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Dosser: La vie des des L'idéologie. Fausse conscience ou systéme de valeurs ? Jean-Claude Ruano-Borbalan Hors-sére (ancienne forrnule) N* 21 -Juin/ullet 1998 La notion didéologie s'est développée avec le marxisme, Uidéologie (essentiellement Ia religion) état congue comme une fausse conscience destinge 3 masquer la domination de classe, Au cours du wee siécle, elle a 6 progressivement analysée comme I'équivalent d'une culture dun groupe social ou politique Le mot « idéologie » a été inventé en 1796 par le comte Antoine Destutt de Tracy I souhatat forger une nouvelle science destinge & comprendre et & expliquer les idées. Cette approche était inspirée par toute une tradition empirique ai les perceptions sensorielles constituent le fondement des représentations et des idées. Dans le mouvement de rénovation scientifique, politique et morale dela Révolution francaise, le mot fut repris par un groupe de savants, parm’ lesquels Volney, Cabanis, appelés les «idéologists », puis « idéologues» dans les commentaires ultérieurs. lls souhaitaientinspirer une nouvelle éducation et un nouveau régime politique adaptés aux progrs scientifiques et 'évolution de esprit humain, Napoléon, qui r'simait pas les idéologistes, popularisa ensuite une vision négative de Tidéologie. Dans sa bouche, le terme didéologue devint un sarcasme fustigeant les tendances théoriciennes de ses interlacuteurs, Avec Marx Cette conception polémique sera reprise par Karl Marx, le véritableintiateur dela fortune du mot « idéologie », Pour lu, Nidéologie est le refletimaginaire cu monde réel (le mode de production et ls litte des classes). Ele comprend a religion les doctrines et les théories politiques, "art et. Ia considére comme quelque chose dilusoire et d'erronée, Pour la conception marxiste orthodoxe, les systemes didées, de doctrines ou de valeuts, regroupés sous le vocable générique didéologie, sont émanation de la classe dominante et ont pour fonction de préserver sa domination. La dissimulation de la domination de classe procéde de la volonté atfiemée par « les penseurs bourgeois » de prétende universelles des valeurs, des croyances et des idées particuliéves dela classe dominante : este cas par exemple, selon les marxstes, du concept de liberté qui, sous couvert d'universalité, masque en fat la possibiltéc'exploiter«librement » les prolétsires. La conception de Vidéologie a fortement évolué en un siécle et demi en raison des tentatives opérées par les principaux penseurs mandistes intégrer des visions non mansstes de lidéologie aux leurs Karl Manheim proposera a laube des années 20 une vision dans laquelle Tidéologie n'est plus seulement concue comme une illusion et comme une fausse conscience. définit un processus universelc'idéologisation par lequel, quand un individ ou un groupe social opte pour Ln projet c'action, tout son systime de pensée en subit des consequences et se trouve transformé pour favoriser ce but. Ce faisant,K Manheim tend a restreindre le champ de réflexion sur idéologte aux doctrines politiques, postion qui deviendra courante au cours du xxe slécle, Antonio Gramsci soulignera lui, autonome de la sphére des doctrines politiques et de la religion par rapport aux processus économiques. Le philosophe marsste francais Louis Althusser, dans es années 60 et 70, entera de renouveler la réflexion sur idéologie, Selon ul les idéologies s‘opposent ala science et sont vitales aux sociétés dont elles constituent la forme normale des représentations collectives. I estime aussi que « Finstance idéologique » d'une société se présente sous forme d'un « champ idéologique » ol s'affrontent plusieurs Idéologies, lies 8 des classes sociales distinctes.L, Altusser sest attaché, ce quia fait sa célébrit,& analyse des « apparels idéologiques Etat», instruments selon ll de linculcation de 'Tdéologie dominante, et partie intégrante de Etat. Ces institutions (les églises, le systome ducati le systéme politique mais aussi la famille le « systéme culture », ete) auraient pour caractéristique commune de fonctionner 8 «Fidéologique » Sans Marx En contrepoint de la vision maniste, largement dominante, se sont développées d'autres conceptions. La tradition sociologique, elle, selon le mot de Raymond Boudon, a soigneusement évité utiliser le concept d'déologie, hormis Vifredo Pareto, avant que ne paraissent les ‘ravaux capitaux de Raymond Aron. Portant essentiellement sur le marxisme, ils restreignirent défintivement aux doctrines politiques le champ de compréhension de lidéologie. R. Aron persiste cependant & concevoir les idéologies comme de fausses représentations. Dans les années 70 et 80, Jean Baechler, Pierre Ansart et Raymond Boudon poursuivirent une étude des idéologies dans cette filation, en y ajoutant des dimensions nouvelles grace 3 ullisation &'approches de psychologie sociale et de psychologie cognitive dans le cas de R, Boudon, et de psychanalyse pour P. Ansart Une autre conception de idéologie s'est également développée selon laquelle les idéologies sont des visions générales du monde. Le sociologue américain Edward Shils ly définit dans les années 5O comme un type particulier de systeme de croyances. Dans cette vision, les idéologies fournissent un cadre de pensée aux membres du groupe ou de la société, et proposent une orientation précise pour Faction de ce groupe ou de cette collectivté La fin des idéologies ? Vide que les grandes idéologies(fascisme, communisme) sont entrées dans une phase de déclin date des années 50. flle est due 3 R Aron qui. dans Opium des intellectuels, paru en 1955, annoncat afin de age idéologique. Cette question fut largement examinée & Milan la rméme année lors d'un congrés organise sur ce théme ou débattient des intellectuels européens et américains. Lorsque socialogue américain Daniel Bell spposait, dans un ouvrage célébre paru en 1963, la fin des idéologies (1), ilanalysait en fait Uniquement Ia fn des doctrines politiques universalistes et humanistes propres 8 lOccident, en particulier celle du marxsme. II ne parlit pas des idéologies particularstes et nationalistes des années 60 et 70, matinées de vulgate révolutionnaire ou communiste, dont il constatait au contraire lessor dans le tiers-monde, Critiquée fortement dans les années 60, la thése de la fin des idéologies est aujourd'hui un liew commun : les doctrines politiques. Lunversalisantes issues du christanisme et de la Révolution francaise sont effeciverent moribondes dans des sociétés occidentales. La, Hncividu a développé majortairement un mode de croyance non conflict, fait d'adhésions relatives et de pluralisme, c!appartenance & des valeurs réformistes et démocratiques, A contrario cependant, le registre idéologique persiste nettement dans la croissance des doctrines nationalistes,religleuses ou culturelles fondées sur exclusion et le confit. Méme sles fortes achésions et les passions violentes semblent deéfinitivement en déclin dans les pays développés, doit-on pour autant estimer quil s'agit d'une tendance iréversible ? Ce n'est pas Vopinion de D. Bel, qui déclare qu'« étant donné la culture de I Occident, a faim c'une cause y existerait toujours car ces aspirations remantent aux sources utopiques et millénarstes de la pensée chrétienne » ores. (1) D. Bell, Lo Fin de Fidéologie, Pu, 1997. Egalement dans le dossier \ées (accés libre) Jean-Claude Ruano-Borbalan + Lanature des idées Edgat Morin ‘© Comment voit-on le monde ? Représentations sociales et ré Propos recueilis par Jacques Lecomte © Laforce des (accés libre) Pierre Ansart + Langage et représentations. Jean-Paul Bronckart| «© Evolution ou révolutions ? Benjamin Malaton * Des intellectuels dans le sidcle © Produire et diffuser. Les arcanes de la reconnaissance Christophe Charle © Ceque écran change a écrit. Propos recuelis par Nicolas Journet + Pourg Daniel Bougnoux ‘+ Ladiffusion des sciences humaines. Jean-Francois Dortier * Philosophie : les tournants contemporains © Les idées de la philosophie contemporaine, Jean-Michel Besnier des médi logues ? + Nouvelles religiosi Francoise Champion

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