DES RAPPORTS COMPLEXES ENTRE THÉÂTRE ET UNIVERSITÉ

Le théâtre universitaire. Pratiques et expériences, Robert Germay et Philippe

Poirrier (dir.), Dijon, Éditions universitaires de Dijon, collection U-Culture(s), 2013,
263 p., ISBN : 978-2-36441-067-1, 20 €

Loïc Vadelorge

Observatoire des politiques culturelles | « L'Observatoire »

2014/1 N˚ 44 | pages 84 à 85
ISSN 1165-2675
DOI 10.3917/lobs.044.0084
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 BIBLIOGRAPHIE

DES RAPPORTS COMPLEXES ENTRE THÉÂTRE ET UNIVERSITÉ

Le théâtre universitaire. Pratiques et expériences, Robert Germay et Philippe Poirrier (dir.), Dijon, Éditions universitaires de Dijon,
collection U-Culture(s), 2013, 263 p., ISBN : 978-2-36441-067-1, 20 €.

Initiée en 2006, la collection U-Cultures, éditée par les Presses de l’Université de Bourgogne
se donne pour objet d’analyser les rapports complexes entre mondes universitaires et culture,
ce dernier thème étant entendu au sens large (culture scientifique, patrimoine architectural
des universités, services culturels universitaires, etc.). Le théâtre constituait une entrée
naturelle que les responsables de la collection ont choisi d’aborder dans une perspective
internationale et comparée à travers une vingtaine de monographies nous conduisant du
Festival de Nancy créé en 1963 au Festival international des arts de la scène de l’Université
d’Artois (1996) en passant par des exemples britanniques, américains, allemands, suisses,
belges mais aussi israélien et lituanien.

Les expériences étrangères constituent la moitié de l’ouvrage, récemment mise à distance par la recherche universitaire1.
réunies dans des textes courts qui consistent pour bon La difficulté à laquelle ont été confrontés les coordina-
nombre d’entre-eux en un retour sur expérience, soulignant teurs de l’ouvrage consiste de fait à sortir des deux écueils
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le rôle d’une poignée d’acteurs du théâtre universitaire, que constituent d’une part l’auto-promotion des études
aptes à détourner le fonctionnement académique pour théâtrales universitaires contemporaines par des auteurs
défendre leurs conceptions des études ou des pratiques
théâtrales dans l’université ou en marge de ses parcours. Le
prisme international choisi par les deux coordinateurs de
l’ouvrage repose sur la fondation récurrente d’institutions
internationales depuis le Festival d’Erlangen fondé en 1946
en RFA jusqu’à l’Association internationale du Théâtre
à l’Université fondée à Liège en 1994 dans le sillage des
Rencontres internationales de Théâtre universitaire créées
en 1983. L’écheveau des festivals « locaux », des structures
nationales comme la FNTU (France, 1947) et des congrès
internationaux est démêlé fort opportunément par Robert
Germay dans l’un des textes qui ouvrent l’ouvrage.

Le cas français est également très bien traité, grâce à la mise

à distance liminaire de l’exemple de Nancy dont Laurent
Martin propose une lecture chronologique permettant de
restituer le rôle de Jack Lang dans la durée. Évoquant les
débuts de carrière de Patrice Chéreau, Jean-Pierre Vincent
ou Ariane Mnouchkine au sein d’associations théâtrales
lycéennes ou étudiantes parisiennes des années 1950,
Philippe Poirrier rappelle que le théâtre universitaire relève
de plein droit d’une histoire générale des arts de la scène
qui le laisse trop souvent de côté. On est moins séduit
en revanche par le texte évoquant le Département des
études théâtrales de Vincennes, qui peine à sortir le sujet
de sa légende, alors même que l’utopie vincennoise a été

page 84 | l’Observatoire - No 44, été 2014 - biblio

 soucieux de donner le détail des pratiques voire des contenus
pédagogiques ; d’autre part, le testament de figures libres,
de l’université et du théâtre qui donnent ici des morceaux
de choix à l’instar de ce « le théâtre est toujours un acte
masturbatoire qui demeure infertile » (Charles Marowitz)
rappelé par John Freeman à propos des pratiques britan-
niques et australiennes. À chacun ici de faire son marché
au sein de monographies de nature différente mais qui ne
peuvent laisser indifférent ni le théâtreux ni l’universitaire.
L’introduction de Robert Germay donne deux clés de lecture
essentielles pour comprendre le sens de la grande liberté
laissée aux auteurs des différentes monographies. En premier
lieu, la notion de théâtre universitaire ne se laisse pas facile-
ment prendre au piège des définitions – n’est-ce pas au
demeurant le propre de tout concept culturel ? Ni théâtre
des universitaires (étudiants, enseignants, UFR) ni théâtre
à l’université (d’ici et d’ailleurs), le théâtre universitaire
est une aporie : « c’est l’exercice de la théorie et/ou de la
pratique théâtrale à l’intérieur d’une institution vouée à la
recherche » et une pratique par essence tangentielle, « à
côté, contre, en marge » de l’Académie.
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Des rapports complexes entre théâtre et université
NOTES
1- Un mythe à détruire ? Origines et destin du Centre universitaire expérimental de Vincennes,
Charles Soulié (dir.), Vincennes, Presses Universitaires de Vincennes, 2012.
En second lieu, l’ouvrage s’applique à effectuer un travail de
deuil en confrontant des lieux et des expériences qui relèvent
de générations universitaires différentes. La longue histoire
des rapports entre théâtre et université est effleurée ici et
là (Liège, Vilnius, Londres, Moscou) mais pour l’essentiel
l’ouvrage est centré sur deux générations bien différentes
de militants de la cause du théâtre à l’université. Celle des
années 1960, d’une part, qui a tenté d’utiliser le théâtre
pour renouveler la pédagogie des études littéraires et, plus
largement, des universités ; celle des années 1990, d’autre
part, qui a tenté de s’appuyer sur la massification de l’ensei-
gnement supérieur et la multiplication des équipements
universitaires (Rennes 2, Le Mirail, Arras…) pour promou-
voir le développement culturel. Les liens entre la première et
la seconde génération de ces militants constituent l’une des
questions ouvertes et passionnantes que pose cet ouvrage.
Loïc Vadelorge
Professeur d'histoire contemporaine, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée,
laboratoire Analyse Comparée des Pouvoirs
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