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Séverin Cécile Abega Les choses de la foret Les masques des Princes Tikar de Nditan © Presses de I'UCAC, 2000 ISBN (UCAC) :2-911380-20-7 séverin Cécile Abega LES CHOSES DE LA FORET Les masques des princes Tikar de Nditam | vs eunevesie nanos per IRD, Tee MeoUP Gu chet Neto Chases AnmadouNgandi WV é la cheftaine Tiémeleu Chistine Nyerk fou Teooid Nyenipe et & toute lo communauté Tikar de Neftarn of lst uit ola coscboration do... Anoko, one F Bllon.M, Dotnet Coun M.Souga. A Fomenl & de Geri, Moral Maron owes lebenga, H. Rikong P. Tonkoung, Wang Sonne, : Ss Te gaitade 9 repu le scuién fancier de 'RD, du Centre catholque conte la faim et pour ie rl Gontang | POU le développement ef de I nivenite catholque c)Afievs soi emecineaciame gua mn ether Steir nar araennerarectanemaata apse Soha ctl» Sear mae Serer quelque procédé que ce soit, tlonnée par les articles 425 ef SC. Abega INTRODUCTION Lallecture de certaines analyses surles manifestations culturelles négro- afticaines nous a habitués & des interprétations d’une fort savante banalité sur la vision du monde, le rythme biologiquement négre, la parole tout aussi nbgre, intégration au cosmos. La tradition aneesiraley est présentée comme séculaire, parfois méme immuable. La notion de peuples sans Histoire posséde ainsi Vart de renaftre comme certains monsttes sous un aspect, différent chaque fois qu'on pense Ini avoir tranché la téte, L'habitude de cétoyer le paysan, de partager ses repas, ses joies et ses peines rend pourtant ces formules trop grandiloquentes pour traduire les pensées d’un pauvre Tikar écrasé par les travaux champétres et ne trouvant sa joie, de temps & autre, que dans une sortie de masques. Ces occasions ne sont d’ailleurs pas exemptes de querelles, de disputes, de spéculations, de passions, d’amertumes, de plaisanteries, dont beaucoup ne manguent pas de gtivoiserie, En voyant deux vieillards se chamailler et se vouer une haine tmortelle pour un lambeau de poulet, un fond de lie de vin de palme ou de bitre de mais, on se demande od est le cosmos, le respect des ancétres et de leurs legs immuables. L’explication est toute trouvée : c'est signe manifeste d'une décadence due & la conquéte coloniale, & Ia négation des valeurs afticaines, & imposition dun syst#me administratif ttalitaie et dune religion étrangere, le christianisme. Quelques questions surgissent alors & esprit indépendant des réponses toutes faites: Y a-t-il vraiment irévérence et ignorance dans ‘ces attitudes ? N’y eut-il en Afrique de conquéte que coloniale, de colonisation que bianche? Le totalitarisme est-il si neuf sur le continent qu'il n'a été inyenté que par la colonisation européenne? Aucune autre influence n’a-t-lle pas agi sur les cultures locales ? ‘Tous ces trépignements montrent cependant une chose: les sorties de ‘masques font 'objet d'un intérét assez peu platonique. Los attitudes ne.se figent jamais sur un modéle compassé, ces cérémonies appartenant ala vie de tous les jours. Ainsi, ce minuscule morceau de volaille revét une importance suffisante pour faire perdre patience & un prince. Je propose donc de chercher cette vie de tous les jours et non des notions sans substance Les choses de ta fordt Bourne villages masqus de Nm, avers a oxémonie 39294 foumisent ete qb ue excelnt oppor pemetet emer Iariches ne gril de ete emprunan A ono politique en tant que eelle-i trite des felatons inca et inter communis, sfgon auc rpprs ences omnes tes fees, ions entre le groupe et le milieu environnant, a : oe AUX processus historiques conséeutifs aux évolutions affectant tous les 6 structarants ainsi discemés, ane Plusieurs fait permettent de di ete fis armen de dist par exemple de netions elles que atone, sut leslie es evolutions plies en Aflqu, et Cameroon eo partici, etn une now lure, Las da demie «vision consume am Career e ier 1996 le dcosson sur ces cles ont allmiet desngulines pasion roves par ulations liges A acc8s au foncier et aux Sa nomi 6 pastes électifs ou nominatifs. Apes es lesions municipal, yeu & Dol 10 fir 1996 ane teh rassebant a moins 1800 pertonnes organise par les chefs tame de pain Sas eed de eB mm ge : colons teouvarent en place!. Ts protestaien Premiers eo i ent contre | effacement politique, laplupat des maties ant tombges aux mains des orgies dela provine de Ones, considers comme aloes par mt ‘ameroun, Cette question, scrutée la lumiére dune eult i : é culture dont on sai gus sari oe polation pee comme migrate i dans es opposion consis 8 égard des sroupescnss com iM aborigines) = pst qe cone Texan des ieenke ration dans le mien, espace nature : cinta espace naturel et espace culturel compris, mais atti Tl (1985) chez les Bet, Pradeles de Laiou chez es Banik (199, Tacs (1980) chez es Banoun nist san congutte us cpt soi insti dans une neh ctrl pr oes populations olsines des Tika, Touteois, cote insertion suppose asi adaptation 3 nouvelles conditions naturelles parce que Ia culture eat a entre dn leu, Pate qu son infastuce pend de on enviromental. ject fant ellemtneseumise a gouvemement ds pissances sees pa Incr, alii en occurence ete adaptation ne se ps suena pgs ehnloge ef éemomigs, le fa ssi par'adoption, et icila conguéte de nouvelles forces dintemnédiation, ppron dil gegam bon sore es mages ds pees 1 is cette date, Depuis cette date, d'autres manifestations ont eu lien sur le mine objet de agagag, etde bwé fws, fils des chefs chez les Tikar, signifie done pour ce peuple dela savane, comme je prétend le montre tout an long de I exposé, établissement, et peut-2tre la maftrise de rpports plus sercins aver la Foret ce qui en plus, procare d’ importantes retembées politiques, ‘Un exemple éclaire mievx ce probléme. Le theme de la traversée des cours d’eau sur le dos d'un monstre est redondant dans les mythes. lassocie absence d'un moyen technologique, pont ou embarcation, Al'urgence d'une traversée rendue indispensable par la présence d’un antagoniste. L'irruption idu monstre, parfois précédée d'un sacrifice humain, trahit de ce fait une angoisse. Le franchissement d’un fleuve ne peut constituer un fait xtraordineire que pour des gens peu habitués &I'effectuer et ne disposant pas d'outils adaptés. Dans la région du Sud Cameroun, on contrastera ainsi Javiolente tension des mythes des traversées beti de la Sanaga sur le dos de “Neang Medea, serpent, dragon, crocodile ou arc-en-cie! d'une aillesuffisante pour servir de pont’sur un bief large de un & deux Kilométres, traversées Afectées fa nuit & la lueur des torches ar une troupe armée de sagaies, et tes récits basa du méme épisode historique, précédé par invention de Ta pirogue Apartirde I observation d'une fenlle de graminée, Cette découverte Est opérée par un esclave et il n'y aucun adversaite 4 horizon. Les Basaa ddominent done la technologie, Ie passear et le moment de la traversée, et peuvent affronter!" élément liquide avec sérénité grace A cette matrise, Face 2 ia forét, les Tikar ont pu éprouver une angoisse comparable 2 celle des FBeti parce que cette formation végéiale ianpose un nouveau systéme ‘économique, un autre appareil technologique et parant, des bonleversements culturels, politiques et religieux. Le ntuel des masques leur permet de Surmonter cette difficulté. Les Tikar de kong, plus au nord, ont réagi différemment devant avancée de ta forét, permettant ainsi de mieux ccomprendre importance des masques princiers de Néitam, Bn effet, dans ta nuit da 18 novembre 1949, ils ont déménagé de leur ancien village dont Josie se trouve & cing kilometres dans ladirection de Ngambé poor s'installer sur le site actuel C’était sous le egne dachef Wawé Moshé, dont la longévité politique a été si exceptionnelle que son nom signfie'a Fin, c'est Adie venul ne mettra plus atant de temps que moi sur l¢tréne.» La princesse Maciama Numoé et monsieur Mekpe Désiré expliquent Julienne N. Anoko, Gui a recueilli information, que la raison du depart est simple le village Gisit envabi par la forét, Il s'assombrissat et devenait froid. Ts Y'ont done Gquitté pour retroaver un horizon ouvert, le chaud et Je soleil, un endrott eh Ta vue portait un peu plas Join, Chaui-froid, clair obseur, ouvert fermé, sec bumide, antant ’ oppositions fondamentales de la pensée humaine : & Vimpact matériel s’ajovtaitIinconfort de la pensée par la perte des reptres Le remplacement de la savane par la forét apportait donc des bouleversements graves avec le renversement des catégories de base de la ‘culture. 0 fallut battre en retraite Nditam observait pendant ce temps une altitude plus sereine grace A la Drésence rassurante des esprits de I forét sous la forme des masques princiers, Linsertion dans un nouveau milieu naturel n’est nécessaire que dans la mesure oi elle obéit dune exigence de réorganisation de la culture. Ceci est lun truisme, Il serait done vain de focaliser attention sur le seul rapport au tuilfen si l'on ne garde pas a esprit que celui-ci, par ses changements, conduit les structures sociales & se réévaluer en permanence, rion pas dans ce qu'on appeliera communément une adaptation, mais dans la mesure od Ce processus est porteur de nouveaux enjeux. L'adoption d'un moyen 'intermédiation appelle nécessairement une mise en valeur sociale et Politique de celu-ci Ladiffusion ne peut donc se eomprendre que par rapport au besoin, c’est-2-dire la fonction, mais la fonction elle-méme manifeste tun systime dynamique, cybernétique. Ceci ne délimite pas entigrement le charap théorique de l'étude, ‘Tumba (1965) a marqué une date importante dans les sciences humaines en montrant combien les rapports des Pygmées avec ta forét different de ‘ceux de leurs voisins bantous. Les demiers sont censés la craindr, les petits sylvains ayant établis en revanche des relations symbiotiques avec elle. On Peut toutefois vivre dans les villages, a c6té des Pygmées, et avoir du mitien sylvestre des représentations moins craintives. L’analyse de Tumbull perpétue tune image 4'Epinal de gens pétrfiés par ta peur de la forét, image qui, longtemps avant cet ante, a fait de cette formation naturelle un obstacte au Peuplement, aux migrations, aux conquétes et d toutes les évolutions historiques dans les discussions scientifiques des historiens, des anthropologues, des archéologues et méme des religieux. Comme sila nature hhumaine avait pour une fois 6té détinitivement prise en défant par un obstacle infranchissable. On peut se nantir d’une force d'intermédiation pour vaincre Incrainte. Je voudrais montrer ici qu'on pu au moins une fois chercher dans !esymbole un moyen de conserver 2 la forét une apparence moins inamicale T1s‘agissait en Voccurrence dune population, les Tikar, venue de la savane Pour installer sur les marches d'une région forestitre. Cette population n'a ‘ailfenrs pas inventé ce moyen, Elle I'a pris un groupe trouvé en place. Eprouvant mol-méme, fils de la forét, un vif stress devant la mer, et ‘ayant pu constater la méme action chez les cbtiers ou les sondano-sahlicns face l'immensité sylveste, imagine aisément des gens nés dans des villes ou des villages entourés de champs et de bosquets dégradés vivement impressionnés. devant de véritables foréts et, animés par les meilleurs sentiments, ceux que procure Ja conviction de détenir la vérité et de représenter I'universel, résistant mal & lz tentation de transformer leur augoiste en vt scientifique. Les pres de eae sont eee t Tene (1965: 27-38) dans om ouvrage péfact par Seoghor, Toquel sonvent éprouvé des sentient rs mélangés envers es peuples cexprime son malaise dans plusieurs passages: a savane c'est, dit le géographe, «l'Afrique modérée, humaine, of y i nt Lui.» (40) <=. Mats nos vests dans fr, danse iu Wombre, nous serons msds pr ces fits de quant 3 cnquante mes, domtnés inextricable oils de mire verle > ol cent rent espes Sedisputent a lumie, Ces dans cette ome vert, dans cette nuit permanente dans ces carte coud top éairés que vot natre les formes étranges de la statuaire, les fétiches effrayant eis Fiat arbre et du bois, en at fa ils se cachent, s'unissent pour subsister, Soe ee ae cesta cna ene ciolisation desis, des sauces protctices. Les civilisations des greners se situent dans les saoanes sorgo.(..) Las renierss empiset ta ose onde sur cesses, Le roi, le chef, se fit payer un tribut de grain: il capitalise, riche. La vie sociale s‘organise, les loisirs aussi. End’ ares termes a fort de Tease pleine de peur dt angpions a savane repitant la ichesse et a srésit, et eeprésentant la ivi Koh (196811) live ui ausi ses angoises devant la fort du sud-est camerounais: ét dans les plaines ews fret, oi rien ne peu vivre comme ety ide ie die d'une sb exubérante it les moindres gees doivent, pour se faire admettre, puiser leur existence @ a oe énergie, engendre la terreur d’étre mélé une mie groan ts e éc curs appétits inassouvis, d’étre écrasé dans les rangs cl nae ‘concurrence vitale qui donne a un simple rayon de Lumigre wrix inestimable. ‘A fexaltation provequée parle spectacle de géants veg, ee vite une sensation dasphyxie, un besoin inna as nc tne igie i jlization d'un désespéré. religiac quiest comme la supplicati apr Lovsguecate indicible est a son tour vaincue par Vespoir, ; wpediorus individu en état d'alerte constante depuis la naissance jusqu'au trépas, un chasseur. Le malaise existe done puisque tant de grands savants l'expriment en dos termes si emphatiques. Les Tikar ont pu I’éprouver. II est cependant culturel. I! naft dun dépaysement et non d'une quefconque essence rmaléfique de la forét. Le dgpouillement dela culture matérielle des Pygmées, leur confiance en cet espace montrent qu'il n’est pas forcement générateur de fétiches. Coux qui n'y baignent pas depuis longtemps peuvent cependant se rassurer par l'adoption de moyens symboliques, parmi lesquels nos rmasques. Je parlerai ainsi des rapports entre Ta forétet les hommes, non pas dans une classique opposition nature —-culure, mais parce que les masques sont considérés comme des étres vivants, des créatures sylyestres dans le cas particulier de ceux du ngogag des princes de Naitam, et qu'ils semblent avoir 6 arrach6s leurs premiers propriétaires. Ces données me permettent de supposer qu’en comprenant leurs rapports avec les hommes et le village, Je pourrai mieux étabir les liens souvent subtils entre ceux-ci et le milieu naturel environnant. ‘Les masques du ngogay bwé fwe sont présentés comme la réincamation e certains esprits, Il sagit en réalité d'un mythéme largement répanda et souvent rapporté par les ethuologues. On peut citer au hasard Frobenius (1987), Bahuchet (1985) chez les Pygmées Aka. D'aprés cet auteur (1985: 430.435) par exemple, chez les Aka, toute activité forestitre touche le domaine des esprits. Les hommes dans la forét sont les hotes des esprits, Véritables habitants ct propriétaires tout puissants de cet espace. Les activités appropriation des matitres animales et végétales ne peuvent étre réalisées sans Jeur consentement, ce qui justifie es rituels qu’on leur adresse, Le masque cOne de raphia, z£ng i, représente le maitre des esprits au cours de le cérémonie kéndf organisée pour attirer la bienveillance des esprits. Le ‘masque de feuilles si cSlebre chez les Pygmées représente un 2F8, un esprit de la forét. Les Aka linterrogent quand Ia chasse a été infructueuse, et il rend Ioracle pour la ctasse du lendemain, Pour invoquer les puissances de Ja forét, ce peuple organise aussi les danses 601010, molomolo, sa, cexécutées avee les masques, J'ai recueilli des données similaires chez les Bakade Djoum, Allarg (1984; 54-68) rappelle que les masques représentent ‘pour beaucoup de peuples des esprits parlants, les manes des ancétres et des ‘pouvoirs surmaturels. Maartens (1978 : 19; 35) les voit aussi dans une série «oppositions parmi lesquelles on retrouve les couples humain/animal, orev village, vie/mort, ce qui leur conféte un réle organisateur. Ce théme apparait soit sous la forme d'un véritable mythe d'origine fondant certains rtuels, ou tout simplement comme une supercherie destinée A imposer un certain respect aux fernmes et aux enfants. Les Tikar de Nditam ‘anront un intérét particulier & investir& fond dans le mythe et a le gamnir de toute la gravité nécessaire dans Tx mesure od Jes masques deviennent un enjex dans les compsitionsntemes ent ls diferentes calégores de princes par exemple, les différentes strates de la population, entre les Tikar et les sroupes subjugus, entre leshommeset es fermes, ene ls sécessionistes de Ngume et leur berceau originel de Naitam, ou encore dans la mesure le chef les transforme en ressources eten gardiens de son pouvoir. ‘ine sera done pas question d'un simple subterfuge, mais d’un veritable texte de Iégitimation, dont les différents épisodes sont régulitrement rejouss dans les rituels afin de garder vivant alliance avec les esprit de a forét dans un rapport similaire & celui qui lie par exemple le récit biblique de 1a ‘Sainte Céne et les rituels de I'Eucharistie et du Jeudi Saint. « Vous ferez ‘cela en mémoire de nous», disent clairement aux hommes les esprits fondateurs des masques du ng aga 9. On assiste alors a un processus dans Jequel une fonction engendre une autre, non par filiation simple et jmmédiate, mais-aprés une étape de valorisation qui enrichit l'objet de significations nouvelles, pourtant absontes au départ. Fonctions nouvelles ‘et non fonctions latentes obligatoirement, ce qui permet d'objecter & Malinowski que la culture ne répond pas toujours & un besoin, mais pent pray eee accorde ainsi une place importante & un théme cher & Bastide, la rencontre des cultures, Je aborde aussi sur un terrain quiet familier: Ia religion en particulier, la manipulation des symboles en général entant que coux-ci sont porters d'enjeux sociaux et politiques, mais aus environnementanx. Je ne me prive pas dele suivre dans Pexanien "inconscient dans sa relation avec le collectif, Je social. Ca et ae tin classique confontation ene Afrique et "Europe entre ce qu'on bapsse tradition et ce qu'on considére comme moderité, mais le hoe entre den sociétésafricaines et Ia nouvelle coexistence qui en résulte, Une tlle ambition insiste sur les conflits, les tensions, es changements, le jen perpétve des stractoations, des destractraton et des restractrations qui fasenait taot Gurviteh. Je voudrais done avancer sur un sentiertacé par des, aathropologues comme Bastide ou Balandier pour discemer ls changement et les continues en oeuvre dans mon champ détde, mais en gardant les ‘yeux constamment fixés sur les impacts provoqués par l'évolution du paysage, et les bouleversements entrainés par transformation progressive de la savane en forét. Situation géographique de la région Tikar Chapitre 1 HISTOIRE ET MYTHES D’ORIGINE ORIGINE DES MASQUES A Naitam, Jocalits sitaée dans le département du Mbamn et Kim, au sein de 'arrondissement de Ngambe Tikar, 220 kilometres aa nord de Yaoundé et A une centaine de Bafia, sur cette Iistre & partic de laquelle la savane recule Jentement devant Ia forét, les masques, conmus sous te nom de bekukwe, vierment des ancétres et perpétuent leur souvenir. Ils représentent, sont les ancétres. Cependant, ily a plusieurs masques, classés selon plusieurs cries. Le corps de ballet le plus important est celui des Princes. Il sort au cours d'une cérémonie appelée ngagan. En fait, il en existe plusieurs & Nditam. Le plus célébre est le ngagan bwé fwe, celui des Princes, objet de notre éuide. Le second, ngagan bébad, est dansé par certains groupes parmi les roturiers. Je lui consacre un chapitre dans ce travail. On peut Evoquer aussi le ngagan KWE (0, sortie des masques des princes organisée pour conjurerun manvais présage, Pourles populations de Nditam cependant ce mot désigne d’abord la oérémonie princidre ; ce travail suivra cet usage, et chaque fois que le mot sera employé sans spécification, il renverra ce rinuel précis ‘L’importance de cette cérémonie vient du nombre de personnages engagés 4 la fois dans ce jeu dramatique: hit, chacun portant un nom et des attributions spécifiques. Elle vient encore de l'engagement social manifesté 2 cette occasion: une mobilisation da groupe dans son ensemble, une implication des groupes voisins et allis, a théAtralisation rituelle d’un confit entre les hommes et les femmes, le renouvellement de \'alliance entre Ja socité humaine t les esprits, un spectacle qui se prépare longtemps et dure aut moins une journée. Etdes semaines aprés le spectacle, on voit les enfants s’entrainer,imiter kes personnages masqués, Aucun autre corps de masques ne provoque de ‘Les chosés dela forét tels remous, ne remporte un tel succes. Cette féte se particularise aussi par son dessein: raviver, pour ce peuple venu de la savane, un lien particulier avec la forét, lien assez fort pour justfier une conquéte celle des masques justement. I fat rappeler ces fait, essayer de dérouler le fil de la tradition Pour ramener a la lumitre cette relation vitale pour le peuple de Nditam. Les Princes, c'est-i-direI'élément noble de cette société tka, ont leurs masques. Ceux-ci datent de l’époque du chef Ngbatou (ngbe ri mbwe ) CeNgbatou, dont le nom est parfois orthographié Gwatou ou Mgbaton selon 1a fantaisie des teanscripteus, est le septitme chef de la dynastic régnante de Nditam. Selon le gardien des masques du ngagan, at492, ceux-ci viennent d'un village bekwendz i, c'est-t-dire balom? — Bebi selon Ay Emb@! + appelé Ndriiang. Parmi les cing confiés & sa garde, trois, ndzEmba, m1 it et mv€mbe viendraient de cette localité,Je réexaminerai cette attribution. Ce village est celui qu’habitaient les Bebi propriétaires de es objets rituels, ls se fsisaient ia guerre entre eux, Le chef Tikar les chassa tpi ce qu'il avient Cel se past au temps de ngberd. ie autce source a prétendn que ces masques Furent enlev i ume femme, ne Tar marie a'un dente cue Elle eg voinetes cnet a Nditam apres avoir trompé la vigilance du garden des masques et de son Epoux. Elle les ramena la nuit. Pai demandé & ny émbz s'ils ne pouvaient pas organiser la méme danse avec les mémes masques, puisque ceux-ci appartenaieotoriginellement aux Bebi. Il m’a répondu que cela ressemblerait, une sorte de «concurrence». Peut-tre faut-il comprendre ce mot, de la Douche d'un vassal, dans le sens de défi. Les Bebi ont eré6 un autre masque, Je kag, 4 la place. Pour le gardien a4, les masques qu'il garde représentent «des choses de Ia fret», c'est-bdire des esprits sylvestros Mes informations les plus précises viennent cependant de Dzéngboh, nedéagegan,c’estadive gardiendusac des masqhes do quater Wiyong, IL bens un ile pvlege i exe pls ance des pores se sae carly en aplsieatum poor chaque aul des mesqes. est ensuite Mbi, done de ce groupe ethnique auquel on attribue Vorigine des masques. estenfin Tika, prince de Wayong, Cette double appartenance tribale mérite 2 Mes informations montrent qu'il ne «agit aucunement de Balom ici, mais de Behl couche de populatin apparenés aux Fx de autre cté du leave Mba tr langue neressembleen rien au balom. La confusion serait née d’un confit fu cours duquel es Bebi furent traités de bUkwEnde’t par le chef tikes, 3. Notable mi —singulie: de bebi — , chef du village de Nazingo, vassal de Nditam. Originellement le titulaize de ce poste était c Nites Ora de.ce poste était chargé des relations entre Histoire et mythes @'ongine ‘une explication, Le neven utérin, chez les Tikar de Nditam, peut ewe appelé a prendre Ia succession de ses oncles maternels au cas oii la lignée est menacée d'extinction, Il est alors considéré & plein titre comme membre du sgfoupe agnatique de ses oncles maternels. Mon informateur a été affilié dans la famille des fréres de sa mére, et a hérité de leurs charges et prérogatives. D'aprés lui, une fille de Wilyong avait épousé un Mbi, Un jour, Ia femme est venue organiser une danse des masques & Nditam. Aprés Ia féte, le mati ainvité sa femme & rentrer. Ses beaux-fréres ont demandé & garder le masque pendant quelques jours parce qu’ils en avaient apprécié les exhibitions et oulaient en jouir encore un peu, Ils ont ensuite raccompagné le masque et ils ont comblé leur allié de cadeaux. Celui-ci, touché par leur munificence, eur aaccordé la permission de garder le mesque. Les prinees tikar ont ramené dans leur quartier co préciew objet et la danse qurils appréciaient tant. Certains événements semblent cependant extraordin: ‘communautaire habituellement, le masque se donne ici un fonctionnement individuel. Masculin, il suit une femme. On peut se demander aussi A quelle logique obéit ce prét de masque. On voit mal en effet un individu abandonnant entre des mains étrangéres un objet sacré. Ce texte recble & ‘mon avis beaucoup d’invraisemblances etde contradictions. Peut-éire sert- il plus a dissimuler qu’a révéler. Les interrogations demeurent done et cconduisent & une comparaison des différentes sources. (On remargue des contradictions entre des versions venant de deux sources différentes, situation classique dans cette région des récits témoignant d’une confrontation entre les Bebi autochtones et les Tikar conguérants. Il y a cependant quelques éléments communs les deux sources s’accordent pour donner une origine Mbi aux masques, et traduisent un besoin tikar. Si les problémes de diffusion ne peuvent se comprendre que dans une logique fonctionnaliste, si I'emprunt d’un trait de culture manifeste une restructuration de tout le syst#me social, on doit obligatoirement imterroger les circonstances historiques. Les contradictions invitent en effet & élucider le processus de transfert, et notamment les rapports entre les deux peuples au moment oi les masques sont échangés. En un mot, qu’est-ce qui a poussé les Tikar & prendre les masques des Bebi, et comment cela sestil passé? LES MYTHES D'ORIGINE nes: ‘On peut comparer par exemple les mythes des deux groupes sur la composition ethnique actuelle de Nditam, Ils nous permettront de comprendre leurs rapports politiques et culturels, et les contradictions entre Les ehoses de Ja tore leurs traditions orales. Cette comparaison semble aussi nécessaire & la clarification de la démarche des Tikar quant a feur insertion dans un milieu qui leur apparaissait comme nouveau. Le premier groupe de mythes appartient & la classe régnante de Nditam, Les autres couches sociales transparaissent aprés enquéte et laissent voir un peuplement composite, Leélément tikar apperait tardivement et met en place un processus de ‘domination dans toutes les spheres de I'organisation sociale et culturelle, Je pense que le rapport la forét fut Pobjet d'une démarche similaire et que la ‘onquéte culturelle supposa aussi une congquéte du miliew naturel. Les mythes les plus populaires appartiennent & cette classe dominante, les princes, ‘eomine les appellent les memibres des autres couches de la population. Le ‘mot Tikar masque en effetun certain nombre de réalités, et sous une apparente hhomogénéité se dissimule plut6t une homogénéisation, celled’ une pluralité, phuralité des langues, des origines, des ethnies, des cultes, des rites. Il est ‘cependant nécessaire de commencer pat Ie plus visible avant de creuser et de mettre & nu les différentes constructions. Revenons cependant au mythe. Hagege (1969) a recensé quatre versions sur I'origine des Tiker, Ceux-ci étaient d’abord installés & Nganha, a 65 kilomatres de Ngaoundéré. Ils se seraient détachés des Mboum 2 Ta suite d'un conflt & propos du bétail. Une autre version leur donne pour ancétre ‘une fille brouillée avec ses deux fréres pourune afaire d’hévitage. Un troisitme ‘groupe de récits fait mention de indignation dun prince devant "hospitalité accordée aux membres de I'ethnie Dourou par sa tribu, surtout devant les largesses foncitres octroyées & ceux-ci. Son pére lui demanda de partir s'il Gtait mécontent, Le quatriéme fonde lorigine des Tikar a partir d’un commergant venu du Bornou, dont la fille, mariée au chef, donna naissance & trois gargons et une fille. 'ainé fat rabroué par son pare parce qu'il s'était rendu a une réunion & laquelle il n’ était pas invité,ets’en alla avec les siens, Jai récolté dans mes enquétes trois textes. Les commentaires de mes informateurs m’ont aidé a préciser ici et f& un point demeuré dans 'ombre. ‘Toutes ces variantes étaient manuscrites. La premirea été recopie du carnet de monsieur Mondé Soulé, notable du village, chef du quartier princier de ‘Bongwo. Elle aété televée pour son compte par «le jeune historien Mgbatou Foumwoué Zachée, racontée parle sultant (sie) Ninko et Bekamba Oumarou, chef du village de Ngume », ainsi que le précise le texte Iui-méme. Cette version est presqu’idertique 2 celle recueillie chez le chef Charles Ahmadou ‘Neandji Viet a da certainement a guider, en dehors de quelques détails. Le style est trés proche aussi, ce qui incline & penser & une communauté de sources. Les deux textes sont en frangais, et j'ai dd m’en contenter, Pai réussi accéder & d'autres sources, en tikar celles 18, qui permettraient des ‘comparaisons éclairantes oo Too sstoie ef yues w one VL. Les Tikar sont des Mboum de Ngaoundéré de la famille de Laka, ly avait deux princes de méme pore, !'ainé nammé Belandjingbang, te cadet Bela-Laka, Apres la mort de leur pere, les ainés se réwnivent pour nommer un nouvenu roi. Au cours de cette cérémonie, Bele- Laka entra avec d'autres petits fréves et ils consmencérent & trowbler Inséance. Les grands, craignant le désordve a cas oi ce prince nétait pas nommé, lui dirent en Mboura: «of tiki la dje* c'est-acdire «sortez . Bela-Laka sortit avec ses jreres, réunit sa fille maternelle, les familles maternelles de ses peti freres et ses amis, et donma uree interprétation abusive de ces mots, son intention étant de diviser le pays sil n’était pas nommé roi. II raconta quion leur avait dit de sortir du village. Tous fichés empagueterent leurs affaires et sortirent du pays. Ils passérent entre Tibati et Banyo, ef trouoerent en place les ‘autochtones de Kim dont ils apprirent Ia langue, oubliant le Mbour. Laka maria sa fille au roi de Kimi. Elle lui donna un gargon. Quer celui-ci eut grand, ils tubrent le toi de Kini et le remplacérent par teurneveu. Ce denier ita monde plusieurs garcons Apris sa ‘mort, ces fils jugerent que chaque régne devait durer sept ans pour que Fah ie regatta 10 zit tué au bout dtu optennat. Ceite convention dura jusqu’t Mbé. Le meurtre royal était perpétré par les Walé du quartier Choumouet, gardiens des criines des chefs dsfunts, et la femme du chef qui passait la nuit avec lui au jour fatidique. Les Wald pergaient un trou au mur, y passaient une corde que la femme attachait aw con du chef. Is tivaient alors et 'étranglaient *. Mbé, ‘au dernier mois de son regne, épousa sa sceur. Lorsque pint la nuit {fatidique, sa sur prt la corde et Vattacha au pied du lit. Puis elle réceilla son frére et lui évéla tout. lls sortirent par une autre porte et entrorent cans la maison des masques appelés Bédowré. Cette secur s‘appelait Foum Mechine. lis enfildrent deux masques et vers cing heures trente, sortirent de la chefferie en dansant. Beacoup les suivirent ‘Drobviendrait donele nom Tikar Pour Hagege (1969 13-14), «KAU jesigniie cen mum, non pas sors d'ici, mais sors ude de cette terre) Kimi, nom local de Bank. : ‘Dans la version du chef, que nous appelerons pour plus de commodité a version de Ngandii, est I femme elleméme qui perce le tou. ‘Dans une communication orale, le chefnous a précisé que la femme prentit a _précaution préalable enivrer la victine. 10 n BR u Les choses dela forts ‘Quand ils furent loin du village, Mbé éta le masque et s‘assit. T S‘apergut qilavatt oublié sa machette, oi son suirnom de Djousijim. Ll envoya son frére cadet Neharé tui chercher Voignon des hommes quil avait oublié. Il deoait aussi ramener leur sceur Ngousso¥ et les Jideles qui ignoraient (a fuite de Mbé. Neharé partit, mais trouon a son retour la piste brouiliée parle passage d'un troupeau d’éléphants Se voyant perdu, il traversa e fleuve Maa avec sa sceur ¢ leur suite, ¢f fonda le peuple Bamoun, tandis que Ngoussok fondait les Bansok, Etant resté longtemps sans nouvelles de son free, Mbé continua sa ‘Toute avec sa suite et Mounami, notable qui transportait les abjets Toyauce, Aut bout d’un moment, un de ses fréres vit les fruits d'un ‘arbre appelé weak. It demanda i son frere la permission de s‘arréter our que ses enfants mangent de ces fruits et reprenment leurs forces. ‘Mbé lui dit: reste 1, tu es le chef des wak, d’oit est venu le nom Monawak". Plus loin, un autre vit des fruits de bambou. Mbé lui répliqua: «reste Ta, tu es Te chef des bambous », d’ot le nom de Bouabio™. Plus loin, un autre fut attiré par un légume duu nom de Soubong, eta néme scénese répéta doit le nomde Nion-Soubong’s, Us continuérent, cherchant un campement. Ils trowodrent un emplacement que Mounami, le notable chargé des régalia, trowva favorable. ILy planta le premier unt piquet, y accrocha son sac et rentra chercher le roi. Celui-ci baptisa cet endroit Nami, c’est-i-dir le village de Mounami. C'est 1d que Mbé mourut et fut enterré, Medoubang Ii succéda, quita Nami pour Maghah. Dans ce village, beaucoup de gens furent tués par les fourmis. Il nomma ce lew Mbam Begboubak"'d'oi est venu le nom de Maghai, ce qui signife lieu des iit, car ils ewent faim et ils y mangérent beaucoup de fruits Nobaré Yon dar aversion de Nea Orthoraphié parol Ngoensok Lie agaZs, Neo os Baso Dans la version de Ngan ‘agi des fats de Vnbe ge td vitage Da hata arbre gue cu vilage do ans la version de andi sai de Mbloko ee vlog wappelle Mota Mbicko. fn fate nom bumbou diigne te phe dene le pechegeere courammetappetts bambou en raneus cameras Lite ne o0b6 Drea lenem de Mahan. “Appatemment ly aust une omission dans etext, car ete tymeloge et incomprhenabie a version de Nga it pluot aus quiterent he our Mbam Hokouaa test ce dernier endo qu signe let ds fre Histoire et mythes d'origine 19 Un jour, des chasseurs arrivévent & Naitam, village dirigé par un chef Mandjanti nominé Nyantam, Son village portait aussi son nom. Les chasseurs allerent en informer Medoubang. Quelques jours aprés, Medoubang mourut et fut enterréa Mbam Bekounndjé. Bekang prit sa place. C'est lui qu vefoignit Nyantam: 2. Nditant, Celui-ci les recut chaleurewsement et les logen. Au bout de quelques années, Bekang maria sa fille a Nyantam. Un jow, un chasseur de Nyatamt tua une pantthére. Nyatam rotit la chair e! en donna une partie rotie, mais non préparge & son beau-pére. Les Madjanti en mangerent et attrapbrent la tour. Quant & Bekang, il enleve ta peau de sa part, la prépara et l'on en mangea sans inconvénient. Nyatam voyant cela dit: «c'est mon beau-pore qui sait préparer la panthére, Celui quien tue doit Vamener chez lui». Un autre josr, deua: hommes eurent un litige et se présentérent devant Nyatam, Celui-ci, incapable de rendre justice, donna raison aucx dewx. Mais voyant le plaignant tout triste et voulant esquiver les consequences de ses actes, i! les envoya juger chez son benu-peve, Bekang punit le coupable et fut établi le méme jour juge, Ayant donc montré ax grand jour I'imcapacité de Nyatam, il fit par fui faire la guerre et lui ravit le trone. J'ai pris la liberté de corriger les fautes de grammaice et d’orthographe. ‘rai aussi réduit les camerounismes. Le chef Charles Ahmadou Ngandji IV nous a remis en plus une version ‘obtenue au musée de Yaoundé. Je n’en donnerai ici que la substance. 'V 2, Les Tikar sont partis du lac Assom jusqu’d Kébé, nom local de Bantkim. L’ainé des quatres fréres aut ont conduit la migration y est ‘mort, tué par ses gens. MBE son petit frere lui a succédé aprés une gence de Kodji. Des dissensions ont éclaté avec ses freres pour Vaccés ‘au trOne, le principal rival étant Nalco. Craignant ia mort, Mbé usa d'tn subterfuge, et sur les conseils de ses amis et alliés, un matin, il ft srtir son tabouret d'apparat et son sabre comme a Vordinair, et tandis qu‘on Vattendait, i se glia par la porte de derriére, coupa & travers les hautes herbes et gagna le ‘Mbam. Le fleuve traversé, il se dirigea vers le sud. Avant de franchir Te Mbam, il s'arréta a Djéké, ot on lu proposa a chefferie, condition qu'il tue sa mere, cause des dissensions antérieures. Il refusa et continua sa route ‘Mbé et son escorte s‘arrétdvent a Tengoussa, puis & Nao. Il s‘apercut alors qu'il avait oublié le baton sacré des chefs qui assure Ia fortune et rend les hommes prolifiques. Il fut surnomimé pour cela Djoudjé. IL Les choses de ta torét demandda dan de ses fréres nommé Nsharé d’aller le ii chercher, et 2 sa steur Ngoensok dattendre Ia le retour de V'émissaire, tandis qu'il comtinuait lui-méme sa route. Ayant attend en vain Neharé, Ngoensok reprit son chemin, s'égara, traversa le Mbam et parvint & Nook of elle se maria & Mbouensok et créa une des branches des Bamoun autrefois appelée Bamba. A Tangousse, Nsharé trouva un lac a Vendroit oit son frére avait perdu son baton, Ce lac existe & quatre kilométves de Ngambé. I revint, ainis ne retroxoa plus ni sa sceur, ni son frre, un trowpeau d'éléphants ‘ayant browilé la piste I égara, traversa le Mbam et alla fonder le royatense Baroun. ‘Mbé continua sa route vers le sud. I parvint a un arbre appelé ga. Geluivci était en fruit. Il autorisa son frére Gbatou a s'y restaurer, Celui-ci ne put le rattraper, et fonda & cet endroit Ga, devenant ‘Mbonga, le chef de Ga. Un dewxidme s‘arréta pour manger des fruits d'un autre arbre, et y fonda un village du nom des fruits, Mbioko, devenant lui-méme ‘Mbam-Mbioko. I fit étape a Mangwa et a Nami, a c6té de Nditam. Le pays était eccupé par les Medjaxtti, commandés par le chef Nyata. Cehui-ci épousa la fille de Mbé. 11 dut reconnattre rapidement la stpériorité de Mbé et se placa sous sa protection. Celui-cis’installa & Bekoandjé, «village ertouré de fossés » Lantié lui succkda, et s‘installa & Mbaka, puis a Gouandji, et enfin a Nditam. A Lentié succédérent trois de ses fils, Bekan, Ngang puis Ga. Les Medjanti quittérent Naitam sous Bekan. Apris, le powooir passa a son fils Gtoatou, et aprés lui, a Nyitchi. A Vorigine, le pouvoir royal 4 Nditam changeait de main tous les Ging ans. Cedélaiatteint, le chef mournit mystériensement @ la chasse Nyttcki, seplieme chef de Naditam,s'empara des armes avec lesquels ses prédécesseurs avaient été tués, et les jeta dans le Mbam. Pus, il Fit une amulette avec une corne d’antilope pour prolonger son régne ef épousa sa propre fille pour assurer a son charme le maximiunt defficacité. Depuis lors, les chefs de Naitam portent cette arulette, et auraient continué & commettre 'inceste royal jusqu’a trds récemsment. Nyitchi confia sa garde a sa famille maternelle. Les Fulbé soursirent Naitam sous Nyitchi qui dft leur payer tribut. ‘Tanai lui succéda, et ensuite Ba son free, ses enfns étant trop jeunes quand il Iaissa le tréne, Ba amena Islam, ayant été conuerti a cette religion quand il était & Tibati oi il avait 6té emmené comme otage. Ngandji succéda a Ba, Les fils de Ba se révolterent contre ce dernier, et sous la conduite de Moukpo, s'installérent a Ngume d’oit ils Histoire et mythes W'urigibe attaguérent Néitam. Les assaillants furent vaincus. Ngandjé tua ‘Moukpo et donna sa chair A manger aux gens de Nditam. Ayant été aidé dans cette guerre par les Vauté de Linté, il conchut avec eux sun pacte et un moutor' fut sacrifé pour sceller vette union. Les laces de guerre des deux parties furent réunies en un faisceau et brisées, et une fraternité de sang fut établie entre les deux comsmunautés. Negandji ayant vieilli, décida, pour éviter les querelles de succession, que son successeur serait le fils que portait en gestation Waka son épouse. Lienfat fut nommé Menshi. La régence fut assurée par Mala. C'est Ini que les allemands trouvérent en place. Pour certains, da régence fut assurée par Waka, et quand celle-ci fut en gésine, par Mbondji sa sceur. Menshi ta remplaca plus tard. cs -Menshi fit la guerre ux Allemands qui le vainguirent, le destturent et le remplacérent par Nounko. Celui-ci était au pouvoir a I ‘arrivée des francais. Les colonisateurs le remplacerent par Nyentché pour (faits de traite en 1919. Ce dernier fut destitué en 1933 et Nounko ‘revint nu pouvoir. Mais Menshi restait pour le peuple le vrai chef, les autres tant des usurpateurs. En 1915, 'arrivée des Anglais, Menshi voulut revenir sur le tréme, mais échoua. Il fut exiléa Foumban oit it mourut en 1928 a lage de 30 ans. Mala ramena son crane & la destitution de Nyentché. Quand Nouwnko revint, Nditam était dépeuplé, beaucoup de gens ayant suivi Menshi & Foumnban, Nounko réussit 2 en faire revenir certains. Moussa succédn & Nounko, ef eut comme successeur son frére Ntchiya et 1945. Nditam comptait alors 845 habitants. Les versions tikar de la confrontation avec les Bebi sont assez homogenes, ce qui pent s'expliquer par une tradition de cour qui a domestiqué les différents récits et les a rendus conformes A Vidéologie daminante. Elles ‘donnent cependant une indication essent elle en présentant es Tikar comme 1m peuple venu d’une zone de savane. Tl eatreen contact avec des populations d'une region périforestidre dominge par Ia mosaique forét - savane. Ils ‘conguiérent done non seulement des teres, mais des masques appartenant un milieu éologique différent, et symboliquement rattachés & ta forét, bo". 16 Leche Ngandji IV assure qu'il sagit en réalite d'un couple humsin. Chacun fut ferdu en deux. Les choses de la fre LES GENEALOGIES DYNASTIQUES ‘Voici (Tableax) en plus les différents tableawx dynastiques des chefs recutillis 4 Nditam. Ils constituent des documents précieux dans la mesure ‘ob tous les informatcurs s'en setvent pour dater les événements dans le ‘temps. I! s'agit done pour eux d'un ancrage historique essentiel. Tls nous ‘permettent par exemple de répérer la situation généalogique du fondateur de Ta cérémonie de nos mnasques & Nditam. 7 Vesion de a 7 5 gana Mbé Mbé ait Dione | Mee be Medoutang | Lantié son Gre [Lanié son fils | Lanse son fils Bac Bekangliére | Bekangifls | Medoubangiils Nedoubait | Naweton ie [Dione sn Ts Djong/tre re Newfrere Bekang/fils a ae ee Nocatee [sais | Nera “AT Foner dengue eda chanson nopon ntsodut ow encouragé la culture du palcnier ute. est un du roi Bamoun Mouombuo qui guetroye contre certaines ‘Pouple, lesquellesfuicent pour se refugier 8 Naitam. Les Mie Histoire Bamoun situent le roi Mouombuo de 1737 1814 ence ceperident que le ragne de ce monarque commence dans es termine pew avant le milieu du divrneuvieme siecle Je ations de la confrontation des données recueilies dans les de Naltam, chez les descendants des ancens chefs gui avaient iéparlesconquétesde Mbuombuo, Ceux-ci sont encore Thu avec les marques de respect dues sux monanqus, et ls danse villages origine de leurs ancttres,on reconnalt encore Ne Yun deux rtourne cher Jes sien il est trait en che, et le gine lorsconsdéré comme son fils, Yaprts les informateurs da Menbicho, agglomération habitée par des vassaux de la couronne ous le régne de ce souverain que les Foulbs imposent un rie Tikar Or,Othmane dan Fodio met en marche ses troupes Vn empire qui sera plus étenda et ducera plus que eelul de 14 1846, D'apres les mémes sources, Nyitchi se donnera Bh a moc ou alors, refusera de continer vivre posr ne pas ses Européens, gens qu'il aursit décit& ses cousins de dou d'une brutalité extraordinaire i, i & | andi‘ Tanai | Tani Butte Tena Naindos._| Najingo s Nandi fis | puree Bah Bah” Bette tandi Now Ris de Gancsi — Ganc't — [Naaman » | ensivmis | Ns Nounko 1 fois | Waka” ‘Mibonghi goaur Nabacjock® | Ngbacongrte | Nyencchésttre | Mans ‘Meachi_| Mensti Mentchitis ‘Measti fs de Nounko® — | Mentchi ® Noonko 2° fois | Meast Nanentche | Nounko/itre 7 | Moussa/neveu | Nounko/rere Naan, [yemtenairice | Nichiyatire | Nyemtntitce Nichia nko Nounto Altos _| Nouk ‘Ngan at Pe Moussaeren Main Seyeou® Se sapere Neyer Abd Nanci Nowmko gang Ghales Tablas deastiquts de Nao Hageze (1969: 14), se basant sur les données collectées par Eldridge Mobamadou, date du milieu du XVIIFsitcle la migration qui sépare les Tkat Cute wuaniver i Alemands Pre ovrrin comets is Feu end Ferune dean gene Nave quinn _ ‘Aes est etn eventaupoicen iss Dantnentene Pamir re Totem certgne ibis worse 1Sestjous en fnton SBVRRRBRRBASS des Mboum. Les Allemands sont arrivés & Neitam au ii le ct Ngambe et Maama chef de Tet sient en gue Ona Wore-Ademates Expedition de yon Kamptz atteint Ngambe le 13 avril 1899, nous rappelle David: Price (1985: 87), alors que la guerre entre les deux bélligerants fat quant ‘elle déclarée entre 1891 et 1892. Pour les gens de Nditam, ce fut le chef BY#CF mbwe qui annonga le premier 'arrivée des Blancs, Iles décrivit comme ayant une peau de poisson, des chevaux qui rampaient et des sabots la place des pieds. Il ramena du Mont Koupé, Rome camerounaise de la sorcellerie, le ‘Yase A boire qui est aujourd'hui un attribut du chef. I! fit aussi voir aux siens un chien 2 oreillles pendantes et un couteau @'importation pour leur donner une idée des nouveautés qa’ introduiraient le Blanc. Si done on est autorisé a penser, comme les dfférensrecoupements yinclinen, que ny Fe mbwé gouverne au milieu du dix-neuvitme sidcle, puisque son successeur est déja sur le tréne dans la demitre décennie du XIX sidcle et voit arriver les premiers colons allemands, on peut émettre "hypothase que son prédecesseur est sur le tréne & Fariculation du dix-huititme et du dix-neuvitme, Il y aurait donc & peu pres ‘deux cents ans que les masques que nous étudlions seraient arrivés & Nditam, ma mbwfnye, le doyen du village, m’a fourni d'autres éléments qu pemnetient d'ajouter des détails & V'itinéraire que les Tikar affirment avoir suivi. Selon lui, de Kebe, les Tikar sont arrivés & mbwém, dont le chef était aytmbwém., De i, ils ontatteint gb4 du chef nyfgba, Apres, ils ont traversé ‘un fossé ou un précipice du nom bamoun de man/'érd. C’est & cet endroit que les Tikar se seraient séparés des Bamoun et des Nso', ces detniers s‘éloignant des Bamoun a leur tour 8 ndz fmf. Cette deuxitme séparation Se déroule au moment od les Tiker sont A mbameng mundép. La, ils ont ‘raversé une rividre pour s'installer au confluent du ngogan et du ngiem, deux ruisseaux qui se jettent dans le Mbam, tandis que le chef Bamoun ‘quittait les bords du Mbam pour aller fonder Fournban®. Liun d’eux a youlu 2% Cetinfrnateur louis des ness dt hte Benoun quent snudressant de cornateravecles traditions recucilies chee conden ae guar leche Bamean ave 8 Foumban, ce ieu eta vlage eek ona Fygmee Badranginulangulilsporea lee eee Paes a ‘est mise la parler, senommant leur chef, fwémba, d’od est vena | Fournban, tom dels capa de rope nin Ochoa ee che des Pypces appa freon Ni a he ee instal © Boutabe Glare gine a a et art deus fomagenebaplcscate reenact Shauteosis tenes tale claaomeet Cee eT Si La mgt ait pas rd eso ae acme Besucoup de soongo Donen upon) eae eat aula profninet appl fe peurcereraon Becta a ee ‘ord unschena nyfhiquedgloncesmedaet eee an Mipaioumres tate ee sintaller sur le cours dung im, et le chef I'a baptisé ng iembwemons’, le chef des eaux du ag i em, Suit alors unc énamération qui recoupe les étapes entrevues dans les autres versions du mythe exposées plus haut. Cependant, Diantres éléments y apparaissent: apres Subong, ils ont traversé la Kim et trouvé sur leur chemin e village, domwé habité par les Djanti, et commands par ménci ra, Ils ont traversé un autre cours d'eau et atteint Magba, autre terre Djanti oi les fourmis (+25) piquaient les enfants, lesquels mouraient de cette morsure. Ils ont conclu Ala sorcellere, les sorciers habitant le cours, d'eau voisin, mvéndd bat anda, larividre des sorciers, et en sont partis. Fn artivant & Nditam, ils se sont installés sur es lieux de actuelle €cole privée, Le chef venu de Magba est mort. Son successeur a demandé & ses sujets de deménageretd’allers’installer& c6té d'un arbre mort (mba w35). Cet endroit était habité parles n€ndzi dont le chef Aaitmandzs, nyés té gouvernait pendant ce temps Nditam, et se faisait remarquer par sa faiblesse. Personne avait tort devant lui, personne ne payait d’amende. Tl mangeait de la panthéze. Il est arrivé que la population tue une panthére, et ce chef les a envoyés chez celui des nouveatix migrants, Les Bebi ont commencé a lui soumettre leurs différents. Les jugements distinguaient clairement les coupables, et ceux-ci devaient réparer les torts, Les jugements du prince tikar ont été bien accueillis par les parties en présence, et le brave ayée a perda son droit la panthére et& la chefferi, caren cédant cette prérogative régalienne, il se comportait en vulgaire vassal. Les Tikar ont alors pu entrer dans Naitam et se sont installés sur une petite éminence en face des deux grands Ceiba pentadra qui dominent anjourd’hui le village, &c6té d'un arbre appellé en tikar mbango (Desplarsia subericarpa’'), d’oh le nom parfois utilisé de Nditam Mbango (nde té mbango). nyést voyant cela a fui, Le nouveau chef a demandé & la population d'aller détricher Ia chefferie du fuyard, ot s'y est install. teste Ia redoutable tache de recouper le tableau dynastique et de le rediscuter. Cependant, certains informateurs comparent cette liste généalogique a celle des Bamoun en se basant sur le mythe offert ci-haut, disant que les deux dynasties marchent au méme pas, et que la lignée, & Nditam comme & Foumban, doit étre & son dix-neuvitme souverain. Ts s’appuient aussi sur ces textes pour dater l'exode des Tikar depuis leur scission du noyau Mboum. Or, les souverains de Fournban ont feté en 1994 le six centitme anniversaire de leur royaume d’aprés leurs traditions. Ce 33. Identification de Gaston Achoundiong. Cet arbre pousse dans les jeunes foret et les recrus. L'identification des especes nous fournit des précieux renseignements quant au milieu naturel iouvé en place parles nouveaux venus, parailelisme avec I"histoite bamoun ne manque pas d’intérét. Les recoupements opérés par les différentes tentatives de datation situent en effet le regne de Nsharé Yen, contemporain et frére cadet de Mbé selon les traditions orales de 1394 a 1418. U'histoire peut done se retrouver captive un redoatable jeux de miroirs. Lion pourraits'interroger quelque peu sur cette manire de collecter les données de terrain en se servant de documents écrits. Il faut préciser que les ‘Tikar mont semblé avoir un tres haut sens de leur histoire. D'un coté, i sagit d’une tracition orale qu'un vieillard, averti des déficiences de sa mémboire, a demandé a un letteé de consigner sur le papier sous sa propre dictée. D'antre'part, ce mythe fondateur guide tout la politique de Nditam dans ses rapports avec les villages voisins et les tribus considérées comme apparentées. Ce mythe est aujourd’hul investi pour justfier certaines actions politiques depuis l'avénement du moultipartisme en 1990. Enfin, le chef ‘Neandji IV, aprés avoir fourni quelques détails oraux sur ce mythe, a emis A notre équipe deux versions du texte pour plus amples informations, Les étymologies posent quelques problémes. On voit tres facilement copendant que méeié est Lié A ndorg, le préfixe nyi, nye, mye Gtant tres ‘courant pour désigner un titre de notabilité rattaché & une terre: mbwém/ ny finbwen,g65/ny [ghd mbenyEmba, mbe Gant un autre nom de Nditam, et myémbz tant le notable chargé des relations entre Ndzinga et Nditam. 11 serait donc hasardeux de se confier aux traditions qui font détiver le nom Nditam des cris des singes comme I’ont essayé certains chercheurs QUELQUES USAGES SOCIAUX DU MYTHE Le mythe, récitpotitiqne plutét qu’ historique, dessine en réalits Ia carte des relations intertcbales de la region. Ainsi, le Chef Ngandji IV nous a rév6lé qui a 6té invité par le Sultan Njimoluh Seidou, pore de actu Sultan des Bamun Mbombo Njoya pour assister dans ses derniets instants, Métait Acar, il «este grand-frére, le mythe fisantde 'ancéire des Bamoun le cadet dela branche régnante de Nditam, Au chevet dn mourant se wouvait aussi le chef des Banso, considéxé comme membre dela famille, puisque descendant de Newenso’, I sceur puinée du fondateur de la lignée royale de Naitam. Ils ont eu a intervenir lors des discussions entranges par les probllmes de succession. Ils ont confirm, & ceux qui le contestaient, que Ta volonté du souversin défunt était de voir Mbombo Njoya aecéder au trone apres lui, Cependant, il y @ une discussion intéressante entre Nditam et Bankim sur leur prééminence dans le monde tikar et leur rdle dans les rapports intra-communautaires. En effet, le trone de Bankim s'estime récipiendaire lgitime des honnenrs dis aux Tikar du fat de Iatnesse sociale rnstune ev aiyites uote de-ce peuple devant les Nso’ ot les Barman, tandis que Nditam argumente qu'il représente Ja branche ainée, régnante 4 époque de la scission, Pour le chef Charles Ahmadou Ngandji TV, son ancétre Mbé a emporté toute «la ttadition », c'est-d-dire les objets rtels et fes regalia employés & l'épogue ‘parla cour de Bankim gre la diligerce de Munami, notable de la cour de Bankim. len est!'unique légataire aujourd'hui. La chefferie de Bankim ne fonctionnerait ainsi que sur la base d'une reconstitution. C'est donc Iui Te vvéritable héritier du pouvoir chez les Tikar, dépositaire de toute Iégimité pat rapport aux autres qui ne peuvent ére considérés que comme des cadets sociaux, Bankim y compris. Cela est encore corroboré par I'interdiction faite aux héritiers de Munami de se rendre & Bankim ob ils ne seraient pas ‘en sécurité, leur ancétre ayant emporté les objets royaux, les marques de 1a Légitimité du pouvoir, et ayant 6té Vosjet d'une malédiction de la part de ceux de Bankim pour les avoir dépouillés des marques de la légitimité. En 1995, Nditam a été invité a participer en délégation cérémonielle aux festivités marquant Ie six centiéme anniversaire de la création du royaume ‘Bamoun, et Ja féte du Nguon organisée concomitamment par le tine de ‘Foumban. Ngandji IV y acétoyé les souverains de Nso” et de Bankim, et a £616 installé& cO46 de ces deux chefs etde Phot. Ce mythe fonde donc les relations entre les Tikar, les Bamoun et les ‘Nso" d'une part, et les place en rapport de filiation avec les Mboum d’ autre ‘part. Il organise surtout Ia hiérarchie politique entre les chefferies tikar, les villages autour de Neitam et ce demier.Parexemple, au sibcle demier encore, il appartenait aux Tikar d’ aller régler les querelles de voisinage intervenues centre les deux royanmes rivaux de Founban et de Banso. (On peut dire un mot rapide sur la signification dx mot Bela-Laka. Le ‘mythe en fait Ia famille régnante chez les Mbourn dont s'est détach€ le rameau tikar. D'un c6té, Frobenius (1925) montre que les Mboum ont entretenu depuis longtemps des liens avec les Laka, ce qui pourrait alimenter des spéculations sur ce mot. De l'autre, toujours pour cet avteur (1989. 154), Bellaga est le titre royal chez les Mboum et les Dourou. L'on serait done tenté de rattacher notre étymologie& cette dernitre. Il faudrait cependant autres éléments pour aboutir & une véritable certitude. LE POIDS DES ELEMENTS NATURELS [Les masques sont les choses de la fort. Or, celle-ciimprime sa préserice tout au long de notre texte de référence. On voit des fractions se détacher de la troupe en marche au fur et & mesure que l’opulence du milieu végétal impose sa séduction. On découvre ainsi combien les éléments naturels pésent sur le processus de différentiation que le mythe prétend expaser. Il Les choses de la forét est done important de f i i os oe ip foumir quelques détails sur le milieu géographique Fritsh (1970: 35-36) fait cette présentation de la plaine tikar: Laplaine se situe, en fait, la charnibre de Adamaoua orientée WSW ~ENE, et des Hautes Terres de a Dorsale camerounaise, de direction ‘SSW - NNE. Elle se présente comme un amphithéatve de 70 km de large, brés déprimé (700 a 800 mdtres), de topographie fort molle, qui se raccorde, vers Vavl, aux plateaux du Sud-Cameroun (600-700 mtres), par Ic gouttigre de la vallée du Mbam. Partout ailleurs, elle at ‘ental be ie Sowcent tr vigoureus, Elle constitue ainsi y juable bassin de convergence hrydrographigue, oi les eaux quidévalent del'hémicycle monta jc incl Selene et agen rejoignent le Mbam, principal ‘Lauteur remargue plus loin (1970: 40) i r r in ‘que la végétation est. une mosaique altemant forét et savane: = ae Laforét dense hurnide semi décidue a Sterculiaoées et Ulmacées occiy leréseau des vlles de a pline et certains versants des esarpemnts bordiers. Elle se dilate parfois en véritables massifs submergeant les interfives, mais dans ensemble, ces derniers sont le domaine des sommes pérforestidves @ Terminalia glauscescens, enrichis de quelques Aléments arbusife de VAdamuoua. La forét dense est sérieusement defrichée par lesagriculteurs(..), mais niontre une tendance nette @ la reconquéte des savanes périforestitres, reconquéte marquée par le développement, sur les marges, de vigoureux recrus forestiers Limbrication de deuce types de végétation aussi différents que Ia forét dense et les saoanes périforestires, le dynamsisme présent de ta forét sennblent indiquer que le paysage actuel n’est pas réllement climatique, ‘mais résulte de variations climatiques plus ou moins proches. Test done clair que les deux paysages alternent, et que la In savane. Schwartz (1992) donne une cartane ide de ce manne Smettant Vhypothése dun asstchement climatique vers 3.000 BP, & Holocene supérieur. La forét connait un repli a cette époque. La savane gagne lespace perdu. Il a été prouvé que certaines fordts résultent d'un reboisement rapide. Les nombreuses savanes incluses d'origine paléoclimatique apportent un autre témoignage. Le probleme n'est pas spécifigue la zone tar ov au Cameroun, puisqu le Congo, le Zale ot le Gabon fournissent aussi des éléments renforgant cette hypothése, Histoire et myihes d'origine a La culture tikar& travers ses mythes, donne une idée du miliew naturel et 4e la perception qu'en ont ceux qui ont élaboré ces récits. Considérons ‘abord les données démographiques: ss meurtres royaux & Kimi sont justifiés par le fait que les prétendants au tréne sont nombreux, et qu'il faut satisfaire le désir de chacun de devenir roi. Si les tensions semblent constamment attisées par la convoitise inspirée par l'accts au pouvoir ‘supréme chez les Tikar comme j’essayerai de le contirmer plus loin, cette justification serait cependant une rationalisation tardive. En effet, Leo Frobenius (1987 : passim, et surtout 153-155) montre bien que le meurtre royal a la fin d'un septennat est couramment pratique par les sociétés du Nord-Cameroun, et notamment les Mboum dont les Tikar se disent descendre. D'un c6té, mes propres analyses (1992) m’ont amené a la conclusion, &lasuite de nombreux autres anthropologues, que cela provient du fait que le corps du roi est idemtifié & son territoire, et que son affaiblissement physique correspondrcit alors & une récession de son royaume, raison pour laquelle il doit tre élimin€ afin de préserver le pays tout entier d'une décadence. D'autre part, cela ne erée aucun probleme ‘majeur pour les cultures de époque, leo’ étant destin, dans leurs religions, ‘se réincarner dans le corps d'un nouveau né, Frobenius lie cela aux cultes agraires, la particularité de la plante étant de renaftre de sa propre mort, Ces regles suecessorales sont & Ja base de la fragmentation qui poussera un ramequ de ces Mbourn migrants se détacher. A cette étape, ils appartiennent encore A la méme branche que les Bamoun et les Nso’. ‘Ty a ensuite le passage des éléphants, Coux-ci brouillent la piste, effagant les traces lnissées par les cohortes en marche, ce qui erapéche l'ancétre des ‘Bamoun de les retrouver. Un nouveau bourgeon Slot done de la tige, qui donnera deux autres ramifications, celles des Bamoun et des Nso’, ces demiers étant en position de neveux utérins par rapport aux deux autres, On remarque ici le symbolisme des cours d'eau. Les Tikar disent qu'ils ‘ont eu & longer les cours de la Kim et du Mbam. Coux-ci jouent un role de frontitre, et la scission devient définitivea partic du moment oit les ancétres des Nso’ et des Bamoun traversent ces fleuves. Il sagit en réalité d’un phénoméne que nous avons en & étudier 1992) chez les peuples voisins des bords de ta Sanaga et du Mbam & travers leurs mythes, leur organisation politique et leur distribution teritoriale. La situation liminale du cours d’eau est consacrée darts les usages et les classifications, de méme que dans les représentations magico-religieuses, Leur apparition dans le mythe participe d'une image commune. En effet, chacu des héros détaché du tronc originel ‘a marqué ce passage pat le franchissemert du fleuve, iV’on suit a deuxiéme ‘ersion de notre mythe, on se rend facilement compte que ces traversées défient toute logique par rapport & la géographie actuelle du peuplement. Les bhoses de Ia fore ‘Mbé en effet traverse une premitre fois, et les ancétres des Bamoun et des Noo’, selon le mythe, reviennent sur ses pas, 1y a enfin les plantes et les autres animaux. On pourrait aussi conclure ici quill s’agit de rationalisation dissimulant des processus de conquéte et 4assimilation. Il faudrait cependant affiner un pen plus ces données pour obtenir une certitade. L’archéologie et la paléontologie pourraient en effet apporter un concours précieux. On a pu remarquer, dans des recteils antérieurs de récits de migrations, que ceite assimilation d'un lieu-dit & un Elément naturel avec Jequel les migrants auraient établi un rapport uelconque se rapporte souvent a une étymologie secondaire inspirée parle ‘mot. Le toponyme crée une racine adventice au lieu d’en résulter. importe done de tester extrémement citconspect A cet égard. Les rapports avec les plantes et les animaux sont les suivants: Pour Magbah, on a ngbogbak, baghaghak au pluriel, les fourmis, et mba, lage; mba beghegbak donc, village od il y a beaucoup de fourmis. Ce (ype de fourmis vit dans les palmiers et les régimes de noix de palmes, le palmier lui-méme signalant un habitat forestier ou pétiforestie. Ence qui concerne Bokouandjé, on aI’étymologie suivante : babovendes, liane qui produit des fruits, On ls trouve en forét et en savane. Je ne V'ai pas encore identifige. Cos données prouvent d’ailleurs que Magbah est bien le village des fourmis, et Bokouandjé celui des frvits. La premiére version du ‘ythe contient done une omission, sfirement une défallance de Pinformateur ou de son interpréte et tanscripteur. Dans la deuxiéme variante, ce nom Tenvoie a un « village entouré de fossés ». Cependant, les bakwendzé ne se ‘Tecomnaissent pas comme des Tikar originellement. Ily aurit done ex un phénoméne d’ assimilation. Ceci mérite d’étre mieux précisé, Soubong quanta lui vient de sub, plante potagére plus connue sous le ‘nom de f5159 (Amaraniacea) chez les Beti, et qui, selon les informateurs, ‘Pousse plus en savane et dans les zones de forét largement défrichées, Tai réussi aussi obtenir 'étymologie de Mambioko. Elle aide & éclairer “tn aspect du mythe fondateur dans Ia mesure oD existait une incertitude ddan Tidentificatien des fieux, tant dans la version de Mondé Soulé que dang celle de Ngandji. J'ai déja traduit pins haut le mot village par mba, ‘Lon ma aussi doané celui de mb, qui signifie noix de palme, fruit da _Fephia, Ce mot est le méme en manguissa. ILy a enfin lov, le raphia (Raphia vinifera, aracacées). L’ expression dans son intégralité se dit done mba mbi “fo, deyerm mambisks, village des fruits du raphia. Il est gouverné par fimb 3k, le prince des fruits du raphia. La plupart des esptces végétales recensées & travers les différentes raditions scmblentindiquer une migration & travers un couvert forestier ou interimédiaire, ‘ou encore des recrues de forét. Il y a donc quelques indices Hostone ef mytnes arongie d'un changement de milieu, et d'une évolution de celui-ci. L’on peut ainsi ‘comprendre le geste des nouveaux suzerains, venus de la savane et sfemparant d'un élément culturel rataché & la forét et congu comme une possible force dintecmédiation, nos masques en l'oceurrence. INVESTISSEMENT POLITIQUE DES ELEMENTS NATURELS ‘Le mythe présente une constante. Tous ceux qui se laissent marquer par Ja nature semblent perdre quelque choss sur I'échelle sociale, Le processus de diversification ethnique s'sccompagne ainsi de l'apparition d'une hiérarchie régionale et sub-régionale. Par la proclamation de son ainesse, Naitam revendique une certaine préséance sur Fournban et Nso, bien que ‘ees royaumes soient politiquement plus puissants, Ces cadets n’ont pa ‘accompli la jonction avec les Tikar cause des éléphants. En plus, lemythe suggtre I origine de la puissance politique, économique et démographique des Bamoun, Le chef fayard avait oublié ses armes et une liliacée donnant la fécondité, ou comme dans la deuxitme version, la canne sacrée qui rend Jes hommes prolifiqaes et assure la fortane des chefs. Ila envoyé son petit frére les chetcher. Celui-ci les @ done avec Ini lorsqu’il traverse le Mbam. Le premier texte a baptisé cet atribat royal «I'oignon des hommes». Le chef Ngandji VI, dans une communication orale, a précisé qu'il s'agissait ‘une liliacée dont la possession, liée a un culte, rend fertile, et surtout, favorise la naissance des gargons. Les Bamoun sont donc nombreux et ‘puissants & cause de ce rmalencontreux oubli, : Quant aux villages voisins, ils ont été fondés par des princes déchus pour n’avoir pas su contréler leurs pulsions orales, eur faim devant lattrait "une nourriture naturelle, par ailleurs peu appétissante. I1s'agit done d'un processus de dégradation, La conquéte des masques sera alors comprise ‘eornme une mesure Visant & conjurer une parcille décadence, car on se rend bien compte que la troupe en fuite subit la dictature de 1a nature. La plante cou |'animal s"imposent homme, le courbent devant lears eaprices, Parla faim ou la destruction des indices, la rature modéle le cours de "Histoire, tronconnant le peuple en exode, fagonnantI’bistoire régionale, créant 2 partir de la branche originelle plusieurs groupes. Un pareil mythe permet de comprendre importance politique de Ia conquéte d'un élément offrant une relation Ja nature plus avantageuse. Le danger d'un tel démembrement, tune catastrophe pour un souverain, peut ainsi ire conjure, TL est aussi clair, dans un autre registre, que le mythe introduit une assimilation, un processus "unification en faisant apparaitre dans V'arbre énéalogique royal des branches qui ne sont au mniewx que des greffons ou du gui Les choses de la fore En méme temps, le récit se présente tel qu’il estréellement, c'est-d-dire ‘un mythe dynastique destiné & fonder la supériorité de la familie royale et de la chefferie de Naitam sur toutes les autres, puisque toutes les branches ‘qui semblent s'en étre détachées n'ont pu ramifier que par un processus de récession. Les seuls tn'avoir subi niles caprices des éléphants, ni la dictature d'un estomac affamé, et & avoir mérité leur situation acmelle parleur bravoure et leur sagesse sont les Tikar de Nditam et la famille régnante. A.cet égard,le mythe masque mieux qu'il n'éclaire, ce qui est aussi une de ses fonctiors organiques parce qu’il est an service de I'idéologie des lasses dominantes, ici la famille royale. Iai pu recueillir quelques données 4 Mambioko qui éclairent & contre-jour les mécanismes idéologiques en eure dans notre mythe, Ni les Bekwendié, niles habitants de Mambioko ne sont des Tikar. Les versions tikar ne peuvent en effet prétendre & ’objectivité, le mythe ayant 616 mis au service du tréne. On remarque cependant la tendance & appropriation des généalogies et & I'unification des origines en oeuvre dans ces textes. Elle semble inspirée par une entreprise de reconstruction culturelle et poitique fournissant une explication sur l'accaparemment de masques étrangers A T'origine. Seule une revue des mythes des groupes autochtones, nombreux et variés, permet de contraster les données. Lest copendant clair & ce nivean que les Tikar viennent des savanes situées dans des régions pls septentrionales et que la forét constitue pour eax un phénoméne nouveau auquel il a fallu s'adapter. Cette adaptation s’est faite dans le cade d'une confrontatiopn avec les sociétés autochtones ‘comme le monte le chapitre suivant. Chapitre 2 TRADITIONS MBI J'ai montré qu'il y a plusieurs couches de peuplement en présence Nitam, L origine des masques singularise particulitrement les rapports entre les Princes tiker, descendant de migrants, et les Bebi, présentés comme des autochtones trouvés en place par les premiers, et subjugués par eux comme le montre I’épisode du chef nyEeté. Je pose ici & Penvers les questions qui ‘ont servi diseuter ’attrait éprouvé pat les princes pour les masques afin de comprendre pourquoi les Bebi ont cédé ces masques et comment cela s'est passé. P'espére ainsi obtenir un contraste susceptible de préciser les contours dé ce phénoméne de diffision et de son contexte culturel et politique. CONFRONTATIONS ENTRE AUTOCHTONES ET MIGRANTS Certaines sources précisent en effet les rapports d’autochtonie, qui ne sont pas sans-conséquence sur la discussion sur le peuplement de Nditam, Elles remettent particuli@rementen question toutes ces véritéslimpidement Gtablies par les mythes cités plus haut, et candidement acceptées par plus un chercheut. Pai rencontré le 22 octobre 1994 madame Bernadette Nke, présentée comme la petite fille de celui qui avait le terrain sur lequel a été bati Nditam, Elle nous précise que quand les Tikar sont arrivés 4 Nditam, ils ont trouvé, comme le dit le mythe, un chef sur place appellé ny été (Comme ilne savait pas rendre la justice avec 6quits, ses gens se sont adressés au chef des Tikar pour les départager. Celui-ci a réussi a ramener la paix, & leur grande joie. Le souverain indigine, trouble, s'est retié, ny€eté avait deux fils, nlumpe etnddzwé, ce qui signifie prend le reste de tes enfants et améne les au loin parce que la guerre nous massacre. Ces patronymes fournissent I'une des senles évocations d'une possible guerre = Les choses de la forét entre les autochtones et Jes nouveaux arrivants que j’aie recueillies. IIs ‘contredisent d'ailleurs l'histoire de madame Nke, laquelle semble calquée sur le moule des versions de Ja classe dominante. On verra plus loin des ‘ariantes qui insistent sur la peur et les tensions provoquées par I'appatition de cette nouyele population. Ces noms seraient en réalité des titres, le euxitme étant porté par un chef de quartier de Ndzinga, celui aqui le chet Tikar remet un poulet en fin d'année en reconnaissance du don de la tere. En réalité, ce poulet aurait dd @ure partagé par tous, mais les autres notables Vavaient boudé en estimant qu'un poulet était trop modeste comme reconnaissance du don de la terre. nédewé I'a donc ramass6, instituant par ‘ce geste un privilege pour ses enfants, le don ayant été institationnalisé et se répétant périodiquement. ade inga est un bameau & quelques kilométres au Sud de Nditam., Il est habité par des Bebi, que beaucoup appellent Balom. I est patticulidrement intéressantde s'ettarder Sur le destin de ce groupe, car est Ini qui possédait originellement les masques qui deviendront plus tard ceux des princes de ‘Naitam, Les enquétes montrent que les Bebi se disent différents des Balom et ne parlent pas la méme langue que ces derniers. Ils s'assimilent plutot aux Fa’ de l'autre cété du Mbam, et leur langue est tr8s proche du Fa’, @’aprts les premiers recoupements amorcés par l'approche linguistique ‘menée en collaboration avec Julienne Ancko. * Aud Mamié, vieillard de Nditam, Mbi (singulier de Bebi) originaire de ‘Nazinga m'abien précisé (1/8/1995) d’ ailleurs qu’ils sont plus proches des Bafia que des Balom, et qu’ils parlent Fa’. Il ajoute que le nom bakwendzé, Balomen tikar de Nditam, dont on les affuble leur vient justement de leurs voisins tikar, Un autre informateur précisera que ce fut & la suite d'une uérelle qui vit Ia rupture de I’alfance les liant aux Tika. Les bokwendzé, selon Thomas Monkpo (2/8/1995), seraient des Balom soumis par le chet Bamoun Nsangou, et que ce dernier a foreés & parler Bamoun, Ce nom leur futattribué comme un terme de mépris, pour leur signifier qu’ils étaient des gens venus d'ailleurs, de loin, et non des autochiones comme ils avaient été considérés jusqu’alors. J'y reviendrai plus loin. Nditam n’est donc pas au départ, comme semblent le dite certains, une terre balom ou djanti, mais bien celle des Beti, que ceux-ci auraient partagée avec les Belantse, identifiés plus loin comme étant des Babong. 34 Mademoiselle Anoko, & époque étudiante 3 Vuniversité de Yaoundé 1, a assisté (out au long de cette recherche. Elle est la premitre & mavoir fait remarquer la Froximité ela langue Mbi avec le Bafla, ‘Traditions Mbi a lest cependamt intéressant de noter que ces Bebi se décriventewx-mémes: comme des migrants, leurs références ethniques les rattachant & un groupe situé au-dela du fleuve Mbam qu’ils disent avoir traversé a une certaine Epoque. Is n’en demeurent pas moins qu’ils se présentent aujourd'hui, face A V’elément dit tikar, comme des autochtones, les maitres de la terre LE DROIT DU SOL ‘Tous les informateurs parlentjusqu’ici d'un effacement quasi volontaire de myée t€, Ce fut en réalité une fuite. Le terrain de Nditam, d’aprés Madame ‘Nke, appartient aux descendants de nkumpe et nddew , et cela est manifesté pat le cog rouge que le chef leur reraet le jour de son accession an tréne, apres les sept jours de reclusion ritmelle. S'il ne s'acquitte pas de cette prestation, son régne ne sera pas bon car il aura ignoré le droit du sol. Bien que dominée, cette fraction du peuplsment garde done un certain pouvoir, manifesté exclusivement sur le plan symbolique. Cependant, pour Audu Mamfé, ceux qui pergoivent le poulet rouge et le poulet blanc, soit ne sont pas des Bebi, soit appartiendraient & une autre famille que celle de Ndzinga. ‘Ce sont des descendants de Temete, gens de Ntse qui se seraient sEparés des Bebi pour aller vivre ailleurs. Tous s’inclinaient cependant devant I'autocité de nyéeré méeté en quittant a iaissé derriére lui ses deux enfants. Le premier n'aev qu‘une fille, morte sans laisser de postérité, et Madame Nke reste la seule descendante du second. Les siens ont 66 massacrés lors des _guerres. Son pére état P unique rescapé de cette branche. Elle est la demniére de la lignée, Elle porte au bras le bracelet de notabilité de son pére, et elle ‘pense que son droit au sol ne finira jamais. Elle affirme que les Pygmées sont entrés en contact avec les Tikar de Nditam aprés le départ de myéeté. Cela s'est fait sous le chef myc mbv, qui fut le premier souverain & les rencontrer. Le tegne de ce roi sintercale entre celui de ngber6, Ie fondateur des masques que nous avons situé entre la fin da dix-huitidme sigcle et le début du dix-neuvitme, et celui de tind qui vit arriver les Allemands et installer la colonisation, On peut denc le placer au milieu du siecle. ‘Onsse rend compte ici que 'affirmation du droit au sol est plus un élément politique dans les jeux de pouvoirs de la société tikar qu’un fait historique. Les Bebi se donnentun certain contrdle sur le rime de Nditam, susceptible, ‘quand il est ignoré, de comprometire le sort du royaume. Ce pouvoirne leur confére aucun moyen d'action, mais s'exprime sur le plan essentiellement négatif: il empéche tout épanouissement, attachant V’échec au tréne de Nditarn quand leurs droits ne sont pas reconnus. ‘Un autre pisode de cette arivée des Tikar est raconté parte descendante de Temete. Celui-ci aurait gouvemé une chefferie située au nord de Nditam, il Les choses de Is forét alors que myéeté avait la partie sud, Les Princes Tikar, en acrivant, auraient acquis le droit au sol chez lui en échange d'un coq blanc. Avant leur installation, Temete a convoqué les siens et leur a demandé s'il devait préparer la guerre ott accueillir pacifiqueiment les nouveaux venus. Des sources concordantes présentent Temete se portant au devant des nouveaux ‘venus avec des intentions belliqueuses, Seulement, leur nombre l'intimide, Tui et les siens, et, interrogé sur ses intentions, il répond qu’il est venu nettoyer le chemin pour accueilliles étrangers. Joignant le geste & Ia parole, il se met & applatic devant leurs pieds des touffes d'Imperata cylindrica. I a offert du vin aux nouveanx vers et a demandé qu’ils se reposent. D'apriés cette informatrice, le chef tikar a considéré que Temete était désormais son ami, et devait lui offtir régulidrement des cadeaux, Ila aussi i6 que sept enfants de Temete portent des noms différents de ceux qu'on leur avait donnés a la naissance. Par reconnaissance pour le terrain offert,ce chef a eis un cog blanc Temete, Depuis lors, quand on intronise un chef, on offre un coq blanc aux descendants de Temmete. Ces demiers brisent la cl6ture construite autour de la chefferie a cette occasion. Le rituel de I'intrénisation reprend done en quelque sorte celui de la prise de pouvoir par les Tikar. Les autochtones acceptent leur suzeraineté cet en reconnaissance, les nouvaux mattres leur offrent un coq blane et un cog rouge. Ce cadeau a bien peu de valeur par rapport & ce qui est recu en échange. Il refléte toutefois les rapports de pouvoir. Le prince conquérant impose aux autocktones un tribut et méme de nouveaux noms, ce qui signale ‘une politique d’ assimilation et de dépersonnalisation, Le village de Temcte ‘appelait Nise. Les habitants de Ntso sont hissés au rang de bwé nce, nevewx de chef, Ladsmolition de la cléture peut-6reinterprétée ici de plusieurs manitres: @abord, elle cave au nouvel oint I'acces & la chefferie, visualisant par 1a {que ce powvoir lui est donné, ou mieux, o€dé par les autochtones. Elle peut aussi se voir comme l'exercice, la démonstration en méme temps que la reconnaissance par les instances gouvernantes, du pouvoir d’empécher atribué aux premiers occupants du Tie. Sans leur intervention en effet, Vaccds a lacheffere reste entravé, Obstacle bien dérisoire devant un individu ‘cherchant le pouvoir & tout prix. Le bousculer Oterait cependant la légitimité ‘au gouvernant qui s'y hasarderait, et l'on verra plus loin que les regles aces au tréne donnent au quartier Bwongwo, habité par des princes exclus de Ia compétion pour le pouvoir supréme, le moyen, notamment avec le notable népd6, acministrateur du masque ngwé, Ie moyen dexécuter les uusurpateurs. ‘Une autre source vient confirmer la précédente on y ajoutant des détails Les premiers habitants de Nditam, selon celle-ci, auraient été les Nyamble, ‘Traditions Mbi 7 A ne pas confondre avec les Mble dont fiw adzfdza, d’ascendance ‘Nyamble ne reconnait pas la parenté. Ces demiers habitaient la montagne de Yassem Iis ont vendu la montagne aux Yassem pour un coq blanc, échange attribué aTemete qui cherchait un reméde pour guérir sa ferame de la lepre, ‘avant de migrer pour Nditam. Ils avaient une chefferie, et econnaissaient Tautorité de nyéeté Ce sont ces Nyamble qui auraient aplati la savane devant Jes nouveaux venus qu’ étaient alors les Tikar, ce qui leur vaut 'honneur de ‘démolir la cl6ture de la chefferie lors de I'accession d'un chef au tréne, et un présent constitué de sept noix de colas, un poulet blanc et une dame- jeanne de vin, Ces Nyamble ne sont plus nombreux, cat ils ont été extermings parla maladie. Leur ancien village est Ntse, dont il ne reste plus qu'un seu! ‘homme, Les maladies qui ont été citées sont la lepre, le pian”, le paludisme. Selon cette informattice, il y avait a Nditam 40 membres de ce groupe, qui cont été massacrés par la maladie. Il se sont réve1és trés fragiles,et beaucoup ontétéfrappés de mort brusque. Ils avaientune langue différente, bien proche cependant, d’aprés elle, du tikar d’anjourd'hui, Ainsi done, leur notable s’appelle Temete, et devrait habiter Nise, L’actuel héritier du ttre a peur de Yendosser, car il croit qu’il mourra avant deux ans s'il ose. On trouve Ia un élément linguistique dont l"importance peut se révéler capitale. Les habitants de Ntse n’étaient pas des Bebi, selon Thomas Monkpo (2/ 8/1995). Temete était cependant noteble de nye, tout comme nkunpa, ce demier étant par contre Mbi et habitant le lieu cultivé avjourd"hui par la princesse Charlotte Mundoh Tedzoko au Sud du village. Quand il y avait des étrangers, nyéet¢ faisait venir ces deux personages pour les accueillir, ct il fit de méme quand apparurent les Tikar. Cet informateur reprend épisode des autochtones subjugués par le nombre des nouveaux venus, qui Iaissent lenrs armes et aplatissent les herbes sous les pieds de leurs dgsormais suzerains. Mais, au poulet blanc remis aux gens de Temete, il ajoute un autre, noir, remis & ceux denkupa Il nous reste & vérifier auprés de la chefferie ordre et le nombre exact de ces présents, ainsi que les responsables auxquels ils sont offerts et la raison de ce geste ‘Mon informatrice m’a donné des éléments d’économie: ils caltivaient Je mil et le mais, et élevaient des poules et des moutons. Ils connaissaient trois espces d’ignames sauvages, dont le sage, Trés amére, cette igname ait mise &rouir dans 'ean pendant éeux jonrs avant de devenircomestible, Ts connaissaient aussi le nsag, qu'ils consommaient & la maniére des Pygmées, Selon ele, le gomibo, es courges et le manioe sont introduction récente, ainsi que les manguiers, car ils ne connaissaient que le mango 35. Cette forme de syphilis reste plus cu moins endémique dans la zone. Les choses de ta fot (Irvingia gabonensis)*. D’apr’s Philippe Menchie (10/08/1995), les premiéres ignames cultivées ont 66 introduites par une femme banen du nom de ny fin, épouse d’un habitant du quartier tar€ du nom de ramo9, entre 1930 et 1940. TI prend cette référence & partir du moment oi il fut inscrit &1"école, événement survenu en 1945-1946. Cependant, le nom de ny fen semble étre sn tite et non un nom, et serait rattaché & celui d'un village Nyokon enitre Ndikinimeki et Makenene. Les habitants du quartier ‘Domenchie se disent eux-mémes originaires de ce village. Le papayer, penba, sera ramené d'une guerre tribale par un prince de Ba. Ces détails agricoles sont intéressants, car livrant des témoignages sur les paysages de cette 6poque. LA NOUVELLE SITUATION DES AUTOCHTONES ‘Le massacre subi par les autochtones nous donne & refléchit. Bien sir, selon notre informatrice, les princes leur Iaissérent le privilege du portage sous Ia colonisation, et d'autres sources confirment que les chantiers coloniaux furent pour les 359°. D’autre par, a traite entranée par le tribut A payeranx suzérains Foulb, de méme que les appetits commerciaux qu'elle suscita, et qui restdvent vivaces sous des souverains comme Nyentché et Nunko sous le régime francais, leurs réservérent de bien redoutables priviléges, Nombre de personnes ont retrouvé des membres de leur famille qui & Banyo, qui Tibat, parfois mutilés parce qu’on leur avait sectionné les tendons pour les empécher de fuir. Cependant, il semble qu’un nombre relativerent important a survécu & ces malheurs, et que Jes épidémies et autres maladies ont beaucoup plus contribué & leur extinction. ‘Nous avons pu retrouver un dernier survivant de cette couche de population, monsieur Moti Joseph, fw énea selon son titre de notable, c'est- adie prince de Ntse. Ila hérité de ce titre qui a 616 porté avant lui par son grand: pre, son pereet son frére. Toute sa famille est morte, selon un schéma désormais commun. Ila attribué ces décés aux conditions de santé précaires, agent étant un mal de poitrine qui raidissait le malade avant de l'achover. Parmi tes autres notebles de Nise, on pouvait compter, en dehors de fivnca deenghe, gandi, réngbo iden, mondzf&, neberd fe. Cot informateur vient ajouter du fil @ un écheveau déja passablement embrouillé. Selon lui, ils sont des Tikar venus de Bankim avant les princes. Ils auraient fui une guerre LB-bas, ayant habité les alentours de la localité de Bankim avant cette 36 Arbre de forét, 37 Les esclaves, en fait les roturiers ‘Traditions Mes migration. La guerre aurait été contre les Foulbés qu'ils appellent, selon tune habitude commune au Sud Cameroun, Haoussa. Quand ils sont arrives dans la ségion de Naitam, ils ont trouvé des teres libres, le souverain de Yrendroit s*appelant nyéefé. Tis ont conm avec ce demier une cohabitation sans histoire. Ils eurent cependant & combattre contre les Osananga et les Balom (Bebi?). Leur migration appartent & une vague différente de celle es princes actuels de Nditam. Ceux-ci ies ont trouvés déja en place. Leurs intentions étaient belfiqueuses. Ils ont leur tour pris les armes derive leur chef, appelé Temete. ls étaient armés de sugaies, mais aussi d'arcs et de fleches, ainsi que de boucliers en peau de buffle, ndzié ngag. Cependant, Jorsqu’ils ont réalisé a force de Tennemi, ils ont Jaissé leurs armes et se sont mis & appar les herbes de la savane (Imperata cylindrica) devant les nouveaux arrivés pour leur démontrerlenrs bonnes intentions, et méme leur soumission. Cela Jeur a valu Je sumom de bwéndGenk!s, les enfants qui applatissent les herbes. Leur vrai nom ast cependant celui de balncs, les gens de Nise, Cet informateue rartache'¢ rte d'intronisation & cet épisode. Quand un nouveau chef est désigné, Temete le prend par la main pour fe faire entrer & ndénsé, le quartier royal. Il renverse fa barritre qui el6t la chefferie, et ce geste accompli, se couche par terre, sur le c6té. C'est la prosternation emphatique classique devant le ro. En éehange, on fui office tun coq et du vin, mba be, calebasse de vin de palme ou de bitre de mais. 1) le boit avec les siens, De leur culture originelle, il ne leur reste plus que le masque bakay, c&lébré pout se propitir les ancétres ou lors de certaines cérémonies. Notre informateur en es leresponsable. Cependant, cela faisit cing ans que ce masque n’éait sort lors de notre interview (9/2/1995). Une fois de plus, la maladie semble avoir un impact tz8s eruel sur Ie peuplement et la démographie de Ia région. Que dire de cette couche de ‘peuplement ? Onesttenté de penser & unphénoméned’agglutinance, Bankim Grant un liew cité comme origine des grands peuples de la région : Tikar, Bamoun, Nso’. On peut aussi se demunder si ces popolations sont des Tikar, mais d'une vague différente, des Nyamble ou des Bebi. Cependant, leur langue, qui rappelle le tikar actuel, est différente de celle des Bebi, et plaiderait done pour une couche qui serait une avant-garde de ceux qui viennent prendre le pouvoir aprés, Manbbuinye, le doyen du village, assimile les deux, Tse confirme ici que la notion d’eutochtone serait plus une idéologie «qu'une réalit, puisque des populations qui revendiquent une origine sirilaire ‘celle des princes soot lassées parmi ls autochtones. En plus, ils regoivent ‘un traitement identique de Ja couronne de Nditam. Chaque groupe préseaté comme aborigne regoit un poulet. Seule dffére la couleur de I’oiseau, élément de classification permettant de distinguer les groupes les uns des 40 Les choses de la fore autres, On retrouved’ ailleurs dans cet ordonnancement la gamme classique des socités negro-africaines: le blanc, Je noir et Ie rouge. On est donc autochtone par rapport & un nouveau. venu et non pas par rapport & soi- meme. On stimerroge alors sur ce pouvoir aussi important qu’artificiel. Les Premiers occupantsde la terre de Nditam semblent Ie jouet des événements, Lesclavage, les travaux foreés, la maladie et la mort sont leurs privildges. Ils sont en voie d'extinction et ne peuvent représenter un contrepoids ‘important devant I’autorité des Tikar. En plus, leur sort n’émeut personne et Je trone ne leur épargne ni les vexations, ni les brimades, Leeffacement du chef autochtone mérite aussi qu'on y revienne, car la confrontation des sources nous permet de limiter ’aire du mythe. Tomas Monkpo (2/8/1995) nous dessine un tableau différent de cclui des récits offerts pat la chefferie de Nditam. Cet informateur est lui-miéme prince de Nyiuwe, mais il a grandi chez les Bebi, ses oncles maternels. Le chef Nycntché était son oncle. Il atrapait les poulets devant la porte de son pere, ‘cequi veut dire queson pre était considéré comme le frére de Ia mére de ce dernier, dont on seit que In mére venait de Nézinga. Le pire de notre informateus, & Ja suite d'une quérelle avec les siens, était parti s"installer & Nozinga. Pour monsieur Monkpo, les Bebi étaient moins nombreux que les Tika. ‘Quand le chef de ces demiers les a rencontrés, il a donné sa fille en mariage leur chef nyéens. Cependant, ce demier était d&jA vieux, et n'arivait pas & imposer & cette jeune récalcitrante ni les devoirs conjugaux, niles taches et kes obligations d'une épouse. Un jour, il I'a battue, et le fait a été rapporté au chef Tikar. nyét€ avait déja remarqué les intentions belliqueuses du chef tikar et la faclité avec laquelle celui-ci tuait les siens. Tl était done subjugué et s'est replié, uittant Nditam par pear des représailles dun pére sanguinaire courroucé par la bastonnade infligée & son enfant. Les Tikar ont donc pris son pouvoir. Pour Monkpo, il s’agissait du chef Mbé, dont nous savons par ailleurs, d'aprés les généalogies, qu'il n'a pas atteint Nditam, ant mort et ayant été enterré & Nami, o3 sa tombe est encore connue, Mais les autres informateurs non tikar disent que Mbé fut celui qui arracha le pouvoir a nyéerg, Nous sommes done devant plusieurs hypotheses: soit ce ‘contact se déroule hors de Naitam, et les Bebi contrélent & cette époque un territoire plus large qu’aujourd’hui, soit il y a agglutinance autour du nom de Mbé, plus céltbre que ses suecesseurs pour avoir conduit a migration & pactir de Bankim. D'autres sources peuvent nous aider & y voir clair, notamment les témoignages des Bebi “Traditions Mi ar LES RELATIONS ENTRE TIKAR ET BEBI Les habitants de Ndzinga par exemple sont traditionnellement considérés comme des mandzara, c'est-d-dire des alliés, au méme titre que les Vout. Les princes sont les alliés des Bebi parce que ceux-ci leur ont donné Ia terre, L’on nous a décrit comment fut scellé l'alliance avec les Vouté. Le ‘chef Tikar, nous ne savons pas encore lequel, avait pris le fils ainé de son notable Miuwé, nom porté par les notables de Nyiuwwe, et l'avait sacrifié. Ce fils s'appelait Ngbatu Miuw6, Ce nor n’a aucune valeur historique, car ‘Neatu est toujours le fils ainé d’un notable ou du chef. Cette alliance devait instanrer des rapports suivis entre deux populations qui s’étaient fuies Jusqu’alors, selon Audu Mamie. ‘Nazinga est divisé en phusieurs quatiers, configs & différents notables. Le premier notable de Ndzinga s'appelle ayémba. Le quartier nata est eonfié A ndéménté, mbwé & mémbongban, ndz6k & moagondzék, 10856 & 19510858, masnpo & fuywémadmpo, Cette population serait originaire de autre rive du Mbam et aurait traversé Ie fleuve, ce qui confirme ce que nous savions dja. Audu Mamfe précise que seule une famille ateaversé, celle de my «tg. Elle s'est installée dans Ja région qui était alors couverte par la savane. Les Tikar sont venus Jes trouver surplace et ont signé avec eux des pactes dalliance, Ceux-ci ont &6 scellés par des échanges de femmes Par la suite, selon Audu Mant, ils leur ont pris leurs masques, ceux du ngegay en particulier, la preuve en tant que les chants rituels qui accompagnent cette cérémonie sont en mbi {singulier de bebi), Les Bebi ont maintenant autres masques qui ne sortent que la nuit, et ne peuvent plus utiliser les mfmes que ceux qu'on leur @ enlevés, cela devant étre yu comme «une concurrence, selon le mot de notre informateur. Peut-étre doit-on traduire cette expression par défi, venant de la part d'un vassal, On voit ainsi une Source mbi confirmer ’hypothése d'un accaparement des masques par V’élément tikar. Les informations recueillies chez les Bebi permettent de muancer les données fournies par les Tikar sur les contacts avec les autochtones, et notamment sur I’éviction de nyéeré. Pour Audu Mamie en effet, les Tikar Jes ont trouvés sous le gouvernement de ce chef. Les Bebi, migrants Fa venus d’outre-Mbam, s'étaicnt déja installés etavaient occupé tout le terrain, jjusqu’s la limite avec les Djanti. Le rapport de force était le suivant, selon notre informateur: les Bobi avaient Ia puissance et les Tikar la science politique. Leur chef é:ait plus intelligent, nous dit encore notre informateor. Les Tikar dépendaient alors du Nord, Ba, c'est-a-dire des Foulbé, Ceux-ci cenvoyaient des guerriers qui venaient passer parfois deux ans sur place pour percevoir un tribut d'esclaves. Le chef Tikar demandait alors & celui des Les choses de la fore Bobi la conduite a tenir. Ces demniers allaient faire la guerre aux Djanti et prélevaient ainsi des captts qu’ils venaient remettre au chef Tikar afin qu'il pai les nordistes. Ce manége a cessé avec larrivée des Blancs. Ce tribut Gtait composé, ottre les esclaves, de cauris et de caoutchoue. Nous pensons en réalité que ce -écit révéle le fait qu’a cette époque dé, les Bebi avaient 46 vassalisés par les Tikar, puigque chargés de la dangereuse besogne de ‘raquer le gibier humain destiné & la traite, ‘Notre informateur précise cependant que Ie contact ne se serait pas établi Nditam, les Tikar ayant été installés & Magba par les Bebi avant den &tre chassés par une forte mortalit6. Cette terre leur avait té offerte parce qu’ ils ‘aient plus nombreux gue les Bebi, et que ceux-ci voulaient éviter les risques d'une trop grande proximité. Pour Ini, les Tikar ont eu le dessus sur eux pparce qu’ils se présentaient comme les intermédiaires des nordistes, c'est- Acdire des Foulbé. Audu Mamfe assimile d’ailleurs les uns anx autres ces gens de Ba, le Noed. Cependan, il ajoute que les Tikar payaient un tribat au Nord parce qu’ils en dépendaient. Nous avons eu d’autres informations par Philippe Menchie, notable mbi aqui occupe le poste de myimbefé. Celui-ci fait partie de Vavant-garde de Tarmée de Nditam, et est le premier & aller au combat en cas de confit Selon lui, il y a quatre familles A Ndzinga: ndz nga, toté, ndzsk, nats. talé est 8 origine de Ndzinga. Un homme de ce regroupement est allé travailler av-dela de la rividre Nga. Les autres I'y ont peu a peu rejoint, dod étymologie du nom qui veut dre de l'autre cOté de la rividre Nga. mba est quant & lui le premier nom de Naitam. Cetui qui se rend souvent & mba pprendra donc le nom de nyémb. De méme myéet8 est le chef de nd ot comme adéméntdé est lechet de tat. Le premier commandait le second. Nditam a ‘46 découvertparles Tikar grace & un chasseur. Ceux-ci les améne &s’6tablir .c6té de ce village. Les Bebi remarquent que le monarque de ces nouveaux ‘oisins tuait un de ses fréves cliaque moment de tension. Leur chef nyéexé, de peur de moutir de la méme manidre, s*est enfui pour aller intaller chez les Djanti dans le village de nsangb 5, Apres cette fuite, les Bebi se disloquent ct essaiment la berge du Mbam. Le chef des Tikar les en fait revenir de force, détruisant ies biens de ceux qui voulaient Ini résister. Ceci s'est fait une premiere foisavec le chef nuinkwe, et une deuxitme fois avec nyénc #6. Les Bebi se dispersaient par peur de la bratalité du chef. En effet, quand on demandait de la main d’oeavre pour les travaux collectifs, chaque notable devaity envoyer une personne, Les ba/69 avaient cependant la préférence des recruteurs. Des chefs comme nutiobwe échangeaientdaillenrs leurs sujets contre des chevaux chez. les gens du nord, On coupait le tendon d’ Achille des esclaves pourles empécher de fur, ou on en faisait des eunuques, Notre informateur affirme en avoir lui-méme rencontrés & Tibati, ce qui indique ‘Traditions Mot ue les faits rapportés no sont pas #loignés. D'autres ont canfirmé avoir reconmu des sujets de Nditam ainsi mutilés dans la méme région. En 1992, _ ailleurs, rappelle notre informateur, ils ont de nouveau été en butte avec la brutalité des Tikar, car ’actuel chef lesa chassés. Cependant, les conflits avec les Bebj aménent la malchance aux princes, et ceux-ci doivent cherchet a se réconcilier avec eux. J'ai assisté A une cérémonie de ce genre le 17 ‘novembre 1995, Elle s’est déroulée dune manitre simple : un mouton a 66 Egorgé et divisé en deux quartiers, une part revenant aux Bebi représentés ‘par nyéinbé, et une autre aux princes en la personne de Minwé. Ce sacrifice reprenait celui quia scelé le pacte entre les Bebi et les Tikar. On peut y voir une des fonctions de I'aetereligieax: rappeler, réaffirmer, refaire le consensus autour, rebatir ordre social. On en comprend Wintérét pour ceux qui subissent, les vassaux, on en connait aussi le bénéfice pour le suzerain qui ‘veut éviter de voir son r&gne terni par une influence qui peut se révéler pemicieuse, On reste interrogateur quant 3 la justification de ce pouvoir nocif. ‘Dautres renseignements ont été fours par celui qui gere le quartior domSok3, Le nom de ce quartier vient de Vexpression m5 mo mk5n6 qui signifie: «je dois me méfier», eta été contractée en damsoks, Mest gouverné ‘par m52k3, Celui-ci est le deuxiéme notable et administre Ndzinga & la chefferie, le premier notable, appelé ns?, ayant & sa charge de la chefferie & “Mambioko. La circonscription de mdaks s'appelle men dtinbe, Autrefois, ce

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