Anaïs NIN 08.09

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DIS-NOUS NIN

Librement adapté par




AGNÈS DESARTHE

A partir des nouvelles fantastiques


et des journaux de


ANAÏS NIN
@ Sally Mann


et des extraits de Une chambre à soi de Virginia Woolf


Une création de
Elise VIGIER


LES LUCIOLES 61, rue Alexandre Duval 35000 Rennes I T. 02 23 42 30 77 I theatredeslucioles@wanadoo.fr
Coproduction COMÉDIE DE CAEN 1 Square du Théâtre 14200 Hérouville-Saint-Clair

Contact > Emmanuelle Ossena EPOC productions | + 33 (0)6 03 47 45 51 | e.ossena@epoc-productions.net



Pour écrire à la température à laquelle je vis, je ne devrais écrire que de la
poésie. Avoir de l’imagination, c’est s’asseoir dans le métro en face d’un
homme qui porte un chapeau gris, regarder ce chapeau gris, et que ce gris
vous rappelle le gris des rochers de Majorque et celui de l’écorce des vieux
oliviers – ce même gris que portent les Espagnols à la corrida – et donc,
avoir de l’imagination, c’est voyager tout autour du monde parce que
l’homme assis en face de vous dans le métro porte un chapeau gris.

N’avoir aucune imagination c’est regarder pendant vingt minutes le


chapeau gris et remarquer qu’il est taché, et que bientôt vous allez arriver à
la Dixième Rue. Il y a deux manières de vivre.

Anaïs NIN - 15 septembre 1931

@ Sally Mann
DIS-NOUS NIN
Librement adapté par
AGNÈS DESARTHE

A partir des nouvelles fantastiques et des journaux de


ANAÏS NIN

Et d’Une chambre à soi de Virginia Woolf


Mise en scène ÉLISE VIGIER



Une pièce pour 8 interprètes
Ludmilla Dabo
William Edimo
Nicolas Giret Famin CRÉATION 2022
Louise Hakim
Dea Liane 14 au 26 juin 2021
Makita Samba Résidence à la Chartreuse, Villeneuve-lès-Avignon
Nantené Traoré 7 au 18 février 2022
Élise VIgier Résidence à la Comédie de Caen - CDN de Normandie
Et un musicien 13 au 22 Juin 2022
Marc Sens Résidence en cours

Automne 2022
Assistanat à la mise en scène
Résidence et création à la Comédie de Caen
Nanténé Traoré

Scénographie Camille Vallat & Camille Faure


Régie générale et plateau Camille Faure
Images Nicolas Mesdom
Costumes Laure Mahéo
Maquillage - perruques Cécile Kretschmar
Lumières Bruno Marsol
Musiques Manusound & Marc Sens
Régie son Manu Léonard
Conseil en magie Philippe Beau
Ecriture d’un journal fictionnel de création (au fil des répétitions) par Anaïs Allais

Production Théâtre des Lucioles - Rennes
Coproduction La Comédie de Caen - CDN de Normandie, La Passerelle – Scène nationale de Saint-Brieuc
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
Accueil en résidence La Chartreuse – Villeneuve-lez-Avignon, Comédie de Caen – CDN de Normandie
(en cours : Théâtre National de Bretagne – Rennes, Comédie de Colmar, Comédie de Valence…)
La scène, si vous voulez bien me suivre, était à présent différente. Les feuilles tombaient toujours,
mais à Londres cette fois, pas à Oxbridge; et il faut aussi que je vous demande d’imaginer une pièce,
comme il y en a des milliers, avec une fenêtre d’où l’on aperçoit, par-dessus les chapeaux des
passants, les fourgonnettes et les automobiles, d’autres fenêtres, et, sur la table, à l’intérieur de
cette pièce, une feuille de papier blanc sur laquelle est écrit en grosses lettres LES FEMMES ET LA
FICTION, mais rien de plus.
Une chambre à soi, Virginia Woolf




L’INTEMPORALITÉ PERDUE ET AUTRES NOUVELLES
est un recueil de nouvelles inédites d'Anaïs Nin. Elles sont publiées pour la première fois en France,
aux éditions NiL, dans la traduction d'Agnès Desarthe, le 6 février 2020.

J’ai découvert Anaïs Nin en traduisant


L’intemporalité perdue et autres nouvelles, sous Traductrice de Virginia Woolf, je songe aussi qu’un
l’impulsion de Claire Do Sêrro, éditrice chez Nil. Je ne rapprochement entre ces deux femmes écrivains
connaissais de cet écrivain que les clichés attachés à (Woolf et Nin), diamétralement opposées par
son personnage d’aventurière sentimentale, certains aspects autant que voisines par d’autres,
d’expérimentatrice érotique, mais j’en savais fort peu peut créer un effet de perspective fertile. Le
sur sa parole et son imaginaire poétique. dialogue entre les auteurs se double d’un dialogue
entre les formes (journal/nouvelle). Nous nous
Les histoires réunies dans ce recueil de jeunesse trouverons ainsi dans le laboratoire où s’élabore la
tournent autour de la création, de la relation à l’art, fiction à partir du vécu, de la même façon que
de l’enfance. Des couples apparaissent, mère-fille, lorsque nous vivons, nos journées sont façonnées –
amant-amante, duo de danseuses et de danseurs. On qu’on s’en rende compte ou non – par nos rêves.
y découvre un questionnement inlassable sur la
genèse du sentiment artistique et sur les AGNÈS DESARTHE
perturbations qu’il entraîne dans les relations
amoureuses.

Une candeur inouïe habite ces pages, liée davantage
au désir de sincérité et à la posture assumée de
l’observatrice qui suspend tout jugement, qu’à une
forme d’immaturité. La femme-enfant est aussi une
mère-poule, comme le remarque Fernand Seguin lors
d’un entretien accordé par Nin à la télévision
canadienne en 1970. Impossible d’assigner l’écrivain
à une place, à un rôle, à un personnage : sans cesse,
elle échappe, elle surprend. C’est cette versatilité
intense qui a, je crois, séduit Elise Vigier.

Lorsqu’elle m’a proposé de travailler avec elle à une
adaptation théâtrale de ce texte, j’ai aussitôt senti
que, telle une enquêtrice du réel et grâce à la
conscience aigüe qu’elle possède sur les liens entre
les rêves et la texture même du quotidien, Elise allait
donner vie à une lecture contemporaine, spatiale et
fortement incarnée. Je l’écoutais et le livre que j’avais
traduit se changeait en pop-up. Les cases dans
lesquelles chaque nouvelle se nichait, se trouvaient
matérialisées par des pièces, les alvéoles d’un habitat
urbain susceptible de recréer visuellement la
cohabitation d’histoires différentes au sein d’un
même volume, de conserver la polyphonie inhérente @ Sally Mann

tout en cultivant les vibrations secrètes et les


systèmes d’échos liés aux résonnances que
fabriquent entre elles les multiples intrigues.

NOTES D’INTENTIONS
É L IS E V IG IE R

Anaïs Nin arrive à explorer cela, l’amour, sous toutes
Lorsque je lis les nouvelles d’Anaïs Nin, je me dis c’est ses formes, sans peur, elle se positionne dans
par là que j’ai envie d’aller, l’intimité, la violence l’expérience, au sens magique, chimiste du terme, et
douce, le féminin, le réalisme magique. Prendre la elle observe « qu’est-ce qui se passe ? » quels
réalité par un autre bout, l’envelopper, la percevoir fluides ? quelle douceur ? quelle violence ? quels
autrement que ce qu’on nous en dit tous les jours mots ? quelle Anaïs ?
dans les médias, et oser une écriture de femme, un

point de vue féminin, excentrique, coloré, étranger,
sensuel, trouble et troublé, curieux …
Les nouvelles se passent sur scène au théâtre, ici et
maintenant, il y a des éléments magiques, il y a des

numéros de ces années là « la femme coupée en
Je me plonge dans ses journaux, et je lis aussi pour la
morceaux », et il y a une caloge, un car-loge, carcasse
première fois de ma vie Virginia Woolf. Je suis saisie,
qui contient des loges, qui se désosse et se disperse
une chambre à soi, incroyable comment elle parle de
en éléments, qui se compose et se décompose. Ces
cette particularité de l’artiste femme, c’est l’écrivain
Années là, 1928 à 31, donneront l’esthétique de la
dont il est question, mais pour moi cela fait aussi écho
scène et de cette caloge (élément central de la
à d’autres arts. Les Femmes et la Fiction.

première nouvelle).

Je pense à ma mère, femme artiste, danseuse,
militante, homosexuelle, je pense aux femmes, aux
Il y aura un film, réalisé par Nicolas Mesdom avec qui
hommes désirés, aux corps d’hommes, aux corps de
femmes, à toutes les femmes, à ma fille, à ma grand- j’avais travaillé sur Harlem Quartet, un film voyage,
un film fleuve, un film vie qui s’écoule.
mère, à moi comme femme, me positionnant aussi à
J’aimerais, en m’inspirant du très beau travail du
cet endroit-là, étant un espace de marge, un pas de
côté, un à côté. photographe Sally Mann, donner à voir, de manière
Ce que Anaïs Nin met en jeu c’est aussi cela, une façon fantastique, les différents corps de femmes, de
toute particulière de percevoir la réalité, d’être l’enfance à l’adolescente, à l’amante, à la femme plus
dedans et dehors en même temps, elle vit le âgée, à la femme qui va disparaître… La danse torse
quotidien, elle vit sa vie dans tous ses instants nu avec son tatouage qui bouge de Michel Simon

quotidiens et elle écrit sur l’expérience qu’elle vit. dans L’Atalante si on l’imagine femme ou si on
l’imagine homme (ce qu’il est !) regardé par une

femme…
Anaïs Nin dit Je parle de petites choses, parce que les
grandes sont autant de précipices.
Dans le moment que nous vivons, j’ai envie « L'autre fois où un ventre m'est apparu comme
d’expérimenter cela, parler sur un plateau des petites un visage c'est dans l'Atalante de Jean Vigo, quand
choses comme autant de reflet des grandes. Chacune père Jules, le marinier, fait danser les tatouages qui
de ces nouvelles contient un élément fantastique, ornent les différentes parties de son corps. Père
surréaliste, magique ; un décollement de la réalité Jules (Michel Simon) donne une cigarette à fumer à
s’opère devant nous. son nombril tatoué. Comme un numéro de
bateleur, une attraction foraine, aussi lyrique
J’ai rencontré Agnès Desarthe et nous nous sommes qu'érotique, qui du reste échappa de peu à la
mises au travail. Nous avons ouvert des espaces censure. »1
imprévus, des chemins encore non-empruntés, et au

fil de nos discussions, nous avançons ensemble. Agnès

écrit, adapte, met en dialogue, écrit une pièce à partir
*Une journée particulière Célia Houdart
du matériau des nouvelles que j’ai choisies et

d’extraits des journaux que je collecte et retranscris.
Elle écrit un grand Vrac de scènes que nous allons
expérimenter à La Chartreuse en juin 2021. La pièce
est déjà en train de se construire. Elle écrit pour cette
équipe d’acteurs et d’actrices avec qui j’avais envie de
retravailler, là encore envie de continuer un travail
commencé avec Harlem Quartet, écrire à partir d’eux
aussi.




Il y aura, en s’inspirant de la nouvelle L’intemporalité ManuSound et Marc Sens composeront et

perdue, des interactions entre le film et la scène, des mettront en musique des chansons inspirées des

apparitions, des juxtapositions, des hallucinations... nouvelles érotiques Venus Erotica, et de cette

Anaïs Nin parle tout au long de son œuvre et de ses Anaïs passionnée par l’expérimentation du corps,
journaux
de cet amour pour la péniche, le rêve, la de l’amour et du sexe.
dérive ;
le film sera cette part d’inconscient et de
charnel. Dans son Journal, elle fait souvent référence à la

musique de Claude Debussy, aussi, l’œuvre du

26 septembre 1936 compositeur sera une source d’inspiration pour les
Le soir, nous sommes allés voir le bateau, en deux musiciens.

emportant des draps et une fourrure. La grande

péniche était comme une tache sombre au milieu des Dans le journal d’enfance et la chanson dans le
lumières
dansantes du pont. Nous avons franchi jardin (une des nouvelles qu’Agnès Desarthe a
l’étroite passerelle. René, le jeune garçon, qui dormait
d’ailleurs réécrite en chanson), elle parle de la voix
dans l’une des cabines, a crié : « qui va là ? » le vieux de sa mère qui chante, des cantates qui la font

grand –père, qui vit également là, le grand-père du pleurer. Ludmilla Dabo et Louise Hakim prendront

fleuve vêtu de sa combinaison bleue, avec son béret ces parties chantées.

sur la tête, a jeté un œil à travers la vitre de la petite
« Oh ! C’est vous, madame. Attendez, je vais
porte. La musique du spectacle sera comme Anaïs Nin :

ouvrir ». La porte s’est ouverte. Nous avons pénétré à hétérogène, multiple, parfois dissonante avec une
l’intérieur
des pièces tout en bois, nous avons senti passion pour les rencontres, la joie et l’intensité,
l’odeur du goudron. Une lumière diffuse entrait par qui traverse des exils, deux guerres, les années 70,

les fenêtres. Gonzalo a dit : « on se croirait dans un et quasiment un siècle.

conte d’Andersen. C’est un rêve. »

(…).

Enfin hors du monde. Nous avons enfin quitté la terre, ÉLISE VIGIER
les cafés, les amis, les maris, les femmes, les
Paris, 25.02.2021
rues,
le Dôme, la Villa Seurat. Nous avons quitté la
terre
pour vivre dans l’eau. Nous sommes sur le
vaisseau de nos rêves. Seuls. (…)

Dans ses yeux, je ne vois aujourd’hui que rêve et

passion. « où sommes-nous ? où sommes –nous ? ».

Allongés sur le lit, corps contre corps.

De temps en temps passe un bateau, l’eau s’agite,
l’eau
monte et notre péniche tangue. Les grosses
poutres de bois craquent un peu, l’arbre qui la retient

à terre avec de grosses chaines, émet lui aussi de

légers craquements, soupirs et plaintes. C’est comme

si nous étions en mer en train de naviguer. Gonzalo
réveillé au milieu de la nuit et a murmuré :
s’est

« estamos navigando ». Nous sommes là, allongés,
enchantés,
ensorcelés, bercés, à moitié endormis,
drogués.

- je veux te garder ici, chiquita

- les incas, aristocrates incas, possédaient tou un

passage souterrain dans leur demeure, qui conduisait

à un jardin secret. Un jardin qui s’appelait en langue

Inca, Nanankepichu, ce qui veut dire la non-maison

- c’est le nom que nous donnerons à notre bateau,
- personne
ne sait où nous sommes. Nous sommes
hors du monde




@ Sally Mann


A G N È S D E S A RT H E

L’intemporalité perdue
ou ce que Nin nous dit

Anaïs Nin est une jeune fille des années 1920, dites L’aller-retour constant que pratique Nin entre la
« folles ». Elle épouse leur modernité tout en vie réelle et l’œuvre, en passant par le journal, se
proposant, par anticipation, un reflet de la nôtre. traduit par l’intrusion dans la loge, l’espace secret
C’est cette impression d’absolue nouveauté mêlée du comédien que nous exposons volontairement
de « déjà vu » qui m’a guidée dans la traduction du au public, dans une démarche d’impudeur
recueil de nouvelles qu’elle publia, ayant mûri son contrôlée, inspirée par le rapport qu’entretiennent
écriture, à 27 ans, après avoir accumulé des pages chez Nin journaux intimes et fiction.
et des pages de journal, ou plutôt de journaux car La dimension autobiographique, illustrée surtout
elle en tenait deux à la fois, l’officiel et… l’autre. par des nouvelles comme La chanson dans le
L’adaptation théâtrale qui se met en place en 2020 jardin, Le sentiment tzigane, Le russe qui ne croyait
sous l’impulsion d’Élise Vigier tient compte de cet pas aux miracles, Fiancés par l’esprit, ou Un sol
effet miroir. Plusieurs thèmes que Nin aborde - le glissant, nous invite à tracer un parcours suivant
féminisme, l’érotisme, le rapport au corps, la les différentes étapes de la vie d’une femme, et,
création, la rivalité homme-femme, la mystique, la plus particulièrement d’une femme artiste.
politique – semblent engager un dialogue spontané L’itinéraire qui se dessine, hanté par la figure des
avec notre époque. Si on ajoute à cela les milliers parents, des amants, des parents-amants est à la
d’entrées du journal dont Anaïs Nin entreprend fois sinueux et précis. La possibilité de faire
l’écriture à onze ans et qui s’achève avec sa incarner ces différents personnages par des
disparition, on trouve la matière d’un monde qu’il comédiens qui échangeront leurs rôles afin de
est particulièrement stimulant de représenter sur reproduire le trouble et la fascination du même qui
scène en utilisant les outils spécifiques de l’auteure traverse l’inceste, autant que l’effroi qui teinte les
et de l’expérimentatrice qu’elle fut. relations passionnelles et rivales des mères avec
Le travail d’adaptation ne puise donc pas leurs filles, offre l’occasion de diffracter la lumière
seulement dans les intrigues développées par les équivoque que continue de répandre cette œuvre
nouvelles, il se nourrit aussi de la vision de l’artiste, à près de cent ans de distance.
de ses penchants, de ses inclinations, qu’il s’agisse Dans les années 2020, la jeune fille des années
de la danse, du surnaturel, du spiritisme, de la 1920 acquiert un statut d’icône. Que vient-elle
pratique amoureuse comme instrument de nous dire de nous et de ce que nous vivons ?
recherche, ou de la constante remise en cause des
représentations conventionnelles.

Le fantastique, présent dans des nouvelles comme
l’Intemporalité perdue, Tishnar ou Les roses rouges,
mais aussi dans La danse qui ne pouvait être
dansée, s’incarnent à la scène à travers la magie,
les transformations, les miroirs dont on dépasse la
fonction narcissique pour exploiter la dimension
inquiétante.

@ Sally Mann
A N A ÏS N IN

De l’écriture d’Anaïs Nin, Henry Miller disait « comment une si grande douceur peut-elle contenir une si grande
violence » (interview 1970 pour la télé canadienne).

Si ses œuvres sont rédigées en américain, le français et l’espagnol ont été les premières langues parlées et
écrites par Anaïs Nin.
Femme de lettre cosmopolite (et citoyenne américaine), Anaïs NIN est née en 1903 dans la banlieue de
Paris, à Neuilly - où son père Joaquin Nin, pianiste et compositeur espagnol, s’était fixé après son mariage
à Cuba avec Rosa Culmell, franco-danoise, fille du consul de Danemark à la Havane.

Anaïs a neuf ans quand ses parents se séparent et onze quand sa mère l’emmène aux Etats-Unis avec ses
deux frères cadets. A seize ans elle se fait modèle, puis danseuse espagnole pour échapper à la monotonie
de la maison meublée tenue par sa mère et elle achève son instruction par la lecture.

Mariée à vingt ans avec le banquier américain Hugh Guiler (qui se fera un nom- Ian Hugo - comme graveur
et cinéaste), elle vit jusqu’à la deuxième guerre mondiale en Europe où elle écrit ses premiers livres et
fréquente les artistes et écrivains étrangers dont Henry Miller. En 1940 elle retourne aux Etats-Unis, doit
publier à ses frais ses ouvrages illustrés par son mari, mais conquiert peu à peu une place dans les lettres
américaines. Son œuvre la plus importante - son Journal tenu depuis l’âge de onze ans – n’a pu paraître
que condensée, étant donné le nombre de volumes qu’elle comporte.

Anaïs Nin est décédée en janvier 77.



Notes pour une tournée de conférences

Mon thème de base est celui des relations. Explorer toutes les variations, les subtilités des relations.
Comme c’est dans les moments de crise émotionnelle que les êtres se révèlent le plus profondément,
je préfère, en règle générale, décrire ces moments-là. Je choisis les instants critiques, parce qu’ils
mettent en jeu toutes les forces de l’intuition. Pour ce faire, je choisis des humeurs, des états
d’exaltation, des modes d’être qui accentuent la réalité du sentiment et des sens. Telle est ma
contribution à un concept de la femme : le langage de l’émotion, tout à fait différent de celui de
l’intellect. Etant donné que je me fais l’avocat de la spontanéité, de l’improvisation, de l’association
libre, il serait contradictoire de dire que j’ai un plan, une structure consciente. Ma seule structure est
fondée sur trois formes d’art : la peinture, la danse et la musique, parce que celles-ci correspondent
aux sens que je considère comme atrophiés dans la littérature actuelle ; et ces formes sont les plus
directement liées à la vie : la vue, le corps, les émotions.
C’est la vie que je décris, à ses moments de plus grande intensité, parce que c’est alors que la
signification brille de tout son éclat. J’écris continuellement dans l’état d’esprit que nous aurions,
paraît-il, si nous pouvions connaître le moment de notre mort : un état où le souvenir s’intensifie. Cela
provient du recours au Journal. Tenir le Journal a engendré plusieurs habitudes : une habitude
d’honnêteté (parce que personne ne peut s’imaginer que le Journal sera lu par quiconque) ; une
habitude d’écrire sur ce qui vous touche de près ; l’habitude d’improviser sur n’importe quel thème
qui vous vient à l’esprit ; des habitudes de spontanéité, d’enthousiasme, de naturel. La réalité
émotionnelle du présent. Un respect pour l’humeur du moment. Les rêvent passent dans la réalité de
l’action. De l’action, à nouveau, jaillit le rêve ; et cette interdépendance, produit la forme la plus
haute de vie. J’ai réussi à opérer ces transitions. Je suis passée de l’un à l’autre.
Ce que le poète veut nous dire est aussi fragile que la neige, mais aussi fort que le Déluge. Est-ce la
puissance de la sensibilité qui fécondera les grandes villes en béton de demain avec l’eau nécessaire ?
la sensibilité nourrira les racines et provoquera une floraison ultime, elle fécondera les millions de
cellules révélées par le microscope.
Anaïs Nin - Juin 46

Entretien avec Anaïs Nin


à la Télévision Canadienne francophone (1970)
https://www.youtube.com/watch?v=NFvXXLec8XE

ÉQUIPE ARTISTIQUE


AGNÈS DESARTHE TRADUCTRICE ET ADAPTATRICE


Agnès Desarthe est née en 1966 à Paris. Elle est
l'auteur de nombreux livres pour les enfants et
les adolescents et de romans pour les adultes
aux éditions de l'Olivier dont Un secret sans
importance (prix Inter 1996), Mangez-moi, Le
Remplaçant (prix Marcel Pagnol 2009), Dans la
nuit brune (Prix Renaudot des lycéens 2010), Ce
coeur changeant (Prix Littéraire du Monde 2015),
et, plus récemment, La chance de leur vie (2018).

Elle a également publié deux essais : Comment
j’ai appris à lire et V.W, consacré à Virginia
Woolf, en collaboration avec Geneviève Brisac.

plus
Agnès Desarthe a traduit de l'anglais au français

d'une trentaine d'ouvrages : en littérature
jeunesse, une douzaine de l'auteure Loïs Lowry,
trois romans de Anne Fine, deux albums de
Maurice Sendak et deux d'Allen Say ; en
littérature pour adultes, elle a traduit deux
ouvrages de Virginia Woolf, et deux ouvrages de
Cynthia Ozick, dont Les Papiers de Puttermesser,
traduction qui lui a valu deux prix littéraires en
2007.

Elle a traduit aussi des nouvelles d'Alice Munro,


prix Nobel de littérature 2013, publiées sous le
titre "Un peu, beaucoup, passionnément, à la
folie,
2019.
pas du tout" aux éditions de l'Olivier en

Elle

écrit par ailleurs des chansons pour Michel
vers le théâtre. groupe MASH et se tourne parfois
Lascault et le








ÉLISE VIGIER METTEURE EN SCÈNE

Elise Vigier a suivi la formation de l’École du Théâtre National


de Bretagne. En 1994, elle crée avec les élèves de sa
promotion Les Lucioles, un collectif d’acteurs.

Depuis 2015, elle est artiste associée à la direction de la

Comédie de Caen – CDN de Normandie.
De septembre 2016 à juin 2020, elle a été artiste associée à la
MAC de Créteil.

Elle co-met en scène plusieurs spectacles avec Marcial Di
Fonzo Bo, notamment des pièces de Copi, Rafaël Spregelburd,
Martin Crimp, Petr Zelenka.

Avec Frédérique Loliée, elle joue et met en scène en duo
l’écriture de Leslie Kaplan, «Déplace le ciel» et «Louise, elle est
folle», « Toute ma vie j’ai été une femme ».

Comme actrice, elle joue principalement dans des mises en
scène de Marcial Di Fonzo Bo, Pierre Maillet, Bruno Geslin,
Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna.


Dans le cadre d’un projet européen, elle réalise un
documentaire « Les femmes, la ville, la folie 1. Paris ». Elle co-
réalise également, avec Bruno Geslin, un moyen métrage « La
mort d’une voiture » et écrit, avec Lucia Sanchez et Frédérique
Loliée, à la réalisation de films courts intitulés « Let’s Go »
dans lesquels elles jouent également.


Elle a mis en scène « Harlem Quartet » d’après le roman « Just
Above My Head » de l’auteur américain James Baldwin créé à
la MAC de Créteil à l’automne 2017. Et « M comme Méliès »
en co-mise en scène avec Marcial Di Fonzo Bo en janvier 18 à
la Comédie de Caen. « M comme Méliès » a reçu le Molière du
spectacle Jeune public en 2019.

Et « Kafka dans les villes » en co-mise en scène avec
Frédérique Loliée et la collaboration de Gaëtan Levêque pour
le cirque dans le cadre de Spring en Mars 18 sur une
composition de Philippe Hersant pour l’Ensemble Sequenza
9.3 à partir de « Premier Chagrin » de Franz Kafka.

En 2020 elle met en scène « Le Royaume des animaux » de

Roland Schimmelpfenning avec Marcial Di Fonzo Bo à la
Comédie de Caen.
Elle prépare, pour janvier 2021, un deuxième spectacle pour
tout public autour de la figure de Buster Keaton avec Marcial
Di Fonzo Bo.
Et en mai 2021, elle mettra en scène, aux Plateaux Sauvage à
Paris, « Le monde et son contraire – Portrait Kafka » de Leslie

Kaplan.


Nanténé TRAORÉ comédienne & assistante à la mise en scène
Après une licence d’études théâtrales à l’université Paris III Sorbonne Nouvelle, elle suit les cours
de Véronique Nordey, avant d’intégrer l’Atelier, dirigé par Didier-Georges Gabily. Sous sa
ème
direction, elle joue dans « Des cercueils de zinc », « Enfonçure » , et «Gibiers du temps 2
époque ». Elle jouera également sous la direction de Gabriel Garan, Pascal N’Zonzi, Koffi Kwahulé,
Elise Vigier, Eva Doumbia, Guy Régis Junior, Catherine Boskowitz, Guillaume Cayet, Aurélia
Lüscher… Elle a déjà assisté Elise Vigier pour la mise en scène de « Harlem Quartet ».

Ludmilla DABO comédienne & chanteuse
Chanteuse et comédienne formée au conservatoire du 10ème , puis du 5ème de Paris, elle
intègre le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique en 2007/10. Elle a joué sous la
direction de Simon Gauchet, Bernard Sobel, Nadine Baier, Alexandre Zeff, Lena Paugam, Léonora
Miano, Irène Bonnaud, Jean-Philippe Vidal, Luca Giacomoni, Mélanie Leray, David Lescot, Elise
Vigier, Lazare…
Elle reçoit en Juin 2020 Le Prix de la Meilleure Comédienne de l’Année du Syndicat de La Critique
pour son rôle dans « Une Femme Se Déplace » de David Lescot.

Louise HAKIM danseuse & chanteuse
Danseuse et chorégraphe, elle se forme entre autres au Conservatoire National Supérieur de
Musique et de Danse de Paris. Elle collabore régulièrement avec musiciens et metteurs en scène
(Collectif WARN!NG, Quatuor Impact, Compagnie Les Loups à Poche, Collectif IO) et danse pour
diverses compagnies: C’Interscribo (Tatiana Julien), Dancing Lucy (Stefan Dreher), Willi Dorner,
Toujours après minuit (Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna), le pôle (Léonard Rainis et Katell
Hartereau), Gramma (Aurélie Berland), Nuit & Jour (Hervé Diasnas et Valérie Lamielle), Soleil
Sous la Pluie (Catherine Gendre), Théâtre en Scène (Vincent Goethals).


Nicolas GIRET-FAMIN comédien
Formé à l’École nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier, puis à L’Atelier Volant du
Théâtre National de Toulouse, il a comme professeur notamment Marcial Di Fonzo Bo, Cécile
Garcia-Vogel, Georges Lavaudant, Christophe Rauck, Laurence Roy et Ron Burrus. Il développe
également un intérêt pour la danse contemporaine et le chant. Au théâtre il joue sous la
direction de Laurent Pigeonnat, Carles Santos, Jacques Nichet, Juliette Navis et Raphaèle
Bouchard, Thomas Poulard, le chorégraphe Fabrice Ramalingom, Jean-Michel Ribes et Elise
Vigier.


Dea LIANE comédienne
Tout en terminant son master de recherche en Histoire à Sciences Po, elle se forme au
Conservatoire du 8è arrondissement de Paris puis, en 2014, intègre l'Ecole du Théâtre National
de Strasbourg (TNS). Après sa sortie, elle joue sous la direction de Falk Richter, Stanislas
Nordey, Julien Gosselin, Paul-Emile Fourny, Pauline Haudepin, Mathilde Delahaye et Lucie
Berelowitsch. Au cinéma, elle joue dans « L’homme qui avait vendu sa peau », un long-métrage
de Kaouther Ben Hania (sortie 2020).




Makita SAMBA comédien
Comédien formé au Cours Florent puis au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à
Paris, il joue notamment sous la direction de Clément Poirée, Guillaume Vincent, Marie
Lamachère, G. Monvoisin , Patrick Pineau, Jean-Pierre Garnier , Pauline Raineri, Paul Desveaux,
Gaspard Monvoisin, Elise Vigier, Julie BERTIN et Jade HERBULOT, … Au cinéma, il joue avec J.
Huth, N. Petersen, K. Bensalah, F. Videau, J.-P. Civeyrac, H. Charuel, M. Haneke Happy End, A.
Téchiné Nos années folles, M. Schleinzer Angelo, Jacques Audiard Les Olympiades…


William ÉDIMO comédien
a suivi la formation du Conservatoire National Supérieur D'art dramatique à Paris de 2008 à 2012.
Il étudie sous la direction de Daniel Mesguich, Nada Strancar et Gérard Desarthe et Denis
Podalydès. A sa sortie il collabore, au théâtre avec Stéphane Valensi, Sandrine Anglade, Patrick
Pineau, Bob Wilson, Jean Yves Ruff, Linda Blanchet, Elise Vigier, Jean -François Auguste et Aurélia
Luscher.
Puis au cinéma avec Vladilène Vierny, Sebastien Betebeder, Pierre Emmanuel Urcin, Ange-
Regis hounkpatin et Pierre Giafferie

EXTRAITS DE L’ADAPTATION

Prologue

Deux femmes, Mrs Farinole propriétaire de la maison et Anaïs sa jeune invitée, sont face à une caloge dans le
jardin. Elles tournent autour et l’examinent.

ANAÏS Qu’est-ce que c’est que ça, Mrs Farinole ? Un bateau ? Un bateau dans un jardin ?

MRS FARINOLE Ah, ça, Anaïs, c’est un vieux bateau de pêche normand, qui a été converti en cabane à outils.
Une curiosité ! Il a été recouvert de goudron pour le protéger des intempéries. Il a de l’allure, vous ne trouvez
pas ? Si profond, si renflé, si confortable, si rassurant.

ANAÏS Je peux aller voir comment c’est à l’intérieur ?

MRS FARINOLE Un jour, nous y avons mis un lit pour un petit garçon qui séjournait ici. Il avait insisté pour y
dormir. Cela lui a fait une telle aventure !

ANAÏS Oh, comme j’aimerais dormir là, moi aussi.
J’entrerais par la porte. Et je ressortirais par la fenêtre.
Je ne serais pas la même personne en ressortant.
Comme lorsque j’avais été coupée en deux par le magicien.

MRS FARINOLE Coupée en deux ?

ANAÏS Je vais vous montrer.
FAITES ENTRER LA BOITE ET LE MAGICIEN !

Boite et magiciens entrent.

ANAÏS (elle prend Mrs Farinole par la main et l’aide à s’introduire dans la boite.)
On s’allonge, comme ça, allez-y, Mrs Farinole, n’ayez pas peur. C’est très confortable. Un peu comme un
cercueil… Mais non, pas du tout comme un cercueil. Je plaisante. Comme un berceau. Allez-y, entrez. (Mrs
Farinole s’allonge dans la boite à contrecœur.) Voilà.
MAGICIEN, REFERMEZ !
MAGICIEN, COUPEZ !

Le magicien referme le couvercle, brandit sa scie, mais Mrs Farinole fait signe à Anaïs qui se penche pour
l’écouter.

MRS FARINOLE Je ne peux pas, j’ai trop peur. Ce magicien ne m’inspire pas confiance. Sa scie est pleine de
sang.

ANAÏS Alors, si vous préférez, je vous raconte.

Anaïs agite paresseusement la main pour exiger du magicien qu’il remballe son matériel et quitte la scène. Il
obtempère.

MRS FARINOLE Je préfère.

ANAÏS Quand j’étais enfant, nous avons assisté, ma mère, mon frère et moi à un spectacle de music-hall. J’ai été
choisie par le magicien pour monter sur scène. Je suis toujours choisie. Parce que je suis jolie. Vous me trouvez
jolie ? Le magicien me trouvait jolie. Il m’a soulevée du sol et m’a déposée dans la boite. Il m’a dit à l’oreille :
« Tu es légère comme une plume » et il a ajouté : « Et jolie comme un cœur ! »
Et il a refermé la boite.
Il a montré au public qu’il n’y avait pas de double fond et il s’est mis à scier.

MRS FARINOLE Et ensuite.

ANAÏS Il a séparé la boîte en deux.

MRS FARINOLE Mais où étiez-vous pendant ce temps-là ?

ANAÏS Dans la boîte, enfin, plutôt, dans les boîtes.

MRS FARINOLE Coupée en deux ?

ANAÏS Oui, coupée en deux.

MRS FARINOLE Et ça faisait mal ?

ANAÏS Modérément. J’ai déjà eu plus mal que ça.

MRS FARINOLE Et après ?

ANAÏS Après ? Il a rassemblé les deux parties. Il a ouvert le couvercle et je suis ressortie entière. Les gens ont
applaudi debout sur leur siège. J’ai fait une révérence, comme ça (elle mime), et je suis retournée m’asseoir
avec ma mère et mon frère.

MRS FARINOLE Mais c’était quoi le truc ?

ANAÏS Quel truc ?

MRS FARINOLE Le truc du magicien. En fait il y avait un double-fond, c’est ça ?

ANAÏS Non.

MRS FARINOLE Mais alors, comment ?

ANAÏS Eh bien, comme je vous ai dit. Le magicien a coupé la boîte avec moi dedans et donc il m’a coupée aussi,
en deux, comme la boîte, et après, il a recollé les deux éléments. Mon corps et mon esprit.

MRS FARINOLE Qu’est-ce que vous racontez ?

ANAÏS Rien, ne faites pas attention, Mrs Farinole. Le corps et l’esprit. Vous avez raison. C’est idiot. On ne
peut pas les séparer. Ce que mon corps endure, mon esprit le subit. Ce que mon esprit subit, mon corps doit
l’endurer.

MRS FARINOLE Vous connaissez d’autres tours ?

ANAÏS Je n’en connais qu’un, mais il est vraiment extra. Vous voulez voir ?
Mrs Farinole acquiesce

ANAÏS FAITES ENTRER LES HOMMES !

Les hommes arrivent.

ANAÏS Regardez bien, Mrs Farinole. Ils vont se mettre en rang…
EN RANG LES HOMMES !

Les hommes se mettent en rang, parmi eux, le magicien (style Houdini : frac et chapeau haut de forme).

ANAÏS C’est un tour de magie extrêmement rapide. Soyez attentive. Je vais dire ma formule magique. C’est
un mot que j’ai inventé et, c’est incroyable, ça marche à tous les coups. Attention !
A-BRA-CADA-BRA
Les hommes s’écroulent d’un seul coup.

MRS FARINOLE Qu’est-ce qu’ils ont ? Ils sont morts ?

ANAÏS Non. Qu’est-ce que vous allez chercher ? Vous avez l’esprit si morbide Mrs Farinole. Ils ne sont pas
morts. Enfin, si, un peu… Ils sont morts d’amour. Ils sont amoureux de moi.

MRS FARINOLE Tous ?

ANAÏS Tous !

MRS FARINOLE Même le jeune ?

ANAÏS Même le jeune.

MRS FARINOLE Même le vieux ?

ANAÏS Le vieux aussi.

MRS FARINOLE Et là, ce n’est pas votre cousin ?

ANAÏS Affirmatif

MRS FARINOLE Et celui à gauche, (Mrs Farinole désigne le magicien) ce ne serait pas votre père ?



****
La femme coupée en 2
Welles and Dietrich in "Follow the Boys" (1944).
Vidéo > https://vimeo.com/330100817




















La porte de la loge



ANAÏS Rappelle-toi que c’est la première fois

LUDMILLA Moi, j’ai toujours eu des loges collectives. Ça ne me gêne pas.

ANAÏS Il ne s’agit pas de toi.

LUDMILLA On parle de pudeur, là ? Je suis en train de parler de pudeur avec l’auteur de Vénus Erotica.

ANAÏS Il n’y avait pas de porte à la loge dans l’histoire. Boris a prétendu qu’il n’y en avait jamais eu. Il n’y avait
qu’un rideau étroit, en cretonne. Tu vois ce que c’est, comme tissu, la cretonne ?

LUDMILLA Non.

ANAÏS Peu importe. Pendant que je m’habillais ou que je me déshabillais, des gens surgissaient pour
m’apporter un message ou m’emprunter ma cold cream ou une serviette. J’avais toujours peur d’attraper un
rhume. Boris prétendait que dans les petits théâtres comme celui-là, il n’y avait jamais de portes aux loges.
C’était une façon, je crois, pour lui de me rappeler que j’étais une débutante.
La débutante sur scène, ce n’est pas celle qui ne sait pas danser, entre en retard sur la musique, ou manque sa
réplique. La débutante, c’est celle qui ne sait pas qu’il n’y a jamais de portes aux loges dans les petits théâtres.

LUDMILLA Moi, j’ai connu des théâtres minuscules, des théâtres de poche dans lesquels…

ANAÏS Il ne s’agit pas de toi. Il est question de l’imaginaire théâtral. Ne m’oblige pas à être pédante. Je déteste
les grands mots. Je ne veux pas que les mots m’impressionnent et encore moins qu’ils impressionnent le
lecteur. Je veux qu’ils m’hypnotisent. Je désire une communion. Le papier pour moi est comme un rideau de
scène. Quand j’écris, je suis dans la coulisse. Quand on me lit, j’apparais sur la scène. Je veux toucher cette
ivresse. Je veux les applaudissements pour moi, pour moi seule. Tout est tellement silencieux dans le monde
des livres.
Alors tu vois, je mélange tout. Je vis ce que j’écris. J’écris ce que je vis. Pour que le texte soit écrit sur ma peau.
Chaque personne qui me lit m’accorde une caresse. Et je la sens. C’est une alchimie que je suis la seule à
pratiquer.

LUDMILLA Et quand tu seras morte ?

ANAÏS Mais, je suis morte. Et tu vois bien que ça ne change rien.
Là aussi, j’ai tout mélangé, l’instant et l’éternité, l’éphémère et le permanent, le temps de ma vie et le temps
de mes livres. Je n’ai pas d’âge et je ne mourrai jamais.

LUDMILLA Mais tu es morte, pourtant. Tu viens de le dire.

ANAÏS Il ne s’agit pas de moi. Il ne s’agit pas plus de moi que de toi.
Ce qui m’intéresse, c’est le vide, le rien, le néant d’après la représentation. Ce qui m’intéresse c’est le trou noir
où se tapit le public et soudain, le fracas des applaudissements. Ce qui compte, c’est qu’il n’y a jamais eu de
porte à ma loge, jamais, si grand qu’ait été le théâtre.
Boris m’avait proposé d’échanger avec la sienne. Sa loge à lui, n’avait même pas de rideau ! Je me déshabillais
et me rhabillais sous un grand kimono qui me faisait comme une tente, mais je me suis rendu compte qu’il était
échancré sur les côtés et qu’on voyait le reflet de ma nudité dans le miroir. On a collé des papiers bleus dessus,
mais alors, je ne pouvais plus arranger ma tenue, vérifier que mes jupons étaient en place, que le peigne se
dressait bien droit au sommet de ma tête.

LUDMILLA Je ne crois pas que ça va bien m’aller la mantille et la robe flamenco, tout ça. Je n’ai pas le physique
qu’il faut.

ANAÏS Ça va à toutes les femmes. Tu seras magnifique.

LUDMILLA Je serai ridicule.

ANAÏS C’est exactement la même chose. On est toujours ridicule au théâtre. Ridicule quand on écrit.
S’exprimer, c’est ridicule.

LUDMILLA Ce soir, ma mère est dans la salle.

ANAÏS Il ne s’agit pas de ta mère.

LUDMILLA Je ne me suis jamais sentie ridicule devant ma mère.

ANAÏS La mienne… Oh, je ne peux pas parler de ma mère sans me mettre à pleurer. Elle me manque
tellement. Même quand elle était là, elle me manquait. Je voulais me fondre à elle. Me fondre en elle. Quand
elle chantait, j’aurais voulu entrer dans sa gorge et devenir sa voix.
Quand Vivien demande à Anita « Ton père ne parlait jamais de moi ? »…

LUDMILLA Anita, c’est ton double ?

ANAÏS Oui. Non. Il ne s’agit pas de moi.
Quand Vivien, la mère, dit à sa fille, Anita : « Ton père ne parlait jamais de moi ? » cela me fait pleurer. C’est
moi qui ai écrit cette histoire et je pleure en la lisant. Ça aussi, c’est ridicule. C’est plus ridicule que tout le reste.
C’est ridicule comme la vérité. Presque tout ce qui est vrai est grotesque. Tu as remarqué ?

LUDMILLA Non.

ANAÏS La mère et la fille se retrouvent, après des années. La mère a vu danser sa fille. Vivien, la grande
comédienne, la grande amoureuse, se réjouit de constater que sa fille, qu’elle croyait perdue pour toujours, a
marché sur ses traces. Anita est devenue danseuse. Mère et fille sont deux saltimbanques. On disait ça.

LUDMILLA On ne le dit plus.

ANAÏS Tu vois combien c’est cruel ? Après toutes ces années ? Tout ce que la mère trouve à dire à sa fille, sa
fille qui danse avec talent, sa fille qui n’a pas de porte à sa loge mais qui se contorsionne sous un kimono pour
que personne ne voie son corps, tout ce qu’elle trouve à lui dire c’est : « Ton père ne parlait jamais de moi ? »
C’est blessant. Tu vois comme c’est blessant ? Cette façon qu’a la mère de ramener le père entre elles.
Tiens, lis le rôle d’Anita. Je vais lire Vivien.
Prends le texte, je te dis. Tu as le temps.

LUDMILLA Je voudrais me concentrer. Ce soir, ma mère est dans la salle.

ANAÏS Ta mère est là. Ta mère est devant toi. Lis.

LUDMILLA/ANITA Non, il ne parlait jamais de toi.

ANAÏS/VIVIEN C’est normal que tu ne ressentes aucun sentiment particulier à mon égard – tu étais encore un
bébé. A cette époque, je n’aurais certainement pas imaginé que tu embrasserais ce genre de carrière.

LUDMILLA/ANITA Pourquoi vous intéressez-vous à ma carrière ?

ANAÏS/VIVIEN C’est un lien entre nous, tu ne crois pas ? Quand j’ai appris la mort de ton père, il y a sept ans,
je me suis demandé si je devais ou non me faire connaître de toi. Je pensais que tu devais être une jeune fille
guindée, quelqu’un comme lui, sévère peut-être, ne s’intéressant qu’aux livres. Et puis j’ai découvert que tu
étais devenue danseuse ! Quelle joie ça m’a procuré. Je croyais que tu étais sa fille à lui, et je me rends compte
que tu es la mienne.

LUDMILLA/ANITA Je ne suis la fille de personne.

ANAÏS/VIVIEN Tu n’es pas heureuse de me voir ?

LUDMILLA/ANITA Je n’en sais rien.

ANAÏS/VIVIEN C’est tellement moderne cette réponse. Et je crois que ça me plaît. Je crois que nous pourrions
très bien nous comprendre. Nous avons eu le même genre de vie. Nous nous intéressons aux mêmes choses.
Connais-tu mon nom de scène ? Vivien Foraine. Ça te dit quelque chose ?

LUDMILLA/ANITA J’ai entendu des gens dont j’estime l’opinion dire que vous étiez une grande actrice.

ANAÏS/VIVIEN Et moi, je crois que tu es une danseuse magnifique. Et très originale, en plus.

LUDMILLA/ANITA Vous m’avez vue danser ?

ANAÏS/VIVIEN Plusieurs fois. Je voulais savoir si je t’apprécierais avant de me présenter à toi.

LUDMILLA Pardon, mais il faut vraiment que je me concentre, là. On pourra reprendre plus tard, si vous
voulez. Après la représentation ?

ANAÏS Après la représentation, tu crouleras sous les roses rouges. Tu ne rappelleras plus de moi. Tu signeras
des autographes sous la pluie.

LUDMILLA Je n’ai jamais signé d’autographe, il ne pleut pas et après la représentation, j’irai à la cafétéria bio.
































Le vide

ANAÏS Vous entendez ?

MRS FARINOLE Non. Je n’entends rien.

ANAÏS La chanson. Vous n’entendez pas une musique qui vient de par-là. Quelqu’un chante.
Une femme, je crois. Vous n’entendez pas ?

MRS FARINOLE C’est votre imagination, ma petite. Vous avez beaucoup d’imagination dit-on.
C’est une qualité que j’admire infiniment. Mr Farinole et moi-même n’en avons aucune. Nous,
notre spécialité, c’est l’humour. Enfin, surtout mon mari. Mr Farinole a un humour ! Oh lala ! Cet
humour qu’il a…

ANAÏS C’est drôle, à vous écouter, on croirait que c’est d’autre chose que vous parlez.

MRS FARINOLE Mais de quoi pourrais-je bien parler ? Je n’ai aucune imagination vous dis-je.
Alors que vous ! On sent que vous avez la tête pleine de… pleine de… je ne sais pas. De choses
exaltantes, excitantes, même.

ANAÏS (d’une voix égarée) Ma tête est vide. Complètement vide. Elle donne quelques petits
coups de son poing fermé contre sa tempe. Vous entendez comme ça sonne creux ?
L’imagination pour vous, c’est comme une malle pleine de déguisements ou de bijoux, de feuilles
de décors, de pantins articulés, de plantes exotiques. Alors qu’en fait…

MRS FARINOLE En fait ?

ANAÏS En fait, c’est vide. Il n’y a rien dans l’imagination.

MRS FARINOLE Vous vous moquez de moi ? Je le vois dans vos yeux, qu’il y a quelque chose.
Vos yeux étincellent. On y plongerait ! Vous devriez entendre Mr Farinole quand il parle de vous.

ANAÏS Que dit-il ?

MRS FARINOLE Il dit… Il dit… « Sacrée Anaïs ». Il dit : « on voit bien qu’il s’en passe de belles
dans sa petite tête » et ça le faire rire, mais rire.

ANAÏS Petite tête ? Il dit que j’ai une petite tête ?

MRS FARINOLE C’est affectueux.

ANAÏS Ma tête est vide, mais elle immense. A l’extérieur, elle ne paraît pas si grande, mais à
l’intérieur… Tout peut y entrer. Vous m’entendez, Mrs Farinole ? Vous comprenez ? Tout y entre.
Tout. Les beautés, les brutalités, les élégances, les ignominies, les désirs, les frustrations, les
perversions, les saintetés, le dévouement, la colère, la douleur, la jalousie, la candeur. Tout le
monde y entre.

MRS FARINOLE Vous voyez bien que vous avez de l’imagination, mon poussin.

ANAÏS Je n’imagine rien. C’est la vérité. Tout le monde y entre. Vous, votre mari. La dame du
bureau de poste. Le commis boulanger. Votre voisin, le grand écrivain - Comment s’appelle-t-il
déjà ? Alain Roussel. Tout le monde, vraiment. Vos invités, le quidam que je croise avenue de
l’Opéra et ne reverrai jamais, les vendeurs de tickets de loterie, les beaux messieurs des
boulevards, les forts des Halles, les grisettes de Montmartre…

MRS FARINOLE Ah, Paris ! Je n’y suis jamais allée. J’en rêve. Mais Mr Farinole…

ANAÏS Toutes les villes entrent dans ma tête. New-York, Louveciennes, La Havane, Neuilly, Los
Angeles... Les campagnes aussi. Les animaux. Une mouche. Une tique. Une hyène. Un
hippopotame. Une chienne. Un lièvre. Un serpent. Une chauve-souris…

MRS FARINOLE Un hippopotame dans la tête ? Vraiment ? Et ça prétend n’avoir pas
d’imagination !

ANAÏS Je n’ai jamais dit que je n’en avais pas. J’ai dit qu’il n’y avait rien dedans.

MRS FARINOLE Vous venez d’affirmer le contraire. A l’instant. Je vous y prends, ma chérie,
flagrant délit de contradiction.

ANAÏS (d’un ton suave) Rien de meilleur.

MRS FARINOLE Quoi ? La contradiction ?

ANAÏS (d’une voix carrément langoureuse) Le fla-grant dé-lit. On vous surprend en train de faire
quelque chose. Pas forcément quelque chose de mal. Parfois c’est innocent. Imaginez. Vous
essayez un chapeau et vous faites une tête un peu spéciale, un peu provocante. Vous imaginez
qu’un homme vous regarde et vous lui lancez un regard. Tout se passe devant le miroir. Mais,
sans que vous vous en rendiez compte, quelqu’un est entré dans la pièce. Quelqu’un vous
regarde en train de vous regarder. En train de rêver à l’amour.
Et alors, vous rougissez, vous avez honte, mais honte.
Les gens disent : « j’aurais aimé que la terre s’ouvre », ou bien « j’aurais voulu disparaître ».
Ils ont tort. Il faut rester, affronter ce moment. Et jouir du flagrant délit. Il y a toujours quelqu’un
qui nous regarde.

MRS FARINOLE Comme c’est amusant, ce que vous dites. Vous avez du sang irlandais ? C’est
toujours ce que demande Henry, mon mari, quand quelqu’un le fait rire. Du sang irlandais ?

ANAÏS Irlandais, je ne sais pas. Du sang, c’est sûr, j’en ai.

MRS FARINOLE C’est avec ça que vous écrivez ?

ANAÏS Avec mon sang ?

MRS FARINOLE Mais non, voyons ! Comme vous êtes drôle. Mais vous êtes sinistre parfois. Il y a
quelque chose en vous qui fait peur. Vos m’inspirez autant de tendresse que de terreur… mais
passons. Je voulais dire : c’est avec votre imagination que vous écrivez. Cette grande chose vide
qui se remplit d’hippopotames et de hyènes et de…

ANAÏS Non.

MRS FARINOLE Mais alors, avec quoi ? Je ne suis pas la seule, vous savez ? Tous les gens que je
connais, mes amies du club de lecture, Veronica qui travaille à la bibliothèque, le père Maxwell,
et Tom O’Hardy qui tient la chronique théâtrale, tout le monde pense que les écrivains se servent
de leur imagination.

ANAÏS Alors je ne suis pas écrivain.

MRS FARINOLE Je vous ai vexée ?

ANAÏS Vous avez raison, je ne suis pas écrivain. Je suis radiographe. Quand je regarde une
personne, je vois toujours ce qu’il y a à l’intérieur avant de distinguer la surface. J’aimerais
pouvoir faire autrement. Me fier au sourire, à une peau éclatante, à des sourcils trop rapprochés.
Avoir de l’imagination, c’est s’asseoir dans le métro en face d’un homme qui porte un chapeau
gris, regarder ce chapeau gris, et que ce gris vous rappelle le gris des rochers de Majorque et celui
de l’écorce des vieux oliviers – ce même gris que portent les Espagnols à la corrida – et donc,
avoir de l’imagination, c’est voyager tout autour du monde parce que l’homme assis en face de
vous dans le métro porte un chapeau gris.
N’avoir aucune imagination c’est regarder pendant vingt minutes le chapeau gris et remarquer
qu’il est taché.

MRS FARINOLE J’ai horreur des tâches.

ANAÏS J’ai entendu parler d’une femme qui, parce qu’elle souffrait atrocement de la jambe
s’était fait retirer le nerf qui transmettait la douleur à son cerveau. Je voudrais procéder comme
elle : m’arracher ce sixième sens, la capacité que j’ai à discerner la ruse, à mettre au jour les
lâchetés. J’aimerais pouvoir être sourde au désir. C’est surtout ça qui encombre mon esprit, me
colonise : le désir des autres. Le désir des hommes et des femmes qui me regardent. Ils le taisent
et moi, je l’entends, comme s’ils hurlaient.
Je vois les maladies de ceux qui se croient bien portants. Je distingue la lueur du feu érotique
derrière l’épaisseur de la bure.
Parfois c’est plaisant, bien sûr. Mais la plupart du temps c’est accablant. Alors j’écris, j’écris avec
ce que je vois.
Vous n’avez pas l’air bien, Mrs Farinole.

MRS FARINOLE Je crains que vous ne lisiez en moi.

ANAÏS Que pourrais-je lire ? Que cachez-vous ?

MRS FARINOLE Rien.

ANAÏS Sachez que le temps joue pour vous. Ce que je vois, je l’oublie aussitôt. Je suis incapable
d’écrire à partir du présent. Le présent, pour moi, est sacré ; il doit être vécu, absorbé
passionnément. Seul le passé est source de fiction. Mon travail, si vous voulez, est celui d’un
embaumeur.

MRS FARINOLE Alors cette histoire d’hippopotame, ce n’est pas sérieux. C’est une métaphore.
Ce qu’il y a dans votre imagination, dans votre tête vide, comme vous dites, c’est le passé.

ANAÏS Non, Mrs Farinole. Je comprends que cela soit pénible à concevoir, mais le vide est vide.
Il n’y a rien dans le vide. Tenez, quand je danse, la musique est à l’extérieur de mon corps, mais…
vous entendez ?

MRS FARINOLE La chanson ?

ANAÏS Oui, au loin. On l’avait perdue, mais voilà qu’elle revient. Je pleurais toujours quand ma
mère chantait. Je pensais que c’était à cause de sa voix, de la beauté de sa voix, mais aujourd’hui,
je me dis qu’il s’agissait d’autre chose. Une chose plus profonde.

MRS FARINOLE Plus profonde que la beauté ?

ANAÏS Rien n’est plus profond que la beauté. Alors disons que quelque chose chez ma mère
résistait. Je la revois avec sa machine à coudre et son dé d’or, qui m’ont fait prendre en grippe les
tâches ménagères. L’irritation de ma mère, je la percevais parfaitement ; sa rébellion contre la
suprématie du rôle de mère chez elle.
Ma mère ne voulait pas être une mère tout le temps. Elle devait être la mère de son mari et de
trois jeunes enfants, mais, à une époque, elle avait voulu être une chanteuse professionnelle.
Enfant, j’étais déjà radiographe. Mes frères disaient maman et ils voyaient ma mère. Moi, je
disais maman et j’entendais son chant.

LES LUCIOLES


Créé en 1994 et implanté à Rennes, le collectif les Lucioles regroupe six
comédiens formés à l’école d’art dramatique du Théâtre National de
Bretagne.
Depuis sa création, le groupe, qui tient son nom des Ecrits corsaires de
Pasolini, n’a cessé de mettre le texte à l’épreuve du plateau : des pièces de
théâtre, des adaptations de romans, des récits autobiographiques ou encore
des scénarios de films… près de soixante créations se sont ainsi suivies
depuis plus de 20 ans.

De manière empirique, le travail de la bande s’inscrit dans un mouvement


de renouveau des écritures de scène et de métissage des langages pour
traduire la réalité du monde, ses bouleversements, ses déchirures, ses
espoirs, questionner la société, ses valeurs, cerner la poésie et le comique
de l’individu à travers ses fragilités et ses forces...
C’est ce qui a conduit ses membres à aborder, dernièrement, des thèmes
tels que les droits civiques (avec Harlem Quartet de James Baldwin, une
plongée dans le Harlem des années 50/60), l’exclusion (avec Le Bonheur
(n’est pas toujours drôle) qui donnent la voix a des laissés-pour-comptes de
la société allemande) ou encore la singularité (avec One night with Holly
Woodlawn, le portrait d’une superstar transgenre).

Conventionné par le Ministère de la Culture, le collectif Les Lucioles est


également soutenu par la région Bretagne et la ville de Rennes.


LES MEMBRES

David Jeanne Comello, Frédérique Loliée, Philippe Marteau


Pierre Maillet (est également artiste associé à la Comédie de Saint-Etienne, au Théâtre + Cinéma – Scène nationale du
Grand Narbonne. Il fait partie du collectif artistique de la Comédie de Colmar).
Elise Vigier (est également artiste associée à la direction de la Comédie de Caen-CDN de Normandie).
Valérie Schwarcz (est également en permanence artistique au Théâtre des Ilets – CDN Montluçon).


CRÉATIONS À VENIR

La Petite personne à partir de livres dessinés de Perrine Rouillon et du Livre de lecture de Gertrude Stein
m.e.s. Frédérique Loliée & Matthias Langhoff (création nov 2020 )

Le Monde et son contraire de Leslie Kaplan


m.e.s. Elise Vigier (création nov 2020)

Journal - Portraits de l’ennui à partir d’un texte d’Edouard Louis


Un projet de Philippe Marteau (création oct 20)

Théorème(s) de Pier Paolo Pasolini


m.e.s. Pierre Maillet (création oct 21)

EN TOURNÉE
Le Bonheur (n’est pas toujours drôle) de R. W. Fassbinder - Pierre Maillet
Création janv 2019 > Comédie de Caen – CDN de Normandie

One night with Holly Woodlawn / Pierre Maillet


Création juin 2018 > Les Plateaux Sauvages - Paris

Harlem Quartet de James Baldwin -Elise Vigier


Création nov 2017 > MAC - Maison des Arts de Créteil



(….) Deux ou trois fois, je me suis mis à penser et à me demander pourquoi c’était que nous
sommes nés pour obéir ? Pourquoi faut-il que toute notre vie soit une longue et lourde
chaîne d’obéissance ? Souvent je me suis demandé pourquoi Dieu nous a-t-il créés rien que
pour obéir ? Le monde entier obéit toujours. Les lois de Dieu, les lois de la nature etc. Et il
n’y a rien que des lois, des commandements. Pourquoi ? Nous aurions pu être créés libres,
mais pourquoi faut-il que nos premiers parents, par leur faute, fassent retomber sur nous le
joug, l’esclavage de l’obéissance ? Il faut obéir, obéir maintenant, obéir après, obéir
toujours, obéir partout, sur la terre comme au ciel.

Est-ce que le monde ne pourrait pas exister sans l’obéissance ? Sans que les rois obéissent à
Dieu, sans que l’homme obéisse à la tête, sans que l’animal obéisse à l’homme, sans que la
nature obéisse à ses lois, et les milliers d’autres humains qui doivent toujours obéir à un plus
haut que soi-même ? Pourquoi pas ? Qu’arriverait-il ?

Je voudrais bien trouver quelqu’un qui puisse m’éclairer et m’enlever ce doute. Je


chercherai, et si je ne trouve pas je tâcherai de répondre moi-même en étudiant cette
grande question car, en un mot, je veux savoir pourquoi ce mot : « obéissance » a été placé
sur cette terre.
Anaïs NIN - 13 mars 1917


Aujourd’hui, j’ai écrit une histoire fantastique que j’avais en tête, l’histoire d’un bateau, que
j’intitule provisoirement « Cercles ». Elle s’achève sur cette phrase : « J’ai perdu du temps »,
qui pourrait servir de titre à l’ensemble. Avec cette nouvelle, je recommence à travailler
vraiment.
Anaïs NIN - 24 novembre 1930





































@ Sally Mann




LES LUCIOLES
61, rue Alexandre Duval
35000 Rennes
www.theatre-des-lucioles.net

Administration/Production : Odile Massart


+ 33 (0)2 23 42 30 77 I theatredeslucioles@wanadoo.fr

EPOC PRODUCTION
Production/diffusion > Emmanuelle Ossena
+ 33 (0)6 03 47 45 51 | e.ossena@epoc-productions.net

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