Vous êtes sur la page 1sur 7

ART ET DÉMOCRATIE SONT-ILS ANTINOMIQUES ?

Joëlle Zask

Observatoire des politiques culturelles | « L'Observatoire »

2012/2 N° 41 | pages 51 à 56
ISSN 1165-2675
DOI 10.3917/lobs.041.0051
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-l-observatoire-2012-2-page-51.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)

© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)
Distribution électronique Cairn.info pour Observatoire des politiques culturelles.
© Observatoire des politiques culturelles. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)

l’Observatoire - No 41, hiver 2012 - dossier | page 51


SONT-ILS ANTINOMIQUES ?
ART ET DÉMOCRATIE
QUESTION 9
© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)
ART ET DÉMOCRATIE SONT-ILS
ANTINOMIQUES ?
Joëlle Zask

Si la démocratie nous semble, avec Platon, « le règne de la médiocrité », si nous y


voyons, avec Montesquieu, la domination de la plèbe inculte, si nous l’associons, avec
Tocqueville, au conformisme issu de « la passion de l’égalité » ou encore si nous l’iden-
tifions au pouvoir de l’opinion publique – qui n’aurait alors de public que le nom, l’art
n’a rien à y faire.

O n sait que certains partisans de


la « démocratie », quelle qu’ait
été la conception associée à ce terme,
gouvernement, quels que soient ceux qui
l’exercent, princes ou populace, sont évités
par un ensemble de lois dites constitution-
pensent que, face à un tableau, il faut
être seul et indépendant du jugement
des autres. Ils pensent aussi qu’en raison
se méfiaient de l’art et des artistes, ou nelles qui fixe des limites précises entre le d’une combinaison entre, d’un côté, le
cherchaient à les enrôler à leur service. domaine privé et le domaine public. Ce conformisme du goût relativement à une
Hitler, adepte d’une démocratie populaire, sont elles qui empêchent le gouvernement sorte de moyenne statistique et, de l’autre,
prétendait non seulement contrôler la d’intervenir dans l’expression de l’opinion, les grands nombres, se développe inévita-
création artistique mais aussi la domi- l’association, la croyance religieuse, la blement une attitude spectatrice, passive
ner. Il se voyait en sculpteur de la masse publication et aussi l’art. et consensuelle à l’égard des œuvres d’art.
© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)

© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)
des hommes dont le gouvernement lui Que les masses s’en emparent ou que
incombait. Comme le système provenant de la combi- des artistes vénaux et peu scrupuleux en
naison de ces deux principes (participation viennent à répondre aux attentes incons-
LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE, d’un côté, gouvernement limité de l’autre) ciences de ces dernières, il découle de tout
est mixte, il est habituel de lui donner un cela que l’art s’engage, affirment-ils alors,
DEUX PRINCIPES DE nom composé : « République démocra- dans une pure relation de consommation
GOUVERNEMENT tique », « République constitutionnelle » qui lui est en fait contraire. Il s’y perd ou
ou encore « démocratie libérale ». Ce s’y dissout.
On le voit en filigrane, la démocratie est régime est le nôtre. C’est à celui-ci que
une notion qui s’est trouvée historiquement nous pensons quand nous parlons de De l’autre côté, la méfiance à l’égard,
en compagnie de nombreux régimes pour- liberté, d’égalité, de dignité humaine ou non plus des citoyens, mais des gouver-
tant antagonistes. À l’état pur, elle signifie de droits inaliénables, en même temps nants, n’est pas moindre. On les imagine
que « le peuple prend part au gouverne- que de justice, de redistribution, de santé souvent sans frein, incompétents et arbi-
ment » (l’expression est de Tocqueville), ou d’éducation. traires, acquis à un service qui n’a de
que les hommes ne sont pas sujets mais public que le nom. La politique culturelle
citoyens. Or ce « principe populaire » ou La plupart des gens qui se méfient de la dont le but serait de mettre des produits
participatif de la démocratie que nous démocratie et la trouvent contraire aux culturels à la portée du peuple (lequel,
connaissons bien ne se suffit pas à lui- besoins de l’art et des artistes le font parce rappelons-le, est dans cette optique
même. Comme Platon le craignait déjà qu’ils perdent de vue ce caractère mixte formée d’individus ordinaires inaptes
en raison de l’irrationalité et de la crainte de nos démocraties modernes. D’un côté, au vrai jugement esthétique) consiste-
qu’inspire le peuple, il est inévitable que la ils s’effraient d’un art rendu accessible au rait en réalité à faire le jeu du marché,
démocratie directe glisse vers la tyrannie, peuple, de la médiocrité qui en découle- à promouvoir tel artiste parce qu’il est
ou pire. rait, du conformisme qui en proviendrait. national, à faire communier les élites sur
Ils pensent que le pire tribunal de l’art des symboles dans lesquels elles contem-
Heureusement, ce principe n’est pas est celui de l’opinion commune et du pleraient, satisfaites d’elles-mêmes, leur
isolé. Historiquement, il s’est trouvé lié goût moyen, versatile, ignare, grossier. Ils propre identité, bref à faire triompher des
à un autre principe, celui du « gouverne- s’effraient aussi du gigantisme des hordes intérêts qui ne sont ni démocratiques, ni
ment limité ». Dans ce cas, les abus du candidates à la démocratie culturelle. Ils artistiques, ni esthétiques.

page 52 | l’Observatoire - No 41, hiver 2012 - dossier


“La plupart des gens qui se méfient de la
démocratie et la trouvent contraire aux
besoins de l’art et des artistes le font parce
qu’ils perdent de vue ce caractère mixte de
nos démocraties modernes.”
Sans doute y a-t-il une part de vérité dans Que les arts, au même titre que les Les raisons d’une préférence incondi-
ces deux positions. Toutefois nous serions sciences et les croyances religieuses, tionnelle pour la démocratie que j’ai
d’autant mieux fondés à nous méfier du jouissent d’une protection publique en indiquées ont tenu jusqu’à présent à
peuple et des gouvernants qu’ils ne seraient tant qu’activité privée n’est donc pas l’exercice d’une « liberté négative »,
pas placés sous le contrôle les uns des accessoire. C’est même une condition c’est-à-dire de celle dont nous jouissons
autres. Or la mixité de régime exprimée de leur épanouissement. Leur protec- en cas de non-interférence de la part
par l’expression « démocratie libérale », tion n’est pas un simple principe ; elle des autorités. Cette liberté qui résulte
prémunit précisément d’un large éventail consiste en des réalités très concrètes. de l’absence de contrôle extérieur est
de dérives possibles. Disons d’emblée que La tolérance du pouvoir politique vis- intrinsèquement précieuse. Cependant,
plus il y a de « démocratie libérale », plus à-vis de l’art se traduit en effet par une le principe de la participation fait quant à
© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)

© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)
grandes sont les chances de l’art, entendu myriade d’événements dont l’ensemble lui découvrir un autre visage de la liberté.
aussi bien comme création que comme anime les sociétés démocratiques, voire Participer n’est pas jouir de l’absence de
appréciation. en forme le cœur, et dont l’occurrence contrôle mais agir, influer concrètement
nous semble naturelle : il est normal sur le cadre, les conditions, les formes
ART ET GARANTIES que les attaquants d’un cinéma où passe de sa propre existence ; avoir un mot
un film qu’ils réprouvent soient pour- à dire concernant la vie commune et
DE LIBERTÉS suivis par la loi, que les subventions et l’opportunité, en termes d’écoute, de
les expositions publiques ne soient pas lieu, de compétence linguistique, d’indi-
Quel est d’abord le point de vue consti- indexées sur des questions de contenu vidualité, de le dire effectivement, et de
tutionnel de nos démocraties modernes ? idéologique, que les artistes jouissent de manière à ce qu’il soit entendu. Il n’y a
Aujourd’hui, il est clair qu’il joue à plein. La droits professionnels équivalents à ceux donc de participation que dans la mesure
création artistique se porte mieux dans les des autres, etc. où notre environnement offre du jeu de
pays libres que sous la censure. Les artistes manière à recevoir notre intervention et,
de Chine, d’Iran, de Tunisie, de Mongolie, Ce qui est vrai de la production des conjointement, dans la mesure où notre
de Cuba, en savent quelque chose. Nous qui œuvres d’art s’applique aussi aux juge- intervention est reconnue comme telle
en accueillons un certain nombre percevons ments esthétiques : la protection dont par les autres.
clairement, ne serait-ce que par contraste, la jouit l’individu s’étend aux opinions
valeur extrême de nos libertés individuelles. qu’il forme, à ses activités d’associa- Or, cette double condition est celle de
L’attachement que nous avons pour elles est tion avec d’autres et à l’ensemble des l’art. Ce qui n’est qu’une option parmi
véritablement inconditionnel ; et les criti- mécanismes qui garantissent la liberté d’autres en politique devient ici une
quer en les disant par exemple séditieuses de communiquer comme la presse, les nécessité. En l’absence de cette condi-
ou expressives de valeurs bourgeoises, c’est expositions, les médias, les publications, tion, l’art ne peut pas plus exister qu’une
se montrer tout bonnement indécent. En les conférences publiques, et ainsi de démocratie autre qu’illusoire, tronquée
matière de création artistique, toute régu- suite. Le droit d’avoir un avis et de le et même parfois entièrement détruite,
lation étatique en termes d’interdit, de donner n’est pas plus accessoire que ne peut s’établir.
censure, de régulation, d’intervention, est celui de créer des œuvres. En art comme
vécue, parfois avec une certaine exagéra- ailleurs, la liberté d’opinion conditionne
tion, comme insupportable. sa formation.

l’Observatoire - No 41, hiver 2012 - dossier | page 53


“La formation
du jugement de
goût individuel est
conditionnée par
la formation d’une
communauté de
© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)

© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)
goût. Il représente
l’antichambre de la
démocratie parce qu’il
est indissolublement
personnel et commun.”
page 54 | l’Observatoire - No 41, hiver 2012 - dossier
ART ET PARTICIPATION

Cette dimension de la participation


est celle par laquelle l’art et la démo-
cratie au vrai sens du terme vont main
dans la main. Penser l’art est penser la
démocratie. Cette pensée n’a aucun
rapport, notons-le, avec celle des enga-
gements politiques, qu’ils soient syndi-
calistes, militants, partisans ou autre, des
artistes qui, de ce point de vue, ne sont
pas différents des autres citoyens. Non,
ce qui importe est la logique même de
la création artistique puis de sa recon-
naissance publique qu’ailleurs, dans Art
et démocratie (PUF, 2003), j’ai appelé
le « voyage public » des œuvres d’art.
C’est par l’examen de leur grammaire
respective que l’enjeu participatif des
démocraties libérales peut prendre du
relief et s’imposer.

En effet, du côté de la création d’une

La Demeure du Chaos, Saint-Romain-au-Mont-d'Or © Alice-Anne Jeandel


œuvre s’enclenche continûment une
réciprocité entre le développement de
la pratique, celui du sujet acteur de cette
© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)

© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)
pratique et celui de l’environnement plus
large où la pratique en question a lieu. Si
l’on peut dire de la relation entre l’œuvre
et son créateur qu’elle est emblématique
d’un mode de vie démocratique, c’est
en raison du fait qu’ils constituent une
sorte de petite communauté : l’individua-
lité de l’artiste grandit et s’approfondit
au fur et à mesure qu’il valide les effets
de son activité. Par exemple, quand ils
décrivent le processus de leur création, de
nombreux artistes utilisent la métaphore
de la spirale, expliquant que, progres- de l’artiste qui le fabrique. Il lui répond cratie comme mode de vie : en effet,
sivement, ils ont le sentiment que les au cours de son action. C’est en obser- dans l’idéal, « chacun compte pour un ».
cercles de leurs actions diminuent et les vant les modifications, volontaires ou Un individu privé du pouvoir d’exercer
rapprochent de la colonne centrale. Ce parfois involontaires, qu’il lui fait subir, un quelconque effet sur son environ-
qui forme le « centre » n’est pas donné, que l’artiste sélectionne la phase suivante nement, familial, social, professionnel,
mais découvert et même créé. Par suite, de son activité. Il est donc en dialogue politique, est simplement superflu. Il ne
un artiste ne réalise pas un plan tracé avec son objet par l’intermédiaire d’une fait tout bonnement pas partie de l’his-
d’avance, mais il n’est pas non plus pratique qui est fondamentalement une toire humaine. Dans sa facture de base,
dans l’errance. La direction qu’il prend, transaction : ce qu’est l’artiste en tant la démocratie signifie simplement qu’il
même si elle n’est pas intentionnelle, qu’artiste et ce qu’est l’objet d’art sont revient à chacun d’exercer une influence
est assignée et assumée peu à peu, après le fruit d’un ajustement mutuel de type sur les conditions de sa propre existence
coup. Elle n’a rien de linéaire. Elle n’a ni dialogique. et, par conséquent, sur celle des groupes
origine ni fin ultime. Réciproquement auxquels il est relié.
l’objet créé – qui peut-être conceptuel, Or, les relations relevant d’un « proces-
musical, physique, gestuel, visuel, peu sus créatif » (l’expression est de M.
importe – est l’interlocuteur privilégié Duchamp) sont un modèle de la démo-

l’Observatoire - No 41, hiver 2012 - dossier | page 55


qu’on achète l’œuvre, l’expose, en parle à L’ajustement réciproque que j’ai situé
d’autres, la défend) est un jugement dont plus haut entre un artiste et son œuvre
nous faisons le pari qu’il sera partagé par se retrouve donc ici, entre l’œuvre et
autrui, que ce dernier y arrive par lui-même son environnement. De même que la
ou, ce qui est plus probable, que suite à première ne peut s’intégrer que si elle
notre échange, il considère l’œuvre d’un prend en compte les paramètres réelle-
regard qui la lui fera aimer. Or ce pari est ment existants de son milieu et y réagit
aussi celui de la démocratie. d’une manière novatrice, le second ne
peut faire de la place à l’œuvre que s’il
Par ailleurs, on l’a vu, un objet ne relève de est souple et plastique. Or, cette dernière
l’art que s’il agit à son tour sur son envi- condition est aussi celle de la démocratie
ronnement. Ce dernier est multiforme : il libérale. Par l’éducation qui en théorie
Musée Kampa, Prague © Alice-Anne Jeandel

peut s’agir d’un espace physique, du goût est attentive aux besoins de chacun et
de l’époque, d’une conception particu- procède à l’ajustement entre un héritage
lière de l’histoire de l’art, du cercle des culturel donné et les capacités à la fois
pairs, du milieu de l’art, des publics réels créatrices et réceptives de l’enfant, par
comme des publics virtuels et potentiels, la redistribution des ressources et des
etc. L’objet d’art est tel dans la mesure biens, par l’accès de tous aux soins, par
où il produit dans son environnement les droits politiques et les droits civils, elle
une certaine action durablement trans- donne une chance égale aux individus
formatrice. Par exemple, il influe sur la qui en sont membres. Une démocratie,
sensibilité, modifie tel thème tradition- parce qu’elle désigne ce régime et cette
JUGEMENT DE GOÛT ET nel ou tel motif récurrent (ce que Franz organisation sociale qui est capable de
CULTURE DÉMOCRATIQUE Boas avait aussi bien remarqué des arts faire place aux nouveaux venus, est aussi
« primitifs », contestant de cette manière inachevable que le sont les mondes de
l’idée répandue que ces derniers n’ont l’art.
© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)

© Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245)
Comme extrapoler ce qui vient d’être dit pas d’histoire), porte une cause poli-
de la relation entre l’artiste et son terrain tique, transforme un espace neutre en Joëlle Zask
d’objectivation, au mode d’action des un lieu, enrichit matériellement telle ou Enseignant Chercheur, maître de Conférences HDR -
Université de Provence
œuvres d’art en général, serait ici trop long, telle personne, fait honneur à son pays,
je vais me limiter à quelques remarques sur complète une collection, aide à la recons-
l’analogie entre le fonctionnement d’une truction de certaines activités sociales, se
société démocratique et l’angle, non plus fait l’auxiliaire d’une thérapie, etc. L’art,
de la production, mais de la réception de tableau ou performance, amusement ou
l’art. En premier lieu, la formation des ornement, moyen religieux ou politique,
jugements de goûts, qui constitue l’objet n’existe que dans la mesure où il entre
de l’esthétique, donne des indications dans le jeu des relations sociales et devient
décisives sur le fonctionnement culturel l’un des partenaires de ces relations. Or,
de la démocratie libérale. Kant l’avait déjà s’il n’appartient pas à n’importe quel
indiqué : la formation du jugement de artefact de modifier la situation, même
goût individuel est conditionnée par la dans une faible mesure, il n’appartient
formation d’une communauté de goût. Il pas non plus à tout environnement d’être
représente l’antichambre de la démocratie modifié. Certains environnements, en
parce qu’il est indissolublement personnel raison de leur caractère autoritaire, coer- OUVRAGES PUBLIÉS PAR
et commun : je considère comme belle citif, rigide, ritualisé à l’extrême, n’offrent L’AUTEUR EN RAPPORT
une œuvre en raison de l’état d’intensité aucune place à la nouveauté. Tout ce qui se AVEC LE THÈME
◗ J. Zask, Art et démocratie; Peuples de l’art,
et de plaisir dans lequel elle me plonge présente est absorbé dans l’ordre ancien ou PUF, 2003
tout en « prétendant » (c’est l’expression détruit. Parfois des livres sont brûlés, des ◗ J. Zask, Participer ; Essais sur les formes
qu’emploie Kant) à l’assentiment d’autrui. tableaux, déchirés, des sculptures ou des démocratiques de la participation, Le bord de
Dans des termes plus proches de nous, bâtiments, abattus. À d’autres occasions, l’eau Éditions, 2011.
en particulier dans ceux qu’emploient ils sont simplement dénigrés ou sombrent ◗ J. Zask, Outdoor Art. La sculpture et ses
lieux, à paraître en janvier 2013 aux Editions la
souvent les galeristes d’art contemporain, dans l’indifférence. Ni les habitudes, ni Découverte, coll. « Les empêcheurs de penser
on peut dire que le jugement esthétique les croyances, ni les règles en vigueur, ne en rond ».
dans lequel on s’engage (et ce d’autant plus sont alors transformables.

page 56 | l’Observatoire - No 41, hiver 2012 - dossier

Vous aimerez peut-être aussi