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03/03/2023 23:49 Oussama Ammar : «On verra bien si je vais en prison» | Vanity Fair

POUVOIR

Oussama Ammar : «On verra bien si je vais en


prison»

Oussama Ammar était un homme d’affaires adulé sur le web. Jusqu’au jour où ses deux associés
se sont plongés dans les comptes et l’ont accusé d’escroquerie. L’entrepreneur le plus sulfureux
de la start-up nation livre sa version des faits.
France

PAR ARTHUR CERF ET THOMAS GIRAUDET


Pouvoir Culture Célébrités Mode Vanités8 NOVEMBRE
Et Aussi 2022

Oussama Ammar photographié pour Vanity Fair en juillet 2022. JÉRÔM E BONNET

omment tirer sa révérence à 35 ans ? Le 29 novembre 2021, le jeune Oussama


Ammar se fend d'un long message sur LinkedIn pour annoncer son départ de The
Family, le célèbre incubateur de start-up qu’il a cofondé avec deux collaborateurs
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03/03/2023 23:49 Oussama Ammar : «On verra bien si je vais en prison» | Vanity Fair

C
près de dix ans avant. Lui, le visionnaire qui recevait le ministre de
l’économie Emmanuel Macron, le « gourou de la tech » aux millions de
vues sur YouTube, a le sentiment d’être arrivé au bout du chemin. Et il
l’écrit (en anglais) : « Ne plus être la bonne personne est l’occasion de
devenir une nouvelle personne. » En réaction, des centaines de fans lui rendent
hommage : « Force ! » « Big up et merci ! » « Wow ! Une page (et quelle page !) se
tourne. Massive impact. Total respect :) On veut la suite ! »

Huit mois plus tard, ses deux anciens associés nous reçoivent dans le cabinet de leur
avocat, à deux pas des Champs-Élysées. Alice Zagury et Nicolas Colin ont mis des
semaines à accepter cet entretien. Pas évident pour eux d’évoquer celui qui fut aussi
leur ami. Ils l’accusent d’avoir détourné au moins 3 millions d’euros à des fins
personnelles. Cinq procédures dont une plainte pénale en France pour abus de
confiance, faux et usage de faux, avec soupçon de blanchiment ont été déposées,
mais aussi au Royaume-Uni et aux îles Caïmans. Alors chaque mot pèse de tout son
poids. Accompagnés de leur conseil, Me Ivan Térel, ils donnent parfois l’impression
de réciter des notes apprises à l’avance et déroulent la chronologie qui les a menés
vers le précipice, comme s'ils essayaient eux-mêmes de comprendre. Ils lui faisaient
entièrement confiance, insistent-ils à plusieurs reprises. Et ils n’ont rien vu venir.
Sur le site Medium, Alice Zagury a ainsi écrit : « Lorsque la confiance est donnée et
éprouvée au fil du temps, on ne se méfie plus, on baisse la garde. » Face à nous, elle
pose le dilemme qu’elle ne parvient pas à résoudre : « Comment quelqu’un qui a
tant œuvré pour construire The Family peut-il être capable de vouloir tout détruire ?
»

Autant le confesser, on aura entendu tout et son contraire au sujet d'Oussama


Ammar. Actionnaires, entrepreneurs, admirateurs et détracteurs nous ont décrit un
personnage à mille facettes : génie visionnaire, dangereux manipulateur,
affabulateur hors du commun. Un homme complexe et inclassable, haï et adoré,
magnétique, délicieux, insupportable, menteur, généreux, égocentrique, intelligent,
transgressif, excessif, mégalomane. Certains de nos interlocuteurs ont exigé
l’anonymat, d’autres ont accepté de nous parler, avant de se rétracter. Mais
comment une figure du web peut-elle susciter autant de passions ? Qu’est-ce que
cette fascination raconte de nous, et de notre monde ?

1er juin 2022, premier échange avec l’intéressé. « Écrivez ce que vous voulez, ça ne
me dérange pas beaucoup », répond-il à notre demande d’interview formulée

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auprès de son avocat. Il prépare sa défense dans son coin, et préfère communiquer à
sa manière, sur son compte Instagram suivi par 120 000 abonnés. On y voit l’album
photo de sa vie, ou du moins celle qu’il veut montrer : festins entre amis au bout du
monde, voyages à Bali ou aux Maldives, soirées avec le pianiste star Sofiane Pamart,
feux d’artifice, sauts dans des piscines et tiens, une phrase en anglais qui laisse
songeur : « In chaos, there is fertility. » Autrement dit : la fertilité réside dans le
chaos.

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Un jour, son compte annonce sa venue à Toulon, fin juin, pour une conférence
intitulée : « Se programmer à réussir et lancer un business à succès. » On lui envoie
un email pour y assister ; sa réponse tombe avec un smiley digne des années 2000.
« Vous pouvez toujours acheter une place : -) » Cinq heures plus tard, nouveau mail
: un ami l’a convaincu de nous parler. Un rendez- vous est fixé, juste avant son
grand retour sur scène.

Ce samedi 25 juin, le voilà enfin. Allure gargantuesque, jean retroussé, des Converse
bicolores, une rouge et une bleue. Il porte un sac à dos estampillé The Family. « J’ai
toujours 20 % de la boîte », sourit-il. Autour de son annulaire droit, une bague
dorée en forme de labyrinthe, comme s’il prenait un malin plaisir à perdre ceux qui
s’approchent de lui. On s’installe dans un café à proximité du Zénith de Toulon. Un
double expresso, un muffin et c’est parti : il saute d’une anecdote à l’autre, passe de
la mythologie gréco-romaine à l’histoire des Vikings, cisèle des aphorismes du genre
: « Les dieux se moquent de tous, surtout de ceux qui ont un business plan. » Il
plaisante parfois, l’œil rieur presque enfantin, puis se referme aussitôt. Sans cesse, il
revient à The Family et répond aux questions que nous ne lui avons pas encore
posées : « S’il y a bien un truc que je ne ferai pas, c’est m’excuser de quoique ce soit.
» Zéro regret, aucune contrition. « Tout vient en dualité, théorise-t-il. On ne peut
pas avoir une vie remplie d’aventures sans avoir une vie pleine de blessures. » Lui
aussi a ses griefs, mais les réserve à la justice. « Et on verra bien si je vais en prison.
» À l’écouter, ses anciens associés le détestent autant qu’ils l’ont aimé. Et il n’y est
pas insensible. Au bout de nos échanges, un éclair de désarroi traverse son regard :
« Franchement, ce qui m’arrive, je ne l’avais pas vu venir. »

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12 h 30, l’heure de remonter sur les estrades. Deux ans qu’il n’a pas pris la parole
devant autant de monde, plusieurs centaines de personnes. Pour stimuler sa pensée,
il s’impose de citer trois mots au hasard. Aujourd’hui : maximus, prépuce et rotule.
Ses fans l’attendent comme un vieux rocker sur le retour. Les plus motivés portent
un bracelet donnant accès à un cocktail VIP avec champagne et brochettes de
crevettes. « Allez mon Ouss’ ! » lance un groupie. Les premières secondes sur scène,
il tâtonne, cherche ses mots, avant de retrouver ses réflexes de conteur-né. « Est-ce
que j’ai déjà exagéré la vérité ? Oui, mais c’est le game. » Le jeu, en français. Sa
pensée file comme un soliloque décousu mais il a l’art de retomber à chaque fois sur
son raisonnement, à la manière d’un acrobate. « Il est trop fort », souffle un voisin.
Une petite heure de monologue payée 25 000 euros par les organisateurs, un club
de jeunes chefs d’entreprise : c’est le game.

Place aux questions. Un fan prend la parole : puisqu’on est là, entre nous, pourrait-il
raconter comment il traverse la tempête ? « Vous avez tous lu dans la presse que
j’avais détourné 3 millions d’euros, dit-il sans se défausser. J’ai créé beaucoup plus
de valeur à The Family. » Non, il ne courbera pas l’échine face au système. Les
accusations finiront par s’étioler, mais ses réussites resteront. « Ce genre de
problèmes ne commence pas le jour où ils apparaissent dans la presse, ajoute-t-il.
Moi, j’avais fait le deuil de mon amitié avec mes associés il y a déjà longtemps. » Et
dans ce bas monde, on n’est pas là pour se plaindre : « Aux gens que ça gêne parce
que c’est injuste, je rappellerai juste que la vie est injuste. » La salle applaudit.

Trente minutes : 250 euros

C’est fini. Il doit maintenant foncer à Arles pour retrouver son copain pianiste
Sofiane Pamart, en concert ce soir dans les arènes de la ville. « Vous venez avec moi
? » propose-t-il. D’accord, mais Arles-Toulon sur les coups de 17 heures, on fait
comment ? Pas de souci, il commande un Uber pour avaler les 150 kilomètres. Le
chauffeur arrive et, comme si tout cela était normal, il salue Oussama Ammar, qu’il
a pensé avoir déjà vu sur Internet : « C’est vous le créateur de Shopify ? »
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Sur la route, Oussama parle des stars de la tech américaine avec le ton familier
qu’on réserve à ses frères d’armes : ah, Travis Kalanick (le créateur d’Uber) ; et ce
bon vieux Mark Zuckerberg, croisé aux débuts de Facebook : « Je l’ai vu à un
barbecue, très intelligent, très sensible. » Récemment, des producteurs de cinéma
l’ont approché pour adapter l’histoire de The Family sous forme de série, mais il a
refusé. Sa bio Instagram le présente pourtant comme un « personnage de film » , en
toute modestie.

« Lequel ? lui demande-t-on.


– Bah le mien : Oussama Ammar. »

Il est né au Liban en 1986, petit dernier d’une grande fratrie bringuebalée par la
guerre. Il a à peine 1 an quand sa famille s’installe à Kinshasa, capitale de la
République démocratique du Congo, où l’un de ses grands frères a monté plusieurs
business. Nouveau départ pour la France à l’âge de 5 ans. Les Ammar s’installent
dans une barre HLM de Tours. La mère doit faire des ménages pour boucler les fins
de mois, tout en couvrant son fils Oussama d’encouragements. « Toi, quand tu seras
grand, tu seras riche », répète-t-elle. Le gamin carbure aux lubies: les dinosaures,
les mangas, puis les ordinateurs. Dans une boutique, il demande le prix de la
machine de ses rêves. Trop chère ? Il propose de travailler dans le magasin pour
apprendre à monter les ordinateurs. Tous les samedis, il gagne ses composants et
assemble son premier PC.

« Tu gagnes, t’as raison. Tu perds, t’as tort. Et ce que tu perds,


c’est le montant de la leçon que tu mérites. » Oussama Ammar

À la fin des années 1990, Oussama Ammar est happé par la vague Internet. Il bricole
un site web sur la mythologie gréco-romaine, un autre pour gagner des munitions
illimitées dans un jeu vidéo (Diablo 2), un troisième pour un employeur de sa mère.
Sa première paie : l’équivalent de six mois de ménages. Rendez- vous compte : à 13
ans, il monte une société de développement de sites internet. Oui, tout à fait, insiste-
t-il : la boîte était enregistrée en Uruguay, où la législation autorisait alors un
mineur à avoir une entreprise. Mais comment l’a-t-il appris ? « Sur Google ! dit-il.
Avant 2001, le monde était facile : tu ouvrais une boîte par téléphone, des comptes
en banque partout. » S’il le dit.

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Bac S en poche, il file en prépa lettres et sciences sociales à Bordeaux. Dans le vivier
d’élèves rangés, son nom et son tempérament détonnent. Son look aussi : obsédé
par Oscar Wilde, il adopte un style dandy, porte une veste en velours et s’achète une
canne. Déjà, il captive autant qu’il agace. On trouve qu’il se la « raconte un peu ».
Quand il abandonne la prépa faute de bons résultats, certains se réjouissent. « Ce
qui me fascinait, dit Florent Masson, son fidèle ami, c’était la capacité des gens qui
l’adoraient à soudain le détester. » Il s’inscrit en fac de philo à Paris, mais les
allégories de Platon et le ciel des idées le barbent. Il veut du concret et a besoin
d’argent, aussi. Il se remet à créer des sites internet et se lance dans la jungle du
marché. « L’entrepreneuriat est le chemin le plus court entre l’imagination et sa
réalisation, postule-t-il. Tu gagnes, t’as raison. Tu perds, t’as tort. Et ce que tu perds,
c’est le montant de la leçon que tu mérites. »
La première leçon s’appelle Hypios, lancée en 2008. Le concept : une place de
marché où les entreprises peuvent recruter des scientifiques sur des missions
ponctuelles. Il ouvre des bureaux dans le Marais, à Paris, avec des tableaux blancs
sur les murs, et des dessins du philosophe Ludwig Wittgenstein. « Ça m’a séduit, se
rappelle Klaus Speidel, l’un des cofondateurs, docteur en philosophie et critique
d’art. Le projet se présentait comme une start-up d’intellectuels. »

Oussama Ammar lève un million d’euros. Son train de vie change. Il a l’air d’aimer
le luxe. « Non, l’excellence », corrige-t-il. Dans cette zone grise où l’argent pro peut
vite se confondre avec l’argent perso, il flambe au restaurant, organise une soirée
dans une villa avec piscine, champagne Ruinart et côtes de bœuf. Hypios n’est pas
encore rentable ? Il trouve les mots pour rassurer les actionnaires. C’est la loi du
genre. « Fake it until you make it », disent les Américains. Faites semblant avant d’y
arriver vraiment. « Les investisseurs avaient envie de le croire, se souvient Speidel.
Il pouvait leur dire qu’on avait touché 130 000 personnes alors qu’on n’avait que
500 utilisateurs. »

Le réveil est brutal. Fin 2010, les associés découvrent la réalité des finances. La
boîte est morte, réalisent-ils. Dans son rapport, le commissaire aux comptes pointe
de « nombreuses dépenses à caractère personnel effectuées par le président
fondateur ». Près de 200 000 euros ont disparu. Oussama Ammar est évincé. « Je
ne savais pas ce que je faisais, personne ne m’avait expliqué », plaide-t-il
aujourd’hui. « C’est une créature de pulsion et de passion, confie un ancien associé.
il raconterait n’importe quoi pour se faire aimer et quand il sent qu’il ne peut plus
avoir votre amour, il fait une croix et passe à la prochaine cible. »

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Pour changer d’air, il s’installe à San Francisco. C’est l’époque où les hackers en
sweat capuche prennent le pouvoir sur les diplômés de Harvard en costume. Il
rencontre l’entrepreneur indo-américain Vivek Wadhwa, bientôt dans la liste des
personnalités les plus influentes de la tech de Time. « La première chose qui m’a
marqué, c’est son nom », se souvient celui-ci. À l’époque, Wadhwa a lancé Start-up
Chile, un incubateur installé à Santiago, la capitale. Oussama Ammar lui pose des
questions, écoute, songe à répliquer le même modèle ailleurs, au Brésil peut-être, ou
bien en France. On verra. En attendant, le voilà recruté en juin 2011 à San Francisco
comme directeur général de Be Sport, un réseau social censé devenir le Facebook du
sport.

Là encore, l’affaire tourne mal : quelques mois après sa prise de fonctions, il est
soupçonné d’avoir pioché plus de 100 000 dollars dans la caisse. Les dirigeants de la
start-up portent plainte pour « abus de confiance, faux et usage de faux ». Il est
temps de revenir en France.

De ces trois années, il dit qu’il a fait toutes les conneries sur terre, même s’il s’agace
de voir ressurgir ces deux affaires dans la conversation. « Toutes les erreurs que j’ai
faites sont retenues contre moi. Par contre, tous les succès, c’est de la chance, c’est
pas vraiment moi... » Il devine le récit qui se dessine à son sujet : l’histoire d’un
homme qui a fauté une fois, deux fois, et qui va donc reproduire le même péché à
l’infini. En revanche, il le reconnaît volontiers : ce qu’il touche finit souvent par «
exploser en plein vol ».
À une heure d’Arles environ, le Uber se gare sur une aire d’autoroute, le temps d’un
sandwich triangle et d’une glace au chocolat. Dans la station-service, un homme le
reconnaît, s’approche et lui demande des conseils. « À quel sujet ? » Tout. Ce sont
ses « nouveaux fans » : des extraits de ses conférences se sont retrouvés sur TikTok
et il est devenu une star sur ce nouveau réseau social où s’enchaînent les pastilles
vidéo. « J’étais un mec qu’on écoutait pendant des heures sur YouTube ;
maintenant, on me regarde à peine quelques secondes », sourit-il.

Oussama Ammar entretient un rapport ambigu à la fascination qu’il suscite. Face A


: il dit posséder un pouvoir magique : « J’arrive à profondément comprendre ce que
les gens veulent même quand ils ne le savent pas. » Face B : il déteste ce costume de
gourou qu’on lui a taillé. « Rien ne me blesse plus, dit-il. Parce que ça veut dire que
mon public n’apprécie pas ce que je dis parce qu’il est intelligent, mais parce qu’il
est manipulé. »

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Bon, en ce moment, il a besoin de cash, alors il prodigue ses conseils au téléphone.


Trente minutes, 250 euros. « Tu trouves ça cher ? Parle à quelqu’un d’autre. » Nom
du concept : Better Call Ouss, inspiré de la série Better Call Saul. « Je ne l’ai pas vue
», jure-t-il. Dommage : c’est l’histoire d’un aspirant avocat et escroc rusé, sans cesse
ramené vers sa part d’ombre, et qui ne tient jamais bien longtemps dans les rangs
du système.

Agressif ? Non : irrévérencieux

Un rappel avant d’aller plus loin : en 2012, Facebook a 8 ans, Google, 14, et Amazon,
18. En France, ni Mark Zuckerberg, ni Jack Dorsey, ni Elon Musk à l’horizon. Les
Xavier Niel (Free) Marc Simoncini (Meetic) ou Pierre Kosciusko-Morizet (Price
Minister) ont taillé leur chemin, mais l’entrepreneuriat demeure encore une planète
isolée. L’innovation est portée par les grands groupes et les institutions. Les
investisseurs regardent ailleurs, les entrepreneurs essaiment sans écosystème.
D’ailleurs, on ne dit pas encore tout à fait start-up mais jeune entreprise innovante.

À 26 ans, Oussama Ammar est dans le creux de la vague. Il dort sur un matelas
gonflable chez Florent et déprime en silence. « Quand il va mal, prévient son ami, ça
dure 24 à 48 heures et il rentre dans sa coquille, le temps que le système se reboote.
» Les pieds à Paris, la tête en Californie, il répond à une invitation d’une
entrepreneuse, Alice Zagury. Dans les locaux du Palais Brongniart, cette diplômée
de l’EM Lyon dirige le Camping, le premier accélérateur de start-up de l’Hexagone,
sur le modèle de YCombinator, l’incubateur américain de AirBnb, Reddit ou
Dropbox. Le principe : accompagner le lancement d’une start-up en échange d’un
petit pourcentage du capital. Alice Zagury aide des jeunes geeks, mais elle tâtonne
dans un univers où tout reste à bâtir. Elle cherche de nouveaux coachs pour ses
entrepreneurs. Tiens, qui voilà ? Oussama Ammar.
Ils font connaissance, sont de la même génération, parlent la même langue. Lui se
présente comme un entrepreneur viré de son propre conseil d’administration. Il a
échoué ? Parfait, l’époque aime les parcours cabossés et le concept de résilience. Il
se met à donner des conseils pour lever des millions dans un secteur où il n’a pas
encore fait ses preuves, mais qu’importe. Ils vont vendre ensemble – pardon, «
pitcher » – leurs projets auprès des investisseurs. À Londres, Alice Zagury lui tend
le micro devant un parterre de business angels. Effet waouh, comme on dit dans le
marketing de l’enchantement. Tout le monde est suspendu au discours d’Oussama.

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Pour lui, c’est le déclic. « J’y prends goût, se remémore-t-il. Et j’ai envie de le refaire.
»

2012. Après trois ans d’activité, le Camping a participé aux lancements de 36 start-
up et bouclé 18 levées de fonds. Les deux associés voient plus grand. Ils veulent leur
propre structure. Mais il faut trouver un nom qui dit la loyauté et l’esprit de partage.
Ce sera The Family. À la fin de l’année, ils sont rejoints par un certain Nicolas Colin.
Un spécimen rare lui aussi : classé dans le top 5 de sa promo à l’ENA, il a pris ses
distances avec la haute fonction publique pour s’aventurer dans le Far West de la
création d’entreprise. Lui aussi a planté sa start-up avant de devenir un intello de
l’économie numérique. « Méga froid, méga brillant », résume Oussama.

Premiers bureaux dans un appartement du 3e arrondissement de Paris, près de la


place de la République. Le trio le claironne sur LinkedIn : « The Family veut
résoudre un problème ; la France est toxique pour les entrepreneurs. On veut
amener de l’éducation, des outils et du capital à 100 start-up par an. »

À peine deux ans plus tard, il faut déjà déménager pour accompagner la croissance.
Cette fois, ils investissent un espace de 1 200 mètres carrés inondé de lumière.
Ambiance tout en ésotérisme avec aux murs, l’emblème de l’entreprise, un phénix
aux ailes déployées dessiné par la sœur d’Alice, styliste et créatrice de bijoux, et des
slogans comme « Anyone can be an entrepreneur. » Ils sont radicaux, agressifs – «
irrévérencieux », corrige la dirigeante – et ringardisent la concurrence. Ils vont plus
vite, sont plus forts et lèvent 5 millions au bout de trois ans.

Les institutions, ce n’est pas nouveau, raffolent des autodidactes et des rebelles
venus de l’intérieur. Oussama Ammar est invité à donner des cours à Sciences-Po.
En 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, vient débattre
innovation avec lui. En 2017, le trio reçoit Sheryl Sandberg, la femme la plus
puissante de la Silicon Valley. Bientôt Oussama Ammar fera partie d’un grand
forum de discussion sur l’innovation, le Global Tech Panel, créé par la Haute
représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères. Dans son vent de
fraîcheur, The Family aspire des actionnaires, présentés comme des parrains. Là
encore dans leur jargon, on dit des « godfathers ». Des entrepreneurs, des
investisseurs, des héritiers de grandes familles et bien d’autres encore. Ils affrontent
les taxis aux côtés de l’application Heetch, accompagnent Algolia, le Google des
entreprises, Pay Fit, Captain Train et entre 700 et 800 autres aux noms qui
incarnent la French Tech.

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600 invités grimés en animaux sauvages

À longueur de vidéos et de conférences, Oussama Ammar devient un maître de ce


que les Américains appellent l’assertiveness, cette capacité à défendre des idées
avec confiance mais sans agressivité. Il façonne les esprits aux mots de l’époque, du
personal branding au growth hacking. Surtout, il sait parler à ces surdiplômés qui
ne se contentent plus seulement du capital économique mais qui veulent aussi avoir
l’air cool. Il vend du vent ? Non, de l’espoir. « Il a créé un mouvement quasi
religieux », glisse l’un de ses amis.
Dans un monde en panne de modèles, il apparaît comme la preuve que tout est
possible. Il a tout connu, tout vécu : le Liban, la France, la Californie, le luxe, la
pauvreté, les succès, les échecs... « Vivez l’expérience Oussama Ammar », annonce-
t-on un jour pour sa venue au forum de Deauville.

À 28 ans, Jean-Bernard Siboni rêvait d’entreprendre sans bien savoir comment s’y
prendre. Une enfance modeste à Marseille, une mère assistante sociale, un bac
technologique, mais pas d’études. Pour lancer sa première boite, il demande des
conseils au président de son club de taekwondo. « Hors de Paris, on n’avait rien »,
resitue-t-il. À force de chercher des conseils sur internet, il tombe sur des vidéos
d’Oussama Ammar. Génial, il se reconnaît dans la débrouillardise, l’énergie et
l’envie de voir les choses en grand. « Avec Oussama, c’était plus facile de ne pas se
sentir seul », dit-il. Il lance sa boîte de réparation de téléphones, crée le site
iphonereparation.com - Apple ne propose pas encore de services de livraison -,
voyage en Chine pour récupérer des composants. « Je voulais être en mode start-up,
en mode The Family. » Il prend même le train, comme un pèlerinage rue du Petit-
Musc. Dans ses bureaux installés à Lyon, il accroche une fresque sur laquelle on
peut voir Elon Musk, Richard Branson et Oussama Ammar. « Quand je faisais des
visios, il y avait toujours quelqu’un qui me disait : moi aussi j’aime bien. »

Le 21 avril 2018, The Family fête ses cinq ans dans la démesure. Pour l’occasion, le
Palais de la Porte-Dorée, à la lisière du bois de Vincennes, a été transformé en
temple inca. Des cracheurs de feu, des danseurs et un orchestre de percussions
brésiliennes accueillent six cents invités déguisés en animaux sauvages. On ne
plaisante pas avec la fête. D’ailleurs, c’est ce que l’on tamponne sur le poignet des
invités à l’entrée : « Partying is a serious matter. » Nicolas Colin, Alice Zagury et
Oussama Ammar sont grimés en rois de la jungle. Il faut donner l’impression d’être
différents, de ne rien faire comme une entreprise classique. « On demandait aux
gens de choisir un animal totem en papier qu’un faux shaman jetait dans le feu », se
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souvient Foulques Jubert, qui a organisé la soirée. Montant de la facture : 120 000
euros. Rien n’est trop beau pour la vitrine.

Une parenthèse pour les non-initiés qui se demandent alors : tout cela est bien joli,
mais quel est le modèle économique ? Imaginons que les start-up soient des
chevaux : The Family dresse ses poulains, les élève et fait en sorte que les meilleurs
remportent la course. Seul bémol : la course dure au minimum cinq ans, parfois le
double. En attendant la ligne d’arrivée, il faut payer les charges, le loyer, les salaires
– bien au-dessus des prix du marché – et surtout, continuer à vendre du rêve. À ce
rythme, les millions levés brûlent comme un fétu de paille. Il faut donc toujours
trouver plus de cash.

 « On se laisse porter par les couleurs, le strass, les fêtes et à


un moment donné, on réalise qu’on se transforme en âne »,
un ancien employé de The Family

En 2018, le trio pense avoir trouvé la réponse aux problèmes de trésorerie : le fonds
de la famille princière du Liechtenstein (LGT) semble disposé à injecter 10 millions
d’euros dans The Family. Oussama Ammar mène les discussions avec maestria
quand soudain, son passé le rattrape. Il doit se présenter à la barre du tribunal
correctionnel de Nanterre pour l’affaire Be Sport. Dans sa plainte, le réseau social
l’accuse d’avoir détourné 95 000 euros. Les médias lui tombent dessus et déterrent
une autre affaire, Hypios. Les négociations avec le prestigieux fonds du
Liechtenstein sont mises entre parenthèses.
Oussama Ammar est meurtri et peine à le croire. Sept années ont passé mais ses
erreurs d’antan menacent de faire exploser le présent. Dans une salle de réunion, il
regarde ses mains et demande à ses deux associés s’il n’est pas temps pour lui de
partir. Pas question, lui répondent-ils. Ils ne le lâcheront pas au milieu de la
tempête. « S’il avait pensé pouvoir un jour refaire des malversations, c’est terminé,
songe alors Nicolas Colin. À présent, il va plus que jamais respecter les règles. » La
décision de justice de Be Sport tombe : quatre mois de prison avec sursis. Mais
Oussama obtient que la peine ne soit pas inscrite à son casier judiciaire, ce qui
rassure les troupes et les investisseurs potentiels. La preuve : le deal avec LGT est
finalement bouclé.

C’est reparti. Il faut bosser 70 heures par semaine, comme dans toute bonne start-
up. Des voix dissonantes commencent à se faire entendre : des soutiens de la
première heure se lassent ; des actionnaires questionnent les montages financiers et
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03/03/2023 23:49 Oussama Ammar : «On verra bien si je vais en prison» | Vanity Fair

leur « complexité abusive ». En interne, le chaos pèse sur les équipes : deux
directeurs financiers quittent la maison, lessivés. « Pendant un an et demi, je me
suis éclaté, dit un ancien. Mais j’ai délaissé ma vie perso, je travaillais sept jours sur
sept, j’ai pris vingt kilos et j’ai fait un burn-out. » Même le chief happiness officer –
« chef du bonheur au bureau », en français – n’en peut plus et quitte l’entreprise, en
arrêt maladie. Aujourd’hui, il compare The Family à l’île aux plaisirs de Pinocchio. «
On se laisse porter par les couleurs, le strass, les fêtes et à un moment donné, on
réalise qu’on se transforme en âne », soupire-t-il. L’engouement commence à se
dégonfler. Fin de la hype, comme on dit.

Il convient ici de révéler un secret : à cet instant de notre histoire, le trio est ébranlé
par une brouille d’ordre privé. Une dispute qui n’a l’air de rien mais quand même.
En 2019, Alice Zagury se pose des questions au sujet de la nouvelle vie d’Oussama.
Son « désir d’épater la galerie », ses nouvelles fréquentations la travaillent. Elle
décide d’avoir une conversation franche avec lui lors d’un dîner en novembre. « Je
lui ai dit sans détour ce que je pensais », se souvient-elle, convaincue qu’il
apprécierait cette franchise. C’est le contraire qui se produit : leur amitié soudain
vacille et chacun commence à prendre ses distances.

Déferle alors la pandémie mondiale. Fini les événements, les conférences et les
soirées. Au siège de The Family, on cumule les retards de loyer. Chacun gère la crise
chez soi et en visio- conférence. Pendant qu’Alice Zagury et Nicolas Colin sont sur le
pont, une question les taraude : mais où est Oussama ?

Il nous le confie aujourd’hui : après sept années infernales, le confinement a poussé


son désir de liberté à incandescence. « Les gens font ce qu’ils peuvent, les
gouvernements font ce qu’ils peuvent et moi, j’ai fait ce que je voulais », se rappelle-
t-il. Il organise de grands dîners chez lui, invite des chefs, remplit d’eau une piscine
gonflable au milieu du salon, part s’installer dans un château normand avec des
amis. « J’ai visité la chapelle Sixtine vide, je suis allé aux Maldives, au Mexique,
assure-t-il. J’ai refusé le jeu du Covid. » Quand la vie reprend enfin, la passion a
disparu. La panique des entrepreneurs, les prêts garantis par l’État et le « quoi qu’il
en coûte » ne l’amusent pas : « Ça m’a même rendu malade », dit-il.

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À l’indifférence s’ajoute le ressentiment. Alice Zagury suit le mode de vie


décomplexé de son associé sur Instagram. « C’est indécent, surtout en temps de
crise, se dit-elle. Quand on est capitaine, on doit montrer l’exemple. » À la fin de
l’été 2020, il faut gérer la crise, réduire les effectifs, penser à l’avenir de The Family,
mais lui veut déjà prendre le large.

Une question reste en suspens : où est passé l'argent ? Dans


des cryptomonnaies ? À Dubaï, aux Maldives ? Ou dans un
manoir normand ? 

Pour redresser la barre, Nicolas Colin remonte le fil des finances. Trois
investissements l’intriguent. Ils concernent plusieurs millions collectés en 2019 et
2020 pour prendre des participations dans Stripe, Airbnb et SpaceX – autant dire
un jackpot potentiel. Comme d’habitude, Oussama Ammar était à la manœuvre,
avec l’assentiment de ses associés. Colin lui demande des preuves des
investissements réalisés. Oussama botte en touche. Fin 2020, les doutes
commencent à affleurer. « Il ne répondait pas à nos demandes de documents et
d’explications, se remémorent les deux associés. On commençait à se rendre à
l’évidence : il était dangereux. »

Et comme si cela ne suffisait pas, des godfathers partent en guerre début 2021. Ils
demandent des comptes, critiquent la gestion de l’entreprise, pointent l’opacité
financière, le manque de transparence, les 20 millions d’euros de pertes cumulées.
Surtout, eux aussi suivent Oussama Ammar sur les réseaux sociaux et peinent à
comprendre : que se passe-t-il entre les trois associés ? « À ce moment-là, on faisait
tout le travail, on était en pleine crise, en pleine restructuration, dit Nicolas Colin,
alors on a fait corps. » Sur le site Medium, Alice Zagury écrira plus tard : « L’attaque
de la bergerie a protégé le loup. » Une question reste en suspens : où est passé
l’argent ? Dans des cryptomonnaies ? À Dubaï, aux Maldives ou un autre endroit
exotique ? Après des semaines d’enquête, Alice Zagury et Nicolas Colin ont
l’impression que les 3 millions manquants ont atterri quelque part en Normandie.
Mais où ?

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03/03/2023 23:49 Oussama Ammar : «On verra bien si je vais en prison» | Vanity Fair

Poing final. « Pendant le Covid, les gouvernements ont fait ce qu'ils ont pu et moi, j'ai fait ce que je voulais. » JÉRÔM E BONNET

Retour en 2018. Oussama Ammar vient de trouver un coin de paradis à deux heures
de Paris et quinze minutes de Honfleur : le domaine d’Ablon, un complexe hôtelier
pensé autour du raffine- ment, avec suites de luxe dans une grange, et sa promesse
d’un séjour hors du temps. Il rencontre le maître des lieux, Christophe Delaune, et
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03/03/2023 23:49 Oussama Ammar : «On verra bien si je vais en prison» | Vanity Fair

c’est le coup de foudre. L’entrepreneur a toujours rêvé d’une maison de campagne et


le châtelain cherche de l’argent pour agrandir le domaine. Ils se tapent dans la main.
L’un pilotera le chantier, l’autre trouvera les financements. Et ensemble, ils bâtiront
ce qu’ils appellent déjà le Petit Manoir.

NFT et auteurs de la Pléiade

Les travaux avancent, quand la réalité les rattrape en mai 2022. Nicolas Colin
appelle Christophe Delaune en furie : Oussama Ammar aurait détourné 3 millions
d’euros pour construire ce Petit Manoir. Le procédé serait d’une banalité
confondante. Delaune aurait avancé les travaux et Oussama Ammar les aurait
remboursés. « Qu’il soit impliqué ou non, Oussama restera mon ami », défend
Delaune. À cette époque, on l’a vu, Oussama Ammar a déjà quitté The Family depuis
presque six mois.

L’ancienne vitrine de la French Tech attaque aussi son cofondateur pour perte de
chance, puisque les investissements Stripe, Airbnb et SpaceX n’ont a priori jamais
été effectués. Or ces 3 millions d’euros en vaudraient plus du triple aujourd’hui.

Alors que restera-t-il d’Oussama Ammar ? Une décennie a passé depuis la création
de The Family. Le discours du jeune prodige a infusé auprès des entrepreneurs et
provoqué un mouvement dans la société, mais le monde a changé, l’argent coule à
flots, les ministres prennent des selfies aux côtés des fondateurs de licornes, les
start-up ont embauché des milliers des personnes tandis que certaines ont été
épinglées pour leurs pratiques managériales. « Oussama était la bonne personne il y
a dix ans, mais il ne le serait pas aujourd’hui, croit savoir Arthur Katz, un autre
actionnaire. Dans l’entrepreneuriat, on est passé des pirates aux bons élèves, et
Oussama parle aux pirates. »

Après avoir payé 1200 euros pour dîner avec Oussama Ammar, Jean-Bernard
Siboni a tourné la page. « J’ai passé l’âge de me dire que j’allais faire des milliards
dans la Silicon Valley. » Dans son bureau, il a retiré la fresque d’Elon Musk, Richard
Branson et Oussama Ammar.

« On peut dire ce qu’on veut sur The Family, nous répond le principal accusé. C’est un échec, mais pas si
noir, plutôt même vers le rose : il y a eu plein de victoires, sociales, culturelles, des gens qui ont changé de
vie, mais il n’y a pas eu LA victoire.

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03/03/2023 23:49 Oussama Ammar : «On verra bien si je vais en prison» | Vanity Fair

– À quoi aurait ressemblé LA victoire ?


– Créer une boîte type Facebook, quoi. »
Le Uber s’approche des arènes d’Arles, bâties en 80-90 après J.-C. sur les ordres de
l’empereur Tibère. Oussama Ammar retrouve Sofiane Pamart. À l’issue du concert,
il fume un cigare dans les loges de l’amphithéâtre antique, quand le pianiste
s’approche avec une surprise : un disque d’or, offert pour ses conseils et son amitié.
Oussama sait où il va le mettre : au Petit Manoir, évidemment.

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Revenons au début de notre histoire : son départ de The Family a été annoncé à 14
heures un jour de l’automne 2021. À 18 heures, Oussama Ammar proposait déjà à
Sofiane Pamart de lancer un projet de NFT. Aujourd’hui, il semble avoir retrouvé
l’énergie des débuts. Mille projets l’électrisent : réinventer l’hôpital, reconstruire
l’école, lancer un studio d’animation façon Miyazaki, et le plus ambitieux de toute
son existence... la création d’un monde virtuel. Il nous détaille sa vision d’une
organisation autonome et décentralisée avec sa monnaie propre et son système de
représentation arbitré par une intelligence artificielle.

On écoute sans tout comprendre, comme s’il nous pitchait un énième projet. À cet
égard, dit-il, ses neuf années chez The Family étaient une sorte d’« entraînement ».
Le mot nous surprend et il savoure son effet. « Je repars de zéro, dit-il. Mais si je
réussis, on en parlera encore dans mille ans. » Et de citer une formule qu’il attribue
aux auteurs de la Pléiade : « Nos corps sont mortels, mais nos œuvres sont
immortelles. » Pour l’heure, il traîne sa valise dans l’amphithéâtre et prend des
photos pour sa prochaine story Instagram.

Arthur Cerf

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