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La logique formelle enseigne qu’il ne faut pas confondre la validité d’un raisonnement avec la
vérité des propositions qui la composent. Seul le premier point (la validité) est concerné par la
logique qui se contente de déterminer ce qui découle d’une proposition donnée. Si la logique
est une science ancienne (elle a été créée par Aristote), elle est restée très discursive jusqu’au
milieu du XXème siècle (on peut lire notamment les écrits et les exercices de logique de
Charles Ludwidge Dodgson, plus connu sous son pseudonyme de Lewis Carroll, datant de la
fin du XIXème). Actuellement la logique est presque strictement symbolique, grâce
notamment aux travaux de Boole. Le raisonnement n’est plus tributaire des imprécisions du
langage, mais repose sur un formalisme précis. Par exemple un simple énoncé de virologie tel
que ‘les cellules infectées par un virus ne le reconnaissent pas’ peut s’écrire formellement de
la manière suivante :
1- Algèbre de Boole
C’est la partie des mathématiques qui s’intéresse aux opérations et aux fonctions sur les
variables logiques. Son nom provient de George Boole , mathématicien anglais du XIXème
siècle, qui structura la logique en un système formel. L’algèbre de Boole trouve de
nombreuses applications en informatique et surtout en automatique et robotique. On peut
également noter l’importance de la logique booléenne dans les algorithmes utilisés dans les
bases de données bibliographiques. Les fonctions booléennes sont appelées ‘portes logiques’
en automatisme. Elles comportent une ou deux entrées et une sortie.
11- Le ET logique
On le note de diverses manières selon le domaine concerné (ou la langue parlée) : ET , AND,
Λ, & , •
Cette fonction est définie de la manière suivante : a ET b est VRAI si et seulement si a est
VRAI et b est VRAI. Ceci se représente sous forme de la table de vérité :
a\b 0 1
0 0 0
1 0 1
a ET b
12- Le OU logique
On l’écrit OU, OR, +, ∨, . Il s’agit du OU inclusif.
On dit que a OU b est VRAI si et seulement si a est VRAI ou b est VRAI. La table de vérité
correspondante est la suivante :
a\b 0 1
0 0 1
1 1 1
a OU b
13- Le NON logique
On l’écrit NON, NOT, a
On dit que NON a est VRAI si et seulement si a est FAUX. Ceci se représente selon la table
suivante :
a NON a
0 1
1 0
Le chronogramme étant:
NON a
14- Le OU exclusif
Le OU exclusif s’écrit généralement XOR ou ⊕. On trouve parfois également ≠.
Le OU (inclusif) peut être compris comme ‘a ou b ou les deux’ ; le OU exclusif est alors
compris comme ‘a ou b mais pas les deux’. Il s’agit en fait d’une fonction logique composée :
a ⊕ b = (a OU b) ET NON(a ET b) = (a + b ) • (a • b )
la table de vérité de cette fonction est alors :
a\b 0 1
0 0 1
1 1 0
Et son chronogramme :
a XOR b
2- Les tables de Karnaugh
Un modèle logique peut être représenté sous la forme d’équations logiques, qu’il est alors
nécessaire de simplifier, ou sous la forme d’une table de vérité qu’il est plus pratique d’écrire
sous forme d’équation logique. Karnaugh, mathématicien de la deuxième moitié du XXème
siècle a proposé la méthode qui porte son nom pour réaliser ce travail. Il est cependant bon de
noter qu’un demi siècle plus tôt, Lewis Carroll avait proposé une méthode de résolution des
propositions logiques par un diagramme bilatéral (pour deux variables), qu’il généralisa
d’ailleurs jusqu’à 10 variables. Il se plaçait lui-même dans la continuité des diagrammes
d’Euler (valables pour deux variables) et de Venn (pratiques jusqu’à trois variables, mais
inutilisables au-delà de cinq). Les diagrammes multilatéraux de Carroll se révèlent être très
proches des tables de Karnaugh.1
1
Lewis Carroll, 1992. Logique sans peine. Hermann, Paris
F CD
00 01 11 10
00 0 1 1 0
AB 01 0 1 1 1
11 0 1 1 1
10 0 1 1 0
La case grisée correspond donc à la valeur de la fonction évaluée F pour A=0, B=1 (ligne
AB=01), C=0 et D=0 (colonne CD=00)
Les valeurs de la table de Karnaugh sont issues d’une table de vérité, et reportées dans ce
tableau dont les valeurs AB et CD sont codées en binaire réfléchi.
La recherche de la fonction logique F, représentée par cette table de Karnaugh, se fait en
regroupant toutes les cases comportant la valeur 1. Ces regroupements peuvent comporter des
lignes, des colonnes ou des rectangles. Il est bon de chercher les regroupements par valeurs
d’entrée communes : par exemple les colonnes 2 et 3 correspondent à la valeur D=1.
Plusieurs regroupements peuvent être possibles, il convient de choisir les plus simples du
point de vue des valeurs d’entrée.
Dans le cas présent, Le regroupement de 1 de la zone grisée correspond à D=1. En outre
toutes les valeurs de D=1 sont grisées. Le carré doublement encadré correspond à la fonction
B=1 ET C=1 qu’on écrit (B • C ) .
La fonction représentée par cette table de Karnaugh est alors F = D + (B • C )
Les tables de Karnaugh sont donc des moyens simples de résolution d’équations logiques
pour un nombre de variables quelconque à partir de 2.
3- La logique floue2
La logique classique est bivalente et repose donc sur l’existence d’un seuil en deçà duquel
l’expression prend une valeur (VRAI ou FAUX) et au delà duquel sa valeur change (FAUX
ou VRAI). Or si cette logique est applicable dans certains cas : une lampe est allumée ou
éteinte, un candidat est reçu ou collé à son examen, etc., elle ne l’est pas tout le temps. En
effet bien souvent le seuil est théorique, la réalité montrant une variation continue du VRAI
vers le FAUX. Par exemple si l’on considère l’expression ‘cette taille correspond à une
2
Ce concept a été introduit pour la première fois en 1965 par un automaticien américain, Lotfi Zadeh, qui
cherchait à représenter le savoir-faire humain basé sur des règles imprécises ou graduelles.
grande taille’, on peut dire que l’expression est VRAIE pour 1,90m, est fausse pour 1,20m,
mais que dire de 1,70m ? Et si l’on considère le seuil à 1,75m, est-il justifié de considérer
1,74m comme petit et 1,75m comme grand ? La logique floue permet de dire que la
probabilité de considérer 1,75m comme grand est de 50% (par exemple), que 1,70 est grand à
40% etc. On a donc affaire à une logique probabiliste passant continûment de VRAI à FAUX.
La logique floue est en fait une extension des logiques multivaluées3, dans laquelle les seuils
sont en nombre infini. En effet, dans une logique trivaluée, une proposition peux prendre trois
valeurs (blanc, gris et noir par exemple, ou vrai, faux, peut-être), une logique quadrivaluée
permet quatre valeurs etc. Il s’agit toujours de logiques à valeurs discrètes : une proposition
ne peut prendre qu’une des valeurs possibles à un moment donné. La logique floue généralise
ce type de logique en considérant une infinité d’état intermédiaire entre les valeurs VRAI et
FAUX (ou blanc et noir, ou zéro et un etc.)
1 1
0 0
Fonctions d’appartenance en logique booléenne et logique trivaluée
0
Fonction d’appartenance en logique floue
La notion d’ensemble flou permet le passage progressif d’une population à une autre en
évitant l’écueil des seuils arbitraires. Elle permet également de représenter des concepts ou
des prédicats imprécis tels que ‘jeune’, ‘vieux’, ‘presque’, etc.
3
En 1920 Jan Lukasiewicz, logicien polonais, établit le premier les bases de la logique trivaluée. Il sera suivi en
1937 par Max Black.
On définit différents paramètres tels que :
- le support de A : ensemble des éléments appartenant au moins un peu à A, c’est à dire
dont la fonction d’appartenance est non nulle,
- le noyau de A : ensemble des éléments appartenant totalement à A, c’est à dire dont la
fonction d’appartenance est égale à l’unité
- la fonction d’appartenance est la fonction représentant le pourcentage d’appartenance d’un
élément à l’ensemble flou A.
En logique booléenne, le support et le noyau de A sont confondus, tandis que la fonction
d’appartenance ne peut prendre que deux valeurs 0 et 1.
Un nombre flou est un ensemble flou (fonction d’appartenance comprise entre 0 et 1). Sa
représentation commode est :
triangulaire A = (a1, a2, a3) trapézoïdale A = (a1, a2, a3, a4)
1 1
a1 a2 a3 a1 a2 a3 a4
Les nombres flous sont adaptés aux représentations d’imprécisions. On peut leur appliquer les
opérations arithmétiques classiques avec (multiplication) ou sans adaptation (addition,
multiplication par un scalaire).
La logique floue s’est fortement développée depuis les années 1980 dans des domaines aussi
variés que les systèmes experts, l’automatisation, ou la commande de processus. On en trouve
des applications par exemple dans les commandes de métro sans conducteur, ou dans la
gestion des machines à laver ou des aspirateurs.
4- Applications
0 0 0 1 K2
1 1 0 1 K1+2
2 1 1 0 K1
K1+2 correspond à une action conjointe (multiplication et non inhibition), K1 au premier seuil
et K2 au second.
Pour qu’une boucle soit fonctionnelle, il faut que si la variable-mémoire x franchisse un seuil,
la fonction X le franchisse également. Il y a ici deux seuils :
x passe de 0 à 1 et X passe de K2 à K1+2,
x passe de 1 à 2 et X passe de K1+2 à K1
A cela il faut rajouter les relations entre le Ki :
K1 appartient à l’ensemble {0, 1}
K2 appartient à l’ensemble {0, 1, 2}
K1+2 appartient à l’ensemble {0, 1, 2}
Et K1+2 >= K1, K1+2 >= K2
On en déduit alors les valeurs suivantes :
K1 = 0 ou 1
K1+2 = 2
4
Snoussi, EH. Thomas, R. (1998). Logical identification of all steady states : the concept of feedback loop
characteristics states. Bull. Math. Biol. 55, 973
Mahamadaly, S. 2004. La réponse SOS chez les bactéries. Rapport de Magistère de Biotechnologies. Université
Paris-Sud XI
K2 = 0
On peut alors remarquer en reprenant la table ci-dessus, que si x = 0, X = 0. Ceci s’interprète
comme un point stationnaire. S’il n’y a pas de cellule au départ, il ne s’en crée pas. La
génération spontanée est impossible.
Le second seuil correspond à une oscillation, donc mène à un équilibre. Une cellule ne reste
jamais dans un état de division en continu (x = 1), cet état entraîne obligatoirement le passage
du seuil 2 et donc une inhibition de la division qui le conduit ensuite soit à un arrêt définitif (x
= 0), soit à une nouvelle division (x = 1).
5
Martinet-Edelist, C. (1999). Dynamical behaviour of viral cycle and identification of steady states. Acta
Biotheoretica. 47, 267-280
6
Thomas, R. (1973). Boolean formalization of genetic control circuits. J. Theor. Biol. 42, 563-585
7
Duan, Z., Holcombe, M., Bell, A. (2000). A logic for biological systems. BioSystems 55, 93-105
une certaine hiérarchie. On se rend rapidement compte, lorsque l’on tente de modéliser de tels
systèmes, qu’ils combinent des activités continues et des activités discrètes : c’est pourquoi on
peut les qualifier de systèmes hybrides. Tout modèle global de tels systèmes biologiques
devra donc pouvoir prendre en compte ces deux aspects. Le but d’une logique est de donner
un langage permettant la description de ces systèmes et de leur fonctionnement. Les auteurs
proposent donc une logique hybride adaptée à cette situation. Cette construction prend en
compte deux notions : les micro-états pour lesquels chaque variable peut prendre uniquement
un état parmi deux différents, et ceci à chaque instant, et les macro-états qui modélisent les
activités continues. On peut trouver une certaine analogie de cette présentation avec les
fonctions discontinues : les micro-états correspondant aux discontinuités et les macro-états
aux parties continues. De nouveaux opérateurs logiques adaptés à ces deux états sont alors
définis, qui s’ajoutent aux opérateurs booléens, ainsi que des opérateurs parallèles permettant
des évolutions simultanées de séquences de macro-états de manière synchrone.
Cette nouvelle logique hybride adaptée à la biologie est testée sur différents phénomènes
comme le transfert d’ions à travers une membrane, ou l’interaction antigène-anticorps.
8
O’Connor, B., Riverol, C., Kelleher, P., Plant, N., Bevan, R., Hinchy, E., D’Arcy, J. (2002). Integration of
fuzzy logic based control procedures in brewing. Food Control, 13, 23-31
9
Lahtinen, ST., (2001). Identification of fuzzy controler for use with a falling-film evaporator. Food Control, 12,
175-180
A ces applications en contrôle de processus, on peut bien entendu ajouter l’impact de la
logique floue sur les systèmes experts. Ces derniers sont actuellement utilisés dans tous les
domaines, et ne pourraient exister sans cet outil logique.10
10
Linko, S. (1998). Expert systems – what can they do for the food industry ? Food Science &Technology, 9, 3-
12