Que omnia... omnibus... notifleamus per présentés... (quas) litteras...
nostram e x t e n s i o n e m in se continentes... fieri et per notarium sub­
scribi et publicari mandavimus, nostrique sigilli... appensione communiri.
Datum et actum Basilee in registro buUarum dicte sacrosancte Sinodi
an. M CCCCXXXVI 0, V sept.... presentibus... Petro Redem, canonico ec-
desie S. Severini Coloniensis, et Lulberto Resunt, clerico Monasteriensis
diocesis testibus... rogatis.
Et ego Bartholomeus Wilhelmi Tummerman de Bunschoten, clericus
Traiectensis diocesis, publicus apostolica et imperiali auctoritate notarius,
qui... litterarum receptioni et extensioni, necnon prefati magistri L u c e
licumtenentis consensus dationi... interfui... (omnia authenticam).
Quas quidem litteras... ad lohannis Saltzman, ut asseruit, predicto-
rum F r a t r u m M in o r u m i n t e r esse n e c e s s a r io i n d i g e n t i s , in ­
stantiam... transscripsi... Acta sunt in opido Thuricensi, in domo... pre-
fati lohannis presbiteri... presentibus... Cristi anno Kestlin de Althem,
Georgio Fabri de Lutkilch presbiteris Augustensis et Constanciensis dioce-
sis testibus. E t ego Andréas Hoph, clericus Wormaciensis diocesis publicus
ap. et imp. auct. notarius... transsumpsi (et authenticam). [= 10 nov. 1462].
Quamnam ob rationem F ratres Min. Obs. Basiliensis conventus
an. 1462 documento supra relato opus habuerint, nobis plane incomper­
tum rem anet( ! ). — Ast fatendum et sane dolendum, quod de C o n g r e ­
g a tio n e illa N e s s e n t h a l e n s i g e n e r a l i III Ordinis in Provincia
Argentinensi an. 1436 a Concilio confirmata, cuius domus in Helvetia

0) Nollem ex hoc inducere tunc Congregationem istam iam exstinctam


fuisse.
Archivum Francùcanum Historicum. — A N . XVII. 17

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250 DOCUMENTA.

constitisse v identur, nulla nobis prodita fu it hucusque alia m em oria.


Hoc inde evenisse supponam , quia ad in sta r T raiectensis e t Coloniensis
C ongregationum , haec A r g e n t i n e n s i s , seu si m avis H e l v e t i c a
C o n g r e g a t i o , hucusque penitus ig n o rata, plane sui iu ris erat, vive-
batque independenter a F ra trib u s M inoribus. F o rta ssis usque ad in ­
valescentem « R eform ationem », i. e. circiter per saeculum : 1430-1530
p ersistit. Ecquidem vix d u b itari potest, quin eadem a P r o v i n c i a A r-
g e n t i n e n s i I II Ordinis penitus distin g u en d a sit, quippe quae in s a t
dissita regione, in m edia nem pe B a v a r i a , nobis post tem pus p arv u m
interiectum occurret, unde in A l s a t i a m e t S u e v i a m se ex ten d it.

X I V . — De Provincia regulari III Ordinis c. 1460-1480.

P r o v i n c i a A r g e n t i n e n s i s III Ordinis, saeculo XV m edio


denuo com parons, solos T ertiario s T ertiariasq u e c o l l e g i a l i t e r d e ­
g e n t e s item am plexa esse ce rn itu r. Pauca quae de ea in n o tu e ru n t,
fatis conventuum F r a t r u m III O rdinis K e l h e i m i i ^ ) e t alibi fu n ­
datorum adeo stric te in n itu n tu r, u t haec hic nobis necessario expo­
nenda sint.
Prope K elheim (Kelham ), oppidum in B av aria Inferiore situm , ubi
A ltm onius flumen in D anubium influit, F r. A n t o n i u s quidam a S e p -
t e m e a s t r i s (*) dictus, I II Ordinis, tu g u rio lu m sibi co n stru x e rat circa
an. 1450 in loco dicto Traunthal, exinde Bruderhaus vel Bruderlorh, i. e.
F ra tru m locus (3 ), nuncupato. C ontradicente loci plebano, o b stitit quoque
ordinarius R atisbonensis, sed pio erem itae favebant duces B avariae.
In stru m en to publico Ioh. L eyttgeb et M arg areta uxor 28 oct. 1453 om nia
iu ra sua et census circa ^B ruderloch» ‘ordini s. Francisci te rtia e re ­
g u la e ’ ^) absolute cesseru n t (5 ). An. 1454, 12 iulii (6), ecclesiolam prope
cellam construere, seu m agis e rupe prom inenti excavare ce p eru n t
F r. A ntonius paucique socii sibi asciti. A lbertus I II dux B avariae

(*) De eo e t conventu O. Min. Obs. cf. Gonzaga, D e origine seraph icae re ­


ligionis, Romae 1587, 716; Venetiis 16)3, 826s . ; W adding, ad an. 1454, n . 79
(X II, 233); an. 1465, n. 18 (X III, 378); 1469, n. 30 (ib. 444); Sigism. C avalli,
Orbis seraphicAis, V, A ug. T au rin o ru m 1741, 55-9; G reiderer, G erm ania F ra n c.
I, 277-81; H ueber, D regfach e Cronickh, 485, 1353; A nonym us, Geschirhtiiche
Erinnerungen an d a s sogenannte Kb'islerl im B ru derloch und an die F ra n zisk a n e r
in K elheim , R egensburg [c. 1900], 8°, 20 pp.
(*) Quia oriundus e ra t ex oppidulo Siegenburg (Siebenburg) prope Abens-
berg seu e T ranssilvania, G erm anis: SiebenbUrgen.
(’) S tric te : cavu m ; vox derivans e situ demisso e t ex stru c tu ra e modo;
cf. etiam cap. XVI.
(4) Orig. m em bran. se rv a tu r in A rchivo sta tu s Monachii ( = RAM ): F ra n -
ziskan er in K elh eim , fasc. I, n. 1. O riginalis theutonici versionem latinam
habes ap. Cavalli, 1. o. 55; G erm . F ran c. I, 278.
( 6 ) *dem heil. orden sand F ran cisais, siner dritten regel ». Fr. A ntonii nomen
in doc. non com paret.
(°) lu x ta an tiq u am epigraphen, ap. E rinnerung. 4.

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DE III ORD. IN GERMANIA SUP. 251

6 ian. 1455 fundum praedictum Fr. Antonio concessit, in quo clausam


i. e. eremitorium atque capellam aedificare posset (’).
Cardinalis N ic o la u s Cu s a n u s , tunc in Germania legatus Papae,
Ratisbonae 15 maii 1454 indulgentias 40 dierum in festis B. Mariae Vir­
ginis, Apostolorum et dedicationis largitus est : «capellae s. Nicolai, que ut
accepimus a religiosis fratribus ordinis s. Francisci de te r tia regula..»
(in) Kelhaim Ratisponen. diocesis in loco vulgariter Bruderhaus nuncu­
pato incepta est et construitur » (*). Tantumdem indulgentiarum capel­
lae construendae ibidem tres post dies unico instrumento concesserunt
Eneas S ilv iu s : ^ E n e a s, Dei et apostolice sedis gratia episcopus S e ­
nensi s, necnon F r id e r ic u s [de Blankenfels], eadem gratia episcopus
R a tis p o n e n s is » (s ); item loannes de Eich, episcopus Eystettensis 16
iunii 1454 ç4). Iohannes autem Thulbeck, episcopus Frisingensis, similes
indulgentias in sua sede iam dederat 6 ian‘. 1454 (6); quibus Antonius
de Rotenhan, episcopus Bambergensis, in metropoli sua 6 martii 1455
totidem addidit dies piaculares (6).
Circa idem tempus iam laudatus dux Albertus III, Fr. Antonio,
nondum circa rem suam omnino securo vel iam molienti Vindobonam
pergere, denuo omnia privilegia confirmavit, attestatus ipsum in loco
suo « vitam egisse spiritualem », i. e. religiosam (7). Mox enim Fr. Anto­
nius *perfectiorem vitam anhelans ’ in Austriam abiit, ut ibi in conventu
Paradisi prope Vindobonam (*) habitum s. Francisci apud Observantes
indueret. Ast mox ab eis dimissus, Pragam veniens, equum acquisivit
contra Tureas bellaturus. In Hungariam solus equitans, incidit in la­
trones sex. «Quibus cum se omnibus opponeret, o c c is u s e s t ab eis,
spero ut martyr », ait Fr. Nic. Glassberger (9).
Quae nex quo anno acciderit, nos latet, sed aestimem an. 1455-1459.
Etenim ipse Fr. Antonius 10 iulii 1455 Neostadii Friderico III imperatori
privilegium Alberti ducis (6 I 1455) approbandum obtulit, cui imperator

(’) O rig. m em br. in RAM , 1. c. « dem geistlichen b r u d e r A n t h o n san d


Franciscen orden vergonnet und erlaubt haben in d e r Clausen in ... oberhalb K e l­
haim genant da» b r u d e r h a u s , wonung zu haben, doselbshin ain cepelln und wo­
nung zu p a u en ». Hoc docum entum aliaque tra n ssc rip ta quoque sp n t in A r -
chivio conv. 8. M ichaelis K elham ensis 1450-1609, in RA M : F ra n zisk . L itt. 281.
(*) O rig. m em br. ibidem : F ra n z. K elh eim , fasc. I ; incipit: S i popu lu s Isra-
hditùus. . (s ) Orig. m em br. cuius sigilla defecerunt, ibidem ; in cip it:
Sanctorum* meriti*. (4 i Or. m em br. ibid ; d atu m E ystadii, incip. u ti
concessio Cusani. (5) Or. m em br. 1. c.: incipit u ti praecedens.
(•) Or. m em br. ibidem. (7) Or. ibid.
(**) Cf. Gonzaga, 1. c. ; W adding, X II, 238. Archivium. cit. p. 4-5; ex H und-
Gewold, M etropolis Salisburgensis, II, 847, Monachii 16'20. Testis antiquissim us
est Nic. G lassberger, A F II, 876, qui tam en res T ertiario rum nim is tacet,
et (e bulla?) tra d id it F r. A ntonium Kelheim ii cum O bservantibus degisse. In
dicto conventu qui ta n tu m 1455-15'29 su b stitit, tirocinium Provinciae novae
Observantium A ustriae a S. Iohanne C apistranensi fundatae ex stab at. Placid.
Herzog, C osm ographia A u stria co -F ra n c isca n a , Coloniae 1740, 68, 85, 98, 488.
Idem ap. A F I, 75. O A F II, 876.

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252 DOCUMENTA.

munimen suum gratiose contulit (1). Tunc ergo Fr. Antonius nondum
de Observantia capessenda cogitabat. Verumtamen privilegiis illis non
obstantibus, Bavariae duces eremitorium Kelhamense mox Observan­
tibus concrediderunt, qui illud incolere coeperunt 19 augusti 1457 (*)
spe firma lactati copiam desuper summae Sedis obtinendi. Tale diploma
occupationem istam rati habens, defectusque ipsius supplens, emanavit
Pii II, 5 iulii 1459. Quae bulla (’) narrat Observantes, Alberto ac Ludo-
vico ducibus desiderantibus, locum illum intrasse, postquam « alia# qui­
dam frater tertii Ordinis s. Francisci... unam cellulam... construxit,
deinde vero audacior ampliavit dictum locum in aedificiis »; Observantes
porro locum incoluisse ^ipso fratre sic ibidem permanente ». Ex quo
liquet, cur Frater ille Antonius habitum 0. Min. apud Observantes Au-
striae suscipere maluerit, non apud Argentinenses.
Observantes illic positi, monasteriolo ab aquis illud inundantibus
magna ex parte demolito, a Bavariae ducibus et a consulibus oppidi
ecclesiam s. Michaelis propinquam, sed in situ eminentiore et salubriore
obtinuerunt. Quam donationem Cardinalis B e s s a r io n , Vindobonae Le­
gatus de latere, 18 augusti 1461 auctoritate apostolica firmavit, addita
ipsis ecclesiam s. Nicolai cum omnibus structuris ad solum aequandi
potestate (♦). Novum conventum Observantes intraverunt an. 1471 (5),
quin tamen domum ecclesiamque s. Nicolai destruerent. Etenim Ter­
tiarii intérim non desides cedebant seu quiescebant, sed domum suam
recuperare studebant. Plebanus Kelhamensis 1 maii 1466 camerarium
oppidi certiorem fecerat (6), se protestationi « Fr. Antonii > (7) III Or­
dinis S. Fr. contra novam fabricam 0. Min. Obs. annuere, quippe quae
episcopo invito fieret. Fr. S te p h a n u s , guardianus 0. Obs., 27 aprilis
1466 contra episcopum excommunicationem minitantem ad Papam appel­
lavit^), sedet Minister provincialis Tertiariorum ad eumdem recurrit,
supplicans ut domus S. Nicolai a Tertiariis olim ‘gratiose Observanti­
bus concessa’, post horum discessum illis restitueretur in integrum.
Hinc P a u li II b u lla (9) emanavit 24 oct. 1469, quae nos plura
circa A r g e n t i n e n sem P r o v in c ia m III Ordinis edocet. D u a b u s
tantum d o m ib u s regularibus sub cura 0. Min. viventibus Provincia
tunc constabat; conceditur tamen aliis, et maribus et feminis, ad eam

C) Orig. mem br. d atu m apud W ien e r-N eu stad t : in RAM ibid.
(*) Sic praecise A F II, 376.
(’) Eam ed. Cavalli, 56: Germ. I, 278-9. Orig. in RAM ib.
(S E d itu r doc. 11. cc. respective 57-8 et 279-80. Orig. mem br. in RAM,
ibid. cum aliis de hoc docum entis et bullis.
(5) AF l. c.
(6) Copia in RAM ; cum aliis protestationibus orig. parochi co n tra Obser­
vantes an. 1463 e t 1466, ducum Monacensium decretis pro eisdem, 1460-67, et
bulla orig. P auli II ad abbatem AVeltenburgensem O. S. B., qui in rem in­
q u ira t: Romae 2 ian. 1466: Sedis apostolice circum jecta.
(’) Sine cognom ine; sed alteru m aestim o a clausae fundatore.
(8; Orig. m em br. in RAM.
(9) Orig. cum plum bo in filo canapeo in RAM ibid. fasc. 2.

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DE III ORD. IN GERMANIA SÜP. 253

se a g g r e g a r e , t r i a v o t a su b stan tialia em ittere; professis Papa per­


mittit s c a p u l a r e deferre, idoneos ad p r e s b y t e r a t u m prom overi,
d iv in u m o f f i c i u m iu x ta usum Rom anae ecclesiae dicere, eosque
p r i v i l e g i o r u m om nium III Ordinis participes reddit.

42. 2 4 oct. 1469.


P aulus episcopus, serv us servorum Dei, dilectis filiis preposito in •
Ror per prepositum , et priori s. lohannis B aptiste in Rebdorff per prio­
rem g ubernari solitorum , R atisponensis e t E ysteten sis diocesis m ona­
steriorum, salutem et apostolicam benedictionem . In apostolice d ign itatis
culmine, disponente Domino, quam vis im m eriti co nstituti, personas sub
religionis habitu Domino fam ulantes benigno favore libenter prosequi­
mur, et in hiis per que eorum sta tu i profectibusque consulitur, eis g r a ­
tiosum apostolici favoris suffragium lib eraliter im partim ur. D udum si­
quidem pro parte dilectorum filiorum nobilium viroru m Sigism undi et
Alberti fra tru m ducum Monacen. e t u n iv ersitatis opidi K e l h e m , Ra-
tisponen. diocesis, nobis exposito, quod alias ipsi atten d en tes d o m u m
o r d i n i s f r a t r u m M i n o r u m iu x ta dictum opidum, in qua ipsius
ordinis professores s u b r e g u l a r i v i v e b a n t o b s e r v a n t i a , propter
inundantiam flum inis Danubii pro m agna p arte dirui ceptam et propter
continuam distillationem fluxum que aquarum de quadam rupe, cui dom us
ipsa subiecta est, in ipsam dom um iu g ite r distillantium esse pro m agna
parte anni in suis principalibus officinis m adidam e t ad habitationem
religiosorum m inus ydoneam , ita u t clare perspici possit dictos f r a t r e s
eam aliquando d e s e r t u r o s esse, quodque ipsi duces e t u n iv ersitas
nnam a l i a m d o m u m in m o n t e S a n c t i M i c h a e l i s predicto opido
viciniori, ut illam e i s d e m f r a t r i b u s pro suo usu et habitatione dare
et assignare possent, e d i f i c a r e c e p e r a n t : Nos tunc aliis nostris
litteris certis dedim us indicibus in m andatis (’) u t ipsi vel duo a u t unus
eorum de prem issis au c to rita te no stra se diligenter inform arent, e t si
per inform ationem huiusm odi ea vera esse reppererint, p r e f a t i s f r a ­
t r i b u s in d icta a n t i q u a d o m o com m orantibus, ut i l l a omnino d i ­
m is sa , predictam novam domum, postquam co n stru cta et ad inhabi­
tandum apta foret, recipere et pro eorum usu et habitatione perpetuo
retinere libere ac licite v aleren t licentiam la rg ire n tu r, prout in eisdem
litteris plenius continetur.
Cum autem , sicut exhibita nobis nuper pro parte dilectorum filio­
rum m i n i s t r i et fra tru m tertii ordinis sancti F rancisci de pendentia
nuncupati p r o v i n c i e A r g e n t i n e n s i s iu x ta morem dicti ordinis pe­
titio continebat, ipsi in d u a b u s dicte provincie d o m i b u s ^ ) in com ­
muni et sub eorumdem fra tru m M inorum cura et regimine vivant,
ac prefata antiqua dom us olim per eos inhabitata et possessa fu erit,
piam postea dictis fratribu s ordinis M inorum gratiose concesserunt,
dictique fra tres o r d i n i s M i n o r u m , quibus earum dem litte ra ru m
vigore deserendi priorem dom um e t aliam predictam recipiendi licentia
concessa ex titit, dictam p r i o r e m d o m u m om nino d i m i t t e r e , seque
ad a l i a m d e n o v o e d i f i c a t a m c o n f e r r e intendant, pro parte

Cf. supra, 252, nota 6. (2) Cf. infra, 259.


(’) Non d is tin g u it bulla in te r C onventuales et O bservantes, neque hic
neque infra.

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254 DOCUMENTA.

et fratrum tertii ordinis predictorum nobis fuit humiliter sup­


plicatum, ut dictam priorem domum, postquam per eosdem fratres o r ­
d in is M in o r u m dimissa fuerit, ipsis pro eorum usu et habitatione
perpetuo concedi mandare, et quod ipsi fratres tertii ordinis, qui illam
et duas alias quas in eadem provincia possident, domos predictas inha­
bitant et pro tempore inhabitabunt, et alie utriusque sexus persone que
de cetero eorum congregationi in eadem Provincia adherere voluerint, tria
substantialia religionis vota, que religiosi aliarum regidarum approbata­
rum emittere consueverunt, emittere libere ac licite valeant licentiam con­
cedere. ac alias super hiis opportune providere de benignitate aposto-
lica dignaremur.
Nos igitur, qui personarum sub religionis habitu Domino famulan­
tium iugem profectum exquisitis desideriis affectamus, de premissis
certam notitiam non habentes, huiusmodi supplicationibus inclinati, dis­
cretioni vestre per apostolica scripta mandamus, quatinus vos vel alter
vestrum, si est ita, priorem domum predictam, postquam ipsi fratres
ordinis Minorum illam ut prefertur, dimiserint, eisdem ministro et fra­
tribus tercii ordinis per eos perpetuo tenendam et inhabitandam co n ­
c e d e r e et donare auctoritate nostra curetis, iure parochialis ecclesie
et cuiusvis alterius in omnibus semper salvo. Nos enim fratribus eius­
dem tertii ordinis, qui tam in priori, si illam eis per vos vigore presen-
tiurn concedi contigerit, quam aliis duabus domibus predictis pro tempore
inhabitabunt, necnon personis utriusque sexus qui in eadem provincia
eorum congregationi adherere voluerint Q), ut tria substantialia rotai^
huiusmodi in manibus sui ministri (3) vel ad hoc ab eo deputandi, seu
eodem ministro absente in vicarii provincialis (4) vel visitatoris dicte con­
gregationis manibus emittere, ipsique fratres tercii ordinis scapulare
in signu-m professionis, sicut nonnulli alii fratres dicti tertii ordinis
faciunt, deferre^), et illi ex eis, qui litterati et ad hoc gdonei reperti
fuerint, ad omnes sacros etiam presbiteratus ordines, dummodo eis
aliud canonicum non obsistat impedimentum^ promoveri, et in illis
ministrare, ac horas canonicas et divinum officium ad usum Romane
ecclesie celebrare, ipsique fratres et sorores tertii ordinis dicte provincie
necnon alii qui ipsorum congregationi in eadem provincia adheserint,
omnibus et singulis privilegiis et gratiis tam spiritualibus quam tem­
poralibus ceteris dicti tertii o r d in i s e iu s d e m p r o v in c i e fratribus
a sede apbstolica rei alias in genere concessis (7) potiri et gaudere pos­
sint, auctoritate apostolica tenore presentium indulgemus, non obstan­
tibus fel. record. Bonifatii pape VIII predecessoris nostri, prohibente 0 ,
ne fratres ordinum mendicantium in aliqua civitate, villa vel castro aut
alio loco quocunque ad inhabitandum domos vel loca queeunque de novo
recipere aut hactenus recepta mutare présumant, absque speciali dicte
sedis licentia faciente plenam et expressam ac de verbo ad verbum de

0 Cf. infra, 256ss. (*) Cf. infra, 2<i3 e t cap X V II.


(8) Cf. supra, 245ss. lam aliis pro T e rtiariis hoc concessum erat.
(4 ) Id est III O rdinis, non secus ac V isitator. Cf. supra, 245.
(5) Hoc v. gr. T ertiariis F landriae concessum fu erat an. 1418 ; BF V II. 472.
f6) Idem aliis an tea concessum ap. BF V II. 471.
(7) Haec vox in orig. in ter lineas ad d ita fu it, pluresque voces in rasura
scriptae su n t. 0 Sic orig. Cf. BF IV, 424.

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DE III ORD. IN GERMANIA SUP. 255

prohibitione huiusmodi mentionem (! ), aliisque constitutionibus et ordi­


nationibus apostolicis, ceterisque contrariis quibuscunque. Datum Rome
apud Sanctum Petrum, anno incarnationis dominice M°CCCC°LXIX°,
nono kal. Novembris, pontificatus nostri anno VI (2) [~ 24 oct. 1469].
Quasnam propter rationes effectus bullae huius gratiosae adeo pro­
crastinatus fuerit, nescimus ; Observantes enim inde ab anno 1471 in
conventum noviter erectum S. Michaelis prope Kelheim transmigrave­
rant 3). Sed i uri suo optime bullato cedere nolens, Minister Tertiariorum
provincialis impiger, Fr. W i l l ib a l d u s K e s t l e r , a l t e r u m in eum-
dem effectum a S ix to IV b re v e (4) impetravit, imperans, ut Pauli II
litterae exsecutioni demandarentur, datum 9 maii 1472. Utrumque proin
diploma secum deferens, Fr. Minister Rebdorfium properavit, ut ius sibi
redderetur expostulans. Quoniam constabat domum s. Nicolai ab Obser­
vantibus derelictam, prior Rebdorfensis die 25 iulii 1472, id est novem
hebdomadas post altorum breve obtentum, apostolicae obtemperans ius-
sioni, domum illam eo magis concupitam quo diutius negata fuerat,
Tertiariorum Ministro provinciali restituit (5).
43. 25 iulii 1412.
Universis... présentés litteras risuris... frater lohannes, prior mo-
naxferii Sancti Iohannis Baptiste in Rebdorf canonicorum regularium
ord. S. Aug. Eysteten. dioc., e.recutor et commissarius ad infrascripta,
una eum nostro in hac parte collega... sahdem in domino... Litteras
xx.morum Roman, pontificum ... quondam ... Pauli I I ... alteram ... S ixtilV ...
brere nuncupatum... integras... nobis per religiosum fr a tr e m W illi-
baldum K estl, m i n i s t r u m t e r c i i o r d in is s a n c ti F r a n c i s c i de
penitencia nuncupati p r o r i n c i e A r g e n tin e n s is presentatas... (nove-\
ritix nos) recepisse... sub tenore:
P a u lu s episcopus s. s. Dei dilectis filiis preposito in R or.... et
priori S. Ioh. Baptiste in Rebdorf... sal. et ap. bened. In apostolice digni­
tatis culmine... (*). Datum Rome apud S. Petrum, anno M<OCC°LX1X°,
nono kal. nov. pont. n. an. VI.
Tenor vero alterius littere, breve nuncupate, sequitur et est talis:
S ix tu s papa IV dilectis filiis m i n i s t r o et f r a t r i b u s t e r c i i
ord in is b e a ti F r a n c is c i de p e n i t e n c ia nuncupati; dilecti filii
sal. et ap. bened*. Cum, sicut fidedigno percepimus testimonio, littere
sancte recordationis Pauli II, immediati predecessoris nostri, vobis sub
bulla plumbea s u p e r r e c e p t i o n e d o m u s i u x t a oppidum K el h e m,
Ratisponensis diocesis, concesse n o n d u m fuerint e x e e u tio n i d e b ite
d em an d ate, nos vestris in hac parte supplicationibus inclinati, pre-
sencium tenore declaramus atque concedimus, ut si ita sit, huiusmodi

(’) Cf. BF IV, 425.


i2) In plica exterius legitur: L. de Marinis. | Armagillus. | Sub plica tres
cruces sibi suprapositae, et: A. Trapezuntius. | P. de Chrarri. | A. de Piscia. |
Pro mendicantibus. fa) Cf. supra, 252.
'*) Orig. brevis deest in RAM; textus servatur in doc. 43.
(5) Orig. membr. in RAM: Franzisk. IV, 1.
C) Editur supra, 253-5.

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256 DOCUMENTA.

littere perinde executioni possint ac debeant demandari, ac si ipse pre-


decessor adhuc ageret in humanis, contrariis non obstantibus quibus­
cunque. Datum Rome apud Sanctum Petrum sub annulo piscatoris, die
(X maii M°CCCCLXXI1°, pontificatus nostri anno primo.
Post quarum quidem litterarum apostolicarum presentationem... f u i ­
mus per pre fatum f r a t r e m W illib a ld u m, m in is tr u m p r i n c i p a ­
lem debita cum instantia requisiti, quatenus ad e x e c u t io n em nobis
in eisdem litteris com missorum procedere, sibique et fratribus suis... pre-
libatam domum... p e r f r a t r e s o r d i n i s M in o r u m d im is s a m , auc­
toritate apostolica conferre dignaremur. Nos igitur lohannes, Prior et
executor prefatus... (hoc)... exequi volentes... habito primitus diligenti
scrutinio super eo, utrum ip s a d o m u s p e r f r a t r e s o r d in i s M in o -
r u m predictos foret d i m i s s a aut d e r e lic t a ; et quia post huiusmod i
scrutinium, per aliaque legittima documenta coram nobis exhibita atque
producta... dom um d im i s s am ... co m p e r i m u s, idcirco auctoritate
apostolica... qua fungimur... ipsam domum cum suis singulis pertinendis
dicto f r a t r i W illib a ld o coram nobis flexis genibus constituto et sin ­
gulis s u i s s u e c e s s o r ib u s fratribus tertii ordinis s. F r a n c i se i
p r o v in c i e A r g e n t i n e n s i s ... concessivi us ... atque ... concedim us ...
perpetuo tenendam,... iure parochialis ecclesie et cuiusvis... semper salvo :
In nomine patris et filii <£• spiritus sancti, amen... (Hoc praesentibus om­
nibus notificat, sigillum sui prioratus appendi iussit et notarium sub­
scribere). Datum in Kebdorf M ^ C C C C LX X Il 0, die sabbati X X V iniit,
(coram tribus testibus) : fratre Udalrico Koler, suppriore nostro, Iohanne
Pistoris et Conrad Neu'land presbiteris, vicariis perpetuis chori ecclesie
Eystettensis. — (Sequitur signum et authenticatio notarii: Erhardi
Schawr, clerici Eysteten. dioec.). [— 25 iul. 1472].
* Neque Fr. W i lh e l m u s K e s t l e r moram ullam interposuit mona­
steriolum Kelheimense occupandi, nam die undecima, scii. 5 augusti 1471,
eo socios suos, ipse ‘ tunc novae domus M in i s t e r atque diu postea ’
sive superior induxit. Hoc factum comperimus e nota chronologica,
quam an. 1483 in plica documenti Iohannis de Eich, episcopi Eystetten­
sis, diei 6 dec. 1483 (! ) addidit Tertiarius quidam anonymus.
Dicto diplomate Ordinarius Fratribus domus III Ordinis in H e r -
r i e d e n ( 2) copiam fecit n o v a e d o m u s sibi construendae apud capel­
lam S.mi Salvatoris in s i l v a S t e in b a c h , (ergo in loco solitario),
infra limites parochiae R a u c h e n z e l l, hunc in finem eleemosynas sibi
conquirendi, atque has ministrantibus indulgentias impertivit.

44. 6 dec. 1469.


1. lohannes, Dei gratia episcopus Eystetensis, universis et singulis
ecclesiarum parrochialium rectoribus, plebanis, viceplebanis et loca tenen­
tibus per civitatem et diocesim nostras Eystetensem ubilibet constitutis,
quibus nostre littere exhibite fuerint, salutem in Domino. Quia devoti no­
bis in Christo dilecti fratres ordinis sancti Francisci de tercia regula
de penitentia nuncupati, in opido nostro Herrieden commorantes, hu­
militer nobis supplicarunt, quatenus eis pro augmento devotionis ipsorum

0) Orig. membr. ibidem, IV, 7. (2) Oppidum ad Altmonium (Altm ühl)


non longe ab Eichstâtt. Itauenzell vicus est prope Herrieden.

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DE III ORD. IN GERMANIA SÜP. 257

ac ad reddendum commodius Altissimo vota sua, ad construendum sire


editicandum domum pro eorum habitatione apud capellam sancti Sal­
vatoris in silva Stainbach, sub lim itibus ecclesie in B auchenzelle nostre
diocesis sitam, nostrum consensum prebere et licendam concedere digna­
remur: Nos igitur attendentes petitionem huiusmodi fore iustam et pro
diri ni cultus augmento fore utilem videntes, graciose annuimus.
2. Cum autem predicti fratres non habeant propriis facultatibus [sic] ex
quibus huiusmodi opus perficere possent, nisi christifidelium elem os i n i s
ac auxilio et iuvamine eisdem subveniatur, eapropter vobis et cuilibet
vestrum in virtute sancte obedientie firmiter predpientes mandamus, qua­
tenus f r a t r e s p r e d i c t o s in v i t a r e l i g i o s a d e v o t a q u e e x i s t e n -
tex, dum ad loca vestra christifidelium e l e m o s i n a s p e t i t u r i declina­
verint, benigne recipere et caritative pertractare curetis, ipsosque coram
plebe ad petendum elemosinas promoveatis, ac exhortamini (’ ) vestros
subditos, ut de bonis a Deo collatis suas pias elemosinas ipsis impar-
tiantur.
3. P ro quibus omnibus et singulis christifidelibus confessis et contritis,
p ii eisdem fratribus ad d o m u m n o v a m construendam manus porrex­
erint adiutrices, aut suarum transmiserint subsidia elemosinarum, de
omnipotentis Dei misericordia et beatorum Petri et Pauli apostolorum eius,
necnon beati WiUibaldi, egregii confessoris et pontificis patroni nostri,
meritis et auctoritate confisi, q u a d r a g i n t a dies i n d u l g e n c i a r u m
de iniunctis eis penitendix misericorditer in Domino relaxamus ; tempus
tamen septuagesime et quadragesime usque ad octavas pasche pro f a ­
brica nostre cathedralis ecclesie Eystetensis reservamus. Presentibus ab
hinc ad annum unum integrum et non amplms duraturis. Datum Eystet
die sexta mensis decembris, anno domini M nC C C C °L X °IIl 0 sub nostri
sigilli vicariatus appensione. [ = 6 dec. 1463].
[In plica exterius postmodum alius scriba, absque dubio, quidam ho­
rum Tertiariorum haec addidit:]
I) . Item in dem iar do diser brieff geben ward, do ward L u p a c h
n n ser s a m n u n g , in B a s i e r b i s t u m , von unsern b r u d e r n be-
s e tz t und eingenomen, in dem iar ais man zalt m°cccc lx iij° ; und zugen
auss die obgemelten sam nung zu besetzen auff den tag des heyligen
sant Jeronimus. D i s e a n c z e y c h u n g ist geschehen dar nach in dem
Ixxxiij iar, do es bey x x iaren was, das die obgem elt samnung ange-
fangen w ard ; do w as b r u d e r I o h a n n e s M a y r, b r i e s t e r , bey xvij
oder x viij iaren do selbst m i n i s t e r gew esen.
II) . Item nnser s a m n u n g zu K e l h e y m , B egenspurger bistums,
ward eingenomen und besetzt auff den tag unser frawen zu dem schnee,
in dem iar ais man zalt m°cccc°lxx[i]jo von Christi gebu rt; auff die zeit
[was] b r u d e r W i l b o l t K e s t l e r , m i n i s t e r derselben sam nung und
dor nach ettw m anig iar.
Postillae in priore parte memoriae proditur ‘ congregationem ’ id
eat domum regularem L u p a c i (*), in A l s a t i a S u p e r i o r e , tunc dioe-
<eseos Basileensis, a Fratribus i l i Ordinis occupatam esse 30 sept, eius­
dem anni 1463, atque an. 1483 inibi m inistrum fuisse iam annos X V II
vel X V III Fr. I o h a n n e m M a y r , presbyterum (3). — Cuius postillae
cbronologicae, a quodam F ratre Provinciae III Ordinis in parte aversa

Ù Sic Orig. («) De qua cf. cap. XVI. O Cf. c. XVI.

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258 DOCUMENTA.

documenti an. 1483 appositae, ut momentum luce iusta compleatur, prius


duo alia documenta inedita eiusdem d io e c e s e o s E y s t e t t e n s i s ,
eiusdemque temporis memoranda veniunt.
In horum priore, infra edendo, praedictus episcopus Iohannes de Eich,
iam 16 oct. 1458, Fr. N ic o la o de B ris a e o (l ), aliisque III R e g u l a e
in e r e m i t o r i o apud capellam S. Nicolai prope P a p p e n h e im (2),
facultatem contulerat, dum extra locum peregrinarentur, apud quem­
libet presbyterum confitendi et communicandi (8).
In altero, cuius summarium hic praebere sufficit, supradicti lo-
hannis, successor Guilelmus de Reichenau (1464-97) (4), in H e r r i e d e n
constitutus, 27 iulii 1470. ad preces Tertiariorum uti iure suppono,
bullam B o n if a tii VIII. datam T e r t i a r i i s A le m a n ia e S u p e r i o ­
r i s circa communionem 11 iulii 1295 (5), transsumpsit, non quidem iuxta
exemplar authenticum, sed iuxta «vidimus», quod vi authentici sibi
delati confecerat Wolfhardus de Roth (1288-1303), episcopus Augusta­
nus, in sua civitate (rt) circa an. 1296.

45. 16 oct. 1458.


Iohannes, Dei gratia episcopus Eysteten., dilectis nobis in Christo
E ico la o de B r i s a e h, aliisque sibi (7) F r a tr ib u s de te r ci a re ­
g u la s a n c ti F r a n c i s c i in h e r e m ito r io apud cappeUam S a n c t i
N ic o la i p r o p e P a p p e n h e im nostre diocesis commorantibus salutem
in Domino. Animarum vestrarum saluti consulere cupientes, ut quia sepe
ex necessariis causis ros extra locum h e r e m ito r ii vestri p e r e g r i ­
n a r i et ad alia loca divertii*) contingit, ne in spiritualibus defectum p a ­
riamini, robis ac cuilibet vestrum tenore presencium indulgemus et licen­
tiam concedimus, quociens opus sit, q u e m c u m q u e ydoneum presbiterum
secidarem vel religiosum in c o n f e s s orem el i g en d i, qui super peccatis
vestris, iniuncta pendentia salutari beneficium absolucionis impendat,
quodque, si zelum devotionis habueritis, possitis in maioribus anni festi­
vitatibus apud quamcumque parochialem ecclesiam ac in monasteriis illis,
in quibus forte pro tunc hospitati estis, a presbiteris secularibus aut re­
gularibus Ewkaristie sacramentum recipere, valeantque hiidem sacerdotes
vel religiosi illud robis et vestrum cuilibet de hac nostra expressa licencia
ministrare, dummodo aliud canonicum impedimentum vobis non obsistat,
super quo conscientias vestrorum confessorum, dictorumque presbiterorum
oneramus, présent ibus nostro impresso secreto signatis, hinc ad annum
duraturis. Datum Eystett in die beati Galli confessoris, anno domini
MCCCCLVI11. [= 16 oct. 1458].
E documentis supra primum vulgatis eruitur Fr. W il l ib a l d u m
K e s t l e r , ministrum provincialem 111 Ordinis Argentinensis Provin­
ciae, an. 1469 et 1472 auctorem fuisse bullarum impetratarum pro loco

(’) Cf. cap. X VI, p. 269. («) Cf. cap. X VI. (3) Orig. m em br. cum
sigillo episcopi: ibidem , III, 5. (*) Orig. mem br. ibidem, V, 1.
P) Cf. AFH X IV, 141. (°) In orig. «an. dom. MCC" nonagesimo*, anno
praeciso omisso. (7) Sic Or. Adde: dilectis. D Item .

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DE III ORD. IN GERMANIA SÜP. 259

K e l h e i m e n s i S. Nicolai suis re stitu e n d o ('). P r o v i n c i a ista an. 1469,


iuxta bullam certo nisam in relatione a F r. W illibaldo directe vel in ­
directe (i. e. m ediante fortassis quodam viro causam ipsius Rom ae con­
tra O bservantes patrocinante) P aulo II oblatam , d u a b u s s o l i s d o m i ­
b u s constabat (2 ). H a s d u a s aestim o fuisse conventum in H e r r i e d e n ,
ante annum 1463 certo exsistentem , cum h u iu s F ra tre s tu n c erem ito-
rium in silva S t e i n b a c h prope R a u c h e n z e l l fundare saltem in ­
tenderent (3), atque L u p a c i , ubi T ertia rii an. 1463 conventum pro se
constructum , item in silva, o ccu paverant* 1). Sed iidem eiusdem P ro ­
vinciae F ra tre s an te an. 1463 e r e m i t o r i u m h ab u e ran t in P a p p e n -
h e im e t ope « Fr, WiUibaldi Kaestell, pro tempore M in istri s. F ra n ­

cisai dictae Provinciae Argentinae > ipsiusque assensu F ra tre s O bser­


vantes I n g o l s t a d i i S o r o r e s I II Ordinis ibidem sibi acciverant « su b
obedientia > V icarii Provinciae Obs., guardiani ac v isitato ris a t q u e
d i c t i F r. W il 1i b a I d i (6 ), die 4 dec. 1467.
Qui sic Sororum Ingolstadiensium regim en cum O bservantibus m utuo
et pacifice p a rtitu s est F r. W illibaldus, eodem ineunte anno, 9 ian. 1467,
S o r o r e s I II O rdinis N u r e m b e r g a e obedientiae suae su b d id erat (7 ).
Fato die E lisabeth K renzin, « M ater » d o m u s I II R egulae fatae urbis
atque decem (8 ) sibi subditae sorores coram notario publico ‘ p o l l i c i t a e
s u n t se sem per esse obedituras F r. W i l l i b a l d o K e s t l e r , m i n i s t r o
suo et F r. I o h a n n i S n e y d e r Q v i s i t a t o r i P r o v i n c i a e A r ­
g e n t i n a e , tunc et postea iu x ta tenorem te rtia e regulae s. Francisci.

46. 9 ian, 1467.


In nomine D om ini, amen. K unt und offenbar sey allerm eniglich...
dax nae Cristi... g e p u r t... 1467... am freytag, das iras und ist der
m u n d e t a g des monds zu latein J a n u a r i u s genant umb vesper-
cztit... czu N ü r m b e r g ... Bamberger bisthums, daselbest in der b eh a u ­
su ng e der geistlichen S w ester der d ry tte n Regel Sand Francisczen,
do sind alsspald vor m ir hernachgeschribenn o f f e n b a r n o t a r j in ge-
yen iru rtikeit der h i e u n t t e n g e s c h r i b e n gela ubu rttigen n, m it v nd
bryeinander geicesen die hernachgeschribcn g e i s t l ic h e n S ic e s t e r der
vorgemelten d r y t t e n r e g e l s . F r a n c is ce n, m i t n a m en Elizabeth t
Krenczin, an der zeit ein m u t e r der... Sicester der... drytten regel
u. Franciscen, item s i c e s t e r K ungund K aczoltin, und auch m it nam en
Elizabeth G oergin, E lena K refftin, item K a th re y Oelsspechyn, M argreth

(b Cf. p. 253ss. (*) P. 253, 254. ( 8) P. 256 s. (*) P. 257 et c. XVI,


P- 271s. (*) P. 258. (rt) Editur hoc doc.: AFH XIV. 197.
(b Instrumenti publici orig. membr. in RAM, Franzisk. IV, 12.
C) Soror decima in lecto aegrota decumbens, ex officio interrogata expres­
sum suum dedit consensum.
•°) Cuius ordinis fuerit, clare non edicitur. Conventus Norimbergensis ad
Observ. transierat an. 1446 (cf. A F II, 316s.). Cum nomen huius Fratris e
^tcrologio Provinciae Observ. Argentinae 1426-14al, ed. Patr. Scblager, ap.
AF VI, 259-306, non tamen completo, exsulet et ipse post Ministrum nomi­
netur, magis opiner eum III Ord. fuisse. De Visitatoribus ex Observantibus
c f- infra, cap. XVII.

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260 DOCUMENTA.

K ynyn, item M argreth M almesspeckyn, K u engund M ayrin, E liz a b e th


W eyssin, item Elizabeth M aysterin.
Also haben die yczgemelten geistlichen Sw ester... m it j r aller ver-
w illigung u n d m it guter vorbetrachtung g e r e d t u n d r e r s p r o c h e n
allczeit w illig und gehorsam zu sein dem M i n i s t e r m it namen B r a ­
der W i l l i b a l d o K ester (0, E ysteter bistum s u n d auch nemlich jr e m
V i s i t a t o r i , b r u d e r H a n n s e n S n e y d e r der P rovinzen S tra s s b u rg
u n d jr e n nachkomen, nach clericher aussw eisung u n d inhalt der d r y t t e n
r e g e l s. Franciscen. — Item und zu derselben zeitt, do iat alssdann d ie
geistlich sweater U rsula Mendliù nicht gegenwurtig sunder in k ra n e k h e y t
gelegen u nd auch genczlich jr e n wiUen u n d g u n st darczu geben in aller
fo rm und mass als die obgenanten j r Sweater. — Und so nu d ie
benanten geistlich Swester also m it guter veru'illigung aemetlich j r e n
obgenanter M inistro und V isitatori got zu lob u n d zu eren u n d also
willig g e h o r s a m zu sein vor m ir hernachgeschriben offenbar N o t a r j
u n d den... zewgen, also geret u n d versprochen haben getrewlich zu
halte n ...
(Cuius facti confici p etieru n t:) o f f e n u r k u n d u n d in s tr u m e n t...
Geschehen sind dise d in g ... (loco, die etc. quibus su p ra coram r o g a tis
testibus. M H ansen P ernhart u n d H ansen Sam enham er, bayd burger zu
N urm b erg ... — Und ich F ridericus Kolb de Perching, clericus coniugatua
Eysteter B istum s, von keiserlicher geirait ein offenbar N o ta r i^ } (p ra e ­
dictis interfui, ea scripsi et authenticavi). [ = 9 ian. 1467],

X V . — Provincia III Ordinis se Observantibus subicit, qui Poenitentibus


plures gratias spirituales obtinent, 1480-89.

F r. M inister W i l l . K e s t l e r , v ir in d u striu s et stren u u s, qui sic


Provinciae, suae inquam , fines ex ten d it ad I I I R egulae F ra tre s S o ro ­
resque, an. 1467 saltem q u a t u o r domos F r a t r u m atque d u a s S o ­
r o r u m , iu x ta docum enta su p ra prim um edita, sibi ag g reg av erat. Idem
M inister an. 1472 q u i n t a m domum scilicet K e l h e i m e n s e m , cum
F ra trib u s suis occupare potuit. H is visis, inferendum est bullam P a u li II
24 oct. 1469 d u a s s o l a s d o m u s F r a t r u m m em orantem , in n ix am
utique in relatione a F r. W illibaldo Rom ae p orrecta vel eo m issa, potius
d u o s c o n v e n t u s I I I Regulae, r e g u l a r e s e t form atos respexisse,
in quibus T ertia rii F ra tru m M inorum in sta r divinum persolvebant of­
ficium atque inter eos sacerdotes plebibus in sp iritu alib u s in serv ieb an t
Contentione illa cum O bservantibus p atrii soli non obstante, rela­
tiones hos in te r et T ertiario ru m P rovinciam pacatae, ne dicam am icae
fuisse videntur, vel tales mox effectae sunt, cum an. 1480 O bservantes
in capitulo suo apud S. U dalricum coacto (4) in sta re n t circa e x s e c u ­
t i o n e m b u l l a e S i x t i IV R om ani P ontificis providentia, iam die 15
dec. 1471 editae. Bulla ista directa ad universos F ra tre s O. Min., bullam
Innocenti IV : Vota devotorum (*) diei 13 iulii 1247, omnes Poenitentes

(*) Sic Orig. (2) S ignetum notarii, circulus scii, q uinque lobis
expletus, ornam entis circum ductum est. (8) Cf. d icta bullae, p. 254.
(4; A F II, 170. (5) BF II, 464; G ubernatis, II, 888s.

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DE III ORD. IN GERMANIA SÜP. 261

Italiae et Siciliae v isitationi et correctioni O. F. M. subicientem , ad


omnia reg n a extendit, e t iu x ta ipsius m entem , omnes I II O rdinis p ro ­
fessores omnino F ra trib u s 0 . M. : « p ro u t eis placuerit » sive Conven-
tu alib u s sive O bservantibus denuo subdidit (’). U t ergo in ter illos atque
hos T e rtia rii deligerent, capitulum adm onuerat. Is ti vero, deliberatione
praehabita, m a lu eru n t O bservantibus subdi. Tunc F r. I o h a n n e s A lt-
p a r t , V icarius provincialis electus in sequenti capitulo H eidelbergensi
an. 1481, in quo plu ra circa T ertiarios s ta tu ta la ta fu eru n t (*), propter
rationes ex his dictis apparentes, 10 iulii 1482, electione hac p riu s dis­
cussa, certas domos F ra tru m I II Ordinis « eisque adherentes... in meam
(ait) gubernationem, visitationem, reform ationem atque directionem » su s­
cepit. S e x d o m o s I I I O rdinis F ra tru m expresse F r. Iohannes Alt-
part significat se O bservantibus subdidisse, sitas in K e l h e i m , L u p -
p a c h , H e il ig e n b e r g , W o n h e im , W a s s e r f a l l, F r i c k e n h a u s e n .
Prim um locum atque secundum lectores iam n o v eru n t (3 ), sciuntque eas
P r o v i n c i a e III Ordinis fuisse. Quod etiam circa duas sequentes in
W u n h e im et W a s s e r f a l l sa t clare induci p o te rit( 4), item que, circa
duas reliquas. Idem quoque e connexu in quo su p ra recen sentu r, induci
posse a rb itra m u r. Ex eo quod F r. Iohannes A ltp a rt ad d it: «ac eis ad­
haerentes» in n u it se alias quoque domos, speciem c u i u s d a m c o n ­
g r e g a t i o n i s cum praedictis efform antes, in suam gubernationem hoc
documento assum psisse. A lias ig itu r insuper domos P r o v i n c i a I I I O r­
dinis, quam F r. Iohannes A ltp a rt ne verbo quidem m em orat, sed nec
decreto suo, iu x ta Sixti IV bullae sensum abolere poterat, tunc com ­
plectebatur. Q uaenam eae fuerin t, fortassis alia docum enta nobis in ­
comperta aliquando praecise rev e lab u n t; intérim , quoad fieri poterit,
rem investigabim us (r ).

47. 10 iulii 1482.


1. In (*) nomine Domini. Arnen. Cum sanctissim us in Christo pater
et dominus dom inus S i x t u s divina providentia p a p a I V , prout in
sue sanctitatis litteris, quarum p rincipiu m est: Rom ani pontificis provi­
dentia circum specta etc. continetur, f r a t r e s et s o r o r e s T e r t i i o r ­
d in is per universum orbem terrarum constitutos quo ad r e g u l a r i s
vite i n s t i t u t i o n e m , r e f o r m a t i o n e m e t d i r e c t i o n e m d u m ta xa t
generali et p r o v i n c i a l i b u s M i n i s t r i s ac etiam V i c a r i o g e n e r a l i
ac p r o v i n c i a l i b u s V i c a r i i s d e O b s e r v a n t i a o r d i n i s f r a t r u m
M in o r u m prorsus s u b m i s e r i t , et in sue voluntatis arbitrio mere posue­
rit. quatenus v e l de patribus C o n v e n t u a l i b u s v e l de O b s e r v a n t i a
*ibi v i s i t a t o r e m ac c o n f e s s o r e m vel etiam c a p u t eligere^) et

(l ) W adding, X III, 567-9; G ubernatis, II, 893-4; ibi plura de vicissitu­


dine huius subiectionis, 889-916. Ipse Sixtus IV: Pridem per aba», 21 april.
1476, bullam praefatam denuo inculcaverat.
(*) Cf. in fra, c. X V II. (3) Cf. 259. (4) Cf. infra, c. X V I. (*) Cf. 269ss.
(6) Orig. m em br. in RAM 1. c. VI, 2. A dpendet sigillum Vicarii prov.
bene conservatum . (7) Hoc ultim um in bulla S ixti revera non exprim itur,
neque infra in hoc nostro docum ento rep etitu r.

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262 DOCUMENTA.

assumere debeant, f r a t r e s q u e d o m o r u m in K e l h e i m , i n L u p a c h ,
H e y l g e n b e r g , W o n h e y m , W a s s e r f a l l , et F r i c k e n h u s e n ac
e i s a d h e r e n t e s infra p r o v i n c i a m A r g e n t i n e n s e m consisten­
tium me f r a t r e m I oh a n n e m A l p h a r t , commissarium fratrum or­
dinis prefa ti de Observantia per provintiam Argentinensem, cum v i c a ­
r i u s provincialis dicte provintie in humanis non esset (*), necnon et quem­
libet alium pro tempore eiusdem provintie vicarium de Observantia aut
suum commissarium, in c a p i t u l o H e y d e lb e r g e pro anno domini
M°cccc nlx x x i° celebrato, ad requisitionem occasione dictarum litterarum
eis in capitulo nostro provintiali apud s a n c t u m V d a l r i c u m e x t r a
v i ll a m B a r pro anno domini M°cccc olx x x ° inibi celebrato factam :
q u i b u s v i d e l i c e t p r é l a t is, a n fratrum C o n v e n t u a l i um imme­
diatis prelatis, a n fratrum d e O b s e r v a n t i a iuxta tenorem litterarum
dicti domini S i x t i , litteras domini I n n o c e n t a sui predecessons e x ­
tendentis ubi de s u p e r i o r i t a t e fratrum ordinis minorum preme-
moratorum in prememorati d i c t i T e r t i i o r d in is p e r s o n a s agitur,
s u b e s se m a lle n t , matura deliberatione premissa, sponte Conventualibus
pretermissis, d e l e g i s s e n t :
2. H inc est quod eg o f r a t e r I o h a n n e s A l p h a r t prememora­
tus, in iam recitato capitulo Heydelbergensi tunc c o m m i s s a r i u s , n u nc
vero v i c a r i u s electus et apostolica auctoritate exinde confirmatus, con­
silio post aliquot menses super huiusmodi electione prehabito, ordinationi
et intentioni antedicti s a n c t .m i d o m i n i nostri pape satisfacere vo­
lens, dictas domos ac fratres nunc et pro tempore illas inhabitantes,
présentes et futuros ac eis adherentes in meam ac successorum meorum
Vicariorum de observantia predicte provintie A rgentinensis gubernatio­
nem, visitationem , reformationem atque directionem (3 ) suscipio et suscep­
tas esse et fore per présentes denuntio, intendens bona fide sine vara ()
hiis morem gerere, que vel in sepedicti domini nostri pape S i x t i ac
etiam pre fatomi m f r a t r u m l i t t e r i s super sua electione michi porrec­
tis (') limpide et clare continentur, visitatores et confessores humano iu-
ditio ydoneos eisdem deputando ac oportunis consiliis eosdem fulciendo.
3. Interea mandans iniungo universis v i s i t a t o r i b u s présent ibus
et futuris, quatenus, Deum pre oculis habendo, o f f i t i u m v i s i t a t i o n i s
sibi commissum aut commitendum apud dictarum domorum personas et
ipsis adherentes iuxta sepe dictarum apostolicarum litterarum menbm,
sic diligenter, sic f i d e l i t e r e x e r c e a n t , ut de quibusvis aliis obser­
vantiis, per quas prefati (°) persone tertii ordinis merito pregravari pos­
sent, abstineant, n e c s c i e n t e r a l i q u a m s e u a l i q u a s p e r s o n a s
a d d e s e r t i o n e m s u i s t a t u s i n d u c a n t, sed ut in eodem persere­
rent modis et form is oportunis easdem invitent, r e g u la m et m odum
s u u m v i v e n d i, multa cum modestia v i s i t a t i o n i s te m p o r e etiam
e x p o n e n d o . In cuius receptionis testimonium présentes litteras fieri ac
sigillo, quo utor, communiri feci ac manu propria consignavi. — Datum
Basilee, X die mensis iulij, anno domini M C C C C L X X X II 0. [10 iul. 1482].

(*) Iohannes de Lare, V icarius prov. o b ierat 26 m aii 1481; A F II, 478;
VI. 267, 289. (*) Scii, ad omnes regiones. (8) Cf. infra, cap. XVII.
(4) E theutonico vâre, gecâr, i. e. fraus. Lexer, Mitteld. M^ôrt. s. v. (deest
ap. Ducange). (b) Quae litte ra e p erierunt, vel saltem nos laten t.
(6) Orig. prelato.

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DE III ORD. IN GERMANIA SUP. 263

D um ista an. 1480-82 ag eb an tu r, n o v a b u l l a generalis S i x t i IV


em anavit: A d C hristi vicarii praesidentis in specula, 1 dec. 1480, sum m i
pro T e rtia riis re g u la rite r conviventibus m om enti (*). C ontra dubia a
quibusdam m ota S ixtus in ea definivit tria vota, quae « quidam Fratres
d Sorores I I I O rdinis b. Francisci, ex ’ speciali concessione nostra vel
praedecessorum nostrorum coUegialiter viventes, post annum probationis
in m anibus su i M in istri seu M inistre... vovent », habere « vim et valitu-
dinem voti solem nis». E xeunte anno 1481 e t 1482 ineunte F r. E m e r i -
cu s K e r n e l , O. M. O bs.(*), pridem com m issarius generalis in Rom ana
curia (1473-81), tuncque N un tiu s apostolicus pro cruciata H y d ru n tin en si
contra T u reas (seu ad indulgentias R hodianas) in Provinciam A rgenti-
nensem v en it (3), bellum sacrum praedicaturus. Sed etiam applicationem
bullae praefatae e t T ertiarios trac tab a t. P lurim ae dom us I II Ordinis in
hac P rovincia o rtae fu eran t absque Sum m orum Pontificum licentia,
quam bulla m em orata innuendo praesupposuit. F r. E m ericus ig itu r
15 februarii 1482 H eidelbergae ad F ra tre s e t Sorores I I I Ordinis Ar-
gentinae P rovinciae paten tes evulgavit litteras, sanatum declarantes de­
fectum praedictum quoad om nes illas domos, quae in térim Vicario pro-
vinc'ali Obs. concreditae fuissent, a u t suae curae im posterum accrescerent,
addita facu ltate ulteriore novas etiam domos assum endi e t ad tria vota
recipiendi (4 ).
Dubiis autem e t perplexitatibus e clausula illa bullae sem el exortis,
fieri non potuit, quin plurim ae III Ordinis dom us eis afficerentur et
conturbarentur, atque u t conscientias suas serenarent, se O bservantium
regimini su bm itteren t. H inc reapse factum est, attam en m inim e ob r a ­
tionem praedictam solam, u t proxim o decennio plurim ae I I I R egulae
domus ad O bservantes tran sire n t. F r. E m ericus Kemel ipse aliquot do­
mos in grem ium O bservantiae vi fatae au c to rita tis apostolicae trad u x it,
v. gr. an. 1481 Sorores H a g e n o v i a e e t an. 1482 U n 1i n g a e (6 ).
Postea 5 ian. 1485, denuo rem istaln quaestionesque cum ipsa e
iure cohaerentes epistola sua encyclica (6 ) o rdinavit e t definivit. Quam

(6 Ed. ap. Wadding, 1480, n. 40 (XIV, 256-7); Gubernatis, II, 836; Spe­
culum Min. 1509, tr. II, f. 39 v. ; Firmament, trium, Ord. Parisiis 1512, p. n, tr. I,
f. "s. : Firm. Venetiis 1513, p. n, tr. II, f. 99r-v. — In RAM 1. c. VI, 1, re-
peritur copia simplex coaeva in papyro, a) versionis gerinanicae huius bullae,
b) textus latini. In utroque exemplari bulla data fuit 8 ’ kal. dec. [= 24 nov.]
1480. Sic quoque infra, 264, nota 10.
(*) Cf. de eo AF II, 440, 457, 463, 480ss. Jos. S c h le c h t, Andréas Zamometic
und der Basier Konzilsversuch vom Jahre 1482, Paderborn 1903, 83, 87, 107s. etc.
(Alia de eo documenta alias edemus). (3) AF II, 481, Schlecht, 83ss.
(•) Annales Provinciae Argentinensis O. M. Obs., MS. incerti Patris eiusdem
Provinciae plura documenta modo deperdita ad manus habentis, collectum
circa an. 1640; in Archivo Prov. Belgicae O. F. M., Bruxellis, 1 vol. in-8°,
183 pag. Quod novimus ob comitatem maximam archivistae: R. P. H iero ­
nymi G oyens, O. F. M. — Citatur: Annales, p. 84.
(5) Annales, 46, 69. De eis postea plura dicemus.
(•) Epistola exemplata est in cod. Vindobonensi Palat. 9350, f. 89r-41r.

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264 DOCUMENTA.

epistolam d estin av it « om nibus patribus, matribus, m inistris, fra trib u s


atque sororibus I I I Ordinis Deo strenue in Prov. A rgentinensi viventi­
bus »(*) in eiusque initium , facultatis suae probandae causa, vernacule
versam tran ssu m p sit bullam sibi (F r. Emerico) directam a Sixte IV : Cum
iam pridem , 25 iulii 1480, vi cuius com m issarius apostolicus cru cis co n tra
T ureas praedicandae in stitu tu s fu erat (a). P o rro (ait) cum ‘ multae d o m u s'
I II O rdinis hanc com m issionem audissent, per dom. H i l d e b r a n d u m
B r a n d e n b u g s s , capellanum oppidi Biberacensis, et F r. I o h a n n e m
A l t p a r t , com m issarium V icarii provincialis A rgentinensis (s ). h um iliter
a me rogaverunt, u t * omnes (4 ) Sorores I I I Ordinem sim pliciter et libere
sive cum tribus votis professae, iu x ta bullam P auli I I (6 ) vel S i x t i IV ,
vel sine votis, vel aliter, ut ipsae fassae su n t ’, in te r quas etiam domus
in T h a l b a c h prope B rigantiam (,J), absolverem ab om nibus poenis ex­
com m unicationis, quam fo rtassis in c u rrisse n t vi b ullarum Io h an n is X X II
et Nicolai V (7) vetan tiu m quoslibet 4 congregationem * efform are (8 ) sine
apostolicae sedis licentia. Unde, inquit, cum se o b tu lerin t satisfactionem
quam dam p ra e sta tu ra s esse (9 ), per m em oratum dom. H ildebrandum eas
omnes, e t dictam dom um in specie iam absolvi, eisque au c to rita te apo-
stolica concessi in suo sta tu legitim e perm anere, vi bullae S ixti IV : Ad
Christi vicarii ( I0 ), datae 24 nov. 1480. In su p er (ait) om nibus facultatem
facio confessorem sibi eligendi, qui omnes a peccatis et crim inibus qui­
buscum que absolvat, exceptis solis illis quae a iu re sedi apostolicae
rese rv a n tu r, et ipsis sem el in v ita et in articu lo m ortis plenariam in­
dulgentiam trib u a t, nonobstante bulla Sixti IV d ata pridie nonas [ = 4]
decem bris 1480 (n ). Cum intérim S ixtus IV obierit [12 aug. 1484], ne de

(*) Incip. Allen vaettem und muettem, dienern, bruedern und schwestem... des
dritten ordes genant von der buos8,'die Gott ritterlich lebend in Straussburger
provintz. (2) Edita ap. AF II, 484s. (3) Qui an. 1484-87 erat Ioh. de
Lindenfels, cuius ergo quoad III Ordinem commissarius remansit Ioh. Altpart,
qui Vic. prov. 1481-4 fuerat; AF II, 480, 491, 503.
(4; Das ich dl echirestren und in sunder jetliche die dritten orden schlechdich,
ledenklich oder mit den drg gelipten wurdeklichen gefestet nach faut ainer bull...,
oder on sunder festung, aId anders, wie sie verjehen,
C) Non citantur expresse. Videtur alludere ad Pauli II: Romani pontificii,
25 dec. 1470, qua universim Tertiarii Observantibus subduntur; cf. Wadding,
an. 1471, n. 44. De Sixti IV bulla cf. infra, nota 10.
(6) I. e. Bregenz, quae domus semper Conventualibus paruit.
(7) Bullae non citantur: alludit ad Iohannis XXII: Sancta Romana, 30 dec.
1317; cf. BF V, 131-5. Eam ad Tertiarios non esse referendam denuo (cf. AFH
XIV, 178) decrevit tandem Innocentius VIII: Dudum per, 22 ian. 1487; Wad­
ding, XIV, 440-1, 457. Cf. p. 265, n. 13. (*) Das niemant... mige sich in eis
samlung verainenklichen oder versamenklichen zuo lebend.
C) Och... furhaltend sie und erbiettend sich... ain zimlichen abtrag und iber-
kumung zethnond, irie wol ich gar ain groessem erkannte; scii, certam summam
pro negotio cruciatae.
(,n) Zuv fursichtiger umbsehung des verteessers Christi^ der da vorsitzen ist in
der wart der baepstlirhe wirdigkeit, datae 8 kal. decemb. 1480; cuius totum te­
norem theutonice versum inserit. Cf. p. 263, n. 1.
(n j Bulla haec cruciatam concernens expresse non citatur.

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DE III ORD. IN GERMANIA SUP. 265

fa c u lta tib u s meis dubium o rire tu r, Innocentius V III easdem renovavit


brevi su o , dato Rom ae 17 sept. 1484 ( x). In quorum om nium fidem has
litte ra s confeci U lm ae in conventu 0 . Min., die 8 ianuarii 1485.
P lu r e s aliae g r a t i a e s p i r i t u a l e s pro T ertiariis F ra trib u s O. M.
et p ra e se rtim Obs. subditis a Rom ana curia circa illud tem pus em ana­
ru n t: a n . 1475 g ra tia e anni iubilaei (2) eis im pertitae su n t; indulgentiae
p le n ariae an. 1477 a praedicto F r. Em erico im petratae (*), eaedem que
ren o v a tae an. 1481 (4 ); an. 1476 A lexander, episcopus Foroliviensis, L e­
g atu s in G erm ania, easdem om nibus F ra trib u s et Sororibus triu m O r­
dinum sub V icario provinciali A r g e n t i n a e co n stitu tis concesserat (5).
Breve Innocentii V III, 18 ian. 1487, directum eidem ac sub eiusdem
cu ra d eg en tib u s abbatissis Ord. S. Clarae « necnon m atribus et m agistris
ac sororibus dom orum I I I O rdinis », aliqua festa eis celebrare perm isit
et circ a ieiunia et v estim enta Sorores dispensandi facultatem dedit
A bbatissis atque M atribus (6).
T alium g ra tia ru m Rom ae im petratarum , u t F r. E m ericus Kemel,
ita e t F r. l o h a n n e s A l t p a r t , V icarius prov., zelator I II O rdinis re ­
g u laris propagandi, subditis suis vernaculo serm one n u n tiu m et c o m ­
m u n i c a t i o n e m m ittebat. Ulma, 18 iulii 1489, suos suasque I, II ac
m Ordinis asseclas epistola encyclica (7) certiores red d it: P i u m II
ecclesiis F ra t. Min. O bservantium « hic citra m ontes > an. 1462 appli­
cuisse in d ulgentias R om anarum basilicarum (*), has an. 1463 ad eccle­
sias C larissarum extendisse (p) atque S i x t u m IV easdem ad F ra tre s
et Sorores 111 O r d i n i s dilatasse t 10)- P orro S i x t u m IV «an n o X I I I ’,
indulgentias plenarias, praem issa confessione et latissim a absolutione,
eisdem elargitum e s se ( n ), atque I n n o c e n t i u m V III eiusm odi indulgen­
tias concessisse anno suo I, in v ita semel et in m orte, anno I II in solo
mortis articulo, atque brevi suo D udum ( 13) perm isisse S o r o r i b u s
« ut velum nigrum assumere et sub perpetua clausura manere libere
et licite valeant, quotiens eis placuerit et... superioribus videbitur earum
statui expedire ». D enique addit I n n o c e n t i u m V III pluries om nia p ri­
vilegia triu m O rdinum confirm asse Ç15). •
(Continuabitur). P. MICHAEL B IH L , 0 . F. M.

6) Huius brevis sola principium et finale inseruntur. Illud sonat: Dass


nicht die sachen die saetiger gedaechtnust baubst Sixtus der fiert dier im duetschen
lande ze follbringen etc.
(0 AF II, 458. • (s ) Ib. 463s. C) Ib. 478. (3) Ib. 461.
(6) Ib. 499s. (7) Orig. membr. sigillo pendente in RAM VII, 1.
Ô Edita AF II, 393. (9) Cf. ib. 406.
(l0) Imprécise dicit: ungeverlich in dem V III jar. Cf. AF II, 464.
(n ) AF II, 474, sed an. 1480; cf. et 4SI; Firmd II, I, 7 s.; Fimi. Il, I, 8.
(n ) AF II, 503; Firm., cit. 9.
(,:x) Die 22 ian. 1487: Firm . 1 1. c. 39; Firm . 2 99. Cf. 264, nota 7.
(u ) Das sy mogen mitt einem swarczen tcerl geirerlt werden und in gelubtmss
des eteigen seIdosses mogen leben und enpfangen uerden. Supra textum ex ipsa
bulla protuli. (’5) Sic etiam AF II, 503.
Archivum Franciscanum Historicum. — A N . XVII. 18

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COD ICOGRAPH IA

iEi URON fimiE oimnE


(Saec. XVI et XV II)

(Continuatio) (*).

Registrum X (' ).
Index omnium rerum quae in X Reg. principali nostrae Romanae Curia?
pro Ultramontana Familia continentur ab anno 1682 usque 1688.
1. T abula et C onstitutiones Capituli Glis Toleti (1682). - f. 1.
G ub. IV 253; Chron. III (i) 215.
2 . Lis que contigit in P rovincia G ran aten si dum esset capitulariter
congregata ad celebrandum P rovinciale Capitulum . R elationes iuratae
V isitatorum Provinciae. E pistola fr. Benedicti L inarez ad Reverendis­
sim um. Libellus supplex A. R. P a tris Com m issarii Glis Curiae ad Ordinis
P rotectorem circa idem. Q uaestio percelebris eiusdem Commissarii Glis
Curiae, et alia instrum enta. - f. 14.
3 . Breve m otu proprio S.mi Innocentii X, in quo electiones omnes in
Capitulo G ranatensi an n u llat et alias de novo in stitu ta s declarat. - f. 23.
4 . M emoriale a R.mo P. fr. P. M arino Sorm ano de Mediolano. Min.
Gli Ordinis, p raesentatum Duci Medinacoeli, prim o M inistro regis Ca-
roli II, et aliis m agnatibus H ispaniae, in quo patefacit usus Graecorum
et aliquas propositiones eorum refert contra Pontificem et filios Sanctae
Rom anae Ecclesiae. - f. 27.
5. S tatus Custodiae lerosolym itanae tem pore quo Rm us. P. fr. Petrus
M arinus Sorm anus a Mediolano erat. - f. 30.
Cf. Golubovich, Serie rhronologira dei R .m i Superiori d i Terra Santa,
Jérusalem 1898, p. 83. Circli i-M encherini, A nnali d i Terra Santa,
Ad Claras Aquas, 1918, p. 131 ss. Giardino Serafico, II , Venetiis
1710, p. 219ss.

(*) Cf. AFH X I, 491-536; X II, 264-288: X III, 215-237; X IV , 408-513: XVI.
200-218.
(’) Quia hoc R egistrum in Archivo Fam iliae U ltram ontanae desideratur,
ipsius index m utilus ex libro 35 Indicum erui deb u it, sicuti Reg. V III <cf. AFH
X IV, 498 n. 1).

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INDEX REGESTORUM FAMILIAE ULTRAMONTANAE, X. 267

6. Breve Smi. Inoe. XI in favorem P. fr. Placidi a S Antonio, Patris


Provinciae S. Antonii Brasiliensis, circa honores debitos secundum sta­
tuta, eo quod tanquam legitimus vocalis in Capitulo Gli suffragatus
fuerat. - f. 39.
De hoc viro cf. BD II 559.
7. /5/7, 25 iul. — Bulla Leonis X.mi Regulam Annuntiatarum con­
firmans. - f. ’40.
W XVI 60; Gub. II 708.
8. Transumptum ex libro quodam pergameneo Bullarum Pontificum
spectante ad monasterium Annuntiatarum, in quo Leo X.mus eis con­
cedit indulgentiam plenariam a Dominica Passionis usque ad Dominicam
Palmarum. - f. 47.
9. 1515, 19 iun. — Indulgentia Triadis et aliae indulgentiae pro
monialibus Annuntiatis et fidelibus. - f. 48.
W XVI 673-6; Gub. II 715.
10. 1606, 20 ùd. — Bulla Pauli V, in qua post revocationem uni­
versalem Indulgentiarum confirmavit omnes gratias et indulta spiri­
tualia monialibus Annuntiatis concessa per Alexandrum VI, Iulium II
et Leonem X, in quibus clausulis comprehenditur indulgentia supra
posita, quae lucrari potest a Fratribus nostri Ordinis propter commu­
nicationem privilegiorum. - f. 49.
Gub. II 719; W XXIV 486.
11. (Libellus Ci)vitatis Ulerdensis seu Lerida Smo Innocentio XI
(praesentatus per) moniales S. Clarae, ut a regimine Ordinis extrahan­
tur. - f. 50.
12. (Litterae R. A. P. Com)missarii Glis Curiae ad Emmum Pro­
tectorem nostrum, (cui remi)ssus fuit libellus. - f. 50.
13. 1678. — (Officium) in festo SS. Martyrum Gorcomiensium. - f. 50.
Cf. Ad. SS. iul. II 752.
14. (Memoriale) R. A. P. fr. Angeli de Zevallos, Commissarii Glis
Curiae, circa fr. Paulum ab Incarnatione, laicum Prov. S. Petri de Al-
cantara in regno Neapolitano. - f. 51.
15. Officium S. Ludovici Episcopi et Confessoris quod recitatur in
dioecesi (Tolosana...) a clero saeculari; et S. R. Congregationis decre­
tum. - f. 51.
Cf. Ad. SS. aug. III 8<M.
16. Decretum S. R. Congregationis, quo confirmatur sententia epi­
scopi Oxomensis circa cultum immemorabilem B. Petri Regalati. - f. 53.
17. 1683, 12 iun. — Epistola Rmi P. Ministri Glis Petri Marini,
qua confirmat Illustrissimum Dominum Principem Sabelicum in Patro­
num nostrae Religionis. - f. 55. *
Gub. IV 289.

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268 CODICOGRAPHIA F R A N C ISC A N A .

18. Votum RR. A. PP. Procuratoris Glis Ordinis et Commissarii


Glis Curiae una cum decreto Rmi P. Ministri Glis circa praecedentiam
P. Dufii et admissionem in Discretorio Collegii S. Isidori. - f. 57.
Circa P. Duffium cf. Chron. III (i) 119; A FH X II 574.
19. Decreta Congregationis Glis de anno 1673 et Capituli Glis de
anno 1682 circa promotionem ad gradus scholasticos. - f. 58.
Cf. Chron. II I (i) 158, 226; Gub. IV 208, 265.
20. Appellatio a praefatis Decretis per Ministrum Maioris Aqui­
taniae. - f. 58.
21. Annotationes super Decretis nuper editis a Definitoribus Ge­
neralibus Ordinis Fratrum Minorum de Observantia, quibus sancitur
ut omnes alumni Cismontanae Familiae possint promoveri ad gradus
scholasticos in omnibus Universitatibus praedictae familiae. - f. 59.
Cf. Gub. IV 265; A FH X V I 200 n. 5.
22. [/445]. — Libellus supplex oblatus Concilio Constantiensi pro
renuntiatione Fratrum de Familia ad Doctoratum facta. - f. 60.
Cf. Speculum Minorum seu Firmamentum trium Ordinum, Venetiis 1513.
II I 156. Cf. Marc. Ulyssiponen., Cronache O. F. M., III, 1. I cap. 30.
V enetiis 1612, f. 20. Marczio, A pologia per VOrdine de'Frati Minori,
II, Lucae 1750, p. 68; cf. A FH IX , 8ss.
23. Memoriale ad Ordinis nostri Protectorem circa idem. - f. 60.
24. 16S3. — Decretum S. Congregationis Episcoporum et Regula­
rium confirmatum per Breve Smi Innocentii XI, in quo ultimate discussa
fuit lis et controversia de alternativa in Provinciis Peruanis per decem
novem annos agitata et in eadem Congregatione semel atque iterum visa
et acerrime discussa, de qua mentio relinquitur et invenitur in tomo
9 Regesti huius Curiae. - f. 61.
BR X IX 505: Chron. II I (i) 281; cf. AIA X V I, 218 n. 146, 147, 151.
25. Breve Smi Innocentii XI, quo postquam in Capitulo Gli Toleti
annullatum fuit Capitulum Provinciale Prov. Insulae de los Azores in
Portugallia, aliae de novo a Reverendissimo factae electiones confir­
mantur. - f. 62.
26. Breve Smi Innocentii XI, quo conventus S. Clarae civitatis
Cartaginensis in India Occidentali restitui nostrae Religioni iubetur sub
poenis et censuris episcopo dictae civitatis et quibusvis aliis impo­
sitis. - f. 63.
27. Decretum S. Congregationis Episcoporum et Regularium contra
parrochos et clerum saecularem atque constitutiones quascumque syno­
dales, quo discernitur ut bulla B. Pii V Et si Mendicantium observetur
circa funeralia cadaverum quae sepeliuntur in ecclesiis Mendicantium.
- f. 64.
Cf. BR VII 578.

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IN D E X REGESTORUM FAMILIAE ULTRAMONTANAE, X. 269

2 8 . Memoriale et decretum eiusdem Congregationis circa idem in­


tentum.
2 9 . Memoriale cum decreto S. Congregationis Concilii pro Sacra­
mentis ad(ministrandis per) Regulares Provinciae Immaculatae Con­
ceptionis in Hispania (pro com)mensalibus intra septa monasterii de­
gentibus.
3 0 . 1683, 6 feb. — Breve Smi Innocentii XI contra ArchiepiscOpum
Mechlinensem in Belgio Regularibus Ordines) Sacros denegantem, quin
ei obedientiam promitterent et quin hoc ipsi Regulares ordinandi salu­
tando m onstrarent in litteris patenti(bus ad) ordinandos directis. Et
itidem in causa erat ut Regulares ad conc(iones) et confessiones exci­
piendum a praedicto Archiepiscopo facultates non valerent in p(osterum
obtinere ?...).
C hron. I I I (i) 219.
31. Epistola Smo D. N. Innocentio XI scripta a monialibus mona­
sterii S. Clarae de Cuellar Prov. Conceptionis, in quà petunt eximi a
iurisdictione et gubernio Ordinis et ab Episcopo Segoviensi, dioece-
sano, gubernari.
32. Consensus A. R. P. Commissarii Glis Curiae et Decretum S. Con­
gregationis Episcoporum et Regularium, per quod praefatae moniales
a iurisdictione religionis eximuntur et Episcopo subiectantur. - f. 66.
3 3 . 1675, 15 iul. — Breve Alex. VII, quo Custodia S. Antonii Bra-
siliae erecta fuit in Provinciam. - f. 67.
B R X V I I I 584; BD 490; Chron. III (i) 163. Cf. A F H X V I, 202, n. 22.
3 4 . 76'<S3, 6 feb. — Breve Innocentii XI in favorem Belgii contra
Archiepiscopum Mechlinensem circa obedientiam eidem non praestandam
in promotione ad Ordines, in benedictione abbatum et licentiis praedi­
candi et confessiones audiendi et circa expositionem Smae Euchari­
stiae. - f. 68.
Chron. I I I (i) 219.
35. Monitorium seu Litterae Apostolicae pro Fratribus Minoribus
Provinciae Conceptionis in Hispania circa observantiam Decretorum
S. Congregationis et Bullarum Apostolicarum parochis exhibendam su­
per funeralibus et Sacramentis administrandis famulis moribundis. - f. 69.
36. Obsessio civitatis Viennae in Germania per Tureas exeeuta die
14 iulii anno 1683. Epistolae ad Rmum P. Ministrum Glem de occi­
sione aliquorum Fratrum per Tureas missae, et victoria a Christianis
impetrata. - f. 70.
Incipit R. P. fr. Sebastianus de Arroyo, P. Prov. Castéllae,
exercere officium Commissarii Glis Curiae.
37. Epistolae PP. approbantium Rduin P. Arroyo ad praedictum
ministerium et officium Commissarii Curiae. - f. 74.

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270 CODICOGRAPHIA F R A N C ISC A N A .

38. Breve quo declaratur et confirmatur praefatus P. Commissa-


rius. - f. 80.
3 9 . Institutio Secretarii Curiae. - f. 83.

4 0 . Longa narratio et allegatio super litem ortam inter Ex-Secre­


tarium R.mi Ministri Glis et Ex-Secretarium R.mi Commissarii Glis
super praecedentiam in habitualitate officii, eo quod expeditum fuit
quoddam (decretum Emmi Card.) Protectoris, declarans Ex-Secretarium
(Ministri Glis), etiamsi moderniorem, praecedere debere, habitualitate
officii, Ex-Secretario Gli Commissarii (... ant)iquiori in praedicta habi­
tualitate. - f. 84.
41. (Declar)atio nullitatis Capituli Provincialis Prov. S. loannis
(Evangelistae) de los Azores in insulis Portugalliae vulgo de las (Ter-
cer)as. - f. 140.
4 2 . (Breve Smi) Innocentii XI, ut Minister Glis aliquibus Patribus
conimittat ut...) eligant Diffinitorium praefatae Provinciae S. loannis
(Evangelist)ae. - f. 143.
4 3 . Nominatio et electio Provincialis et aliorum Diffinitorii prae­
fatae Provinciae et alia varia super hoc. - f. 144.
4 4 . Aliud Breve ut fruerentur privilegiis et gratiis a religione
concessis illis qui vere aliquibus officiis inservierunt, illi omnes qui in
praefato Capitulo annullato varia officia exercuerunt, non obstante an-
nullatione illius, et hoc ad plures lites vitandas, et quia lis nullitatis
fere per triennium duravit, quo tempore onera officiorum supporta­
runt. - f. 150. •
4 5 . Memoriale pro Commissario vel Procuratore praefatae Prov.
S. loannis Evangelistae residente Ulyssipone, sollicitanteque votum in
Capitulo praefatae Provinciae. - f. 125.
4 6 . 1683, 30 iun. — Erectio quatuor conventuum de insula vulgo de
la Madera in Custodiam cum invocatione Sancti lacobi Minoris. - f. 153.
CAron. 111 (i) 230; Gub. IV 814.
4 7 . Exagitatio et discussio cuiusdam dubii pulchri: an Pater di­
gnior vel minus dignior possint simul esse Guardiani. Resolvitur af­
firmative; sed certe in praxi raro debet poni et notoria necessitate
urgente, alias, aliis querelis, aliis ambitionis porta aperietur. - f. IBO.
4 8 . Memoriale contra sollicitationem Provinciarum Regni Lusita­
niae pro Commissario Nationali. - f. 167.
Cf. A FH X VI, 204, n. 55.
4 9 . Memoriale P. fr. Andreae Ibanez, Provinciae Valentiae, ut suf­
fragari possit ut Guardianus in Capitulo Provinciali etsi iam tempore
praefatae Guardianiae suffragaverit [!] in Capitulo antecedenti, utpote
electus aliquibus diebus antea in quodam congressu Diffinitorii, et hoc

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IN D E ? REGESTORUM FAMILIAE ÜLTRAMONTANAE, X. 271

sive secu n d u m suffragium sit in tra triennium , sive post, e x tra volun­
tatem G en eralis valentis extendere celebrationem Capituli per sex m en­
ses. - f. 171.
5 0 . M emoriale e t decretum Em m i P rotectoris, u t non m olestetur
P. Ig n a tiu s a D eserto, Provinciae P ortugalliae. - f. 172.
5 1 . Supplicatio R m i P. M inistri Glis ad A gentem R egis Catholici
apud S. Sedem, ne favorem det religiosis, subditis Regi, A gentibus cau ­
sarum ... in hac Curia. P o stu la t u t expellantur ab illa iu x ta m andatum
M aiestatis Suae. Responsum ipsius.
5 2 . S ententia in g radu appellationis contra P atrem (V ictoria)num
R othom agensem T ertii O rdinis P rovinciae (S. Francis)ci F ranciae.
5 3 . E pistola R everendissim i ad Regem Catholicum , e t responsum
huius (super) fu tu ra successione Com m issarii de C uria in P. P intich.
5 4 . Supplex libellus e t decretum pro fr. F erdinando Escam illa, P ro ­
vinciae G ranatensis e t V ice-Com m issario In diarum per undecim annos,
ut in sua praefata P rovincia frui (de)beat privilegiis e t g ra tiis P a tris
illius im m ediate (post) E x-P rovinciales, et u t p e rm itta tu r h ab itare quam ­
dam cellam sua in d u stria fabricatam .
5 5 . Supplex libellus praesen tatu s pro Diffinitorio Provinciae de la
Arrabida Smo Papae, u t G eneralis non se in tro m itta t ad C ongregationes
Interm edias praefatae Provinciae. Inform atio super hoc Rm i Glis ad
Sacram Congregationem Em m orum C ardinalium R egulariu m u t dene­
getur. - f. 183.
5 6 . E pistola R egis Caroli II ad R everendissim um u t orationes et
suffragia applicentur causa luis quae g ra ssa b a tu r in H ispania. - f. 184.
5 7 . L itte ra e patentes ad Provincias S. S aturnini e t Sardiniae circa
modicam curam P a tru m illarum de bono com m uni ipsarum . - f. 185.
5 8 . E pistola Principis G ubernatoris P o rtu g alliae ad R everendissi­
mum co n g ratu lan s sibi de G eneralatu ipsius. - f. 187.
5 9 . E pistola R eginae M atris H ispaniae, u t P. fr. F ran ciscu s Diaz
a S. B onaventura L ector Theologiae conventus A racoelitani sit re n u n ­
tiatus. - f. 187.
6 0 . 1683, 7 sep. — Breve pro a lte rn a tiv a P rovinciarum de las
Charcas e t Lim ae Indiarum . - f. 183.
B R X I X 517; Chron. I I I (i) 231, 232; G ub. IV 305.
61. E pistolae L eg ati R egis Catholici circa P atrem Dufium et eius
munus. - f. 189.
6 2 . 1682, 29 iul. — L itterae patentes, ut Provinciae B rasiliae Con­
ceptionis e t F lum inis la n u a rii proponant V isitatores et Indices Appel­
lationum et Com m issarios Curiae U lyssiponae ; et Breve confirm ativum
omnium (quod est 1683, 13 maii). - f. 190.
B R X I X 491; Chron. II I (i) ‘2 29; G u b . IV 303.

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272 CODICOGRAPHIA FR A N C ISC A N A .

6 3 . D ecretum , u t in to ta Ecclesia re c ite tu r officium de (S. A n to ­


nino) de F lorentia. - f. 197.
6 4 . (D ecreta?) et alia docum enta d ata pro fundatione conventus M o-
nialium E xcalceatarum in H orto A lm irantis Castillae, ex P ra to S. H i e ­
ronym i... m issae su n t ad dictum H o rtu m m oniales quae (m o ra b a n tu r? )
in conventu de Almonacid. - f. 198.
6 5 . (L itterae patentes) ad R. P. fr. D am ianum Cornejo u t d is p o ­
n ere t om nia ad translationem m onialium , e t confessoris ipsarum m u n u s
susciperet. - f. 199.
6 6 . L itte ra R.mi ad A gentem R egis H ispaniae circa officium C om -
m issarii Glis Curiae in persona Fr. Sebastiani de A rroyo. - f. 201.
6 7 . M emoriale cum decreto S. Congr. R egul. in favorem fr. D o m i­
nici Gonzales, Secretarii Curiae, u t g audere possit privilegiis S e c re ta rii
praefatae Curiae concessis. - f. 202.
6 8 . D ecretum et litterae Rm i G eneralis super praedictum fa v o ­
rem . - f. 203.
6 9 . L itte ra e patentes Rmi G eneralis, quibus d ec la ra tu r s c rip to r
O rdinis R. P. fr. D am ianus Cornejo. - f. 204.
7 0 . Breve Smi Innocentii X I concedentis exem ptiones P a tr is P r o ­
vinciae P. fr. A ntonio F ernandez, ex P rovincia Li(mae). - f. 205.
7 1 . Breve S. P oenitentiariae pro absolutione P. F ran cisci C la-
veyrelles, P rovinciae A quitaniae, ob dim issoriales (fic)tas quibus O rd i­
nes Sacros suscepit. - f. 207.
7 2 . M em oriale praesentatum Smo Papae a Ildephonso Riero, p re sb y ­
tero et « criollo > de R egno Lim ae, u t Religiosae S. Clarae civ itatis C ar-
thagenae In d iaru m subiician tu r O rdinario. D ecretum execu to riale ad
eius executionem . - f. 208.
7 3 . V otum cum consensu pro Provincia Cathaloniae e t L eg io n e,
u t conventus m onialium S. Clarae civ itatis Ilerdensis su b iician tu r O r­
dinario; et decretum S. Congr. - f. 209.
7 4 . M emoriale, decretum et Breve ad hoc u t in P rovincia B rasi-
liensi novus P rovincialis novum que Diffinitorium elig atu r et n ovae
electiones fiant officiorum Provinciae, et quod P rovincialis p ra e te ritu s
et alii officia exercentes a praefatis officiis excludantur, eo quod in v a ­
lide electi: g audere tamen, possint privilegiis praedictorum officiorum
sicut si vere electi fuissent, ad lites sedandas et quia onera s u s tin u e ­
ru n t. - f. 211.
75 . Epistola R egis Caroli II ad Reverendissim um , in qua ipsi com ­
m ittit u t provideat de persona quae curam h ab eat defendendi libros
M atris de A greda, loco R. P. V illa rra g u t ab ipso Rege ad episcopatum
G aetanum prom oti. - f. 215.

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INDEX REGESTORUM FAMILIAE ULTRAMONTANAE, X. 273

7 6 . Responsum R everendissim i ad Regem . L itterae p atentes u t


Rex indicet personam sibi gratam . E pistola Regis gaudens de servitio
sibi praestito a R everendissim o e t nom inans pro dicto officio R. E r.
Fra(nciscum Diaz) a S. B onaventura.
77. L itte ra e patentes ex speciali commissione S. P oenitentiariae in
favorem P. fr. A ntonii Quiros Girao, Prov(inciae Carta)ginensis.
7 8 . S ententia R everendissim i in causa appellationis contra P. Vic-
t orianum) Rothom agensem , T ertii O rdinis S. Francisci de F rancia.
79. B reve S. Poenit. in favorem fr. lu n ip eri Mozo, Provinciae S ar­
diniae.
8 0 . Supplex libellus S. Congregationi Reg. p raesen tatu s a Dam iano
de Ie*su?), T ertiario, supplicante facultatem recipiendi habitum religio­
nis in conventu lerosolym itano,. cui inserviebat, et decretum praefatam
facultatem concedens.
81. Breve Smi U rbani V III pro a lte rn a ti va officii Com m issarii Glis
in Provinciis Indiarum O ccidentalium ; sed contra hoc in su rg it R m us
Generalis supplici libello, eo quod in Indiis nunquam positum fu it in
usu praefatum Breve. — Varia inconvenientia ex illo. Unde notandum
venit quod occulte solicitant aliquae Provinciae In diarum D iscalceato­
rum confirm ationem istiu s B revis et alio rum : quaprop ter R. P. P ro cu ­
rator Glis fr. H ieronym us de Sousa caute se h abu it super sim ilem pe­
titionem factam a D iscalceatis Prov. P hilippinarum , u t videre est in
Regesto « Index inform ationum ».
8 2 . E pistola Secretariae S tatu s S anctitatis Suae, iubens reduci R e­
ligiosos In d iaru m ad certum num erum et prohibens recipi illos qui ca­
rent requisitis a n ostris legibus praescriptis. - f. 227.
8 3 . Breve Sm i Innoc. X I, quo v alid an tu r et sa n an tu r receptiones
et professiones tam religiosorum quam m onialium factae per praelatos
electos in C apitulo 12 A postolorum Lim ae anno 1678 celebrato, eo quod
praefatum C apitulum fuit declaratum nullum nullaeque illius electiones.
- f. 228.
8 4 . Breve, quo praefati praelati et alii praedicti Capituli an nu llati
gaudeant privilegiis praedictis officiis concessis, sicuti si vere fuissent
electi, ad tollendas lites. - f. 229.
8 5 . 1683, 4 oct. — Breve S.mi Innocentii X I, u t officia Deffinitorii
Provinciarum Lim ae et de las Charcas Regni P eru an i d istrib u a n tu r
inter religiosos hispanos et « criollos » pro hac vice. - f. 231.
Chron. I I I (i) 232; G u b. IV 305 sed 4 m aii 1684.
8 6 . Supplex libellus R everendissim i, ut praedicta officia Diffinitorii
noviter eligenda assig n ata essent ex Rom a iu x ta nom inationem s u b ­
lectorum in illa assignatorum , eo quod praefatum Breve m ittere non
potuerunt. D ecretum Em m i P rotecto ris et litterae patentes R everendis­
simi cum epistola Em m inentissim i ad Com m issarium Peruanum . - f. 233.

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274 C0D1C0GRAPHIA FRANCISCANA.

8 7 . Similis supplex libellus R everendissim i, u t assig n en tu r alii t r e s


P a tre s... (prom is assignatis, qui ex hac v ita m ig ra (ru n t p riu sq u am ) e x
H ispania proficiscerentur. - f. 238.
88. (Breve P oenitentiariae) in favorem P. A ntonii de Platia. - f. 239.
8 9 . (Breve), u t P. fr. A ntonius de Mendoça, ex Provincia s a n c ti
F rancisci P ortugalliae, tra n sire possit de licentia superiorum ad r e l i ­
gionem sancti A ntonii Viennensis.
9 0 . (Breve) P oenitentiarii, u t fra te r Ovendre, ex Provincia F ra n c ia e
P arisiensis, absolvatur a poenis eo quod sacros Ordines suscepit. - f. 240.
91. (Breve) sim ile S. P oenitentiariae, quo fra tri L au ren tio D u e d re
(Ovendre) ex ea d em ... - f. 240.
9 2 . Memoriale SS. Innocentio X I*praesentatum a R.mo C om m issario
G enerali fr. Marco Z arzosa pro concessione aliq u aru m facu ltatu m u t
facilius in aliquibus P rovinciis H ispan iaru m o ccurrere rem ediis n e c e s ­
sariis possit. - f. 241.
9 3 . Epistolae variae, variaque decreta e t longa series de hiis q u a e
acciderunt in te r R.m um Com m issarium G eneraletn super p raefatas fa ­
c u ltates pçtitas et obtentas, praecipue super unam . - f. 243.
Cf. Gub. IV 355.
94. V aria vota doctissim a diversorum P atru m O rdinis supra q u a e ­
stionem ortam in te r praedictos R everendissim os, eo quod una ex fa c u l­
ta tib u s concessis erat, quod si aliquis ex religiosis appellare a R .m o
Com m issario G enerali contigerit, appellatio debebat esse ad E.m um P r o ­
tectorem , non vero ad R .m um G eneralem . - f. 251 (*).
(Continuabitur).
P. J OSEPH M. P OU Y M ARTI', 0 . F. M.

(’) P o st regestum scrip ta s u n t haec verba hispanico idiom ate: «No p u ed o


proseguir este Indice yo fr. Ju a n de A ragon a causa de no h au er podido ei
M. R. P. fr. Francisco Diaz de San B uenaventura, Comisario General de C u ria ,
predecesor dei M. R. P. fr. Geronimo de Sosa, de quien soy Secretario, en-
tregarn o s su R eg istre por no hauerle enquadernado hasta hoy, fin de a b ril
de 1691. Si me lo entregaré antes de irm e de Rom a, le proseguiré, y despuf-s
el de mi tiem po. — Dejô el M. R. P. Diaz de S. B uenaventura por R e g istre
la 1» parte del “ D irectorium T rium O rdinum en donde se contienen m u-
chos Breves y decretos de las Congregaciones >.

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BIBLIOGRAPHIA
— s—

Boiitkovié, Georgius, 0 . F . M. — S, B o n a ve n tu ra e doctrina de g ra ­


tia et libero arbitrio. D issertatio in a u g u ra tis in ordine a d Doc-
toratus lauream in S , Theologia obtinendam F rib u rg i H elvetio­
ru m . — B alneis M arianis, T y p o g ra p h ia < E g e rla n d » , 1919. —
In -8 °, X L H , 158 pp.
Auctor, alum nus P rovinciae SS. R edem ptoris in D alm atia, per ali­
quot annos S. Theologiae operam d abat in U niv ersitatib u s Lovanii e t
Friburgi H elvetiorum , ubi m agno zelo e t am ore doctrinae S. Bona­
venturae incum bebat e t non obstantibus difficultatibus oeconomicis,
quae bellum sequebantur, dissertationem suam in Bohemia im prim i
fecit (cf. A F H XV, 582; XV I, 293). Non est ig itu r m irandum , opus hoc
vestigia bellica adhuc prae se ferre, ita u t vestim entum suum nim is mo­
destum v id e atu r seu, ut clarius dicam, typographice non bene compo­
situm, sed plenum m endis quae lectionem quandoque difficilem reddunt.
Etiam ab sentia characterum italicorum et abundantia crassiorum m inus
placent; quae ex terio ra utique operis valorem non afficiunt.
Prim a pars libri (p. V - X LII ) quasi introductio est ad studium S. Bo­
naventurae, in qua tra c ta tu r im prim is de m ethodo qua D octor Sera-
phicus legendus sit (v -v m ). Dein ponit au cto r quaestionem , utru m
S. Bonav. A ristotelicus dicendus sit annon, respondetque : « S. Bonav.
sequens in nonnullis quaestionibus S. A ugustinum , m inim e desiit esse
Peripateticus > (xix). Quam tam en conclusionem nobiscum plures ad ­
mittere recusabunt, m em ores doctrinae Seraphici, v. g. de cognitionis
humanae origine et certitudine, de a e te rn ita te m undi, de rationibus se­
minalibus aliisque pluribus. Neque num erandae su n t sen ten tiae quas
sequitur D octor noster ex P eripateticis, sed m agis ponderandae; inspi­
cienda etiam effata, ubi Bonav. de A ristotele, cui adscrib it scientiam ,
et de Platone, cui sapientiam adiudicat, loquitur, u t taceam adhuc de
auctoritate S. A ugustini, cui omnes doctores facile cedere Seraphicus
opinatur. S. Bonav. stren u u s ubique defensor traditionis, A ristotelism um
sub forma in te g rali se m anifestantem m agis despexisse quam defen­
disse dicendus videtur, uti nuperrim e ostendit iterum P. Iu liu s d’A lbi;
cf. infra, 281 ss. — P o st haec P. G eorgius exponit relationem Sancti
nostri ad S. S cripturam (xxisq.), ad SS. P a tre s (x x ii-x x v n ) et ad alios
Scholasticos scriptoresque profanos (x x v ii-x x x v n ). Quae omnia, qu am ­
quam hic non necessario trac tan d a erant, u tilita te tam en m inim e carent.
In I dein dissertatio n is parte A. ag it de g ra tia qua est donum divi­
num (3-40), proinde in II parte de g ra tia relate ad liberum arb itriu m

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276 BIBLIOGRAPHIA.

(41-120), tandem III in parte de g ra tia et libero arb itrio secundum s t a ­


tum n a tu ra e in teg rae (121-47). In epilogo d an tu r conclusiones (148-59),
post quem bibliographia bonaventuriana (151-7) operi finem ponit.
G ratia g ra tu m faciens iu x ta S. Bonav. differt essen tialiter a c a r i­
tate, quae est hab itu s infusus su p e rn atu ralis (11); est accidens s p ir i­
tuale, causa form alis v irtu tu m g ra tu ita ru m (18).
G ratia o ritu r a Deo P a tre u t causa efficiente, per Verbum in c a r ­
n atu m u t causam instrum entalem coniunctam (23). F u siu s ag it a u c to r
de divisione g ratiae (25-35), dein de definitione g ratiae, quae iu x ta Se-
raphicum « est influentia a Deo exiens et ad Deum reducens », quod
sapit, uti P. BoÈitkovic recte observat, doctrinam Pseudo-D ionysii e t
A ugu stin i (35). H aec autem definitio gen eralis specificatur ab ipso S an cto
sic: « G ra tia est forma, a Deo g ra tis d ata sine m eritis, g ratu m faciens
habentem et opus eius bonum reddens » (38). — D ata liberi a rb itrii n o ­
tione (41) au c to r exponit doctrinam b o naventurianam de essentia lib e ri
arb itrii, iu x ta quam non est potentia rea lite r d istin cta a ratione e t v o ­
lu n ta te (50). De opinione A lexandri H alensis hic conferenda esset ip siu s
S u m m a , p. n , qu. 29. Liberum arb itriu m nunquam se disponit — a d ­
dam us: nisi negative — ad recipiendam g ratiam sanctificantem ab sq u e
g ra tia g ra tis d ata (71). Infusio g ratiae g ratu m facientis fit m ed ian te
libero arb itrio (75; cf. 149). H ic et in aliis locis au cto r lau d ab iliter com ­
p a ra t seraphicam doctrinam opinionibus S. B ernardi e t S. Thom ae, q u i
scipsit, uti notum est, S u m m a m suam postquam S. Bonav. C om m entaria
sua e t Breviloquium iam absolverat. G ratia porro iu x ta S eraphicum
D octorem non cogit n aturam , sed perficit (100). — Quod autem a u c to r
dicit relate ad doctrinam M olinistarum , v id etu r nim is succinctum q u am
quod iuste de hac indicari possit. De effectibus g ratiae e t liberi a r b i­
trii trac tan s paucis exponit dicta Sancti n o stri de iustificatione, ubi bene
ostendit, S. Bonav. praesertim considerare g ra tia m in ordine g e n e r a ­
tionis (105). V ariae divisiones m eriti apud Seraphicum fuse d e m o n stra n ­
tu r (105-20). — Quoad angelos docuit Bonav. Deum eis dedisse sta tim
post creationem , antequam ad ullum actum ex ieru n t, g ratiam g r a tis
datam , cui d u ran te brevi probationis mora, si consentirent, sta tim in ­
fudit g ratiam sanctificantem (134).
A bstractione facta ab im perfectionibus hu iu s libri typographicis et
etiam ab aliquibus expressionibus, quibus de doctissim is viris in terd u m
nimis ac rite r indicatur, opus P. Georgii m ultis sine dubio p ro d erit.
P. Willibrordus Lampen, O. F. M.

K attum , Franz X aver, D r. theol. — D ie E ucharistielchre des heili-


gen B o n a ce n tu ra . — M ün ch en -F reisin g , Dr. F. P. Datterer A
Cie , 1920. — I n -8°, 196 pp.
Operum om nium S. B onaventurae editio iam m ultis ansa fu it tra c ­
tandi de aliqua doctrina Seraphici D octoris in specie. E lectio E u ch ari-
stologiae Seraphicae, nostro praecipue tem pore, omnino fau sta dicenda
est, dissertatioque haec, quae F acu ltati Theol. U n iv ersitatis M onacensis
subiecta fuit, ad felicem exitum optatum disquisitionem perduxit. Quoad

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BIBLIOGRAPHE. 277

exteriora tamen in votis fuisset, aliud abbreviationum systema assumi


(displacet legere: ua, hlst, dh, quae et similia quandoque aenigmata vi­
dentur^) necnon et exactiorem modum allegandi locos bonaventurianos
(nunc saepius volumen et pagina editionis desiderantur).
In introductione (13-27) auctor, quibusdam de conceptu scientiae
apud S. Bonav. praemissis, ostendit Sanctum considerasse Eucharistiam
mysterium inexhauribile, in cuius investigatione rationi tamen vices
attribuuntur (20). Seraphicus Doctor agit de SS. Sacramento praeprimis
in Sent..IV dist. 8-13; dein Breviloq. VI, c. 9; De praep. ad missam;
Sermone de Corp. Domini; sparsim in Comment, in Lue. et in loann.
(22. Ut fontes Seraphici allegat auctor S. Augustinum, Hugonem de
S. Victore (quem typotheta « alten Augustinus » intitulât), Guillelmum
Altissiodor. et Alexandrum Halensem (23-6), quem S. Bonav. ardore
mystico necnon maiore systematizatione, etsi non profunditate specula­
tiva et subtili analysi (26), superet. Quasi contradictio videtur quod K.
de relatione S. Bonav. inter et Duns Scotum insinuat: «Der Zusam-
menhang mit B. ist nur lose... Die gewollte Gegensatzlichkeit [I?] gegen
Thomas aber führt Scotus in manchem Punkt auf Bonaventuras Ge-
dankengange » (27).
Primo porro capitulo Dr. K. loquitur de typologia eucharistica ad
mentem S. Bonav. (28-33), dein de institutione huius augusti Sacra­
menti (33-42). Christum simul cum consecratione v e r b a effectiva pro­
tulisse et ita docuisse, Doctor noster probabilius indicat (37s.). Cum
Guillelmo Altiss. docet, Corpus eucharisticum in Coena passible et mor­
tale, sed praesens ibi modo impassibili fuisse (40). Christus ipse SS. Eu­
charistiam sumpsit, sed tantum sacramentaliter, non spiritualiter (41).
Hic allegari adhuc potuit Breviloq. VI, c. 4. De elementis consecratoriis
(42-51) Seraphicus cum communi opinione sentit. De formulis consecrandi
(52-60) indecisam relinquit quaestionem, utrum formulae ab evangelistis
traditae vim habeant consecratoriam (52). In exponendis singulis verbis
formulae canonicae arte acieque theologos anteriores omnes superat (53).
Relate ad Transsubstantiationem* (60-72) S. Bonav. docet, totum ele­
mentum transmutari in totum Christum virtute Verbi et quidem in
ictu oculi. Mutatio haec non supponit annihilationem elementi, cuius
tamem substantia transit in Corporis Christi substantiam (61). Ex verbis
institutionis hanc transsubstantiationem probari posse Seraphicus opi­
natur. Quod Dr. K. in nota contra Duns Scotum addit (61 n. 15), quasi
Concilium Tridentinum hac in re aliquid decidisset; sentimus cum B. Ro-
berto Bellarmino {De Controversiis, De Sacr. Euchar. III, c. 23), sen­
tentiam Scoti non esse improbabilem, ne post Trid. quidem, uti et Card.
Franzelin insinuat (cf. P. Raymond, O. C., in Etudes Franc. XXXI, 416).
De Transsubstantiationis causa et momento (73-87) agens auctor
ostendit, secundum S. Bonav. potestatem consecrativam non dependere
a dignitate morali sacerdotis. Aliter Lombardus senserat. Requiritur
insuper i n t e n t i o conficiendi (p. 76), quae autem « nimis ampla » esset,
si se extenderet v. g. ad totum panem in nundinis. Species consecratae
non transsubstantiant aliam materiam eis adiunctam (77). Deo auctore

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278 BIBLIOGRAPHE.

fit tran ssu b stan tiatio , sed m ediante verbo sacerdotis q u aten u s in s tr u ­
m ento (79). Vix ad m ittit quandam h u iu s verbi vim physicam (cfr. S. T hom .
I I I q. 78, a. 4), potius solum « v i r t u t e V e r b i i n c r e a t i » co n secrari
a u tu m a t (80). Quo in sta n ti praecise Corpus Domini conficiatur, D octor
noster definire ausus non est (83s.), sed docet: « in alio et alio in sta n ti
h abet esse panis e t corpus secundum rem e t secundum quod est m e n ­
su ra realis e t propria, licet secundum m ensuram com m unem duo in ­
sta n tia im m ediate signare non con tin g at » (86 [ = Opp. IV, 250]). —
Quoad realem praesentiam (87-99) notandum . S. Bonav. cum Lom bardo,
Innocentio I II e t aliis credere Sacram entum solum modo m anere, donec
fini suae servit, ideoque cessare in dehonoratione ipsius. Cum trad itio n e
docet species m anere sine subiecto (100); niti extensione (107); « a c c i ­
p e r e m odum nobilissim um essendi, scii, esse per se» (IV Sent. d. 12,
p. 1, a. 1. q. 2); n u trire (108), quia cessante Sacram ento su b stan tia p a­
nis red it (110). Hoc etiam H alensis e t Innocentius III te n u e ra n t.
Cap. IX « De Sacram ento E ucharistiae » (114-28) d em o n strat con­
ceptum S. Aug., H ugonis, Guill. A ltis s .'e t S. Bonav. de c o n stitu e n tib u s
sacram enti. Ad m anducationem spiritu alem re q u iru n tu r « reco g itatio
fidei » e t « affectio ca ritatis » (125). N ecessitas S. Com munionis v id e tu r
ta n tu m positiva, ex praecepto Ecclesiae (127). Io. 6, 54 in tellig en d u m
esset de m anducatione per fidem e t caritatem (128). N im is d ep rim it
aucto r Seraphicum dicendo eum u t conditionem frequentis C om m unionis
exigere « totum culm en sa n ctitatis » (die ganze Hôhe der H eiligkeii)
(p. 133sq.). Minime gentium , sed re q u irit pro q u o t i d i a n a Com m u­
nione anim ae m unditiam e t puram caritatem . Quod novitii M inorum
q u a v i s Dominica ad S. M ensam accesserint, e Reg. novit, c. 4 n. 1 con­
cludi nequit (p. 134 nota 73). E x eo insuper quod M atth. 6, i l e t Luc.
11. 3 de Pane coelesti intellig it Sanctus noster, p atet eum non ta m se­
verum esse in conditionibus pro freq u en ti usu SS. Euch. determ in an d is
(cfr. Opera, IV, 295). F orsan m elius distinguendum fuisset auctori i n t e r
c o n d i t i o n e s e t c o n s i l i a , quae S anctus ponit. Cum S. A u g u stin o
suadere credidit: «O m nibus autem dom inicis diebus com m unicandum
h o rto r » (Reg. nov. c. IV n. 4). Quae cum ad novitios dicta sint, q ui mi­
nime « ad culm en sa n ctitatis » pervenisse cre d u n tu r, p atet S. Bonav.
principia non fru s tra ri severissim is suis conditionibus. Cap. X I de prae­
paratione ad S. Communionem (137-48) K. ostendit quidem Seraphicum
pro n ostro conceptu nim is exigere, v id e tu r tam en hic non com prehen­
disse spiritum bonaventurianum , dicendo v. g. quod S. B onav.: «die
K rafte des K om m unikanten bis zu r hochstm oglichen E nergie aufzupeit-
schen su ch t » (145).
T ractato de fructibus E ucharistiae (139-57), au c to r a g it de sacri­
ficio Missae (157-72), in cuius doctrina Seraphicus non excedat tra d i­
tionem scholasticam , quae essentiam h uius Sacrificii in quadam o b l a ­
t i o n e , non u t Theologi post T ridentinum in destructione, ponat. P er­
puleris capitulis de M ystica E uch aristica (173-83) e t de loco centrali
E ucharistiae relate ad alia dogm ata (184-94) au cto r opus suum , magnae
indu striae neque m inoris eruditionis testim onium , concludit.
P. Willibrordus Lampen, O. F . M .

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B1BLI0GRAPHIA. 279

Guardini, Romano, Dr. — Die Lehre des heil. Bonaventura von der
Erlôsung. Ein Beitrag zur Geschichte und zum System der Er-
lôsungslehre. — Düsseldorf, L. Schwann, 1921. — In -8°, xvn,
206 pp.
Mirandum non est auctorem, rebus liturgicis et mysticis iam optime
versatum, figura « Doc tori s devoti», S. Bonaventurae, attractum esse,
praesertim doctrina ipsius soteriologica, quae ab ipso Sancto ut lapis
angularis totius S. Theologiae consideratur {Opera III, 1). Quam tamen
seraphicam doctrinam Dr. Guardini non solum historice, sed etiam sy-
stematice considerat, eo fine ut, theoria S. Bonaventurae stabilita, totum
ordinem redemptionis secundum multiplicia sua elementa harmonice
coniuncta lectori ante oculos ponat. Historicorum interest praeprimis,
quomodo variae S. Bonav. opiniones ortae sint, necnon in quantum hic ab
aliis dependeat aut in alios influxerit. Pro historia theologiae hoc opus
bene meritum est, ostendendo, quem locum theoria antiqua de restau­
ratione hominis lapsi (soteriologica t h e o r i a p h y s i c o - m y s t i c a \
prae illa satisfactionis seu i u r i d i c o - m o r a l i apud S. Bonav. occupet.
Laudandus insuper auctor in eo quod opiniones Seraphici non solum ex
eius Commentariis in Sent, hausit, sed ex aliis etiam operibus doctri­
nam Bonav. eruere conatus est, utpote pro opinione personali S. Doc-
toris maximi momenti.
Post bibliographiam (p. xvi-xx), cui opus P. Bo^itkovic, iS. Bona-
venturae doctrina de gratia et libero arbitrio, 1919; cf. supra p. 275 s.
deesse dolemus, auctor in libri prima parte agit de quaestionibus intro-
ductoriis (1-27), dein de soteriologia generali (28-71), tandem de speciali
IÎ2-185) concluditque exhibens conspectum aestimativum doctrinae Sera­
phici (186-99). Adduntur registra rerum (200-3) et personarum (204-6).
Primo capitulo (l-10j G. agit de scriptis nostri Doctoris, quod su­
perfluum esse facile quis opinari posset, nisi viderit auctorem ea
adnotasse, quae pro soteriologia seraphica intersunt. Deinde agit de
theoria creationis, a Seraphico proposita (10-16), qua in re utiliter etiam
Or. G. indicasset, quid secundum Bonav. sibi velit, F iliu m esse ca u sa m
exem plarem creationis. Cf. P. Dorotheus Cornelisse, De Deo Vno et
Trino, Ad Claras Aquas 1913, 403c. Nunc autem legimus solummodo
hanc expressionem saepius occurrere fundamentumque esse doctrinae
de Mediatore (10). Ostendit quidem hominem esse vestigium, imaginem,
imo similitudinem D ei (11-4), sed non comparatur explicitis verbis homo
Filio Dei. Pro soteriologia conceptus bonaventurianus de peccato magni
est momenti (16-9). Peccatum est inobedientia liberae voluntatis, sed
et destructio ordinis essentialis et vitalis, ideoque redemptio erit in sa­
tisfactione erga Deum et in reparatione ordinis moralis (19). Haec theo­
ria influxu S. Aug. et Pseudo-Dionysii Seraphico multum arridet (21).
De iis quae post lapsum fieri potuerant S. Bonav. non ex professo
agit (28). Reparatio possibilis est eo quod < v e r t i b i l i t a s v o l u n t a ­
tis » pertinet ad essentiam hominis (30), congruens fuit propter varia

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280 BIBLIOGRAPHIA.

m otiva (31-4). Itinerarium m entis in D eum considerat redem ptionem


per D eum -hom inem u t necessariam , in Comment, tam en quaestio fusius
d isp u ta tu r (35) et s ta tu itu r hanc necessitatem esse « im m u tab ilita tis» ,
scii, consilii Dei, ideoque quad rare cum eius libertate. A p arte hominis
autem est m era g ra tia (37). C ongruentia, imo quasi necessitas redemp­
tionis, quomodo lib e rtati Dei et g ra tu ita ti operis redem ptorii non con­
tradicat, v id e tu r Sancto m ysterium (38). H ac in quaestione dependet,
sicut A lexander H alensis, praecipue a S. Anselmo (39), cuius doctrinam
aliq u an tisp er m itigavit. — Q uaestionem , medio aevo et iteru m nostris
diebus m ulto agitatam , u t r u m F i l i u s i n c a r n a t u s f u i s s e t , s i
h o m o n o n p e c c a s s e t, S. Bonav. insolutam relinquit, quam vis auctor
p u te t Seraphicum inclinare ad responsum neg ativ u m (40-2), affirmante
tam en H alensi (Sum m a Theol. III, q. 2, m. 13). R elatio n atu ra e hum a­
nae ad redem ptionem , quae perfectio eius dicitur, in v e stig a tu r amplius.
T antum m odo m iram ur tran sfe rri « r a t i o n e s s e m i n a l e s * per * tcirk-
lichen Wesenheiten » (43). M otiva redem ptionis m isericordia e t maxime
am or s u n t; cam pus universum , inclusis angelis (45s.). — F usius Dr.
G nardini deinde tra c ta t de C hristo medio (48-52) et m ediatore, cui cor-
respondet « officium reconciliationis » et m issio (52-4). C hristus mediator
est pro « ordine iu stitia e » insim ul ac « principium recreativ u m » (56).
— T ota v ita C hristi p ertin et ad redem ptionem , specie tam en incarnatio,
passio et resurrectio (68).
In te rtia operis p arte auctor a g it de soteriologia speciali. Non abs
re fuisset indicare, qua ratione haec sua divisio in generalem e t spe­
cialem soteriologiam n ita tu r. H ic prim o tr a c ta t de idea redemptionis
iuridico-m orali et quidem de satisfactione (74), de m ediatione (75s.), de
m eritis C hristi (76s.), de iustificatione hom inis (89s.), de adoptione filiali
(95), de quibus partim iam actum fuit. — Quoad sacrificium Christi,
qui * sum m us e t m axim us cultor om nium fu it » (V, 56), docet S. Bonav.:
« Dom inus unica oblatione offerendo se omnes alias oblationes evacua­
v era t » (IV, 218). P rofuisset auctor, si exposuisset quomodo iu x ta Sera­
phicum sacrificium in ultim a Coena se habeat ad Crucis holocaustum,
quae quaestio ultim is annis denuo revixit. Indoles sacrificialis specifica
operis C hristi S. D octor videt in perfecto h abitu c a r i t a t i s e r g a
D e u m , cui Salvator se sacrificat et in perfecta expressione h u iu s amo­
ris in effusione Sanguinis sui in cruce (98). Hoc sacrificium l i b e r r i m e
obtu lit (99) « pro perfecta Dei placatione » (V. 250). Nonne fuisset hic
ansa trac tan d i quaestionem de reconcilianda « lib ertate C hristi » cum
«m andato P atris» ? Ad m inus tangenda fuit haec acris controversia.
M omentum didactico-paedagogicum redem ptionis a S. Bonav. sae­
pius p ro p u g n atu r (103-14), sicut iam A lexander sub influxu Abaelardi
a u t m elius S. A ugustini (115-8) fecerat. A lter aspectus redemptionis,
scii, realistico-m ysticus, respicit «opus r e c r e a t i o n i s », quae est actus
pietatis divinae. « P er Verbum carni unitum om nia re p a ra n tu r » (VIII,
85), quod fit m ediante « i n f l u e n t i a » g ratiae (124-30). Infundendo
nobis g ratiam reform ativam R edem ptor « facit nos m em bra Christi »
(137). H ac in doctrina d e c o r p o r e m y s t i c o recreatio consideratur

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BIBLIOGRAPHIA. 281

respectu societatis (136-47), in doctrina d e « l u m i n e m e n t i s » re ­


spectu individui (148-56). R ecte passim illu s tra tu r ch aracter augusti-
nianus Seraphici doctrinae et co n tra F ischer Dr. G uardini scite obser­
vat, B onaventuram sequi S. A ugustinum sim pliciter, alite r ac S. Thom as
fecit, « qui A u g u stin u m in sensu aristotelico explicare conatus est »
1,155). — S anctus n o ster libenter redem ptionem considerat u t rep a ra­
tionem com m unicationis, am icitiae, Deum in te r e t hom inem (158-67) et
ut liberationem a dominio diaboli (168-83). Redem ptio est etiam « iu-
dicium discretionis » (184) seu potius ipse R edem ptor e st ad ruinam
aut ad resu rrectionem hom inum , p ro u t se a C hristo a v e rta n t a u t ad
eum co n v e rtu n tu r.
In q u a rta e t ultim a parte Dr. G. te x u it elogium doctrinae S. Bo­
naventurae, cuius ad m iratu r harm oniam idearum abundantiam que unc­
tionis. R ad ix autem specificae soteriologiae Seraphicae in v e n itu r in syn-
thetica n a tu ra rationis S. B onaventurae (191). Hoc m axim e m eritum
auctoris, indicasse, imo elaborasse system a bonaventurianum , cuius ele­
menta u tiq u e per v aria opera dispersa iacent. Non m inus benem eritus
est de h isto ria Theologiae, investigando relationes ad H alensem , quem
Guardini m agni hab et sicut e t Seraphicus, ad S. B ernardum , H ugonem
de S. V ictore, A nselm um , m axim e ad A u g u stin u m e t A reopagitam . Ri-
chardi de S. Victore non fit m entio, forsan im m erito. N unc in v estig an ­
dum est adhuc de influxu Seraphici in posteros, in R ichardum de Me-
diavilla, in D uns Scotum maxim e. Com paratio in stitu en d a m anet in te r
soteriologiam S. Thom ae et S. B onaventurae. F o rsitan auctor, professor
nunc in U n iv ersitate W ratislaviensi, docensque Berolini cu ltu ram ca­
tholicam, ad haec vel sim ilia otium inveniet. Bonum opus o p eratu s est,
cui debita laus fiet in Ecclesia.
P. Willibrordus Lampen, O. F . M .

Jules d’A lbi, O. M. Cap. — S a in t B o naventure et les luttes d octrina­


les de 1267-1277. — T am ines, Im prim erie D uculot, 1922. — (P ro ­
s ta t: P a ris, V I e : A. G iraudon, L ib ra irie -E d itio n s, 1923). — I n -8 °
min., 260 pp. [-)- E r r a ta : p. 261 T able des m a tiè re s: p. 263],
— (F r. 8,00).
A uctor libri inscripti: S. B o n a v e n t u r a e t l u c t a m i n a c i r c a
d o c t r i n a s (scilicet s c h o l a s t i c a s ) a n . 1 2 6 7 - 1 2 7 7 , non innovare
intendit, sed renovare et recolere facta et discussiones, p ro u t rev era
acciderunt decennio illo agitato. H aec ideo prim um habeto de s tru c tu ra
operis quod scholasticum apparere posset, sed m agis historicum est,
unicuique suum attrib u en s aequo, calamo, quae investigatio sagax atque
interdum in tuitio perspicax e ru it protulitque. — A m icitia quae tra d itu r
S. Thomam in te r et S. B onaventuram viguisse, n e u tri easdem im pegit
theorias in opinabilibus e t libere discutiendis; utriusque ‘doctoris v e­
ritatis’ m unus e ra t investigandi verum . Hoc ergo caput prooem iale in ­
scribitur: L ’am itié des saints ri exige pa s Videntité des vues scientifiques
J-13). — Capite 11° (14-43) a g itu r: De introductione operum A ristotelis
Archivum Franciscanum Historicum. — A N . XVII. 19

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282 BIBLIOGRAPHIA.

in scholas occidentis a magistris Oxonii et Parisiis facta (14-21) atque :


De methodo scholastica « creata », uti ait, a Fr. Alexandro Halensi (21-43Y
Hoc caput nititur praesertim in opere P. H i l a r i ni F e Ide r, O. C.,
Histoire des études dans VOrdre de S. François, 1908; [cf. AFH II, 131-6].
Recoluntur quoque Fr. Ioh. Rupellensis (30 s.), Robertus Grossatesta
(31-7), Fr. Adam de Marisco (38-42).
In capite III 0 auctor, iuxta De Wulf, Hist. de la Philos, médiévale,
Louvain 1912 4, digerit quomodo Albertus Magnus studium Aristotelis
apud Fratres 0. Pr. invexerit (44-50), p o s t Alexandrum Halensem, et
Grossatestam. Non est, cur non statim dicamus duo haec capita non
ipsis in operibus « originalibus » innixa, sed ex aliis auctoribus compi­
lata, neque communiter dicta superantia, sequentibus pretio esse post­
habenda. — « La personnalité de S. Bonaventure » (cap. IV), item com­
pilatum (51-85) ex ipsius elogiis, v. gr. Gersonis, S. Francisci Salesii,
bullis, etc., adhuc aditum praeparat, nec imperite, nec indocte, in medias
res. — In has iam pedem ferimus in cap. V : Innovations de S. Thomas.
Condamnations de Vévêque de Paris, Etienne Tempier (86-108). Innova­
tiones illae non ipsam methodum scholasticam, iam plene vigentem, con­
civerunt, sed discipulatum strictiorem atque minutiorem Aristotelis ab
Aquinate propositum, defensum, synthesi genii sui metaphysici potentis
tentatum (86-91). A. in nota obiter monet manualia illa «Cursus»,
« Compendia >, « Clypeos » nuncupata, non semper propinasse doctrinam
Aquinatis genuinam ; neque scholam Thomisticam universaliter flo­
ruisse, etc. (89s.), notatque maiores nostros, PP. Editores Operum Om­
nium S. Bonaventurae, Ad Cl. Aquas 1882-1902, non raro hunc expli­
casse ‘ thomistice’, non ex ipsius auctoris Seraphici sensu (92s.). Id quod
negare non lubet. Secundum De Wulf, « innovationes doctrinales s. Tho-
mae » adumbrantur, itemque oppositiones ab eis excitatae apud Fr. Mi­
nores, inter quos Fr. Iohannes Peccam caeteris ‘ strepitosior fuisset et
iactantior \ Fr. Guilelmus de Mara, paulo post 1274 Correctorium
fratris Thomae scripsit; etc. Opinio illa clari De Wulf circa Peccamum
hausta fuit ex opere celebri P. Mandonnet, O. Pr., Siger de Brabant et
VAverroïsme latin au X III siècle, Louvain 1908-11, I, 98-102. Stepha­
niis Tempier, episcopus Parisiensis, 10 dec. 1270, 13 sententias Aver-
roisticas proscripsit, parumque abfuit, quominus his adderentur duae
sententiae s. Thomae. Idem episcopus, 7 martii 1277, syllabum 219 er­
rorum condemnavit, praecipue Averrois, sed et Rog. Baconis, Aegidii
Romani et Thomae Aquinatis (100-8). — Cap. III: Rôle de Jean Pe-
ckam, 109-38. Hic A., contra dicta Bartholomaei Capuani anni 1319, re­
lata aliorum referentis, liquide evincit ex epistolis ipsius Fr. Iohannis
Peccami, non solum ipsum non insolenter patientiam Fr. Thomae solli­
citasse, sed episcopo Parisiensi et magistris atque Fratribus O. Pr.
Thomam ‘argute arguentibus’, <nos i^ait Peccam) soli eidem adstitimus...
donec ipse’» positiones suas magistrorum Parisiensium examini submisit.
(133). Quem interventum ipse Peccam nonnisi obiter factam esse recolit,
episodii instar, etc. (134 ss.). Peccam inter Minores non fuit antesi­
gnanus magistrorum se Aristotelismo integro Fr. Thomae opponentium.

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BIBLIOGRAPHIA. 283

Cap. VII: Bonaventure initiateur de la double campagne anti-


averroïste et anti-thomiste, 1267-1270 (139-210). S. Bonaventura Colla­
tiones de X praeceptis Parisiis habuit in quadragesima an. 1267: Opp.
V, 507-32. In Collatione II (1. c. 510-15) expresse confutavit < quod
mundus sit aeternus », « quod unus intellectus sit in omnibus > atque
Deum non posse immortalitatem mortali creaturae tribuere, scii, pro­
positiones V, I et III syllabi Parisiensis an. 1270 (144-50). Et addidit
«qui hoc confingit, aut tuetur aut imitatur... errat gravissime*, quibus
in verbis A. innui et impugnari censet (151-6) Aquinatis theorema:
«mundum incepisse est credibile, non autem demonstrabile vel scibile *
(Summa, I, qu. 46, art. 2). — An. 1268 in Collât. de Donis Spiritus
Sqncti, 1. c. V, 457-503, in Coll. III denuo in aeternitatem mundi invexit,
atque in tres alios errores; in Coll. VIII eumdem errorem denun­
tiavit, item fatum, et unitatem intellectus in omnibus, etc. (156-65,
179-83), scii, contra Averroistas et Peripateticos ‘intégrales’, quos er­
rores scaturire proclamavit e notione circulari motus et temporis, etc.
(166-78). Bonaventura in pluribus concordat cum auctore anonymo De
erroribus Philosophorum, ed. Mandonnet 1. c. II, 3-25, qui f o r t a s s i s
fuerit Ioh. Peccamus (160-73, in notis). — Ex erroribus 13 syllabi anni
1270 iam 11 a S. Bonaventura antea denuntiati erant an. 1268 in Collât,
de VII danis. His adde Collât, de X praec., sicque in 12 denuntiatos ab
eo errores devenies, immo in 7 alios qui an. 1277 in secundum syllabum
inserti sunt; sed et alia falsa idem Magister Parisiensis et Minister
generalis O. F. M. tunc impetivit (182-6).
Insuper in Sermonibus, quos A. praecisioribus annis affigere studuit
quam ipsi Editores, v. gr. in 4 Sermonibus an. 1267 : in Coena Domini,
V. \Opp. IX, 255-9), in Parasceve, II, (ib. 262-7), in Sabbato Sancto, I
(ib. 267-70), in Resurrectione Domini, I, (ib. 272-5) Fr. Bonaventura plu-
res errores eiusdem generis adortus est (186-90), uti etiam in III Dom.
Adventus, II (ib. 59-64) eiusdem [?] anni (192-202). P. lulius adnotat
eiusdem sermonis miseram reportationem etiam a P. Mandonnet, I, 109,
S. Thomae adscribi (196-9), monetque recte in Sermonibus Seraphici
plura adhuc biographiae elementa disiecta latere (190-2). Addimus proin
voto suo horum eruendorum alium satisfacturum fore. Praedictae seriei
Sermonum Bonaventurae errores an. 1267 propalantis et retundentis A.
inserit quoque (202-4) Collationem de S. Stephano (ib. 482-4); quae se­
ries, tunc in an. 1268 deveniens, continuatur (204-6) sermone De P u­
rificatione, I, (ib. 633-7), et in Sabbato Sancto, II (ib. 270-2). Sed quoad
hunc minus liquet (206), magis autem pro sequenti (206s.) in Dominica
II post Pascha, N, (ib. 303-5), et postea [?] (307-10) in Ascensione Do­
mini, 1 (ib. 314-8), ac [vix] in Assunvptione, IV (ib. 695-8), de quo 210-2.
— Ministro suo generali sic luctam inauguranti adstitit quoque fidus
et intrepidus Fr. Ioh. Peccamus, tunc scholas O. Min. Parisiis regens
(cf. AFH VIII, 389ss.: X, 271 ss.), qui s u p e r io r i su o unicam thesim
philosophicam thomisticam circa creationem ab aeterno impetenti, alias
vero de simplicitate entium spiritualium et de unitate formae substan­
tialis e discussione eliminanti o b s e c u tu s , in disputatione illa, «habita

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284 BIBLIOGRAPHIA.

circa pascha 1270» [?], u ti cen su it P. M andonnet, 1. c., ei male et iniuste


crim ini data, econtra hoc sensu, i. e. elim inans a B o n av en tu ra elim inata,
F r. Thomae a d s titit (216). M em inerit lector A quinatem ab an. 1265
usque ad finem an. 1268 non P arisiis, sed in Ita lia degisse; P arisios
tu n c r e d iit. rem ansitque ibi usque post pascha an. 1272, m oxque N ea­
polim perrexit, unde abiens obiit 7 m artii 1274 (109, 139 ss.).
En titu lu s cap. V III: 1213. Reprise de la lutte intellectuelle p a r S . Bo-
naventure. Résistance totale au Thom ism e (219-45). A v erro istae syllabo
10 dec. 1270 icti sed non devicti, anim um p aulatim recep eru n t. Bona­
v en tu ra in Sermone Feriae I I post pascha (Opp. 281-6) anni 1273 [?] m a­
lignos praedicantium in te rp re tes a rg u it (222), item que fortius in Colla­
tione vesperali eiusdem feriae (ib. 286-8), m ag istrisq u e m oderationem
consuluit (223-5). Sed cum Serm onem de S . M arco (ib. 519-4\ scii. 25 apri-
lis an. 1273, cefto non 1255, h ab u it q uia audientes bonorum operum
O r d i n i s « postquam nos inde fu im u s M inister » participes in fine red­
didit, univ ersitas studiorum P arisiensis iam ad tem pus clausa e ra t (225-8).
Eodem tem pore a paschate ad pentecosten coram m a g istris et aliis F ra ­
trib u s 0. F. M. P arisiis F r. B onaven tu ra p ero rav it Collationes in H ex­
aemeron (Qpp. V, 330-450), « quae p ersta b u n t (ait A.) in te r opera ma­
xime stupenda genii hum ani» (222). In his p rae ter erro res A verroista-
rum Seraphicus im pugnat etiam thesin thom isticam (230-4) circa spiri­
tualiu m cre atu raru m sim plicitatem incom positam (ib. 340-1), item circa
distinctionem realem anim ae et facultatu m (234s.), atq u e circa essentiam
beatitudinis in intellectu positam (235-8) : alia quoque ibi discussit (238-42).
Quod postea seq u itu r caput IX : S. B o n a v e n t u r a a c t i o n e m
s u a m s t a t u t i s c i r c a s c r i p t a e v u l g a n d a c o m p l e v i t (246-52).
potius coronidis in sta r additum est; cf. S ta tu ta illa ap. Opp. V III, 456-7:
e t ap. ALKG VI, 109-112. M olitus est A. (248-51) sta tu tu m Opp. 456b
in te r uncos positum : [Nullus fra ter — sit suspensus], anno 1269 affigere;
id quod tam en nondum claret. — E capitulo X : Conclusion. S'inspirer
de l'esprit des Scolastiques pour redonner â VEglise sa vraie place dans
la science (253-60), conceptus factiosi et stu d ia p artiu m in tu itu largo
anim ose adeo excluduntur, u t anim us istiusm odi Ecclesiae decori pro­
spiciendi a nem ine im probari queat.
Opus hoc, molis licet exiguae, sic lectoribus expansum fuit, quoniam
A. symbolen a ttu lit efficaciter investigativam et quandoque correctivam
historiae nondum satis exploratae Scholasticae « a lta e » , i. e. floridissi­
mae, actionem Doctoris Seraphici adeo au x it e t d ilatav it, biographiam-
que ipsius novis punctis chronologicis plus m inus fixit. A uctor maiore
perspicuitate quam eruditione (quae saepius im par oneris apparet) usus,
e textibus editionis Claraquensis m irabili studio e t successu critice ca­
stig atis, plura h au sit quae et editorum e t aliorum aciem effugerant,
non u t luctam ina illa illorum saeculorum resuscitando perp etu aret, sed
u t quid quisque in controversiis illis g rav ib u s p eregerit, iu sta luce offun­
deret. A ttam en non om nia in solo aeque et p ariter solido iam constituta
et in stru c ta esse apparent.
Indaganda sane essent modo non auctori,, nec uni sed pluribus,
quae tunc egerint Dominicani illi veteres. A ugustinism o et Aristotelismo

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BIBLIOGRAPHIA. 285

moderatiori addicti quemadmodum Fr. Bonaventura, v. gr. praesertim


Fr. Petrus de Tarantasia, postmodum Innocentius V (1276), aliique. De
Fr. Roberto Kilwardby, O. Pr., arcbiepiscopo Cantuariensi (1272-77), qui
18 martii 1277 propositiones 30 proscripsit, inter quas aliquot S. Tho-
mae, pluries A. dixit (116-23, 215). — Liber de viris illustribus iam diu
Henrico Gandavensi abiudicatus fuit; cf. Hauréau, Mém. Acad. Inscr.
XXX, II, 1882, 349-57; idem, Not. et extr. VI, 1893, 162-73; licet illius
aevi sit, incerti scilicet monachi Afflighemensis, fortasse Henrici Bruxel-
lensis; cf. Fr. Pelster, ap. Hist. Jahrbuch, 39, 1919, 253-68. — Ipse A.
inter <Errata » p. 261: (quae pagina non omnibus exemplaribus subdita
fuit) corrigit dicta p. 43 de Thoma expositore Aristotelis apud Ioh. D. Sco-
tum citato, quem Fr. Thomam de Eboraco, O. F. M. [cf. AFH XV, 3-22]
fuisse aestimaverat, postmodum autem S. Thomam Aquinatem esse
cognovit. — Adde illis erratis: p. 24 Sauercost pro Lanercost, et p. 186
n. 1 excidisse : sexagesimo. — P. 15, 1. 3-14 dicta invertenda sunt, quia
Averroes obiit 1198, Abaelardus 1142, etc. - Defectus indicis eo magis
obiurgandus est, quo utilior operi fuisset. — E x e m p la r ia quae Errata
habent (= p. 261), in tegmine libri item signantur anno 1923.
P. Michael Bihl, O. F. M.

Luyckx, Bonifias, O. P., Dr. — Die Erkenntnislehre Bonaventuras.


{Beitrage zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, heraus-
gegeben von Cl. Baeumkerj Band X X III, Heft 3-4). — Münster
i. W., Aschendorff, 1923. — In-8°, xxiv, 306 pp.
R. P. Bonifatius Luyckx, Professor S. Theologiae in conventu Ord.
Praed. in Huissen (Hollandia), hoc opus suum, fructum multi laboris,
dedicavit S. Thomae, amico S. Bonaventurae, occasione centenarii sexti
illius canonizationis. Exponens doctrinam S. Bonaventurae de cognitione
humana auctor librum suum in partes duas divisit: in priore (1-165)
agens de nostra cognitione mundi visibilis, in altera de invisibilis co­
gnitione (166-281).
Per modum introductionis (1-12) primo agit de anima eiusque po­
tentiis, de quibus fusius tractat p. 85sqq. Doctor Seraphicus has poten­
tias <animae consubstantiales » dicit, ideoque non mirum, eum docuisse
possibilitatem animae immediate operandi (10). — Quoad sensus S. Bo­
naventura docet eos manere etiam in anima separata, utpote pertinentes
ad essentiam animae, sed eos non ponere actum, quia cessavit organum.
Sensus non falluntur quoad sensibile proprium (13-37). — In < ratione
inferiori» nihil est nisi per sensus; hoc in puncto S. Bonav. peripate­
ticus dici potest. Pro cognitione tamen mundi invisibilis Seraphicus cum
aliis augustiniano-platonicis adhuc alios fontes admittit, quia spiritualia
non per sensus cognosci possint (39). Historicorum interest illa pars,
in qua auctor agit de S. Bonav. et adversariis eius quoad doctrinam
de intellectu agente et possibili (59 ss.). Impugnavit Seraphicus fortiter
doctrinam Averrois de unico intellectu, uti etiam, ait auctor, S. Thomas
in « De unitate intellectus contra Averroistas » (63). Hic in nota auctor

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286 BIBLIOG RAPHIA.

referre potuisset, die 10 dec. 1270 condamnatum fuisse i. a. « quod in­


tellectus omnium hominum est unus et idem omnino*. — Doctor Se-
raphicus admittit cum magistris suis «intellectum separatum », aliis
verbis illuminationem divinam, ad habendam certitudinem absolutam:
« Omnis igitur, ut dicit Augustinus, De vera Religione, vere ratioci-
nantis lumen accenditur ab illa veritate (Dei) et ad ipsam nititur per­
venire » (Opera N, 304b). — lure merito P. Luyckx ostendit Bonav.
hac in re differre a S. Thoma (200ss.) defenditque Doctorem Seraphi-
cum contra accusationem Ontologismi (242 ss.). Nullibi enim docet Deum
hac in vita esse obiectum immediatum quod nostrae cognitionis, sed
tantum generale principium quo nostrae certitudinis.
De nostra cognitione Dei docet S. Bonav. nos habere intuitivam
cognitionem Dei (255), non tamen cognitionem a priori. Intellectui recte
cogitanti, Deum esse per se notum est. Hac in doctrina appropinquat
S. Anselmo (259), diftert tamen a S. Thoma, quod auctor contra P. Jeiler
(in Der Katholik,lS77, I, 113-47; 225-69; 337-53 et addi potest : in De
humanae cognitionis ratione, Ad Claras Aquas 1883, 17 s.) fusius probat
(p. 261 ss.). Habemus etiam cognitionem Dei rationalem a posteriori,
cuius « viae » secundum theoriam S. Bonav. de cognitione tres sunt:
natura creata sensibilis, ipsa anima et prima veritas seu rationes aeter­
nae (269 ss.). — Acto adhuc de cognitione ab anima separata, Dr. Luyckx
conspectum summarium exhibet totius doctrinae Seraphici circa cogni­
tionem conaturque indicare merita Sancti seu locum eidem compe­
tentem in historia huius problematis. Nimis categorice videtur auctor
loqui de simultaneitate Commentarii S. Bonav. et illius S. Thomae:
« Gewiss haben Bonaventura und Thomas gleichzeitig ihre Sentenzen-'
kommentare geschrieben » (290). Videtur enim S. Bonav. iam terminasse
hoc opus suum anno 1252, quando S. Thomas forsan vix incepit Com­
mentarium suum.
Quamvis P. Luyckx ubique se ostendat fidelem sequacem S. Thomae,
non possumus quin laudemus eius obiectivitatem pietatemque erga S. Bo-
naventuram. Gratias etiam meretur nostras pro additis bibliographia
et indicibus. — Paucas easque minores tantum maculas observavimus
in hoc magnae eruditionis et patientiae labore. Sic v. g. anachronismum
sapit: « Bonav. war also weder Thomist.... » (286, 253 et alibi). — Pag. 10
nota 47, addi potuisset locum allatum agi de luce, non de anima. —
P. 104 lin. 15 legatur * niederen * loco « menschlichen », quia secus di­
visio libri non liquet. — P. 133 translatio loci in nota 46 allati non est
ad unguem, quamvis sensus salvetur.
De eo quod auctor passim aristotelismum thomisticum* ut progres­
sum S. Theologiae considerat contra platonicismum augustinianum, qui
a S. Bonaventura defenditur ut Traditio, non est quot} hic plura loqua­
mur, neque de aliis iudiciis aestimativis in re theologica.
P. Willibrordus Lampen, O. F . M .

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CHRONICA
— 3—

CHRONIQUE ETRANGÈRE, 1 9 2 1 -1924.


ALLEMAGNE. - On ne nous en voudra pas de mettre en tête
de cette chronique un des livres parus seulement à la fin de 1923; son
importance nous paraît justifier pleinement cette préférence. Die Ideale
d** heil. Franziskus von Assisi von Dr. P. H ILARIN F ELDER, O. M. Cap. ;
Paderborn, Ferd. Schôningh, 1923; in-8°, xvi, 540 pp. (Gm. 7,00). [Par
ce sigle: Gm. nous e n te n d o n s t o u j o u r s des Goldmarks; tout en
avertissant que les prix ne semblent pas toujours constants et fixes].
— La compétence de l’auteur est universellement reconnue; v. AFH
II. 131-37; IV, 624. Son célèbre ouvrage sur le s é tu d e s d a n s l’o r­
dre de S. F r a n ç o is j u s q u ’à v e r s le m ilie u du X I I I e s iè c le
(voir 11. cc.), œuvre magistrale, malgré quelques imperfections, n’avait
été qu’une découpure du présent livre de plus grande envergure. C’est
l'auteur lui-même qui en fait l’aveu (p. ,vs.). Voilà plus de trente ans,
nous dit-il, que nous nous sommes proposé la question: S. F r a n ç o is
que v o u l a i t - i l , e t n o u s q u e d e v r io n s - n o u s en d é d u ire ?
tp. v). Il a'voulu nous représenter l’id é a l de S. F r a n ç o is , en l’é­
claircissant de tous les côtés et à tous les points de vue, en suivant son
développement dans un milieu qui lui réservait forcément des heurts
inévitables et souvent cruels. Nous nous trouvons donc en présence
d’un ouvrage de longue maturation, mettant à profit toutes les sources,
tant directes qu’indirectes, et les résultats acquis dans les controverses
soulevées à leur propos. La discussion et l’exposé sont amples et les
références sont très nombreuses, l’auteur n’ayant voulu glisser sur au­
cune question; il a préféré les aborder courageusement, afin de les ap­
profondir. Voilà qui explique pourquoi ce livre ne comporte pas moins
de 19 chapitres. Nous ne saurions en reproduire ici les titres; d’autre
part nous n’oserions les réduire à quelques chefs, craignant de forcer
la pensée de l’auteur. Cédant à la curiosité, d’ailleurs légitime, de
plusieurs lecteurs, nous signalerons tout de suite que la question, ren­
due « brûlante > par l’ouvrage du R. P. H i l a r i n sur les é tu d e s (en
1904), n’a été traitée qu’au chapitre 17e : Die franziakaniache Wiasen-
whaft (433-472). L’éminent et docte auteur a nuancé un peu, — mais
assez, croyons-nous (v. AFH II, 135), — son ancienne opinion sur le s
ra p p o rts e n t r e S. F r a n ç o is e t le s é tu d e s , en tant qu’il est
moins affirmatif sur l’approbation plus ou moins explicite que S. Fran­
çois aurait donnée au développement pris par les études. — Un cha­
pitre préalable renseigne brièvement sur les s o u rc e s ^p. xixvi). A plus
tard donc un compte rendu plus détaillé. X

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288 CHRONICA.

Ajoutons que plusieurs chapitres de cet ouvrage remarquable ont


ont déjà été traduits dans les Etudes Francise., qui en ont eu, ainsi, la
primeur. Le chapitre I (1-25) au t. XXXIV, 1922, 211-31: £. François
et VEvangile ; le chap. II (26-49) ibid. 346-66: £. Fr. et le Christ.; le
chap. III (50-70) ibid. 520-37: Fr. et VEucharistie, et le chap. IV
(71-91), 1. c. XXXV, 1923, 153-70: Fr. et l'Eglise. C’est dire qu’une
traduction française de tout l’ouvrage par le R. P. E u s è b e de B a r l e -
Duc, est en préparation.
*** Du recueil publié par Mr. le Prof. B. B ess, Unsere religiosen
Erzieher, a paru une seconde édition : Leipzig, Meyer & Quelle, 1917 ;
in-8’, 2 vols., xi, 335 et 344 pp. ; voir sur la I rc : AFH 1, 446s. L’article sur
S. F r a n ç o is d’A s s is e est dû à la plume compétente du Prof. K ARL
W ENCK, Franz von Assisi, t. 1, p. 215-48.— Il a largement remanié son
article de la I re édition, t. I, p. 197-227 (sic). Il a même, de son mieux,
accentué plusieurs pensées très justes de 1908; il est en réalité très
modéré et très conciliant. Il appuie sur le développement naturel de
l’o r d r e que S. François visait dès 1209-10, et ‘qui devait nécessaire­
m ent’ causer des désappointements à son fondateur idéaliste «manquant
de talent organisateur » (221). Il nie le conflit tragique entre S. F ran­
çois et le cardinal Ugolino ou l’Eglise ^233-42). Ugolino devint < l’ami
parternel et le conseiller» (Berater) de François « dès le début de 1217 »
(237). « Le malentendu de Mr. P. Sabatier provient de ce qu’il a per­
sonnifié en S. François et Ugolino les contrastes historiques et sans
cesse renaissant (icelthistorisch) entre l’hiérarchie et la prédication e r­
rante (Wanderpredigt) faite en toute humilité et pauvreté » (237). Vu
le caractère de chacun : le cardinal bienveillant, condescendant, doué de
« sens artistique » et (partant) habile diplomate : le Saint humble, défé­
rant et obéissant, il fut facile d’éviter les chocs et les conflits (233-8).
— Mais nous devons noter, que de la sorte, le rôle de S. François de­
vient par trop passif. La bibliographie a été forcément reléguée à la fin
(247-8), l’A. n'ayant pas pu faire ressortir, ainsi, pour le commun des
lecteurs, les parties originales de son article.
Signalons la septième édition de: Der heilige Franz von Assisi.
Eine Lebensbeschreibung von J OHANNES J OERGENSEN. Autorisierte Ueber-
setzung ans dem Ddnischen von H e n r i e t t e G ra e fin H o l s t e i n Le-
d r e b o r g 7 Auflage. München & Kempten, Jos. Kôsel & Fr. Pustet,
1922; pet. in-8°, xx, 538 pp. (Gm. 3,50). — Le terme: V II e édition se
réfère sans doute à toutes les éditions parues de la version allemande,
dont la première a vu le jour en 1908; ibidem, in-8°, xvin, 675 pp.; voir
AFH I, 197, 206. Car la VIIe édition reproduit le texte de l’é d itio n
p o p u la ir e ; voir AFH XIV, 340. Précisons donc mieux que nous ne
l‘ayons fait, 1. c. La grande introduction critique sur le s s o u r c e s
(p. 1-126 de la version de 1908, et correspondant aux pp. I - LXIV de l’original
danois; voir AFH I, 131-5^ a été supprimée; la simple énumération des
sources (p. xvn-xvni) ne saurait certainement la substituer. — Le
t e x t e de la v ie et a u s s i le s n o te s de cette nouvelle édition et
de la première de 1908 [= A], voire la pagination, sont identiques:

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CHRONICA. 289

p. 1-263 (=-- A, p. 129-391) et ensuite p. 278-537 (= A, p. 412-671). Il y


a donc divergence aux seules pp. 264-277, qui ne correspondent pas à A,
p. 392-411; c’est-à-dire pour le seul chapitre III e du livre IIP, où est
traitée la question de VIndulgence de la Portioncule. A l’encontre de
l’original danois (p. 134-43) et de la version de 1908, l’auteur y dé­
fe n d l’a u t h e n t i c i t é de la dite Indulgence. Sa rétractation à passé
dans les autres versions; v. AFH II, 530; III, 590; VI, 338s., XIV, 542.
L’ayant basé sur le seul article du R. P. H e r. H o lz a p fe l, publié
ici-même, I, 31-44, l’auteur renvoie, dans une note supplémentaire (538),
aussi au livre du regretté A. F ie r e n s ; v. AFH IV, 601-3. Le texte
de l’édition ayant été apparemment stéréotypé, il n’a pas pu être tenu
à jour, et plusieurs « danismes » de la traductrice, p. ex. Alvernerberg
(465 ss.) etc., ont été constamment reproduits.
«L’e s p r i t de S. F r a n ç o is e t de se s o r d r e s ; e s s a i
d’une p s y c h o lo g ie de l ’O rd re f r a n c i s c a in » voilà le titre d’un
intéressant travail, mené puissamment et avec grande force de combi­
naison, aux coupes hardiment trachantes, abondant souvent en idées
justes et en pensées profondes. Mais c’est dire, aussi, qu’il est large­
ment subjectif, à la façon de tous les e s s a is , et comme le liv r e
s u r S. F r a n ç o is de la même M.lle F a n n y Im le ; v. AFH VII, 794;
XVI, 264. — Der Geist des heiligen Franziskun und seiner Stiftung.
Ein Vernuch zu einer Psychologie des Franziskanerordens von Dr. F.
I MLE; Mergentheim, Karl Ohlinger, [1921]; pet. in-8°, 282 pp. (Gm. 4,50).
— En essayiste de marque, l’auteur vous promène sans achoppements
et sans hésitations à travers les siècles, préoccupée qu’elle est de vous
dévoiler la psychologie de l’histoire franciscaine, ne se souciant guère
de l’histoire pragmatique. Aussi se passe-t-elle de références, et la bi­
bliographie sommaire à la fin du volume (278-80), pourra vous ménager
des surprises, par ses lacunes, et des méprises, par ses inexactitudes.
Voici donc le contenu de l’ouvrage, susceptible d’une division plus
logique, nous paraît-il. Dans l’introduction l’A. tâche de caractériser
brièvement S. François (5-7). — Livre I (11-85). Chap. I (11-32): « Der
seraphische WiUensgeist à peu près: ‘L’esprit franciscain volontariste’
où on parle de l’humilité (11-4), de la mystique (14-24 , de l’art fran­
ciscains, etc. — La tendance au concret dans la piété franciscaine (ch. Il;
33-47); l’attitude franciscaine vis-à-vis de l’Ecriture Sainte (ch. 111;
48-53) et de l’Eglise (ch. IV ; 54-63); la franchise (ch. V ; 64-71), la cha­
rité, la gaîté et la souffrance franciscaines (ch. VI, 72-85). — L iv r e II
(89-115). La constitution de l’Ordre, les vœux, les réformes (ch. l-III).
— L iv re III (119-50): L’influence sociale des Franciscains (ch. I-IV ;
119-36); leur action sur la culture générale (ch. V; 137-42) et sur les
arts (ch. V; 143-50). — L iv re IV (153-277), pouvant être intitulé: Les
Franciscains et les sciences philosophiques et théologiques. Le fond en
aurait été toujours[?] le binôme: Augustinisme et empirisme anglais
(153-7). — Chap. I; 158-170: * Franziskanismus und Augustinismns *.
La philosophie franciscaine et les éléments constitutifs de l’être (ch. Il;
171-83); la psychologie et la gnoséologie des Franciscains (ch. III, IV;

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290 CHRONICA.

184-90, 191-9). Leur théologie par rapport à la gnoséologie (ch. V; 200-


18), Dieu et la Trinité (ch. VI; 214-27), et la création (ch. VII; 228-35).
Leur sotériologie et Christologie (ch. VIH; 236-50); la Mariologie (ch. IX :
251-6); la théologie morale (ch. X; 257-67) enfin l’eschatologie (ch. XI,
268-74). Voir sur les idées dominantes du IV livre, AFH XIV, 358.
*** Faisant fi de tous les critères objectifs, guidé par les préoccu­
pations d’une «mystique créatrice», très moderne, naturaliste et «re­
ligieuse » à sa guise, un auteur a voulu mettre S. François en rapport
avec une série d’idées toutes modernes. Voici donc, sans plus, le titre de
ce livre: Franziskus von Assisi von ALEXANDER BEYER, Dresden, Cari
Reissner, 1923; in-8°, 178 pp., dans la collection: Schopferische Mystik.
Am QueUborn franziskanischen Geistes. E infühm ng in den Sinn
und das Wesen der Hegel des hl. Franziskus von P. GALLUS H ASELBECK,
O. F. M., Mergentheim, K. Ohlinger, [1923], in-16°, 119 pp. (Prix: lire,
(fr.) etc. 3,75; relié demi-toile L. 5,40; toile, L. 7,50). — « A la source de
Vesprit franciscain. Introduction dans le sens et la substance de la règle
de S. François » (entendez la règle du I r Ordre), tel est le titre d’un
petit livre par lequel le P. GALLUS H ASELBECK inaugure lui-même sa
nouvelle collection: * Franziskanische Lebenswerte »: ‘ Valeurs vitales
franciscaines’ ou ‘Valeurs franciscaines de vie pratique’. Les titres mê­
mes des trois chapitres du livre: I: La vie individuelle du Franciscain
(9-52), basée sur le renoncement le plus absolu (11-39), lui assure né­
anmoins la liberté des enfants de Dieu (40-52); II: la communauté re­
ligieuse (53-69); III: le Franciscain et le monde (70-116), la prédication
par l’exemple (74-108) et par la parole (109-116), ces titres disons-nous,
font ressortir clairement le contenu de cet écrit finement conçu et ha­
bilement conduit. Au fond, c’est un commentaire sommaire de la règle
de 1223, offrant maintes remarques très judicieuses. — La n o u v e lle
c o l l e c ti o n contiendra une l re série de t r a i t é s puisés aux anciennes
sources franciscaines. Elle se propose en o u t r e de divulguer, en les
t r a d u i s a n t , une serie d’ouvrages franciscains ascétiques et mystiques.
Aussi lui souhaitons-nous la plus grande propagation. ,
Le choix de Légendes franciscaines recueillies dans les Fioretti,
le Speculum Perfectionis. Celano I et II, la Chronica 24 Generalium,
et la Chronique de Fr. Jourdain de Giano par le-R. P. H e r. H olzap-
fel, O. F. M., a eu un succès bien mérité; voir AFH I, 488s. En 1911
il en publia une s e c o n d e é d itio n très légèrement retouchée. En 1921
cette édition a été reproduite ; le tirage en était au 8,ue à 9u,e mille.
— Franziskus-Legenden. AusgewahU fur das deutsche Volk von Dr. P.
H ERIBERT H OLZAPFEL, im Franziskanerkloster in München, 8-9 Tausend.
München & Kempten, Jos. Kôsel & Fr. Pustet, [1921]; in-12°, xxiv,
157 pp. (Gm. 1,50): fait partie de la collection: Sammlung K bsel,^ 0 \b.
Franziskus von Assisi. Dargestellt von dem heil. Kirchenlehrer
Bonarentura. Deutsche Uebersetzung von P. G ISBERT MENGE, Franzis-
kaner. Zireite Auflage. Paderborn, Bonifacius-Druckerei, 1921 ; in-8®,
101» pp. (Gm. 1.50). — C’est la seconde édition de cette traduction exacte
et limpide: voir AFH XIV, 340. Elle comprend les 15 chapitres de la

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CHRONICA. 291

Leg. maior; les Miracula post mortem ostensa ont été omis, comme
n’offrant rien de saillant pour la personnalité de S. François (5). -
P. 92 = chap. XIII, 10, lisez San Gemini au lieu de « Interamne » (ce
qui serait d’ailleurs Terni). Le P. G. M. a été induit en erreur par la note
de l’édition de Quaracchi qui ne prête néanmoins pas à équivoque. —
P. 97 = ch. XIII, 5: S. François ne resta pas à l’Alverne 40 jours après
avoir reçu les stigmates, mais jusqu’à la fin du carême de St. Michel.
Legenda trium Sociorum. Bericht ron dem Leben des hl. Franzis-
kus ron der Tradition zugeschrieben den Brüdern Léo, Rufinus und Ange­
lus seinen vertrauten Geführten. München, Theatiner-Verlag, MCMXXIII;
in-12°; [IV], 140 pp., et 8 planches hors texte reproduisant des fresques
de Giotto dans la basilique d’Assise; (Gm. 3,00). Au verso du titre:
Uebersetzung und Nachuort von SIEGFRIED J OHANNES H AMBURGER. —
La dite courte péroraison appuie sur l’intimité des Tres Socii avec
S. François, ‘dont fait preuve la légende’ (134-5). On ne jugera pas inu­
tile de relever les beaux caractères et l’excellent papier de cette tra­
duction, faite aussi soigneusement que loyalement. Néanmoins le traduc­
teur a achoppé dans plusieurs passages. P. 47 ( = n. 22) paropsis (par-
rasis) n’est pas une besace, mais une écueUe; p. 71 taxilli a été traduit
par * Klbtzchen *, au lieu de < Würfel»; le matutinum n’est pas « das
Amt des Morgens > (73), mais die Mette; les militaria arma (11) ne fu­
rent pas « Waffen des Krieges », mais « Ritterwaffen » (v. aussi 12, 1. 9s.
et 10, 1. 13s. et 19). Ajoutons que l’A., qui est resté muet sur ce point,
a suivi, apparemment, l’édition de Mgr. F a lo c i (1898), divisant de la
sorte son texte en 18 chapitres (1-128), mais omettant de bon droit’ le
chap. 19e . Il a toutefois ajouté, en guise d’appendice (129-33), une version
de VAddio di S. Francesco alla Verna de Fr. Masseo. Cf. AFH VII, 377.
La même librairie, fondée par Mr. le Prof. Dr. D i e t r i c h von
H ild e b ra n d , a entrepris de publier une nouvelle traduction d’O eu ­
vres c h o is ie s et avant tout m y s tiq u e s de S. B o n a v e n tu r e , en
8 volumes, dont le premier a déjà paru. — Des hl. Bonaventura Werke
in acht Baenden, herausgegeben von P. E LZEAR SCHULTE, [O. F. M.],
D. VON H ILDEBRAND und SIEG . J OH. H AMBURGER. Erster Band. Des hl.
Bonaventura mystisch-ascetische Schriften. I Teil. Fach der Ausgabe von
Quaracchi übertragen und herausgegeben von SIEG . J OH. H AMBURGER,
München, Theatiner-Verlag, 1923; in-12”, 183 pp. (Gm. 2, 50; relié en
carton, Gm. 3,50). — Le I volume contient: Von den fû n f Festen des
Kindes Jesu (5-32), Der mystische Weinstock oder Traktat von dem Lei-
den des Herrn (33-105), B rief enthaltend 25 Merkpunkte (107-134), Von
der Lenkung der Seele (135-45), Abhandlung von der Vorbereitung zur
hl. Messe (147-78). Le même auteur, S. J. H., y a donc traduit, d’après
l’édition de Q u a ra c c h i (t. VIII, 1898): De V festiv. pueri lesu, Vitis
mystica, Epist. X X V Memorial., De regimine animae, enfin le Tract.de
praep. ad missam; pas un mot d’introduction, ni aucune note. Partant
nous doutons que les seuls guillemets, marquant les citations explicites,
puissent mettre à même le lecteur de savourer le style bonaventurien,
tout imprégné d’allusions scripturaires. Avouons que le traducteur s’est

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292 CHRONICA.

appliqué constamment à suivre de très près l’original. L’exécution ty ­


pographique ressemble beaucoup à celle du volume précédant, sans to u ­
tefois l’égaler. — Le passage: Op. 88a, n. 2, 1. 4, n’a pas été rendu en
toute exactitude (11). — P. 13, 1. 7 = Op. 90a, 1. 6, on a omis quelques
belles expressions; de même 15, 1. 15 = Op. 90b, n. 6, 1. 6. — P. 71 =
Op, 174a: materna compassio, corrigez das Mitleid mit seiner Mutter en
das Mitleiden seiner Mutter. — P. 109, 1. 2 il y a une coquille, l’original
portant (491): Fratri N.
Le soin scrupuleux d’une e x a c te traduction qui avait inspiré
Mr. le Dr. H. S c h ô n h o ff e r dans sa bonne et fidèle version allemande
des Fioretti (voir AFH XV, 525-9), a été même poussé plus loin dans
sa traduction du Speculum Perfectionis. — Spiegel der Vollkommenheit
des hl. Franziskus (Speculum Perfectionis). A u f Grund gedruckter und
ungedruckter Quellen herausgegeben vor Dr. H ANNS SCHOEXHOEFFER. M it
einem Titelbild; Freiburg i. Br., Herder & Co., 1922, in-12°, XX, 208 pp.
(Gm. 3,50), dans la collection Blütenranken um das Leben des hl. F ran­
ziskus von Assisi und seiner ersten Ordensbrüder, herausgegeben von Dr.
H. SCH., II e vol. — Le traducteur, loin de se contenter de mettre en
œuvre les éditions de S a b a t i e r (Paris 1898) et du P. L. L e m m e n s
(Ad Cl. Aquas 1901), a aussi contrôlé le texte des MSS. de M u n ic h
lat. 9068 ( = M), de B e rlin , theol. 4°, 196 (= B) et celui du Spéculum
Vitae, Venetiis 1504. Les notes à la fin du volume (p. 195-208) en té­
moignent largement. Là il désigne par R le MS. de St. Isidore 173,
mis à la base de son édition par le P. L e m m e n s. Mr. SCH. a traduit
tous les 124 chapitres (p. 1-191) du Speculum éd. Sabatier; il y ajouta,
en la prenant de M et B, la prière de S. François devant le Crucifix
de S. Dainiano (193). Il a en outre intercalé comme chapitre 19 a, p. 37-8.
le beau Floretum de M. f. 358 v et en a publié le texte latin en l’appen­
dice, 192-3. Car il avait appris par des ouï-dire vagues que Mr. P. S a ­
b a t i e r avait découvert ce texte «dans un autre MS.». 11 lui suffira
de se rapporter à l’AFH VIII, 381 et 675-6, pour s’informer à ce sujet.
Mr. A. G. L i t t l e y a publié ce texte d’après le même manuscrit M.
La seconde pièce de l’appendice (193-4) est le Cantico del sole d’après
le MS. B, f. 98 v. — Une autre intercalation ou plutôt interpolation est
constituée par le chap. 18a, (sur le Frère ayant honte d’aller mendier)
(35-6), puisé dans M et B. Remarquons que ce n’est que le chap. 67
des Actus, éd. Sabatier. — Il n’est pas de mise de traduire, dans d’an­
ciens textes franciscains, habere par besitzen (posséder), p. 13, 15 (2 fois)
16 (3 fois), etc. — P. 21 la toiture est trop vague, pour rendre lascae =
lastrae, c’-à-d. les tuiles. — P. 30 recurrit ad veniam a été rendu par:
« er ging sofort zur Busse* au lieu de: il demanda pardon. — P. 42
nummata n’est pas: «w are^ (marchandise), mais une pièce d’argent.
— P. 58 les mots licet alienus [pannus es.sef] ont causé une méprise
évidente. — P. 61 pourquoi imprimer: B... au lieu de Rocca? (Voir Sa­
batier, 67 s.). — P. 69 il s’agit d’une citation, assez libre, de la Regula l,
c. 9 (cf. S. Franciscus, Opuscula, 36 s.). — P. 70 le traducteur a inséré
quelques brèves additions puisées dans R; de même, 71 (à la fin), 104,

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CHRONICA. 293

142-3, 166-7, etc.: par contre, en s’attachant précisément à R, il a omis


des passages, 73, 82, 136, 158, etc. Puisque Mr. SCH. ne parle jamais de la
seconde rédaction du Speculum, son attachement à R, dû à sa très grande
scrupulosité, l’a porté, bon gré mal gré, à nous donner une traduction
quelque peu contaminée. Ainsi des chapitres entiers: 49 et 67, repro­
duisent le texte de R, qui a eu trop d’emprise sur lui; voir aussi le
chap. 81, etc.
La seconde traduction allemande du Spec. P erf, parue simulta­
nément, contraste vivement avec la précédente. Aussi son traducteur
n'a-t-il pas visé à traduire avant tout exactement, mais il a voulu faire
plutôt une œuvre littéraire dont la tournure ne fût pas privée d’origi­
nalité. Ayant un beau style et personnel, il y a réussi, quoique l’allure
du vieil original latin ait ainsi disparu avec force petits détails, pou­
vant faire achopper une plume si allerte. Le titre même de l’original &
dù s’y plier; les lourds titres des chapitres ont été réduits à quelques
mots, voire souvent à un seul substantif marquant et expressif. Les
hexamètres léonins des Praerogativa Portiunculae (chap. 84) ont été re­
fondus, très heureusement, en vers libres à la moderne (120-2). Aussi
ne nous attarderons-nous pas à tels détails omis ou rendus à sa guise
par le traducteur, qui est lui-même poète de quelque renom. Une brève
introduction renseigne rapidement sur les controverses suscitées par le
Spec. Perf. (5-8); aucune note n’accompagne la version (19-191) des 124
chapitres de l’édition de Mr. P. Sabatier. — 1m Spiegel der Voilendung.
Em Franziskanisches Lebensbuch herausgegeben von R OBERT H AMMER,
0. Fr. M., Regensburg, Jos. Kôsel & Fr. Pustet, Koinmandit-Gesellschaft;
pet. in-8°, 191 pp. (relié, Gm. 4,50).
M.me la chanoinesse E. VON NÉMETHY vient de publier de sa
version allemande du Sacrum commercium (v. AFH VI, 409) une se­
conde édition légèrement retouchée. — Die mystische Hochzeit des hei-
ligen Franziskus mit der Frau Armut. Nach einem Tejjt des X IV Jahr-
hunderts in deutscher Sprache herausgegeben von E. VON NÉMETHY; Leip­
zig, Insel-Verlag, [1923]; in-12°, 58 pp. (Gm. 0, 75). {Insel-Bücherei,
Nr. 353). — Elle a tâché de donner à son langage une légère teinte
d'antique, que goûteront sans doute certains lecteurs. Quelques mots
d’introduction sur les éditions latines et italiennes du Commercium (5-7),
que la traductrice dit être composé en 1227, sans plus, précèdent sa
version. Celle-ci suit en général de très près le texte italien publié en
1847 par P. F a n f a n i (non pas Alfani) et E. B in d i, texte parfois dé­
fectueux. De là provient p. ex. l’expression insignifiante: der Konig der
Stiitte (18), alors qu’il s’agit du texte du Cant. 1, 11; voir aussi, 20,
1- 3-4 et 1. 10-11 où l’original latin se réfère clairement à Luc. 2, 7 et
9, 58. Il aurait fallu avoir toujours de front cet original et la vieille
version italienne. La description du couvent au chap. 23 a été assez
malmenée; au lieu de <das Kollegium » il faut lire * der Kapitelsaal •,
et <chiostro » ou « claustrum » n’est pas « das Kloster » mais « der
Kreuzgang*, (51), etc. L’édition de Milan n’a pas paru «sur la fin du
Cinquecento » (7), mais le 4 novembre 1539. Beau produit typographique

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294 CHRONICA.

des presses de Breitkopf et Hàrtel de Leipzig, la II* édition le cède


pourtant, sous ce rapport, à la première.
Legenden vom heil, Franz von Assisi, München, Hyperionverlag :
in-32‘, 156 pp.; au verso du titre: * gedruckt im Sommer 1920 in der
Spamerschen Buchdruckerei in Leipzig*. Le nom du traducteur se lit
seulement à la fin de l’é p ilo g u e (151-4): «Dr. J OHANNES BUEHLER ».
Il y parle de S. François et des Fioretti, où il a, en effet, puisé presque
la totalité des légendes ici traduites, sans préciser d’avantage. Celles-ci
il les a groupées sous cinq rubriques: I) «S. François et ses compa­
gnons » (7-35; chap. I-V). Il y traduit plus ou moins complètement les
chapitres suivants des Actus, chap. 7, 11, 13, 14, 32. — II) « S. F ra n ­
çois et les femmes » (36-56). De ces 5 chapitres 3 ont été pris des Actus,
chap. 15, 18 et 27, n. 9-14: les deux autres on est allé les chercher
dans Barth. de Pise, AF IV, 477, 1. 31-478, 1. 3 (la femme à Barh et
476, 1. 15-20 (la femme maudite par S. François pour avoir dérangé son
sermon en frappant la cymbale). — III) « S. François et les animaux *
(57-88). — IV) « S. François reçoit les stigmates » (89-111i; c’est la pre­
mière considération sur les stigmates. — V) «Les disciples de S. François »
(112-150): Fr. Egide, Junipère, etc. d’après les Fioretti.
*** En vue des centenaires qui seraient célébrés en 1921, en 1923
(la crèche), en 1924 et en 1926 le R. P. R OBERT H AMMER, O. F. M. a
eu l’heureuse initiative de venir en aide aux organisateurs de ces fêtes.
Konig und Bettler. Fin Franziskusbuch fü r den Festsaal, herausgegeben
von P. R. H., Wiesbaden, Herm*. Rauch, 1921; pet. in-8°, xn, 155 pp.
— De fait, poussés par lui, bon nombre d’auteurs ont traité, sous les
aspects les plus divers, l’action et la vie de S. François, tant en prose,
(2-55, 81-93) qu’en vers (57-79). Le P. R. H. (voir supra, 293) y a con­
tribué par un petit drame: S. F r a n ç o is d e v a n t le s u l t a n (95-110);
le P. F r a n z S o la ç G r u b e r , O. F. M., a esquissé et arrangé 19 tab­
leaux vivants: etc. Aux dires des journaux (Tertiarenzeitung ; v. AFH
XIV, 378) et de nombreuses re v u e s m e n s u e lle s le recueil du P. R. H.
a été très apprécié et très utile.
*** Charmantes créations de pure fantaisie, écrites en un style plein
d’effet, on ne s’étonnera pas que les ‘ Légendes de S. François ’ par
F. A. H o lla n d aient été très goûtées par un grand public. En 1922 on
a pu en tirer du 16'“* au 18"ie mille. — Franz von Assisi. Legenden von
F. A. H OLLAND, 16-18 Tausend. München und Kempten, J. Kdsel &
Fr. Pustet, 1922; in-12‘, 156 pp. (2 Gm.). Voir AFH VII, 791-2.

Nous avons relevé dernièrement les matériaux des années 1914 à 1920
(I-VII) des Franziskanische Studien: v. AFH XIV, 348-61. Aujourd’hui
nous avons à recenser les articles de tous les fascicules parus depuis.
VIII, 1921. — K ONR. E CBEL, O. M. Conv., Die lOOjahrige Nieder-
lassung (ter Franziskaner-Minoriten zu Würzburg, 1-47; au début une
vue de l’église en 1615 et une vue de l'église et du couvent en 1921. —
L’évêque de Wurtzbourg assigna à Fr. Césaire de Spire, arrivé dans
cette ville en novembre 1221, l’ermitage de S. Barthélémy. En 1223 le

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CHRONICA. 295

IIIe chapitre de la province naissante d’Allemagne fut célébré à W urtz­


bourg (2-4). En 1249 et 1250 l’évêque autorisa les Frères Mineurs à
construire un nouveau couvent sur l’emplacement actuel; Innocent IV
approuva cette mesure par deux bulles de 1250 (5-7; Eubel, Epit. BF.
248-50). Par une autre bulle du 14 nov. 1245 Innocent IV les avait chargés
de pourvoir au bien spirituel des pauvres lépreux (10). Les querelles avec
le clergé séculier à propos de la confession éclatèrent à W urtzbourg
dès 1254 (11 ss.). L’A. note des fondations en faveur de l’église à partir de
l’an 1334 (13ss.). De 1611 à 1615 les bâtisses de l’église et du couvent fu­
rent restaurées et refaites; la nef de l’église ne fut voûtée qu’à cette
époque (24 ss.). En 1803 le gouvernement défendit aux Pères Conven­
tuels d’accepter des novices, mais en 1839 le roi Louis I de Bavière les
y autorisa de nouveau. Quand en 1857 l’ancienne Province de Stras­
bourg O. M. Conv. fut restaurée, le couvent de Wurtzbourg fut déclaré
résidence du Provincial. La belle et savante monographie du regretté
P. K. Eubel (v. AFH XVI, 282), mettant à profit les archives du couvent,
nous donne d’abondants détails sur ce couvent franciscain, actuellement
le plus ancien de l’Allemagne.
Fr. P ELSTER, S. J., Wilhelm von Vorillon, ein Skotist des 15. Jahr-
hunderts, VIII, 48-66. — A) Dates biographiques (49-56). En 1429-30:
Fr. GuiUermus de Valle ReuUon, bachelier, lisait à Paris les Senten­
ces; en janvier 1448: Fr. Guül. de Valle Rullonis y était licencié en
théologie, mais déjà le 28 mai 1448, il était maître régent.'Etant breton
et appartenant au couvent de Dinan (?), il semble ê t r e né à Vau-
rouaut. village du dép. Côtes-du-Nord. Il fut ensuite Minister provin­
ciae Turoniae. En 1462 il prit part à la controverse sur le précieux
sang répandu durant la passion, controverse entre Dominicains et Fran­
ciscains, que Pie II avait évoquée devant lui. Vorillon semble être mort
au commencement de 1462; quoique conventuel, il fut enseveli dans
l’église d’Aracoeli de Rome. — B) Sur l’époque et les éditions de ses
é c rits: 1) Son Opus super IV libros Sent., souvent imprimé depuis 1489,
ensemble avec ses Principia, a été écrit peu après 1430. 2) Son Va-
demecum vel Collectarium non opinionis Scoti, sed opinionum in Scoto
nullatenus signatarum a paru seulement à Padoue vers 1485, avec le
Collectarium super quodlibeta Scoti (56-60). Le Vadetnecum a été com­
posé avant VOpus sup. 4 U. Sent., où il est cité: 1. IV, d. 11, 2. Au con­
traire le Collectarium y a été aj ou té par un de ses disciples. — C) Sur
la méthode suivie dans son Opus sup. 4 libr. Sent. (60-6). C’est un ma­
nuel scolastique, clair et précis, visant à exposer et à défendre les théo­
ries de Duns Scot. Vorillon y est trop épris de la divisio ternaria; il a
grand soin du style de sa phrase limpide et très souvent cadencée ou
rythmique.
GEORG B UCHWALD, Die Ars praedicandi des Erfurter Franziska?
ners Christian Borgsleben, VIII, 67-74. — L’Ars praedicandi, sorte de
précis d’éloquence sacrée, fut composée à E r f u r t , après 1464, pour les
Frères Mineurs qui y suivaient les cours de l’université. L’auteur
entendait ressusciter le modus... fere abolitus des sermons d'épreuve

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296 CHRONICA.

qu’avaient donnés autrefois les frères clercs et les jeunes prêtres (68-74).
Le texte de ce résumé très pratique est tiré du MS. 616 de la biblio­
thèque de l’université de L e ip z ig .
J. K ARTELS, Klôster und Zünfte ini alten Mainz, VIII, 74-9. —
Sur les Capucins et le corps de métiers (menuisiers et maçons) à May­
ence dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
G. SOMMERFELDT, Der Zwist der Zicickauer Franziskaner m it
der PfarrgeiMchkeit und déni Rat der Stadt Zwickau, 1522, VIII, 80-4.
— L’A. publie une lettre de Fr. M a r tin B a u m g a rt, 0. F. M., a u ­
trefois gardien à Zwickau. Il l’adressa le 14 avril 1522, à ses confrères
de Schneeberg: lacobo Politoris, s. théologie lectori secundario et fr. Wolf-
gango Roth, à propos des querelles suscitées contre eux par Nie. H aus-
mann, curé de l’église de Ste Marie, qui entamait leurs privilèges. Le
couvent de Zwickau fut supprimé le 5 mai 1525. — La lettre, dit l’A.,
a déjà été publiée dans la Zeitschr. f. hist. Theol. 44, 131-4. Il renvoie
aussi à son propre travail: Zu den Briefen Martin Baumgarts, 1522-
1544, dans Neues Archiv f. Sachs. Gesch., 41, Dresden 1920, 123-30, 286-96.
NIK . P AULUS, Johannes Kannemann, 1469 Ablassprediger, VIII,
84-5. — Les dates biographiques données sur Joh. K. par le P. L. O l i ­
g e r, FrSt V, 39 ss. (v. AFH XIV, 356) s’arrêtent à l’an 1463. Mgr. N. P.
prouve que J. K. prêcha, en 1469, à Wismar, une croisade contre
G. Podiebrad.
*** Les cahiers 2* et 3e forment un n u m é ro s p é c ia l pour com­
mémorer le VII c e n t e n a i r e de la n a is s a n c e de S. B o n a v e n -
t u r e : Festnummer zur Siebenhundertjahrfeier der Geburt des hl. Kir-
chenlehrers Bonaventura 1221-1291, pp. 109-224. — F R . E HRLE, S. I.,
Der hl. Bonaventura, seine Eigenart und seine drei Lebensaufgaben,
109-124. — Envoyé à l’université de Paris < vers 1245, à peu près 7 ans
après son entrée dans l’ordre » (113), S. Bonaventura devint licencié
en 1248, paraît-il (115'), mais il passa maître seulement en 1256, comme
S. Thomas d’Aquin (115 s.). Elu Général de l’ordre, le 2 févr. 1257, sa
production littéraire se limita forcément à des écrits ascétiques ou polé­
miques en faveur de son ordre [?]. L’administration de l’ordre l’empêcha
d’entreprendre des ouvrages nouveaux purement scientifiques (116-8).
Sa charge lui permit toutefois de déployer un apostolat des plus actifs,
par la prédication (118-20). Comme Ministre général il sut adapter l’ordre
aux nouvelles exigences de son époque, en favorisant surtout les bonnes
idées de la < communauté », et en tempérant sagement les tendances
des Spirituels (120-2). Comme docteur il ne fut pas un initiateur, mais
de caractère plutôt conservateur, il chercha surtout à mettre à profit
les éléments utilisables de l’ancien courant augustinien (122-4). L’article
se tenant de préférence sur les lignes générales, contient maintes obser­
vations de grande portée.
*** MART. GRABMANN, Fine Erklarung des Bernhard von Waging,
G. S. B., zum Schlusskapitel von Bonaventuras Itinerarium mentis in
Deum, VIII, 125-35. — Dans la controverse engagée au XVe siècle au­
tour du De Docta Ignorantia de Nicolas de Cues (v. AFH XIV, 368),

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CHRONICA. 297

tant les partisans de la primauté de Vaffectus (les Chartreux), que ceux


d'ailleurs très modérés de Vintellectus, citaient en leur faveur les écrits
de S. Bonaventure. Un de ces derniers, B e rn a rd de W a g in g , prieur
de Tegernsee (t 1472), ami de Nie. de Cues, commenta au chap. IX de
son Tractatus de cognoscendo Deum le chap. VII de VItinerarium de
S. Bonaventure. Mr. Gr. publie ce texte (129-35) d’après clm 18600, qui,
est, dit-il, l’autographe de B. de W., corrigé de la main de l’auteur:
Cap. IX : De supermentali excessu in mystica theologia et quid de hoc
Bonaventura sentiat.
*** ENGELB. K REBS, Zur spekulativen Eigenart des hl. Bonaventura,
VIII, 136-44. — Cet article n’est en réalité qu’un compte rendu de deux
monographies: 1) Dr. R. G u a rd in i, Die Lehre des hl. Bonav. von der
Erlosung, 1921 ; 2) de la dissertation doctorale pas encore publiée alors
d’Alb. S to h r , Die Trinitütslehre des hl. Bonaventura, eine systematische
Darsteltung und historische Würdigung, I Teïl: Die wissenschaftliche
Trinitatslehre. Les deux écrits sont d’ailleurs dus à l’initiative de Mr. le
Prof. E. K re b s . Sur Guardini v. 279. D’après Mr. S to h r la doctrine
sur la Sainte Trinité ne constitue pas, pour S. Bonaventure, un chapi­
tre quelconque de la dogmatique, mais le centre et le fondement de
toute la théologie. Mr. Stohr s’en tient aux seuls écrits « scientifiques »
de S. B., le Comment, in 4 II. Sent., les Quaest. disp, de myst. ss. Tri­
nitatis, le Breviloquium et Vltinerarium. — Mr. S to h r a ensuite exposé
lui-même les résultats de ses recherches, à la fois spéculatives et his­
toriques; voir infra, p. 302. Sa thèse a paru sous le titre susdit: Münster
i. W., Aschendorff, 1923; in-8', XII, 199 pp.
NIK. P AULUS, Die Ablasslehre des hl. Bonaventura, VIII, 145-55.
— Analyse du Com. in IV Sent., d. 20, p. 2 (Opera, IV, 529-41).
BONAV. KRUITWAGEN, O. F. M., Die cilteste Ausgabe der Opus­
cula des hl. Bonaventura, Coloniae 1484, VIII, 156-71. — Remarquable
contribution à l’histoire typographique. Des 14 éditions des Opuscula
s. Bonav. communément attribuées au XVe siècle, s ix sont certaine­
ment apocryphes; deux ne contiennent que quelques opuscules et une
est du XVIe siècle. Les 6 restantes sont celles notées par H a in, * 3463-5,
’ 3468, * 3467 et 3466. Le P. B. Kr. décrit par le détail l’édition: Hain,
* 3463: C o lo n ia e , 28 juin 1484. Cette date se trouve à la fin du
6e opuscule, le Centiloquium, f. 180b2. Les initiales de l’imprimeur se
lisent à la fin du I er opuscule: B[arthol.} D|e] U[^cÀeZ]. Chacun dus 9 trai­
tés débute par un nouveau feuillet. Cependant 12 autres opuscules at­
tribués au Saint y ont été ajoutés. 11 sont imprimés en caractères dif­
férents, à savoir avec ceux de K oel h off, autre imprimeur de Cologne.
Depuis 1485 on perd toute trace d’Unckel, dont les impressions vont
de 1475 à 1484 (165). Néanmoins ce ne fut pas K. lui-même qui imprima
cette seconde partie, mais un autre imprimeur dont nous ignorons le
nom. Corrigeons seulement, que dans Hain, * 3468: édition : Brixiae, 1495,
ont été «ajoutés après coup», outre le Stimulus amoris (162), aussi
l’.Irhor vitae ainsi que le Speculum animae.
Archivum Francixcanum Historicum. — A N . X V II. 20

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298 CHRONICA.

BONAV. T RIMOLÉ, O. F. M., Deutung und Bedeutung der Schrift


De reductione artium ad Theologiam des hl. Bonaventura, VIII, 172-89. —
Après une analyse claire de ce petit traité (172-81), l’A. en dégage les
principales conclusions. A côté de la théologie et de l’Ecriture Sainte
S. Bonaventure trouve place pour l’étude des sciences profanes, prises
dans le sens le plus large, y compris même l’étude des « arts méchani-
ques». Mais ces connaissances doivent être au service de la théologie
et de l’Ecriture Sainte. Cette relation est fondée dans l’exemplarisme de
la révélation (théologie) vis-à-vis de la nature, et sur le symbolisme
de celle-ci vis-à-vis de celle-là. Ce traité contient donc « un véritable
programme d’étude de la théologie ». L’A. le croit composé par S. B.
avant son généralat (188); nous inclinons à le remettre après l’an 1257.
F RIEDR. ANDRES, Die Stufen der Contemplatio in Bonaventuras
Itinerarium mentis in Deum und im Benjamin Major des Richard von
St. Viktor, VIII, 189-200. — L’A. compare ces deux opuscules: S. Bo­
naventure (194-9), s’est inspiré, évidemment, du Benj. Maj. du Victorin
(189-94), divisant comme lui en six degrés l’ascension de l’âme vers
Dieu. Tous les deux divisent le premier degré en sept échelons, mais
ensuite la classification des six degrés, l’organisation de chacun, ses
modes èt stades se différencient largement.
R EM. BOVING, O. F. M., Die Aesthetik Bonaventuras und das
Problem der aesthetischen Einfühlung, VIII, 201-6. — S. B. précisa, outre
l’objet du beau, la nature du sentiment esthétique; d’après Opera, V,
393; cf. ib. 300.
J. B. K AISER, St. Bonaventura und der Konvent in Saarburg, VIII,
206-11. — 1) Ce que nous savons sur S. B. et la fondation du couvent
de Sarrebourg. en Lorraine, qui fit toujours partie de la custodie d’Alsace
de la Province Alemanniae Superioris, se réduit à un court passage de
Glassberger: AF II, 78. — 2) Il se peut que S. B. soit passé par S. en 1270.
J OH. STOECKERL, O. F. M., Die Lehre des hl. Bonaventura ïlber
das Wesen der evangelischen Vollkommenhe.it, VIII, 211-6. — Précis de
sa thèse inédite; v. AFH XVI, 296. La doctrine de S. B. sur les status
perfectionis semble exclure de la perfection les séculiers; mais d’autre
part, ce qu’il dit de la caritas et de la perfectio meritT, démontre que la
perfection est bien à leur portée.
H CGO D AUSEND, O. F. M., Eine bedeutsame Wertung des hl. Bo-
narentura ans jilngster Zeit, VIH, 217-8. — Konr. Burdach, Reforma­
tion, Renaissance, Humanismus, Berlin 1910, est d’avis que le mouve­
ment de la Renaissance a sa base dans le renasci de la bible même
çlo. 3, 4-5; 1 Petr. 1, 231 et qu’il était, tout d’abord, exclusivement re­
ligieux. Les Franciscains au XIIP siècle répandaient cette idée (45-59,
112 s., 143s.) et parmi eux surtout S. Bonav., dont K. B. vante l’influence
religieuse, théologique et mystique en des termes certes trop enthou­
siastes (56-8).
MICHAEL BIHL, O. F. M., Die soge na ni en Statuta lulii und deren
Lubecker Ausgabe von Jahre 1MW, VIII, 225-59. — Le chapitre général
de 1506 chargea une commission de rédiger de nouveaux S t a t u t s gé-

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CHRONICA. 299

néraux, destinés à, réunir les Conventuels et les Observants. Boniface de


Céra, provincial de France, y joua bientôt un rôle prépondérant. Les
nouveaux Statuts sont so n œuvre (225-7). Le 12 mai 1508, le général
R a in a ld o G r a z ia n i, en son propre nom, celui de Ce va, des provin­
ciaux de Saxe, de Cologne (ceux-ci n’y sont p a s nommés) aliorumque
reformatorum, pria J u l e s II de confirmer les nouveaux Statuts. J u ­
les II accueillit cette s u p p liq u e , et cette concession s e u le leur a
valu jusqu’ici la dénomination honorifique: Statuta Iulii II [= Stlul.]
(227 s.). Graziani les approuva le 1 juillet 1508, e t le Cardinal Protec­
teur Dom. G rim a n i les confirma le 1 janv. 1509, en les adressant
aux s e u ls Conventuels Réformés des 5 provinces françaises, d’Espa­
gne, de C o lo g n e et de S a x e (228-30). Au contraire dans sa lettre de
promulgation du 20 févr. 1509, G rim a n i destina les Stlul. à to u t
l’Ordre. Il ne furent cependant approuvés par aucun des chapitres gé­
néraux de 1510, 1513 et 1516 f231-3). Jules II qui avait tour à tour fa­
vorisé les Observants et les Conventuels, 1504-1509, supprima par son
bref: Decet Romanum Pontificem du 18 févr. 1510 toutes les Congréga­
tions de Réformés: etiam sub Bonifacii, Ministri Franciae... obedien-
tia, et par son bref du 22 nov. 1510 il r é v o q u a e x p r e s s é m e n t les
soi-disant Stlul. (233-9). Non obstant ces brefs, Ce va fit tout son pos­
sible pour introduire se s Stlul. dans les provinces de Bourgogne et
de France (Paris); et L u d w ig H e n n in g, réformé, provincial de S axe
les introduisit dans sa vaste province (239-44); voir AFH XV, 547-8,
553-60. Dans ce but il les fit mettre sous presse à L ü b e c k , chez Ste-
phan A rn d e s, qui termina cette impression le 21 oct. 1509. Des­
cription détaillée(244-53)de cette édition in c o n n u e jusqu’alors (v. AFH
XIV, 354) d’après l’unique exemplaire de M u n ic h [v. plus bas, 303] avec
reproduction du titre : In hoc volumine continen- | tur tres regule beatissimi
patris Francisci, videlicet | ... in-4° (8°), 1924-57 foll. Le beau volume,
en caractères gothiques, contient, 1°) Regula O. F. M. (1223); 2°) Te­
stament. s. Fr.; 3°) Admonitiones s. F r.; 4°) Regula II et II I Ordinis
(1253, 1289); 5°) « Constitutiones generales» (1509) [= Statuta Iulii],
f. 21v-192v; 6 ) Ordinarium div. offlcii, f. 1-29 v; 7°) Ordo in receptione
Fratrum; 8°) Suffragia in capitulo culparum ; Benedictiones mensae;
$4 Confirmation des Stlul. par G r a z ia n i et G rim a n i, f. 34v-5v:
10) Tabula Statutorum. — Les num. 5-9 correspondent donc à l’é d i­
tion des Stlul. par Ce v a dans son Firmament, trium Ord., Parisius
1512, p. m . f. [3]r-59v. Cependant une confrontation des d e u x é d i­
tions des Stlul. (253-6) prouve que C eva a tant re m a n ié son t e x t e
qu’il faut le déclarer fa u s s é . Celui de L ü b e c k est, au contraire,
a u th e n tiq u e . Au lieu de Statuta Iulii II, il faudrait appeller ces
constitutions Statuta Bonifatii a Cera ou tout court Boni fat iana. Voir
plus haut, 143-4.
Jos. K LEIN, Intellekt und Wille als die nachsten Quellen der sitt-
lichen Akte nach Johannes Dans Skotus, VIII, 260-82. — Fin des a rti­
cles signalés AFH XIV, 351 s. Dans ce dernier article l’A., traitant en­
core de la volonté, expose « les influences générales, naturelles et sur-

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300 CHRONICA.

naturelles > sur nos actes moraux. Toutes leurs défaillances, imperfec­
tions etc. proviennent de la volonté de la créature, tandisque toutes
leurs bonnes qualités sont dues au créateur. Voici la conclusion finale
de l’A.: «Les sources du système de Banez, dit Thomisme, jaillissent
déjà dans les œuvres de Scot, qui critique et réfute les passages de
S. Thomas sur lesquels s’appuient les Molinistes et les Congruistes.
Au contraire, Scot fait ressortir clairement les idées que les 4 Thomi­
stes ’ mettent à la base de leur système. Comme critique et exégète
critique de S. Thomas, Jean Duns Scot me paraît être le premier T ho­
miste. Aussi sa doctrine n’aurait-elle jamais été soupçonnée, de Semi-
pélagianisme, si les Scotistes eux-mêmes n’avaient pas atténué les p rin ­
cipes thomistes qui sont à la base de sa doctrine sur la grâce » (282).
GALLUS H ASELBECK, O. F. M., Die atteste gedruckte Franziska-
nerpredigt über die Unbefleckte Empfüngnis, VIII, 283-92. — Fr. J e a n
V ita lis , O. F. M., espagnol, composa en 1387 son Defensorium pro
immunitate V. Mariae a peccato originali adversus Ioh. de Montesono,
O. Pr., publié p. ex. par P. de A lv a y A s to r g a , Monumenta antiq.
Seraph. pro Immac. Conceptione, Lovanii 1665 (sic), 87-191. Le 8 déc.
1389 il fit devant l’université de Paris, le Sermo de conceptione b. V. M.,
éd. cit. 80-7. Ce sermon avait paru d’abord, mais comme douteux, dans
l o h a n n i s de G e rso n , Opera, Basileae 1494, t. II, (f. 47); v. AF II,
218-20. Le sermon forme une belle allégorie. Le roi céleste célèbre un
festum tabernaculorum; ces tabernacula : stellare, solare, regale et divi­
nale, ce sont l’âme, le corps et les perfections de la Sainte-Vierge.
A cette fête se présentent 8 vieilles filles symbolisant les sciences au
service de l’erreur et 8 belles pucelles: les sciences au service de la
vérité. La dispute engagée entr’elles contra et pro, est décidée par le
roi, proclamant M a rie im m a c u lé e .
Liv. OLIGER, O. F. M., Eulogius Schneider als Hofprediger in
Stuttgart nach der Korrespondenz seines Kollegen P. Firminus Bleibin-
haus, VIII, 292-7. — Ce sont des extraits de l’article de Mr. H. B a ie r ,
noté AFH XVI, 269. Le titre de la th è s e donné p. 297, est reproduit
d’après notre note AFH XIV, 357.
P LACIDUS P UETZ, O. F. M., Der Anteil des Franziskanerordens
an der S. Josephsverehrung in der vortridentinischen Zeit, VIII, 298-303.
— Notes sur le culte de S. Joseph jusqu’à vers 1560, d’après la mono­
graphie de S e itz , recensée AFH III, 356-8.
Dr. K., Ein Urteil der Rationalisten des 18. Jahrhunderts über
den Dritten Orden, VIII, 303. — En 1786 un membre de la commission
d’amortisation, nommée par l’archevêque de Mayence, jugea le Tiers
Ordre, en le désapprouvant, un * status in statu*.
IX, 1922. — BERTHOLD A LTANER, Die Beziehungen des hl. Domi-
nikus zum hl. Franziskus, IX, 1-28. — D’une part cette étude de critique
austère mais très impartiale repose sur la monographie du même au­
teur, Der hl. Do minikus ; Untersuchungen und Texte, Breslau 1922; et
d’autre part elle approfondit davantage les résultats de son article,
Der Armutsgedanke beim hl. Dominikus, dans Théologie und Glaube, XI,

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CHRONICA. 301

1919, 405-17, — deux travaux sur lesquels nous reviendrons. — I). Depuis
W a d d in g écrivant en 1623 {Annal. ad an. 1219, n. 5ss.) les uns ont
exalté l’influence exercée par S. François sur S. Dominique; les autres, à
partir de Q u é t i f - E c h a r d , Scriptores O. Pr., I, 77, l’ont niée (2-3). Les
3 premiers biographes de S. D. se taisent sur n ’importe quels rapports
de celui-ci avec S. Fr. — B a r t h é l e m y de T r e n t e , O. Pr., écrivant
entre 1245 et 1251, est le premier à parler de Yamitié des deux Saints. Ce
n’est que dans sa Leg. Il, c. 109, que T h o m a s de C e la n o raconte
une entrevue des deux patriarches, dans le palais du cardinal Hugolin
à Rome. La narration est toute à la louange de l’h u m i l i t é de S. F ran­
çois. La glose parénétique de Celano sur la c h a r i t é mutuelle entre
Prêcheurs et Mineurs prouve, elle aussi, l’authenticité du fait (5-9). Car,
dit-il. si Celano l’avait controuvé, il aurait mieux harmonisé la tendance
de l’épisode et celle de sa glose. Vu que Hugolin rencontra S. Fr. la
première fois [?] à Florence au mois d’octobre 1218, l’entrevue de S. Fr.
d de S. D. chez Hugolin a eu lieu très probablement à Rome au début
de I'an 1221, à savoir avant le départ de Hugolin pour sa légation, en
mars 1221 (9-12). — Remarquons: Le point de départ de ce raisonne­
ment, où l’A. s’appuie sur E. B re m (v. A FH IV, 752s.), qui de son
côté se base sur I Cei. Il, 27, n’est pas encore assez assuré. — La t r a ­
d itio n d o m i n i c a i n e sur la première rencontre de S. D. et de S. Fr.
est embellie par la célèbre vision de S. D. (Jésus courroucé brandis­
sant trois lances; Marie lui présentant S. D. e t p u i s S. Fr.; le jour
suivant S. D. reconnaît S. Fr. qu’il voit prier dans une église). Elle
repose sur G é r a r d de F r a c h e t o , O. Pr., Vitae F ratrum : (MOPr.
I, 9-11) écrivant en 1260-62, et indiquant comme source: Frater quidam
minor... qui socius b. F rancis ci multo tempore fuit, narravit fratribus
quibusdam [O. Pr.], quorum unus hoc magistro ordinis scripsit. Mais
i’A. ne donne pas créance à cette vision, si longtemps cachée par S. Fr.
et toujours tue par S. D. (12-6). — Néanmoins il admet que cette vision
a pu avoir pour point de départ une première rencontre des deux Saints,
en 1215-1217, et plus spécialement depuis l’automne 1216 jusqu’au prin­
temps 1217 <16-8). Ainsi s’expliquerait la résolution, à tous inattendue, prise
par S. Dominique en 1217, de disperser ses disciples par le monde (17).
Constantin d’Orvieto, O. Pr., l’explique (vers 1345) par une v i s i o n des
saints Pierre et Paul: Q u é tif , Script. I, 29, n. 20. Mr. A l t a n e r a cru,
trop facilement (17), retrouver cette vision dans AF III, 10 [= Actus,
c - 13], car la prétendue « adaptation à l’idéal franciscain > l’a changée

du tout au tout. — La rencontre de S. D. avec S. Fr., telle que la dé­


crivent les Actus b. Franc, c. 20, est (d’après l’A.) une pure l é g e n d e ,
non moins que les « variations dominicaines » invertissant le rôle des
deux saints (12-21). Il en est de même des prétendues rencontres des
deux Saints, en 1220, à Bergame, Brescia, Florence, etc. (21-2).
II). Si l’opinion (franciscaine) qui, dans la q u e s t i o n de la p a u ­
vreté, fait d é p e n d r e S. D. d i r e c t e m e n t de S. Fr., est dénuée de
bases historiques (23s.), l’opinion contradictoire (dominicaine) niant en
cela toute influence contemporaine sur S. D. ju re avec tout concept his-

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302 CHRONICA.

torique (26). S. D. connaissait le rigorisme ascétique des Parfaits al­


bigeois (24), l’organisation des Pauperes catholici (25-6), fondés en 1208
par Durand d’Huesca, converti par S. D. dès 1207, et celle des Pau­
peres Lombardi (1210-12). Il n’a pas pu, en outre, ignorer le mouvement
franciscain (depuis 1208) (26). Mais S. D. ayant rencontré S. Fr. peut-
être en 1216, et sûrement [?] en 1221 seulement, « on ne saurait dire
rien de certain» de l’in f lu e n c e p e r s o n n e lle exercée sur S. D. par
S. Fr. (28). Car le principe de la pauvreté en commun avait été intro­
duit dans l’ordre des Frères Prêcheurs lors du chapitre général tenu
par eux à Bologne en 1220 (27s.). L’admirable effort tenté par Mr. le
Prof. B. A., s’il a éclairci beaucoup les questions traitées, n’a pas
réussi à les trancher définitivement, plusieurs points de chronologie etc.
restant encore à fixer d’une façon décisive.
ALB. STOHR, Ausgeu'ühlte Kapitel aus Bonaventuras Trinitütslehre,
IX, 29-48. — Voir plus haut, p. 297. — Voici les divisions et les points les
plus essentiels de ces recherches pénétrantes, faisant ressortir partout
heureusement le progrès historique de ces spéculations. I) L’unité et
la pluralité des personnes dans la sainte Trinité (29-39). S. Bona ven­
ture s’inspire d’A le x a n d re de H a lè s , Guill. d’Auxerre. Richard
de St.-Victor. du Pseudo-Denys. L’influence de cette évolution se fait
sentir aussi dans Albert le Grand et chez Du ns S cot. II) La fin du
processus trinitaire: les trois personnes divines (40-8). L’A. constate
encore la même influence de Richard sur S. B., influence qui s’exerça
largement sur tous les théologiens scolastiques. Chez S. B. l’idée do­
minante est la ratio p r imitatis, — Les deux parties de cet article cor­
respondent aux pp. 25-36 et 40-7 de la dissertation de l’A. Voir plus
bas, 303 s.
BERN. J ANSEN, S. I., Die Unsterblichkeitsbeiceise bei Olivi und
ihre phüosophiegeschichtliche Bedeutung, IX, 49-69. — C’est un exposé et
un commentaire historique de la quaestio 52 et 67 des Quaest, in l. II Sent.
d’Olivi, où celui-ci prouve l’immortalité de l’âme. Tout en employant
les arguments en vogue, non sans en faire la critique, Olivi sait les
développer avec plus d’ampleur et plus de précision, en y apportant
maints développements très personnels. Cf. AFH XV, 538-40.
*** E D. F CCHS, Thomas Murners Belesenheit, Bildungsgang und
Wissen, IX, 70-9. — Bonne esquisse mais trop sommaire. L’A. traite
du dossier littéraire de Fr. Th. M u rn e r, O. M. Conv., en énumérant
brièvement les auteurs par lui cités (71-4), pour mettre en évidence
(71-4) sa formation littéraire et scientifique très étendue (74-8). En
guise d’appendice il énumère les 19 anciennes éditions d’ouvrages de
Murner se trouvant à Breslau. Cf. AFH V, 727-36; VI, 118-28; VU,
356-61.
H EINR. SCHROHE, Die Armen Klarissen in Mainz, IX, 80-101.—
Le P. N ic o l. V ig e r i us, provincial des Observants de Cologne, en­
voya en 1619 cinq Clarisses du monastère dit Marien Tempel de Co­
lo g n e à Mayence pour y fonder un nouveau monastère. En 1620 l’ar­
chevêque leur assigna l’ancienne maison des Frères de S. Antoine,

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CHRONICA. <303

le Tbngeshof. Ces « Pauvres Clarisses » observaient la « première règle »


<le ste Claire; elles passèrent en 1758, contre leur gré, sous la ju ri­
diction de l’archevêque. L’article contient plusieurs détails sur la vie
intérieure du monastère, toujours très observant. Les Français qui
avaient envahi le pays, le supprimèrent en vertu du décret consulaire
du 20 prairial an 10 (9 juin 1802). D’après le N é c ro lo g e le nombre
total des Sœurs fut de 163; en 1802 elles étaient au nombre de 18.
Is. COLLI JN , Weitere Exemplare der Lübecker Ausgabe vom Jahre
1509 der Statuta lulii II, IX, 101-2. — Le savant directeur de la
Bibliothèque de Stockholm signale deux autres exemplaires des Statuta
lulii II, Lübeck 1509, dont l’un est à la Bibliothèque de l’université de
K iel, l’autre imprimé sur parchemin, à la Bibl. de l’université d’Up-
sala, où il est coté: 31: 182; il provient de la Bibl. des Jésuites de
Braunsberg. Un fragment consistant en 2 feuilles, de. parchemin elles
aussi, est conservé à la Bibl. municipale de Danzig. Voir supra, 299.
L EON. L EMMENS, O. F. M., Eine Anmerkung zu Lübeck#: « Ka-
tholischer Orientmission *, IX, 102-4. — Note critique sur l’ouvrage du
Dr. K onr. L ü b e c k , Die katholische Orientmission in ihrer Enticicke-
lung dargestelU, Kôln 1917, p. 49-50. Ce ne furent aucunement les « in­
trigues des Franciscains», qui empêchèrent les Jésuites de fonder un
collège à Jérusalem (vers 1625); ce fut la politique vénitienne.
Dr. BERARD VOGT, O. F. M., Der Ursprung und die Entu'icklung
der Franziskanerschule, IX, 137-58. — L’ancien Augustinisme depuis
longtemps en vogue à P a r i s et à O x fo rd vers 1220 (137 45) a dû,
naturellement, influencer profondément les premiers maîtres franciscains
\137-45), p. ex. Alexandre de Halès (145-7), S. Bonaventure (147-9) et
ses disciples (149). Duns Scot, partisan d’un «péripatétisme sui gene­
ris», n’a d’ailleurs pas discontinué les traditions de l’école franciscaine
primitive (150-4). Il incombe aux Franciscains de l’étudier de plus près
<156sj. L’article s’en tient aux grandes lignes.
DIODOR H ENNIOES, O. F. M., Die Messe zu Ehren der hl. Elisa­
beth, IX, 158-71. — Lors de la canonisation de Ste Elisabeth, le 27 mai
1235, Grégoire IX chanta une messe dont il avait composé lui-même
les «collectes ». C’est la messe: Gaudeamus omnes, que l’A. publie (170-1),
avec beaucoup de variantes, d’après 15 MSS. et 15 éditions (dans des
Missels, etc.) parues de 1480 à 1550. La prose de cette messe: Gaude
Sion, quod egressus | a te decor et depresstis | ... (169 s.) est « peut-être »
(159) de Fr. J u l i e n de S p ire . Le P. D. H. publie de même la prose:
Florem mundus protulit (170) d’un auteur inconnu ; «en tout cas > ce n’est
pas une œuvre de Grégoire IX (159). Gérard de St. Quentin a probable­
ment achevé l’office de Ste Elisabeth, composé en partie, mais non ter­
miné par Fr. J u l i e n de S p ire (159-60). Pourquoj l’A. ne cite-t-il nulle
part les articles du P. B o n a v. K r ui tw a g e n , signalés AFH XIV, 391 ?
A LB. STOHR. Bonaventura über die Konstituirung der drei gott-
lirhen Personen, IX, 172-202. — I) Le préambule historique (172-87) va
du IVe au XIVe siècle, destiné qu’il est à mettre dans leur vrai milieu
les théories de S. B. sur la constitution des trois personnes divines.

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304 CHRONICA.

II) S. B. sur « la relation, la propriété et la notion » par rapport aux


trois personnes divines (188-92). III) sur les proprietates personales
comme principe constitutif des personnes (192-8) ; enfin IV) sur les re ­
lations et la constitution des trois personnes divines de la S. Trinité.
— Voir supra, 297, 302. Cef article a été reproduit daûs la th è s e de
l’A. p. 92-124.
*** Liv. OLIGER, O. F. M., Matthias D&rings Gutachten liber die
Franziskanerregél (1451) und die observantistische Gegenschrift, IX,
203-36. — SJInformatio de regula Fratrum Min, secundum diversas de­
clarationes sedis apostolicé tradita faczdtati theologice studii Erfordiensis
a ministro dicti ordinis a. D, 1451, 16 mensis octobris (211-23) est bien
une œuvre de Fr. M a t t h i a s D ô rin g , alors provincial de la Saxonia.
L’auteur de la confutation: Informatio... contraria priori (223-36), pro­
bablement un Observant de la Saxonia, et peut-être leur vicaire pro ­
vincial d’alors (209), reste au contraire parfaitement douteux. Doring
prétendait prouver, 1°) que les Frères Mineurs (Conv.) pouvaient accep­
ter: oblationes pecuniarias ad altare vel alibi per procuratores secula-
res; 2°) qu’il leur était permis: compotum recipere a procuratoribus ;
3 ’) que les prélats durant leurs visites pouvaient recipere moderatas
expensas etiam pecuniarias per procuratorem secularem ; 4°) que les con­
ventus nativi doivent pourvoir aux besoins des étudiants et lecteurs ;
5°) il défend la forme de l’habit des Conventuels, alors en usage. Son
adversaire Observant réfuté les premiers 3 points. En glissant plutôt
sur le 4e point, il y donne raison à Doring; il demande néanmoins quel­
ques garanties pour la façon d’appliquer ces mesures (234). Quant au
5e point, il insiste sur les statuts des O b s e r v a n ts , en esquivant
ainsi les particularités contestées. Ajoutons qu’il y a plusieurs points
de contact entre cet écrit de Doring et une sienne lettre de 1453, pu­
bliée dans R e is c h , Mon. Germ. Franc. I, 191-2; cf. AFH XV, 556ss.
*** H. H ERM. R OTH, Das Franziskaner-Rekollekten-Kloster in Kem-
pen, IX, 237-259. — S u ite des articles très fouillés notés AFH XVI,
272, et supplément de l’article de Mr. A. B e c k e r, noté ibid. 273, su r
le même couvent. Arrivés à Kempen en 1624, les Récollets de la P ro ­
vince de Cologne durent d’abord construire un couvent, 1627-30, et en­
suite une église, 1631-40. De 1746 à 1747 le couvent a été rebâti et
l’église a été restaurée. La ville ayant été prise par l’armée de la Répu­
blique française en 1794, le couvent fut, dès 1797, affecté à un hôpital
militaire et le 7 août 1802 les Franciscains durent quitter Kempen. Le
gouverneur français y installa en 18U4 la nouvelle «école secondaire »,
appelée « collège » depuis 1808. En 1840 le gouvernement de la P ro ­
vince rhénane y transféra l’école normale qui y resta jusqu’en 1910.
En 1912 on y a réuni les collections du musée historique de la ville.
L’église subsiste encore comme succursale de l’église paroissiale.
A UG. N EUMANN, O. S. A., Deutsche Franziskanerhandschriften
in den Bibliotheken Mührens, IX, 260-3. — Signalons quelques-uns des
MSS. franciscains en M o ra v ie , décrits par l’A. 1°) N ic o la i de Bo-
h e m ia , Chronica Bohemiae (260): v. sur ce MS. AF XIV, 391s. —

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CHRONICA. 305

2°) Bibl. du chapitre de la cathédrale d’O lm u tz : n ô 412, IV. Précisons


qu’il contient Yltinerarium, en latin, de Fr. O d o ric de P o rd e n o n e .
Ce MS. (261) est resté inconnu à Yule-Cordier, Cathay*, Lond. 1913, II,
74, tandisque celui de N ik o ls b u r g (261), une traduction allemande du
même Itinéraire, y est noté, (1. c.). — 3°) Bibl. du monastère de R ai-
g e r n O. S. B.; plusieurs MS. théologiques de F r a n c i s c a i n s i r l a n ­
d a is du couvent de Prague; XVIIe siècle (261-2). — A B rü n n , ar­
chives de la ville, n° 10: * Passio lohannis Capistrani * (262). C’est
sans aucun doute son sermon sur la Passion. — A B rü n n , au cou­
vent des Augustins, il y a une lettre de confraternité de Fr. Petrus,
minister Bohemie et Polonie, en faveur de l’archevêque de Prague, datée :
Glacz, tempore nostri prov. capituli, 8 sept. 1396; texte publié p. 263.
DERSCH, Die Klause a u f dem Wilzenberg bei Kloster Grafschaft,
IX, 264-5. — Lieu de pèlerinage dans le Sauerland. Vers 1516 un frère
H e n ri, du ‘Tiers Ordre de s. François de l’Observance’ y habitait un
ermitage. Ayant été soupçonné de menées politiques, il fut appliqué à
la torture à M a rb o u rg , mais libéré ensuite.
G. SOMMERFELDT, Quellenmitteilung aus Mbnchsannalen, IX, 265-6.
— G. S. publie, en les tirant des Annales manuscrites de Schneeberg de
P ie r r e A lb in u s (t 1598), une série de dates sur l’ordre franciscain
au XIII siècle. Ajoutons qu’on en trouve de semblables dans beaucoup
de MSS. plus anciens et plus autorisés. Le texte sur les a u t e u r s des
h ym n es de l’office de S. François est défiguré par plusieurs graves
fautes; celui sur J u l i e n de S p ire et S. B o n a v e n tu r e est sans
mérite particulier (261). — Albinus dit que ces textes sont tirés: Ex
libro Franciscanorum Mysnae urbis.
X, 1923. — Dr. F RANZ P ELSTER, S. I., Handschriftliches zu Skotus
mit neuen Angaben über sein Leben, 1-32. — Article important sur
quelques dates biographiques et sur les MSS. de J. Du ns S cot.
1). L’opinion que G u ill. de W a re (Varro, Wara) ait été maître de Scot
repose sur le Pisanus: AF IV, 337, 545s. et sur le MS. de V ie n n e
1424: Explicit 4lt* liber Varronis, qui fuit magister Scoti sive doctoris
subtilis; MS. de la fin du XIVe siècle (2-4). Dans le passage de Scot,
éd. Wadding, I, 5; éd. Vivès, I, 17, où Scot cite Varro, 3 MSS.: dm
[= cod. lat. Monacensis] 15829, Bibi. Angelica (Rome), 194, et Vatic.
Urbin. lat. 119 ont, au contraire: fr. WiU. de Mara (4-6). Il faut d’ail­
leurs distinguer deux rédactions du Comment, in 4 U. Sent, de V a rro
et de celui de M ara, dit le P. P., ainsi que des Quaestiones disputatae
de M ara, et il ajoute d’autres MSS. à ceux que cite le P. E. L o n g pré,
FrFr V, 80-2.
2) Le MS. F 69 de la Bibl. du c h a p it r e de W o r c e s t e r contient
*Questiones in I Sententiarum a fratre... to ord. fratr. min. Parisius
a. D. MCCCIF intrante III 0, et les Questiones [fn IV] Sententiarum date a
fr. lohanne .... in studio Parisiensi a. D. MCCCIIF ». Sur la I rc rature
une main ancienne a écrit: I. Duns Scoto, et sur la II e : Dons. Il s’agit
en effet de s e s commentaires. Le P. P. déduit de ces passages que
Scot est venu d’Oxford à P a r i s au plus tard en l’automne de 1302, et

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306 CHRONICA.

qu’il y était encore très probablement durant l’hiver de 1304. Il con­


firme cette hypothèse par la célèbre lettre du Ministre général Gon-
s a lv e , autorisant Scot de recevoir la maîtrise, Ascoli, le 18 nov. 1304.
Il conclut en outre que les Reportata Parisiensia (Rep. Par.) ont été
composés après Oxoniense, et que Scot serait retourné de Paris
à Oxford (7-10). Voir maintenant supra, 3-12.
3) L’A. traite ensuite des « disputations parisiennes de Scot* (11-27).
Dans la célèbre Disputatio in aula des Rep. Par. III, dist. 18, qu. 3
Scot, encore bacalaureus formatus, fait office de responsatis sous Fr. G il­
le s de L ig n y , O. M. le magister novus aulandus, sous la présidence
de maître A la in , O. M. Yaulator, et de Godefroid de Fontaines rempla­
çant du Chancelier (11-5). Le P. P. croit trouver dans le document publié
AFH X, 5-7, non seulement les Frères Alain et Gilles, mais même Jean
Scot dans le Johannes de Anglia. Tandis qu’il recule devant l’identi­
fication de Guil. de Anglia avec Guill. de Ware, qui resta Inceptor Oxo-
niensis, il risque, sans plus, l’identification de Jean l’é c o s s a is (Scotus)
avec Jean d’A n g l e t e r r e (de Anglia). Cette hypothétique identifica­
tion reste très hasardée. — La d i s p u t a t io n à Paris entre S c o t et
Guill. Petri Godinus, O. Pr., conservée dans le MS. d’E r f u r t Am^on.
in-fol. 369, a eu lieu très probablement [?] en 1305(15-6). — Les QuodUMa
de Scot doivent être datés, paraît-il, de la même époque. Les Quodl. qui
sont de Scot étant déjà m a îtr e , se trouvent dans dm 87/7 (XIVe s.)
et clm 26309, copié en 1311. L’état du texte démontre que Scot ne
les avait pas achevés; le dm 8717 doit avoir été copié sur l’o rig in a l
de Scot, incomplet et en désordre. — Les Collationes Parisienses se ren­
contrent dans Vatic. lat. 876, mais elles sont moins nombreuses [17 ou
13?] que celles de l’édition de Wadding. Le Vat. Lat. 890, contenant
des Tabidae de plusieurs ouvrages de Scot, énumère les mêmes Colla-
tiones que le MS. précédant et dans le même ordre, différant de celui
de l’édition (21-3). Le P. P. explique Collationes par: exercices ou dis­
putations faites au couvent des Cordeliers par les étudiants sous
Scot. Son rôle devra être déterminé par un examen de chaque colla­
tion (23-7). — Les Quaestiones de metaphysica de Scot sont conservées
dans Vat. lat. 869, dm 13829, P a d o u e , S. Antonio, n. 186 et 173; le
Vat. lat. 890 en contient une abbreviatio. Les textes de ces MSS. diflé-
rent grandement entr’eux. Les nombreux * E xtra*, c’est-à-dire des
renvois aux ajoutes marginales, et qui dans le dm cité ont déjà été
englobées dans le texte même, prouvent que Scot les a laissés inachevés.
Il ne sera pas facile d’y faire le triage entre les parties authentiques
de Scot et les ajoutes d’autrui (27-31). — Ce discernement sera toutefois
plus facile pour les Quaestiones de anima de Scot, que l’A. signale dans
les MSS. de P a d o u e n. 173, de la Bibi. Angelica n. 1034, Vatic. Urbin.
et dm. 8717. Elles aussi restèrent, paraît-il, inachevées à la mort
de Scot et peut-être contiennent-elles des passages reportées.
*** BERNH. DVRST, O. S. B., Die Frage der Armensedenanrufm^
bel Richard von Middletown, X. 33-52. — Alexandre de Halès avait
enseigné que les âmes du purgatoire, absorbées par leurs peines, prient

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CHRONICA. 307

seulement pour elles-mêmes, et que n’étant pas amies de Dieu, elles


ne sont pas à même de prier pour nous ; v. AFH XIV, 376. S. Thomas
dans son Commentaire sur P. Lombard, IV, d. 15, q. 4, suivit pas à pas
Alexandre. Dans sa Somme, II, II, q. 83, ar. 4 ad 3: ar. 11 ad 3, il ré­
péta la même opinion, tout en la basant sur un autre raisonnement (34).
La question de l’intercession des âmes du purgatoire avait alors si peu
d’actualité, que ni Albert le Grand, ni S. Bonaventure ne l’ont traitée.
Richard de M. au contraire la traita longuement dans son Comment,
in Sent. IV, dist. 45, art. 7, q. 1-3; texte d’après les éditions de 1509
et 1591 (55-9) et exégèse du texte (40-51). Il y réfuta directement Ale­
xandre et S. Thomas. Voici son enseignement: Les âmes du purgatoire
étant décédées dans l’état de grâce (caritas), leur charité reste actuelle,
et elles peuvent prier Dieu pour nous, qui pouvons donc implorer leur
aide et intercession.
NiK. P AÜLUS, Die Ablasse des Franziskanerordens im Mittelalter,
X, 53-60. — L’A. traite avec la compétence qu’on lui connaît, des De-
rueils d'indulgences, en usage chez les Frères Mineurs au Moyen-âge.
1) Le premier recueil est celui de Fr. Nicolas, p r o c u r e u r général de
l’ordre sous Bonagrazia de Persiceto (1279-83), depuis 1292 évêque d’Al-
benga. L’A. en parle d’après Sbaralea, BF I, p. ix-x. Il ne peut admet­
tre que ces prétendues bulles d’indulgences accordées à tout l’ordre
aient péri, tandisque tant d’autres en faveur de maisons particulières
nous ont été conservées. De plus ni Grégoire IX (1227-41), ni Inno­
cent IV (1243-54) n’ont pu concéder des indulgences pour la fête de
Ste Claire, canonisée en 1255 par Alexandre IV (53-4). — 2) La bulle
de Jean XXII, du 27 octobre 1331, énumérant les indulgences de l’ordre
est un faux; Eube], BF V, 506, l’a publiée comme « suspecte ». Fr. Nicolas
n’aurait pas ignoré ces bulles plus généreuses de Grégoire IX, etc. qu’elle
cite. Deux de ces indulgences ont été démenties expressément par Be­
noît XII (sic): la l re contre les affirmations d’un Fr. Mineur du Saint-
Nazaire, la II e contre celles des Franciscains de Norvège, BF VI, 21, et
46: 28 avril 1337 (54-5); v. aussi BF VII, 20, une bulle de Boniface IX
contré les prétendues indulgences des Fr. Mineurs de Goerlitz (55s.).
— 3) Le r e c u e i l des privilèges et indulgences de Fr. M a rc de Tré-
vise, de 1428, est un « faux en grand style », tant les bulles apocryphes
et les copieuses indulgences y abondent (56-8). Mgr. P. conjecture qu’il
ne faut pas l’attribuer à Fr. M arc, Provincial de Romania, mais à
quelque «faussaire obscur». Ce recueil a été imprimé à Milan en 1490,
à \ enise en 1495, 1500, 1502 et 1508, à Florence et à Troyes en 1496,
et à Leipzig en 1495 et 1498. Il passa aussi, [mais avec des remanie­
ments], dans les Monum. O. Min., Salmanticae 1506; 1511, I, 260s., dans
le Firm. 3 Ord., Paris 1512, II, I, lr-2 v . ; Venet. 1513, II, I, lr-2v.,
et dans l’ouvrage souvent réimprimé de Fr. Alph. de C a s a r r u b io s ,
Compendium Privileg. Fratr. Min., Valladolid 1525; Venise 1532, f. 135-8
(58-9'. — En 1482 les Observants se firent authentiquer un grand nom-
bre de bulles d’indulgences apocryphes par un instrument notarié, signé
par un employé de la curie (58). Mais relevons que cet instrument publié

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308 CHRONICA.

dans le Diplomatarium norvegicum, IX, Christiania 1876-8, 378 ss., ne


contient pas le recueil susdit de M arc de T ré v is e . — Clément VII est
dit (Casarrubios, Compend. Brixiae 1599, 284) avoir confirmé de vive
voix toutes les indulgences contenues dans les * recueils imprimés » ;
ce que Mr. P. n’estime « guère croyable » (59). — Sixte IV octroya aux
Franciscains de très grands privilèges en 1472, 1474 et 1479 (Wadd. XIV,
58, 109, 227). Il est vrai qu’il les suspendit bientôt, mais en déclarant que
cette suspension ne visait que leurs effets pour les séculiers (18 déc. 1480),
restriction qui tomba bien vite: Wadd. XIV,248s., Komorowo, Memoriale,
Lwôw 1888, 225 (61). L’A. très érudit n’a pas manqué de relever la note
sur M arc de T r é v is e dans AFH XIV, 566; AF IV, xxvn et V, LIV .
I. B. Kaiser, Albert Burgh, O. F. M., ein Konvertit aus dem X V II
Jahrhundert, X, 61-94. — Né vers 1651, Alb. B. était fils d’Alb. Conr.
Burgh, protestant échevin d’Amsterdam et depuis 1566 trésorier général
des Pays-Bas. Il semble avoir fait ses études au fameux collège de
Fr. van den Enden, Ex-Jésuite et libertin, où Baruch de Spinoza, ensei­
gnait (61-4). En 1673 A. B. entreprit un voyage en Italie, raillant par­
tout la foi catholique, jusqu’au moment où ayant engagé à Venise une
controverse * avec un moine », il fut surfait et touché par la grâce. Il
paraît avoir pris dans l’église de S. A n to in e à P a d o u e la résolu­
tion d’embrasser le catholicisme; ce qu’il fit à Rome. Durant son voyage
de retour il écrivit de Florence, le 6 sept. 1675, une longue lettre à
B. de Spinoza pour réfuter quelques idées du philosophe (70-9), qui hq
répondit quelque temps après (79-85). Cex deux écrits, en latin, ont été
publiés dans B. de Spinoza, Oj)era, ed. Vloten-Land, II, 221-31, 245-9.
L e ib n iz a commenté la réponse de Spinoza (84-90). De retour à Am­
sterdam en 1677 (?), A. B. n’y resta que peu de temps (90-1) et prit
bientôt la résolution de se faire F r a n c is c a in . Il aurait demandé à
B r u x e lle s l’habit franciscain]?], pour retourner à R om e, humble et
pauvre (92). Tout ce que l’A. sait du reste de la vie d’A. B., est contenu
dans une lettre de L. P. d u V a u c e l à A nt. A rn a u ld , écrite de Rome
le 21 oct. 1684: Fr. Bonaventure de Barcelone vient de mourir au P a­
latin [11 sept. 1684]. « C'est là qu'il avait reçu le jeune abbé (!) Alb.
B u r g * qui depuis lors est passé •dans la réforme qu'on appelle ly de
Ripa, qui est fort austère, quoique un peu moins que les maisons dei ri-
tiri*. Il s’agit, sans nul doute, de S. Francesco à Ripa, et le passage
veut dire : A. B. est passé de la Riformella à la Province réformée de
Rome. — Ajoutons que A. B. fut de fait appelé: P. Francesco d'Olanda,
et que du 29 nov. 1695 jusqu’au 16 déc. 1704 il occupa la chaire de théo­
logie polémique au couvent S. Pietro in Montorio à Rome. Voir Bened.
Spila, Memorie stor. d. Prov. rif. Romana, II, Milano 1896, 26. Sa notice
sur notre P. F r a n ç o is est puisée dans VOrbis Seraph. Missiones, II,
1886, 15. Spila rapporte en outre sur lui un passage de M a b illo n ,
[ter italien ni, I, Paris 1687, 13(5, (ibid. 1724, I, 134) indiquant une autre
cause de la conversion du P. Franciscus de Hollandia.
*** H IER . SPETTMANN, O. F. M., Neuere Forschungen zur Franziska-
nerschule, X, 95-103. — L’A. parle de récents travaux sur la scola­
stique franciscaine, travaux dont l’AFH s’occupera en temps utile.

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CHRONICA. 309

Jos. U HLMANN, Die spekulative Wilrdigung des Primates durch


Bonaventura, X, 103-7. — L’A. expose la doctrine de S. B. sur la pri­
mauté du pape, en commentant le De perf. evang. q. 4 a. 3 et Sent. IV,
d. 24, p. 1, a. 2. La primauté pontificale est requise par l’unité même
de l’Église.
Le IVe centenaire de la Province de Thuringe a fourni l’occa­
sion de réunir en un beau numéro spécial les fascicules 3e et 4e de
l’année 1923: Festnummer zur Vierhundertjahrfeier der Thùringischen
Provinz, 1523-1923, p. 113-364; plusieurs planches hors texte et deux
cartes de la Province, 1521-1923. — P. GALLUS H ASELBECK, O. F. M.,
Zum Jubelfest der Thüringischen Ordensprovinz, 1523-1923, X, 113-26.
— La province de T h u r in g e , issue de la vieille Saxoni a, fut consti­
tuée des couvents de la « Haute Saxe » par un décret du chapitre gé­
néral de Burgos, du 24 mai 1523; v. AFH XV, 556-8. Elle comptait 37
couvents; le premier et dernier Ministre provincial au XVF siècle en
fut Fr. Benedictus de Lôwenberg, 1524-1541. La Réforme de Luther l’ex­
termina bientôt complètement. Réconstituée en 1633, elle se développa,
dans des régions différentes; en 1760 elle était composée de 21 cou­
vents et d’environ 600 religieux; voir le Nêcrologe de la Province dans
les AF VI, 45-255. Les guerres de la Révolution française et de Napo­
léon I la réduisirent à 2 couvents. Elle prit un nouvel essor après 1875.
Dr. F RANZ J ANSEN, Gründung und Entudcklung der Thiinngi-
schen Provinz, HL, 127-141. — Ce que le P. G. H. a esquissé en un coup
d’œil rapide, Mr. F. J. l’expose avec plus de détails et une riche docu­
mentation, non sans quelques divergences, sur lesquels nous croyons
inutile d’insister ici. Quant à la varietas morum (134 s.), ternie du décret
de Burgos de 1523, nous en avions déjà exclu l’interprétation que lui
donne l’A.; voir AFH XV, 558.
BERARD VOGT, O. F. M., Die Provinz vom hl. Namen Je.su in Nord-
amerika, X, 142-57. — Historique de cette Province, fondée en 1875 par
les Frères Mineurs de Thuringe. chassés de leurs couvents par le Kul-
turkampf. Les cinq couvents fondés par eux aux Etats-Unis, auxquels
on ajouta quatre de la Custodie de l’Immaculée Conception, furent éri­
gés en Province le 16 sept. 1901. La Province du Saint-Nom compte
actuellement 13 couvents. Vues de trois principaux couvents.
*** Liv. OLIGER, O. F. M., Die elsass-lothringischen Franziskaner-
kloster und die Thüringische Provinz, X, 158-176. — Les couvents d’Al­
sace-Lorraine ont été réunis à la Thuringia de 1899 à 1913. En 1899
ils n’avaient été que deux; en 1913 ils étaient au nombre de quatre:
trois en Lorraine, le quatrième en Alsace. Depuis lors ils forment un
commissariat indépendant.
Dr. H ERMANN BUECKER, Der Erfurter Domprediger Dr. Konrad
Klinge, [O. F. Af], und seine Stellung zur Reformation, X, 177-98. —
Né en 1483-84 à Nordhausen, Fr. K. Kl. fut promu docteur à l’univer­
sité d’Erfurt en 1520. Il y fut durant 26 ans prédicateur de la «cathé­
drale», gardien du couvent et custode de Thuringe. Ce défenseur in­
trépide de la foi catholique mourut à Erfurt le 10 mars 1556. L’A. attaque
vertement et réduit à néant l’assertion de quelques écrivains, que K. Kl.

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310 CHRONICA.

se serait, temporairement, rangé du parti de Luther (178-98). Le bel


article est un extrait refondu de la d i s s e r t a t i o n d o c to r a le encore
inédite de Fauteur: Der Franziskaner Konrad Klinge, approuvée parla
faculté de théologie catholique de l’université de Münster.
*** P. E WALD MUELLER, O. F. M., Die literarische Fehde ziriachm
déni Franziskaner P. Edmund Baumann (1645-1731) und dent
intendenten D. Johann Frohne zu Milhlhausen i. Th. (1652-1713/, X,
199-223. — Contribution instructive à la littérature des controverses
dogmatiques entre Catholiques et Protestants sur l’Eucharistie et la
sainte communion sous une espèce, aux années 1698 à 1711. Sur les
ouvrages du P. Edm . B a u m a n n on peut consulter AF VI, 171.
*** T HEOPHILUS W ITZEL , t, O. F. M., Das Bibelstudium in der Thu-
ringia von 1764-1786. Zicei Orientalisten des Frauenberges, X, 224-231.
— Le chapitre provincial de 1764 nomma, le premier, plusieurs lecteurs
d’Ecriture Sainte. Les deux orientalistes de marque furent les PP. Sé­
r a p h in H i p l e r et A r s e n i u s R ehm . Voir leur bibliographie dans
AF VI, 182s., 220s. — Cette seconde partie de Farticle n’a pas été écrite:
u n e m o rt s o u d a in e emporta le savant auteur, le 27 mai 1923. Un
court épilogue (230-1), espèce de faire-part, le communique aux lecteurs.
Le P. Ew. M illie r y dresse aussi la b i b l io g r a p h i e du d é fu n t:
v. AFH II, 3-22, 185-203; IV, 205.
*** R EMKHUS BOVING, O. F. M., Die Franziskanerkirche auf dem
Frauenberg bei Fulda als Kunsticerk, X, 232-45. — Cette église a été
construite de 1757 à 1760par le frère lai C o r n e liu s S c h m itt, O. F. M.,
en style rococo modéré. L’église spacieuse a une seule nef, surmontée
d’une voûte en cintre, un peu elliptique, dont les arcs-doubleaux naissent
de pilastres flanqués. Etudes et considérations surtout esthétiques au
sujet de l’édifice et de ses différentes parties, autels, etc. ; sept clichés.
Dr. H. SCHWESINGER, Das Franziskanerkloster in Saalfeld, X,
246-66. — Couvent fondé avant 1250, supprimé en 1525; il appartint à
l’Observance de 1461 à 1471 (?). L’A. a mis en œuvre toutes les notices
et tous les documents, dont la plupart regardent des bien-fonds, à partir
de 1313 ou même plus tôt: 1276.
R ICH. SCHEITHAUER, Das Franziskanerkloster zu Mühlhausen in
Thüringen, X, 267-78. — Bonne étude, mais moins complète que la pré­
cédente; voir AFH II, 157. Fondé en 1231, ce couvent subsista jusqu’en
1525. Il fut supprimé définitivement en 1542; le culte catholique put
être maintenu dans l’église jusqu’au 5 janv. 1566.
*** F ERD. DOELLE, O. F. M., Das Wittenberger Franziskanerkloster
und die Deformation, X, 279-307. — On sait que Luther enseignait dans
cette ville. Les quatre Franciscains, promus docteurs ou inscrits à l’uni­
versité de AV. après l’an. 1517, passèrent au protestantisme. Ce furent:
Fr. Petrus de Bornis ou Fonti nus, mort en 1534 ou 1535 (280-2), Fr. Jac­
q u e s F u h r e r , mort après 1545 (282-4), puis Fr. J e a n B riesm ann,
t 1549 (284 s.) et Fr. J e a n AVu n s ch a it, qui se maria dès 1526. Le
magistrat protestant intima aux Franciscains et Augustine de quitter
leurs couvents avant le 30 mars 1522. Néanmoins quelques Franciscains
purent y rester jusqu’au 21 août 1527; les suppliques addressées an

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CHRONICA. 311

prince-électeur de Saxe par les chapitres provinciaux, etc. n’aboutirent


à rien (288-307). Etude conduite sur des documents inédits.
Dr. P AUL KESELING, Das Franziskanerkloster zu Worbis a u f dem
EichxfMe, X, 308-332. — Ces études bien fouillées, elles aussi, em­
brassent les années 1666 à 1802. La résidence, fondée à D u d e r s t a d t
en 1666, fut transférée à W o rb is dès 1667. Les Franciscains y construi­
sirent le couvent et l’église de 1668 à 1678. En 1765 le frère lai H y a ­
c in th e W ie g a n d substitua le plafond en boiserie par une voûte en
cintre;il se servit des plans de Fr. C o rn e liu s S c h m itt (v. 310).
P. DAMASUS F UCHS, O. F. M., Schicksale des Barfüsserklosters
Gdnhausen im Dreissigjührigen Kriege, X, 333-345. — Les Franciscains
de Thuringe occupèrent l’ancien couvent de Gelnhausen en 1627; mais
ils durent le quitter en 1631. L’ayant de nouveau repris en 1635, ils en
furent chassés définitivement en 1649.
W. DERSCH, Zur Geschichte der Franziskanerbibliotheken in Fulda
und Sabnünater, X, 346-50. — Notes éparses du 17e au 20" siècle sur
les deux bibliothèques; celle de Fulda compte environ 30000 volumes.
*** B i b li o g r a p h ie f r a n c i s c a in e de 1912 à 1921 et 1922 res­
pectivement, VIII, 96-108; IX, 116-36.
suivre). P. Michel Bihl, O. F . M .

LIBRI RECENTER AD NOS MISSI


Quorum praecipui in Bibliographies huius Periodici accurate discutientur.

H isto ria Franciscana.


Bôlcskey, O D<5N, O. Cist. — Capistrandi Szent Jdnos élete és kora. — Székesfe-
hêrvàr, D ebreczenyi Istv à n , K ônyvnyom dàja, 1923. I vol.; in-8°, 614 pp.
— [i. e. Vüa et tempus S. lohannis Capistranensis, vol. I].
Bracalonl, L EONE, O. F. M. — L 'arte francescana nella vita e nella storia d i set-
terento an ni con C X X illustrazioni. — Todi, tip. T uderte, 1924. In-8°, xiv,
3*0 pp. — (L. 25,00).
Carreras y Artau, J OAQVIM. — Ensayo sobre el voluntarùmo de J. Duns Scot.
(Una contribucidn a la historia de la filosofia médiéval). Tesis p ara el Do<to-
rado de Filosofia. — Gerona, tipografia C arreras, 1923. — In-8° m in., 92 pp.
Idem. — Doctrinas de Francisco Suarez acerca del Derecho de Gentes y sus re­
lationes con el Derecho Natural. Monografia premiada. — Ibidem ,
In-12”, 55 pp.
Carvalho e Castro, L EONARD DE, O. F. M., Dr. — Saint Bonaventure, le Docteur
Franciscain. L'idéal de Saint François et l'Oeuvre de Saint Bonaventure à
l'égard de la Science. — P aris, G. Beauchesne, 1923. Jn-8°, 242 pp. — (Fr. 14,(H)).
— (Etudes de théologie historique publiées sous la direction des professeurs de
Théologie à l'Institut Catholique de Paris).
Facchlnettl, V ITTORINO, O. F. M. — Le Stimmate di S. Francesco d'Assisi nel
V II Centenario del grande miracolo (1224^11(24). Con 6*5 illustrazioni fuori testo.
— Milano, Casa Ed. S. Lega E ucaristica, 1924. In-8 U, 132 pp. — (L. 22,00).
Felder, H ILARIN , O. M. Cap., Dr. — Die Ideale des heil. Franziskus von Assisi.
Paderborn, F. Schüningh, 1923. — In-8°, xvi, 540 pp. — (Gm. 7). Cf. p. 287.

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312 LIBRI RECENTER AD NOS MISSI.

Gilson, E TIENNE. — La Philosophie de S, Bonaventure. — Paris, Librairie p hi­


losophique J. Vrin; 6, Place de la Sorbonne, 1924. In-8°, 482 pp. —
(Fr. 25,00). — {Etudes de philosophie médiévale, vol. IV).
Giusto, EGIDIO M., O. F. M. — Vita del B. Giovanni Duns Scoto Dottore Sot-
tile e Mariant. — S. Maria degli Angeli, tip. industriale, 1921. In-8°, x m ,
397 pp. — Illustr. — (L. 20,00).
Holland, F. A. — Franz von Assisi, Legenden. 16-18 Tausend. — Kempten u. M ün­
chen, J. Kôsel & Fr. Pustet, 1922. In-12°, 156 pp. — (Gm. 1,50). Cf. p. 294.
Holzapfel, H EKIBEKT, Dr., O. Ç. M. — Franziskus-Legenden. Ausgewühlt filr das
deutsche Volk. 8-9 Tausend. — Kempten u. München, J. Kôsel & Fr. Pu-
stet, [1921]. In-12°, xxiv, 157 pp. — (Gm. 1,50). Cf. p. 290.
Joergensen, J OHANNES. — Der heilige Franz von Assisi. Eine Lebensbeschreibung.
Autorisierte Uebersetzung aus dem Dttnischen von H e n r i e t t e G rftfin Hol-
s t e i n L e d r e b o r g . 7 Auflage. — München & Kempten, J. Kôsel & Fr.
Pustet, 1922. — In-8° min., xx, 537 pp. — (Gm. 8,50). Cf. p. 288s.
Jules d'AIbi, O. M. Cap. — Saint Bonaventure et les bittes doctrinales de 1261-1271.
‘ — Paris, VIe , A. Giraudon, Librairie-Editions, 22 rue Jacob, 1923. In -^
min., 263 pp. — (Fr. 8,00). ‘— Cf. supra, 281 ss.
Lenhart, J OHN M., O. M. Cap. — Science in the Franciscan Order. A historical
sketch. — New York, Jos. F. W agner, 1924. In-8°, 44 pp. — (Franciscan
Studies, 1, January, 1924).
Little, A. G. — Introduction of the Observant Friars into England. (The Britûh
Academy. Proceedings. vol. XJ). — London, Published for the Br. Aca­
demy. Oxford University Press, [1923]. In-8°, 17 pp. — ( l ’sh. 6 d.).
Mandié, DOMINICUS, O. F. M. — De protoregula Ordinis Fratrum Minorum. Dis­
sertatio inauguratis quam ad doctoratus lauream obtinendam facultati theolo­
gicae Friburgi Helvetiorum praesentavit. — Mostar, Typis typographiae
croaticae Franciscanae Provinciae, 1923. In-8°, [n], 48 pp.
Martin, A NTONIO, O. F. M. — Los Franciscanos espailoles en la enseiïanza. Rela-
ciôn de las Escuelas y Colegios dirigidos y sostenidos por los Religiosos y Re­
ligiosas Franciscano-Espailoles en Espaila y Ultramar. — Biblioteca Fran-
ciscana: Ba/celona, José Villamala; Madrid, S. Fermin de los Navarros,
1924. — In-8°, 152, [vi] pp.
Menge, G ISBF.RT, O. F. M. — Franziskus von Assisi. Dargestellt von dem heil.
Kirchenlehrer Bonaventura. Deutsche Uebersetzung. Zweite Auflage. — Pa-
derborn, Bonifatius-Druckerei, 1921. ln-8°, 109 pp. — (Gm. 1,50). Cf. p. 290.
Ortolani, CIRO DA P ESARO, O. F. M. — Dignità ecclesiastiche francescano-picene.
Ricerche bio-bibliografiche. — Tolentino, stab. tip. «F. Filelfo», 1924. In-8°,
xxin, 134 pp. — (L. 10,00).
Pelzer, A UGUSTE. — Le premier livre des Reportata Parisiensia de Jean Duns
Scot. Extrait du t. V des Annales de VInstitut Supérieur de Philosophie. —
Louvain, Instit. Sup. de Phil. 1923. In-8°, p. 449-492.
Santarelli, A LFONSO M., O. F. M. — I Fioretti di S. Antonio da Padova. —
Foligno, R. stabil. F. Salvati, 1923. In-12°, 181 pp. — (L. 5,00).
Van den Wyngaert, A NASTASE, O. F. M. — Jean de Mont Corvin, O. F. M .,pr e'
mier évéque de Khanbaliq (Pe-King). — Lille. Société Saint-A ugustin, 1924.
In-8”, 57 pp. — [Extrait de la France Francise. VI].
Wenck, K ARL. — Franz von Assisi, Leipzig 1917; p. 215-248. Cf. supra, 288.

De licentia Ecclesiastica et Superiorum Ordinis.

Sac. I OANNES B U G H E T T I , G erens respons.

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DISCUSSIONES
— S—

FR. BERNARD DÉLICIEUX, 0. F. M.


8A LUTTE CONTRE L'INQUISITION DE CARCASSONNE ET D’ALBI,
SON PROCÈS, 1 2 9 7 -1 3 1 9 (a)

(Suite) (■).

§ 5. - Les emmurés délivrés.


Vers la fin du mois d ’août de 1303, voyant l’inutilité des pour­
parlers avec F r. Geoffroy d ’Ablis, le peuple de C a r c a s s o n n e ap­
puyé par Fr. B e r n a r d D é l i c i e u x , résolut d ’agir de son chef, si

(a) SÜMMARIUM. — § 5. E xeunte mense aug u sto 1808 « im m u ra ti» , i. e. in


carcere inquisitionis Carcassonae d ete n ti lib erati e t in carcerem regium tr a ­
ducti sunt, hum anius tra c ta n d i. R eform atorem regium in his a d iu v it F r. Ber­
nardus, qui e t libellum supplicem pro p arte civium Albiae ad reginam scripsit
et rem R eform atoris e suggestu defendebat. — § 6 . Sic urbes Carcassona,
Albia et Corduae confoederationem quam dam co n tra inquisitionis excessus
pepigerunt, pecuniis ad finem obtinendum collectis, opera praesertim F r. Ber-
nardi. — § 7. P hilippus IV, qui 25 dec. 1303 Tolosam ad iit, civium in sta n tiis
non acquievit. A ttam en F r. B ernardus ab inquisitore fru stra accusatus est
apud V icarium gen. e t M inistrum A quitaniae atq u e apud ipsum regem quo,
‘25 ian. Carcassonnae iteru m civibus supplicantibus favorem denegante, isti
consilium ceperunt urbem F errando, prim ogenito regis M aioricarum , tr a ­
dendi. — § 8. Hoc stu d iu m n o v it et prom ovit F r. B ernardus, sim ul ac de-
putationem ad Benedictum X I m itten d am , quae tam en nihil o b tin u it. In ­
térim Fr. B ernardus alias urbes foederi illi co n tra inquisitionem ad iu n x it.
— § 9. Ipse F r. B ernardus legationem ad F erran d um Carcassonae ei tra d e n ­
dae causa nom ine civium exsecutus est, mense aprili 1304, sed incassum , cum
lacobus rex M aioricarum talem proditionem om nino respueret. — § 10. Be­
nedictus X I bulla 16 aprilis 1804 M inistro provinciali A quitaniae m andavit,
Qt Fr. B ernardum caperet, id quod Carcassonenses plane im pediverunt. Hic
tunc in sc rip ta loachim o a b b a ti Florens! trib u ta incum bebat et A rnaldo de
Villanova cistulam m isit cum donis quibusdam et litteris, praedixitque
papam m o ritu ru m esse a n te kalendas iulias 1304. Pontifex revera obiit
' iulii 1804. C apitulum provinciale Fr. B ernardum mox ab omni poena et
censura absolvit. — § 11. Inquisitores O. P raed. iam mense sept. 1304 nom ina
conspiratorum Carcassonensium eru e ra n t, unde F r. Bernardo agente, cives
ad Philippum regem m iseru n t legationem , cuius e ra t quoque ipse F r. Ber­
nardus. Quem rex in conventu Parisiens! O. F. M. includi iussit, dum pro­
cessus severus co n tra proditores illos in s tru e b a tu r ex parte regis. Inquisitores
•]Uoque processus suos ta n to rigore denuo peragebant, u t clerus regularis e t
saecularis ad curiam R om anam appellarent. [N OTA D IRECTIONIS ].
(l ) Voir plus h a u t, p. 183-218.
Archivum Franciscanum Historicum. — A N . X V II. 21

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314 DISCUSSIONES.

Jean de Picquigny hésitait encore à délivrer les emmurés (’). Ayant


appelé des « certos homines expertos ad cito diruendum murum ».
les hommes venus d’Albi et d’autres conjurés, aù nombre de quatre-
vingts, s’enfermèrent dans l’é g l i s e f r a n c i s c a i n e , pour se porter,
au signal donné, à l’assaut de la prison, si la suprême démarche, tentée
par Fr. Bernard auprès du réformateur, échouait (2).
Jean de Picquigny céda alors devant la volonté de la population
prête à tout. Accompagné d’un foule imposante, parmi laquelle on
pouvait distinguer maints représentants des environs, il s’approcha
du < mur » (3). La masse poussait des cris exaltés (4 ). On y voyait
aussi des gens armés (%. Le réformateur frappa à la porte et somma
les Dominicains au nom du roi de lui ouvrir. Se servant de bâtons,
quelques zélés frappaient aussi et criaient : « Ouvrez à notre seig­
neur! » (6). Tout en protestant contre cette sommation, les Domini­
cains, entre autres Fr. Géraud de Blumac (7), et quelques uns de
leurs familiers (®), jetèrent d ’une fenêtre de la prison l’instrument
de leur recours au pape et au roi (*). Sans avoir égard à cela, Jean de
Picquigny appela de sa voix forte : « Ruchers ! Ruchers ! Piquiers ! >
pour commander aux troupes de lui frayer le passage (10). La foule
criait: « Qu’on démolisse le mur! ». Fr. B e r n a r d . tâchait d ’apaiser
les impatients: «Patientez, bonne.s gens! » répétait-il: «Tout de suite
vous aurez les emmurés! >(” ).

(’) V. au sujet de ces événements les articles 7, 15, 16, 17, 18, 23, 3*2. 33
et 42 de la I e série d’accusations, les articles 14, 25, 80, 55, 56 et 57 de la
II e série, ainsi que les dépositions suivantes: Arnauld Garsia (f. 275r, 276r, 277),
Arnauld de Nougarède (263r), Bern. Audiguier (232v), Bern. Bet (56v, 58r-9v),
Guill. Arn. Prexian (288r). Guill. Fransa (44v, 46-53r), Guill. Olivède (206v>,
Jacquet Barchaman (230r-v), Jean Gauthier (299rs), Jean Laurent (229rs),
Pierre Arditi (298r), Pierre Camelin (237r-v), Pierre de Castanet (55r-6r;, Pierre
Guillaume (298v), Pierre Probi (*266r, 267v, 271v), Pons Simon (291r-v), Ray­
mond Baudier (240r-v). — V. aussi les dépos. de B. D é lic ie u x , f. 135r, 187v,
142r, 152r-v, 155rss*— Cf. Lea, II, 83. Douais, I, 246. Vaissète, IX, 260 not. 5.
— Hauréau, R . Leneveu, 1. c. 519. Hauréau, Délicieux, 65ss. Vidal, Bull. p. 5, 15.
(*) Dépos. de G. Fransa. V. les dépos. de Bern. Bet, P. de Castanet et
R. Baudier. (*) Dépos. de J. Laurent, Jac. Barchaman, P. Camelin,
Arn. Garsia, Pons Simon, P. A rditi, J. Gauthier et B. Audiguier.
(*) Dépos. de P. Arditi et P. Guillaume.
(s ) Dépos. de J. Laurent, Jac. Barchaman et P. Camelin.
(°) Dépos. de J. Gauthier. Cf. la dépos. de P. Camelin.
(7) Douais, I, 133, 198-203. Molinier, 129ss. Vidal, Bull. p. xxvn. Lea, II, 92.
(H) Aussi Pierre Boyer, notaire. Molinier, 115, 132, 134. Douais, II, 337s.
— Vidal, Bull. p. 43r. Hauréau, Dél. 176ss. Limborch, Liber sent. 97, 99, 212.
(9) V. les dépos. de J. Barchaman, J. Gauthier, Pons Simon et P. Camelin.
(*°) Dépos. de Pons Simon qui se trouvait à la fenêtre avec les Dominicains.
(n ) Dépos. de B. Audiguier et P. Camelin. P o u rtan t les témoins oculaires
Jac. Barchaman, Arn. Garsia, Pierre Simon et P. Guillaume nient que Ber-

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 315

Enfin les geôliers se virent contraints d’ouvrir au représentant


du roi qui, assisté de beaucoup de citoyens, fit son entrée dans le
donjon pour diriger personnellement le transfert des emmurés (*) dans
les prisons royales de la cité (*). On peut bien se rendre compte de
la joie que ressentit la population du bourg de Carcassonne, en parlant
aux malheureux fils, pères et maris qu’on ne croyait plus revoir. Une
foule immense accompagnait le réformateur allant du bourg dans la
cité avec les prisonniers. Craignant pour l’ordre public, les sergents
se virent obligés de ne pas permettre à la masse de franchir la porte
de la ville haute (3).
Les prisonniers étant condamnés par l’inquisition, le réformateur
n’avait aucun droit de les mettre en liberté, tout en étant obligé
d’approuver « oculis clausis » les condamnations prononcées. Fr. B e r­
n a rd ne pouvait pas ignorer ceci. Mais il désirait ardemment voir
le réformateur conduire les prisonniers au roi, pour que celui-ci, en
apprenant de leur bouche toutes les souffrances et toutes les tortures
qu’ils avaient endurées, décidât enfin les Frères Prêcheurs à acquitter
les innocents (*). Vu le grand rôle que jouait le roi dans la vie ec­
clésiastique, cette solution ne pouvait pas paraître irréalisable au
Franciscain déclarant maintes fois qu’il ne trouverait de repos qu’après
la délivrance complète des prisonniers (5).
Se trouvant dans les prisons royales, les emmurés, sous l’avalanche
des questions posées par leurs parents et par leurs amis confirmè­
rent personnellement et sans crainte les « tormenta > endurés. Ainsi,
Fr. Bernard pouvait sensiblement augmenter le nombre des griefs
contre les inquisiteurs dominicains (6). Dans son rapport au roi, au

nard y ait assisté. — Inspiré par ces événements de Carcassonne, J e a n - P a u l


L aurens, peintre renommé, représenta en un tableau plein de vie la déli­
vrance des prisonniers. Au premier plan, on voit Fr. Bernard calmant la foule
agitée. On aperçoit aussi Jean de Picquigny qui dirige les travaux des ser­
gents brisant une porte murée, tandis que les femmes et les enfants des
emmurés écoutent pieusement les paroles du Franciscain. Tout en étant, en
somme, inexact au point de vue historique, le tableau est très impressionnant.
C1) Douais, II, 322-5, nous communique les noms de tous les détenus.
(2) V. la déposit. de G. Arn. Prexian.
(8) Dépos. de J. Laurent.
C) Dépos. de P. Probi, f. 276v. V. art. 29 et 30 de la II e série d’accus.
Cf. la dépos. d’Arn. Garsia, 275r.
(5) Dépos. d’Arn. Garsia.
(6) V. art. 4, 5 et 11 de la I e série. Le témoin G. Fransa avait vu Fr. Ber­
nard visiter les emmurés et les prier de mettre par écrit tous leurs tour­
ments et les noms des innocents que les prisonniers avaient été contraints de
dénoncer comme hérétiques. C’est le même témoin qui porta ensuite ces écrits
à B ern ard . Le témoin Pierre de Castanet composa la liste des condamnés et
la présenta ensuite à D élicieu x .

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316 DISCUSSIONES.

sujet de la libération, Jean de Picquigny avait certainement fait grand


usage de ces preuves accablantes.
Fr. B e r n a r d visita ensuite d i v e r s e s v i ll e s pour produire
les pièces contenant les récits des torturés et pour organiser la ré ­
sistance. L ’argent reçu des citoyens favorisant le mouvement, avait
été porté à A lb i dans la cellule de Bernard (’).
Le 29 septembre, Fr. Geoffroy d’Ablis, O. P., qui avait vaine­
ment cité le réformateur à comparaître, l’excommunia comme fauteur
d’hérésie (2). C’était la première réponse dominicaine à la délivrance des
emmurés. Comprenant d’avance que les inquisiteurs feraient tout leur
possible pour regagner le terrain perdu, Bernard dans la seconde moitié
de septembre, fit parvenir à la r e in e de la p a r t du p e u p le
d’A Ibi, une s u p p liq u e éloquente où il priait celle-ci de protéger
les deux réformateurs qui, étant toujours à la hauteur des circonstan­
ces, auraient parfaitement mérité de grandes récompenses, mais qui
seraient inculpés de toutes sortes de crimes par des calomniateurs
« dont les yeux ne supportaient pas l’éclat de la vérité »(s ). Cette
supplique devança la lettre de Jean de Picquigny, du 29 octobre 1303.
séjournant à Paris et invoquant l’appui de la population du Midi dans
la lutte contre les attaques acharnées des « praevaricatores » (*).
Fr. Bernard Délicieux ne tarda pas à porter secours au réfor­
mateur, en p r ê c h a n t partout en sa faveur (®). C’est seulement en
novembre que les Dominicains trouvèrent dans les districts révoltés un
curé consentant enfin à notifier publiquement l’excommunication. C’était
Jean Recoles (b ), prêtre de l’église de Notre-Dame-de-la-Platée, à
C a s tre s . Bientôt après cette publication, Pierre Nicolaï (7 i, lieute­
nant du viguier d’Albi, fit traîner celui -ci au c o u v e n t f r a n c i s c a i n
de la ville. Là, on voulut, vainement, le contraindre à révoquer en
chaire l’excommunication annoncée. On menaça même de le jeter
« in tali loco, quod ipse Johannes libenter revocaret». On voulait.

(*) Dépos. de G. Fransa. V. la dépos. de Bern. Bet.


(2) Hauréau, 68ss. Lea, II, 83.
(8) Coll. Doat, t. 103, f. 83ss. Hauréau, 73ss. Vaissète, X, preuves, 418.
( À) Le texte est inséré dans le fonds lat. N.° 4270, f. 272r-3v. V. Hauréau,
187-90 la lettre de Picquigny. Lea, II, 84.
(5) V. art. 31-34 de la IL série d’acc. Dépos. de D é lic ie u x , f. IBlvss.
152rss. — Probablement, c’est vers cette époque qu’il prêcha sur les loups
ravisseurs qui viennent au peuple sous des peaux de brebis (Dépos. de Pierre
Garsia, 286r). Cf. la lettre du réformateur du 29 octobre: « Non sunt loquelae
neque sermones quibus explicare possemus, quam nequiter quam nefariter... ciri
mendaces..., qui sub vestimentis ovium luporum intrinsecus rapacitatem occultant...
apud regem... mendaciter detulerunt linguarum gladiis... ». Hauréau, 188.
(6 ) Hauréau, 78, 176ss. Lea, II, 83s. Douais, I, 202.
(7) Hauréau, 1. c. Lea, 1. c. Bern. Gui, Hist. conv.: Martène. 513 E.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 317

évidemment, employer les procédés des inquisiteurs dominicains contre


les amis mêmes des Frères Prêcheurs (L.

§ 6. - La Ligue antiinquisitoriale. — Questions financières.


L’accord parfait entre C a r c a s s o n n e et A lb i au sujet de la
lutte commune contre leurs « traîtres » n’était que la première action
de Fr. B e r n a r d en vue de la réalisation de son plan de fonder une
grande l i g u e an t iin q u i s i t o r i a l e (2), donnant plus d’ordre au
mouvement et réglant le côté financier de la lutte. Quelque temps après
la délivrance des emmurés, une « cou fédérât io » fut conclue entre les
villes nommées et C o r d e s (’). Le Franciscain visita aussi maintes au­
tres localités, trouvant presque partout bon accueil. Mais il ne réussit
pas à cueillir les mêmes succès foudroyants qu’à Albi et à Carcassonne.
H vint aussi à C a s t r e s , où il trouva un partisan dévoué en la per­
sonne du riche docteur ès-lois PieiTe Probi, dont le proche parent
•Jean Baudier était parmi les condamnés dans le grand procès d’Albi (4).
De même que dans chaque guerre, ainsi aussi dans celle que mena
Fr. Bernard, l’argent dut jouer un rôle important. Se rendant compte
des grandes dépenses à faire, il ne se lassait jamais d’exhorter les
partisans à fournir des subsides (6 ). « N’ayez cure d’autre chose »,
disait-il souvent: «sinon d ’avoir suffisamment d’argent, car l’affaire
sera bien menée, si nous disposons des ressources nécessaires!» (6 ).

(b Pierre Probi fut l’instigateur principal de cet outrage. Il paraît que les
F rères M in e u rs , et notamment B e r t r a n d V illa r z e l. gardien, J a c q u e s
d 'A m ilian et A r n a u ld A u g e r prirent énergiquement part aux menaces.
Vu l’impossibilité de parvenir au résultat voulu en se servant de pareils,
moyens, D é lic ie u x ne pouvait nullement approuver ces derniers.
(b V. à ce sujet l’art. 28 de la H* série d ’accus. et l’art. 41 de la l re serie,
ainsi que les dépos. suivantes: Arnauld Marsend (f. 204r), Bern. Bet (61 v),
G. Arn. Prexian (287v-8ri, Guill. Fransa (53ri, Guill. de Villeneuve (2O9r),
Jac. Barchaman (233r), Phil. Perrin (220v), P. de Castanet (57r), P. Garsia
(^♦ir), Pons de Villeséque (283r), Raym. Baudier (241v). Fr. Bernard Déli­
cieux mentionne cette ligue, f 137r-v, 152v, 159v, 165vss.
(b Dépos de Raym. Baudier.
(4) Dépos. de Pierre Probi, f. 269v; Fonds lat. 11847, f. 25r et pass. Hau-
réau, 30, 133, 184. Molinier, 90, 91, 98, 101, 102. Lea, II, 95, 112. Douais, 1,
194; II, 323. Cf. Hauréau, 52.
(*) V. les art. 16, 18, 19 de la I r ” série d ’accus, et les art. 8-10, 12. 16, 17,
24, 33, 34, 51, 52 de la II e série. Les dépos.: Arn. Garsia (f. 72r, 274r), Bernard
Amat (197r), Bern. Fenasse (246r), Bern. Trevas (280r), G. Fransa (48r), Guill.
Hugues (227v-8r), Guill. Olivède (206r), Jean Marsend (204r), P. de Castanet
i57r-v), P. Probi (266r), Pierre Vital (193r), Raym. Baudier (240v-lv), Raym.
Juge (243v), ainsi que l’aveu de Fr. B e rn a r d , f. 131rss.
(b Dépos. de P. Probi. — Ce n ’était pas chose facile de couvrir les dépenses
de la défense, comme nous voyons déjà par les procès de Guichard de Troyes
et de Jean l’Archevêque, sire de Parthenay.

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318 DISCUSSIONES.

Déjà en 1302, les citoyens d’A lb i, suivant les conseils de D é­


licieux, avaient fondé un syndicat composé d’Arnauld Garsia, de Jean
Donedieu et de Guillaume Salvi, concentrant dans leurs mains la pro­
cédure contre l’évêque. L ’acte de procuration statuait entre autres que
les syndics avaient le droit de faire des emprunts d’argent au nom de
la communauté. Ayant lu ce passage, B e r n a rd , à l’insu de la com­
munauté, ordonna à Arnauld Gallinier, notaire d’Albi, d’a j o u t e r a u
t e x t e que les syndics ne pouvaient pas être révoqués jusqu’à la fin
du litige avec le saint-office et qu’ils avaient le droit d’obliger la ville
à donner des garanties aux créditeurs (*).
Bernard exigeait des Carcassonnais, des Albigeois et des Corduais
d ix so u s par jour afin de pourvoir aux dépenses personnelles néces­
sitées par la défense du peuple. Non content de ce salaire, payé ir­
régulièrement pendant quelques années, il demandait aussi d’autres
sommes (*). Plein de dévouement à la cause du peuple, il se vit même
obligé de vendre tout ce qu’il avait pour pouvoir payer les dettes
contractées. Il engagea aussi ses livres (s ).
Comme on le voit, Fr. Bernard n’était pas, à cette époque, un
fidèle disciple du poverello d’Assise abhorrant tout argent. Ce n’est
qu’après, pendant ses longues années de retraite que Bernard devint
un Franciscain « spirituel ».

§ 7. - Voyage de Philippe* le Bel en Languedoc. — Les débuts


du complot contre le roi.
Quelle animation dans les rues principales de T o u lo u s e quand,
le jour de Noël 1303, P h i li p p e accompagné de son épouse, de ses
trois fils et de nombreux dignitaires, fit son entrée dans la ville! Tout
en poussant de grands cris de joie, la foule criait aussi: «Justice!
Justice! ». C’était l’accueil arrangé par Fr. Bernard (*).

(’) Dépos. de Guill. Fransa (f. 247v-8v). V. la dépos. de Fr. B e rn a rd ,


f. 93rss, 165vas, 17Br. — Est-ce que c’était un faux de la part de B e rn a rd ?
Avait-il la permission des consuls de modifier le texte? Nous ne le savons pas.
Il paraît cependant, puisque dans les accusations contre lui on n’en fit pas état.
(*) Dépos. d'Arn. Garsia (f. 277r), B. Bet (61v-2r), B. Trevas (280v), Gui
Sicred (210r), G. Fransa (53r). Pierre de Castanet (57r-v), P. Probi (266r-v).
Raym. Juge (243v). V. la teneur de la plainte portée par D é lic ie u x devant
le viguier royal à Carcassonne au sujet du salaire que les consuls de cette
ville ne lui avaient pas payé (f. 154r-5v).
(8) Art. 36 de la Ie série d'acc., art. 51 de la 11« série. Dépos.: Am. Garsia.
Arn. de Nougaréde, G. Fransa et P. Castanet (f. 277r, 263v, 53, 57v), ainsi
que la plainte au sujet du salaire (f. 155r).
(♦) Au sujet du séjour royal en Languedoc v. Arn. Garsia (f. 73r-5v.
278r-v), Arn. Marsend (266r-v), Bern. Audiguier (238r-v). Gui Sicred (214r).

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 319

Entouré de son conseil, le ro i reçut les plaignants en a u d ie n c e


solennelle dans la nouvelle salle supérieure du château Narbonnais, en
présence de plus de cinq cents personnes. D’abord, l’excommunié Jean
de Picquigny prononça un discours, en défendant la population et en
attaquant Bernard de Castanet, ainsi que les inquisiteurs. C’était
Fr. Guillaume Pierre de Godin, alors provincial dominicain, qui ré­
pliqua au réformateur. Celui-ci démontra, ensuite, que les accusations
produites par le provincial étaient dénuées de fondement. Pendant
cette réponse, Fr. B e r n a r d se plaçant derrière Arnauld Garsia, lui
dit à l’oreille: < Dites au roi qu’il ne doit pas croire au propos de
Nicolas, son confesseur, parce que celui-ci communique aux Flamands
tout ce qu’on décide contre eux dans le conseil! » (\).
Le réformateur ayant fini de parler, Pierre Probi s’approchant du
trône retraça les origines du grand procès d’Albi. Arnauld Garsia dé­
peignit, ensuite, les «gravamina tormentorum »,en n’oubliant pas d’atti­
rer l’attention du roi sur les menées du confesseur, ce qui par ailleurs
n’impressionna nullement le monarque (2). Enfin Gaillard Etienne,
juge royal d’Albi, inculpa Fr. Foulques de Saint-Georges, O. Pr., de
maints graves délits et entr’autres, d’attentats aux mœurs (8). Après
quoi, les trois représentants, en suivant en tout les instructions de
Fr. B e rn a rd , présentèrent les c h a r g e s co m p o sées par ce der­
nier et implorèrent le. secours efficace du monarque en faveur du
peuple (4 ). Le roi les congédia, en promettant de prendre telles me­
sures qu’il jugerait nécessaires.
La joie des populations était grande, quand elles apprirent la
bonne nouvelle de l’audience royale. En signe de reconnaissance pour
leurs défenseurs, les citoyens d’Albi badigeonnèrent les images de
S. Dominique et de S. Pierre Martyr se trouvant à une porte de la

G. Fransa (250v), P. Probi (268r, 269v-71r), Baym. Baudier (240v-lr) ainsi que
les dépos. du prévenu (f. 98rss, 103r, 104r, 109r, llOr, 122v-3r, 112v-8, 129r-v,
137v ss, 155v, 161r). Les art. 85-87 de la II e série d ’accusat. — Hauréau, 83ss.
Lea, II, 86ss.
(0 Dépos. d ’Arn. Garsia. Hauréau, 85.
(2) H. Finke, Zur Charakteristik Philipps des Schünen, 1. c. XXVI, 1905, 209,
considère cette attitude du monarque comme un signe de son flegme. Mais
cette réserve a une autre explication. B e r n a r d étant renseigné au sujet de
cette trahison du confesseur par le cardinal Jean Lemoine (dépos. d ’Arn.
Garsia), Philippe au rait bien pu apprendre cette nouvelle, reconnue finalement
infondée, de la bouche même de ce cardinal qui, abusant de la confiance de
Boniface V III, favorisait en secret tous les projets du roi et lui donnait ses
bons conseils dirigés contre le pontife. Ce n ’est pas sans raison que Jean
Lemoine « oublia » si vite son sombre rôle de conseiller royal dans l’affaire
des Templiers.
O Voir supra, p. 199s. (4) Dépos. de P. Probi et d’Arn. Garsia.

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320 DISCUSSIONES.

ville et les remplacèrent par les images des deux réformateurs e t de


Pierre Probi ainsi que d’Arnauld Garsia
Mais cette joie était bien prématurée. Le 13 janvier 1304, P h i ­
lip p e publia une o rd o n n a n c e , où il préscrivit à ses délégués de
visiter les emmurés, tout en enjoignant aux geôliers de bien tra ite r
les détenus. La marche des poursuites devait être accélérée, afin que
les innocents ne souffrissent pas inutilement. Les procès non terminés
seraient soumis à l’examen commun de l’évêque diocésain et de l’inqui­
siteur. Les poursuites de Bernard de Castanet étant suspectes, celui-ci
serait à remplacer par Arnauld Nouvel, abbé de Fontfroide. Les fonc­
tionnaires royaux devraient prêter aux juges le concours demandé et
protéger aussi la personne et les demeures des Dominicains (2).
Représentant un compromis, cette ordonnance ne pouvait satisfaire
que le roi. Ayant promis à la population son aide à l’époque où.
impliqué dans un conflit avec Boniface VIII, il cherchait l’appui de son
pays, Philippe, venu en Languedoc, voyait bien la nécessité de tenir sa
promesse. D’autre part, en attendant l’issue favorable des négociations
avec le nouveau pape Benoît XL, dominicain, le monarque ne voulait
pas le froisser par une mesure énergique prise contre ses confrères i?;.
Quelque temps avant l’arrivée du roi, les inquisiteurs dominicains
Guillaume de Morières et Geoffroy d’Ablis accusèrent Fr. B. Délicieux
devant B e r n a r d d’O r th o la n (4), provincial d’Aquitaine, en décla­
rant qu’il s’opposait à l’exercice de l’Oflice et qu’il donnait assistance
aux hérétiques. Ayant comparu, Fr. Bernard prouva parfaitement son
innocence, en produisant des références multiples de son couvent de
C a rc a s s o n n e , des chanoines de cette ville, de l’abbaye de Castres,
ainsi que des consuls de Carcassonne et d’Albi (L. Evidemment, les

f ) B. Gui, Hist. conv.: Martène, 411 E.


(2 ) Dépos. de Bernard (f. 139v) et P. Probi (271r). — Vaissète, X, pr. 428-431 :
IX, 258s. Lea, II, 87. — C’était Guillaume de Plasian qui présenta aux repré­
sentants du peuple l'ordonnance royale. (Dépos. d ’Arn. Garsia); Hauréau. 91.
Vaissète, X, 273. Mahul, VI, I, 284; V, 654. (4) Lea, II, 87.
(8 > Cf. Othon de Pavie, 1. c. I, 141s, puisant dans la Chron. 24 Gen., AF
III, 432-3, 455s. Les custodies de Bordeaux, d ’Albi (le couvent de Castres était
de cette custodie) et de Toulouse faisaient partie de la province d ’Aquitaine,
tandis que la custodie de Narbonne dont était le couvent de Carcassonne,
appartenait à la province de Provence. Provinciale O. F. M. vetustissimum,
ed. C. Eubel, Ad Cl. Aquas 1892, 16-8; II e édit dans le BF V, 582, 588-9; voir
aussi le Provinciale de Barth. de Pise, dans AF IV. 587-9. Fr. Bernard dé­
ployait son activité dans le territoire des deux provinces limitrophes; on ne
saurait donc dire jusqu'ici, si et q u a n d il s e r a i t p assé formellement
de la Provence à l’Aquitaine.
(♦) Dépos. de Bernard, f. 82r-ss. Probablement vers la même époque.
Fr. B e rn a r d fut inculpé des mêmes délits par Bernard de Castanet devant

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 321

Dominicains voulaient empêcher que Bernard vît le roi pendant son


séjour dans le Midi. Ce plan ayant échoué, ils déterminèrent le mo­
n a r q u e à c i t e r B e r n a r d en justice (1).
En présence de Fr. B. d’O rth o la n , provincial, de Fr. G ille s
A y c e 1i n, de Fr. B é r e n ger F r é d o 1, de Fr. P i e r r e de M o rn a y
et d ’autres, Fr. B. D é lic ie u x pria le souverain de se souvenir du
désir qu’il avait exprimé de voir Fr. Bernard apaiser le peuple ré­
volté et annoncer à celui-ci la prochaine arrivée du roi, réglant alors
définitivement la procédure inquisitoriale en donnant au pays une paix
durable. Or Bernard a rempli le désir du souverain. A présent le
peuple attend la réalisation de son désir ardent, la révocation des
inquisiteurs qui, tout en supprimant les garanties dont l’expérience
avait reconnu la nécessité dans les procédures judiciaires, auraient
parfaitement pu condamner comme hérétiques même les saints Piene
et Paul, si ces derniers avaient été jugés par les tribunaux inquisi­
toriaux du Languedoc (2). Et la défense! Celui qui aurait assumé la
défense de ces saints, serait certainement poursuivi comme fauteur
d’hérésie. Le même crime est imputé, à présent, à Fr. B e r n a r d et
au réformateur qui, tous deux, ne faisaient que protéger les innocents.
Tant que l’injustice d’un Fr. Jean Galand (3), d’un Fr. Guillaume de
Saint-Seine (4) ou d’un Fr. Nicolas d’Abbeville peut facilement être
imitée, aucune paix durable n’est possible. Si l’activité des inquisi­
teurs est irréprochable, il faut les louer et les récompenser. Mais, si
elle est injuste, — ce que prouvent les plaintes continuelles — il faut,
en suivant l’exemple du médecin cherchant d’abord attentivement les
causes de la maladie, examiner exactement ces plaintes et, ensuite,
exterminer le mal (5). — Au grand regret des Dominicains, le roi se
montra satisfait de cette défense de Bernard Délicieux.
J e a n d e M u r r o , m i n i s t r e g é n é r a ] et c a r d i n a l , qui chargea le pro­
vincial de ju g e r cette cause. B e r n a r d d ’O r t h o l a n , é ta n t à B o r d e a u x ,
c’é ta ie n t le custode, le gardien e t le lecteur de T o u lo u s e qui in terrog èren t
le prévenu, finalem ent acquitté. Le m i n i s t r e g é n é r a l en fu t aussitôt in ­
formé (f. 88vss). Créé C ardinal le 15 déc. 1302, Fr. Je a n de M urro, élu en 1296,
co n tin ua à gouverner l ’ordre comme V icarius ju s q u ’au chapitre général du
16 mai 1304; A F III, 458s, 704. O V. a rt. 3-7 de la II e série d ’acc.
(2) Cf. la réponse connue de Jean de Wesel à ses bourreaux. Lea, II, 422;
I, 405. (3 ) Voir plus h au t, 191, 197s.
f4) De fait, les interro gato ires de G uillaum e de Saint-Seine en 12S6-12b7
(fonds la tin N.° 12856, f. 1-62) ressem blent parfaitem en t aux in terrogatoires
p en d ant le g ran d procès d ’Albi. V. M olinier. 33. Cf. Douais, I, 183ss.
(5) Dépos. de B ernard, f. 138rss. P ierre P robi est le seul tém oin qui parle
de cette com parution. Il ne se rappelle que les paroles du prévenu déclaran t
ne pouvoir pas com prendre, pourquoi le peuple opprimé se garde de crier:
«Vie fora! ». Le tém oin v it le r o i i r r i t é su rsa u te r e t ordonner à G uillaum e
de N ogaret d'im poser silence à l’orateur.

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322 DISCUSSIONES.

Le peuple et ses guides ne perdaient pas encore l’espoir. Philippe


étant venu le 25 janvier 1304 à C a rc a s s o n n e , les citoyens pavoisè­
rent richement leurs maisons. Les Albigeois, les Castrais, femmes et
hommes, vinrent aussi pour accueillir dignement le souverain. Celui-ci
cita à comparaître Gui de Chevrier (*), sénéchal de Carcassonne, ainsi
que Raymond Costa (’), juge-mage de cette ville. Accablés de preuves,
ils avouèrent, devant le roi, avoir scellé, sans examiner le texte, l’acte
du traité de paix conclu en 1299, et avoir reçu pour cette complaisance
un « pot de vin » de la part de l’inquisiteur (’). Mais, invité par
les citoyens à visiter les emmurés gardés dans les prisons royales,
Philippe refusa de le faire. Il chargea de cette visite son frère Louis (4 \
Finalement, les prières assidues du peuple exigeant que le roi déter­
minât le pape à révoquer les Dominicains, agacèrent Philippe. Voulant
monter l’escalier menant à la salle du château, le roi fut accosté par
Elie Patrice qui lui dit, en désignant le bourg parfaitement visible
des fenêtres du palais: « Sire, ayez pitié de cette ville t^ue l’on traite
si durement! ». Alors, s’adressant à sa garde, le souverain fit écarter
le conseiller importun. Etant monté sur son cheval fort, Elie apparut
dans les rues du bourg et somma même les habitants, lui demandant
les résultats de l’entretien, d’enlever à la ville ses atours de fête (ô ).
Le peuple étant pris de désespoir, Philippe quitta bientôt la ville.
Fr. Bernard, Elie Patrice qui s’était quelque peu calmé, et d’autres
citoyens le suivirent. A B é z ie rs , Fr. B. Délicieux parvint à parler
à Guillaume de Nogaret. En politicien avisé, celui-ci répondit: « Le
roi a beaucoup d’autres affaires à régler avec la curie romaine. D’ail­
leurs, le nouveau pape, ardent ami de son ordre, ne peut pas être
disposé à la révocation désirée. Sachez attendre de plus favorables
circonstances »(®).
Pendant le court séjour à B é z ie rs , les consuls des villes offri­
rent au couple royal deux vases d’argent qui n’étaient pas encore
achevés quand la cour passa par C a rc a s s o n n e . Le roi offensé par

0) Mahul. VI, I. 77, 279, 453; V, 652. Vaissête, IX, 197, 226, ‘234, ‘283; X,
pr. 376. Recueil, 24, 256*. Lea, II, 70.
Mahul, VI, I, 299, 453; V, 652, 654. Vaissête, X, pr. 115, 279, 371, 373,
375. 378. Limborch. Liber *ent. 39, 93, 98s, 184, 336. Douais, I, 37.
(s ) Ces deux dignitaires ne tombèrent en disgrâce que poui’ peu de temps.
Gui retourna, en 1305, à son poste. En 1313, il devint viguier de Lyon. Phi­
lippe jugeait donc ses fonctionnaires non d'après leur probité, mais d ’après
leurs capacités adm inistratives ou judiciaires. Voir plus haut, 212-8.
(4) Dépos. d ’Arn. Garsia.
O Dépos. de Jac. Barchaman. Hauréau, $*2. La version d'A rn. Marsend
nous paraît invraisemblable: Elie aurait menacé le roi qu'on se donnerait un
autre suzerain. (°; Dépos. de Bernard, f. U2v-3r. Hauréau, 94.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 323

l’attitude ouvertement mécontente du peuple, refusa net d’accepter le


présent, tandis que la reine, obéissant aux ordres de l’époux, dut
rendre à Montpellier le cadeau qu’elle avait accepté. Alors, on comprit
que la compatissante Jeanne de Navarre ne pouvait plus aider le
peuple par ses suppliques auprès de Philippe (’).
Les dernières espérances du peuple d’aboutir à la justice complète
étant définitivement anéanties, les compagnons (*) de Fr. B e r n a r d
vinrent lui dire qu’il ne leur restait d’autre alternative que de brûler
leurs maisons et d’émigrer pour fuir les représailles des inquisiteurs,
ou de trouver un autre roi disposé à les protéger. Bernard approuva
cette dernière solution. En accompagnant la cour jusqu’à N îm es, les
conjurés cherchèrent seulement l’occasion de parler et de gagner à
leur cause F e r r a n d (8), f il s du ro i de M a jo rq u e , venu avec
son père pour rendre hommage à Philippe et l’accompagner de Mont­
pellier à Nîmes. C’était Fr. Bernard qui, en indiquant à ses compa­
gnons ce jeune prince comme un roi qui leur conviendrait parfaite­
ment, trama le complot avec lui. Voyant Ferrand venir avec le plus
grand empressement à la rencontre de leurs désirs, les conjurés quit­
tèrent la cour pour se concerter avec le peuple (4).

§ 8. - Députation au pape. — Consolidation de la ligue


antiinquisitoriale.
De retour à C a rc a s s o n n e , Bernard Délicieux déploya une
activité fébrile pour organiser une députation au pape, pour affermir

O) E n g é n é ra l, p e n d a n t to u te s ces n ég o ciatio n s. J e a n n e ne jo u a que le


rôle d ’u n in te rm é d ia ire p lu tô t im p u iss a n t. Le ro i n ’é c o u ta it ses conseils que
lorsque ils é ta ie n t c o m p a tib les avec la h a u te p o litiq u e de l’E ta t. A insi, il ne
s'opposa n u lle m e n t a u x p o u rsu ite s c o n tre G u ic h a rd de T ro y es, t a n t d é te sté
par la rein e v o u la n t sa c o n d a m n a tio n .
( 2) Elie P a tr ic e , G u ill. de S a in t- M a r tin , A rn . T e rrie n e t P ie rre d ’A rn .
G uillaum e (dépos. de B e rn a rd , f. 115v, 104r, 107r, a in si qu e la • confessio *
d ’A rn . G a rsia , f. 74v).
( 5 ) H a u ré a u , 97s, 100, 103, 106, 108-112, 124, 1.58, 207. Lea, II, 88s. V aisséte,
IX, 277, 328, 391, 461. V idal, B u ll., 6, 49-51, 150. V idal, J . G aland, 23, 37.
Ch. S c h m id t, T, 823. G. L iz e ra n d , d e v ie n t V, 413. K . W en ck , P h ilip p der
Schüne, 47. G. S c h l u m b e r g e r , Expédition des * A lm ugavares »... en Orient,
P a ris 1902, 268, 298, 299, 305, 306, 325-827. A. H ü ffelm an n , Clemenza von Ungarn,
B erlin 1911, p. 9ss. M ah u l, VI, I, 11; V, 665. V aisséte, X , 1035. D ’A c h ery , S p i­
cilegium, IX , P a r is 1669, 276ss. d ir o n ik des Edlen en R am on M untaner, ed. L anz,
Bibliothek des literarischen Vereins in Stuttgart, V III, 1844, chap. 230, 234s, 238,
263s, 267, 270 (p. 407, 419s, 427, 472, 475ss, 484). Recueil, 21, 664C. — H . F i n k e ,
Acta Aragonensia, I, B erlin 1908, 486 (n r. 323); II, 566 (n r. 370).
(*) Dépos. de B e rn a rd (f. 103v-4r. 113r, 115v) e t d ’A rn . G a rsia. H a u ré a u ,
97ss. L ea, I I , 88.

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324 DISCUSSIONES.

la ligue antiinquisitoriale, ainsi que pour tramer le complot. Ayant


perdu l’appui du roi, il voulut tenter tous les moyens possibles, avant
qu’il ne s’avouât vaincu. En même temps, il ne perdait aucune occa­
sion de prêcher, comme d’habitude, au peuple. Les paraboles qu'il
employait permettent parfaitement de se faire idée de son état d’âme.
Voici sa parabole du bel oiseau (l ) où il attaquait, avec beaucoup de
hardiesse, le roi abandonnant la cause du peuple. Il y avait une fois
une grande troupe de colombes paisibles. Un jour un épervier rapace
se précipita sur elles, saisit une colombe et disparut. Les jours sui­
vants, à la grande consternation de la troupe, le ravisseur répéta ses
incursions. Alors, les pigeons élirent comme roi — un bel oiseau de
proie ne chassant que pendant la nuit (’). Il lui portèrent ses plaintes.
« Cum facie p ia » , il promit sa protection. Mais il ne tint aucun
compte de sa promesse. Bientôt le ravisseur emporta de nouveau
maints pigeons. Les plaintes réitérés devant le bel oiseau ne chan­
gèrent en rien la situation. Le roi, « inclinato capite, pio et sereno
vultu », promit de punir le coupable, sans songer, pourtant, à agir.
Enfin la troupe décida de ne plus invoquer l’aide de l’oiseau de nuit,
mais de prendre, elle-même, les mesures nécessaires de la défense (s .
Bernard compara ensuite ces pigeons et colombes avec les femmes
d’Albi, ainsi qu’avec d’autres plaignants qui cherchèrent vainement
justice auprès de Philippe (4).
En ce qui concerne la d é p u ta t io n au p a p e (5) en faveur de
Jean de Picquigny et du peuple, Bernard et les consuls d’Albi s'ac­
cordèrent à convoyer Pierre Probi et Jean Donedieu qui devaient
présenter les plaintes formulées par Bernard lui-même (fi). D’autre
part, les Carcassonnais décidèrent de nommer procureurs Aymeric
Castel, Arnauld Terrien et Bernard Jean (’). Le côté financier souleva
de vifs débats. Dans maintes réunions, on discuta les sommes qu'il

(') Dépos. de Raym. Arnauld <f. 235v-7r).


(2) Allusion à la politique machiavélique de Philippe!
(3; F. 236r: « Domini, dixerunt columbi, non est remedium, nisi quod fu­
giamus nisum, ex quo non habemus regem qui nos deffendat ; quod et
factum fu it...» .
(4) Cf. la comparaison connue, faite par Bernard Saisset: Bouta rie. D7
France sous Philippe le Bel, 419.
(5) Les événements du temps de cette députation sont rapportés aux
art. 9 et 10 de la l re série d ’acc., par les art. 31-4, 38-9, 42-44 de la IF série,
ainsi que par les dépositions suivantes: Bernard Dél. (f. 98v, 103v-4r, ll*»r-v.
112vss, 116v, 130v-l, 152vss), G. Ffansa (45r-v), P. de Castanet (55v), R. Bau-
dier (241r-v), Raym. Juge (242r-v), Arn. de Nougarède (263r), Arn. Garsia
(79r-v, 27Bv). V. aussi l’écrit de B e rn a r d au sujet du salaire non payé (lMr).
(c ) Dépos. de R. Baudier (241r-v> et R. Juge (242r-v). Cf. Arn. Garsia. f. 79.
Ç) Douais, II. 313-7.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 325

fallait offrir au réformateur pour sa défense. Enfin, on lui promit trois


mille livres par an. La moitié devait être fournie par Carcassonne,
mille livres par Albi et cinq cents livres par Cordes. Les consuls
dAlbi ne pouvaient donner alors que sept cents livres qu’on avait
remises entre les mains de Bernard s’attribuant le rôle de caissier.
Les carcassonnais ne versèrent que trois cents livres (’).
Délicieux n’avait guère l’espoir d’aboutir à une issue favorable
de toutes ses démarches (2). Dans son exaspération, il exprimait ou­
vertement son intention de recourir aux moyens agressifs employés
par Philippe lui-même contre Boniface V III et de faire soulever le
peuple contre Benoît XI, si celui-ci ne prêtait pas une oreille atten­
tive aux plaintes populaires (3). L’insuccès de l’ambassade (*) n’avait
pas surpris Bernard.
Pour étendre la lig u e , Bernard accompagné d’Elie Patrice et
d’autres, visita entre autres L im o ux , A le t, R é a lm o n t, M onto-
lieu, C a u n e s et L a g r a s s e o ù le s consuls et les habitants éprouvés
par l’inquisition se laissèrent gagner par l'éloquence du Franciscain (6).
Mais dans toutes ces villes on ne s’empressait pas de prime abord
d’entrer dans la ligue. Ainsi, les citoyens d’Alet (6) et de Limoux (7)
paraissent avoir longtemps hésité. Les consuls de cette dernière ville
ayant premièrement refusés de s’associer, Fr. Bernard, vif comme il
était, exprima son mécontentement en les comparant aux cochons en­
fonçant leur groin dans la boue (8).

§ 9. - La trahison de Carcassonne.
Abattus et craignant, non sans raison, la vengeance farouche des
inquisiteurs, Arnauld Garsia et Pierre Probi, de retour de Nîmes,
s’arrêtèrent pour quelque temps à C a r c a s s o n n e avant de continuer,
à deux, leur voyage à A lb i. C’étaient Elie Patrice et Guillaume de
Saint-Martin qui, vers le dimanche de la Passion (15 mars 1304),
vinrent voir les nouveau-venus, en leur déclarant que Fr. B e rn a rd ,
leur fidèle ami, ainsi que les deux visiteurs avaient conféré avec

f1) E c r it de Fr. B e rn a rd au sujet du salaire, ainsi que les dépos. de


G. Fransa (45r-v), Arn. Garsia (276v) et P. de Castanet (55v).
(a) Pourtant quand Jean de Piccjuigny entreprit le voyage à la cour du
pape, B ern ard cherchait à encourager le peuple par maints discours énergi­
ques. V. la dépos. de Bern. Trevas (268r-v) et les articles 88-45 de la IF série.
(’) Article 48 de la II e série. (4) Vaissète, II, 259. Lea, II, 85.
(5) Art. 46 de la II e série et les dépos. de Bernard (f. 152vss) et B. Tre­
vas (282v). (6) Dépos. de Guill. Hugues (f. 227r-8v).
C) Les dépos. de Jean Lauras (f. 302rs), Isarn Cervel (305rs), Michel
Sartor (803vss), Pierre Gaytan (801rs), Pierre Baym. Salavert (SOBrs) et de
Raym. de Niort (306rs). (K) Dépos. de Michel Sartor (f. 303v-4r).

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326 DISCUSSIONES.

F e r r a n d au sujet de la trahison de Carcassonne (’) et que le jeune


prince, tout en acceptant avec empressement la proposition de devenir
roi de cette ville, promit la défense efficace contre l’inquisition. En
hâte, Arnauld et Pierre allèrent chez D é liç ie u x qui, en assurant
son grand amour pour le Languedoc, confirma la nouvelle et leur
conseilla de se joindre au mouvement. Tous deux consentirent (2).
Arrivés à Phôtel de ville, ils y virent assemblés tous les citoyens
notables (3). Elie Patrice exposa le p r o je t. Sauf quelques récalcitrants
qui furent vite expulsés, tous décidèrent de se donner un autre roi
et spécialement Ferrand qui, quoique jeune, ne serait étranger qu’à

(*) La * proditio* est mentionnée par les personnes suivantes: le prévenu


(f. 98rss, lOOvss, 102vss, 106vss, 108rss, 112vss, I15rss, 118vss, 87vss), A lb ert
de Vallet (217v-20v), Arn. Garsia (75r-9v), Arn. Marsend (225v-6v), Béren­
ger d ’Olmes (197v-9r), Bern. Amat (195r, 7r), Bern. Fenasse (246v-7r), B em .
Trevas (282v, 284v-5r), Bruno de Montcabrier (222r-v), Gui Sicred (212v), Gui 11.
Fransa (249v-51v, 256v-7v), Guill. de Villeneuve (209vj, Guiraud de Meldis
(217r), Jean Marsend (204r-5v), Phil. Perrin (221r), Pierre Guila (290r), P ierre
Vital (194v), Pons Simon <290v), Raym. Arn. Terrien (293v-6r), Raym. G u il­
laume (200r-2r, 203r), Raym. Juge (248r), Raym. du Puy (207r-8r). Dans les
actes de l’interrogatoire que subirent B. Amat, R. du P uy et B. Trevas, nous
trouvons le texte des réponses de Pons de Montolieu (195v-6v), de R. du P u y
(207r-8r) et de Guill. Brunnel (283v-4v) interrogés en 1804-1305 par le trib u n a l
séculier jugeant les conspirateurs. L’article 54 de la II e série parle aussi de
la trahison.
(*) Dépos. d ’Arn. Garsia et de G. Fransa. * F rater B ern arde», avait d it
Garsia (77r): « quilibet debet se vindicare de inimicis suis cum Deo vel daemonibus,
sicut potest. Bene placet mihi quod fiat, sicut vos consulitis, et super hoc faciam
iuxta consilium vestrum quidquid potero*. G. Fransa affime que le complot fu t
tram é encore avant l’arrivée du roi à Toulouse. Mais ce témoignage ne se
base que sur de vagues suppositions.
(3) Dépos. de Bernard, f. 104r, 113r. A. Garsia parle des personnes su i­
vantes: Elie Patrice, Guill. de Saint-M artin (Hauréau, 92, 96-8, 100, 103, 105,
126. Douais, H, 314. Mahul, VI, I, 11; V, 657), Guill. Roger de Burcafel
(Hauréau, 126. Mahul, VI, 11, I), Bern. de Pourçain, J. Marsend et R. A rn.
Terrien. — Pons de Montolieu (Hauréau, 126. Mahul, V et VI, 1. c.) nomme
en tr’autres Arn. Terrien (Hauréau, 72, 91s, 95, 105. Douais, II, 305, 313s.
Mahul, V, 1. c.), Raym. Belet (Hauréau, 72, 91, 105. Douais, II, 314. Mahul.
1. c.), Raym. du Puy (Hauréau, 105. Mahul, 1. c. Douais, 1. c. ), Raym. André
(Hauréau: Mahul; Douais, 11. ce.) et Guill. du Puy (Hauréau, 105, 126. Mahul,
VI, II, 114; VI, I, 11. Douais, 1. c.), J. Marsend mentionne Pierre d ’Arn.
Guillaume (Hauréau, 92, 95s., 98, 126. Mahul, VI, I, 11). — Raym. du Puy
parle de la présence de Raym. Bena (Hauréau, 105. Douais, 1. c. Mahul, V, 1. c.),
de Barthélemy Calvier (Hauréau, 105, 126. Mahul, VI, I, 1. c.), de Bertrand
Vital (Hauréau, 105) et de Bern. Marseille (Hauréau, 126. Mahul, VI, 11,66;
VI, I, 1. c.). — Guillaume Brunei (Hauréau, 126) affirme avoir vu les consuls
Guill. Laurent (Hauréau, 91, 105. Mahul, V, 1. c. Douais, 1. c.) et Raym. So-
quier (Hauréau, 105. Douais; Mahul, 11. ce.). Tous les témoins déclaraient
qu'Elie Patrice y joua le rôle principal.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 327

moitié ( 1). Ensuite, les conjurés prêtèrent serment de garder le si­


lence (2).
Il n’y a rien d’étonnant qu’on eût si vite consenti à la trahison.
D’abord, les liens unissant le Languedoc à la France étaient très
faibles. Souvenons-nous seulement du complot du vicomte de Narbonne
en 1283 et des tendances antifrançaises découvertes par le procès de
Bernard Saisset (3). Ensuite, l’histoire de Carcassonne étant riche en
troubles politiques, l’établissement et la déposition des souverains par
1er citoyens y joua un grand rôle. Ceci favorisait parfaitement le dé­
veloppement du caractère indépendant (*).
Les vainqueurs de Muret ayant été considérés comme des étran­
gers importuns, les Capétiens ne pouvaient pas compter sur beaucoup
de sympathies en Languedoc, tandis que la Maison royale de M a jo r ­
que, branche cadette de celle d’A ra g o n , y était très estimée. Le
fait qu’en 1293, J a c q u e s I de M a jo r q u e devint, dans la seig­
neurie de Montpellier, vassal immédiat de la couronne française, ne
changea en rien le grand respect dont la famille jouissait chez le
peuple, ainsi que chez Fr; Bernard, originaire de Montpellier. C’était
la seule Maison dont les membres pouvaient prétendre à Carcassonne,
tout en trouvant bon accueil chez la plupart des notables. Bernard
devait bien comprendre que Jacques I, en diplomate avisé et étant
étroitement lié aux Capétiens, ne consentirait jamais à la trahison.
Mais, problablement, Délicieux supposait que, vu le conflit de 1282
avec Philippe le H ardi et vu l’humiliation alors subie (5), Jacques ne
pouvant pas oublier l’outrage, laisserait tomber les protestations, quand
la trahison serait couronnée d’un complet succès. P eut-être Bernard

(’) Dépos. d’Arn. Garsia, de Pons de Montolieu, de Raym. du Puy, de


G. Brunei et de J. Marsend.
P) Dépos. d’Arn. Garsia.
C1) Martène et Durand, Thesaurus novus anecdotorum, I, Paris 1717, 1319ss,
133ÛSS. Vaissète, IX, 217ss. Cf. Hauréau, B . Leneveu, 1. c. 543. Hauréau, B ern.
Del. 99. G. Lizerand, Clément V, 413.
(«; Ainsi, Bernard Aton ayant habilement gagné les sympathies des ha­
bitants, ces derniers l’élirent comme vicomte, en 1083. Vingt quatre ans plus
tard, les Carcassonnais chassèrent Aton. Quelque temps après, on le restitua
dans ses privilèges à condition qu'il ne se vengerait pas des torts subis pen­
dant le différend. On lui prêta même serment de fidélité. Le fils du vicomte
ayant horriblem ent vengé le soulèvement contre son père, de nouveaux trou­
bles secouèrent la ville. En 1107, celle-ci prêta consécutivement deux serments
de fidélité, d ’abord à Aton et peu de temps après à son adversaire, Raymond
Bérenger III, comte de Barcelone. Destitué en 1120, Aton reconquit la ville
trois ans plus tard. Se trouvant sous la domination de la maison des Tren-
cavel, Carcassonne se lia d ’am itié avec Aragon. Ce n ’est qu’en 1247 qu’elle
devint française. Mahul, V, 248, 250, 252, 255s, 324; cf. 548, 615.
(5) Vaissète, IX, 82s.

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328 DISCUSSIONES.

prenait-il aussi en considération le fait que la Maison d’Aragon, ainsi


que ses branches, montraient depuis longtemps une grande prédilection
pour les Franciscains (’). La situation de Philippe aurait été bien pré­
caire, si la conspiration avait réussie. Eloigné de sa base, menacé par
les Flamands, Philippe aurait pu subir très facilement un grave échec
dans le Languedoc.
La doctrine de la s o u v e r a i n e t é du p e u p le colorait par­
faitement la trahison. Et Fr. Bernard déclarait que le peuple pouvait,
de plein droit, destituer le prince inique (2). Nous supposons que
Hugues de Digne, traitant le même sujet devant Saint Louis, ne
pouvait pas être plus éloquent (8).
L ’exaspération du peuple ne pouvait que favoriser le mouvement.
Déjà en 1286, les consuls de Carcassonne mentionnaient l’intention des
habitants d’émigrer en masse hors des domaines du roi de France pour
se soustraire aux poursuites incessantes des inquisiteurs. C’était la
dépopulation et la ruine de la riche ville de Carcassonne que crai­
gnaient les citoyens, aussi en 1304 (*). Ne voulant pas quitter leur
chère ville natale, les Carcassonnais ne pouvaient que consentir à la
trahison.
Loin d’être le produit d’un affolement aveugle, le complot tramé
était évidemment une grande erreur, car on n’avait pas pris en con­
sidération que F e r r a n d doué de beaucoup de qualités, était trop
jeune et inexpérimenté et avait des penchants prononcés à courir les
aventures. Ceci amena finalement la catastrophe.
Ayant quitté l’hôtel de ville, quelques uns des conjurés se ren­
dirent, dans la cellule de Fr. B e r n a rd . On y décida que celui-ci,
porteur d’une lettre signée des consuls offrant leur hommage au prince,
irait chez F e r r a n d et lui communiquerait la résolution prise. On
chargea Arnauld Garsia et Pierre Probi de tramer le complot à
A l b i ( 5). Dans la première moitié d’avril 1304, venant à C a rc a s -

(’) Voir AEH XV, 230-2; supra, 152-8: AF IV, 348s, 859s. Estudis F ran­
cisco ns, XXIX, 1923, 354ss.
(2; Dépos. d'A rn. Marsend, f. 225v: • In titre reperitur scriptum» affirmait
Bernard « quod si dominus non vult tenere iustüiam subdito suo, tunc subditus po­
test sibi facere alium dominum... ».
(3) A. L ec o y de la M a rc h e , La chaire française au moyen âge, P aris
1868, 348; II e éd. ib. 1886, 378.
(4) Vidal, J. Galand, 42 (nr. 12), 23 (et not. N.).
(ft) Dépos. d ’Arn. Garsia (cf. Lea, II, 88s). Fr. Bernard conseilla au té ­
moin de cacher le complot à l’indiscret Bern. Fenasse (Douais, II, 318) et
à Raym. Sobeiran, ami des Dominicains. — Le témoin Raym. Arn. Terrien
<f. 294r-v) dit que «praedicta litera dirigebatur ex parte consulum burgi Carcas-
sonnae domino Ferrando ... et continebatur in summa in eadem litera quod dicti
consules supplicabant dicto domino Ferrando, quod placeret sibi quod esset dominus

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 329

s o n n e pour annoncer à Fr. Bernard les succès plutôt médiocres de


sa propagande (*), Arnauld apprit que le franciscain était déjà en
r o u t e pour parler à F e r r a n d .
Accompagné de Fr. R a y m o n d E tie n n e (’), qui devint plus
tard g a r d i e n du couvent de C a rc a s s o n n e , Bernard, à cheval,
se dirigea sur Perpignan et passa par Roubia (8), par Fontfroide(4),
par False (5) et par Salces (6), en faisant ainsi quelques détours. Tout
en regrettant d’être obligé de causer du chagrin à la charitable reine,
Délicieux ayant appris que Ferrand séjournait à Saint-Jean Pla-de-
Cors (7 ), arriva bientôt dans cette r é s id e n c e des rois de M a jo rq u e .
Encore avant d’y entrer, pour ,se débarasser de la preuve accablante,
il déchira la lettre de la part des consuls et enfouit les fragments du
parchemin au bord d’un torrent, en projetant sur les débris « bene qua­
tuor iunchadas terrae ». L’entretien avec F e r r a n d fut long ; on discuta
à fond les moyens pour réaliser la trahison. Informé (H) de l’amvée
de Bernard et soupçonnant qu’il y avait du louche, le roi J a c q u e s
fit appeler Fr. B. Délicieux pour l’interroger. Non content des expli­
cations évasives de Bernard, le roi fit venir son .fils Ferrand. En le
frappant durement et en lui tirant les cheveux, Jacques parvint à
apprendre la raison de l’entretien. Plein de courroux, il chargea son
chancelier Raymond Guillaume d’ordonner aux d e u x F r a n c i s c a i n s
de quitter au plus vite les terres appartenant à la couronne de
Majorque. Ayant vu sortir du palais le jeune prince mettant en ordre
ses cheveux hérissés et se débarassant des cheveux que son auguste

eorum... et quod offerebant ne parato» ad tradendum triLi ipsam civitatem et burgum


ad voluntatem ipsius*. Pendant le procès des conjurés, les prévenus faisaient
des aveux semblables. V. la dépos. de B. Trevas, 2s3r. Délicieux par contre
ne parle que d’une lettre de créance conçue en ces termes: « Domine, nos sumus
propositi et intentionis honorandi vos et diligendi et pro honore vestro nos exponendi,
et ideo cum reverentia supplicamus et rogamus, ut super nostris necessitatibus im­
pendatis nobis auxilium et favorem secundum ea quae exponet vobis religiosus vir
fra ter B ern a rd u s D elitiosi, cui credatis in his quae ex parte nostra vobis
super hoc duxerit exponenda » (f. 104v).
(*) Guill. Salvi (Hauréau. 108) aurait même dit à Arnauld: • Caveatis vobis
de illo diabolo fratre Ber n a rd o ..., qui incantat vos et qui nuper Tolosae induxit
vos ad dicendum... contra confessorem regis*. (Dépos. d’A. Garsia, 78v). Voir,
p. 319. (2) Hauréau, 108.
0 Aude, cant. de Ginestas. C’est Bernard qui décrit ce trajet.
(*) Abbaye près de Narbonne.
(5) Aude, commune de Sigean. (7) Près de Perpignan.
C) Pyr.-Orient.
0 La déposition de Raym. Guilelmi, chancelier de Jacques I de Majorque,
relative à la scène violente au château de Pla-de-Cors a été publiée, d’après
notre copie, mise à sa disposition, par Mr. H. F in k e. Acta Aragonensia, III,
Berlin 1922, 131-4.
Archivum Franciscanum Historicum - AN. XVII. 22

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330 DISCUSSIONES.

père lui avait arrachés (*), Raymond Guillaume demanda la cause de


la colère royale. Jacques répondit que Fr. Bernard avait proposé à
Ferrand la couronne au nom « da quela gent del bourg de Carcassis »
et que Philippe le Bel saurait bien punir le Franciscain (2). Fr. Bernard
et son compagnon ayant été avisés par le chancelier de l’ordre royal.
Ferrand ne put même plus leur faire servir avant leur soudain (’ ।
départ le bon repas « cenam de louis caponibus et gallinis » qu’il leur
avait fait préparer (4).
De retour à C a r c a s s o n n e , Bernard tout en bannissant l’idée
que Jacques informerait Philippe, communiqua aux conjurés l ’écrou­
lement de leurs projets, en reconnaissant qu’on s’était trompé en
Ferrand. Notre messager ayant dissipé les craintes que la lettre des
consuls tombât dans les mains de Jacques, les conjurés, pour exprimer
leur grande joie, faisaient même des génuflexions devant Fr. Bernard.
Pour empêcher toute action agressive de la part des Dominicains, le
bourg de Carcassonne fut militairement gardé par la milice d’Elie
Patrice, et ressemblait quelques mois de suite à un camp retranché.
C’est ainsi qu’on attendit la décision du pape sollicité par une dépu­
tation dominicaine, qui était partie quelque temps avant l’ambassade
envoyée par les villes mécontentes (5 ).

(’) « E t habebat [Ferrandus] multum pilos revolutos et sparsos... et trahebat


cum manibus e r utraque p a rte capitis pilos suos evulsos.,, p e r patrem , ita quod in
ipsis manibus »uis apparebat multitudo capillorum ... evulsorum» (f. 202r). Finke,
1. c. I I I , 131 s.
(2) R . G u illa u m e c o n se illait a u ro i: « bonum esset, quod faceretis capi istos
fratres Minores et quod redderentur M i n i s tr o eorum, qui est in P e r p in ia n o »
(f. 202r). L. c. 132.
(8) « E t incontinenti... F r. Bernardus recessit de loco praedicto in equis cum
uno fratre et duobus hominibus saecularibus; e t... erat hora tarda» (f. 202v).
L. c 133.
(*) Le sé jo u r de B e r n a r d à S a in t- J e a n P la -d e -C o rs e st m en tio n n é dans
les d épositions d u p ré v en u (f. 93rss, 102vss, 112r, 117vss), d ’A rn . G arsia, de
B é ren g e r d ’Olm es, de G uill. F ra n s a e t de R a y m . G u illa u m e. L e dernier dit
q u ’il ne s a it pas, si Ja c q u e s in fo rm a P h ilip p e p a r é c r it a u s u je t d e la trahison,
c a r « ipse tamen dominus rex faciebat et mittebat tempore illo multas litteras ma­
xime secretas, ipso teste ignorante; et sigillabat eas ipse dominus rex vel sigillari
faciebat quandoque cum sigillo quod ipse testis tenebat i non tamen p e r ipsum testem,
quandoque absentem, quandoque infirmum et quandoque etiam recepto ipso sigillo
de manibus ipsius testis; et ita ipse testis non videbat, nec sciebat multa quae sigil­
labantur cum illo sigillo » (f. 202v-3r); F in k e , 133-4. Un c u rie u x passage pouvant
b ien in té resse r les é ru d its s ’o c c u p a n t de la d ip lo m a tiq u e !
(5 ) Dépos. de B e rn ard (106ri, de B. T rev a s, de B ru n o de M ontcabrier, de
G uill. B ru n ei, de G uill. F ra n s a e t de R a y m . d u P u y .

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 331

$ 10. - Bernard et Benoît X L — I l se livre à des spéculations


apocalyptiques.

Comme il fallait s’y attendre, Benoît X I (22 oct. 1303 — 7 juil­


let 1304), ajouta foi à toutes les plaintes exposées par Fr. Guillaume
de Morières, inquisiteur de Toulouse, et par les autres Dominicains,
ainsi que par Sicard de Lavaur, nouveau juge-mage de Carcassonne.
Déjà le 16 avril 1304, Benoît X I signa à Viterbe le mandat
d’a r r e s t a t i o n de Fr. Bernard, en chargeant le m i n i s t r e p ro ­
v in c ia l d ’A q u i t a i n e de faire conduire l’agitateur sous escorte
auprès de la curie romaine ( 1). Le pape approuva aussi l’excommuni­
cation de Jean de Picquigny. Ainsi, le 17 mai, jour de la Pentecôte,
à Pérouse, durant l’office, voyant le réformateur entrer dans l’église,
le vieux pontife, en le désignant du doigt au maître des cérémonies,
s’écria: «Chassez-moi ce P atarin!» (2 ). Vu la protection prêtée par
Benoît X I aux confrères de son ordre, la députation des villes mé­
contentes organisée par Bernard, aurait été déjà depuis longtemps
obligée de retourner dans sa patrie, si elle ne comptait pas sur l’aide
— restreint, il est vrai — des cardinaux sympathisant avec Fr. Bernard.
Se voyant en sûreté dans le camp retranché du bourg de C a r ­
c a s s o n n e et entouré des citoyens fidèles, Fr. Bernard, de retour
de Saint-Jean Pla-de-Cors, ne sortait que bien peu de la ville (3),
tout en prononçant souvent des discours pour relever le moral du
peuple, et tout en se préparant à opposer une résistance acharnée
aux décisions agressives du pape. Quand, au mois de juin Fr. J e a n
R ig a u d ( 4 ), vicaire du provincial, somma notre Frère Mineur à obéir
au mandat d’arrestation, il subit un refus catégorique (5).
Le vicaire tenta de faire arrêter de vive force Fr. Bernard. Mais
il avait suffi à Délicieux d’en appeler au peuple pour e m p ê c h e r la
réalisation de cette tentative (6 ). Que de vénération les citoyens lui
portaient-ils vers cette époque! C’était l’apogée de sa gloire de dé-

(l ) Bulle « E a nobis Hauréau, 190-1. Eubel, BF V, 29s. Vidal, B ull. p. 3ss.


P) Lea, II, 85.
(8) Le sermon du 3 mai prononcé à Toulouse (v. art. 47 de la II e série)
n'est confirmé que par Bernard affirmant n'avoir parlé à la fin de ce sermon
que des mérites du Christ et de la « commendatio sanctae crucis • (f. 140r-v).
Le 3 mai 1304, fête de l’invention de la Sainte Croix, fut le 5P dimanche
après Pâques.
(*) Voi sur lui N. Valois, dans V Ifist. litt. de la France, 31, 1915, 282-98.
AFH XV, 245s.
(5) V. la dépos. de Bernard, f. 85vss, HOv.
(*) Art. 48 de la II e série. Dépos. de B. Trevas, 282v.

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332 DISCUSSIONES.

fenseur du peuple. Abandonné par le roi, craignant les Dominicains,


et n’attendant que des représailles de la part du pape, le bourg met­
tait toutes ses espérances en l’aide de Bernard. Un des sermons pro­
noncés par lui à l’église de Saint-Vincent, vers le temps de sa ré­
sistance contre Benoit, est particulièrement caractéristique pour cette
vénération. Du haut de la chaire, notre orateur prêcha, ce jour, de la si­
bylle et de ses prophéties, ainsi que de l’ordre des corbeaux et celui des
colombes, en faisant allusion aux Dominicains et aux Franciscains (’
Il mentionna aussi le fait que le bourg souffrait de quelques nouveaux
calomniateurs voulant perdre la ville. L’impétueux Elie Patrice monta
aussitôt à proximité de l’orateur et le somma de nommer ces misé­
rables « maacarati » afin qu’on pût leur couper les langues. Mais Ber­
nard, plus prudent, se tut. Pendant qu’il sortait de l’église après ce
sermon, la foule baisait ses mains et ses habits. On entendait des
voix qui affirmaient: «C’est l’ange que Dieu nous a envoyé! »çi.
Le peuple avait beau croire en l’aide de Bernard. Celui-ci ne
pouvait pas méconnaître que la situation était critique. L ’appui de
quelques frères de son ordre et de quelques amis à la cour pontificale
n’offrait que peu de secours dans la lutte contre un monde d’ennemis.
C’est alors qu’il commença à s’occuper de la l i t t é r a t u r e p ro p h é­
tiq u e pour y chercher les réponses aux questions qui l’intéressaient.
Comme il arrive toujours dans des cas semblables de recherches menées
de parti pris, Bernard interprétait ces obscurs « vaticinia » en faveur
de sa cause et y trouvait tout ce qu’il voulait. Son livre de prédilection
devint un «papalarius » qu’on attribuait à J o a c h im de F l o r e ’ .

(') Ce sont des idées et expressions fam ilières aux • Joachitae* \ v. AF


IV’, 53; Salimbene, 19-21. P aul F ournier, Eludes sur Joachim de Flore et ses
doctrines, P aris HW, 46-7.
( 2) Dépos. de R aym . A rnauld, 235r-v. — Nous pensons que F r. B e rn a rd
parlait de la sibylle d 'E r y t h r é e , d o n t les prophéties fu re n t amplement uti­
lisées par A r n a u l d d e V i l l e n e u v e dans son ouvrage su r la venue de
l’A ntéchrist. N otre o ra te u r pouvait bien se serv ir de ces prophéties pour
dém ontrer que les citoyens, bons chrétiens q u'ils é taien t, ne pouvaient pas
ne pas être en b u tte à toutes sortes de vexations, car ces * tribulationes * des
vrais mem bres de l'Eglise avaien t déjà été prédites. V. C. D u P l e s s i s d’Ar-
g e n t r é . Collectio iudiciorum de novis erroribus, I, pars I, P aris 1728. 2(57.
(’) Une des rédactions de ce tra ité curieux et apocryphe est représentée
par les Praedictiones venerab. Joannis Joachim... De pontificibus tunc futuris.
contenues dans le livre: Divinum oraculum S. Cgrillo solemni legatione Angeli
missum... ed. Philippus a SS. T rin ita te , Lyon 16<>3, 155. — V. aussi Cod. Vatic.
lat. 8819 (inem br., if. 237. 830 212 m m ., saee. 14 >, f. 117r-50v; e t Magni dici-
nique prophetae Joachim Abbatis... Floris Vaticiniorum de... llomanis Pontificibus
historica et sgmbolica explicatio, auctore Greg. Lauro, O. Cist., Neapoli 1640,27,32.
E ta n t conduit en 1319 d 'A v i g n o n à Toulouse, F r. B e r n a r d parlait ou­
vertem ent au tém oin R aym . Leçonrt et aux a u tres de ce tra ité « de Joachim ».
Il disait que les images se tro u v a n t dans le livre représentaient les papes du

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 333

Toujours préoccupé de seconder les démarches de l’ambassade et


voulant, plein d’impatience, hâter l’accomplissement des prophéties,
Bernard sollicita l’intervention de maints amis séjournant en Italie.
Il écrivit aussi à son ami A r n a u l d d e V i l l e n e u v e , médecin pa­
pal, haïssant profondément l’inquisition d ’alors et déclarant ouverte­
ment que c’était un fléau diabolique que ces inquisiteurs trafiquant
de leurs pouvoirs et donnant au peuple un mauvais exemple de vie (x).
En présence de quelques fidèles bourgeois d’A lb i, Bernard envoya à
A r n a u ld un c o f f r e t contenant des présents et une lettre. Loin de
chercher dans l’horreur mystérieuse des maléfices et dans la secrète
influence des venins l’arme terrible contre les ennemis, mais tout en
souhaitant la mort du pape et tout en influençant par ce désir ardent
ses interprétations du * papalarius •, B. Délicieux ayant appris
d'Arnauld que la s a n t é du p o n t i f e était très faible et qu’il ne
pourrait vivre que quelques semaines, parvint à découvrir dans son
livre de chevet des « preuves irréfutables » que Benoît X I mourrait
encore avant le premier juillet. Triomphant, il communiqua sa dé­
couverte à ses familiers. P ar hasard, cette p r o p h é t i e s’accomplit
à quelques jours près. Benoît m o u r u t, en effet, le 7 juillet 1304.
Et l’inquisition trouva un p r é t e x t e pour accuser Bernard d’avoir
machiné, par des artifices magiques, la mort du pontife et d’avoir eu
Arnauld de Villeneuve pour complice. La critique des membres ‘de
l’inquisition par ce mystique célèbre demandait, elle-aussi, des repré­
sailles exemplaires! (2).

passé et les papes futurs et que les « vaticinia » prédisaient toujours vrai. En
ce qui concerne l'avenir, il fit à Raymond la confidence que Jean XXII ne
vivrait que deux ans après l'arrestation des F r a n c is c a in s S p ir itu e ls à la
cour d’Avignon (1817], que le pape suivant porterait le nom de Bonagrazia, qu’il
supprimerait l’ordre dominicain et rendrait d’autres bienfaits à la chrétienté
tf. 260v-lr). Le témoin Arn. de Nougarède atfirme avoir vu, pendant le même
trajet d’Avignon à Toulouse, le traité nommé entre les mains du prévenu,
et avoir aperçu l’image de Jean XXII, suivie de deux mains découpées. In­
terrogé par le témoin et par Guiard Gui, comment il parvenait à lire l’avenir,
Bernard posa, pour toute réponse, la question « Isaïe et Joachim, comment
connaissaient-ils donc l’avenir? > (262r-Br).
(’) Lea, II, 249. Bernard disait au témoin Guil. Fransa de ce médecin:
• Ego habeo Romae unum amicum vocatum magistrum Arnaldum de Villanova,
aliter Catalani, qui iuvabit nos in negotio isto... » (f. 5019. Voir sur lui Finke,
Jw den Tagen, 191-227, CXVII-CCXL Diepgen, Arnald, 37; José M. Pou y
Marti, dans 1’Archivo Ibero-Americ. XI, 1919, 142-217; sur ses idées inspirées
de Joachim et ses relations avec les Frères Mineurs, 150ss. Il ne dit rien de
neuf sur Fr. Bernard (188).
(*) V. les art. 24-31 de la I r,> série, ainsi que les dépositions faites par
G. Fransa (50r-2v), P. de Castanet (56r-7r) et par Bern. Bet (59v-61v) devant les
commissaires pontificaux. Un seul témoin, à savoir Guillaume Olivède (2U7r)

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334 DISCUSSIONES.

Voici le curieux récit de Betn. Bet faisant une déposition semblable


à celle de Guill. Fransa et de Pierre de Castanet. Bientôt après l’élection
de Benoît XI, Fr. Bernard dit en présence du témoin et de beaucoup
d’autres citoyens d’Albi qu’il fallait agir contre le pape pour prévenir
les agressions de sa part. Le témoin croit que le prévenu avait déjà
alors l’intention d’empoisonner le pontife. Ayant entendu les paroles de
Délicieux, les consuls présents se déclarèrent prêts à faire tout ce que
le religieux désirerait. Vers la Saint-Michel, au mois de septembre
[29 septembre 1304? La date est certainement inéxacte, car Benoît était
mort le 7 juillet dè cette même année (’)], Fr. Bernard chargea le témoin
venu chez lui dans sa cellule d’A lbi, d’aller acheter un morceau de
toile et de cire. Le témoin et Guill. Fransa ainsi qu’un certain Etienne
ayant ciré la toile, un coffret y fut ensuite enveloppé. Bernard déclara
que le coffret contenait « quelque chose > pour Arnauld de Villeneuve,
afin que le pape et les autres ennemis ne pussent plus nuire.
Après la Noël de la même année [date absurde], ayant appris que
F r. B e r n a r d avait prédit la mort du pape, le témoin parla à ce sujet
personnellement à Délicieux qui confirma tout et, en montrant un livre
bizarre, déclara y avoir trouvé la preuve que Benoît devrait mourir
encore avant les calendes de juillet. Il affirma être certain que les en­
nemis ne pourraient plus nuire au peuple, car Arnauld de Villeneuve
et les autres auraient prêté leur aide puissante. Quelque temps après,
quand les délégués d’Albi furent de retour de Pérouse, le témoin, en
apprenant d’eux la date exacte de la mort papale, trouva que le pon
tife mourut cinq jours avant le terme fixé par Bernard [de fait il décéda
7 jours après].
Les dépositions affirmant que Bernard avait machiné la mort, ne
sont guère plus persuasives que maints témoignages semblables dans
d’autres procès de la même époque. Les dénonciations du clerc Evrart
de Bar-sur-Aube accusant le cardinal Francesco Caetani d’avoir tenté
l’envoûtement du roi Louis X, ainsi que les accusations dirigées par
Bartolomeo Conholati contre Matteo et Galeazzo Visconti qui auraient
voulu porter atteinte à la vie de Jean XXII, sont infiniment plus expli­
cites (2).

affirma ne rien savoir à ce sujet. Pierre Probi (cf. f. 269r) n ’était pas inter­
rogé sur les articles « qui tangunt mdchinationem in mortem Benedicti papae ».
O C’est la date qui se dégage du contexte des dépositions. On ne peut
lui substituer le 29 sept. 1308: Boniface V III n ’était m ort que le 11 oct. 1308.
En sus la bulle de Benoît contre Fr. Bernard n ’émana qu’en avril 1804. Donc
aussi la date de Noël 1303 n ’a plus de support.
(*) Voir Ch. V. L a n g lo is , L'affaire du card. Franc. Caetani dans la Revue
historique, 63, 1897, 57ss. C. E u bel, Vont Zaubereiunwesen, dans Hist. Jahrbuch,
18, 1897, 609ss. Cf. H. G rauert, Nette Dante-Forschungen, ib. 72ss). E t tout de
même, on ne peut pas y ajouter pleine foi. Que faut-il donc conclure, en lisant
les dépositions embrouillées de nos témoins d ’Albi à propos d’une accusa­
tion tant à la mode à cette époque et échafaudée sur des dates évidemment
fausses? Voir plus bas au § 13.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 335

A la nouvelle de la mort de Benoît X I qui n’eut pas le temps


de mener jusqu’au bout les poursuites, B e r n a r d s o r t i t du camp
retranché du bourg et, visitant A 1b i et d ’autres villes, exprimait de
mille façons sa grande satisfaction d ’être débarrassé de cet ennemi.
Benoît X I étant mort, les partisans de Bernard dans l’ordre pouvaient
lui prêter appui. Examinant la cause de celui-ci, le c h a p i t r e p ro ­
v in c ia l siégeant à A l b i l’acquitta vite et a n n u l l a même la sen­
tence d’e x c o m m u n i c a ti o n fulminée par Fr. J e a n R i g a u d (*).
Mais le triomphe de Bernard ne fut pas de longue durée, car Philippe
le Bel renseigné sur la conspiration échouée, décida de châtier les
coupables.

§ 11. - L a conspiration découverte.


Déjà au mois de septembre 1304, les Dominicains possédaient la
liste complète des conjurés de Carcassonne. Fr. Nicolas de Fréauville.
O. Pr., confesseur de P h i l i p p e le B e l, la communiqua certainement
à tous ceux qui devaient être renseignés (’). N’ayant guère prêté
attention à l’exposé secret de Jacques de Majorque, Philippe craignant
toutes sortes de trahison, ne pouvait pas négliger les nouvelles données
fournies. Mais occupé des graves questions politico-ecclésiastiques, il
n’avait pas encore le temps de s’occuper de la conspiration échouée.
Fr. D u r a n d , O. F. M., confesseur de la reine, et Raynaud de
Picquigny, fils du réformateur, ayant aussi appris les bruits circulant
à la cour au sujet d e là trahison, Fr. B e r n a r d D é l i c i e u x fut im­
médiatement mis au courant. Sans perdre de temps, celui-ci ordonna
d’envoyer une ambassade en France. Les délégués de C a r c a s s o n n e ,
d ’A lb i et de C o r d e s devaient protester des l’innocence des citoyens.
N’étant pas renseignés au sujet du complot, les nouveaux consuls
d ’Albi, ainsi que les Corduais ne se rendaient pas exactement compte
de la nécessité de cette nouvelle députation. Pourtant, ils obéirent à
la voix suggestive de Fr. Bernard qui voulait absolument aboutir à
une protestation imposante (3).

(’) Dépos. de Bernard, f. 86v, 140v; cf. 142r. — Ce fut entre autres
Fr. B é re n g e r «de M a lo b o sc o » , c u s to d e de T o u lo u se , qui rédigea
l’acte de son acquittem ent (f. 140v). — Les articles 51 et 52 de la II e série ne
sont confirmés par personne. Fr. Bernard affirme qu’à la Saint-François 1804
*v. art. 52) il se trouvait à P a r i s , en détention (141 v). — L'article est, en
somme, confirmé par P. Probi (2<>8) et par Arn. Garsia (275r-v). Voir p. 836.
(*) V. la dépos. d ’Arn. Marsend, f. 225v-6r.
(*) Dépos. du prévenu (181v, 151v), de P. Probi (267r, 268v), d ’Arn. Garsia
69v-81r) et de Guill. Fransa (251v-2r). — Jean Marsend et Bernard Jean
Servinier devaient représenter Carcassonne. Pierre Probi, Guill. Fransa et
Pierre Etienne allèrent de la part des citoyens d ’Albi. Cordes envoya Ray­
mond P anat.

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336 DISCUSSIONES.

Portant des lettres adressées au roi et à Raynaud de Picquigny,


les délégués accompagnés de Fr. B e r n a r d s’acheminèrent, en octo­
bre 1304, vers P a r is . Deux chevaux et un saumier traînaient les
cadeaux pour le fils du réformateur. Jean de Picquigny étant m ort
excommunié, c’était son fils aîné que les délégués voulaient p rier
d’assumer à la curie romaine la défense du père, en lui promettant
comme subside trois mille livres par an, tant que les négociations
dureraient. C’est que les citoyens considéraient comme leur devoir de
faire leur possible pour la réhabilitation du défunt, excommunié à
cause de l’aide qu’il leur avait prêtée. Les Carcassonnais éprouvés par
maintes levées de subside, ne donnèrent que 300 livres. C’est Fr. Ber­
nard qui, pour pouvoir présenter toute la somme que les habitants
du bourg devaient payer, emprunta le teste, en son propre nom, à
des riches bourgeois de la contrée (*).
Arrivée à P a r is , la députation s’empressa de consulter le con­
fesseur de la reine. Pour savoir l’opinion du roi, le prévenant Frère
D u r a n d suggéra à Jeanne de Navarre d’obtenir de Philippe, la
nuit suivante, les renseignements voulus. Le matin suivant, le con­
fesseur put communiquer aux délégués que le roi n’était renseigné
que sur le complot tramé par les Carcassonnais et par Fr. Bernard.
Les représentants d’Albi Guillaume Fransa et Pierre Etienne ayant
l’intention de rebrousser chemin au plus vite, Délicieux, tout déprimé
qu’il était, les menaça de se venger s’ils le quittaient. Mais ils par­
tirent tout de même (*).
Informées par les deux délégués, les villes de C a r c a s s o n n e
et d’A lb i envoyèrent quelques subsides à leur bienfaiteur. Mais
toutes les démarches auprès du roi furent vaines (’). Quelques jours
après son arrivée à Paris, Fr. Bernard fut consigné dans le c o u v e n t
f r a n c is c a in de P a r is , sous la garde des frères, par ordre du roi
qui n’attendait que le moment propice pour le faire juger. Il paraît que
le monarque voulut attendre l’élection du successeur de Benoît XI.
Les poursuites contre les conjurés dans le Languedoc furent
ouvertes cette même année. Leur « héros > B. Délicieux ne pouvant
plus pousser la foule à la résistance, les mécontents se virent obligés
à laisser entrer les officiers royaux dans le camp retranché du bourg.
Ce n’est qu’à la suite d’une corruption que Jean d’Aunay, chargé de

(’) Dépos. de P. Probi (268vj. V. la dépos. du prévenu (181v, 152v, 158vss)


et son écrit au sujet du salaire (154v-rj.
(2) Dépos. de Guill. Fransa (2.~»2r-8rb d ’Arn. Garsia (80r-8v) et de Raym.
Arn. Terrien (f. 296v).
(3) V. la dépos. du même (296v-7r) et de Guill. Fransa (258v). —. Bernard
parle de sa détention à P a r i s f. 182v, U lr-v.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 337

l’enquête, renonça à la poursuite des Albigeois (’). Déjà le 29 novem­


bre 1304, quarante citoyens de Limoux convaincus de trahison, avaient
été pendus (a ). Ce n’est que le 28 septembre 1305 que le procès contre
les Carcassonnais fut terminé. A la grande joie des adversaires de
Délicieux, quinze personnes, entre autres Elie Patrice et Pierre d ’Ar-
nauld Guillaume furent conduits au gibet. E tant condamné à une
amende écrasante de 60000 livres, le bourg avait été privé du con­
sulat (3). En cédant aux instances des inquisiteurs, le roi fit transférer
les emmurés dans le donjon de l’inquisition. C’était la vengeance du
roi, qui craignant que l’exemple révolutionnaire def Carcassonne ne fût
imité et que les moyens impitoyables employés contre les conjurés ne
favorisassent les tendances antifrançaises, fit envelopper la procédure
d’un profond mystère (*); Mais la plus terrible vengeance vint de la
part des inquisiteurs. Reprenant le travail interrompu* l’inquisition
se conduisit envers la population humiliée et sans défense, de telle
façon que même le clergé et les moines se virent obligés de protester
hautement et de supplier, encore avant l’élection de Clément V, le
collège des cardinaux de protéger le peuple innocent contre les pour­
suites des inquisiteurs (5 ). Mais ce ne fut que Clément V qui mit un
frein à leurs procédures.
(A suivre).
Dr. Phil. MICHEL DE D MITREWSKI.

P) Dépos. de Guill. Fransa (257r-8), de Bern. Fenasse (247r) et d’Arn.


Garsia (78v).
(*) Bern. Gui, Hiat. conv. Carc.; Recueil, 744.
(*) Bern. Gui, 1. c. Bouges, Hist. de Carcass. 608s. Besse, Hiat, de Narbonne,
4%ss. Mahul, VI, I, 11. Lea, II, 89s. Hauréau, 126ss. Vidal, Bull. 6. Douais, I. 246.
(4) Pendant ce procès, les juges firent de la torture le plus ample usage.
Ainsi Bernard Amat, notaire, vit Pons Montolieu quitter le • locus deputatus
ad torquendum malefactores » avant de subir son interrogatoire. Pendant que
ce malheureux déposait devant les juges, on entendait des cris déchirants
provenant de la chambre des tortures. (Dépos. de Bern. Amat, 196vss).
(5) Supplique des chapitres de Sainte-Cécile et de Saint-Salvy d’Albi, de
l’abbé et du monastère de Guillac. Douais. Il, 3fr2s.

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DISCUSSIONES
— s—

FR. BERNARD DÉLICIEUX, 0. F. M.


SA LUTTE CONTRE L ’ INQUISITION DE CARCASSONNE ET D'ALBI,
SO N P R O C È S, 1 2 9 7 -1 3 1 9 (a)

(Suite) (*).

§ 12. - Clément V et le mouvement antiinquisitorial. — Ré­


habilitation de Fr. Bernard. — Ses études pendant sa
retraite précédant le procès.
Encore avant son couronnement, Clément V exécutant la volonté
de Philippe, ordonna de faire conduire Fr. B e r n a r d auprès de la
c u r ie (2). S’étant rendu à L y o n et jouissant d’une liberté relative,
Délicieux fut d’abord oublié par la curie préoccupée du couronnement.
(a) SUMMARIUM. — § 12. Clemens V die 20 aug. 1805 Fr. Bernardum Deliciosi
ad curiam accersiri iussit, qui ideo Lugdunum ductus est, ubi pto amicis suis
Albiae apud cardinales egit. Motus accusationibus quorumdam etiam ex ordine
Praedicatorum contra inquisitores O. Pr. et instantiis parentum immuratorum,
Clemens V, 13 martii 1806 causam civium contra inquisitores concitatorum in­
quirendam esse statuit. Lugduno Fr. Bernardus cum curia pontificia Burdi­
galam venit, unde mense aprilis 1307 Pictavium venit, ubi frustra veniam
Philippi Pulchri obtinere studuit. Cardinales 28 iulii 1808 excommunicationem
a Fr. Gaufrido de Ablusiis, O. Pr., contra Iohannem de Picquenio (Pinquenio)
latam annullaverunt, sed Fr. B. Deliciosi assequi nequivit, ut inquisitores re­
vocarentur. Tamen mense aprili an. 1309, Clemente V annuente, curiam pro
tempore reliquit, Carcassonam contendit, indeque in Franciam, ubi veniam
regis assecutus est an. 1810. Quamobrem Clemens V ei licentiam fecit in pro­
vinciam Aquitaniae redeundi. Ibi in scripta loachimi Florensis et Fr. Petri lo-
hannis Olivi incumbens, Fr. Bernardus Spiritualium ideas mox est amplexus.
—Pars II; § 18 Coram Iohanne XXII, 23 maii 1817, Fr. Bernardus ideas rigo-
rosas Spiritualium intrepide tutatus, in carcerem papalem coniectus fuit, sed
ipsius causa mox a Spiritualium processu seiuncta fuit, nam priores accusa­
tiones in eum actae et iam diiudicatae resumptae fuerunt: scilicet concitatio
populi cdntra inquisitores, traditio urbis Carcassonensis et veneficium in Be­
nedictum XI. — Editur sub A) series prior accusationum 44 tunc contra
Fr. Bernardum congestarum et sub B) series altera <50 imputationum. Series
prior collecta videtur a Bernardo de Castaneto, olim episcopo Albiensi et
fautore inquisitorum, cardinali creato 18 dec. 1316 (obiit 14 aug. 1817). Seriei
alterius auctor verisimilius habendus est Fr. Bernardus Guidonis, O. Pr.,
prior et inquisitor in illis partibus. [N OTA D IR E C T IO N IS ].
0) Voir plus haut, p. 183-218, 313-837.
P) Bulle: Multa cordis afflictione du 20 août 1305, Bordeaux; Etudes Franc.
XXI, 421. Cf. AFH V, 811. — Dépos. de Bernard, f. 90r.
Archivum Franciscanum Historicum. — A N . XVII. 30

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458 DISCUSSIONES.

Si Philippe le Bel l’avait absolument voulu, la condamnation de


Bernard n’aurait été qu’une question de temps. Nous supposons que
le roi avait une certaine estime pour notre Franciscain qui lui avait
parlé des abus inquisitoriaux avec tant d’éloquence et de persuasion.
Au fond, la vive colère de Philippe était certainement apaisée. Il n’est
même pas à exclure que les légistes recherchèrent les services de
Bernard qu’on verra bientôt' passer dans les rangs des Spirituels. En
outre, si le monarque avait insisté sur la condamnation de l’agitateur,
l’ami de ce dernier, A r n a u l d d e V i l l e n e u v e , aurait bien consi­
déré cette démarche comme une offense personnelle et n ’aurait jamais
consenti de concert avec Philippe, à parler à Clément contre les
Templiers.
Bernard parvint bientôt à entrer en relations avec une trentaine
de s e s a m is d’A lb i et d’autres villes qui cherchaient protection
auprès de la curie contre le courroux des inquisiteurs (*). Tout en
voulant continuer les négociations, il leur conseilla de gagner les fa­
veurs des cardinaux R a y m o n d d e G o t et P i e r r e C o lo n n a . Les
fuyards leur promirent à chacun deux mille livres tournois. Raymond
reçut toute la somme. On ne réussit à donner à Pierre que cinq cent
florins. Ces cardinaux, favoris du pape, se montrèrent prêts à appuyer
la cause des villes mécontentes (*). Bernard se chargea donc de gagner
N a p o lé o n O r s i n i , B é r e n g e r F r é d o l, A r n a u l d d e P éla-
g ru e , O. F. M., P i e r r e d e la C h a p e I l e - T a i l l e f e r et E tie n n e
d e S u i s y à la défense du peuple. Il y réussit parfaitement. Mais
les démarches auprès du roi n ’avaient aucun succès (’).

0) Il y vit Pierre Probi. Arn. Garsia, Pierre de Castanet, Guill. Fransa.


Guill. Auger, Guill. Salvi, Guill. Borel, Bernard Rigaud, Jean de Landas,
Jean de Caraman, Isarn Pays, Raym. Baudier et autres riches bourgeois ne
voulant pas que leurs biens fussent confisqués par les inquisiteurs et consorts
(V. la dépos. de G. Fransa, f. 255r-259v).
P ie r r e P ro b i ne paraît pas avoir séjourné longtemps à Paris après les
révélations du confesseur de la reine. Pendant son voyage à Albi, il apprit
la nouvelle des arrestations à Carcassonne. Alors il retourna à Paris et ne
rentra à Albi qu’après avoir reçu la certitude que les Albigeois ne seraient
pas poursuivis. Ensuite il visita Raynaud de Picquigny en Gascogne et vint
de là à Lyon où il avait une maison. (Dépos. de G. Fransa, 253r-v, 255ry
A rn a u ld G a rsia s'enfuit d’Albi pour se rendre à Bordeaux et pour y
chercher protection auprès de Raymond de Got, neveu de Clément V et frère
de Bertrand de Got qui était un camarade d’études d’Arnauld. De Bordeaux,
Arnauld se rendit aussi à Lyon (Dépos. d’Arnauld, f. 80v). Cette haute pro­
tection l’aida beaucoup. En 1316, il devint de nouveau consul d’Albi (Doat.
t. 107, f. 820r). Ce n’est qu’au printemps 1306 que les fuyards retournèrent
dans leur patrie (Dépos. de G. Fransa, f. 253v).
(*) Dépos. de G. Fransa (f. 254r-v); cf. Arn. Garsia (80v).
(3) Montrant cette fois peu d’égards envers P. Probi et A. Garsia, Jean
d’Amville, ostiarius et sergent d’armes du roi, fit éconduire les deux Albi-

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 459

Ce n’étaient pas seulement le clergé et quelques monastères qui


se virent obligés de protester contre les abus des inquisiteurs; il y
avait aussi quelques D o m in ic a in s (’) qui vinrent à Lyon pour
accuser leurs confrères devant le pape. Ils déclarèrent entre autres
que les inquisiteurs Nicolas d’Abbeville et Bertrand de Clermont (’)
étaient coupables de falsification de registres. Sur le point de se voir
convaincus de fraude, ils se retirèrent à Brouille, où ils firent transcrire
ces registres en omettant les passages falsifiés. Pour la reliure, ils
se servirent des couvertures détachées des vieux registres (s ). Les
accusateurs confirmèrent le fait que le t r a i t é de p a ix conclu entre
les C a r c a s s o n n a is et Nicolas d’Abbeville avait été aussi falsifié
par l’inquisiteur (*).
Encore avant son couronnement, Clément V, ému par les plaintes
des femmes des emmurés, ainsi que par les suppliques d’autres mé­
contents (®), et déterminé enfin par les cardinaux, amis de Bernard,
ordonna le 13 mars 1306 à Pierre de la Chapelle-Taillefer et à Béren­
ger Frédol (6) qu’on ouvrît une enquête, qu’on accordât la sauvegarde
aux représentants des villes mécontentes ainsi qu’aux Dominicains
accusateurs: Bernard Blanc et François Aymeric, qu’on visitât les
emmurés et qu’on veillât à ce que les procès contre les prévenus ne
fussent poursuivis qu’avec le concours de l’évêque diocésain, sauf pour

geois (auxquels il avait montré auparavant tant d’égards) quand ceux-ci


se présentèrent à Lyon et le prièrent de les laisser voir Philippe. Jean leur
dit qu’il ne voulait pas parler avec des traîtres. (Dépos. de G. Fransa, 254r).
(9 C’étaient B e rn a rd B lan c et F ra n ç o is A y m eric, deux lecteurs
O. P r .; Vidal, Bull. 13. Douais, II, 305, 808. — Dépos. de Bernard 112r,
123, 128v-9r.
(’) Bernard parle d’un inquisiteur de Toulouse, dont il a oublié le nom
et qui occupait cette charge du temps de Nicolaus. Lea (II, 72) pense que
c’était Pierre de Mulceon. (V. Douais, Les Frères Prêcheurs de Limoges, Tou­
louse 1892, 14; cf. 12, 13, 51). Mais nous ne pouvons pas partager cette opi*
nion, car Pierre quitta le poste d’inquisiteur déjà en 1292, sans laisser une
trace quelconque des délits commis pendant son activité inquisitoriale. Dans
notre passage il ne peut s’agir que de Bertrand de Clermont.
(*) Dépos. de Bernard, 128v. Lea, II, 72. — Nous connaissons aussi d’autres
cas de fraudes semblables; P. F lad e, Das rôm. Inquisitionsverfahren, dans
Studien zur Gesch. der Theol. und Kirche, IX, 1902, p. 55ss. C. Henner, 183. —
Cf. Vidal, J. Galand, 27ss. et Vidal, Bull. 158s.
(*) Dépos. de Bernard, 128v-9r.
(5) Art. 20 et 21 de la I re série d’accus. — Les dépos. d’Ar. Garsia (f. 277r),
de Bern. Bet (59r), de G. Fransa (48r-v) et de Raym. Baudier (242r; Baluze,
Vitae papar., I 1, 625). — Clément V : « Lacrimosa querimonia » du 13 mars 1806;
Douais, II, 309. Lea, II, 92.
(°) Voir sur lui l’article de Paul Viollet, Berenger Frédol, dans VHist.
littér. XXXIV, Paris 1915, 62-178, et sur ces faits plus spécialement, 101-6,
où sont reproduits quelques passages du Procès de B. Délicieux: MS. lat. 4270.

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460 DISCUSSIONES.

celui d’Albi, qui devait être substitué par Arnauld Novel (*). Ainsi le
désir ardent du peuple paraissait de nouveau être en voie d’accomplis­
sement (’). Geoffroy d’Ablis protesta en vain devant le pontife (’).
La curie romaine ayant quitté Lyon pour se rendre à B o rd ea u x ,
Fr. Bernard devait la suivre. Encouragé par l’attitude bienveillante
du pontife, Bernard écrivit, pendant ce voyage, au viguier royal de
Carcassonne, en l’informant que, poursuivant pendant longtemps la
défense du peuple et qu’ayant fait alors de grandes dépenses et même
des dettes, il voudrait que l’officier royal fît rappeler aux anciens
consuls leurs promesses de lui payer les sommes dues (*).
En avril 1307, quand la curie partit pour P o i t i e r s , le pape le
consigna dans le couvent de Saint-Junien d ’où, mandé par Clément
et restitué dans ses droits, il vint à Poitiers quelque temps avant
l’arrivée de Philippe (6). Evidemment, le pape voulait amener la
rencontre du Franciscain avec le roi, en croyant que ce dernier par­
donnerait, alors, à l’agitateur repenti. Chaque fois que le Franciscain
voyait le roi venir chez le pape, il se portait à sa rencontre et se
plaignait de l’injustice. Mais Philippe ne daignait pas lui répondre.
Finalement Etienne de Suisy conseilla au plaignant assidu, en présence
de Bérenger Frédol et Pierre Colonna, de ne plus parler au roi. Ber­
nard était ainsi « liberatus et negotium erat remissum ». Mais le mo-

(x) Douais, II, 306ss. Vidal, Bull, 9ss. — V. la dépos. de Bernard, 157v.
(*) Aymeric Castel qui avait fui de Carcassonne après la découverte du
complot et qui, étant arrêté à Pierre-Buffière et n ’ayant racheté sa liberté
que par une somme énorme, vint aussi pour représenter sa ville devant les
cardinaux. Plus tard, Aymeric dut même recourir au pape, car les membres
de l’inquisition continuaient à le molester au mépris de la sauvegarde que
les commissaires pontificaux lui avaient accordée. (B. Gui, Hist. conv. Carc.,
Martène, 479 E. Douais, II, 313ss. Vidal, Bull. 17ss.). Aymeric n ’a pas pris
part à la conspiration. (Dépos. de Pons de Montolieu, f. 196r, et de Ber­
nard, 107v).
(s ) V. Lea, II, 92. Hauréau, 192ss. — Déjà dans la première moitié de 1306,
l’inquisition fit destituer Guillaume de Pesencs, viguier d’Albi, et Gaillard
Etienne, juge royal de cette ville. (Mahul, V, 659. Lea, II, 86). C’était Guill.
de Pesencs qui, chargé par Jean de Picquigny et Rich. Leneveu, saisit,
en 1301, les biens de Bernard de Castanet. Vaissète, IX, 239; cf. 336. —
Cf. Art. 52 de la II série).
(*) Dépos. de Bernard, 153vss. — Etant données les relations de Bernard
avec les cardinaux, qui étaient au service du roi, la lettre au viguier royal
mettrait à jour les dessous politiques des légistes; car l’intrigant meneur
devait être bien au courant de ce qui se passait alors.
(ft) Dépos. de Bernard, 90v: « Papa mandavit ipsum... Bernardum a captione
liberari et restitui, licet non esset privatus expresse, ad omnes actus legitimos, et
quod veniret Picta vim, et quod esset ibi tempore [91rJ quo dominus rex Franeiae
erat ibi venturus ».

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 461

narque ne cédant qu’en partie aux prières du pontife, ne pardonna


formellement qu’aux citoyens de Carcassonne, en rétablissant leur
consulat et en renonçant à la partie de l’amende qui n’était pas en­
core versée (*).
Après la mort de Raynaud de Picquigny, Guillaume, fils cadet
du réformateur, ayant assumé la défense de son père, Pierre de la
Chapelle-Taillefer, Bérenger Frédol (8) et Etienne de Suisy, chargés
par le pape d’examiner la plainte, annulèrent enfin, le 23 juillet 1308, la
sentence d’excommunication (8). Geoffroy d’Ablis en appela au pontife
et exposa ses raisons dahs un consistoire public, quelques jours après
le jugement. En critiquant les actes du réformateur, l’inquisiteur
affirmait entre autres, que celui-ci se laissait commander par un peuple
plein de haine aveugle contre le saint-office, exprimait sa ferme vo­
lonté de se révolter contre le roi, si les. sommations antiinquisitoriales
n’étaient pas exécutées. Se trouvant toujours sous l’influence des cardi­
naux qui sympathisaient avec Fr. Bernard, le pontife répondit : «Non
est ita, quia terra nunquam voluit rebellare contra regem. Sed terra
propter facta inquisitorum erat in malo statu. Ita fuit dictum de fratre
Bernardo Delitiosi quod tractaverat cum Ferrando proditionem burgi
Carcassonae, quod fuit magna falsitas et maxima iniquitas, sicut
nos probamus »(4). Geoffroy ayant ensuite déclaré que Jean de Pic­
quigny aurait parfaitement favorisé le soulèvement des villes contre
l’inquisition, un des cardinaux qui avaient prononcé la sentence an­
nulant l’anathème, répliqua: « Quare tu imponis vicedomino concita­
tionem patriae contra vos, quia quinquaginta anni sunt elapsi, quod
patria propter excessus inquisitorum est et fuit concitata, et coram
diversis summis pontificibus et regibus Franciae de inquisitoribus
querimoniae exposuit, et cum creditur quod corrigantur excessus, con­
tinue additis mala malis
Clément ayant refusé d’accepter le recours de Geoffroy d’Ablis,
le parti de Bernard pouvait fêter une nouvelle victoire. Mais c’est
f ) Dépos. de Bernard, 90vss. Lea, II, 90. Lizerand, 414.
(?) V. P. Viollet, 1. c. 105-6.
(’) Vidal, Bull. 15. Dépos. de Bernard, l*22v; cf. 154v-5v.
(4) Dépos. de Bernard, 87r-v. 122r.
(5; Dépos. de Bernard, 122v. — Vers cette époque, Bernard de Castanet
inculpé par quelques chanoines du diocèse de nouveaux crimes graves, se vit
enfin obligé d’abandonner son siège épineux (Lea, II, 78). Le pape et les car­
dinaux étaient parfaitement au courant des nouvelles plaintes. On trouvait
dans celles-ci, peut-être, la confirmation indirecte de l’innocence des villes
mécontentes. Ceci explique, en partie, le langage véhément contre Geoffroy.
De plus, le roi ayant arraché au pape le consentement de procéder contre les
Templiers, le pontife était sûr que Philippe ne protesterait pas contre l’accueil
hostile fait à son fidèle Geoffroy (cf. Lea, II, 87).

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462 DISCUSSIONES.

en vain que les mécontents imploraient le pape de révoquer les Do­


minicains du poste inquisitorial en Languedoc (').
En avril 1309, après l’arrivée de la curie romaine à A v i g n o n ,
Clément sollicité par Bérenger Frédol, permit à Fr. B e r n a r d de
s’éloigner pour quelque temps de la cour pontificale. Voulant enquêter
au sujet des injustices commises par le sénéchal Jean d’Aunay pen­
dant le procès contre les conjurés, et dans l’espoir de présenter les
preuves au roi, le Franciscain s’empressa d’aller voir ses amis à
C a r c a s s o n n e . Mais il ne pouvait visiter que la ville basse, le sé­
néchal lui ayant défendu l’accès de la cité. « Oses-tu bien venir ici,
traître ? > exclama cet officier royal, en le voyant s’approcher du pont
de bois: « Je te défends de paraître désormais dans cette ville! >(2 ).
C’est dans le bourg que Bernard conféra avec Gérard de Cortone,
commissaire royal, qui devait.être un jour réformateur du Langue­
doc (s ). Selon toute probabilité, Fr. Bernard voulait gagner les bonnes
grâces de Gérard, afin que celui-ci assumât dans la défense du peuple
le rôle de Jean de Picquigny. A partir de mai 1308, l’inquisition se
montrait en effet de plus en plus entreprenante, et maints amis de B er­
nard se ressentirent déjà du courroux des membres du saint-office (*).
Mais le prudent commissaire refusa de s’y mêler.
C’était de nouveau Bérenger Frédol qui à Fr. Bernard procura le
consentement de Clément V de se rendre en F r a n c e , pour obtenir du
roi la permission de quitter définitivement la curie romaine et d’aller
où il lui conviendrait d’établir sa résidence (5 ). Craignant toujours de
provoquer le moindre mécontentement de Philippe, le pape n’osait, pas
licencier Bernard de son propre chef.

(*) Clément qui, si souvent, préférait les compromis, révoqua bientôt la


sage mesure prise par les deux commissaires de restreindre l’initiative des
inquisiteurs, en leur imposant l’obligation de n’intenter des procès que de
concert avec les ordinaires; Vidal, Bull. 16. Peut-être le pape ayant de nou­
veaux dissentiments avec le roi au sujet de l’affaire des Templiers, voulait
par cette révocation plaire à l'ordre dominicain, dont l’appui lui était né­
cessaire.
(*) Dépos. de Guill. Arn. Prexian (288v). Hauréau, 186. — V. la dépos. de
Bernard, 91v.
(3) Vaissète, II, 292, 815, 818ss., 829; X, pr. 488, 589. — V. la dépos. de
Bernard, 91v.
(4) V. la dépos. de Bernard, 1. c. — Douais, I, 198ss., 298. Molinier,
107-161. Tanon, 71. Vidal, 18ss. — Gui Sicred (218r-v) et Ber. Trevas (285v)
affirment que l’activité de Fr. B e rn a rd fa v o risa une re c ru d e sc e n c e de
l’h é ré sie (art. 58). Il n’y a qu’un fait qui soit sûr: le gouvernement dés­
ordonné des diocèses était tout créé pour favoriser la propagande cathare.
(6) Dépos. de Bernard, 91v: S i volebat a curia licentiari, quod haberet assen­
sum regium [92r], aliter non posset a curia licentiari. Hauréau, 141.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 463

En 1310, Fr. Bernard étant arrivé à C h a r t r e s où séjournait


alors le roi, Etienne de Suisy qui y était avec Napoléon Orsini, obtint
pour son favori le pardon tant désiré Ç). Immédiatement, Fr. Bernard
fit parvenir la nouvelle à. la cour d’Avignon. Ayant appris la libéra­
tion définitive de notre hardi tribun, G o n s a lv e de V alb o a, mi­
nistre général, et R a y m o n d de F ro n s a c , procureur de l’ordre,
voulant lui confier un poste dans sa province, s’opposèrent à ce qu’il
retournât à Avignon. Mais tout de même, Bernard trouva bon de
prévenir le pontife. Le cardinal V ita l du T o u r, O. F. M. (*), in­
forma le pape de l’arrivée et de la requête de Fr. Bernard. Croyant
que celui-ci était déjà longtemps en pleine liberté, Clément V con­
sentit volontiers à ce qu’il rentrât dans sa p r o v in c e et <(juodpone­
retur in loco sibi consolabili*. Pourvu de lettres du même cardinal
certifiant sa libération complète, il quitta définitivement la curie ro­
maine (3).
En prenant congé des cardinaux amis, il avait certainement reçu
leur promesse de déterminer le pape soit de révoquer les inquisiteurs
dominicains, soit du moins de restreindre leur juridiction exclusive
et d’obtenir leur soumission sous le contrôle efficace des évêques (4).
De retour dans la province d’A q u ita in e , tout en attendant les
résultats de la commission pontificale et le règlement définitif de la
procédure dominicaine, il se retira de la vie publique. Absorbé par de
savantes études, il donna libre cours à ses penchants mystiques. Les
élucubrations joachimistes ayant attiré son attention, il devint un
• joachita * convaincu. Il affirmait même que s’il avait été pape, il
aurait annulé la décrétale condamnant la conception du dogme de
la Trinité exposée par le célèbre abbé calabrais (6). Tombé depuis
(’) Philippe résidait à Chartres au mois de septembre 1310; Recueil, XXI,
455. — Pardonnant à Bernard, Philippe voulait-il amadouer le pape toujours
contraint à céder dans l’affaire des Templiers? Nous ne le savons pas trop.
(*) Occupant, vers 1300, la charge du le c te u r franciscain à T oulouse,
Vital pouvait bien avoir quelque sympathie personnelle pour Bernard.
(3) Dépos. de Bernard, 92rss. Nous n ’avons aucune raison de contester
ces faits touchant le séjour du prévenu auprès de la curie. Evidemment
Fr. Bernard voulait qu’on se renseignât auprès des cardinaux encore en vie
et au courant des événements mentionnés. Sinon, il n ’aurait pas dit, à la fin
de ce récit, que: omnia praedicta vel quae sufficient, licet sint in utraque curia
notoria et mullis aliis locis, paratus est probare per testes legitimos (93r).
(4) Ils paraissent avoir tenu leur promesse. Ce n ’est que la révision des Clé­
mentines par Jean XXII qui semble avoir supprimé les normes par lesquelles
les « inquisitores restringuntur et supponuntur episcopis ». (Ange de Clareno,
ALKG I, 545. Lea, II, 90).
(5) Décrétale « Damnamus » (c. 2. X. de trinit. I, 1). Au sujet des bulles
*Multorum* et « Nolentes » de Clément V, B e rn a rd G ui porte un jugement
d’une hardiesse, semblable à celle de Bernard Délicieux critiquant la décrétale
* Damnamus *. Practica, ed. Douais, 174.

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464 DISCUSSIONES.

longtemps dans les spéculations des joachimistes annonçant la venue


prochaine de l’Antéchrist. Bernard ne laissait échapper aucune occa­
sion de consulter et d’interpréter le «papalarius » cité plus h a u t( 1 ).
Plein de vénération pour P i e r r e de J e a n O liv i, il partageai:
l’opinion de ce dernier que le Christ vivait encore sur la croix lors­
qu’il fut percé de la lance (2). Bernard fit même des recherches bi­
bliques comparatives au sujet de cette question (8). Un grimoire (*)
tombé entre ses mains vers le temps de sa lutte contre Benoît X I pu t
maintenant être étudié à loisir par notre savant Franciscain avide
de s’instruire, et suivant ainsi l’exemple de son ami A r n a u ld d e
V ille n e u v e si versé dans les sciences occultes (•). Mais, porté p ar
sa généreuse nature à sympathiser avec tous les opprimés, il ne
pouvait pas rester indifférent, en apprenant chaque jour les multiples
persécutions que les F r a n c i s c a i n s s p i r i t u e l s enduraient à cause
de leur fidélité à la pauvreté séraphique. Les actes de violence, com­
mis par les Spirituels de Narbonne et de Béziers pleins d’exaspération
envers la communauté de l’ordre qui les persécutait, étaient certai­
nement considérés par Bernard comme le seul moyen efficace de dé­
fendre leur cause et de réaliser leur ferme intention de vivre comme
les premiers disciples de Saint-François (6).
C) Voir p. 838. (*) Lea, III, 46.
(8) Dépos. de Bernard, 168v: « ... D ixit tamen se tunc retulisse quod beatus
M a rcu s ponit Christum vivum lanceratum fuisse secundum aliquas translationes
factas de evangelio beati Marci, s ic u t in q u ib u sd a m c o d ic ib u s r e p e r i t u r ».
— Les autres O liv i ste s affirmaient par contre que c’était le texte de
S. M a th ie u qui fut altéré pour établir l’harmonie avec la version de S. Jean :
Lea, III, 46. Ehrle, ALKG II, 868s., 402-5; III, 489-91.
C) C’était un de ces innombrables grimoires tant répandus au moyen âge.
Selon les indications de la sentence de condamnation, ce < libellus nigroman-
ticus », renfermant beaucoup de caractères magiques et maints noms de dé­
mons, contenait des formules d’invocation et d’immolation aux mauvais
esprits, et enseignait les moyens de détruire les maisons et les forteresses,
de causer les naufrages, de gagner la faveur des grands et l’amour des fem­
mes, de provoquer les maladies, d’envoûter les personnes en employant des
figurines et de causer d'autres maux. (Hauréau, 209ss. — Fonds latin 4270,
f. llv, 86vss.: cf. 50rss., 55r, 59vss., 63v, 95vss., 114rss., 167vss., 186v. —
Cf. H. A g rip p a , De occulta philosophia, lib. 2, cap. 22, dans ses Opera omnia,
Lyon vers 1600, p. 221ss., lib. 8, c. 25; p. 379ss., cap. 26-7, p. 881ss. ; lib. 4,
p. 538ss. P. de A lbano, Heptameron, Agrippa, Opp. oit. 568ss., 589ss. J. A.
F a b ric iu s, Codex pseudepigraphicus Vet. Test., I, 1722, 1051 ss., 1056. C. Du
P le ssis d’A rg e n tré , Collectio judicior., I, i, Paris 1728, 261a. D elrio, Disqui­
sitionum magicar. libri, liber 2, cap. 5. qu. 8, Cologne 1657, 114b. E. Lévi, Dogme
et rituel de haute magie, II, Paris 1903, 356, pass. E. L évi, Hist. de la magie,
Paris 1904, 109ss. E. Lévi, Claviculus de Salomon, Paris 1895, pass.
(5) V. la dépos. de Raym. Lecourt (f. 2(50r-2r) et d’Arn. de Nougarède
(262r-3r). (6) René de Nantes. Hist, des Spirituels, 888ss. AFH XII, 824ss.
ALKG II, 143ss., III, 290.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 465

On comprendra après cela que Fr. Bernard accablé d’âge alla


partager à B é z ie r s les larmes et les épreuves avec les persécutés,
tout en jetant, un défi à la majorité de son ordre qui, autrefois, Pavait
cependant aidé à lutter contre l’inquisition et qui se vit enfin obligé
de s’unir aux Dominicains pour faire condamner l’altruiste véhément
et incorrigible.

DEUXIÈME PARTIE

Le procès.

§ 13. - Bernard devant Jean X X II. — Le procès intenté. —


Les accusations.
Quand Fr. Bernard Délicieux vint défendre devant le p a p e
J e a n X X I I les idées sur la pauvreté volontaire rigoureuse prati­
quée au début de l’ordre, il croyait bien suivre en fidèle disciple les
préceptes du poverello d’Assise. Il est certain que Bernard ne voulait
défendre que la vérité ou, plutôt, il ne voulait défendre que ce qu’il
regardait comme vérité, quand, pendant la mémorable audience papale
du 13 mai 1317, il justifiait les F r a n c i s c a i n s s p i r i t u e l s qui
refusaient de faire leur soumission à leurs supérieurs négligeant le
rigorisme d’antan. Mais déjà la manière dont Bernard usait pour
défendre sa vérité, ne correspondait nullement à l’esprit d’humilité,
tant estimée par François. On se rend parfaitement compte de cette
différence, quand on se souvient des Aères paroles de notre zélateur
que nous a conservées la collection d’actes du procureur de l’ordre,
Raymond de Fronsac: • Pater sancte », aurait proclamé Bernard:
« si unicum verbum exiverit de ore meo falsum, volo esse convictus,
quod omnia dicta mea sint falsa iudicanda... E t si isti [le ministre
général M ic h e l de C é sè n e et les autres frères présents du parti
laxe] in omnibus, que dixerint, unum verbum verum dixerint, volo
esse convictus, quod omnia que dicunt sunt vera » (’).
Son attitude intrépide, en présence du pape indisposé à l’entendre
longtemps, pouvait bien être inAuencée par un certain fatalisme.
Selon toute probabilité, ses études joachimistes l’avaient amené à la
convinction qu’il serait persécuté. Peut-être, se considérait-il alors

O F . E h rle , Zur Vorgesch. des Concils v. Vienne, A L K G III, 29. D m itre w sk i,


Die freiwillige A rm ut, 90s.

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466 DISCUSSIONES.

comme un des 72 martyrs franciscains de la pauvreté volontaire, dont


le martyre lui aurait été révélé par les écrits de « Joachim » et d es
« prophètes »(x).
Mais probablement, il n’a guère pensé que Jean X X II lui enta­
merait un procès à cause de la lutte contre les inquisiteurs, à propos
de la trahison manquée contre Philippe le Bel et du prétendu em­
poisonnement de Benoît XI. Déjà en 1303, accusé de s’être opposé
à l’exercice de l’inquisition, Bernard avait été acquitté par B e r n a r d
d’O rth o la n , provincial d’Aquitaine. Vers 1304, une commission con­
voquée de nouveau par le provincial, étudia les griefs dirigés par
Bernard de Castanet, évêque d’Albi, contre Fr. Bernard et statua
l’ordonnance de non-lieu (*). De plus, ayant passé quelques années
de détention préventive auprès de la curie romaine, Bernard avait été
enfin déclaré libre par le roi et par Clément V (3). Jean XX II, eut-il
le droit d’ordonner la r e p r i s e du p ro c è s? En principe il pouvait
modifier ou révoquer toutes les décisions de ses prédécesseurs (*).
Souvenons-nous seulement de ses constitutions pendant le fameux
différend au sujet de la pauvreté volontaire dans l’ordre de s. Fran­
çois (ft). La reprise du procès fut aussi facilitée par le fait qu’on ne
possédait aucune lettre papale concernant la mise en liberté de Ber­
nard. De plus, une grave accusation, celle d’empoisonnement, par des
moyens magiques, de Benoît vint s’ajouter aux crimes imputés à notre
zélateur. Cette nouvelle accusation a dû produire sur le pape, qui
craignait tant les « sciences maudites », la plus vive impression.
Hauréau dit: « On s’étonne sans doute de voir, au mépris de nos
règles, instrumenter contre des crimes pardonnés et recommencer une
procédure treize années après l’accomplissement des faits qui doivent
en être l’objet... En ces temps anciens dont nous écrivons l’histoire,
on ne savait pas rechercher la vérité, pratiquer la justice pour elles-
mêmes. Il y avait des lois ecclésiastiques et des lois civiles; cependant
l’intérêt bien ou mal entendu de l’Etat et de l’Eglise passait avant
toutes ces lois. Ainsi Clément V croyait servir les intérêts de l’Eglise
lorsqu’il pardonnait à Bernard, instigateur avoué d’une sédition qui

(’) Déposition de R aym ond L ecourt (f. 261r): B ernard * dixit, quod sibi
erant tot et tanta revelata et se invenisse per doctrinam dicti lo a c h im et per dicta
prophetarum, quod non credebat, quod a ducentis annis citra essent alicui viventi
tot revelata, et quod inter caetera erat sibi revelata persecutio quam patitur ipse
idem frater Bernardus et persecutio illorum qui fuerunt c o m b u sti in M a s s ilia ,
et quod, de o r d in e M in oru m affectionis suae et evangelicae paupertatis debeant
esse septuaginta duo m a r ty r e s D ei, et in brevi».
(2) Ib. f. 82v-4r. Voir plus h a u t, p. 320ss.
(•) Ib. f. 84v, 91v-2v. — H auréau, 136-7. Lea, II, 90. Supra, 463.
Cf. c. 23 X de priv. V, 33. (8) BF V, 233ss.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 467

n’était pas encore calmée ; maintenant Jean X X II croit mieux les servir
lorsqu’il commande de le juger... La condamnation de Bernard ne
doit-elle pas causer une égale satisfaction aux supérieurs des deux
congrégations puissantes qui servent à l’envi l’Eglise romaine sous
les enseignes de saint François et de saint Dominique? »(I ).
L ’entourage et le caractère du pape ont certainement joué un
rôle dans la reprise du procès (2). Si Fr. Bernard avait défendu les
S p i r i t u e l s non devant Jean X X II, mais devant un Célestin V,
il aurait été probablement loué pour son amour intrépide de la vé­
rité. Il faut ajouter aussi que son sort aurait été différent, s’il avait
eu en curie des protecteurs puissants. Même, en cas de culpabilité,
il aurait pu alors au moins espérer se tirer d’affaire. Guichard de
Troyes, par exemple, pouvait commettre impunément maints délits,
tan t qu’il fut protégé par Blanche de Navarre et par sa fille. Le
mystique Arnauld de Villeneuve pouvait se considérer en sûreté re­
lative vis à vis des inquisiteurs, tant qu’il se vit appuyé par ses
amis influents. Si une protection de ce genre manquait à Fr. B. Dé­
licieux, ses ennemis étaient d’autant plus forts. Les procès de Bernard
Saisset, des Templiers, de Boniface V III et d’Enguerran de Marigny
nous montrent bien quelle influence néfaste exerçait cette catégoire
d ’ennemis.
Déjà le 13 mai, c’est-à-dire, le jour même de l’audience papale,
Fr. Bernard fut mis sous la garde d’Arnauld de Auxio, cardinal et
camérier du pape. Deux jours après, il fut jeté dans le « carcer ardus »
papal, fers aux pieds. Même pendant cet emprisonnement, on voit
Bernard s’empresser de défendre la pauvreté séraphique, d’enjoindre
qu’on fête la mémoire de P i e r r e de J e a n O liv i et d’exhorter les
amis des Spirituels à ne pas laisser leurs protégés sans aide. Pour
faire parvenir ses instances à ses partisans, il employa le seul moyen
possible; il écrivit des lettres (*). Il y résista à Fr. B o n n e g râ c e
de B e r g a me, voulant le tirer au parti < laxe » de l’ordre (4).
Vers ce temps, la procédure contre lui f u t d é ta c h é e de celle des
Spirituels proprement dits (5). S’il avait été associé aux intransigeants,
il eût été mentionné dans la bulle du 8 novembre 1317, où Jean or­
donnait à Michel le Moine, O. Pr., de juger la cause des 25 ^pseudo-mi-
norum ordinis fratres » qui restèrent fidèles à leurs idées rigoristes(6 ).
L ’exposé d’Ange de Clareno (7) et celui de Raymond de Fronsac (*) nous

t 1) Hauréau, 147ss. Cf. Tanon, 78.


(*) Voir N. Valois, Jacques Ditèse... Jean X X II, dans Ilist. littér. XXXIV’,
1915, 391-680; voir 428, 436s. (3) I Série d'accus, n. 34, 87s. (v. p. 473).
0) Cf. Ehrle, ALKG II, 145-8; HI, 29.
(5) Clareno, 1. c. II, 148. (R) BF V’, n. 293. V’idal, Bullaire, 35-9.
f) Ed. Ehrle, 1. c. II, 147. (*) L. c. III, 29.

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468 DISCUSSIONES.

laissent pourtant supposer que Fr. Bernard n’a pas rétracté. En raison
de quoi, on peut penser qu’il resta étranger au procès des intransi­
geants, car son rôle dans la révolte de Narbonne et de Béziers était
à peu près nul. Mais il est impossible de préciser la date, où le pape
se décida à r e p r e n d r e le p ro c è s contre lui. Déjà, on peut voir
l’intention papale de ressusciter cette affaire dans les paroles suivants
de Jean X X II adressés à Fr. Bernard pendant l’audience et trans­
mises par Clareno: « E t nos propter multa mala, que de te audivi­
mus, detinemus te »(1). Déterminé par les instances assidues des Fran­
ciscains comme des Dominicains, le pape paraît avoir ordonné bientôt
la séparation des deux procès.
En s’empressant de prouver la « diffamatio » et de réunir les
preuves, J e a n de B e a u n e , O. Pr., inquisiteur de C a rc a s s o n e (*),
ne tarda pas à p r é s e n t e r en cour d’Avignon les actes du «processus
extraiudicialis », instruit en hâte contre quelques anciens complices
de Fr. Bernard. Nous ne possédons pas ces informations qui ne sont
mentionnées que très brièvement dans les actes judiciaires. Nous avons,
par contre, le t e x t e d e s d e u x g r o u p e s d’a r t i c l e s d i r i g é s
c o n tr e B. D é lic ie u x lui-même, et dont les auteurs, faisant fonc­
tion de promoteurs, ne sont pas indiqués. Diffus, monotones et souvent
pleins de verbiage inutilé, dans le goût juridique de l’époque, les
griefs présentent tout de même un certain intérêt culturel. Le p r e ­
m ie r g ro u p e (’), formant un appendice à la bulle de nomination des
juges, contient 44 articles. Voici leur te x te .

I>a première série d’accusations.


1. Ad nostrum pervenit auditum, fama publica referente, quod
f r a t e r B e r n a r d u s D e li t io s i tractavit et consilium dedit cum
(iuilhelmo Fransa et quibusdam aliis in quadam camera d o m u s
f r a t r u m M in o r u m A lb ia e , quod ipse fr. B e r n a r d u s et Guil-
helmus Fransa irent et iverunt Tolosam ad vicedominum Andda-
nensem [Iohannem de Pinquonio] et archidiaconum Algiae [Bichar-
dum Nepotis] magistros regios, et quod dictus fr. B e r n a r d u s
proponeret et proposuit coram eis, quod multae personae de Albia et
aliis locis, quae, quia sustinebant ius regium et honorem, deceptae
erant per episcopum Albiensem [Bernardus de Castaneto] et inquisi­
tores hereticae pravitatis. Et induxerunt et seduxerunt eas, et specialiter
quasdam de Albia, ut confiterentur et confessae fuerunt coram eis, se
vidisse, adorasse et recepisse hereticos; quas personas sic confitentes
et falsis suggestionibus et confessionibus ad carcerem perpetuum con-
dem narunt, propter quae tota terra erat perdita, nisi magistri praedicti
providerent contra dictos episcopum et inquisitores, quare supplicavit
dictus fr. B e r n a r d u s eisdem magistris securitatem dari omnibus

0) L. c. II, 145. (2) Cf. supra, p. 198, en note. (*) F. 6r-13v.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 469

colentibus conqueri de praedictis episcopo et inquisitoribus ad finem,


quod offlcium inquisitionis hereticae pravitatis impediretur omnino et
turbaretur, quod non possent aliquos processus facere super heretica
pravitate contra homines de A l b i a , et de C o r d u a, et de C a r ­
c a s so n n a .
2. Item quod dictus fr. Bernardus et G. Fransa impetraverunt
a d ictis magistris literam dictae securitatis et eam portaverunt apud
A l b i a m , ut volentes impedire dictum offlcium, illud possent Ubere
impedire dicta securitate gaudentes.
3. Item quod dictus Q) fr. Bernardus cum multis de A l b i a qua­
dam alia vice in d i c t a c a m e r a tractavit et consilium dedit, consen­
ti it et procuravit, quod uxores condemnatorum de Albia pro heresi et
omnes alii, quos habere possent, secum irent T o l o s a m ad dictos
magistros et clamarent et publice conquererentur coram eis de dictis
episcopo et inquisitoribus, ut dictum offlcium impediretur per potesta­
tem dictorum magistrorum ; quod et fecerunt iuxta dictum consilium.
4. Item fr. Bernardus ad instantiam dictorum uxorum et aliorum
multorum impedientium dictum offlcium formavit et dictavit arti­
culos, una cum quibusdam aliis clericis et laicis, contra episcopum
et inquisitores, et eos scribi fecit, continentes inter cetera, quod dicti
episcopus et inquisitores vi tormentorum gravium compulerant con­
demnatos de heresi ad confitendum, se vidisse et adorasse et recepisse
hereticos et nominando certas personas innocentes, quae secum morbo
sim ili laborabant, ut ab eis pecunias extorquerent, et quod fr. Falco
[de 8ancto Georgio] praesens ibidem, portans unam barbadyram, ne
cognosceretur, manu propria faciebat tormenta praedicta, et quod
fr. Falco faciebat capi mulieres, ut cum eis coiret et cum eis captis
coitum exercebat.
5. Item, quod fr. Bernardus cum quibusdam de A l b i a tradide­
runt articulos magistris contra episcopum et inquisitores et offlcium,
ut rex, tota terra et populus concitarentur contra episcopum et inqui­
sitores.
6. Item, quod fr. Bernardus et G. Fransa apud S U v a n e t u m
in Francia coram d. rege et eius consilio proposuerunt et quilibet
eorum proponi fecerunt, quod quidam frater de ordine fratrum Prae­
dicatorum publice praedicaverat Albiae in ecclesia Sancti Salvii,
praesente populo, quod tota heresis, quae erat in dioecesi Albiensi,
Carcassonensi et Tolosana, exiverat et venerat de Francia a quodam
rege Franciae, qui fuerat hereticus, et quod praedicta fuerant pro­
posita coram rege ad concitandum regem et ad impediendum dictum
offlcium.
7. Item, quod fr. Bernardus quadam alia vice tractavit cum
A l b i e n s ib u s , scilicet procuravit et consilium dedit eis, quod irent
T o lo s a m ad requirendum et ordinandum cum magistris, quod uxores
condemnatorum et magna multitudo populi de Albia irent C a r c a s -
s o n a m et ibi clamantes supplicarent magistris, quod immuratos de
Albia per sententiam in carcere, extraherent de muro. E t ita iverunt
iuxta dictum consilium apud Tolosam ad magistros ; fr. Bernardus

(9 Nous omettrons dans la suite, devant ce nom et d’autres, cet adjectif,


de même que praedictus, simples formules juridiques; d. = dominus.

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470 DISCUSSIONES.

et G, Fransa tantum fecerunt cum magist/ris, quod promiserunt ire


Carcassonam et esse certa die, et immuratos expellere de muro, a d
quam diem et locum magistri, uxores et multitudo clamantes et p e ­
tentes a magistris, quod liberarent et extraherent de muro carceris
immuratos de Albia pro heresi, fr. B e r n a r d o dicente eisdem cla ­
mantibus, quod magistri promiserant sibi, quod ipsi extraherent im ­
muratos de muro, et quod non timerent, quia ipse iret cum eis a d
murum et ordinaret, quod antequam redirent, omnes qui erant in-
carcerati in muro, extraherentur et abire libere permitterentur ; quod
et factum fuit.
8. Item, quod fr. Bernardus et G. Fransa iverunt ad F r a n c i a m
ad dictum regem pro deffensione et liberatione condemnatorum de
heresi.
9. Item, quod fr. Bernardus tractavit et procuravit quadam a lia
vice cum consulibus et syndicis A l b i a e , C a r c a s s o n a e et C o r -
d u a e , et tantum fecit cum eis, quod ipsi promiserunt dare dicto vi-
cedomino duo m illia librarum turonensium parvorum, ut eos deffen-
derent contra dictos episcopum et inquisitores et dictum officium im ­
pediret, quae duo m illia libr. fr. Bernardus ab eis debebat recipere et
tradere dicto vicedomino ex causa praedicta.
10. Item, quod fr. Bernardus ibidem et tunc promisit eidem vi­
cedomino, quod sibi procuraret de aliis villis dictarum dioecesium alia
duo m illia libr. turon. dum tamen ipse vicedominus deffenderet Al-
bienses, Corduenses et Carcassonenses contra episcopum et inquisitores.
11. Item, quod fr. Bernardus tractavit, consuluit et ordinavit
quadam alia vice in c a m e r a , in qua iacebat in domo f r a t r u m
M in o r u m C a r c a s s o n a e , cum dictis consulibus et syndicis, quod
dictarentur, componerentur et fierent multi falsi articuli diffamator i i
contra episcopum et inquisitores, quos articulos falsos fr. Bernardus
dictavit et fecit.
12. Item quod in dictis tractatu et consilio fuit dictum per aliquos,
quod illi tales fa lsi articuli non relevarent ponentes (*), quia probari
non possent, eo quod veritatem non continebant.
13. Item quod ibidem et tunc fr. Bernardus dixit, quod cum
veritate vel falsitate debebant in tantum facere et procurare, quod sal­
tem fratres Praedicatores perderent officium inquisitionis hereticae
pravitatis.
14. Item quod fr. Bernardus ivit apud A l b i a m et apud C a r ­
c a s s o n a m et tractavit quadam alia vice cum consulibus dictarum
civitatum et quibusdam aliis, et eis consuluit et ordinavit, quod mit­
terent in Franciam nuncios speciales ad regem Franciae contra episco­
pum et inquisitores pro deffensione condemnatorum et aliorum suspec­
torum de heresi, et obtulit se eis ire paratum pro deffensione ad regem.
E t fuit ordinatum, per fr. Bernardum, per Albienses, Corduenses et
Carcassonenses, quod fr. Bernardus et G. Fransa irent in F r a n c i a m
ad regem contra episcopum et inquisitores pro deffensione. E t quod
fr. Bernardus ivit in F r a n c i a m et G. Fransa nuncii Albien sium,
Corduensium et Carcassonensium ad expensas eorum et cum literis
et supplicationibus eorumdem contra episcopum et inquisitores pro

0) Sic MS. II fau t lire p e u t-ê tre : falsos articulos non revelarent.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 471

deffensione ; et in Francia tractaverunt multa cum consilio dicti vi-


cedamini super deffensione praedicta.
15. Item quod fr. Bernardus accedens ad carceres, ubi erant
immurati in C a r c a s s o n a requisivit eos, quod scriberent genera
tormentorum sibi illatorum per inquisitores et nomina illorum, quos
accusaverant de heresi vi tormentorum; quod et fecerunt multi de
immuratis praedictis, et scripturas suas super praedictis fr. Bernardo
tradiderunt. E t cum erant aliqui de immuratis scribere nescientes,
ipsemet fr. Bernardus manu sua propria scribebat super tormentis
et accusationibus immuratorum scribere nescientium; quae praedicta
fr. Bernardus procurabat fieri et faciebat ad illum finem, quod tota
terra et populus dictarum diocesium concitarentur et commoverentur
contra episcopum et inquisitores, ut officium impediretur, et ut d. rex
offenderetur et indignaretur contra episcopum et inquisitores.
16. Item quod fr. Bernardus ivit apud R a p i s t a g n u m et apud
G a l h a c u m et in quolibet dictorum locorum congregavit consules et
multos alios, quibus presentavit, legit et exposuit rotulos, continentes
praedicta, quae immurati scripserunt et ipse fr. Bernardus scripsit
pro immuratis nescientibus scribere super dictis tormentis et accusa­
tionibus: suadens et dicens, quod cum multi de dictis essent accusati
de heresi vi tormentorum per inquisitores, idem poterat fieri de aliis ;
et sic tota terra erat perdita, nisi se defenderent et impugnarent et
impedirent episcopum et inquisitores, et se coadunarent et contribuerent
de pecuniis suis ad ducendum negotium deffensionum et impugnation is
et impeditionis contra episcopum et inquisitores ; et idem fecit fr. B er­
nardus et eodem modo in multis aliis villis et castris dictarum dioe­
cesium.
17. Item quod fr. Bernardus promisit hominibus R a p i s t a g n i,
G a l h a c i et multorum aliorum locorum dioecesium praedictarum se
ducturum negotium contra episcopum et inquisitores.
18. Item quod homines de R a p i s t a g n o et de G a lh a c o pro­
miserunt fr. Bernardo octuaginta grossos parisienses auri pro prose­
cutione deffensionis et negotii.
19. Item, quod fr. Bernardus recepit seu recipi fecit pro salario
suo et expensis a dictis hominibus de Rapistagno et de Galhaco
dictos octuaginta parisienses pro prosecutione deffensionis et negotii
contra episcopum et inquisitores ad finem praedictum, et ut concitaret
populum dictarum dioecesium contra episcopum et inquisitores.
20. Item, quod fr. Bernardus, audita creatione d. C l e m e n t i s
p a p a e V, tractavit, consuluit et ordinavit cum Albiensibus, quod
mitterent nuntios ad d. Clementem papam F ad diffamandum epi­
scopum et inquisitores et conquerendum de eis ad finem quod officium
impediretur.
21. Item, quod fr. Bernardus quadam alia vice tractavit, consu­
luit et ordinavit, quod uxores A lb i e n s iu m , C o r du en s iu m con­
demnatorum de heresi et multi alii irent T o lo s a m ad d. papam
C l e m e n t e m V ad diffamandum et conquerendum, ut supra, et quod
fr. Bernardus dictavit articulos pro dictis uxoribus et fieri procuravit
contra episcopum et inquisitores ad diffamandum et conquerendum,
ut supra, et ut officium impediretur ; et articulos tradidit commissario
d. papae pro uxoribus et hominibus de Albia contra episcopum et
inquisitores.

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472 DISCUSSIONES.

22. Item, quod fr. Bernardus falso suggessit cuidam f a m u l o


s u o o l i m iu d e o , quod publice diceret, quod fr. Falco multas pe­
cunias habuerat et extorserat a diversis iudeis,
23. Item, quod fr, Bernardus in C a r c a s s o n a tractavit, consu­
luit et ordinavit quadam alia vice secrete cum A l b i e n s i b u s et
multis aliis, et expresse consentiit et persuasit, quod in Carcassona
starent in ecclesia f r a t r u m M in o r um , donec vidissent seu scirent,
si dictus vicedominus extraheret et liberaret immuratos de muro, u t
si forte illos non extraheret, ipsi coadunati in ecclesia inde arriperent
iter suum versus immuratos, ut viriliter cum tumultu et violenter
frangerent murum, carceres et portas, ubi immurati capti tenebantur
et eosdem extraherent inde et libere facerent abire,
24. Item, quod fr, Bernardus pronosticavit mortem domini B e ­
n e d ic ti papae.
26. Item procuravit et consentiit, quod abbreviaretur vita d ic ti
domini p a p a e B e n e d i c t i .
26. Item misit ad curiam romanam nunctum suum proprium et
per eum quemdam c o f f i n u m p a r v u m pannis involutum, clausum
cum claratura, cuius elavem retinuit, infra quem coffinum posuit et
ad curiam misit quasdam confectiones, potiones, pulveres et litteras
manu sua propria scriptas, quarum occasione fr. Bernardus p rocu ­
ravit et f e c i t a b b r e v ia r e v i t a m dicti d. B e n e d i c t i ,
27. Item, quod machinatus fu it in mortem d, B e n e d i c t i p a p a e ,
28. Item, quod fr. Bernardus dixit quibusdam hominibus de A l b i a
et C a r c a s s o n a calendam infra qnam d. B e n e d i c t u s p a p a erat
moriturus, nec ultra poterat vivere.
29. Item, quod ad dicendum praedicta s t u d u i t in q u o d a m
libro, in quo erant multi characteres et multae rotae et diversae scrip­
turae in suis circumferentiis.
30. Item, quod praedicta misit magistro A r n a l d o de V i l l a -
n o v a et quibusdam aliis propter abbreviationem v i t a e d. B e n e ­
d ic ti.
31. Item, quod fr. Bernardus dixit quibusdam hominibus de
A l b i a , se scire facere cum artibus suis abbreviationem vitae inim ici
sui, et quod ipse reputabat inimicum suum et hominum de Albia ei
de Carcassona d. B e n e d i c t u m p a p a m , q u i a e r a t de o r d i n e
P r a e d i c a t o r u m , et quia faveLat inquisitoribus, et quod ipse faceret
aidire viare vitam d. B en e d i c t i p a p a e.
32. Item, quod fr. Bernardus quadam alia vice tractavit, con­
suluit et ordinavit, persuasit et consentiit expresse una cum m ultis
hominibus de A l b i a in domo f r a t r u m M in o r u m A l b i a e , quod
ipse fr. Bernardus et quidam alii Albienses irent Tolosam ad requi­
rendum vicedominum, quod Albienses immuratos in C a r c a s s o n a
extraherent de muro et libere facerent abire, et si nollet eos exaudire,
cito revenirent Albiam et congregarent multos Albienses, et carnifices
et leviores homines de Albia et cum magna multitudine illorum irent
Carcassona m et frangerent violenter murum, portas et carceres, ubi
capti tenebantur immurati et eos extraherent de carceribus et libere
facerent abire.
33. Item, quod fr. Bernardus fu it causa et occasio, consilium et
consensum dedit et persuasionem fecit, quod immurati extraherentur
de muro et carceribus et liberarentur, sicut liberati fuerunt et extracti

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 473

per vicedominum, et quod in praedictis extractione et liberatione


fr. Bernardus fu it praesens, consulens, consentiens, et operam dedit,
ut praedicta fierent.
34. Item, quod fr. Bernardus scripsit et misit l i t e r a s s u a s
quibusdam civibus N a r b o n a e , continentes, quod quia ipse fr. B er­
nardus proposuit pro f r a t r i b u s a f f e c t i o n i s s u a e coram d o­
m in o p a p a , a lii f r a t r e s M in o r e s sunt contra eum, et quod
ipse debet esse carus amicis negotii fr a t r u ,m dictae a f f e c t i o n i s ,
sicut oculus dexter capitis.
35. Item, quod Deus dedit sibi intelligere tam magna, quod a quin­
gentis annis citra non fuerunt talia facta, et quod fr. G u i I le I m u s
d e S a n c t o A m a n t i o ([) habebat eum carum et sciebat causas suas.
36. Item, quod pro negotio et facto Carcassonae ipse Bernardus
consumpsit omnes libros suos et obligavit se ad multa debita, et quod
homines Carcassonae et Albiae haberent eidem fr. Bem ardo respondere
de multis in quibus sibi tenentur, et quod negotium praedictum consta­
bat sibi multum.
37. Item, quod ipse patiebatur pro fr. P e t r o I o a n n i s [ O l i v i ],
et quod multi venirent ad in s t a n te m d ie m d i c t i fr. P e t r i
I o a n n i s , et quod tunc facerent sibi succurri et adiutorium mitti.
38. Item, quod praedictas U t e r a s fr. Bernardus scripsit manu
propria captus in carcere d. p a p a e Avinioni.
39. Item, quod fr. Bernardus scripsit et misit m u l t a s a l i a s
l i t e r a s in l a t i n o e t in r o m a n t io multis et diversis singulari­
bus personis N a r b o n e n s i b u s et B i t t e r e n s ib u s , viris et mulie­
ribus, b e g u in is e t b é g u in a b u s , confortans eos super negotio
f r a t r u m a f f e c t i o n i s praedictae et ab eis adiutorium petens.
40. Item, quod de universis et singulis supradictis est fama publica
et est publice fr. Bernardus in dictis civitatibus, dioecesibus et aliis
locis circumvicinis apud bonos et graves; et propter praedicta grave
scandalum ortum est contra eum, quae non debent impunita relinqui.
41. Item, quod dictus fr. Bernardus multoties concitavit et com­
movit A l b i a e et C a r c a s s o n n a e consules, cives et habitatores ipsa­
rum civitatum publice in s e r m o n i b u s suis et interdum secrete in
c a m e r a , quam inhabitabat, contra episcopum Albiensem et inquisi­
tores hereticae pravitatis, et se fieri procuravit procuratorem, deffenso-
rem et prosecutorem dictorum hominum contra episcopum et inquisi­
tores per habitatores.
42. Item, quod semel et pluries promisit dictis hominibus et cui­
libet interdum publice, interdum occulte, quod ipse deffenderet eos et
homines Albienses immuratos in Carcassona pro heretica pravitate,
et quod non dimitteret deffensionem immuratorum contra episcopum
et inquisitores, donec per potestatem regiam immuratos de muro pro-
curasset et fecisset penitus liberari.
43. Item, quod fr. Bernardus fecit sibi s a l a r i u m certum sibi sol­
vendum annuatim in certa summa pecuniae per dictos habitatores pro
deffensione et prosecutione praedictis contra episcopum et inquisitores.
44. Item, quod dictum s a l a r i u m eidem fr. Bem ardo fu it an­
nuatim solutum per habitatores praedictos ex causa praedicta (’ ).

(9 Ms. Geraldus de Sancto Amantio. (-) Fonds latin N° 4270, f. 6r-13v.


Archivum Frdnciscanum Historicum. — A N . X V II. 31

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474 DISCUSSIONES.

Ces articles, où furent-ils composés? Quelques passages de la


bulle « Etsi cunctorum » ainsi que les paroles d’introduction placées
au commencement du premier article f1) nous laissent supposer que
la rédaction définitive de ces griefs fut faite à la c o u r d’A v ig n o n .
L ’accusation au sujet de l’empoisonnement de Benoît X I confirme cette
supposition. Vers cette époque, un véritable affolement magique s’em­
para pour longtemps des esprits à la curie. Jean X X II étant parmi
les plus persuadés d’être en butte à la malice des sorciers (2), on voulait
voir partout des indices d’attentats contre tel ou tel dignitaire, ce
qui amenait les recherches febriles des amis du « diable >. C’est de
là qu’une simple rumeur d’empoisonnement put si facilement faire
naître la persuasion qu’un crime pareil aurait vraiment eu lieu. Là,
la culpabilité de Bernard pouvait donc être regardée comme très digne
de créance (8). Quelle différence avec l’état des esprits dans le Langue­
doc où cette épidémie n’avait pas encore apparu et où la sorcellerie
n’intéressait l’inquisition que très rarement! Même le Dominicain Ber­
nard Gui, ennemi déclaré et d’office de notre Franciscain, mais étranger
à l’affolement magique régnant à la curie, ne mentionne nulle part
dans ses écrits l’empoisonnement de Benoit X I par Bernard.
Qui est l’a u t e u r (ou les auteurs) de ces articles ? Le texte ne
permet pas de le préciser. La mention continuelle et accentuée des
événements d’A lb i, prouve que Fauteur puisait ses renseignements
principalement aux témoignages des personnes séjournant à Albi
pendant ces troubles populaires. L ’angle de vue de l’auteur est par­
tant trop étroit, car c’est Carcassonne qui fut le champs principal de
l’activité de Fr. Bernard. Il semble qu’une main puissante dirigeait
— délibérément — les accusations vers cette conception étroite. Ber­
nard de Castanet lui même, n’aurait-il pas pu jouer le rôle d’accu­
sateur? Le pape n’avait-il pas pris en considération les affirmations
de cet évêque qui dépeignit vivement tout le mal que lui causa l'agi­
tateur intrépide? Cette supposition nous paraît très vraisemblable.
Après avoir été créé cardinal, le 18 déc. 1316, Bernard de Castanet resta
jusqu’à sa mort à la cour d’Avignon, en jouissant de la plus grande

C) « Ad nostrum pervenit auditum fama publica r e f e r e n te »; p. 468.


(2) V. N. Valois, Jean X X II, art. cité, 408-15, sur des tentatives d'envoû­
tement dirigées contre ce pape et des cardinaux; sur celle de Mathieu Vi-
sconti, 416-7.
O Hauréau écrit (151s.): «Jean XXII sait très-bien comment est mort
Benoît. Ce n’est pas d’ailleurs un pape de hasard... C’est un homme instruit,
éclairé, nullement naïf. On a dû le faire sourire en lui disant qu’Arnauld
de Villeneuve avait eu besoin, pour empoisonner un pape, des conseils et
des onguents de Bernard... ». Hauréau a pourtant oublié le fait que la peur
rend aveugle.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 475

estime du pape. Du 23 mai jusqu’au mois d ’août 1317, ce nouveau


cardinal a donc eu assez de temps à sa disposition pour influencer
directement ou indirectement la rédaction de cette série d’articles. Le
fait que ceux-ci, en parlant de lui, n’ajoutent pas « bonae memoriae >
prouve bien qu’ils furent composés avant sa mort ( f le 14 août 1317).
L a s e c o n d e s é r i e ( l ) comprend s o i x a n t e a r t i c l e s . Plus
clairs et mieux conduits, ces articles furent souvent employés par
les juges. En voici la teneur:

L a deuxième série d’accusations.


1. Primo sub an. D. millesimo trecentesimo dictus fr. B e r n a r ­
d u s D e l i t i o s i, una cum fr. B er n a r d o R a y m u n d i, tunc g a r-
d i a n o f r a t r u m M in o r u m d e C a r c a s s o n a se opposuit inqui­
sitori Carcassonae fr. Nicolao de Abbatisvilla, volenti procedere et
procedenti contra Castellum Fabri defunctum hereticum, sicut inqui­
sitor invenerat per testes concordes, et habuerat in mandatis a domino
Bonifacio papa V III, oraculo vivae vocis, quod procederet contra
ipsum ; et dictus fr. Bernardus obtulit se ad deffendendum dictum
defunctum asserens ipsum esse et fuisse catholicum.
2. Ite m cum dictus fr. B e r n a r d u s D e l i t i o s i et g a r d i a n u s
peterent admitti ad deffensionem dicti defuncti, et inquisitor praefatus
habuisset de consilio magnorum virorum et peritorum in iure, quod
ad ipsos deffensio non pertinebat et non admisisset eos, appellave­
runt a prefato inquisitore, et appellationem fecerunt affigi in domo
inquisitionis ; et dictus fr. B e r n a r d u s D e l i t i o s i fu it praesens.
3. Item fr. B e r n a r d u s D é l i t i os i diffamavit publice et p r i­
vate inquisitores praedictos et processus eorum et sententias datas per
eos contra personas culpabiles de heresi, ac etiam per praefatum do­
m inum episcopum Albiensem.
4. Item dictus fr. B e r n a r d u s D e l i t i o s i in pluribus locis,
scilicet in C a r c a s s o n a , A l b i a , C o r d u a et in C a s t r i s et alibi
in p r a e d i c a t i o n e publica et pluries etiam in privato coram po­
p u lo d ixit et asseruit, quod dominus episcopus et inquisitores con­
demnaverunt iniuste quasdam personas de Albia et de dioecesibus su­
perius nominatis et quasdam de C a r c a s s o n a et de dioecesi in poena
superius nominatas, asserendo personas condemnatas per eos esse et
fuisse bonas et catholicas et immunes de crimine heresis.
b. Item fr. Bernardus informavit de praedictis contra d. epi­
scopum et inquisitores d. loannem de Pinquonio, vicedominum Am-
bianensem et dominum Richardum Nepotis, archidiaconum Algiae in
ecclesia Lexonensi, qui fuerunt missi per d. Philippum regem Franciae
ad praedictas partes; et ad informationem et instigationem fr. Ber-
nardi multa gravamina et impedimenta fecerunt et intulerunt d. epi­
scopo et inquisitoribus et officio inquisitionis et ministris officii in­
quisitionis et familiaribus et amicis episcopi et inquisitorum.
6. Item de praedictis, videlicet quod episcopus et inquisitores iniuste
condemnassent multas personas pro crimine heresis, fr. Bernardus

(*) F. 14r-29r.

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476 DISCUSSIONES.

Informavit multas personas alias, tam ecclesiasticas quam seculares


in praedictis partibus Carcassonensibus, Albiensibus et Tolosanis, et
etiam in Francia et in curia d. regis Franciae et alibi.
7. Item fecit seditiones et concitationes populorum contra episco­
pum et inquisitores pluries et in pluribus locis, specialiter in C a r -
c a s s o n a , A l b i a , C o r d u a et In C a s t r i s et in L im o s o , et alib i
excitando et animando homines, ut assumerent contra episcopum et
inquisitores et se deffenderent contra eos, quod fecerunt, fr. Bernardo
coopérante, excitante et praedicante publice et privatim.
8. Item fr. Bernardus interfuit consiliis et tractatibus, et consu­
luit et tractavit in praedictis villis maxime in C a r c a s s o n a , C o r ­
d u a et A l b i a , quod pecuniae colligerentur ad prosequendum nego­
tium contra episcopum et inquisitores, tam in curia Franciae, quam
in curia romana et alibi, sicut et factum fuit.
9. Item dictae pecuniae fuerunt collectae pro praedictis expensis
faciendis, fr. Bernardo sollicitante et procurante, in burgo C a r c a s ­
s o n a e et de civitate A l b ie n s i et de C o r d u a ei de aliquibus a liis
locis.
10. Item fr. Bernardus prosecutus est annis multis negotium
assumptum per Carcassonenses, Albienses et Corduenses et quosdam
alios contra episcopum et inquisitores in curia Franciae et coram v i-
cedomino et archidiacono praedictis et alib i; et recipiebat s t i p e n d i a
et sumptus magnos a praedictis pro prosecutione dicti negotii et pecu­
nias multas.
11. Item fr. Bernard us postmodum egit contra consides burgi
Carcassonae et convenit eos in curia senescalli vel vicarii Carcassonae,
repetens ab eisdem magnam pecuniae quantitatem, quae restabat ad
solvendum de aliquibus annis transactis, sicut de istis plenius constat
per p r o c e s s u m in d e f a c t u m in c u r i a v i c a r i i C a r c a s s o -
n a e et per informationes per ipsum redditas consulibus Carcassonae,
quae i n f e r i u s c i r c a f i n e m rotulorum scriptae h a b e n t u r .
12. Item fr. Bernardus tractavit et procuravit sub an. D. 1301
cum uxoribus condemnatorum pro heresi et amicis eorum de A l b i a ,
quorum nomina s u p e r i u s c o n t i n e n t u r , quod mitterent procura­
torem aliquem ad regem F r a n c i a e ad prosequendum negotium con­
tra episcopum et inquisitores; et ibidem fr. Bernardus praesens con­
stitutus est procurator ad dictum negotium prosequendum; et fu it
ordinatum, quantum quaelibet de uxoribus contribueret pro expensis.
13. Item fr. Bernardus ut procurator institutus de consilio vice-
domini et archidiaconi i v i t in F r a n c i a m ad curiam d. regis sub
anno 1302, cuius socius fu it quidam f r a t e r m i n o r cognomine
H e c t o r ; et secuti sunt regem de P a r i s i u s usque P e t r a m F o n ­
tem , C o m p e n d iu m et C h ay s i a c u m, ubi per procuratores ipsius
fr. Bernard i fu it impedita Utera de favore concessa per d. regem pro
inquisitore Tolosano [Falcone de Sancto Georgio]; et fr. Bernardus
multa dixit et suggessit regi contra officium inquisitionis et contra
episcopum et inquisitores, sicut ipsemet postmodum r e c i t a v i t in
s e r m o n e p u b l ico , q ua m fecit apud C a s t r a s.
14. Item sub an. 1303, circa festum Ascensionis Domini, quando
Albienses primo venerunt apud C a r e a s s o n a m de Albigesio ad re­
quirendum fr. Gaufridum inquisitorem pro liberatione condemnato­
rum et aliorum detentorum in carcere inquisitorum pro crimine he-

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 477

r e s is , tune fr.< B e r n a r d u s D e l i t i o s i venit illuc, et fu it in omnibus


c o n s iliis et tractatibus factis per vicedominum contra negotium inqui­
s it io n is tamquam principalis adversarius et impeditor et detractor
in quisitorum .
15. Item eodem anno, circa festum b. loannis Baptistae apud
C o r d u a m fr. B e r n a rd u sp ra e d i c a v i t in d o m o c o m m u n i, post
recessum vicedomini de Cordua in Franciam, dicens populo ad hoc
con vocato: « Kos multum debetis gaudere, quia habetis talem domi­
n u m promotorem et deffensorem (loquens de vicedomino) ad expedi­
tio n e m seu liberationem vestrorum bonorum hom inum », dans intel-
lig e r e de condemnatis per episcopum et inquisitores; et addidit, quod
in iu ste detinebantur in carcere inquisitorum.
16. Item quod ib id e m d ix it in p u b l i c o s e r m o n e , quod ipse
m ultum laboraverat, ut inquisitionis negotium actum contra praefatos
condemnatos, quos asserebat esse bonos homines et condemnatos iniuste,
ven iret in lucem, et expenderat pro hoc ad valorem ccc vel cccc li­
b raru m , et adhuc erat paratus se exponere, dummodo ipsi vellent eum
i uva re et se ipsos.
17. Item ib id e m in s e r m o n e dixit suadendo populo, quod non
essent sicut illi de Carcassona, qui propter modicas expensas, quas
tim ebant facere prosequendo negotium contra inquisitores, miserabili­
ter sic permiserunt succumbere officio inquisitionis et inquisitoribus ;
e.r praedicta vero praedicatione fu it populus adeo concitatus contra
episcopum et inquisitores et officium inquisitionis, quod aliqui obtu­
leru n t se et suas uxores et liberos ad expendendum contra episcopum
et inquisitores, quousque condemnatos et detentos suos in carcere in­
quisitorum retraherent.
18. Item eodem anno in m e n s e i u l i i, circa festum S. lacobi
f r . B e r n a r d u s D e l i t i o s i venit C a r c a s s o n a m cum multitu­
d in e seditiosa Albiensi, ubi ipse interfuit in consiliis et tractatibus
m ultis, factis per vicedominum contra inquisitorem Carcassonae et
officium inquisitionis.
19. Item eodem anno et mense in Carcassona, ut concitaretur po­
p u lu s contra inquisitorem, ipse fr. Bernardus incitavit vicedominum,
u t haberet consules, qui fecerant et tractaverant pacem et concordiam
inter inquisitorem fr. Nicolaiim de Abbati svilla et villam Carcassonae,
et quod haberet instrumentum inde confectum super pace praedicta;
quod cum vicedominus fecisset et instrumentum habuisset et vellet
ipsum reddere consulibus, fr. Bernardus procuravit, quod vicedomi­
nus retineret, ut posset populo publicari.
20» Item eodem anno, in mense a u g u s t i , dominica decima post
octavas Trinitatis i 1 ), cum in sabbato praecedenti cum tuba praeconis
fuisset proclamatum hoc modo: « E x parte D ei et Domini nostri lesu
C hristi significat fr. B e r n a r d u s D e l i t i o s i universitati burgi
Carcassonae et mandat, quod crastina die dominica de quolibet hospitio

(*) En mettant doni. X post Trinit. = X post Pentec., ce dimanche fut,


en 1303, le 11 août. A la p. ‘215 nous l’avons néanmoins identifié avec le 4 août,
IX e dimanche après la Pentecôte, où cet évangile, Luc. 19, 41-7, se lisait alors
plus communément. Cf. Beissel, St., Entstehung der Perikopen des roenxisehen
Messbuches, Freiburg i. Br. 1907, 207.

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478 DISCUSSIONES.

sint duae personae vel una in d o m o vel in c l a u s t r o f r a t r u m


M in o r u m ad honorem D ei et utilitatem villae Carcassonae et to ­
tius linguae de Oc et exaltatione fidei et Ecclesiae sanctae D ei » ; tu n c
congregato populo, p r a e d i c a v i t fr. B em ardus, assumens them a:
« Videns lesus civitatem flevit super illam, dicens, si cognovisses... >.
E t tunc incepit flere magnis singultibus et suspiriis; et post fletum
incepit prosequi sermonem, cuius t e n o r et venenosa verba et seditiosa
expositio i n f e r i u s in s e r u n t u r circa finem.
21. Item in d i c t o s e r m o n e dixit, quod villa Carcassonae e t
omnes de Albia erant in maiori opprobrio propter pacem, quam f e ­
cerant cum inquisitoribus, quam quaecumque civitas vel villa regn i
Franciae.
22. Item ibidem in d i c t o s e r m o n e legit et exposuit in vulgari
i n s t r u m e n t u m confectum d e p a c e et c o n c o r d i a praedicta inter
villam et inquisitores. E t multa quae non continebant veritatem, e x ­
posuit secundum suum intellectum contineri in dicto instrumento a d
concitandum populum, videlicet quod consules et consiliarii, qui tu n c
erant et tota universitas Carcassonae reddiderant se ut fautores here-
ticorum, quia participaverant cum septem excommunicatis et condem­
natis falso per inquisitores, quorum nomina sunt Guilh. G arrici,
Guilh. Bruneti, Baymundus Magistri, etc. — Item, quod ab illa,
fautoria et sententiis simpliciter petiverant se absolvi ab inquisitore,
et inquisitor eos absolverat. Item, quod abiuraverant omnem heresim,
multum exagerans verbum abiurationis, dicens quod post istud ver­
bum, si reinciderent, non restabit, nisi ignis.
Item, quod in dicto i n s t r u m e n t o continebatur, quod si aliq u is
assumeret causam alterius vel deffenderet contra cursum inquisitionis,
esset privatus omni publico officio et dignitate usque ad tertiam e t
quartam generationem; quarto dixit, quod non erat civitas in toto
regno Franciae talis conditionis et ad tot obligata sicut Carcassona.
Item dixit, quod multum mirabatur, quia inquisitores non ostende­
bant, an ea quae faciebant, fierent secundum veritatem, et si fuerant
decepti per episcopum Albiensem vel quemcumque alium, quod dicerent
et corrigerent ea quae male egerant. Item extendens manum suam
versus domum fratrum Praedicatorum dixit, quando aliquis loquitur
de talibus, ipsi dicunt, quod anteponerent breviaria et missalia et
cruces et turribula, et generaliter quod ante darent se diabolo, et quin
haberent finem intentum. Praedicta autem per eum praedicata et in
vulgari exposita secundum suum intellectum, non continentur in instru­
mento praedicto.
23. Item ex praedicta praedicatione et instrumenti publicatione
et expositione fuit populus adeo concitatus contra inquisitores et an­
tiquos consules et consiliarios, qui pacem cum inquisitore tractaverant,
quod ad destructionem domorum et spoliationem bonorum ipsorum
processit in eadem hebdomada; et plures domus fuerunt destructae
in Carcassona.
24. Item eodem anno fr. Bernardus in festo Assumptionis beatae
Mariae Virginis fecit convocari populum de Albia in d o m o f r a ­
tr u m M inorum; et postquam dixerat multa mala de facto inquisi­
tionis, dixit inter caetera, animando populum ad prosequendum contra
inquisitores et episcopum, quod illi de Carcassona perdiderunt factum
suum pro tribus nucibus, dicens: « Scitis vos, quid appello tres nuces?

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 479

— tres obolos; — et ideo aperiatis bursam cestram, si vultis expedire


negotia vestra ».
25. Item tunc d e A l b i a venit C a r c a s s o n a m ; et de Carcas-
sona scripsit g a r d i a n o d e R a p is t a g n o , quod ipse laborabat pro
expeditione illorum condemnatorum de Albia, et quod infra diem do­
minicam nunc sequentem expedirentur de carcere inquisitorum Car-
cassonae cuicumque placeret vel displiceret ; et ista postmodum pro­
bavit eventus, quia infra dominicam post octavas Assumptionis beatae
Mariae condemnati pro heresi, qui erant in muro Carcassonae, fue­
runt inde abstracti per vicedominum.
26. Item eodem anno circa festum Nativitatis beatae Mariae ibi­
dem in publica praedicatione dixit, quod aRqui loquebantur et repre­
hendebant ipsum de praedicatione, de qua superius facta est mentio,
a liq u i loquebantur (), et tunc* addidit iurando et comminando, dicens
quod [ s ij aliquantulum amplius pungeretur, ipse ita alte de illa ma­
teria praedicaret, quod totum regnum Franciae et etiam mundus
horreret; ex quo populus concitatus fu it contra episcopum et inqui­
sitores et contra Praedicatores; et imagines scriptas seu depictas in
jm rticu ecclesiae fratrum Praedicatorum deturpaverunt et destruxe­
ru n t, et fenestras vitreas ecclesiae confregerunt; et fratres de praedi­
cationibus suis redeuntes invaserunt et plura gravamina intulerunt.
27. Item eodem anno, cum reprehenderetur a rev. patribus d. epi­
scopo Biterrensi, nunc Tusculanensi, et abbatibus 8. P a u li et Fontis
F rig id i, ut desisteret a concitationibus faciendis contra inquisitores,
d id it: « Mirabile est de vobis, domini, quia vos curatis de tribus te­
g u lis, quae fractae sunt, et non curatis de personis seu hominibus
Carcassonae, qui per dictum instrumentum destructi sunt ». Nec prop­
ter hoc destitit contra inquisitores et inquisitionem populos concitare.
28. Item fecit multas congregationes in A l b i a et in C a r c a s ­
s o n a, et procuravit, quod homines de Carcassona, qui prius habebant
pacem et tranquillitatem cum inquisitoribus, insurgerent contra ipsos,
et quod confoederarentur cum Albiensibus; quod et factum fuit, nam
contra inquisitionis officium simul conspiraverunt et con foederati
fuerunt.
29. Item eodem anno in adventu Dom ini fecit convocari popu­
lum cum voce praeconis in villa C a s t r e n s i in cimeterio monacho­
rum, et convocato populo post prandium, praecedentibus tubis, praedi­
cavit ; et ibidem conquerendo de inquisitoribus et diffamando processus
eorum, et concitando populum contra eos dixit, quod ipse erat accu­
satus, quia sustinebat homines contra officium inquisitionis, et quod
sibi imponebatur, quod ipse esset A n t i c h r i s t u s ; d ixit etiam ibi­
dem, quod ipse fuerat locutus cum d. rege Franciae Philippo in se­
creto de facto inquisitionis ; cum tamen inquisitores publice coram
consilio regis diffamasset, ubi per d. archiepiscopum Narbonensem
reprehensus fuit.
30. Item d ixit ibidem publice, quod quando vicedominus extraxit
condemnatos pro crimine heres is de muro inquisitorum Carcassonae,
nu lius fecisset tunc, si duxisset eos Parisius ante faciem regis, ut ibi
de factis suis cognosceretur et indicaretur.

(*) R épétition inutile.

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480 DISCUSSIONES.

31. Item cum fr. Gaufridus inquisitor fecisset denunc lar i excom­
mun icatum vicedominum, fr. Bernardus d ix it ibidem in sermone,
quod inquisitor non potuerat excommunicare vel excommunicatum
denuntiare vicedominum, nec propter Hia quae fecerat contra in q u i­
sitores poterat excommunicari.
32. Item asseruit ibidem publice, quod praedicta sententia in q u i­
sitorum contra vicedominum erat falsa et nihil valebat, et denuntiatio
nulla erat; et quod totum, quidquid factum fuerat in inquisitione a
X X annis citra, erat falsum.
33. Item d ixit ibidem, quod ipse laboraverat et adhuc laboraret
usque ad mortem, quod negotium istud, videlicet contra officium in ­
quisitionis, veniret ad lucem; et ita deberent ipsi facere et ante ex-
ponere uxores, filios et filias, si aliud non haberen t ; et addidit, quod
ipse fuerat et erat et esset servus et p u gil eorum.
34. Item eodem anno et eodem tempore paulo post praedicavit
similia apud A l b i a m populo ad hoc ad eius instantiam convocato.
35. Item eodem anno apud T o lo s a m , praesente d. rege cum
consiliariis suis et nobilibus et praelatis, dixit, quod ipse multis annis
laboraverat, ut negotium et facta inquisitionis venirent in lucem, nec
poterat, et tamen tantum clamaverat, quod raucae factae fuerant eius
fauces.
36. Item d ixit ibidem, quod ipse certus erat, quod a X L annis
citra, non fuerat heretiens vel hereticalis inventus in terra illa, vi-
delicit Carcasson ensi, Albiensi et Tolosana; et quamvis ibidem fuerit
reprehensus de Udi dicto per d. archiepiscopum Narbonensem et epi­
scopum Biterrensem, nunc Tusculanensem, qui praesentes erant et
contrarium asserebant, tamen ipse fr. Bernardus obstinatus permansit
in assertione praedicta.
37. Item d ixit ibidem, quod si S. Petrus et S. P aulus essent co­
ram inquisitoribus, quantumcumque fuerint et sint boni Christiani,
inquisitores eos ita male tractarent, quod facerent eos heresim con­
fiteri; et cum de hoc reprehenderetur per d. episcopum Altissiodoren-
sem dicentem hoc, quod apostolus dixit de se Q : « Certus sum, quia
nec mors neque vita poterunt me separare a charitate Christi »,
fr. Bernardus nolens se committere ad disceptationem, in sua assertione
obstinatus permansit.
38. Item eodem anno dominica in Passione Domini praedicavit
in A l b i a populo ad hoc specialiter convocato, dicens eis, quod nullo
modo crederent a quocumque diceretur, vel qualitercumque persuade­
retur eisdem, quod vicedominus esset excommunicatus, quia inquisitor
non potuerat eum excommunicare, quamvis inquisitor in illis diebus
faceret denunclari publice excommunicatum vicedominum.
39. Item cum vicedominus iret ad romanam curiam fr . Bem ar-
dus dixit in praedicatione ibidem, quod non ibat ad curiam roma­
nam propter excommunicationem praedictam, sed ut prosequeretur
negotium ipsorum, videlicet hominum de Albia contra inquisitores,
quod erat in optimo puncto, sicut ipsi cito sentirent, quia non re­
stabant nisi sex leucae, et subdidit quomodo remanebat infra sex
leucas.

(*) R o m . 8, 38.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 481

40. Item d ix lt ibidem : « Notum sit vobis, quod sententiae datae


per episcopum et inquisitores contra bonos homines vestros de Albia
condemnatos (quorum nomina s c r i p t a s u n t s u p r a ) , sunt omnino
falsae et iniquae »; et addidit, quod ipse fr. Bernardus et su i prose­
querentur usque ad mortem et iuvarent eos, persuadendo eis, quod
ipsi similiter facerent e converso, exhortando eos, quod non dividerent
se, sed essent unanimes in hoc facto, quia pro uno denario, quem
expenderent, recuperarent centum.
41. Item sub an. D . 1304 praedicavit in C a r c a s s o n a duabus
vicibus in domo f r a t r u m , M in o r u m irritando et concitando popu­
lum contra inquisitores; in primo siquidem sermone dominica in Ra­
mis Palmarum dixit populo, quod essent unanimes et concordes, quia
ta li modo pravitatem et malitiam inquisitorum et fratrum Praedica­
torum poterant superare.
42. Item dixit ibidem populo, quod non nocerent fratribus Praedi­
catoribus quousque viderent, si vicedominus, qui iverat Romam, posset
iustitiam invenire; et addidit, quod non credebat eam invenire cum
papa, qui tunc erat dominus B e n e d i c t u s , quia erat de ordine
Praedicatorum, (et> propter hoc in malitia sustinebat eos.
43. Item dixit ibidem: « S i papa sustinuerit Praedicatores (quia
fu it de ordine ipsorum), appelletis, sicut fecit rex Franciae contra
B o n i f a c i u m papam, et ex tunc sciatis, quid sit futurum de Prae­
dicatoribus ».
44. Item ibidem exhortatus est populum, quod propter hoc non
timerent mortem, quia fr. Bernardus volebat esse primus martyr.
45. Item in secundo sermone post Pasca in domo f r a t r u m M i­
n o r u m similia verba replicavit, et addidit increpando seu repre­
hendendo d. regem Franciae et consiliarios suos, quia non apposue­
rant consilium, quia plus debebant diligere populos civitatum et
locorum sibi subtectorum quam Praedicatores. Addidit etiam dicens:
< E x quo ita est, habeatis Deum in regem seu pro rege, quia pluribus
annis vixistis sine domino rege Franciae, quam cum eius dominio ».
46. Item post Pasca ipse discurrit cum Helia Patritii per plures
villas dioecesis Carcassonensis ad faciendum colligationes et confoe­
derationes contra officium inquisitionis.
47. Item eodem anno 1304, in festo Inventionis S. Crucis prae­
dicavit Tolosae in ecclesia S. Saturnini; et loquens de Praedicatoribus
et inquisitoribus et praelatis et cardinalibus dixit, quod ipsi in suis
factis nullam regulam tenebant nec operabantur, sed secundum maio­
rem numerum ; et addidit, quod multa cogitaverat dicere populo de
factis inquisitionis, sed missi erant exploratores, ut eum caperent in
sermone (f y verumtamen si negotium non iret sicut inchoatum erat,
ipse revelaret veritatem, quidquid deberet evenire.
48. Item dominica secunda post octavas Trinitatis praedicavit
in C a r c a s s o n a ; et ibidem inter cetera dixit, quod ipse debebat
capi et duci captus ad curiam romanam, quia ipsos defendebat contra
officium seu negotium inquisitionis ; addens, quod paratus erat mori
pro deffensione eorum, et rogans quod orarent Deum pro anima eius,
quia statim cum exiret Carcassona, debebat capi ; et sic populu m con-

(«) Cf. M atth. 22, 13.

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482 DISCUSSIONES.

citavit, quod mandatum summi pontificis de ipso capiendo et ducendo


ad curiam romanam non potuit adimpleri.
49. Item eodem anno, circa octavas apostolorum Petri et P a u li,
fr. l o a n n e s R i g a l d i , tunc v i c a r l u s m i n i s t r i p r o v i n c i a l i s
A q u i t a n i a e fratrum Minorum, nunc vero episcopus Trecorensis de
mandato summi pontificis d. Benedicti papae X I fr. Bernardum m anu
de facto cepit, et virtute sanctae obedientiae et sub pena excommuni­
cationis quam in eum tulit, mandavit quod sequeretur eum, ut eumdem
ad curiam romanam captum mitteret iuxta mandatum apostolicum
sibi factum ; quae omnia fr. Bernardus contempsit, et in villa Car-
cassonae cum impugnator ibus officii inquisitionis remansit contumax,
inobediens et excommunicatus.
50. Item audita morte summi pontificis d. Benedicti eodem anno,
contumax et excommunicatus discurrit per villas aliquas in C a r ­
c a s s e s i o et A l b i g e s i o , mortem ipsam cum derisionibus publice
praedicando, ut magis populum contra negotium inquisitionis conci­
taret, dicens quod episcopus Albiensis et inquisitor Tolosanus, q u i
tunc erant in curia romana, et dominus Sicardus de Vauro cum eis
mortui erant, horum mortem divino miraculo imputando, quod terram
illam, dans intelligere Albiae, Albiensibus et Carcassonensibus, de su is
adversariis vindicavit.
51. Item eodem anno, in festo Pentecostes praedicavit A l b i a e in
domo M in o r u m , et in fine sermonis ad popxdum concitandum contra
episcopum Albiensem et inquisitores subiunxit ea, quae sequuntur :
« Bonae gentes, aliqui filii iniquitatis vobis asseruerunt, quod ego f u ­
geram in Cataloniam cum pecuniis et palafredis vestris, et quod ne­
gotia contra episcopum Albiensem et inquisitores incepta dimiseram
totaliter, et quod eram suspensus per gulam cum chorda, quam defero;
sed apparet quod mentiti sunt, quia adhuc sum hic, et chordam habeo
(piam portabam ». Item dixit: « Non dicat aliquis, quod negotium in ­
choatum dimiserim incompletum, nam scitote, quod mea est et fu it
Semper intentio dictum negotium prosequi, quia credo firmiter in eo
per episcopum et inquisitores falso modo fuisse processum, et homines,
qui dicebantur in Carcassona fuisse per eos indebite condemnatos ».
Item dixit ; « S i ego expendam de pecunia vestra, non videtur esse
mirum, quia omnia, quae habebam sive sint libri sive alia, iam e x ­
pendi pro dicto negotio prosequendo et factus sum nihil habens; sed
hoc nihil appretior, quia paratus sum corpus meum exponere et ne­
gotium proponere coram papa, quod iam fecissem, si fuissem per a li­
quem requisitus ». Item d ix it: « Dico vobis, quod vestrum negotium
contra episcopum et inquisitores nunquam fu it in tam bono statu,
ita quod pervenietis ad finem optimum et in brevi, dum tamen vos
ad invicem remaneatis et non faciatis divisionem per vos, sed bona
vestra etiam filios pro dicto negotio exponatis ». Item d ix it: « E x quo
videtis, quod estis prope finem negotii, debetis mercaturas et alia opera
vestra dimittere et clamare quotidie incessanter ». Item d ix it: * S i
nunquam aliud fieret per me in dicta causa, quam factum sit, debetis
esse mihi obnoxii, vos et bona vestra et filios vestros obligando ». E x
praedictis verbis fu it populus contra episcopum et inquisitores con­
citatus et animatus.
52. Item eodem anno, in festo S. Franci sci praedicavit in domo
fratrum M in o r u m de A l b i a populo ad hoc specialiter convocato ;

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 483

et in fine sermonis d ixit ea, quae sequuntur: « Bonae gentes, d ix i


vobis alias et modo dico, quod si aliquis vellet vos facere hereticos
et non sitis heretici, quod adversus illum insurgeretis defendendo vos
viriliter toto posse, et quod ad hoc unanimes sitis et unius voluntatis ».
Item d ix it: « Ego, sicut scitis, pro vobis et pro honore et commodo
civitatis Albiae plurim um laboravi, et pro vobis locutus sum coram
rege Franciae et aliis, in tantum quod per D ei gratiam non timemus
hominem, qui stare debeat coram nobis; et ideo si vos traxissem per
totam villam istam, non deberetis me minus diligere, imo omni tem­
pore me diligere, totum ordinem meum habere semper in reverentia
et honore». Item d ix it: * Vos scitis, quod ego semper me obtuli ire
Romam et ubique et mori pro isto negotio, modo autem ita est, quod
ego f u i accusatus coram papa B e n e d i c t o , qui mortuus est; et in
scriptis est redactum et sub bulla papali, quod ego sum hereticus et
fautor heresis seu hereticorum, procurante episcopo Albiensi >. E t hoc
idem d ix it esse factum de vicario 'Albiae et de indice et de magistro
Arnaldo Garsie, et de omnibus melioribus civitatis Albiae. Item
dixit: « Rogo vos et exhortor, quod si vultis esse boni Christiani et
pro talibus reputari, deffendatis vos et contribuatis largiter ad nego­
tium prosequendum; si quis vero sentiat se hereticum, talis retrahat
se contribuere ad praedicta ». Item d ixit (’ ): « Nimis constat nobis et
nimias expensas facimus, et confundimur, et n ihil facimus, et nimis
durat causa ista ; et ego dico vobis, quod modicum constat vobis,
considerata tam ardui negotii gravitate; et dico vobis, quod multum
facimus, quia ista infam ia vestra dilatata erat ad diversas partes
mundi, ita quod nullus extra dioecesim vadens audebat se fateri esse
de Albigesio; et ideo erat necessarium, quod veritas proditionis tantae
episcopi et inquisitorum ad diversas partes sciretur ; nunc autem istam
proditionem scit rex Franciae et sciverunt omnes curiales regis. E t
ideo non dicatis: « N ih il facim us», imo multum facimus ; mora au­
tem viriliter contrahitur sic agendo, quia modo negotium est delatum
ad curiam romanam et ibi veritas cognoscetur, et iam brevis est finis,
si vultis bene agere ».
Item dixit, alliciendo populum ad contribuendum in expensis:
* Considerate, quod ille vir inclitus vicedominus viriliter pugnat pro
vobis relinquens patriam suam et prolem suam in exilio constitutus ;
et vos dormitis horas matutinales, et tres vel quatuor solidos pro libra
libenter recipitis; sed grave videtur esse vobis mittere auxilium illi
viro inclito, qu i pro causa vestra vigilat, factus exui a patria sua ».
Item d ix it: « Certe nihil debet esse vobis carum expendere pro ista
causa; imo s i non sufficiant mobilia, non plangatis vendere vineas,
domos et hortos, et sciatis quod plu s valeret quarta pars eorum quae
possidetis, terminato negotio, quam valeat modo totum quod possidetis.
Quare? Quia modo non est vestrum illud quod habetis, sed adversarii
vestri (dans intelligere: episcopus et inquisitores) obtinere illud inten­
dunt. Melius est ergo quartam partem solvere et aliud expendere in
honore, quam totum amittere in despectum et opprobrium sempiter­
num. Mittatis ergo, et nem tardetis, illi nobili vicedomino et similiter
iuvetis me; verumtamen ego defendam me valde lene, quia ego of-

(’) Ajoutez: dicitis.

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484 DISCUSSIONES.

feram me paratum ad intrandum ignem ». Item ibidem osten d it


q u e m d a m c a t e r n u m , in quo asseruit contineri omnia, quae a cta
fuerunt de ipso et contra ipsum et contra personas superius n o m i­
natas; tamen non fuerunt tunc lecta, sed de collectis et contributio­
nibus pecuniarum faciendis. M ulti qui erant praesentes propter h oc
concitati et plus solito animati, contra episcopum et inquisitores postea
tractaverunt,
53. Item audita morte vicêdomini Ambianensis, fu it celebrata
missa in domo f r a t r u m M in o r u m A l b i a e , populo Albiensi con­
vocato: et fr. Bernardus Delitiosi praedicavit ibidem; et ad con ci­
tandum populum dixit, quod vicedominus primo proposuerat coram
d. rege Franciae oppressiones et iniustitias, quas sustinebant cives
Albiae, dans intelligere per episcopum et inquisitores ; sed quia d. r e x
noluerat eum audire, ideo conquestus fuerat d. papae; et quia dom i­
nus papa noluit eum audire, modo conqueritur Deo () pro* nobis.
54. Item praefatis communicationibus non contentus, ut terram
amplius commoveret in proditione tractata per homines burgi C a r-
c a s s o n a e et quosdam alios complices contra d. regem Franciae
Philippum , ut vocarent super se in regem et dominum, filium regis
M a io r i c a r u m F e r r a n d u m sub an. D. 1305, pro eo videlicet
quia rex Franciae fovebat officia inquisitionis et non persequebatur
inquisitores sicut ipsi volebant, fr, Bernardus Delitiosi fu it consilia­
rius, factor et promotor et quod in ipso fu it fin aliter exsecutor, n is i
volente Deo, d. rex Maioricarum pater dicti Ferrandi, ad cuius no­
titiam pervenit tractatus dictae proditionis, prudentius obviasset, super
quo habetur, ut dicitur, inquesta facta per senescallum Carcassonen­
sem dominum loannem de Alneto, in qua et plures testes concordes
deponere dicuntur contra fr. Bernardum, quod ipse in domo f r a ­
t r u m M in o r u m in camera, in qua morabatur, dictavit et fecit
literam proditionis praedictae ; et ipsemet, ut dicitur, dicto Ferrando
praesentavit,
55. Item fuerunt facti quidam r o t u l i ex parte et nomine qua­
rumdam personarum condemnatarum pro crimine heresis quae deti­
nebantur in carceribus regis in civitate Carcassonae, postquam vice­
dominus extraxit eas de carceribus inquisitorum ; et in illis rotulis
erant scripta nomina multarum personarum tam viventium quam
defunctarum de diversis villis et castris dioecesium Carcassonae et
Albien sis et Tolosanensis, quae dicebantur esse nominatae et accusatae
de facto heresis coram inquisitoribus per illos, quorum nomine rotuli
mittebantur. E t dicti rotuli fuerunt praesentati multis personis nobi­
libus et ignobilibus, ecclesiasticis et saecularibus sigillatim et ad
partem cuiuslibet ad concitandum eos contra officium inquisitionis et
episcopum Albiensem et inquisitores, ut assumerent contra eos et in­
surgerent cum aliis insurgentibus ; ex quibus facta est magna conci­
tatio in tota patria. Dictus autem fr. Bernardus D e l i c i o s i pro­
curavit dictos rotulos ostendendo multis personis et in multis villis
per quosdam alios suos complices, quorum unus fu it fr. B e r n a r d u s
de L in o a c h o de o r d i n e M i n o r u m , qui portavit unum apud

(*) MS. : de eo.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 485

Tolosam et quibusdam burgensibus revelavit, quorum unus fuit Bay-


mundus Ysalgerii, per quem fu it negotium patefactum ad concitandum
cives Tolosanus; et g a r d i a n u s f r a t r u m M in o r u m d e L a u -
t r i c o , qui tunc erat, legit seu fecit legi in missa conventuali alium
rotulum populo congregato in domo fratrum Minorum in iMUtrico.
56. Item fr. Bernard us D e l i t i o s i multis personis suggessit de
praedictis rotulis, ut caverent et providerent sibi, ad concitandum
corda ipsorum sub specie bona.
57. Item in multis locis dictos rotulos nominavit, dicens grande
periculum esse personis nominatis in eis, nisi se deffenderent contra
episcopum et inquisitores; et talia d ixit aliquando publice, aliquando
privatim in diversis locis ac villis.
58. Item propter turbationem et impedimenta, quae fr. Bernar-
d u s D é l i t i os i procuravit et pertractavit fieri contra officium inqui­
sitionis et inquisitores hereticae pravitatis, concitando villas et populos
contra eos, et incitando vicedominum Ambianensem confecturum (’ ),
quod diversi heretici perfecti convenerint de remotis partibus. E t ve­
nerunt ad partes C a r c a s s o n e n s e s et S a v a r t e s i i et R o d d e s i i
et A l b i e n s e s et T o lo s a n e n s e s , et infecerunt multos de heresi,
sicut per legitimam inquisitionem postmodum est inventum; et multi
heretici capti f u e r u n t et c o m b u s t i et credentes ipsorum ab anno
D . 1300 citra usque ad an. D. 1314.
59. Item de praedictis contentis in articulis est publica vox et
fam a in civitate Carcassonensi, Albiensi, Tolosana, Appamiensi et
dioecesibus earumdem et in locis circumvicinis.
60. Item de praedictis aut saltem de aliquibus est notorium vel
quasi notorium in partibus antedictis ().*
X

Voici la teneur de TAppendice : Le 4 août 1303 (’ ), après avoir dit


le texte de la péricope du 9 dimanche après la Pentecôte, Bernard
éclata en sanglots et en gémissements, en s ’essuyant les yeux avec
les manches de sa tunique. Il gémit ainsi pendant l ’espace de temps
que dure un < Miserere >. Ensuite, il dit que Jésus Christ lui avait
suggéré, il y a longtemps de défendre la bonne renommée et la foi
des citoyens que les deux Dominicains Foulques de Saint-Georges et
Nicolas d’Abbeville avaient attaquée. Il aurait découvert un traité
de paix où quelques traîtres avouèrent au nom de la ville avoir été
hérétiques et avoir été absouts par le saint-office. Ainsi, les représen­
tants du peuple et les inquisiteurs privèrent les habitants du droit de
s ’opposer efficacement à l’activité inquisitoriale, en abandonnant la ville
à la merci des inquisiteurs. Selon Bernard, il fallait, pour remédier
au mal, suivre l’exemple des béliers d’antan. C ’étaient de beaux bé-

(’) P eut-être: concennurum... convenirent.


(’) Fonds latin N° 4270, f. 14r-28r.
(*) Voir plus haut, p. 477.

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486 DISCUSSIONES.

liera gras qui paissaient sur un pré vert, abreuvé par plusieurs cour^
d’eau. Mais, de jour en jour, deux bouchers, profitant de la belle
occasion, venaient emmener quelques béliers. Enfin, après en avoir
délibéré, les béliers décidèrent de chasser les trouble-fête, en se ser­
vant de leurs cornes, ce qui réussit parfaitement. Selon Bernard, ces
béliers sont les citoyens de Carcassonne. Le beau pré: c’est leur ville,
la verdure: leur foi catholique, les cours d’eau: leur prospérité. E t
les bouchers sont les inquisiteurs poursuivant les riches citoyens afin
de profiter de leurs biens. Castel Fabri étant bien un « bélier gras »,
les Dominicains l’inculpèrent d’hérésie. La même raison motiva leurs
poursuites contre Guillaume Garric, Guillaume Brunet et les autres
qui languissent dans le donjon et dont les biens sont perdus. Il n’y
a pas de vrai pasteur. Aussi, ni l’évêque ni le roi, ne défendent-ils
le peuple contre leurs empiétements.

Le I I e groupe d’articles utilisant des sources bien différentes de


celles du premier groupe, ne nous est p a s parvenu i n t é g r a l e m e n t .
Nous pouvons tirer cette conclusion des indications que renferme l’ar­
ticle 11, 12 et 40. Le texte, des pièces mentionnées, ne se trouve ni
au commencement ni à la fin de ces griefs. Probablement, ces articles
lurent composés encore avant la mort de Bernard de Castanet, car ce
dernier n’y est pas mentionné comme décédé.
La comparaison de ces articles avec l’« Historia conventus Car-
cassonensis *, avec 1’ « Historia conventus Albiensis » et avec la 45e for­
mule de la I I I e partie de la « Practica inquisitionis » de Fr. B e r ­
n a r d G u i (x) et traitant le même sujet, offre plusieurs r e s s e m b l a n ­
ces remarquables. De même que ces écrits, les articles ne sont pas,
non plus, suffisamment renseignés au sujet de la trahison (*). Il n’est
pas impossible qu’ils aient été rédigés par l’inquisition de C a r c a s ­
so n n e et qu’on y ait utilisé les ouvrages de Gui ou,, même, ses té­
moignages personnels. Mais il est préférable de voir dans ces articles
sinon le travail personnel de cet inquisiteur, ou au moins un ouvrage
rédigé à Toulouse sous le contrôle immédiat de G ui. L ’exposé suivant
fourni par Fr. B e r n a r d D é lic ie u x lui-même et rapporté par le
protocole de son interrogatoire du 10 octobre 1319, nous paraît bien
confirmer cette supposition. Interrogé par les juges au sujet du grief
inséré dans le I I I e article du I I e groupe, il parla d’abord du faux
traité de paix et des autres abus confirmés par les dépositions de

(! ) Ed. Douais, 160-6.


(2) Ilist. conv. Albien. Recueil, XXI, 749 E. — Article 54; v. p. 484.

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FR. BERNARD DÉLICIEUX. 487

quelques Dominicains honnêtes. Bernard affirma ensuite avoir vu une


nouvelle preuve du bien-fondé des plaintes contre les inquisiteurs
dans le fait que Nicolas de Prato, se soit opposé à ce qu’on discutât
la question au sujet des abus des inquisiteurs. Etant amené en effet,
pendant sa détention à la cour d’Avignon, devant les cardinaux Ni­
colas de Prato, Jacques Caetani et Guillaume Teste qui com m encè­
r e n t à lui lire les ^capitula» dirigés contre lui par l’i n q u i s i t e u r
de T o u lo u s e (c’est-à-dire B e r n a r d G ui), et ayant alors énuméré
les nombreux témoins et leurs griefs contre les inquisiteurs, Délicieux,
intérrogé par un des cardinaux, pourquoi il invoquait ces faits, entendit
Nicolas de Prato lui couper la parole : « Je le comprends bien >, dit
cet ami des Dominicains qui ne désirait pas qu’on s’arrêtât à ces
questions d’abus, « ce qu’il veut dire c’est que, si ces faits avaient
vraiment eu lieu, les inquisiteurs devraient être regardés comme les
coupables »(’).
En effet, le c o m m e n c e m e n t des articles du I I e groupe offrant
à Fr. Bernard une très bonne occasion de discuter au sujet des ini­
quités inquisitoriales, nous supposons que les cardinaux lui exposè­
rent nos soixante articles. La différence de style entre ces derniers
et les récits pleins de vivacité traitant le même sujet dans 1’ «Historia
fundationum conventuum » peut être expliquée par le fait qu’une
chronique est plus apte à donner un tableau plus frappant. Le style
de la 45e formule de la < Practica > ressemble, par contre, parfaite­
ment à celui des 60 articles qui peuvent bien représenter la quintes­
sence de tout ce que le fameux inquisiteur à écrit sur ce sujet. Nos
griefs sont toujours appelés « articuli », tandis que Délicieux parle
des « capitula > de Gui. Cette différence n’est qu’apparente car les
deux expressions sont équivalentes.
Le fait que les événements rapportés dans les articles touchaient
de très près B e r n a r d G ui, paraissent confirmer nos suppositions
concernant l’a u te u r . Bernard Gui était prieur à Carcassonne, à
Castres et à Limoux pendant le temps des troubles suscités par Dé­
licieux. Il prit aussi part au traité de paix tant attaqué par le même
agitateur. Il était ensuite, parmi les examinateurs de la cause de Jean
de Récoles, si maltraité par les partisans de Bernard Délicieux. Le
rouleau des 60 articles, accompagnés des réponses de Bernard, fut,
selon le récit du notaire Guillaume de Rosières, qui rédigea tous les
actes du procès, scellé par quatre notaires d’Avignon (2). Ceci ne con­
tredit nullement notre supposition concernant l’auteur. Les notaires

(») F. 129v. (’) F. 14r.

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488 DISCUSSIONES.

dressant les actes de l’interrogatoire et insérant, en même temps les


griefs, devaient donc sceller tout l’instrument. Aussi n’est-il pas éton­
nant qu’ils omirent alors tel ou tel passage n’intéressant pas les in­
structeurs du procès.
Abstraction faite des articles portés à la charge de Délicieux et
« tangentes vitam dissolutam et incontinentiam », nous ne savons rien
de plus sur les charges. L ’existence d’articles touchant la « vie dis­
solue » n’est mentionnée qu’une seule fois (*). Leur véracité parait,
à coup sûr, être encore plus douteuse que celle des griefs au sujet de
l’empoisonnement.

(A suivre).
Dr. Phil. MICHEL DE D MITREWSKI.

(’) F. 2< 8r.

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